mercredi 31 octobre 2012

DE ROUILLE ET D'OS. Prix du Meilleur Film au Festival du film de Londres, 2012.

Photo empruntée sur Google, appartenant au site docslumpy.info

de Jacques Audiard. 2012. France/Belgique. 1h55. Avec Marion Cotillard, Matthias Schoenaerts, Bouli Lanners, Corinne Masiero, Armand Verdure, Céline Sallette, Yannick Choirat.

Sortie salles France: 17 Mai 2012

Récompenses: Prix du Meilleur Film au Festival du film de Londres, 2012
Swann d'or du meilleur film au Festival du film de Cabourg, 2012

FILMOGRAPHIE: Jacques Audiard est un réalisateur, scénariste et monteur français, né le 30 Avril 1952 à Paris.
1994: Regarde les Hommes tomber. 1996: Un héros très discret. 2001: Sur mes lèvres. 2005: De battre mon coeur s'est arrêté. 2009: Un Prophète. 2012: De Rouille et d'Os.


Trois ans après son ébouriffant drame carcéral, Un Prophète (9 Récompenses allouées à la cérémonie des Césars dont celui du Meilleur Film et Meilleur Réalisateur !), l'artiste prodige Jacques Audiard nous revient avec un mélodrame en état de grâce. Coproduit par la Belgique et magistralement incarné par deux comédiens à la caractérisation écornée, cette ode à l'espoir et l'optimisme est transcendée par la virtuosité d'une mise en scène épurée. Suite à une violente rixe à la sortie d'une boite, Stéphanie se fait rapatrier chez son compagnon par le videur Ali, un père de famille en situation précaire parti emménager chez sa soeur avec son fils de 5 ans. Dresseuse d'orques dans un parc aquatique, Séphanie succombe à un terrible accident sur son lieu de travail l'amputant des deux jambes. Au fil des semaines, une relation fraternelle et sentimentale se nouent entre les deux amants. Pour ramasser un peu d'argent, Ali participe à des combats de rue clandestins alors qu'en intermittence, il tente maladroitement d'éduquer le petit Sam.


Eloge à la rage de vaincre et au courage de braver les aléas du destin, De Rouille et d'Os est une oeuvre clairsemée, un morceau de cinéma d'une élégance sobre car d'une acuité émotionnelle bouleversante. Sans céder au pathos lacrymal habituellement consigné dans le genre mélodramatique, Jacques Audiard nous illustre avec ambition formelle la tranche de vie de deux écorchés de la vie. Stéphanie est jeune fille aguicheuse en quête de reconnaissance tandis qu'Ali est un marginal défavorisé au tempérament irascible mais débordant d'un humanisme candide. Ces deux personnages au caractère autonome vont se rencontrer par le fruit du hasard et élaborer une relation cordiale à la suite d'un brutal accident. Traversé de moments de poésie empreint de lyrisme (Stéphanie contemplative devant la vitre d'un orque, lui adressant son attachement par le langage des signes) et d'effets de ralenti transcendant la brutalité des combats au corps à corps, De Rouille et d'os est une odyssée des sentiments en perdition. L'introspection intime de deux amants épris d'aspiration pour leur postérité et engagés dans une volonté de transcender leurs failles par un désir commun. Ses instants quotidiens de deux infortunés hésitant à dévoiler leur intuition vont toutefois se rapprocher et s'épauler par la cause d'un évènement inopportun aux conséquences préjudiciables. Habitée par l'attirance et le béguin, Marion Cotillard (je t'aime !) n'a peut-être jamais été aussi sobrement gracile dans sa candeur avisée pour extérioriser le tempérament chétif d'une handicapée éprise d'éthique et d'amour rédempteur. Révélé dans l'uppercut bovin Bullhead, Matthias Schoenaerts dégage une intensité tangible dans la retenue d'un écorché de la vie. Un individu au caractère vigoureux un peu trop instantané car incapable d'exprimer avec bienséance la tendresse imparti à son fils. Mais sa tolérance et sa compassion pour Stéphanie, l'échec d'une rupture familiale ainsi que la mésaventure d'un contretemps vont peu à peu le ramener à la raison d'un équilibre social plus épanoui. 


La rage d'aimer 
Transcendé par une mise en scène fastueuse et deux interprètes incandescents de fragilité humaine, De Rouille et d'Os est un moment précieux de cinéma séraphique. Une leçon de vie pour les infortunés et les insurgés de l'intolérance, une lutte perpétuelle pour la consécration. Un conte suave distillant des instants d'émotion sensitive dans son souci de vérité, confinant parfois au vertige (voir son point d'orgue traumatique) mais rattrapée par une repentance salvatrice.

31.10.12
Bruno Matéï

mardi 30 octobre 2012

New-York 1997 / Escape from New-York

         
                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site deathbymovies.com

de John Carpenter. 1981. U.S.A. 1h39. Avec Kurt Russel, Lee Van Cleef, Donald Pleasance, Ernest Borgnine, Isaac Hayes, Harry Dean Stanton, Adrienne Barbeau, Tom Atkins, Charles Cyphers, Jamie Lee Curtis.

Sortie salles France: 24 Juin 1981. U.S: 10 Juillet 1981

FILMOGRAPHIEJohn Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis).
1974 : Dark Star, 1976 : Assaut, 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog, 1981 : New York 1997, 1982 : The Thing, 1983 : Christine, 1984 : Starman, 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles, 1992 : Les Aventures d'un homme invisible, 1995 : L'Antre de la folie, 1995 : Le Village des damnés, 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires, 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


Quintessence du cinéma d'anticipation des années 80 au succès commercial inespéré (25,2 millions de dollars de recettes rien qu'aux Etats-Unis pour un budget négocié à 6 millions de dollars !), New-York 1997 fait parti de ses réussites aléatoires que les français n'ont pas manqué de célébrer (1,27 millions d'entrées dans les salles !). Au total, le chef-d'oeuvre de Carpenter engrange à travers le monde plus de 50 millions de dollars de bénéfice. Aussi essentiel que le post-nuke Mad-Max 2 ou que l'oeuvre matricielle Terminator, New-York 1997 prend pourtant le contre-pied de ces blockbusters novateurs en privilégiant l'ambiance crépusculaire d'un New-York dévasté au lieu de surenchérir l'action explosive.  Car avec son budget modeste de série B, John Carpenter accomplit ici de véritables prouesses pour transcender la déliquescence urbaine d'une île de Manhattan livrée aux pires criminels des Etats-Unis. Avec peu de moyens, un tournage restreint de 3 mois et l'autorisation de filmer dans une cité urbaine préalablement incendiée (la ville de Saint-Louis), le réalisateur harmonise à merveille son ambiance chaotique par le biais d'un esthétisme azur particulièrement feutré. Ruelles désertes jonchées de débris et détritus, commerces dévastés, épave d'un avion accidenté, amphithéâtre abdiqué, palais transformé en arène de gladiateurs... Le climat anxiogène rendu palpable en interne de ce gigantesque pénitencier urbain est immédiatement immersif chez le spectateur transi de fascination, quand bien même un sentiment d'insécurité sous-jacent est perçu par quelques silhouettes humaines s'extirpant subitement des sous-sols au moindre bruit suspicieux. Des ethnies de barbares et de punks tributaires d'un leader sans vergogne sont voués à ne sortir que la nuit alors que des cannibales sanguinaires s'évacuent des bouches d'égout pour tenter d'appréhender le pèlerin égaré.


