vendredi 31 mai 2013

LA MAUVAISE GRAINE (The Bad Seed)

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site rottentomatoes.com

de Mervyn Leroy. 1956. U.S.A. 2h09. Avec Nancy Kelly, Patty McCormack, Henry Jones, Eileen Heckart, Evelyn Varden, William Hopper, Paul Fix.

Sortie salles U.S: 12 Septembre 1956

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Mervyn Leroy est un réalisateur, producteur, acteur et scénariste américain, né le 15 Octobre 1900 à San Francisco, Californie, décédé le 13 Septembre 1987 à Beverly Hills (Los Angeles).
1939: Le Magicien d'Oz (non crédité). 1942: Prisonnières du passé. 1943: Aventure en Lybie. 1949: Les 4 Filles du Dr March. 1951: Quo Vadis. 1955: Permission jusqu'à l'aube. 1956: La Mauvaise Graine. 1961: Le Diable a 4 heures. 1968: Les Bérets Verts.


Les Tueurs de l'éclipse, l'Autre, les Révoltés de l'an 2000, les Enfants du Maïs, la Malédiction, Une si gentille petite fille, Emilie, l'enfant des Ténèbres, l'Enfant Miroir, puis plus récemment Esther et The Children... Tous ces films notoires ont comme particularité d'avoir traité le thème de l'enfance diabolique avec plus ou moins de bonheur. Si certains d'entre eux restent de véritables chefs-d'oeuvre toujours aussi acerbes dans leur acuité psychologique (les Révoltés... l'Autre), une oeuvre avant-gardiste réalisée en 1956 par Mervyn Leroy avait aussi marqué les esprits par sa force de suggestion et son intensité émotionnelle.

Depuis la découverte macabre d'un enfant repêché dans un lac, une mère commence à suspecter la responsabilité de sa propre fille tant elle semble impassible face à la disparition de son camarade de classe. D'autres évènements vont venir confirmer l'inquiétude exponentielle de sa génitrice. 



Tiré d'un roman de William March et d'une pièce de Maxwell Anderson, La Mauvaise Graine est une perle rare occultée depuis sa sortie et peu diffusée à la télévision. Réalisé par un cinéaste prolifique ayant à son actif plus de 80 métrages (dont le fameux Quo-vadis et Les 4 Filles du Dr March), ce thriller psychologique réussit avec intelligence à combiner suspense et angoisse pour les portraits octroyés à une mère démunie et sa fille pernicieuse. Prenant pour cadre la scénographie d'une demeure familiale,  Mervyn Leroy nous illustre de façon circonspecte une confrontation intense entre cette mère de famille davantage contrariée par l'attitude désinvolte de sa fille. Ce thriller redoutablement efficace et scrupuleusement interprété redouble de densité dans la filiation indécise allouée à une épouse autrefois orpheline. En mettant en exergue cette caractérisation maternelle compromise à l'adoption parentale, la Mauvaise Graine exacerbe sa force émotionnelle du point de vue d'une génitrice déchue de son identité mais aussi rongée par la culpabilité de sa postérité criminelle. Quoi de plus ardu et de déviant que d'apprendre et tolérer l'impensable ! C'est à dire admettre que son propre rejeton (en l'occurrence une fillette capricieuse âgée de 8 ans !) soit inconsciemment habitée par le Mal. Afin d'exacerber son caractère réaliste et sa tension perpétuelle, la qualité de l'interprétation se révèle l'atout inhérent de cette intense confrontation. Que ce soit au niveau de la prestance fragile de Nancy Kelly dans un rôle rigoureux chargé d'amertume ou celle, diabolique, de Patty McCormack, en fillette véreuse incapable de refréner ses pulsions vengeresses. ATTENTION SPOILER ! A cet égard meurtrier, le traitement infligé au jardinier (de manière hors-champs) s'avère bien pénible et cruel dans l'intonation invoquée à ces hurlements ! FIN DU SPOILER. Enfin, un second rôle féminin (sobrement incarné par Eileen Heckart) vient notamment renforcer le caractère dramatique de cette situation de crise face au désespoir d'une mère accablée par le deuil de son propre fils !



En dépit de l'aspect édulcoré de son épilogue salvateur, La Mauvaise Graine s'avère une excellente surprise brillamment interprétée et réalisée avec concision dans la froideur de son impact psychologique. Une vraie perle de noirceur macabre d'autant plus rare et ignorée qu'on aurait tort de l'occulter indéfiniment !

Un grand merci à l'Univers Fantastique de la Science-fiction
31.05.13
Bruno Matéï


jeudi 30 mai 2013

BLUE VELVET. Grand Prix à Avoriaz,1987.

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site mhd-heaven.blogspot.com

de David Lynch. 1986. U.S.A. 2h01. Avec Isabella Rossellini, Kyle MacLachlan, Dennis Hopper, Laura Dern, Hope Lange, Dean Stockwell.

