mardi 31 mai 2011

STUCK. Corbeau d'Argent BIFFF 2008.


de Stuart Gordon. 2007. U.S.A/Angleterre/Canada. 1h26. Avec Mena Suvari, Stephen Rea, Russel Hornsby, Rukiya Bernard.

Corbeau d'argent au BIFFF 2008.

FILMOGRAPHIE: Stuart Gordon est un acteur, producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 11 Août 1947 à Chicago, dans l'Illinois.
1979: Bleacher Bums (Téléfilm), 1985: Ré-animator, 1986: From Beyond, 1987: Dolls, 1988: Kid Safe: the vidéo, 1990: Le Puits et le pendule, La Fille des Ténèbres (téléfilm), Robot Jox, 1993: Fortress, 1995: Castle Freak, 1996: Space Truckers, 1998: The Wonderful Ice Cream Suit, 2001: Dagon, 2003: King of the Ants, 2005: Edmond, Master of Horrors (2 épisodes), 2007: Stuck, 2008: Fear Itself (1 épisode)

                                     

Deux ans après l'excellent Edmond, itinéraire morbide d'un sociopathe sur le déclin, Stuart Gordon renoue avec l'horreur sociale chez un fait divers sordide à peine probable dans ses exactions tolérées par des protagonistes dénués de toute dignité humaine. Une jeune infirmière est prochainement créditée à un poste supérieur pour la résultante de ses aptitudes professionnelles.Un soir, après avoir pris quelques substances illicites dans une boite de nuit, elle renverse sur la route un sdf littéralement encastré dans son pare-brise. Après avoir hésité à se rendre aux urgences, elle décide de ramener l'estropié dans son garage.

                                        

Ce métrage d'un ancien maître de l'horreur est une fois de plus passé par la case DTV et au vu du résultat estomaquant on ne peut que déplorer cette politique inéquitable privilégiant les blockbusters et autres produits familiaux mercantiles éludés d'originalité. Et en évoquant l'excentricité, cette histoire sidérante d'ironie sardonique est d'autant plus terrifiante qu'elle est tirée d'un fait divers à peine sensé dans son nihilisme subversif ! Dès le préambule, à la fois cynique et caustique, Stuart Gordon s'attache à nous décrire une société égocentrique et méprisable chez les citoyens les plus démunis réduits à la précarité et au chômage. En priorité, du point de vue de ce SDF néophyte contraint d'attendre près de 3 heures dans une salle d'attente pour un RV professionnel infructueux dans une agence. Après sa vaine journée, il décide de s'endormir sur le banc d'un parc public alors qu'un policier intransigeant ira le menacer au milieu de la nuit pour quitter les lieux au risque d'être embarqué vers le poste le plus proche. C'est sur son chemin entrepris vers le local d'une mission que l'homme va être violemment percuté par le véhicule d'une aide-soignante éméchée, pourtant réputée pour sa labeur et son honnêteté à s'occuper courageusement des personnes âgées dans son service hospitalier. Seulement, cette aimable demoiselle éprise d'un amant volage décide en guise de panique d'enfermer l'homme gravement blessé à l'intérieur de son garage ! Après avoir téléphoné de son domicile le service des urgences directement relié à un répondeur automatique, elle renonce à porter assistance à la victime. Terrifiée à l'idée d'imaginer qu'elle puisse se retrouver derrière les barreaux, elle décide en désespoir de cause d'appeler son ami pour entreprendre une solution plus radicale.

                                       

Terrifiant de cynisme face à ses personnages crapuleux sans vergogne et glaçant d'immoralité pour leurs états d'âme, Stuart Gordon dresse un impitoyable constat d'une société de déshumanisation en chute libre ! Il nous envoie en pleine face ce que l'être humain est capable de commettre de pire pour la valeur de son égo mais aussi pour contrecarrer la justice répréhensible. Cette jeune fille entièrement responsable d'un grave accident commis contre un pauvre quidam est si terrifiée à l'idée d'avoir elle même créé cette situation alarmiste qu'elle décide lamentablement d'envisager le pire pour se débarrasser furtivement du fardeau. C'est donc le portrait effarant d'une galerie de personnages lambdas consolidés dans la lâcheté, l'égoïsme, l'hypocrisie et l'individualisme que nous illustre avec causticité Stuart GordonLe constat est sans appel dans son contexte tristement actuel car bien inscrit dans notre réalité contemporaine ! Le citoyen s'étant au fur et à mesure muté en véritable monstre irresponsable, faute d'une société militant pour l'arrivisme et engendrant par cette occasion l'incommunicabilité des individus repliés sur eux-même. Partant d'un concept hallucinant de dérision sordide, les nombreux rebondissements qui émaillent le récit ne cessent de surprendre pour relancer une intrigue dense et passionnante auquel les protagonistes désincarnés vont se livrer à une rivalité frénétique au nom de l'égotisme. La charmante Mena Suvari était innée pour interpréter ce rôle de jeune effrontée proprement abjecte dans son immoralité putassière, faute d'une peur panique de s'attirer les ennuis judiciaires. Quand à l'excellent Stephen Rea, il campe adroitement le personnage du Sdf avec un flegme empathique pour sa lente descente aux enfers impliquant un véritable parcours de combattant à tenter de se dépêtrer d'une folie meurtrière.

                                      

L'horreur est humaine.
Mené sans temps morts, violemment incisif et agrémenté de touches d'humour noir cinglantes, Stuck demeure un uppercut émotionnel. Un authentique film d'horreur acéré et jusqu'au-boutiste dans sa folie immorale, l'être humain étant ici rattaché à son instinct de turpitude et de condescendance au mépris de son voisin. Une farce acide à l'esprit tendancieux, viscéralement dérangeante pour le tableau imputé à notre incivisme !

Bruno Matéï

lundi 30 mai 2011

JULIA


d'Erick Zonca. 2007. France/U.S.A. 2h20. Avec Tilda Swinton, Saul Rubinek, Kate del Castillo, Bruno Bichir, Jude Ciccolella, Aidan Gould.

Sortie ciné en France le Mercredi 12 Mars 2008.