Au sein de ce chaos crépusculaire, un ancien vétéran marginal a pour mission de récupérer le président des Etats-Unis, ce dernier étant malencontreusement tombé entre les mains du duc de New-York, après que son avion s'écrasa sur un immeuble par la cause d'activistes. Afin de gagner une remise en liberté, le criminel Snake Plissken bénéficie de 24 heures pour retrouver le président en vie ainsi qu'une cassette audio impliquant une allocution politique majeure. En prime, et pour intensifier l'enjeu capital, une capsule explosive est injectée dans les artères de Plissken afin de le dissuader de s'exiler vers le Canada ! Ainsi, à travers ce canevas alléchant et captivant, John Carpenter transforme sa dystopie en bande dessinée flamboyante de par sa richesse formelle de décors urbains décharnés et du profil haut en couleurs de personnages tantôt fourbes, tantôt pugnaces. Si bien qu'au cheminement de cette mission jalonnée de rencontres délétères, Snake devra collaborer avec un chauffeur de taxi, un ancien comparse aujourd'hui transfuge ainsi qu'une catin pour tenter de récupérer le président. En intermittence, quelques péripéties explosives (traques haletantes à travers ruelles malfamées, courses-poursuites en voiture, confrontation d'un duo de gladiateurs sur ring) et un suspense progressif (un compte à rebours vers une mort certaine est décompté sur la montre de Plissken) viennent scander cette mission périlleuse. Outre la densité impartie à une galerie de protagonistes contestataires, Kurt Russel institue avec une naturel inné le nouvel archétype musclé de l'anti-héros futuriste. Dans celui d'un anarchiste borgne et égocentrique, Snake Plissken incarne l'icone pourfendeur d'une société despotique incapable de réprimer une criminalité en recrudescence. Alors qu'au cours de ces vicissitudes, John Carpenter n'hésitera pas à railler et brimer un président couard (perruque blonde à l'appui !) réduit à une grotesque caricature.


Soutenu de la musique envoûtante de Carpenter et d'Alan Howarth, New-York 1997 cristallise l'emblème de l'anticipation pessimiste par le biais du divertissement spectaculaire supra immersif. Ce post-nuke avant-gardiste énonçant par ailleurs avec quelques décennies d'avance un discours caustique sur l'ascension de la criminalité délinquante et l'intransigeance d'une présidence impérialiste. Dupliqué à toutes les sauces par nos voisins transalpins mais jamais égalé, New-York 1997 idéalise notamment rigueur et suggestion afin d'y transcender avec parcimonie une ambiance nocturne aussi ensorcelante qu'hallucinée. Et ça n'a pas pris une ride !

*Bruno
30.10.12
25.01.24. 7è

La Chronique de Los Angeles 2013http://brunomatei.blogspot.fr/2012/06/los-angeles-2013_19.html

                                         

lundi 29 octobre 2012

FANTOMAS

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site kisskisskillkillarchive.com

de André Hunebelle. 1964. France. 1h40. Avec Jean Marais, Louis De Funès, Mylène Demongeot, Jacques Dynam, Robert Dalban, Marie-Hélène Arnaud, Christian Toma, Michel Duplaix, Anne-Marie Peysson.

Sortie salles France: 4 Novembre 1964

FILMOGRAPHIEAndré Hunebelle est un maître verrier et réalisateur français, né le 1er Septembre 1896 à Meudon (Hauts-de-Seine), décédé le 27 Novembre 1985 à Nice. 1948: Métier de fous. 1949: Millionnaires d'un Jour. 1949: Mission à Tanger. 1950: Méfiez vous des Blondes. 1951: Ma Femme est formidable. 1952: Massacre en dentelles. 1952: Monsieur Taxi. 1953: Les Trois Mousquetaires. 1953: Mon Mari est merveilleux. 1954: Cadet Rousselle. 1955: Treize à table. 1955: l'Impossible Monsieur Pipelet. 1956: Casino de Paris. 1956: Mannequins de Paris. 1956: Les Collégiennes. 1957: Les Femmes sont marrantes. 1958: Taxi, roulotte et Corrida. 1959: Le Bossu. 1959: Arrêtez le massacre. 1960: Le Capitan. 1961: Le Miracle des Loups. 1962: Les Mystères de Paris. 1963: Oss 117 se déchaîne. 1963: Méfiez vous Mesdames. 1964: Banco à Bangkok pour Oss 117. 1964: Fantômas. 1965: Furia à Bahia pour Oss 117. 1965: Fantômas se déchaîne. 1967:   Fantômas contre Scotland Yard. 1968: Pas de roses pour Oss 117. 1968: Sous le signe de Monte-Cristo. 1971: Joseph Balsamo. 1974: Les Quatre Charlots Mousquetaires. 1974: Les Charlots en Folie: A nous quatre Cardinal ! 1978: Ca va faire tilt.


Premier opus d'une trilogie à succès, Fantomas combine humour et action échevelée sous la houlette de l'illustre André Hunebelle. Pour l'anecdote, Bourvil était prévu à l'origine pour endosser le rôle du commissaire Juve finalement attribué à Louis De FunèsA Paris, un génie de la cambriole surnommé Fantômas se moque des médias et de la police en perpétrant sous leur nez divers larcins et braquages audacieux. Dérangé par un journaliste arrogant et un commissaire obtus, il décide de les ridiculiser en usurpant leur identité. Gros succès public dans l'hexagone (4,5 millions de spectateurs !), Fantômas est une production familiale habilement troussée dans son alliage de comédie, d'aventures et d'action trépidante. D'ailleurs, Hunebelle n'hésite pas en point d'orgue à décupler les moyens de locomotion que nos protagonistes arpentent lors d'une poursuite interminable en voiture, en train, en hélicoptère puis en moto. Autour de la complicité inopinée de Jean Marais et de Louis de Funès, cette comédie endiablée cumule humour cartoonesque et action homérique de par ses cascades rondement exécutées.