FILMOGRAPHIE: David Lynch est un réalisateur, photographe, musicien et peintre américain, né le 20 Janvier 1946 à Missoula, dans le Montana, U.S.A. 1976: Eraserhead. 1980: Elephant Man. 1984: Dune. 1986: Blue Velvet. 1990: Sailor et Lula. 1992: Twin Peaks. 1997: Lost Highway. 1999: Une Histoire Vraie. 2001: Mulholland Drive. 2006: Inland Empire. 2012: Meditation, Creativity, Peace (documentaire).


Plongée introspective dans les entrailles des ténèbres sous l'apparence tranquille d'une bourgade bucolique, Blue Velvet est une expérience inclassable au pouvoir de fascination imparable. Auréolé du Grand Prix à Avoriaz en 1987, ce diamant noir à l'aura hermétique nous projette dans un univers malsain où débauche sexuelle et sadomasochisme vont peu à peu corrompre un jeune garçon attisé par le mystère et le voyeurisme ! Après avoir découvert une oreille dans un champs, le jeune Jeffrey décide de mener sa propre enquête afin de connaître l'identité de son propriétaire. Sa curiosité et son attirance pour l'inconnu vont l'attirer dans l'appartement d'une chanteuse de cabaret, séquestrée et molestée par un dangereux psychopathe. En empruntant le schéma classique du film noir, David Lynch s'impose ici en créateur d'univers parallèle par le biais du Bien et du Mal infiltrés au coeur de n'importe quelle bourgade urbaine. A travers l'investigation d'un voyeur juvénile attiré par le Mal, Blue Velvet nous immerge par le trou d'une serrure afin de nous divulguer un monde sordide où sexe et violence vont galvauder l'éthique des victimes asservies. La fascination exercée sur ce monde de débauche et de corruption nous ramène inévitablement à notre propre conscience existentielle, à savoir que les notions du bien et du mal sont instinctivement connectés à notre rétine cérébrale. David Lynch nous évoquant l'instinct primitif de l'être humain et son éventuel dégénérescence quand celui-ci s'emploie à dépasser les frontières de la moralité car le monde est enraciné dans la cruauté.


Avec une originalité sans égale, le réalisateur bouscule les habitudes du spectateur à travers une mise en scène expérimentale en perpétuelle mutation. Il utilise comme prétexte l'intrigue criminelle d'un kidnapping et la découverte insolite d'une oreille coupée pour bâtir un film fantastique obscur où le genre n'est jamais explicite. A travers ses décors baroques, ses chansons rétros, sa mélodie envoûtante et surtout la dimension névrosée de ces personnages, Blue Velvet suggère un fantastique éthéré de par sa dimension psychologique. Tandis que sa structure narrative ne cesse d'alterner les changements de tons afin de distancier le monde obscur de la perversion (l'étrange confrérie de Frank et ses sbires) et celui, salvateur, de l'innocence (l'idylle naissante caractérisée par le couple Jeffrey/Sandy). Ce fantastique baroque est notamment mis en exergue avec l'excentricité psychotique de Frank, mafieux sans vergogne imbibé de drogue et d'alcool et épaulés d'hommes de main tout aussi dégénérés ! Pour endosser son rôle de schizophrène incurable, Dennis Hopper livre son interprétation la plus effrontée pour extérioriser ses pulsions sexuelles et sa violence incontrôlée. Littéralement transi de démence, l'acteur martyrise son otage avec une nature erratique aussi dérangeante qu'éprouvante ! Plongé dans la soumission et le désarroi,  Isabella Rossellini provoque l'empathie pour retransmettre avec fragilité, émotion et rancoeur sa condition de femme soumise, compromise par un penchant pervers pour le masochisme. Enfin, Kyle MacLachlan incarne tout en sobriété et de manière ambivalente un espion voyeuriste subitement épris d'attirance par la perversion mais rattrapé par le remord et l'affection pour sa compagne.


Un monde étrange
Chef-d'oeuvre métaphorique sur le simulacre et l'instinct cruel de l'existence, réflexion sur l'influence de la perversion, Blue Velvet est un grand moment d'étrangeté hypnotique. Une fascinante plongée endogène dans les méandres du Mal ainsi qu'une catharsis sur la rédemption de l'amour. Avec puissance évocatrice et une émotion candide, Blue Velvet s'érige donc en exorcisme face à nos démons internes, une combat quotidien pour la collecte de la quiétude. 