FILMOGRAPHIE: Érick Zonca est un scénariste et réalisateur Français né le 10 septembre 1956 à Orléans.
1998: La vie rêvée des Anges
1998: Le Petit Voleur
2008: Julia

                           

Il aura fallu attendre 10 ans pour voir débarquer le nouveau projet d'Erick Zonca parti s'exiler en Californie et au nouveau Mexique pour les besoins de ce road movie intense et captivant. Sous ses airs influents de Gloria de Cassavetes, Julia réussit habilement à détourner les conventions balisées du genre pour nous livrer un thriller sur route aléatoire et poignant, dédié à la personnalité éthylique d'une femme sans ambition sur la déroute.

Julia est une quarantenaire alcoolique et marginale cumulant les conquêtes d'un soir et les beuveries des bars branchés afin d'éclipser sa vie esseulée. Un jour, sa voisine névrosée et dépressive d'une existence noyée dans la solitude lui propose un marché singulier ! Kidnapper son propre enfant prisonnier de son riche grand-père en fin de vie et ainsi faire bénéficier à Julia une forte somme d'argent. Au départ perplexe, celle-ci accepte tout en complotant indépendamment un autre scénario. C'est à dire faire chanter cette femme démunie contre une rançon beaucoup plus faramineuse. Mais rien ne va se dérouler comme prévu.

                         

Road Movie sillonnant les routes de Californie et du Mexique dans la mise en forme d'un thriller réaliste, Julia est tout autant un superbe portrait de femme aussi désenchanté que fructueux dans son climax impondérable.
A travers le rapt sordide d'un enfant mis à la garde de son grand-père, Erick Zonca nous fait partager la relation contrainte entre deux êtres opposés qui vont devoir s'accepter durant un long cheminement inépuisable. L'une est une femme perfide et révoltée au bord du marasme, l'autre, un petit garçon innocent privé de sa mère qu'il a depuis longtemps oublié. Ensemble, ils vont devoir apprendre à s'accepter pour finalement s'entraider et faire face à quelques évènements majeurs compromettant fortement les lourds enjeux négociés au préalable.
C'est cette narration totalement imprévisible empêchant le film de s'embourber dans la routine d'un road movie lattent qui permet au spectateur de suivre une histoire d'enlèvement à l'ironie pittoresque dans l'implication d'un trio inopiné de kidnappeurs obsédés par l'appât du gain.
Le réalisateur photographie avec souci de réalisme proche du documentaire un pays américain divisé en deux contrées distincts. L'état de Californie pour la première partie du récit et celui du Mexique situé en Amérique du nord pour une seconde partie octroyée à la fuite irréversible de nos héros méthodiquement traqués. C'est ce second segment beaucoup plus percutant, haletant et violent qui va permettre de relancer l'intérêt de son intrigue. En effet, un revirement narratif va faire basculer le film dans un climat beaucoup plus pernicieux et ombrageux dans le refuge d'une capitale corrompue par toutes formes de délinquance (au cours des quatre dernières années 2007-2011, les violences liées aux narco-trafiquants auront fait plus de 34 600 morts).

                       

Mais Julia, le film, doit de prime abord sa réussite à la forte personnalité de son actrice principale incarnée par Tilda Swinton, saisissante de spontanéité révoltée, naïve et maladroite de s'empêtrer dans les pires scénarios envisagés. Irascible, irritable et névrosée par sa dépendance à l'alcool, son évolution personnelle engagée dans l'illégalité répréhensible et le meurtre va toutefois lui permettre de renouer avec un regain de tendresse maternelle dans son ultime point d'orgue caustique décisif. L'enfant endossé par Aidan Gould réussit avec sobriété à éviter l'écueil caricatural du souffre douleur docile et apporte une crédibilité discrète suffisamment tempérée pour convaincre. Un enfant candide jamais niais à dévoiler ses bons sentiments mais plutôt contraint de devoir accepter et affronter des situations parfois crapuleuses pour un si jeune âge.

Mis en scène avec maîtrise et autorité, Erick Zonca réfute les poncifs redoutées dans ce type de scénario orthodoxe et livre un superbe portrait anticonformiste de femme insidieuse peu recommandable. Une alcoolique désoeuvrée au caractère erratique, fustigée et dénigrée de son ego mais qui finalement retrouvera une certaine forme de repentance dans ses exactions perpétrées pour la quête de l'or. Pour renouer en dernier ressort avec l'instinct maternel inné en chaque femme destituée de tendresse filiale.

Dédicace à Jonathan Charpigny.
30.05.11
Bruno Matéï.

                      


dimanche 29 mai 2011

BIUTIFUL. Prix d'Interprétation à Cannes, Oscar du Meilleur Acteur pour Javier Bardem.


de Alejandro Gonzalez Inarritu. 2010. U.S.A/Mexique. 2h18. Avec Javier Bardem, Maricel Álvarez, Eduard Fernàndez, Diaryatou Daff, Cheick N'Diave. 

Sortie en salles en France le 20 Octobre 2010.

FILMOGRAPHIE: Alejandro Gonzales Inarritu est un réalisateur et producteur mexicain né le 15 Aout 1963 à Mexico.
2000: Amours Chiennes
2003: 21 Grammes
2006: Babel
2010: Biutiful

                          

Après Babel qui sondait la solitude existentielle et le désarroi à travers le destin croisé de différents personnages dans les pays du Maroc, des U.S.A, du Mexique et du Japon, Alejandro Gonzales Inarritu 
illustre avec Biutiful le parcours désespéré d'un marginal condamné par la maladie du cancer, mais délibérer à tenter de rehausser une vie miséreuse pour l'amour de ses enfants et sa femme fluctuante.

Uxbal est un père séparé à la charge de deux enfants, responsable d'une entreprise illégale exploitant des immigrés clandestins (sénégalais et chinois) pour la fabrication de sacs à main. Sa femme, Marambra est atteinte de troubles bipolaires et ne peut plus bénéficier de la garde de ces enfants. Alors que Uxbal va apprendre subitement qu'il est atteint d'un cancer de la prostate, ses affaires commerciales vont davantage le mettre dans une situation précaire largement contraignante pour l'avenir de sa progéniture.

