samedi 5 janvier 2013

MANIAC

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Franck Khalfoun. 2012. France/U.S.A. 1h33. Avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, Liane Balaban, America Olivo, Joshua De La Garza.

Sortie salles France: 2 Janvier 2013

FILMOGRAPHIEFranck Khalfoun est un réalisateur, scénariste, acteur et monteur américain
2007: 2è Sous-sol. 2009: Engrenage Mortel (Wrong Turn at Tahoe). 2012: Maniac



Discrédité avant même l'entreprise de sa réalisation puisque estampillé remake bancable d'après un chef-d'oeuvre traumatisant, Maniac, nouvelle mouture, prenait également le risque d'attribuer son rôle titre à un illustre acteur au minois infantile. Un choix particulièrement couillu qui laissait craindre le pire, d'autant plus que son réalisateur novice était déjà responsable de deux manufactures conventionnelles. Produit par William Lustig en personne, épaulé des français Aja et Levasseur (notamment crédités au scénario), cette nouvelle déclinaison adopte le parti-pris de ne pas vulgairement copier-coller son modèle cradingue. Filmé entièrement en caméra subjective du point de vue du tueur, Maniac version 2012 est une nouvelle descente aux enfers dans les bas-fonds de Los Angeles qu'un tueur psychopathe s'entreprend de nettoyer des quartiers malfamés putes et call-girl racoleuses. Dès le prologue, l'ambiance anxiogène et crépusculaire d'un new-york insalubre nous est illustrée avec un réalisme cafardeux (badauds désoeuvrés sont mêlés à la foule cosmopolite arpentant des trottoirs inondés de déchets). A l'image cinglante de son premier crime imposé de manière totalement impromptue.


La cruauté du meurtre et l'impuissance à laquelle la victime ne puisse exprimer la moindre clameur nous saisit de stupeur. La bonne nouvelle c'est qu'ensuite l'errance quotidienne du maniac dans les rues nocturnes restera une dérive introspective jalonnée d'estocades aussi terrifiantes qu'éprouvantes. Car durant tout son cheminement meurtrier, le spectateur est forcément contraint de s'identifier instinctivement à son existence sordide grâce à l'agilité d'une caméra subjective en interne du sujet ! L'effet d'immersion est immédiat mais surtout il dérange, incommode, asphyxie son public pris en otage par ses pensées déficientes, ses visions horrifiées de mannequins ensanglantés blottis dans une chambre tamisée et surtout ses crimes crapuleux lâchement perpétrés avec violence acérée ! Autant avouer que dans cette nouvelle mouture, l'effet de submersion est beaucoup plus prégnant que dans son modèle originel. A contrario, on est loin du traumatisme imposé par le climat poisseux de Lustig et du jeu transi d'émoi de Joe Spinell ! Néanmoins, certaines séquences gores percutantes ont de quoi retourner les estomacs les plus fragiles, mais surtout sa sauvagerie cuisante qui en découle effleure parfois l'insupportable (le meurtre à coups de poignards d'une prostituée réfugiée dans un parking est franchement pénible à endurer !).


 Il faut notamment louer la maîtrise de sa mise en scène expérimentale (le jeu de miroirs judicieux pour entrevoir le visage du tueur) ou affinée (certaines séquences stylisées surprennent par son esthétisme poétique d'autant plus épurée d'une photo limpide) et la manière habile dont le réalisateur exploite son potentiel de terreur face aux exactions du maniac. A ce titre, le point d'orgue final jusqu'au-boutiste s'avère un moment d'anthologie particulièrement éprouvant lors la traque de la dernière victime en instance de survie. Et le gore paroxystique d'atteindre son apogée dans un épilogue aussi bestial et grand-guignol que son ancêtre. Pour parachever, nos scénaristes ont eu la bonne idée d'insister sur l'idylle amoureuse entre Franck et une photographe de mode. En l'occurrence, l'empathie accordée à ce dernier s'avère beaucoup plus persuasive si bien qu'une réelle compassion lui est finalement tolérée auprès du spectateur. Le réalisateur prenant bien soin d'illustrer sa pyché torturée à travers une réminiscence infantile résultant des exactions sexuelles de sa mégère. En résulte une ambiance de nonchalance teintée de mélancolie qui imprègne toute la pellicule,  amplifiée par la mélodie d'un score tragique infiniment fragile. Un parti-pris adéquat pour mettre en exergue la romance fébrile des deux protagonistes esseulés et pour ausculter le passé douloureux du tueur misogyne, victime malgré lui d'une enfance galvaudée.


A bout de souffle
Terrifiant et dérangeant par son immersion expérimentale, glauque et malsain (même si à 100 lieux du chef-d'oeuvre initial), mais surtout sauvage et cruel, Maniac adopte l'intelligence de se démarquer de son modèle sans faire preuve d'esbroufe mais en insistant plutôt sur la déchéance mentale du tueur pathétique livré à une insupportable solitude. Et si au premier abord Elijah Wood avait de quoi laisser dubitatif pour prendre la relève au jeu maladif de Joe Spinell, il parvient sobrement à y imprimer sa propre personnalité dans le corps d'un psychopathe timoré et impuissant, égaré dans l'amertume d'un amour insoluble. La nouvelle génération peut applaudir, un nouveau classique de l'horreur hardcore leur est également léguée.

* Bruno
05.01.13


3 commentaires:

  1. Je viens (enfin) de voir le Maniac 2012 et je suis totalement d'accord avec toi. J'ai particulièrement apprécié le duo passionnant entre musique et mise en scène qui accentue l'identification au personnage, parfaitement joué par Wood.
    Mis à part quelques maladresses (flash-backs un peu poussifs), Maniac 2012 est une fable gore et dérangeante sur la solitude dans les grandes villes (et un joli pied de nez à son petit monde artistique snob)...

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  2. J'adore quand tu parles de "fable gore et dérangeante sur la solitude dans les grandes villes !"
    Merci Daniel !

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  3. J'ai essayé de mettre sur papier pourquoi Maniac est une telle réussite:

    http://www.lepasseurcritique.com/edito/maniac-2012-ou-la-revolution-du-remake.html

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