* Gaïus
30.05.13. 4èx

Récompenses: Meilleur réalisateur et meilleur second rôle masculin pour Dennis Hopper, lors des Los Angeles Film Critics Association Awards en 1986.
Meilleur acteur pour Dennis Hopper, lors du Festival des films du monde de Montréal en 1986.
Meilleur film et meilleure photographie, lors du Festival international du film de Catalogne en 1986.
Grand Prix au Festival d'Avoriaz en 1987.
Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure photographie et meilleur second rôle masculin pour Dennis Hopper, lors des Boston Society of Film Critics Awards en 1987.
Meilleur film étranger, lors des Fotogramas de Plata (Espagne) en 1987.
Meilleure actrice pour Isabella Rossellini, lors des Film Independent's Spirit Awards en 1987.
Meilleur film étranger, lors des Joseph Plateau Awards (Belgique) en 1987.
Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure photographie et meilleur second rôle masculin pour Dennis Hopper lors des National Society of Film Critics Awards en 1987.




mardi 28 mai 2013

PHENOMENA

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site stuffpoint.com

de Dario Argento. 1985. Italie. 1h49. Avec Jennifer Connelly, Donald Pleasance, Daria Nicolodi, Patrick Bauchau, Dalila Di Lazzaro.

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie).
1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975: Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Dernière pièce maîtresse du maestro à ce jour, Phenomena est un voyage onirique au pays des songes sous l'allégeance d'insectes mentors. Sous-estimé lors de sa sortie en 1985, notamment à cause de l'utilisation belliqueuse d'une bande-son parfois hard rock, ce trip féerique s'avère une clef de voûte inhérente du fantastique contemporain, transcendée par la virtuosité d'une mise en scène clipesque et de l'interprétation candide de la divine Jennifer Connely. Du haut de ses 14 ans, l'actrice néophyte (elle a débuté un an au préalable sous l'omnipotence de Leone dans Il Etait une fois en Amérique !) parvient par sa présence gracieuse à véhiculer une aura trouble pour son don surnaturel à pouvoir communiquer avec les insectes. Si le scénario semblait de prime abord grotesque et éculé, Dario Argento réussit avec une ambition auteurisante de juxtaposer le merveilleux et l'horreur sous l'entremise du giallo hybride. Imaginez une seconde qu'une simple mouche puisse  débusquer la tanière d'un tueur misogyne sous l'investigation d'une adolescente télépathe victime de somnambulisme ! Sur le papier, il y avait en effet matière à se railler d'une idée aussi saugrenue. Pourtant, avec une ambition formelle déployant un florilège d'images fastueuses, notre maestro élabore des séquences oniriques d'une poésie si renversante que nous nous sentons happés dans une sorte de trip merveilleux semi cauchemardesque (toutes les séquences expérimentales liées à l'hypnose de Jennifer) ! Tant et si bien qu'Argento n'oublie jamais de conjuguer des séquences à suspense parfois intenses (son prologue meurtrier insufflant un souffle macabre environnemental, l'embuscade de Jennifer au sein de la demeure du tueur puis sa traque entamée vers le lac) et de nous ébranler avec des meurtres à la fois stylisés et acérés. A l'instar de cette tête tranchée dévalant violemment la pente d'une cascade vertigineuse !


Pour autant, Phenomena ne s'avère pas non plus une réussite probante, faute de quelques incohérences narratives (l'inconscience de Jennifer trop facilement engagée dans une investigation criminelle sous les conseils d'un entomologiste infaillible puis son insouciance à accepter l'hébergement d'une enseignante castratrice) et le jeu un brin caricatural de certains seconds rôles (l'inspecteur de routine s'avère transparent dans son enquête criminelle quand bien même l'amie de Jennifer véhicule maladroitement un jeu naturel assez amateuriste). En dépit de son caractère perfectible, à la manière de cette musique hard-rock plutôt déstabilisante, cette oeuvre charnelle ne cesse de nous envoûter par son élégance immaculée (photo limpide magnifiquement éclairée de néons azur et laiteux) et par son audace originale de nous enseigner l'univers secret des insectes télépathes ! Pour parachever, je ne manquerais pas non plus de souligner l'importance à laquelle Dario Argento s'emploie à transcender la beauté surnaturelle d'une nature vernale en clair-obscur (la Transylvanie suisse !) ! Notamment le rôle majeur imparti à l'impétuosité du vent, véritable acteur modèle à l'entité invisible mais nanti d'une aura éthérée véritablement ensorcelante !


Le chant du cygne d'Argento
D'une beauté lascive olfactive, Phenomena est une féerie macabre transcendée par la candeur d'une adolescente mystique en symbiose avec le monde des insectes ! Scandé par l'éloquence chorale des mélodies de Simonetti, cette émeraude s'érige en poème naturaliste, là où la perception visuelle et l'ouïe du spectateur sont en conjonction extatique !

28.05.13. 4èx
Bruno Dussart

vendredi 24 mai 2013

Street Trash. Prix Très Spécial Avoriaz,1987.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Kepster.com

de Jim Muro. 1986. U.S.A. 1h41. Avec Mike Lackey, Bill Chepil, Marc Sferrazza, Jane Arakawa, Nicole Potter, Pat Ryan.