                        

Avec son quatrième long-métrage tout aussi sensiblement introspectif que ces prédécesseurs dans la caractérisation de personnages chétifs en situation alarmiste, Alejandro Gonzales Inarritu livre son film le plus dur, le plus opaque et dépressif qui soit.
Ce portrait empli d'aigreur d'une famille précaire en situation alerte nous entraîne dans une descente aux enfers terrestre livrée aux tourments de l'âme humaine avec une acuité déprimante proche du marasme.
Dans une cité urbaine insalubre livrée au chômage et à la montée de l'immigration clandestine, un père de famille tente de survivre en exploitant des émigrés faméliques pour le compte d'une entreprise de fabrication de sac à main vendus dans les marchés, et sous l'oeil complice d'une police avilie.
Avec l'aide de deux comparses asiatiques sans scrupule mais contraints de se soumettre à l'illégalité bon marché pour la loi de la survie, Uxbal gère malgré tout ses affaires commerciales perfides avec un certain sens de la dignité humaine puisque attentif, jamais indifférent à la condition d'hygiène et au salaire versé pour ses migrants venus de l'étranger. Des hommes courageux savamment exploités mais aussi des mères de famille fébriles obligées en surplus de nourrir leurs bambins parqués dans un dortoir industriel impromptu.
En parallèle, Uxbal doit autant faire face à la gestion pédagogique de ses enfants séparés d'une mère maniaco-dépressive mais déterminée à renouer affectivement avec celui-ci. Alors que son frère mafieux, indocile et flâneur profite de la détresse de Marambra pour flatter sa libido sexuelle, Uxbal apprend qu'il est atteint d'un cancer incurable. Il va tenter en désespoir de cause de se raccrocher au fil de sa vie avec l'espoir de renouer avec une parcelle de bonheur pour l'équilibre de sa famille. Mais un horrible drame se profile à l'horizon !

                            

Sur fond de misère sociale, Biutiful est l'un des plus durs portraits jamais réalisés d'un homme sur le déclin vivant ses derniers instants dans un environnement glauque et sordide par faute d'une société monolithique gangrenée par le chômage et la fatalité d'une délinquance qui en émane.
Par l'entremise d'une mise en scène limpide et assidue prenant soin de nous illustrer avec une acuité sensitive ses personnages surmenés en détresse inflexible, le réalisateur évoque en toile de fond l'affre de la maladie et la mort qui en résulte. Le refus de s'y résoudre, craindre sa dégénerescence physique, se raccrocher désespérément à sa foi, aussi morne et inespérée qu'elle soit. Chaque protagoniste dépeint avec un soin humaniste alerte et souci de réalisme tangible, est livré à la dure loi de la survie dans un monde impitoyable où une immigration davantage expansive peine à ériger un semblant de vie plus paisible et équilibré.
Dans cet univers suffocant d'un appartement délabré, un couple anarchique tente de renouer une ultime fois avec l'idylle d'autrefois pendant que les enfants, hésitants et attentifs à une situation en dent de scie vont malgré tout se reporter dans la tendresse inculquée de leurs parents.

                        

Entièrement bâti sur les épaules d'un acteur de prestige, Javier Bardem se révèle littéralement époustouflant (son meilleur rôle ?) dans celui d'un personnage désabusé, contraint de se soumettre à l'illégalité pour la postérité de sa famille. Un homme malmené incessament préoccupé, débordant d'empathie et d'humilité pour des étrangers tout aussi désoeuvrés, sur le fil de la déchéance miséreuse. Rongé par le remord, la défaite, l'amertume, l'iniquité injustement répréhensible, sa détermination de se battre malgré tout jusqu'au bout magnifie un personnage terrifié à l'idée de laisser ses enfants sur le bord de la route. Son dernier testament négocié avec une jeune sénégalaise hésitante achève un épilogue mortuaire redouté littéralement bouleversant. Un moment de tendresse élliptique imprévu d'une fragile intimité qui chamboule au dela du générique de fin un spectateur abbatu avec une intensité émotionnelle quasi insupportable.  
L'incroyable interprétation de Maricel Álvarez impose autant d'empathie et d'élégie affectée dans celle d'une mère maniaco-dépressive immature en déroute, éprise d'amour éperdu pour son mari mais incapable d'endosser son rôle maternel afin d'équilibre un foyer conjugal sans cesse destructuré. Son physique burriné de paumée écorchée vive au grand coeur inscrit un implacable désarroi déchirant d'authenticité meurtrie.

Dans une photographie aux teintes naturalistes et funestes, Biutiful est un inoubliable drame humain d'une noirceur immuable et d'un désespoir social cruellement éprouvant pour le spectateur noyé dans un univers hypothétique sans issue de secours. En éludant avec dextérité le recours aux effets pompeux du pathos et du misérabilisme coutumier privilégié par la tempérance pleine d'humilité des comédiens immergés.  
Seul, l'amour rédempteur d'un père galvaudé réuni une dernière fois dans les bras de sa fille mûrissante libère un acte salvateur compromis sur les liens du coeur et d'une réminiscence. Pour ne jamais oublier l'âme d'un père déçu...

29.05.11.
Bruno Matéï.

 

jeudi 26 mai 2011

L'ENFANCE NUE. Prix Jean Vigo 1969.


de Maurice Pialat. 1968. France. 1h23. Avec Michel Terrazon, Raoul Billerey, Maurice Coussonneau, Pierrette Deplanque, Linda Gutemberg, Marie Marc, Heny Puff, Marie-Louise Thierry et René Thierry.

Sortie Salles France: 22 Janvier 1969.

FILMOGRAPHIE: Maurice Pialat est un réalisateur français né le 21 aout 1925, mort d'une maladie rénale le 11 janvier 2003 à Paris. Il avait 77 ans.
1968: l'Enfance nue, 1970: la Maison des Bois (série TV), 1972: Nous ne vieillirons pas ensemble, 1974: La Gueule ouverte, 1978: Passe ton bac d'abord, 1980: Loulou, 1983: A nos amours, 1985: Police, 1987: Sous le soleil de Satan, 1991: Van Gogh, 1995: Le Garçu.

                         

C'est quand les choses vont mal que je suis le mieux.
Je réussis au moins ça. De là à dire qu'il faut que ça aille mal pour
que je me retrouve et que je fais exprès de foutre la merde…"

Maurice Pialat, mai 1992.