Tant auprès de son final exubérant cité plus haut, de la descente effrénée d'une voiture sans frein sur une route à virages ou encore de la poursuite sur les toits de Paris auquel Juve se retrouvera suspendu dans le vide par le crochet d'une grue. Pour ce premier volet, l'aventure extravagante s'oriente atour des relations fraternelles de Juve (De Funès) et du journaliste Fandor (Jean Marais), préalablement antinomiques dans leur relation professionnelle (croyant que Fantômas n'est qu'une invention de la police, Fandor imagine de prime abord un faux scoop pour s'en railler). Mais depuis la rancune tenace du cambrioleur masqué, nos deux compères vont être sévèrement inculpés par la populace depuis que Fantômas eut élaboré un procédé technique révolutionnaire à dupliquer leurs visages. S'ensuit une multitude de gags et quiproquos avant que nos deux héros s'unissent lors d'une cavalcade sans relâche pour appréhender leur rival. Mené sur un rythme sans faille, tant auprès de la fougue expansive de De Funès que des méfaits diaboliques de Fantômas, qui plus est accoutré de gadgets roublards, cette comédie bonnard véhicule un irrésistible charme déjanté. D'autant plus que la présence affable de Jean Marais (étonnement à l'aise dans le genre burlesque !) ainsi que le charme du joli minois de Mylène Demongeot agrémentent le ton gentiment folingue de l'aventure facétieuse. 


Classique de la comédie populaire, Fantômas doit autant de sa douce fantaisie auprès de la complicité pétulante des comédiens que de son scénario calibré. La beauté solaire des paysages provinciaux ainsi que l'architecture gothique du temple de Fantômas louchant vers l'attirail technologique d'un certain James Bond rehaussant l'esprit débridé de cette BD formidablement communicative.  

La chronique de Fantômas se déchaîne: http://brunomatei.blogspot.fr/…/01/fantomas-se-dechaine.html

* Bruno
29.10.12. 3èx



vendredi 26 octobre 2012

Chained

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrornews.net

de Jennifer Lynch. 2012. U.S.A. 1h34. Avec Vincent D'Onofrio, Eamon Farren, Evan Bird, Julia Ormond, Conor Leslie, Jake Weber, Gina Philips, Daniel Maslany.

Sortie salles France: ?

FILMOGRAPHIE: Jennifer Chambers Lynch est une réalisatrice, scénariste et productrice américaine, née le 7 Avril 1968 à Philadelphia, Pennsylvanie (USA). 1993: Boxing Helena. 2008: Surveillance. 2010: Hisss. 2012: Chained


Après deux premiers métrages aussi incongrus qu'atypiques, Jennifer Lynch nous eut franchement déçu avec son risible Hisss, co-production hindoue pourvue d'effets numériques disgracieux dignes d'un Dtv de De Coteau ou d'Albert Band. A peine deux ans se sont écoulés entre ce naufrage bollywoodien et ce nouveau rejeton brièvement intitulé Chained. L'argument de base conventionnel n'a rien de rassurant: 
Un chauffeur de taxi kidnappe une mère de famille et son jeune fils pour les séquestrer dans sa demeure bucolique éloignée de tout voisinage. Après avoir sauvagement assassiné la femme, il décide d'épargner la vie du gamin pour lui tenir compagnie et l'éduquer à sa manière impassible. Voilà pour l'intrigue aussi linéaire que Maniac de Lustig auquel il prête parfois la même ambiance nauséeuse, le côté docu-vérité (la virée nocturne en taxi dans les ruelles malfamées des prostituées) et la facture introspective du quotidien miséreux d'un tueur détaché d'éthique. A situer notamment entre Sonny Boy et Bad Boy-Bubby (pour la relation parentale entre le tueur et l'enfant-esclave vivant reclus tel un pestiféré) mais aussi l'éprouvant Martyrs de Laugier (pour son aspect ignominieux et réaliste de la femme molestée ainsi que l'anti ludisme des scènes chocs dénuées de complaisance). L'intérêt du film résidant dans ses thématiques imparties à l'éducation parentale et à la maltraitance infantile dont l'impact cinglant d'une mise en scène singulière est régie sans fioriture. Car la réalisatrice se réapproprie lestement des poncifs habituels du "ouh fait moi peur" pour les renouveler sans recul, sans esbroufe, sans distanciation ni effet tapageur. Du premier degré d'une froideur monolithique en somme. 


En l'occurrence, l'ambiance glauque et malsaine suinte de chaque cloison de l'obscure demeure, dont les pièces putrides sont uniquement éclairée de petites lampes de chevet. Il s'agit donc d'un huis-clos suffocant, une claustration immersive auquel le spectateur participe de manière voyeuriste parmi la quotidienneté dérisoire de deux individus éloignés de toute humanité. Jennifer Lynch nous projetant dans leur univers sépia avec une verdeur asphyxiante afin de décrire les exactions meurtrières d'un leader infortuné. Un criminel bedonnant (Vincent D'Onofrio, très impressionnant à travers sa carrure adipeuse et son austérité inflexible !) préalablement abusé durant son enfance par un père tyrannique mais aussi assujetti à violer sa propre mère. Rapidement, après la succession de meurtres en série proprement misogynes, une étrange relation d'allégeance est entretenue entre le tueur et le jeune Tim. Alors que les années passent, le criminel décide d'éduquer l'adolescent enchaîné pour engendrer un second monstre à son image inflexible. Et si le cheminement narratif dénué de surprises semble à un moment s'étirer un peu trop dans la pédagogie meurtrière (Tim doit choisir une prostituée pour perdre sa virginité et accomplir son 1er meurtre), Chained exacerbe son rythme languissant et ombrageux avec une notion de suspense crucial lors d'une dernière partie vertigineuse. Et ce, juste avant de nous ébranler lors d'un épilogue fortuit à la dramaturgie identitaire poignante ! (bien que discutable quant à la nécessité de ce cliffhanger aussi déconcertant qui n'apporte pas vraiment de l'eau au moulin d'après la psychologie galvaudée des personnages).


Les enfants martyrs
Poisseux, inconfortable jusqu'au malaise, immersif et viscéral, Chained se révèle à mon sens l'authentique film d'horreur anti ludique par excellence. Une descente aux enfers inéluctable principalement dédiée à la psychologie déclinante de ces protagonistes et d'un climat dérangeant d'une crudité exaspérante. La densité du jeu des interprètes (le famélique Eamon Farren est également surprenant d'ambiguïté torturée) et la mise en scène expérimentale de l'insaisissable Jennifer Lynch rendent les lettres de noblesse au genre si décrié conjugué ici au drame intimiste d'une rigoureuse intensité psychologique. 
Pour public averti

Dédicace à Isabelle Rocton et Steven LeFrançois

*Bruno Matéï
26.10.12
11.06.22

ATTENTION SPOILER !!! A PROPOS DE L'EPILOGUE EQUIVOQUE DE CHAINED, AU-DELA DU GENERIQUE DE FIN
Panorama-cinéma : Et pourquoi laissez-vous toujours vos personnages dans la pire des situations? Dans le cas de Chained, qu’est-ce qui peut bien arriver à Rabbit une fois passé le générique?

Jennifer Lynch : En fait, ce qu’on entend pendant le générique, c’est Rabbit qui bouge les meubles dans la maison pendant qu’Angie s’affaire dans une autre pièce. Ce que nous savons, c’est qu’elle est encore avec lui et qu’elle est en bonne santé. J’aimais cette idée de voir le héros retourner dans cette maison, car c’était la seule chose qu’il n’avait jamais connue. Toutes les personnes qui comptaient à ses yeux sont mortes et il ne lui reste plus que cette demeure et cette fille avec qui il a tissé des liens plutôt précaires. Au final, on ne sait pas du tout ce qui lui arrivera et cette fin ouverte me plaît beaucoup. C’est à ce moment qu’on peut se permettre d’avoir un dialogue et de poursuivre l’évolution du personnage selon ce qu’on a retiré du film, selon ce que notre propre morale nous dicte.