Sortie salles France: 24 Juin 1987

FILMOGRAPHIE: Jim Muro est un réalisateur et scénariste américain, né en 1966 à New-York.
1986: Street Trash


Spécialiste de la steadycam sur de grosses productions ricaines, Jim Muro réalisa au préalable un unique long-métrage alors qu'il n'était âgé que de 19 ans ! Reniant aujourd'hui son film depuis qu'il se serait reconverti dans une secte (d'autres sources évoquent notamment certaines pressions mafieuses qu'il aurait pu subir), Street Trash est un sommet de mauvais goût au gore festif, récompensé à juste titre du Prix Très Spécial à Avoriaz. Le scénario quasi inexistant demeurant un prétexte afin de dépeindre une galerie de personnages marginaux par l'entremise de clodos et de vétérans du vietnam vautrés dans la déchéance, la souillure et l'alcoolisme. Du fond de la cave de son échoppe, un commerçant retrouve une vieille caisse d'alcool frelaté et décide de le commercialiser auprès de sa petite clientèle. Cette boisson prénommée "Viper" se révèle un véritable poison mortel pour le consommateur avide d'émotions fortes ! Si bien qu'après l'avoir ingurgité, les corps des victimes se liquéfient ou explosent sous un déluge de chairs et de sang polychromes ! Au même moment, un flic sans vergogne enquête sur le meurtre d'une jeune femme retrouvée nue dans le quartier mal fréquenté des clochards. Gore, violent, insolent et iconoclaste, véritable pied de nez au politiquement correct, Street Trash est un sommet de dérision toujours plus déviant et malotru. Eludé du moindre héros redresseur de tort ou de protagonistes altruistes, Street Trash ne fait que mettre en exergue la faune de laissés-pour-compte co-habitant au sein d'une casse de voiture avec l'accord de son directeur ventripotent. 


Avec sa réalisation inventive bourrée d'idées incongrues et d'effets de caméra vertigineux coordonnés par la steadycam, Jim Muro pallie la maigreur de son scénario par son esthétisme urbain en délabrement et une profusion d'effets gores décomplexés. Les masses corporelles des pauvres clodos infectés se liquéfiant ou explosant sous un déluge de couleurs criardes. A titre d'exemple emblématique, personne ne put omettre le trépas d'un clochard littéralement enseveli du fond de sa cuvette de WC après qu'il eut ingurgité le fameux "Viper". Le pauvre gars tentant en désespoir de cause de se raccrocher à la chasse d'eau. Pourvu d'effets spéciaux étonnamment soignés et spectaculaires, la plupart des mises à mort improbables se révèlent de belles prouesses techniques et ne cessent de véhiculer une réjouissance désinhibée. L'humour noir et l'esprit potache (telle cette improbable partie de foot avec un pénis !) étant les maîtres mots du réalisateur afin de nous compromettre à un spectacle d'improvisation voué à la transgression. Viol, meurtres, pillages et coups bas étant le lot quotidien d'une bande de clodos alcoolos incapables de vivre en communauté car toujours plus contraints de se trahir pour la quête du profit. Alors qu'au même moment, l'investigation d'un flic impassible aux méthodes expéditives est sur le point d'aboutir ! Si le rythme sporadique peut parfois prêter à une certaine défaillance, la manière dont Jim Muro nous immerge dans son univers de corruption ne manque pas de nous fasciner et maintient l'intérêt par son esprit anarchiste d'irrévérence et de provocation. Car outre les meurtres gratuits et les viols crapuleux, le vomi et la pisse sont également de la partie afin d'y discréditer l'ennemi rival.


Affreux, sales et méchants
Potache, débridé, immoral et violemment trivial, Street Trash s'érige en authentique film culte et se révèle étonnamment moderne de par son esthétisme criard (très) proche d'une production Troma  déployant à outrance des effets gores jamais vu au préalable ! Une expérience glauque filmée à l'arrache d'un semblant de documentaire mais canalisée d'une verve ironique proche du cartoon. Une expérience unique toujours aussi géniale et insensée. 

RécompensesPrix Très Spécial à Avoriaz, 1987
Prix "gore" au rex de Paris, 1987
Corbeau d'Argent au Festival du film fantastique de Bruxelles

*Bruno
21.02.24. 5èx. Vostfr
24.05.13



jeudi 23 mai 2013

PAPER HOUSE. Grand Prix de l'Etrange à Avoriaz, 1989.


                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Zonebis.com

de Bernard Rose. 1988. Angleterre. 1h32. Avec Ben Cross, Charlotte Burke, Jane Bertish, Samantha Cahill, Glenne Headly, Sarah Newbold, Gary Bleasdale.

Récompenses: Corbeau d'Or au BIFFF 1989
Grand Prix de l'étrange à Avoriaz, 1989.
Prix de la Meilleure actrice (Charlotte Burke) et Prix spécial du jury à Fantasporto en 1989

FILMOGRAPHIE: Bernard Rose est un réalisateur, scénariste, acteur, directeur de photo et monteur britannique, né le 4 Août 1960 à Londres.
1986: Smart Money. 1987: Body Contact. 1988: Paperhouse. 1990: Chicago Joe and the Showgirl. 1992: Candyman. 1994: Ludwig van B. 1997: Anna Karénine. 2000: Ivans xtc. 2005: Snuff Movie. 2008: The Kreutzer Sonata. 2010: Mr Nice. 2011: Two Jacks.