Avis subjectif d'un puriste amateur.
Produit par les cinéastes Vera Belmont, Claude Berri, Mag Bodard et François Truffaut, l'Enfance nue est le premier essai derrière la caméra du grand Maurice Pialat. Un témoignage touchant sur la région nordiste de la France en pleine période de crise culturelle, sociale et politique (le fameux Mai 68) sous le regard d'un enfant révolté destitué de ses parents natifs.

François est un jeune garçon de 13 ans, introverti, instable et impulsif, abandonné très tôt par ses parents et trimballé depuis dans des familles d'accueil ayant difficilement autorité à son égard.
Renvoyé vers un autre foyer, ces nouveaux parents sont des personnes âgées sevrées aux liens de filiation adoptive car déjà à la charge du jeune Raoul, enfant de la DASS assez respectueux mais fragile et soucieux de ne pas connaître la véritable identité de ses parents originels.

                         

Conçu comme un reportage façon cinéma vérité, Maurice Pialat nous conte avec souci d'humanisme et authenticité tangible l'histoire d'une époque révolue dans la région du Nord-Pas de Calais à l'aube des années 70.
Avec une précision consciencieuse à ausculter les états d'âme de nos protagonistes débordant de spontanéité et de bon sens, le réalisateur porte un regard chaleureux, attendri sur les petites gens, les ouvriers et les mineurs de fond dans la contrée de Lens. Une région typiquement ch'ti où s'amoncellent au delà des horizons quelques montagnes grisonnantes de charbon noir, aux abords des cités de coron.
Par le regard innocent d'un enfant de 13 ans, l'Enfance nue est un hommage à une époque charnière de toute une population travailleuse réputée pour sa bonhomie, son franc parler d'accent nordiste et sa modeste simplicité. Le film rempli d'humilité est un hymne vibrant à l'apprentissage de la vie, aux prémices de notre enfance attendrie par le cheminement versatile d'un garçon esseulé sans véritable repère, en quête éternelle d'amour et de reconnaissance.
Ces tranches de vie inscrites dans la quotidienneté désaturée d'une époque obsolète nous font revivre avec souci de véracité les moments inconscients de notre enfance en émoi et des toutes premières fois. La curiosité indocile de la première cigarette fumée avec les copains dans un coin de cachette, la bagarre de collège avec un fauteur de trouble, le mariage festif d'un beau-frère sous un air de valse populaire, l'expérience du deuil avec la mamie âgée partie subitement sur son lit de chevet, la fête foraine de la ducasse ou encore la projection d'un film dans une salle de ciné devant les yeux captivés de François, dégustant un cône glacé à la vanille.

                            

C'est toute notre enfance personnelle qui remonte à la surface de nos réminiscences que Maurice Pialat dépeint avec une acuité humaine particulièrement frêle et sensorielle.
Il affiche également au premier abord, non sans une certaine brutalité rugueuse (on perçoit l'improvisation de certaines séquences afin de retranscrire au mieux la dure réalité des faits), la dureté incongrue et la cruauté insensée de l'enfance fustigée, dépréciée, abandonnée par la filiation parentale. Des enfants souvent très jeunes réunis par centaine dans des foyers spécialisés en l'attente d'une famille d'accueil (dans notre pays, 100 000 bambins sont séparés de leur famille en 1968). Des parents impromptus qui sauront peut-être capable de leur redonner l'affection requise dont ils ont été depuis si longtemps proscrits.

                          

LA SEPARATION.
Hormis un jeu parfois théâtral de certains des comédiens (souvent amateurs), l'Enfance nue est un très beau portrait sans fioriture ni mièvrerie d'un garçon marginal en demi-teinte, aussi instable et discrètement rebelle que profondément esseulé et altruiste, en quête perpétuelle d'affection parentale.
A la manière d'un documentaire pris sur le vif, Maurice Pialat raconte une histoire simple sur l'enfance sacrifiée en pleine puberté, sur l'instinct farouche, la rancune meurtrie en guise de détresse humaine.
Une chronique sociale pleine de tendresse rendue extravertie sous l'oeil attentif d'une caméra scrutant l'introspection comportementale de nos protagonistes débordant de vitalité dans une cité minière ouvrière. On regrette instinctivement un final rebutant si vite achevé et expédié, bien que logiquement accompli dans son potentiel optimisme pour la postérité du petit François. 
                          
A ma grand-mère...
26.05.11
Bruno Matéï.

lundi 23 mai 2011

Lake Mungo


de Joel Anderson. 2008. Australie. 1h25. Documentaire. Avec Talia Zucker, Rosie Traynor, David Pledger, Steve Jodrell, Tamara Donnellan, Scott Terrill.

FILMOGRAPHIE: Joel Anderson est un réalisateur, scénariste et producteur australien.
Lake Mungo est son premier long-métrage.

L'argument: Une jeune fille de 16 ans se noie accidentellement.
Sa famille accablée est bientôt victime de phénomènes étranges.


Lorsque l'Australie s'intéresse au cas irrésolu d'Alice.
A priori, il s'agit de la 1ère réalisation de Joel Anderson en mode "documentaire" ancré dans le surnaturel d'une macabre découverte. Celle du corps d'une jeune adolescente retrouvée noyée dans le lac Mungo. Mais ce qui fait tout le sel de ce reportage richement documenté se situe dans l'adresse du storytelling doublée d'une capacité à nous angoisser en arpentant quelques soubresauts durant le cheminement d'une adolescente apparemment modeste mais moins docile qu'elle semble le prétendre. Si bien que son profil nous démontrera par la suite que nous possédons tous nos secrets inavouables au sein de notre dichotomie du Bien et du Mal. Dès le prélude, le ton est donné. Le générique illustrant images d'archive monochromes auprès de personnages interlopes ayant réellement existé. Ce qui insuffle chez nous un sentiment anxiogène irrationnel auprès des détails inquiétants répertoriés sur chaque cliché. Méticuleusement, Joel Anderson  illustre ensuite les témoignages des parents, proches amis, médecins, policiers, journalistes et médium en lien avec la malheureuse victime retrouvée en état exsangue. Par ailleurs, au sujet de la découverte du corps, et en ce qui concerne les images d'archives, il faut craindre l'état de décomposition avancée du cadavre dans son abominable vision blafarde. Une image macabre saisissante d'effroi qui risque de laisser des traces dans vos réminiscences d'imagerie littéralement morbide.