Dans le cas de Surveillance, Stephanie a été épargnée parce qu’elle a deviné l’identité des agents avant l’exécution de leur plan. La finale ressemble à celle de Chained en ce sens qu’elle représente aussi ce sombre bouquet de roses passé d’un tueur en série à sa victime la plus innocente. Je crois que Stephanie va survivre à son expérience dans Surveillance et j’aime me poser des questions sur son avenir. Deviendra-t-elle dangereuse? Deviendra-t-elle aide sociale? Comment se déroulent les trois journées suivantes de sa vie? Comment se rend-elle vers la ville la plus près? Autrement dit, vous avez raison quand vous dites que je laisse mes personnages dans une situation pire que celle dans laquelle je les ai trouvés… Mais ils sont en vie et moins mal en point que leurs proches. Dans mes films, l’innocence survit parce que je pense que demeurer honnête avec soi-même et regarder le monde à travers des yeux d’enfant vous sauvera toujours des mauvaises décisions que vous pourriez prendre.


http://www.paperblog.fr/5720144/critique-chained-de-jennifer-lynch/
http://www.filmosphere.com/2012/07/chained-jennifer-lynch-en-colere/
http://www.panorama-cinema.com/V2/article.php?categorie=1&id=247


jeudi 25 octobre 2012

MR NOBODY

Photo empruntée sur Google, appartenant au site sexualityinart.wordpress.com

de Jaco Van Dormael. 2009. Belgique/Canada/France/Allemagne. 2h36. Avec Jared Leto, Sarah Polley, Diane Kruger, Linh Dan Pham, Rhys Ifans, Natasha Little, Toby Regbo, Juno Temple, Clare Stone, Thomas Byrne.

Sortie salles France/Belgique: 13 Janvier 2010. Canada: 16 Juillet 2010

FILMOGRAPHIEJaco Van Dormael est un réalisateur belge, né le 9 Février 1957 à Ixelles.
1991: Toto le Héros
1995: Le Huitième Jour
2009: Mr Nobody


Oeuvre fleuve abstraite à bien des égards, que ce soit pour sa réflexion métaphysique ou pour son rythme arythmique, Mr Nobody est une ode flamboyante à la vie et tout ce qui tourne autour... Au-delà de nos planètes... Un loisir récréatif rempli d'imprévus, de dangers, fantaisies et rédemption amoureuse quand un bambin de 9 ans s'imagine les multiples vies qu'il aurait pu avoir. Bien avant de devoir entreprendre le choix draconien de rester avec son père ou sa mère en rupture conjugale.
D'une richesse esthétique prolifique et bourré de poésie gracile, cette hymne à l'existence émeut, enivre, déconcerte et irrite en nous transposant les va-et-vient récursifs de Mr Nobody à travers son présent, passé et futur. En réalisateur ambitieux, Jaco Van Dormael nous rapporte sa thèse sur le sens de la vie et de la mort inéluctable qui nous sépare. De l'importance inhérente du moment présent, du choix décisif que nous devons tous entreprendre pour façonner l'harmonie prochaine de notre postérité. De cette fatalité morbide, bénédiction justifiable si nous avions eu assez de temps pour profiter de l'instant actuel après avoir (re)trouvé l'âme soeur. Mais à travers ce monde futuriste où l'immortalité des êtres humains a engendré une société totalitaire censurant les plaisirs les plus exaltants (sexe, drogue, alcool), le réalisateur aborde non seulement l'éthique de l'autonomie mais aussi l'utopie de la réalité. A savoir que l'être humain n'est peut-être qu'une chimère, un pantin artificiel né de l'imaginaire d'un être supérieur destiné à assouvir son propre destin.


L'Apprentissage de la raison d'être.
En résulte une poésie sensitive de l'envie et l'espoir compromis par nos affres de l'angoisse. Entre soif de découverte sur l'intérêt de subsister et désir inné d'embraser l'amour. Mais ce cheminement d'apprentissage menant vers la plénitude est destiné à être long, tortueux et semé d'obstacles. En attendant une potentielle résurrection si l'immortalité continue de préserver ses secrets, car l'être humain friand de vérité pourrait risquer un jour d'en bafouer ses chartes...

Dédicace à Alexandra Louvet
25.10.12
Bruno Matéï


mercredi 24 octobre 2012

Blade 2

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdsreleasedates.com

de Guillermo Del Toro. 200 . U.S.A. 1h57. Avec Wesley Snipes, Leonor Varela, Kris Kristofferson, Ron Perlman, Luke Goss, Norman Reedus, Thomas Kretschmann, Matt Schulze, Danny John-Jules, Donnie Yen.

Sortie salles France: 19 Juin 2002. U.S: 22 Mars 2002

FILMOGRAPHIE: Guillermo Del Toro est un réalisateur, scénariste, romancier et producteur américain, né le 9 Octobre 1964 à Guadalajara (Jalisco, Mexique). 1993: Cronos. 1997: Mimic. 2001: l'Echine du Diable. 2002: Blade 2. 2004: Hellboy. 2006: Le Labyrinthe de Pan. 2008: Hellboy 2. 2013: Pacific Rim.


Oubliez le premier opus, série B ado mignarde et formatée (pardon pour les fans), et plongez vous dans l'univers destroy de Blade II, concocté par l'omnipotent Guillermo Del Toro. Gigantesque actionner bourrin démesuré et flamboyant, ce second volet des aventures de notre (super)héros technoïde, mi homme, mi-vampire, déploie un florilège de séquences homériques d'une fluidité émoustillante. Ainsi, Blade est aujourd'hui contraint de s'allier avec ses ennemis vampirisés pour déjouer le projet d'un antagoniste encore plus délétère que ces prédécesseurs ! Un vampire invincible puisque doué d'une force imputrescible ! Avec sa clique d'équipiers aux dents longues et lunettes noires, d'un bricoleur et de son vieil ami Abraham, Blade devra se mesurer à ces nouveaux mutants afin d'empêcher la propagation furtive d'un virus irréversible. De par sa photo sépia aux teintes fluos oscillant l'azur et le safran, Blade II illustre avec souci formel la retranscription d'un univers high-tech rubigineux combiné à une architecture gothique dans ces localités ténébreuses. Tant auprès de l'antre du repère des vampires et leur labo sujet à diverses expérimentations sur des foetus ou encore de la planque localisée dans des égouts infestés de goules. Qui plus est, l'attirail des armes à feu de taille disproportionnée et la sophistication des nouveaux gadgets conçus pour ruser nos vampires (les sphères régies par minuterie pour y extraire des flashs aveuglants) demeurent des accessoires en sus afin de permettre à Guillermo Del Toro d'élaborer un univers résolument hybride. 