Film culte des années 80 honteusement inédit en salles, Paperhouse fit les beaux jours des fantasticophiles qui eurent l'aubaine de le louer auprès de leur vidéo de quartier. Conte initiatique sur la puberté confrontée au deuil d'un être cher, le film de Bernard Rose est une denrée précieuse du fantastique contemporain par son pouvoir prégnant de fascination en liaison direct avec l'au-delà des songes ! Elève rebelle et chahuteuse au point d'avoir été expulsée d'un cours, Anna va subitement entretenir une étrange relation matérielle avec ses rêves. En dessinant une maison sur une feuille de papier, elle se retrouve plongée dans un monde parallèle émanant de son imagination. Après avoir appris par son entourage la grave maladie d'un jeune garçon, elle réussit à établir sa rencontre en interne du rêve puis se motive à perdurer une relation amicale. 


D'après l'oeuvre de Catherine Storr, une écrivaine spécialiste en conte pour enfants, Paperhouse est un ovni singulier à mi-chemin entre le fantastique onirique (scénographie enfantine à l'architecture baroque, nature clairsemée étrangement feutrée) et l'horreur crépusculaire (toute la partie belliqueuse au sein de la demeure centrée sur la venue du père s'avère réellement terrifiante !). Réalisé avec souci de transgression afin de bafouer les codes des genres, l'impact immersif de cette oeuvre gracile réside dans son souci d'expérimenter, notamment cet instinct de persuasion à établir un rapport commun entre le monde réel et celui des songes. Avec la dimension humaine d'une fillette candide mais désinvolte (magnifiquement campée par la nature innocente de Charlotte Burke !), Paperhouse nous confronte à son introspection compromise par une absence paternelle (son père violent et alcoolique est en l'occurrence soigné dans un centre spécialisé). Esseulée, incomprise par sa mère et en quête d'identification, elle se conçoit instinctivement un monde parallèle par l'entremise du rêve, puis tente par la même occasion d'épargner de sa propre réalité la mort d'un enfant. Par la chimère d'une adolescente, l'étrange relation que le film élabore avec notre matérialité quotidienne et celui du songe nous entraîne (par la main) dans son délire fantasmatique aussi torturé que libérateur. L'esthétisme formel alloué à toutes les séquences oniriques participe grandement à ce sentiment d'évasion que perçoit l'héroïne et le spectateur, à ce besoin inhérent d'escompter un monde meilleur afin d'apprivoiser un climat plus serein. 


Réflexion existentielle sur le sens de la réalité et la motivation du rêve, métaphore sur la puberté et nos terreurs enfantines (peur innée d'accéder à la maturité, affres de l'ogre symbolisé ici par un paternel irresponsable), Paperhouse s'achemine en conte clair-obscur pour nous rappeler avec vibrante émotion l'univers prodigieux du cap de l'enfance. 

23/05/13 (précédente diffusion 03.02.11). 4èx
Bruno Matéï

mercredi 22 mai 2013

The Nesting (Phobia / Massacre Mansion)

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site lantredelhorreur.blogspot.com

de Armand Weston. 1981. U.S.A. 1h43. Avec Robin Groves, Christopher Loomis, Michael David Lally, John Carradine, Gloria Grahame, Patrick Farrelly.

FILMOGRAPHIE:  Armand Weston est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, décédé le 26 Mai 1988. 1970: The Hot House. 1972: Personnals (documentaire). 1975: The Defiance of good. 1976: Expose me, lovely. 1976: The Taking of Christina. 1978: Take Off. 1979: Radical Sex Styles (documentaire). 1981: The Nesting. 1984: Blue Voodoo (non crédité, dtv).


Inédit en salles dans nos contrées, The Nesting est une curiosité horrifique réalisée par un cinéaste méconnu ayant parfois oeuvré dans la pornographie (Defiance of good serait un incontournable pour les amateurs de X des seventies !). Traitant du thème de la hantise au sein d'une vaste demeure abandonnée, cette série B empreinte notamment quelques éléments à Shining de par la caractérisation de cette écrivaine au bord de la folie, car, outre son problème d'agoraphobie, elle est envahie d'hallucinations cauchemardesques par la cause de fantômes revanchards. Le pitchPour transcender sa peur, Lauren Cochran s'exile afin d'emménager dans une vieille bâtisse octogonale en plein coeur d'une nature forestière. Rapidement, d'étranges évènements surnaturels ne  tardent pas à la persécuter. Déterminée à ne pas se laisser intimider, et pour combattre sa maladie, la jeune femme décide d'y résider mais sombre peu à peu dans une folie paranoïde.