                                 

Par conséquent, en scrutant la caractérisation identitaire des parents d'Alice et de leur fils, profondément choqués et meurtris par la disparition de leur fille, Eden Lake passionne inévitablement à travers nos sentiments d'impuissance et de perplexité interrogatifs. Le réalisateur évoquant au passage, non sans une certaine émotion poignante, la difficulté d'accepter la perte d'un être cher et l'impossibilité d'en faire le deuil sans tomber dans les niaiseries redoutées du pathos ou de l'apitoiement. Si bien que la famille endeuillée, désorientée, désarmée refuse de se convaincre qu'il s'agit de leur véritable Alice retrouvée en état déliquescent. Comme pour se voiler la face, ils refuseront alors d'admettre la vérité du fait divers hermétique inscrit dans une insondable horreur. Ils feront donc appel à un spécialiste, Ray Emery, pour tenter de mettre un frein à leur douleur, à leur incapacité à faire face à l'intolérable, jusqu'à ce qu'intervienne un évènement aléatoire dont je tairais l'indice. Dès lors, on se demande où le réalisateur souhaite en venir. Tandis qu'un peu plus tard, un autre contrecoup nous ébranle en faisant surgir un phénomène paranormal basé sur le don de voyance, de la possibilité d'une apparition spirituelle.

                                     

Aussi déconcertant soit-il, le récit de la famille Palmer aboutira toutefois à l'acceptation du deuil même si ceux-ci ne connaîtrons jamais la vérité lors de cette nuit du 21 Décembre 2005. Alors que nous mêmes, spectateurs interloqués, resteront surpris, intrigués, perplexes selon les croyances de chacun, en évoquant également la possibilité d'une existence après la mort. Cependant, à moins d'être allergique aux reportages chocs suggérant plus qu'ils ne montrent afin d'accentuer ce sentiment tangible d'angoisse diffuse, vous risquerez peut-être de décrocher. Pour autant, Lake Mungo constitue un projet si habile, une proposition incongrue, un témoignage retors également de par sa réalisation circonspecte, son cast amateur abonné à la sobriété afin de tenter de nous convaincre de leur aigreur, tourments et inquiétude sans jamais faire profil bas d'artifices sensationnalistes.

                         
Traité de manière aussi sérieuse qu'intelligente au sein d'une ambiance vénéneuse à la fois insécure, destabilisante et inquiétante, Lake Mungo demeure une excellente surprise horrifique honteusement ignorée alors que son bouche à oreille est (très) loin d'être négligeable. Notamment lorsqu'on prend en ligne de compte sa fulgurante capacité à générer l'effroi par instants auprès des photos, (certaines) vidéos d'archive et surtout sa révélation glaçante. 


*Bruno
11/04/10.

                                              


LA POURSUITE IMPLACABLE (REVOLVER)


de Sergio Sollima. 1973. Italie/France. 1h48. Avec Oliver Reed, Paola Pitagora, Fabio Testi, Agostina Belli, Frédéric de Pasquale, Reinhard Kolldehoff, Sal Borgese.

FILMOGRAPHIE: Sergio Sollima est un réalisateur et scénariste italien né le 17 avril 1921 à Rome.
1965: Agente 3 S 3 passaporto per l'inferno, 1966: Agente 3 S 3 massacro al sole, Requiem per un agente segreto, 1966: Colorado, 1967: Le Dernier Face à face, 1968: Saludos Hombre, 1970: La Cité de la violence, 1973: Revolver, 1976: Le Corsaire Noir.


La jeune femme d'un directeur de prison est kidnappée. Ses ravisseurs réclament la libération d'un des prisonniers. Celui-ci se retrouve libre mais bientôt le directeur et le prisonnier deviennent amis...

Un excellent polar, dense, âpre, impeccablement conduit. Le final est sacrément couillu dans son nihilisme immoral octroyé envers le héros principal. Oliver Reed livre une interprétation pertinente dans sa prestance demi-mesurée d'un anti-héros accomplissant in extremis un pacte avec le Mal.

TAXI DRIVER. Palme d'Or à Cannes 1976.

                                           

de Martin Scorses. 1976. U.S.A. 1h54. Avec Robert De Niro, Jodie Foster, Cybill Shepherd, Peter Boyle, Harvey Keitel, Albert Brooks, Léonard Harris, Martin Scorsese.
Sortie en salle en France le 13 Mai 1976.

FILMOGRAPHIE: Martin Scorsese est un réalisateur américain né le 17 Novembre 1942 à Flushing (New-york). 1969: Who's That Knocking at my Door, 1970: Woodstock (assistant réalisateur), 1972: Bertha Boxcar, 1973: Mean Streets, 1974: Alice n'est plus ici, 1976: Taxi Driver, 1977: New-York, New-York, 1978: La Dernière Valse, 1980: Raging Bull, 1983: La Valse des Pantins, 1985: After Hours, 1986: La Couleur de l'Argent, 1988: La Dernière Tentation du Christ, 1990: Les Affranchis, 1991: Les Nerfs à vif, 1993: Le Temps de l'innocence, 1995: Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995: Casino, 1997: Kundun, 1999: Il Dolce cinema -prima partie, A Tombeau Ouvert, 2002: Gangs of New-York, 2003: Mon voyage en Italie (documentaire), 2004: Aviator, 2005: No Direction Home: Bob Dylan, 2006: Les Infiltrés, 2008: Shine a Light (documentaire), 2010: Shutter Island.

                                   

D'après un scénario de Paul Schrader, Martin Scorsese revient derrière la caméra deux ans après Alice n'est plus ici pour illustrer le portrait névrosé d'un chauffeur de taxi implacablement entraîné vers une auto-justice suicidaire. Palme d'Or à Cannes ! A peine rentré de la guerre du Vietnam auquel il combattait en tant que marine, Travis Bickle occupe un poste de chauffeur de taxi. Profondément esseulé, dépressif et introverti, il contemple chaque nuit la jungle urbaine des cités malfamées de son quartier. Un jour, il rencontre une séduisante jeune femme travaillant pour le compte d'un sénateur politique en liste de candidature aux présidentielles. Sensible aux attraits charnels de cette dernière, il décide de l'aborder pour l'inviter à déjeuner. Mais la relation au préalable amicale va fugacement déchanter.

