mardi 27 août 2013

LE LABYRINTHE DE PAN (El laberinto del fauno)

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site locecine.info

de Guillermo Del Toro. 2006. Espagne/Mexique. 1h59. Avec Ivana Baquero, Doug Jones, Sergi Lopez, Maribel Verdu, Ariadna Gil, Alex Angulo.

Sortie salles France: 1er Novembre 2006. Espagne: 11 Octobre 2006. Cannes: 27 Mai 2006

Récompenses: Oscars de la meilleure Photographie, Meilleure Direction Artistique et Meilleurs Maquillages, 2006.
Meilleur Film et Meilleur Acteur (Sergi Lopez) à Fantasporto, 2007
Meilleur Film International, Meilleure jeune Actrice, Ivana Baquero, au Saturn Awards, 2007
Meilleur Film au NSFC Awards, 2007
Meilleur Long-métrage au Prix Hugo, 2007

FILMOGRAPHIE: Guillermo Del Toro est un réalisateur, scénariste, romancier et producteur américain, né le 9 Octobre 1964 à Guadalajara (Jalisco, Mexique).
1993: Cronos. 1997: Mimic. 2001: l'Echine du Diable. 2002: Blade 2. 2004: Hellboy. 2006: Le Labyrinthe de Pan. 2008: Hellboy 2. 2013: Pacific Rim.


Deux ans après l'adaptation du Comic Hellboy, Guillermo Del Toro renoue avec le fantastique intimiste qu'il avait préalablement abordé dans l'Echine du Diable sous un contexte politique franquiste. Conte onirique et drame de guerre ne cessent de se télescoper dans Le Labyrinthe de Pan avec une verdeur qui en aura brusqué plus d'un ! La faute en incombe notamment à l'aspect onirique de son affiche publicitaire suggérant une aventure fantastique éludée de violence acerbe. A contrario, Guillermo Del Toro n'y va pas avec le dos de la cuillère pour dénoncer les horreurs du fascisme durant la guerre d'Espagne à tel point que le film s'avère constamment éprouvant, surtout devant le témoignage d'une môme désabusée. A travers ses yeux de rêveuse et afin de fuir la violence qui l'entoure, le réalisateur nous évade dans son monde onirique avec l'entremise de créatures hybrides sorties des contes obscurs. Avec sa fille Ofelia, Carmen part rejoindre l'armée de son mari tyrannique, le capitaine Vidal. Pour fuir la réalité d'une guerre sanglante et impitoyable auquel des résistants tentent de pourchasser Vidal et en attendant que sa mère enceinte se rétablisse, Ofelia se réfugie dans les contes de fée sous l'entremise d'un insecte. Avec l'étrange compagnie d'un faune, elle va devoir tenter de retrouver le labyrinthe lui permettant de se réincarner en princesse. Mais la condition est rude, sacrifier la vie de son futur petit frère afin de pouvoir bénéficier de la vie éternelle dans le monde souterrain ! 


Avec originalité et ambition personnelle, Guillermo Del Toro juxtapose ici l'aventure onirico-spirituelle et le drame cruel des exactions belliqueuses afin d'établir un contraste entre la chimère du rêve et la réalité d'une guerre sanguinaire. Pourvu d'un esthétisme flamboyant (le monde souterrain, le bois insolite habitée par des créatures hétérogènes) et ténébreux (le campement forestier de Vidal et l'isolement des prisonniers régi au sein d'une grange), Le Labyrinthe de Pan fait appel à l'imaginaire d'une fillette candide, désespérément esseulée d'un monde tyrannique où le fascisme tente d'inculquer son éthique (l'inégalité des ethnies pour valoriser la prépondérance de leur état). Avec l'apparition inédite de créatures difformes étonnamment expressives, nous allons suivre son cheminement fantasque avec une émotion endeuillée. Dans le sens où Guillermo Del Toro s'attache à retranscrire en parallèle les horreurs de la guerre sous le témoignage de partisans sévèrement molestés et d'une mère enceinte en perdition. Sans faire preuve d'indulgence, il souhaite nous ébranler pour dénoncer la barbarie du fascisme devant l'attestation de la maternité et de l'enfance galvaudée. Les scènes de violence frontale ou de tortures infligées dérangent et incommodent le spectateur avec une véracité nauséeuse pour mettre en exergue l'iniquité du sacrifice impartie aux souffre-douleur de la résistance. Alors que dehors, non loin d'une forêt insolite, Ofélia tente de rejoindre un monde souterrain où toutes formes de souffrance et de douleur en ont été bannies. Il en émane une émotion bouleversante par tant de sévice infligée mais aussi un lyrisme désespéré à tenter de nous réconforter avec la destinée enchanteresse d'Ofelia. 


Soutenu par l'inoubliable partition élégiaque de Javier Navarrete, le Labyrinthe de Pan fait office de chef-d'oeuvre du fantastique transgressif par son alliage peu commun d'horreur pure et de fantaisie féerique. La puissance émotionnelle qui émane de son lyrisme désenchanté et la verdeur autorisée à sa cruauté intolérable nous laisse dans un état de collapse. Une oeuvre dure et inconfortable mais saisissante de beauté métaphorique, car contrebalancée par une poésie libératrice où le sens du sacrifice prend toute sa dignité. 

27.08.13. 2èx
Bruno Matéï


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