C'est à dire entre la modernité futuriste (le lieu high-tech de la boite de nuit tendance SM, la texture des sols vitreux en interne de la forteresse de Damaskinos) et l'académisme antique (certains tableaux de peinture mais aussi quelques façades murales ornés de sculpture historique chez le souverain des ténèbres). Ainsi, cette harmonie visuelle prégnante nous dépayse sans fioriture quand bien même les personnages excentriques, perfides et délétères y extériorisent une vigueur téméraire d'après leurs querelles meurtrières. En prime, sa structure narrative compromise à l'action incessante part d'un pitch ironique (Blade doit s'unir avec ses pires ennemis pour mieux parfaire un antagoniste encore plus ravageur !) pour ensuite nous surprendre lors de quelques revirements agréés (subterfuge et rancoeur vindicative viennent relancer l'intrigue avec une efficacité accrue). Mené à train d'enfer et sévèrement violent de par son réalisme percutant, Blade 2 décuple sans rougir de monstrueuses séquences d'action ! Et on peut dire qu'à ce niveau, Guillermo Del Toro nous transcende des combats d'arts martiaux (chanbara à l'appui !) et cascades vertigineuses à la dimension épique littéralement singulière ! Par conséquent, l'habileté des FX numérisés (de façon assez circonspecte) détonne si bien que le réalisateur ne cesse d'alterner ses péripéties explosives à travers un montage géométrique (une rixe renversante est interrompue par une autre baston pour ensuite revenir à sa précédente altercation !). Et pour parachever, l'aspect terrifié imposé au faciès patibulaire de nos nouveaux vampires carnassiers (car pourvus d'une mâchoire entrebâillée !) nous exacerbent une furieuse épopée sanguinaire !


Extrêmement spectaculaire et limpide à travers la lisibilité de l'action héroïque, Guillermo Del Toro fait voler en éclat le conformisme d'une franchise lucrative somme toute aseptisée. Sa richesse visuelle allouée à la société expressionniste de vampires contemporains, sa violence vigoureuse multipliant les estocades aériennes et la trogne virile de nos guerriers renfrognés embrasant toute la pellicule ! Jusqu'au crépuscule rédempteur d'une maîtresse immolée...

Dédicace à Pascal Frezzato
24.10.12. 2èx
Bruno Matéï


mardi 23 octobre 2012

EXCISION

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site fountainpop.com

de Richard Bates Jr. 2011. U.S.A. 1h21. Avec AnnaLynne McCord, Traci Lords, Ariel Winter, Roger Bart, Jeremy Sumpter, John Waters, Malcolm McDowell.

Sortie salles France: 12 Septembre 2012. U.S: 21 Janvier 2012

FILMOGRAPHIE: Richard Bates Jr est un réalisateur, scénariste et producteur américain.
2008: Excision (court-métrage)
2012: Excision


Projeté à Sundance et l'Etrange Festival où une partie du public fut en émoi, Excision est la version extensive du premier court-métrage éponyme de Richard Bates Jr. Comédie caustique et horreur clinique se négociant dans une bassine de formol afin de nous illustrer la quotidienneté d'une jeune adulte introvertie (elle vient d'avoir 18 ans), sujette à une fascination pour les organes et la nécrophilie. Raillée par ses camarades de classe et dépréciée par une mère conservatrice obsédée par l'hygiène, Pauline inspire l'indifférence auprès de son entourage. Son visage blême dénué d'un quelconque maquillage est en outre piqueté de boutons d'acné. Livrée à elle même malgré une certaine compassion tolérée par sa petite soeur et son paternel sclérosé, Pauline fuit sa morosité dans des délires fétichistes de dissection chirurgicale à travers ses songes morbides. Jusqu'au jour où elle décide de prendre en main son destin après son éviction scolaire.


Satire corrosive des moeurs américaines, plaidoyer pour le droit à la différence, Excision joue la carte de la provocation avec un esprit sarcastique parfois audacieux, voir aussi déviant (le foetus ensanglanté délicatement maintenu par le bout des doigts d'une infirmière et son épilogue traumatique inéluctable). En réalisateur subversif délibéré à proposer une oeuvre scabreuse fignolée dans un esthétisme léché, Richard Bates Jr adopte les ruptures de ton pour désarçonner le spectateur et l'entraîner dans une sorte de trip semi expérimental incongru. Car ce portrait jusqu'au-boutiste d'une jeune fille extravagante livrée à elle-même, faute d'une négligence parentale et d'une société obsédée par l'apparence et la maladie, joue la carte de l'humour décalé avant de nous confiner vers une tragédie emphatique. Si le film risque de diviser une majorité du public par son insolence inaccoutumée, déployant notamment des séquences de poésie morbide d'une nuance immaculée, l'interprétation innée de la jeune actrice AnnaLynne McCord emporte tout sur son passage ! Excentrique et déficiente dans l'âme par son goût prononcé pour le sang et les organes, la comédienne transcende son profil morbide avec une aisance confondante ! Débridée et intempestive, elle réussit autant à susciter le dégoût viscéral dans ses délires fantasmatiques qu'extérioriser une empathie par son mal-être existentiel émanant d'une société conventionnelle. En mégère hautaine, l'étonnante et rarissime Tracy Lords endosse avec une droiture compacte le profil d'une mère castratrice, incapable d'éprouver une tendresse candide pour sa progéniture. 


Portrait d'une cellule familiale perfectible
Satire corrosive de l'éducation parentale incapable d'assumer la postérité de leur rejeton, Excision met en exergue l'introspection abrupte d'une jeune fille déchue, consciente de sa pathologie mentale mais discréditée par une civilisation formatée. Ovni hybride traversé de séquences sulfureuses d'une audace immorale, cette peinture cynique d'une Amérique qui s'observe le nombril allie humour noir et mauvais goût avec une verve hermétique. Déroutant, viscéral, sensitif et finalement attachant, Excision ne pourra faire l'unanimité mais le jeu halluciné de la jeune AnnaLynne McCord risque fort de laisser une trace indélébile dans l'encéphale d'une majorité de spectateurs.  

23.10.12
B

lundi 22 octobre 2012

PIQUE-NIQUE A HANGING ROCK (Picnic at Hanging Rock). Grand Prix au Festival des Nations à Taormina

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemagora.com

de Peter Weir. 1975. Australie. 1h45 (Director's Cut). Avec Rachel Roberts, Dominic Guard, Vivean Gray, Helen Morse, Kirsty Child, Tony Llewellyn-Jones, Jacki Weaver, Anne-Louise Lambert.

RécompensesGrand Prix au Festival des Nations à Taormina
Prix d'Interprétation Féminine décernée à l'ensemble des comédiennes au Festival du Rex de Paris.