                                       

Attention ! Il est préférable d'avoir vu le film avant de lire cette première première partie.
Voyage au bout de l'enfer dans un New-York en déliquescence morale ! Avec un souci de réalisme proche du documentaire, Taxi Driver dépeint le trajet scabreux d'un chauffeur de Taxi au bord de la folie meurtrière. Solitaire délaissé par une démographie individualiste, il observe via son véhicule de fonction la faune new-yorkaise colonisée par des putes, macros, dealers et délinquants. Après le boulot, et en guise d'échappatoire à sa vacuité affective, il se réfugie dans des cinés pornos afin d'évacuer son stress. Après une romance infructueuse partagée avec une femme mature, Travis ne trouve plus d'intérêt à sa vie sans projet d'ambition. Totalement replié sur lui même, insomniaque, dépressif, et davantage claustrophobe à contempler les laissé pour compte des glauques quartiers, il décide de s'engager dans la punition expéditive auprès d'un sénateur en liste pour les présidentielles. Au même moment, il fait la connaissance d'Iris, une prostituée de 12 ans avec qui il parvient à entamer une relation amicale. Mais sa haine grandissante envers le proxénète lui permet d'alimenter son désir brutal de vengeance meurtrière.

                                      

L'itinéraire du héros que dépeint le réalisateur avec humanisme nonchalant constitue un constat d'échec personnel sur son existence fantomatique au sein d'une société véreuse qui le mènera à la folie meurtrière avant de se fondre en héros improvisé ! Cet univers urbain gangrené par une criminalité envahissante et la montée du chômage engendre des paumés vers la marginalité et la dépravation. Travis, tel un cow-boy aguerri sans foi ni loi, s'acquérit d'armes illégales, s'entraîne au tir avant de se dupliquer en punk anarchiste afin de symboliser sa nouvelle image d'ange exterminateur. Le fameux point d'orgue vindicatif, proprement apocalyptique, véritable opéra morbide, d'une intensité quasi insupportable dans sa violence viscérale, constitue l'un des règlements de compte les plus sauvages de l'histoire du cinéma ! L'ironie est de mise lorsque l'épilogue annoncera que Travis est devenu un héros contre son gré après avoir décimé une organisation sordide livrée à la prostitution de jeunes mineurs. Ce déchaînement de violence qu'il commettra sans morale et son héroïsme impromptu à sauver la vie d'une fillette le dirige malgré lui vers une rédemption. Mais le fait qu'il se refuse à observer sa propre image à travers le rétro de son véhicule de fonction prouve néanmoins qu'il répugne inconsciemment sa violence outrancière pour rester  hanté par sa déchéance barbare. L'inoubliable Robert De Niro doit beaucoup au caractère fascinant de Taxi Driver par le reflet de ses états d'âme sinistrés. Un assassin xénophobe au grand coeur qui ne demandait qu'à coexister au sein d'une faune urbaine pessimiste (nous sommes tous dans la merde suggère l'un des employés de Taxi à Travis !) et que personne n'aura eu l'aubaine d'humaniser. Jodie Foster révèle déjà à ses débuts d'actrice une aisance naturelle dans sa prestance malingre de jeune prostituée paumée. La relation amicale octroyée envers Travis offre quelques moments intimes d'une tendre complicité.

                                           


Scandé par la partition musicale orageuse du grand Bernard Herrmann et réalisé avec une virtuosité obstinée (la tuerie finale est un modèle de rigueur !), Taxi Driver constitue la plus stupéfiante descente aux enfers sur l'introspection d'un homme et d'une ville en voie de dégénérescence morale. Un témoignage édifiant du poids de la solitude chez un justicier avide de rage de survivre. Attention ! Chef-d'oeuvre inextinguible !

Bruno Matéï
23.05.11


INTERPRETATIONS DISTINCTES DE LA FIN DU FILM. SITE INFO WILKIPEDIA.
Certains ont pu voir dans la scène finale la rêverie romantique d'un Bickle mourant, tandis que d'autres y analysent une fin réelle et positive. Malgré les divergences d'interprétation, le film s'achève de manière harmonieuse, sur la thématique de la rédemption, qui est une des quêtes principales de tant de personnages chez Scorsese.
La fin du film peut cependant être analysée différemment: après que Travis a déposé Betsy, celui-ci repart dans son taxi. Cependant, Travis qui déplace son rétroviseur pour ne plus avoir à y supporter l'image de son visage peut mettre en lumière la honte ressentie par le protagoniste, et le dégout qu'il porte à son acte, bien que celui ci ait été largement applaudi par la presse Newyorkaise. En décalage avec les louanges des journalistes, Travis semble cependant être conscient du caractère barbare de son acte, motivé par une escalade nerveuse purgée de toute rationalité et d'un désir d'exprimer toute la violence de sa personne. Scorsese met ici en relief le peu d'estime que se voue le personnage, l'idée d'un orgeuil largement dévalué par le massacre qu'il a perpétré, et peint surtout le portrait d'un héros malgré lui, d'un homme vedettisé malgré l'horreur de son crime.
Autre interprétation : Travis ne s'intéresse pas charnellement à Betsy qui reste pour lui la femme idéale et chimérique. C'est Betsy qu'il regarde brusquement et à plusieurs reprises dans son rétroviseur après qu'il l'ait déposée, sans lui avoir répondu à un seul moment. Peut-être que Betsy n'était qu'un fantasme qu'il retrouvait dans son taxi ? Mais la fin est extrêmement pessimiste et d'ailleurs, le film s'achève sur une musique aux accents particulièrement inquiétants. Travis n'est pas guéri par sa violence suicidaire. C'est avant tout la notoriété qu'il recherchait, il voulait à tout prix être reconnu par l'opinion, par les médias. S'il assassine des crapules pour délivrer une petite prostituée qui le repousse, c'est parce qu'il vient d'échouer dans l'assassinat du sénateur. La délivrance est secondaire : il lui faut avant tout se libérer de ses propres frustrations. Travis est en fait un dangereux psychopathe qui peut récidiver à tout moment, alors que l'opinion voit en lui un héros, comme les parents de la petite prostituée.


dimanche 22 mai 2011

Le Grand Bleu


de Luc Besson. 1988.  France. 168 mns. Avec Rosanna Arquette, Jean-Marc Barr, Jean Reno, Jean Bouise, Paul Shenar, Marc Duret, Sergio Castellitto, Griffin Dunne.