Amateurs d'ambiance latente et feutrée, The Nesting est conçu sous le principe de suggestion afin de vous susciter une angoisse diffuse délicieusement palpable. Le soin alloué à ces décors d'architecture ainsi que l'esthétisme de sa photographie rétro (notamment cette reconstitution flamboyante d'un bordel des années 50) exacerbent sans peine son caractère envoûtant. D'autant plus que sa structure narrative, de prime abord éculée, finit par nous surprendre à travers un alliage de délire insolent (la traque cartoonesque compromise par l'héroïne avec les agissements psychotiques d'un fermier erratique !) et d'épouvante vintage (les apparitions récurrentes des spectres farceurs au sein d'une demeure à l'aura surnaturelle !). Préalablement, et avec une belle maîtrise technique, une séquence vertigineuse confinée sur le toit de la bâtisse va redoubler d'intensité pour la survie de deux protagonistes sévèrement ébranlés par la peur du vide et d'esprits démoniaques ! Si le jeu hésitant de certains comédiens et la pauvreté des dialogues laissent à désirer, le réalisateur reste suffisamment intègre pour nous façonner un petit film d'épouvante affable aussi intriguant qu'immersif ! Qui plus est, sa dernière demi-heure particulièrement débridée laisse place à une succession de rebondissements cinglants afin de nous divulguer tous les secrets d'une filiation vénale. Et de manière frénétique, le réalisateur n'hésite pas dans son dernier acte à user d'esbroufe et de violence rigoureuse de par l'acte crapuleux d'un carnage sanglant filmé sous le mode chorégraphique du slow-motion !


De cette obscure production émane au final un film assez maladroit (mauvaise direction d'acteurs et réalisation dilettante) mais contrebalancé d'un climat d'étrangeté irrésistiblement captivant et d'une structure narrative multiforme assez détonante ! Au final, une belle surprise formellement épurée faisant presque figure d'ovni, malencontreusement dénigrée dans l'hexagone !

*Bruno
Dédicace à Céline Trinci Lavidalie
22.05.13



mardi 21 mai 2013

HISTOIRES D'OUTRE-TOMBE (Tales from the Crypt)

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site slashershouse.com

de Freddie Francis. 1972. Angleterre. 1h32. Avec Joan Collins, Peter Cushing, Roy Dotrice, Richard Greene, Ian Hendry, Patrick Magee, Barbara Murray, Ralph Richardson.

Sortie salles U.S: 9 Mars 1972

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Freddie Francis est un réalisateur, directeur de photographie et scénariste britannique, né le 22 Décembre 1917 à Londres, décédé le 17 Mars 2007 à Isleworth (Royaume-Uni).
1962: La Révolte des triffides. 1963: Paranoiac. 1964: Meurtre par procuration. 1964: l'Empreinte de Frankenstein. 1965: Le Train des Epouvantes. 1965: Hysteria. 1965: The Skull. 1966: The Deadly Bees. 1966: Poupées de cendre. 1967: Le Jardin des Tortures. 1968: Dracula et les Femmes. 1970: Trog. 1972: Histoires d'Outre-Tombe. 1973: La Chair du Diable. 1973: Les Contes aux limites de la folie. 1974: Son of Dracula. 1975: La Légende du Loup-Garou. 1975: The Ghoul. 1985: Le Docteur et les Assassins. 1987: Dark Tower.


Produit par la célèbre firme Amicus, Freddie Francis s'était déjà attelé en 1965 au film à sketchs avec le sympathique Train des Epouvantes. Sept ans plus tard, il rempile avec Histoires d'outre-tombe, nouvelle anthologie d'épouvante inspirée des fameux EC Comics (bande dessinée horrifique pour adultes fondée aux usa en 1945). Par ailleurs, elle préfigure la fameuse série TV initiée en 1989 sous le titre homonyme des Contes de la crypte. Composé de 5 segments inégaux mais soigneusement élaborés sur un rythme soutenu, Histoire d'outre-tombe suscite la sympathie auprès du spectateur, pour peu qu'il soit nostalgique d'une époque révolue où les films à sketchs étaient à leur ascension (le Caveau de la terreur, Asylum, le Jardin des supplices, la Maison qui tue, puis un peu plus tard le Club des monstres). 