FILMOGRAPHIE: Peter Weir est un réalisateur australien, né le 21 Août 1944, à Sydney, Australie.
1974: Les Voitures qui ont mangé Paris. 1975: Pique-nique à Hanging Rock. 1977: La Dernière Vague. 1981: Gallipoli. 1982: l'Année de tous les Dangers. 1985: Witness. 1986: Mosquito Coast. 1989: Le Cercle des Poètes Disparus. 1990: Green Card. 1993: Etat Second. 1998: The Truman Show. 2003: Master and Commander. 2011: Les Chemins de la Liberté.


Ce que l'on voit et ce que l'on perçoit n'est qu'un rêve... Un rêve dans un rêve.
Grand succès public dans son pays d'origine, Pique-nique à Hanging Rock doit la singularité de son scénario au roman de Joan Lindsay, publié en 1967. Auréolé d'un Grand Prix au Festival des Nations à Taormina (Sicile), ce chef-d'oeuvre aussi rare que précieux, seconde réalisation d'un auteur écolo, tire attrait de son pouvoir hypnotique de par son indicible aura fantasmatique. Le 14 Février 1900, des jeunes filles du collège Appleyard pique-niquèrent à Hanging-Rock dans le Victoria. Au cours de l'après-midi, plusieurs membres du groupe disparurent sans laisser de traces. A partir de cet argument interlope, Peter Weir nous brode une intrigue fantastique imprégnée d'étrangeté, voir de mysticisme écolo. Ainsi, c'est un florilège d'images poétiques qu'il nous façonne de façon épurée pour illuminer durant la sérénité d'un pique-nique la nature solaire et ses filles désireuses, affublées de robes de dentelle et étendues au coeur d'immenses rochers. Son préambule dédié à la beauté lascive de ces collégiennes enivrées par la flore est d'ailleurs transcendé par le score monocorde d'une flûte de pan composé par Bruce Smeaton.


Cette succession de séquences charnelles sont d'autant plus fascinantes par leur aura ensorcelante que la destinée pressentie des disparues nous laissera, comme chacun des protagonistes, dans l'interrogation d'une énigme insoluble ! Après l'annonce de ces disparitions (ou enlèvements) inexpliqués, la tragédie va notamment lourdement influer sur le comportement anxiogène des camarades de classe, tributaires d'une enseignante hautaine et d'un climat scolaire contrariant. Une mégère orgueilleuse incapable de faire preuve de charité face à la bonhomie de ces jeunes filles accablées par la perplexité. De manière dégénérative, cette confrérie généralement féminine (en dépits de quelques occupants dont un amant planqué sous les draps d'une majordome) se confrontera à une succession d'évènements dramatiques fortuits. Comme si une malédiction s'était abattue sur la bannière du pensionnat de prime abord tranquille et réputé. Spoil ! Et ce, en dépit de la découverte miraculeuse de l'une d'entres elles, finalement retrouvée sous la montagne rocheuse par un prétendant. Fin du Spoil.


A travers son ambiance d'étrangeté feutrée et le climat obscur d'un institut académique en proie à une triste fatalité, Peter Weir joue habilement avec la caractérisation psychologique de ces personnages confrontés à une tragédie saugrenue. Tant et si bien que ce drame psychologique en quête de vérité  plongera au final cette hiérarchie autoritaire dans le désarroi. Spoiler !!! A savoir: démission d'un membre du personnel, départ précipité d'une survivante et renvoi d'une collégienne suicidaire vont un peu plus plonger dans l'aigreur destructrice une directrice confinée vers l'éthylisme car convaincue de sa vanité et de sa part de responsabilité. Fin du Spoiler. De cette déchéance morale émane une ambiance ombrageuse laminée par l'amertume. Notamment la détresse fragilisée d'adolescentes confrontées à la perte de leurs camarades et de l'arrogance de leur matriarche. Dans une atmosphère susceptible de préoccupation, le réalisateur véhicule un sentiment de malaise vaporeux et surtout un pouvoir d'envoûtement auprès des sens du spectateur transi. 


Songe d'une nuit d'été.
D'un esthétisme raffiné afin d'épurer sa nature champêtre et la candeur de demoiselles prêtes à s'éclipser vers une horizon inconnue, l'oeuvre séminale de Peter Weir tend à harmoniser la campagne australienne éperdue d'amour pour cette virginité féminine (et vice-versa !). Son aura d'étrangeté imperceptible et sa poésie élégiaque conjuguées à une tendre cohésion entre la femme et la flore laissant le spectateur en état d'apesanteur. Comme si la notion de temps s'était subitement dissoute pour mieux nous immerger dans la volupté d'une idylle spirituelle en concertation funeste. Chef-d'oeuvre auteurisant à la fois fragile, vénéneux, ombrageux, sensuel et ténu, Picnic à Hanging-Rock élève l'art de suggestion avec une acuité de fascination irréelle si bien que cette quintessence du fantastique australien restera inégalée de par sa semence infiniment capiteuse.

* Bruno
22.10.12. 4èx

                                         

vendredi 19 octobre 2012

Vigilante, justice sans sommation !

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site ledrugstore1968.blogspot.com

de William Lustig. 1982. U.S.A. 1h29. Avec Robert Foster, Fred Williamson, Richard Bright, Rutanya Alda, Don Blakely, Joseph Carberry, Willie Colon, Frank Pesce, Carol Lynley, Joe Spinell, Woody Strode.

FILMOGRAPHIE: William Lustig est un réalisateur et producteur américain, né le 1er Février 1955 dans le Bronx à New-York. 1980: Maniac. 1982: Vigilante. 1988: Maniac Cop. 1990: Maniac Cop 2. 1993: Maniac Cop 3. 1997: Uncle Sam.


En tout homme, il y a un justicier qui veille !
Deux ans après son traumatisant Maniac, William Lustig s'entreprend en 1982 d'explorer le polar urbain, ou plus exactement le Vigilante Movie. Un sous-genre inauguré en 1974 par Michael Winner et Charles Bronson dans le célèbre Un Justicier dans la ville. D'une brutalité nauséabonde par sa violence gratuite jusqu'au boutiste (la mort du bambin filmée en contre champ d'une fenêtre résonne encore dans les esprits !), Vigilante reprend le même canevas que bon nombre de film d'auto-défense. A savoir, la vengeance d'un paternel contre les meurtriers de sa famille. Accusé d'outrage et venant de purger 30 jours de prison, ce dernier va accomplir sa propre justice expéditive en décimant un à un ses agresseurs en liberté. Sous ses allures de série B d'action rondement menée, William Lustig insiste néanmoins à démontrer le laxisme du système judiciaire américain quand juges et magistrats sont débordés par une criminalité galopante.