Sortie salle France: 11 Mai 1988

FILMOGRAPHIE: Luc Besson est un réalisateur, producteur, et scénariste français né le 18 mars 1959 à Paris. 1983: Le Dernier combat, 1985: Subway, 1988: Le Grand Bleu, 1990: Nikita, 1991: Atlantis, 1994: Léon, 1997: Le 5è élément, 1999: Jeanne d'Arc, 2005: Angel-A, 2006: Arthur et les Minimoys, 2009: Arthur et la vengeance de Maltazard, 2010: les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Arthur 3, la guerre des 2 mondes, 2011: The Lady.

                                   

"Le grand bleu et un poème existentiel en état de grâce et de mélancolie. Une oeuvre fragile immortelle car son thème est universel. Elle s'adresse à l'amour le plus placide et tranquille au gré d'une cause animale."

Cinq ans après le Dernier Combat, le néophyte Luc Besson amorce avec le Grand Bleu un voyage onirique au coeur des fonds marins. Une oeuvre simple et modeste inspirée de la vie de Jacques Mayol et Enzo Maiorcan, célèbres champions de plongée en apnée. Retour sur un phénomène de société qui déchaîna les passions, tant auprès du public transi d'émoi que des critiques assassines !

Le pitchJacques Mayol et Enzo Molinari sont deux apnéistes de haut niveau. Durant les années 50, dans les îles grecques de leur époque d'enfance, ces derniers eurent déjà le goût de la compétition pour plonger dans les profondeurs du "grand bleu". Vingt ans plus tard, ils se retrouvent en lice au championnat international. 

9,2 millions de spectateurs à sa sortie en France ! 3 millions de disques vendus dans le monde (dont 2 millions dans l'hexagone) d'après une bande originale d'Eric Serra. Ce succès commercial inattendu fut également vitupéré par une avalanche de critiques n'y ayant perçu qu'une bluette cucul sans autre intérêt que de contempler deux héros patauger dans la mer parmi de gentils dauphins. Ces biens penseurs snobinards (si j'ose dire), membres du prestigieux festival de Cannes, n'eurent probablement rien capté de sa dimension émotionnelle si bien que cet hymne à la nature garde intact son pouvoir d'envoûtement sensoriel auquel beaucoup de spectateurs (dont je fais parti) ne s'en sont jamais vraiment remis.

                                       

Ainsi donc, avec légèreté, émotion et sensibilité, Luc Besson nous transfigure une invitation au voyage dans l'immensité de la mer parmi les vertébrés coexistant en harmonie. Sur fond de compétition entre deux champion d'apnée, Luc Besson donc explore autant le mystère insondable de l'inconnu à travers la mer que de l'amour inconsidéré d'un plongeur pour sa beauté naturelle. Sa quête éperdue du sens de sa vie, sa passion pour un "ailleurs" jusqu'à envisager une fuite vers un abîme après que son meilleur ami s'y soit incidemment réfugié. Même l'idylle avec une séduisante new-yorkaise (Rosanna Arquette, sémillante, vertueuse, sensuelle !) n'y changera rien ! Jacques, bien que chérissant sa nouvelle amie, est absorbé par un amour irrépressible, celui de l'océan, de l'inconnu et des dauphins, faute d'une existence sur terre qu'il ne saisit pas à travers son âme d'enfant éternel. Notre héros s'avère si obsédé par la candeur des flots qu'il ira notamment la côtoyer dans l'inconscience de ces rêves nocturnes, fantasmes édéniques qui l'amèneront finalement à affronter l'autre côté du miroir. L'incroyable sentiment d'évasion que l'on éprouve à la vision de cette fable demeure si immersive qu'on se laisse transporter par la passion du héros convaincu que la spiritualité (une foi en la réincarnation ?) pourra peut-être un jour exaucer son rêve improbable (devenir dauphin ou homme poisson ?). Niveau casting, Jean Reno endosse un personnage acariâtre de mauvais perdant avec beaucoup d'humour, tandis qu'en plongeur timoré réfractaire à la rivalité, Jean Marc Barr lui dispute un jeu d'innocence profondément émouvant de par son ambition suicidaire d'aller jusqu'au bout de son rêve. A eux deux, ils forment un tandem irrésistible bâtie sur la confiance, le sens de l'amitié, l'épreuve de force et la dignité.

                                             

Poème d'amour sur la passion de la nature et celle des dauphins auquel un plongeur se destine à s'y sacrifier, Le Grand Bleu ensorcelle et bouleverse le spectateur plongé dans une aventure humaine quasi désespérée. L'élégie musicale feutrée d'Eric Serra (récompensé d'un César) exacerbant avec beaucoup de vérisme son intensité dramatique auquel certains spectateurs (il y a eu une génération "Grand Bleu" !) resteront à jamais éprouvés par cet éloge au mutisme et à l'éloignement. Fastueux. 

* Bruno
11 Janvier 2010

Note: L'apnéiste Enzo Majorca n'apprécia pas le film et entama une procédure en diffamation contre Besson, ce qui bloqua la diffusion du film en Italie pendant quatorze ans. Le film put être distribué en 2002 dans une version abrégée. Parmi les scènes coupées, on trouve celle où Enzo Molinari se fait payer pour sauver la vie d'un homme en train de se noyer.
La version américaine du film comprend une fin différente des versions européennes et française. En effet, une scène a été rajoutée afin de rendre cette fin plus heureuse.
L'exploitation américaine du film s'est faite sans la musique d'Eric Serra, remplacée par une partition de Bill Conti.

samedi 21 mai 2011

SOMEWHERE. Lion d'Or à la Mostra de Venise 2010.


de Sofia Coppola. 2010. U.S.A. 1h38. Avec Stephen Dorf, Elle Fanning, Michelle Monaghan, Chris Pontius, Kristina Shannon, Karissa Shannon, Lala Sloatman

Sortie en salles en France le 5 Janvier 2011.

