vendredi 25 février 2011

Dressé pour Tuer / White Dog

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviecovers.com

de Samuel Fuller. 1982. U.S.A. 1h30. Avec Kristy McNichol, Christa Lang, Vernon Weddle, Jameson Parker, Karl Lewis Miller, Karrie Emerson, Helen Siff, Glen Garner, Terrence Beasor, Tony Brubaker...

Sortie Salles France: 7 Juillet 1982

FILMOGRAPHIE: Samuel Fuller est un réalisateur américain, né le 12 août 1912 à Worcester (Massachusetts), décédé le 30 octobre 1997 à Hollywood (Californie). 1949 : J'ai tué Jesse James, 1950 : Le Baron de l’Arizona, 1950 : J'ai vécu l’enfer de Corée , 1951 : Baïonnette au canon , 1952 : Violence à Park Row , 1953 : Le Port de la drogue , 1954 : Le Démon des eaux troubles, 1955 : La Maison de bambou, 1957 : China Gate, 1957 : Le Jugement des flèches , 1957 : Quarante Tueurs, 1958 : Ordres secrets aux espions nazis, 1959 : The Crimson Kimono, 1960 : Les Bas-fonds de New-York, 1962 : Les maraudeurs attaquent,1963 : Shock Corridor, 1964 : Police spéciale, 1970 : Caine (Shark!), 1980 : Au-delà de la gloire, 1982 : Dressé pour tuer, 1983 : Les Voleurs de la nuit, 1988 : Sans espoir de retour.


Remember. En 1980, Samuel Fuller évoqua un vibrant témoignage avec The Big Red One, film de guerre  autobiographique illustrant les combats intensifs de quatre GI's escortés par leur officier durant la seconde guerre mondiale. C'est d'ailleurs durant sa jeunesse que le réalisateur s'engagea dans cette première division d'infanterie surnommée la "Big Red One". Mais deux ans plus tard, et de manière à la fois marginale et originale, il aborde le problème du racisme avec Dressé pour Tuer. Si bien que cette haine de l'étranger symptomatique aux xénophobes est ici caractérisé par un chien d'attaque, un berger allemand conditionné à agresser les gens de couleur. Tiré du roman Chien Blanc de Romain Gary, ce récit rigoureusement bouleversant (attention euphémisme) fut interdit en salles aux Etats-Unis, faute d'avoir été taxé de production raciste (!!! ???, on croit rêver). Quelques années plus tard, il bénéficiera tout de même d'une diffusion TV sur les chaines câblées américaines mais dans une version complètement tronquée. Or, c'est finalement en Europe qu'il sera proposé dans sa version intégrale. 

Le PitchJulie est une actrice novice vivant reclus dans sa villa de Los Angeles. Un soir, elle renverse un chien blanc avec son véhicule et s'empresse de le faire soigner chez un vétérinaire. Finalement, elle décide de l'adopter quand bien même l'animal la sauvera plus tard d'une sauvage agression de viol. Mais un jour, alors qu'elle se rend sur le tournage de sa nouvelle production, sa collègue étrangère se fait sauvagement agresser par son chien. Julie s'aperçoit avec effroi qu'il a été dressé pour attaquer les gens de couleur noire. Après mûre réflexion, elle décide de l'emmener chez un dresseur chevronné pour tenter de le guérir de sa haine meurtrière.


En dépit du côté racoleur de sa jaquette Vhs éditée aux states et en France à l'orée des années 80, Dressé pour tuer n'est point le film d'horreur erratique mettant en valeur les exactions spectaculaires d'un monstre canin voué à terrifier. A contrario, l'affiche française ne tombera pas dans le piège mercantile du simulacre en axant plutôt son visuel sur le profil empathique de l'héroïne enlaçant son chien derrière les barreaux d'une cellule. Puissant plaidoyer contre la discrimination raciale, Samuel Fueller souhaite notamment dénoncer le traitement infligé aux canins conditionnés à être battus dès leur plus jeune âge par des individus de race noire, eux mêmes exploitées par la race blanche. Un endoctrinement insidieux, de manière à ce que l'animal puisse se révolter dès maturité contre ses oppresseurs et ainsi procréer une haine meurtrière incurable. En filigrane, le réalisateur effleure notamment au passage les conditions barbares de l'euthanasie des chiens embrigadés au sein des refuges. Ainsi, durant une majeure partie du récit, et après les incidents sanglants perpétrés par le chien, l'action se confine autour d'un centre de dressage pour nous dépeindre l'ambition obsessionnelle d'un homme noir à sevrer l'animal conditionné à tuer.


Or, à la suite d'un incident,  sa nouvelle motivation sera également une manière tacite de prouver à son peuple noir que le racisme peut être stérilisé à travers un long sevrage inscrit dans la discipline, la persévérance et la tolérance, mais aussi la complicité et la loyauté amicale. Que cette coutume inhumaine, perpétrée depuis des siècles sur l'exploitation des bergers allemands puisse enfin connaitre un signe d'essoufflement et prémunir la cause raciale. Avec émotion scrupuleuse, Samuel Fuller oppose donc des scènes de confrontation entre le dompteur et l'animal, la plupart des séquences de dressage déclenchant chez nous une implication infiniment empathique pour le sort de ce dernier et cette crainte grandissante quand à l'enjeu de victoire ou de déroute. Ce face à face percutant réservant des moments psychologiques éprouvants de par sa manière documentée, minutieuse d'entraîner le chien vers la sagesse tout en escomptant sa prochaine désintoxication. Il est notamment impossible d'oublier d'évoquer juste avant sa conclusion l'aspect cynique d'une autre confrontation entre Julie et le tortionnaire, le vrai responsable de la machine à tuer. Mais chut, n'allons pas plus loin afin de préserver cet effet de surprise dans toutes les mémoires des cinéphiles.  


Chien blanc
Soutenu du score sensitif d'Ennio Morricone, Dressé pour tuer reste des décennies après sa sortie aussi incisif pour son réquisitoire anti-raciste que passionnant quant à l'endurance du sevrage imputé à l'animal. L'empathie et l'(inégalable) acuité dramatique éprouvée pour son éventuelle rédemption insufflant des moments d'émotion aussi bien tendus que bouleversants. Quand bien même les incidents sanglants qui irriguaient l'intrigue lors du 1er acte de façon sciemment réaliste suscitèrent effroi et embarras juqu'au malaise moral. Manifeste à la fois implacable, sensible et douloureux, Dressé pour tuer reste un chef-d'oeuvre à l'humanisme désespéré si bien que l'on sort de cette épreuve de force élégiaque désarmée d'impuissance et d'amertume. Du grand cinéma social à la fois salutaire, engagé et romantique d'une sensibilité à fleur de peau pour tenir lieu de la cause animale. Un pavé anti-raciste à marquer d'une pierre blanche. 

* Bruno
17.02.11   4.

 


4 commentaires:

  1. Un film tout simplement magnifique et boulersant. J'ai toujours la gorge serrée à la fin. Dommage que le film n'est pas été reedité chez nous, heureusement j'ai toujours ma vieille VHS !

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  2. un choc, une démonstration sans concession sur les ravages du racisme ! de Fuller, je retiens également un autre chef d'oeuvre radical dans son approche, et tu l'as deviné je pense: "Shock corridor"

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  3. La mémoire me joue des tours... J'avais en tête que c'était un bull terrier avant de me rappeler du film (français) "Baxter" qui n'a strictement rien à voir avec celui de l'excellent Fuller, mais que j'ai dû voir également à la même époque, quand j'étais encore enfant.

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