A travers un pitch éculé, le réalisateur tend à véhiculer une certaine réflexion sur la justice individuelle par le portrait d'un prolétaire préalablement légitime car convaincu de l'efficacité de la police et la loyauté juridique. Ce n'est qu'à partir du massacre perpétré sur sa famille et après sa condamnation injustifiée que notre citoyen va endosser le rôle de victime trahie. Par le biais de sa présence vindicative, le film illustre sans concession l'idéologie fasciste d'un gang de citadins irascibles. A savoir, les exactions sordides d'une milice (les propres collègues du justicier travaillant à la même enseigne industrielle !) délibérée à nettoyer les rues malfamées de voyous sans vergogne. D'un pessimisme proprement nihiliste dans sa description d'un New-York livré à la délinquance quotidienne, William Lustig met en exergue l'impuissance d'une population démotivée ne sachant plus à quel saint se vouer pour retrouver la tranquillité dans leur quartier envenimé par la drogue, la prostitution et la criminalité. Quand bien même les flics en service de routine sont dépassés par les évènements et tentent de montrer un signe d'autorité en circulant de manière apathique dans les rues mal fréquentées.


La noirceur du sujet renforcée par l'ambiance nocturne d'une urbanisation en déliquescence évoque une succession de règlements de compte sanglants proprement dérangeants. Car le réalisateur dépeint de façon nihiliste le ras le bol d'une poignée de quidams délibérés à sortir les flingues pour régir leur propre loi. D'ailleurs, le monologue du prélude énoncé par un leader activiste (Fred Williamson engagé dans une idéologie extrémiste) évoque bien la situation de crise dans lequel les habitants sont confrontés. Ce désespoir tangible d'une humanité en chute libre raisonne comme un cri d'alarme pour dénoncer la déroute de nos sociétés laxistes gangrenées par un système judiciaire sectaire. Les séquences d'actions remarquablement filmées résonnent alors comme des fulgurances putassières car sa violence nauséeuse découle de la révolte aliénante de l'honnête citoyen converti en implacable tueur dénué d'éthique. Le score percutant de Jay Chataway va notamment intensifier ce climat d'insécurité où chaque voyou, dealer, mac et violeur agissent de la manière la plus permissive. Enfin, la conviction des interprètes renforce le caractère autoritaire d'une milice intraitable (même si Fred Williamson cabotine parfois dans ses élans acrobatiques d'expert en art martial). En père endeuillé rongé par la révolte, l'excellent Robert Foster magnétise l'écran de sa trogne renfrognée, un regard détaché en régression humaniste. Sa sombre présence doit autant à l'ambiance défaitiste découlant d'une civilisation urbaine livrée à l'anarchie.


Nous sommes armés, nous sommes prêts
Terriblement pessimiste et sans issue de secours, Vigilante joue autant la carte du cinéma d'action d'exploitation que de la réflexion alarmiste sur les effets pervers de l'auto-justice depuis la démission juridique. Dominée par l'interprétation inflexible de Robert Foster entouré d'une poignée de vétérans de seconde zone (les trognes burinées Woody Stroode et Fred Williamson), Vigilante constitue un archétype du film d'auto-défense, au même titre que son comparse Le Droit de Tuer

Dédicace à Denis Soustre De Condat-Rabourdin
*Bruno
19.10.12. 4èx

Eh ! Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi je commence à en avoir jusqu'ici.
On en est à 40 meurtres par jour dans nos rues, il y a plus de 2 millions d'armes illégales dans cette ville les mecs ! Il y a de quoi envahir un pays avec cet armement. Il tire sur les flics de cette ville comme sur des soldats de plomb.
Alors merde, vous prenez tous le métro non !? Combien de temps allons-nous supporter qu'on nous agresse ? Combien de verrous allons-nous mettre à nos portes ?
Nous n'avons plus de police. Ni de procureur, ni de prison.
Je veux dire que tout ça c'est fini. Y'a deux poids et 2 mesures. Maintenant on est une statistique.
Alors moi j'vous dis: "quand on n'ose plus descendre acheter un paquet de cigarettes le soir parce qu'on sait que la rue appartient aux loubards et aux voyous dès que la nuit tombe et que les autorités ne peuvent pas nous protéger. 
Voilà ce que je vous dis les mecs ! Vous avez une obligation morale, le droit de préserver vous-même vos vies.
Vous pouvez fuir, vous pouvez vous cacher, ou essayer de vivre à nouveau comme des hommes, c'est notre Waterloo mes amis. 
Si vous voulez retrouver votre ville, il faut la prendre ! Compris ! 
La prendre !!"

mercredi 17 octobre 2012

REVENGE: A LOVE STORY (Fuk Sau che chi sei)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site a2.moovidadb.com

de Wong Ching-Po. 2010. Hong-Kong. 1h35. Avec Chin Siu-Ho, Juno Mak Chun-Lung, Lam Ling-Yuen, Lau Wing, Sora Aoi, Sun Wai-Lin, Tony Ho Wah-Chiu, Wong Shu-Tong.

FILMOGRAPHIE: Wong Ching-Po est un réalisateur, scénariste, acteur, compositeur, monteur et producteur
2002: Fu bo
2004: La Voie du Jiang Hu
2005: Ah sou
2008: Sup Fun chung ching
2010: Revenge: a love story
2011: Bao wei zhan dui zhi chu dong la ! Peng You !
2013: Once Upon a Time in Shangai


Surfant sur les dernières productions asiatiques compromises dans l'action ultra violente toujours plus rugueuse, Revenge: A Love Story débute à la manière d'un thriller sordide pour se confiner vers le revenge movie bicéphale. Un serial-killer commet une série de meurtres crapuleux sur deux femmes enceintes alors qu'un flic est porté disparu. Le criminel âgé de 23 ans et souffrant d'autisme vient à peine de purger une peine de 6 mois de prison pour une condamnation erronée. Sa vengeance implacable ne fait que commencer...
Ca démarre sec avec le meurtre crapuleux de deux femmes enceintes dont le foetus leur sera extirpé (le hors-champ élude le pire !) tandis qu'un sexagénaire est retrouvé mort noyé dans une baignoire. La disparition d'un flic va venir confirmer aux autorités qu'un tueur en série sévi dans le quartier. Rapidement, le suspect est interpellé ! ATTENTION SPOILER !!! Flash back sur son passé romantique avec une jeune fille déficiente suivi de leur calvaire imposé par une bande de flics corrompus. FIN DU SPOILER. On n'en dira pas plus pour ne pas ébruiter cette glauque histoire de vengeance mais un revirement intéressant va venir inverser les rôles impartis. Là où le bourreau se présentait comme une ordure à exterminer de façon sommaire, son passé traumatique va finalement nous dévoiler les clauses véritables qui ont pu pousser cet homme à commettre l'irréparable.