FILMOGRAPHIE: Sofia Carmina Coppola est une réalisatrice, actrice, productrice, et scénariste américaine née le 14 Mai 1971 à New-York.
1999: Virgin Suicides
2003: Lost in Translation
2006: Marie Antoinette
2010: Somewhere

                         

Avis subjectif d'un puriste amateur.
Après sa chronique singulière du passage de l'enfance à l'âge adulte avec le personnage extravagant de Marie Antoinette, Sofia Coppola dépeint dans Somewhere, l'envers du décor d'Hollywood avec sa fausse modestie, son univers de paillette postiche et ses acteurs starisés noyés dans la solitude et l'ennui. L'histoire simple d'un père absent qu'une fille va involontairement ramener à la raison de ses responsabilités.

Johnny Marco est un acteur notoire esseulé vivant reclus dans différents hôtels qu'il loue de manière continuelle afin de se rendre facilement à ses conférences de presse, séances photos et d'une éventuelle prochaine invitation dans une cérémonie tansalpine pour son prochain métrage.
Un matin débarque dans sa chambre Cléo, sa propre fille de 11 ans.

                        

Somewhere est une douce chronique nonchalante d'un acteur surestimé aux portes de la gloire dont la vie affective va basculer le jour où sa petite fille vient emménager avec lui durant quelques jours.
La réalisatrice toujours au plus près des sentiments de ses personnages humanistes et chétifs nous entraîne avec une grande pudeur et un esprit autonome prégnant dans une ballade new-yorkaise en compagnie de deux êtres séparés par une rupture conjugale. Johnny et sa fille Cléo vont partager communément des moments intimes de leur existence dans leur appartement loué ou chambre d'hôtel impromptues entre deux interviews risibles de journalistes excentriques, et plutôt s'évader dans les loisirs récréatifs pour le plaisir ludique de l'épanouissement en s'attardant sur le moment présent de leur cheminement.
Sofia Coppola filme cette sobre odyssée comme un documentaire réaliste à la mise en scène limpide extrêmement maîtrisée, oscillant et insistant sur ces instants présents latents en alternance avec les évènements festifs alloués pour Johnny et sa fille. Chaque séquence superbement éclairée par une photographie épurée, mise en exergue à l'intérieur d'une quotidienneté urbaine est magnifiquement composée dans un soin consciencieux à rendre ces moments actuels du quotidien enivrant, exaltant sous l'oeil attentif d'une caméra virtuose à ébaucher l'espace du cadre.
La réalisatrice borde ses personnages avec un souci de véracité probant et un soin naturel, s'attarde sur l'instant présent, les non-dits, le silence élliptique, détourne les conventions et filme une histoire simple universelle avec autant d'humilité. C'est une quête identitaire escomptée qui nous est contée, le poids davantage répressif de la solitude et la découverte d'un amour paternel osculté auprès d'un illustre acteur menant une vie dissipée faussement édénique.

                           

Stephen Dorf, plutôt rare ces dernières années pour un rôle majeur, excelle dans sa prestance naturelle à retranscrire avec souci d'humanisme et d'aigreur élégiaque sa vie versatile partagée entre les conquêtes féminines d'un soir et les sorties éméchées entre amis alcoolisés. Il se révèle particulièrement émouvant dans les derniers retranchements d'une prise de conscience soudaine pour enfin décider de se prendre en main et changer de destin afin de tenter de retrouver un équilibre pour sa prochaine postérité.
La petite Cléo interprétée par Elle Fanning (l'Etrange Noel de Benjamain Button) est confondante d'aisance naturelle et de spontanéïté dans le personnage mature d'une enfant docile pleine de bon sens mais destructurée, lamentée et fébrilement démunie de la séparation brutale de ses parents.

                         

Chronique douce-amère sur la tare de la solitude et le refus de grandir avant la prise de conscience rédemptrice à l'aube d'une maturité présagée, Somehere est un joli portrait plein de modestie pour ces personnages humanistes coexistant dans un univers aussi snob, hautain et aisé par l'embourgeoisement égocentrique que tristement fade, illusoire, aux lendemains toujours aussi vains enrayés dans une vacuité quotidienne.
Toujours aussi harmonieusement rythmé par une bande son stimulante du groupe Phoenix, le quatrième long-métrage de Sofia Coppola séduit avec beaucoup de sincérité mais pourra risquer de rebuter et endormir certains spectateurs peu captivés par une romance pastel entre un père reconverti et sa fille victimisée par la séparation conjugale.

22.05.11.
Bruno Matéï.

vendredi 20 mai 2011

THE VIOLENT KIND


de Mitchelle Altieri et Phil Flores. 2010. U.S.A. 1h37. Avec Cory Knauf, Taylor Cole, Bret Roberts, Christina Prousalis.

FILMOGRAPHIE: Mitchell Altieri et Phil Flores sont deux frères réalisateurs américains.
2006: The Hamiltons
2008: April Fool's Day
2010: The Violent Kind
2010: Black Sunset.

                         

Cody et sa bande ne sont pas des enfants de choeur. Ceux-ci sont membres d’un gang de motard qui carburent à l’alcool, à la drogue et au sexe. Plusieurs d’entre eux se réunissent alors dans un chalet afin de célébrer le 50e anniversaire de la mère de Cody. Cette soirée bien arrosée prendra une tournure des plus étranges, et il n’y aura plus uniquement l’alcool qui coulera à flot(confrontation à des psychopathes mais aussi à des événements surnaturels)!

Avis subjectif d'un puriste amateur.
Un ratage complet ! Un scénario totalement grotesque se vautrant dans le ridicule le plus répréhensible, des personnages vains sans aucune dimension humaine faisant office d'acte de présence, une mise en scène complètement foirée et désordonnée, aucun enjeu dramatique, pas une once d'intensité dans son rythme monolithique et beaucoup de violence putanesque et de gore pour rien. A sauver, une photo criarde aux teintes rouges rappelent la texture de certains films d'exploitation des années 70 et une affiche mensongère qui laissait présager un climat de verdeur élégiaque. Je précise quand même que j'ai stoppé le film au bout d'une heure ! On peut évoquer le terme "navet". Le pire film que j'ai vu cette année. Par les réalisateurs de l'excellent The Hamilton, la déception est de mise.

                          

20.05.11
Bruno Matéï.