mardi 16 juillet 2013

CANNIBAL HOLOCAUST

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site cultreels.net

de Ruggero Deodato. 1980. 1h32. Italie/Colombie/Etats-Unis. Avec Robert Kerman, Carl Gabriel Yorke, Francesca Ciardi, Perry Pirkanen, Luca Barbareschi.

Sortie salles France: 22 Avril 1981. Italie: 7 Février 1980

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Ruggero Deodato est un réalisateur italien, né le 7 Mai 1939.
1977: Le Dernier monde Cannibale. 1979: SOS Concorde. 1980: Cannibal Holocaust. 1980: La Maison au fond du parc. 1983: Les Prédateurs du Futur. 1985: Amazonia, la jungle blanche. 1987: Les Barbarians. 1987: Body Count. 1988: Le Tueur de la pleine lune. 1993: The Washing Machine.


"Il faut parfois montrer au monde l'enfer pour qu'il se rende compte de son bonheur."
Classé X dans certains pays et interdit dans une soixantaine, Cannibal Holocaust perdure son pouvoir de réalisme sordide et ne cesse de provoquer chez les spectateurs du monde entier violente aversion et/ou fascination dérangée. Réputé comme l'un des films les plus controversés de l'histoire du cinéma puis saisi dès sa sortie par un magistrat italien pour délit d'obscénité et suspicion de snuff movie, Ruggero Deodato s'est taillé au fil des décennies une réputation de cinéaste scandaleux. Notamment sa culpabilité (assumé) d'avoir osé assassiner face caméra des animaux sauvages. Outre l'aspect impardonnable de s'être complaisamment adonné au snuf animalier (acte qu'il regrette aujourd'hui !), le réalisateur poussera encore le vice lors de son exploitation officielle dans les salles obscures en y suggérant une folle rumeur autour du sort des comédiens principaux. Car exilés hors de l'Italie durant un laps de temps, ces derniers en connivence avec le réalisateur sont parvenus à simuler leur probable disparition à la populace italienne.


Découvrir aujourd'hui pour la première fois Cannibal Holocaust reste autant une expérience qu'une épreuve traumatisante difficilement digérable. Dans la mesure où Ruggero deodato redouble de provocation putassière afin de retourner les estomacs les plus solides en se jouant de l'illusion de la fiction et de l'authenticité de la réalité. Pour ce faire, par le principe avant-gardiste du Found Footage, le réalisateur jumèle ici des images authentiques de snuf-animaliers par la méthode journalistique de la caméra portée à l'épaule. En priorité lors de sa seconde partie impartie au docu-vérité auquel quatre journalistes avides d'images chocs iront filmer en pleine cambrousse amazonienne une multitude de mises à mort avec un goût du sensationnalisme hyper racoleur. Tant auprès de leurs exactions crapuleuses commises sur une une tortue dépecée ou sur un porcinet abattu au fusil, de leur viol pratiqué sur une indigène ou encore de l'incendie volontaire perpétré dans la hutte des Yacumos. Avec toujours autant de surenchère voyeuriste, ils n'hésiteront pas non plus à filmer la fausse couche d'une indigène et sa lapidation qui s'ensuit, le rituel barbare préalablement invoqué à une femme empalée sur un pieu (anthologie souvent censurée en Vhs), mais aussi le meurtre d'un de leur propre camarade ainsi que le viol en réunion infligé sur la petite amie du cameraman.


Outre l'aspect inévitablement émétique déversé à cette boucherie primitive (tant auprès du camp des journalistes que de celui des indigènes), Cannibal Holocaust met en exergue une charge corrosive sur notre société dite civilisée si bien qu'ici nos quatre reporters partis en expédition amazonienne se vautrent royalement dans la débauche et l'assassinat dans l'unique but de se divertir parmi l'appât du scoop. Par esprit de mégalomanie et sans une once de vergogne, leurs exactions sont notamment une mesure expéditive afin de prouver à l'étranger primitif qu'en cas de survie, la meilleure déontologie à respecter reste la loi du plus fort. Ainsi, en y juxtaposant les coutumes barbares tolérées par des indigènes cannibales, la mise à mort réelle d'animaux vivants et les plaisirs lubriques et meurtriers de nos quatre lurons civilisés, Ruggero Deodato sème profond malaise et ambiguïté de par son désir de choquer, d'écoeurer à tous prix le spectateur pris en otage par un maelström d'images morbides édifiantes de crudité ! Ainsi, à travers cet alliage de fiction et de réalité, nous sommes donc conditionnés à perdre nos repères avec ce troublant sentiment d'assister à un documentaire où l'illusion est transcendée par son degré d'authenticité ! (combien de spectateurs et vidéophiles de l'époque ont cru assister à un véritable schockumentaire !). Cette aversion viscérale pour la cruauté morbide, le réalisateur y extrait notamment une réflexion sur notre part de voyeurisme, notre curiosité instinctive à daigner observer la mort sous son aspect le plus crapoteux. A la mélodie antinomique d'un score élégiaque inscrit dans la tragédie, il amplifie également avec provocation notre dégoût émotionnel face à notre pulsion animale. La mort et la souffrance faisant parties du rituel, tant auprès d'une sentence vindicative que d'une violence gratuite engendrée par une civilisation moderne.


Mondo Cane
De ce chaos primitif émane un grand film malade, viscéralement éprouvant et hyper dérangeant mais au pouvoir de fascination révulsif et à la puissance émotionnelle ardue. Cet amoncellement de barbarie explicitement illustrée tendant à suggérer que nous sommes tous coupables de notre voyeurisme pour oser observer la cruauté de la mort indissociable du monde sauvage qui nous entoure. Que l'on adhère ou que l'on rejette en bloc ce témoignage intolérable, Cannibal Holocaust ne cessera de provoquer violentes polémiques et débats passionnels sur la nature humaine, tant pour le rapport pervers de notre instinct meurtrier que de notre curiosité morbide pour l'imagerie choc.  

*Bruno
16.07.13. 5èx



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