lundi 7 mars 2011

SLICE (Cheun)

                             

de Khomsiri Kongkiat. 2010. Thailande. 1H38. Avec Plengpanich Chatchai, Amornsupastri Arak, Chitmanee Sontaya, Pasaphan Jessica.

BIO: Après Art of the devil 2 et 3, Chaiya et Boxers, il s'agit du 5è long-métrage du thailandais Khomsiri Kongkiat, également scénariste en intermittence.

LE SUJET: Un ancien tueur à gages purgeant une peine de prison se voit offrir l'opportunité d'effacer son casier judiciaire s'il trouve d'ici 15 jours le coupable, responsable d'une vague de crimes sordides commis dans une ville foisonnante de Thaïlande.

                         

LA MORT DU CHAPERON ROUGE.
Dans la mouvance d'un thriller horrifique estomaquant, taillé à la serpe, Khomsiri Kongkiat va triturer nos habitudes de spectateurs confortés dans la tradition de ces ingrédients habituels maintes fois dupliqués et/ou falsifiés (ref: seven).
Un genre contemporain rendu balisé et orthodoxe alors qu'ici le réalisateur investi dans une structure singulière va avant tout nous évoquer avec une maestria indiscutable une douloureuse évocation infantile. En même temps de nous livrer un bouleversant portrait de tueur en série comme on en n'a rarement vu au cinéma (qui a déjà versé une larme devant un thriller horrifique malsain, pervers et suffocant ?)

                      

L'histoire hybride qu'il nous narre à pour but de décrire un traumatisme indélébile lié à l'enfance battue, torturée, réduite à la déchéance dans l'âme souillée avec tout ce que cela comporte comme séquelles irrémédiables et irréversibles.
Un groupe d'enfants sauvages et rebelles vont porter atteinte à la dignité avec un nouveau venu de la partie. Un adolescent clairsemé, solitaire et réservé, fréquemment battu par son paternel alcoolique et pédophile !
Dans cette bande de petits caïds livrés à eux mêmes, l'un des leurs va se lier d'amitié avec le souffre douleur souvent impuissant par tant de sévices invoqués et d'humiliations quotidiennes répétées en leur faveur. Et le calvaire ne fera que s'amplifier quand le jeune garçon retrouvera son foyer pour affronter son père névrosé rongé par l'alcool. Un déchet putassier de l'inhumanité ayant perdu toute notion de moralité et d'humilité.                                
De cette liaison inopinée entre les deux jeunes enfants va se nouer une douloureuse histoire d'alliance, d'affection et de fraternité dans un monde sans pitié régi par la violence omniprésente des bas quartiers thailandais.
On devine alors très rapidement que le tueur incriminé n'est autre que cet enfant révolté, totalement dénaturé d'émotion ou d'une parcelle de tendresse au vu des corps décharnés pour les victimes retrouvées, décomposées ou taillées en morceaux.
C'est son ancien ami de longue date qui aura la lourde tâche de le retrouver dans une ville fuyante et hostile pour enrayer ces épouvantables crimes perpétrés.
Mais ce voyage au bout des ténèbres n'est pas au bout de nos peines et de nos surprises quand à connaitre la véritable révélation identitaire du fameux tueur encapuchonné d'une chape rouge ! Et cela même si on démasque au bout des 20 dernières minutes le vrai coupable présumé, un autre coup de théâtre beaucoup plus éloquent viendra rebondir, tout remettre en question et bouleverser cette improbable histoire d'amour et d'amitié !

                                

Dans une mise en scène destructurée des conventions habituelles au genre et des tics de poncifs tant rebattus, Khomsiri Kongkiat va nous entrainer dans une éprouvante descente aux enfers stylisée qui sait parfaitement où elle souhaite nous mener. Au règne du chaos !
Cette réalisation dénaturée fourmille d'idées incroyables, d'un adroit sens visuel, d'une grammaire conductrice iconoclaste, de poésie nonchalante avec la nature épanouie, d'hommages et de clins d'oeil à tout un pan du thriller transalpin (voir l'hallucinante scène baroque et psychédélique de la boite à partouze, l'accoutrement flamboyant du tueur ou bien cette balle visée dans la bouche d'un flic).
La forme esthétique est accentuée par une éclatante photographie saturée, véritable raffinement où chaque plan noyé de chaudes couleurs illumine nos yeux.
Cet électro-choc pesant et foudroyant malaxe avec une incroyable maitrise nos émotions partagées par une sèche crudité dans sa violence retransmise de manière frontale, sans anesthésie et notre bouleversement face à un portrait de tueur hétéroclite, consolidé dans la douleur autant physique que morale. Un constat alarmant de deux êtres brimés qui ont tout perdu de leur fatal destin, annihilé par le spectre de la violence sournoise et la torture tendancieuse au service du Mal.
Un réalisme parfois difficilement supportable bien que suggéré dans les séquences les plus poignantes parce que totalement au service de la psychologie meurtrie de ces personnages . Surtout quand on touche à l'innocence et l'insouciance de l'adolescence.

                    

Le final déchirant laisse place à la désuétude, à un appel désespéré pour la délivrance au nom de l'amour. Un témoignage librement avoué d'une magnifique histoire d'amants retrouvés, de coeurs laminés à jamais sur leur fin de tragédie.
Ce qui nous achèvera lourdement dans un tourbillon de révolte, une compassion dérangée d'avoir été le témoin d'un destin innomable.
Le reflet tristement universel de ce que l'être humain pathétique, rendu perverti contre son gré est capable de nous communiquer. Retransmettre par la barbarie sa haine extériorisée dans notre monde vilipendé. Bienvenu en enfer.
Un chef-d'oeuvre ambivalent, les yeux rougis par l'amertume de nos larmes sanguines, le teint blafard dont on sort d'un pas trainant sans évoquer une réaction définie !

DEDICACE A CHRISTOPHE DE LA GORGONE.

24.08.10

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