Ultra violent et gore envers certains actes de torture, règlements de comptes au gunfight, confrontations physiques et autres meurtres d'infanticide, les séquences chocs qui émaillent le récit se voient toutefois épargnées d'une complaisance putassière trop souvent présente dans ce genre de production. Son scénario structuré avec dextérité voue son efficacité grâce à la saveur aigre d'une histoire de vengeance hallucinée auquel un autiste s'empresse d'achever sa besogne. En outre, la romance allouée aux deux protagonistes épris de romance véhicule un intérêt constant dans leur cheminement hasardeux jusqu'au fameux drame inconvenu. Une inévitable empathie nous ait donc accordée pour ces amants déchus, d'autant plus que l'administration policière conçue pour protéger le citoyen est ici reléguée au rang de tortionnaires véreux. La mise en scène inventive et inspirée dans ces angles de vue géométriques multiplie ses fulgurances en adoptant parfois le principe du slow motion. En prime, une certaine poésie découle parfois d'une nature clairsemée étrangement sereine ou d'une nuit féerique quand d'immenses poupées gonflables animées ravivent les coeurs (le cadeau de Kit à sa dulcinée Wing). Jusqu'ici tout va bien dans ce scénario interlope utilisant avec une efficience probable action vindicative compromise par des règlements de compte singuliers (certaines séquences brutales surprennent par leur tonalité insolite).
Seulement voilà, le dernier quart d'heure maladroit dans sa thématique de la rémission tributaire d'une repentance religieuse va accumuler les lourdeurs pour tenter de nous convaincre qu'un leader préalablement licencieux a subitement trouvé la voie de la rédemption. Pire encore, son épilogue ridicule et équivoque se vautre dans une forme de mysticisme fumeux pour harmoniser des retrouvailles spirituelles.


Hormis certaines invraisemblances ou facilités (notamment toute la partie furtivement expédiée, centrée autour de l'hôpital quand notre tueur accoutré d'une blouse blanche va échapper à tout le personnel) et son point d'orgue équivoque, Revenge: A Love Story est un thriller suffisamment bien troussé, haletant et intense pour contenter l'amateur de thriller stylisé ultra violent. D'autant plus que l'interprétation d'ensemble renforce son capital crédule avec une mention probante pour le jeu dense du tueur impassible et mutique. A découvrir.

P.S: A éviter la VF exécrable !

Dédicace à Jenny Winter
17.10.12
Bruno Matéï

mardi 16 octobre 2012

Le Nom de la Rose / The Name of the Rose. César du Meilleur Film Etranger, 1987.

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site thezinfidel.com

de Jean Jacques Annaud. 1986. Italie/France/Allemagne de l'Ouest. 2h11. Avec Sean Connery, Christian Slater, Dwight Weist, Helmut Qualtinger, Elya Baskin, Michale Lonsdale, F. Murray Abraham, Volker Prechtel, Feodor Chaliapin Jr.

Sortie salles France: 17 Décembre 1986. U.S: 24 Septembre 1986. Italie: 17 Octobre 1986

FILMOGRAPHIE: Jean Jacques Annaud est un réalisateur, scénariste et producteur français, né le 1er Octobre 1943 à Juvisy-sur-Orge (Essonne). 1976: La Victoire en chantant. 1979: Coup de Tête. 1981: La Guerre du Feu. 1986: Le Nom de la Rose. 1988: l'Ours. 1992: l'Amant. 1995: Guillaumet, les ailes du courage. 1997: Sept ans au Tibet. 2001: Stalingrad. 2004: Deux Frères. 2007: Sa Majesté Minor. 2011: Or Noir.


5 ans après le césarisé La Guerre du Feu, Jean Jacques Annaud se voit attribuer la même récompense du Meilleur Film (Etranger) pour le Nom de La rose, d'après le livre d'Umberto Eco. Thriller gothique, aventure, suspense, romance et vérité historique sont agencés afin de transcender une intrigue criminelle à l'aura médiévale imprégnée de mystère. Le franciscain Frère Guillaume ainsi que son jeune disciple Adso de Melk sont chargés d'élucider une affaire de morts suspectes au sein d'une abbaye du nord de l'Italie en 1327. Accidents, suicides et meurtres s'enchaînent de manière récurrente parmi l'assemblée de moines bénédictins. Rapidement, Guillaume de Baskerville relève un indice éloquent sur les corps martyrisés. Une tâche noire est imprimée sur la langue et l'un des pouces des sinistrés. En prime, la communauté religieuse est régie par une autorité sectaire sous la hiérarchie de Jorge de Burgos, un prêtre leur interdisant la liberté d'expression du ricanement. Un livre proclamant l'autonomie des bienfaits du rire serait à l'origine de cette vague de crimes morbides. Dans une superbe photo naturelle en clair-obscur, le Nom de la Rose est d'abord une réussite formelle engagée vers un style gothique en interne d'un séminaire diaphane et au delà des plaines étendues. En franciscain des baskerville, notre briscard Sean Connery érige son enquête avec un instinct perspicace dans la peau d'un détective indéfectible. 


Avec la complicité juvénile du novice Christian Slater, en disciple attentif et timoré, secrètement amoureux d'une sauvageonne, ils forment à eux deux un tandem inopiné. D'autant plus que l'intrigue charpentée dans une vérité historique fustigeant l'obscurantisme religieux et sa juridiction inquisitrice ne cesse de jongler avec un suspense passionnant pour élucider nombre de  meurtres sordides (tête écrasée sous une pierre, noyade dans une cuve de sang de cochon, crémation, empoisonnement). L'ambiance pesante, renforcée par ses décors gothiques d'un monastère orné de pièces secrètes (le dédale vertigineux de la librairie) envoûte le spectateur par son environnement tangible proche d'une facture horrifique. D'autant plus que la superstition sataniste inculquée par une doctrine intégriste semble suinter au travers des murs de pierre, quand bien même d'horribles tortures sont perpétrées sur des damnés innocents. Le caractère inquiétant du score musical composé par James Horner agrémente discrètement une certaine tension sous jacente pour accompagner la sinistre investigation de nos deux détectives emmitouflés d'une soutane. Avec sa densité narrative vouée à dénoncer le fondamentalisme, Jean Jacques Annaud se permet notamment d'illustrer une magnifique histoire d'amour à travers la romance candide du jeune Adso de Melk, capucin épris d'affection pour une sauvageonne démunie mais finalement séparés par l'ordre de la piété.  


Le rire est le propre de l'homme
D'une richesse thématique et esthétique probante, Jean Jacques Annaud trouve le juste équilibre d'y combiner le divertissement perspicace et la réflexion historique d'une époque médiévale où l'intolérance religieuse fut tributaire d'une inquisition inculte elle même subordonnée aux croyances superstitieuses. Sobrement incarné par deux illustres comédiens mais aussi d'étonnants seconds rôles à la trogne patibulaire, le Nom de la Rose déroge la doctrine catholique, là où rire, sexe et amour tendent à braver ses fondements. Captivant de bout en bout et immersif, chaque genre est justement agencé avec une fluidité déconcertante, sacre d'un chef-d'oeuvre exhaustif. 

*Bruno
16.10.12. 3èx

Récompense: César du Meilleur Film Etranger en 1987
Prix David di Donatello de la Meilleure Direction Artistique, des Meilleurs Costumes et de la Meilleure Photographie, 1987.
Prix du film Allemand du Meilleur Acteur (Sean Connery) et de la Meilleure Direction Artistique, 1987.
Ruban d'Argent de la Meilleure Photographie, des Meilleurs Costumes et de la Meilleure Direction Artistique, 1987.
BAFTA Awards du Meilleur Acteur (Sean Connery) et du Meilleur Maquillage, 1988