Le premier sketch empreinte la voie du slasher et préfigure par la même occasion avec 12 ans d'écart les exactions du père noel tueur découvert dans le controversé Silent Night, deadly nightJoan Collins y incarnant avec cynisme le rôle d'une épouse meurtrière quand cette dernière décide de supprimer son mari la veille de Noël. Seulement, à l'extérieur de sa demeure, un tueur fou en liberté se prépare à l'importuner ! Ce huis-clos efficacement mené et pourvu d'une angoisse sous jacente bénéficie d'un humour macabre assez loufoque pour se railler de cette épouse incriminée. Le second sketch, peut-être le plus faible du lot, n'apporte pas vraiment de surprise dans son cheminement narratif voué cette fois-ci à l'adultère auquel un mari et sa maîtresse décident de plier bagage vers une contrée lointaine. Malencontreusement, un accident de la route va sévèrement compromettre leur tentative d'escapade. Défiguré et méconnaissable, le mari infidèle décide de retourner auprès de son domicile conjugal après un temps d'absence prolongé. Le troisième segment illustre le calvaire d'un vieillard reclus dans sa maisonnette parmi la fidélité de ses chiens. Altruiste envers les enfants du voisinage, ce veuf inconsolable se retrouve subitement harcelé par son voisin nanti, délibéré à le faire chasser de sa demeure. Peter Cushing s'insinue avec vibrante émotion dans la peau d'un vieillard candide empli d'affection pour les enfants de son quartier ainsi que sa défunte épouse (il communique avec celle-ci par l'entremise du spiritisme). Le soin alloué à la réalisation et l'empathie éprouvé pour ce sexagénaire nous implique sans peine dans son désespoir voué à une cruelle destinée. Mais la saveur macabre du twist final dédié au sacre de la Saint-Valentin nous réconforte pour le châtiment invoqué à son oppresseur ! Le 4è récit s'articule autour d'une statuette ondine auquel un couple avide de richesse décide d'invoquer un voeu qui en amènera deux suivants vers une horrible issue irréversible. Malgré sa courte durée, cet épisode efficace méchamment ironique culmine magistralement sa conclusion vers un terrifiant dénouement sans appel ! (imaginez une seconde votre enveloppe corporelle et votre âme cérébrale souffrir indéfiniment jusqu'à l'éternité !). Pour l'anecdote personnelle, ce sketch m'avait particulièrement traumatisé à l'époque de mon adolescence et continue toujours de me hanter de manière obsédante !


Enfin, le dernier chapitre, d'une durée excessive de 30 minutes, clôt magistralement cette anthologie de contes sardoniques avec le sombre récit d'une histoire de vengeance localisée en interne d'un hospice pour aveugles. Dominé par la prestance renfrognée de Patrick MacGee en leader des aveugles et de Nigel Patrick en directeur castrateur, ce segment intitulé "Blind Alleys" se révèle un sommet de perversité et de sadisme acéré. Une confrérie d'aveugles va être contrainte d'accomplir une vengeance méthodique auprès de leur directeur opiniâtre afin de le châtier de la mort innocente d'un des leurs. Ce sketch particulièrement raffiné dans l'art d'étudier une vengeance impitoyable s'avère le plus stimulant et capte autant notre attention dans la dimension clairvoyante de ces protagonistes atteints de cécité. 


Si Histoire d'outre-tombe accuse aujourd'hui un certain poids des années, les puristes nostalgiques trouveront encore matière à éprouver du plaisir (masochiste) face à cette anthologie de l'épouvante ancrée dans une facture vintage ! Enfin, son dernier segment, merveille de sadisme incongrue préfigurant les exactions de Phibes ou Jigsaw, vaut à lui seul sa réputation de classique !

21.05.13. 4èx
Bruno Matéï


vendredi 17 mai 2013

LA POUPEE DE LA TERREUR (Trilogy of Terror)

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site ddl.ph

de Dan Curtis. 1975. U.S.A. 1h10. Avec Karen Black, Robert Burton, John Karlen, George Gaynes. 

FILMOGRAPHIE: Dan Curtis est un producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 12 Août 1927 à Bridgeport, Connecticut (Etats-Unis), décédé le 27 mars 2006 à Brentwood (Californie).
1966: Dark Shadows (série TV). 1970: La Fiancée du Vampire. 1971: Night of dark shadows. 1973: Dracula. 1973: The Night Strangler (télé-film). 1975: La Poupée de la Terreur. 1976: Trauma. 1977: Dead of Night. 1977: La Malédiction de la veuve noire (télé-film). 1992: Intruders (télé-film). 1996: La Poupée de la terreur 2 (télé-film).


A l'origine conçu pour être le pilote d'une série TV n'ayant jamais vu le jour, la Poupée de la Terreur est un télé-film à sketchs rendu populaire grâce à son troisième segment scénarisé par le célèbre écrivain Richard Matheson. D'ailleurs, le film reçut un tel impact auprès des spectateurs lors de sa diffusion US qu'une suite fut entreprise 20 ans plus tard. C'est au mésestimé cinéaste Dan Curtis que l'on doit cette trilogie de la terreur réalisée en 1975, alors qu'un an plus tard la pièce maîtresse de sa carrière envahissait les écrans américains ! Joyau d'effroi à l'angoisse tangible, Trauma n'eut même pas droit aux honneurs d'une sortie internationale dans notre pays hexagonal ! Le point commun entre ces deux oeuvres est imparti à la présence ombrageuse de Karen Black, dirigée en l'occurrence dans un quadruple rôle ! 


Le premier sketch intitulé "Julie" nous illustre le chantage d'un étudiant pervers pour sa prof de littérature. Si l'histoire agréable à suivre s'avère la plus faible, faute d'un script peu cohérent et d'une chute finale peu surprenante, le jeu d'interprétation et l'efficacité de la réalisation nous permettent de suivre sans ennui cette idylle perfide ancrée dans la soumission et la misogynie. Le second sketch, "Millicent et Thérèse", relève un peu le niveau dans l'entreprise de son suspense ascendant, sa narration psychologique un peu plus dense et le jeu bicéphale de Karen Black. Persuadée que sa soeur thérèse est devenue une femme diabolique et meurtrière, Millicent décide en désespoir de cause d'invoquer l'aide de son docteur. Dans un double rôle, la comédienne réussit parfaitement à rendre convaincant les états d'âme contradictoires de ces deux soeurs à la rancune tenace. Si le twist est facilement prévisible, sa terrifiante révélation ne manque pas d'interpeller le spectateur et de provoquer un futile malaise. Pour parachever, le dernier sketch, "Amelia", est le segment perturbateur auquel une génération de téléspectateurs ainsi qu'une légion de cinéphiles lui vouent un véritable culte ! Après avoir acheté un fétiche africain pour son concubin, Amelia va vivre une véritable nuit d'horreur. Sous l'apparence sinistre de cette poupée de bois se cache un véritable démon délibéré à assassiner sa propriétaire ! Sur le thème des poupées maléfiques, "Amelia" fait sans aucun doute parti des oeuvres les plus incisives et frénétiques qui soit (Chucky n'a qu'a bien s'tenir !). D'une efficacité fertile en rebondissements, Dan Curtis enchaîne les altercations à un rythme effréné dans sa réalisation véloce. Mais surtout, par un habile montage géométrique et une multitude de plans concis, il crédibilise les méfaits meurtriers de cette poupée famélique par ses élans erratiques et furibonds ! Intense, haletant et terriblement sauvage, "Amelia" provoque un impact émotionnel aussi jouissif que terrifiant, notamment au niveau du look patibulaire de ce fétiche africain accoutré de dents acérées ! Jusqu'à la risée de sa chute sardonique !


Si les deux premiers sketchs ont de quoi laisser dubitatif le spectateur exigeant, on ne peut passer outre le savoir-faire de Dan Curtis dans son art de conter une histoire et le jeu insidieux de l'étonnante Karen Black incarnant un quadruple rôle. Mais c'est avec l'impact cinglant de son troisième segment que La Poupée de la Terreur détonne et provoque une véritable stupeur dans son délirant survival en isolement !

17.05.13
Bruno Matéï


    jeudi 16 mai 2013

    LA NUIT DES MALEFICES (Satan's Skin / Blood on Satan's Claw)

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site culturopoing.com

    de Piers Haggard. 1971. Angleterre. 1h32. Avec Linda Hayden, Michele Dotrice, Patrick Wymark, Barry Andrews, Wendy Patbury, Anthony Ainley, Charlotte Mitchell.

    Sortie salles France: 19 Juillet 1972

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Piers Haggard est un réalisateur anglais, né le 18 Mars 1939 à Londres.
    1970: La Nuit des maléfices, 1979: The Quatermass conclusion, 1980: Le Complot diabolique du Dr. Fu Manchu, 1981: Venin, 1994: La Brèche, 2006: Les pêcheurs de coquillage Saison 1.


    Quel bien étrange film que cette Nuit des Maléfices mise en scène par un réalisateur éclectique ayant à son actif une pléthore de longs-métrages, télé-films et diverses séries TV. Si on lui doit en 1981 le sympathique Venin et la 4è aventure de Quatermass réalisée deux ans au préalable, Piers Haggard ne possède guère de réussites probantes au fil de sa carrière. A l'exception de cette modeste production horrifique réalisée avec un souci d'esthétisme poético-funeste. Si le rythme de sa première demi-heure aurait gagné à être un peu plus vigoureux, la suite des évènements se révèle beaucoup mieux charpentée pour illustrer avec force et détails nombre d'incidents inquiétants fondés sur l'emprise de la sorcellerie et le culte satanique.

    Dans un petit village anglais du 18è siècle, d'étranges évènements viennent ébranler la tranquillité des villageois. Alors qu'un paysan vient de découvrir dans son champ une tête d'apparence humaine, certains citadins sont épris d'hallucinations collectives. Une main griffue semble daigner intenter à leur vie sous l'allégeance d'un démon. En prime, au sein de la forêt, une jeune fille perfide pratique d'étranges rites afin d'inciter la population à invoquer Satan en personne. 


    Ce qui frappe d'emblée quand on découvre La Nuit des Maléfices, c'est la beauté formelle impartie à  ces décors bucoliques au sein de sa nature forestière. La gestion du cadre permet en outre de styliser certaines images oniriques d'une étonnante beauté végétale. Cette scénographie foisonnante, le soin alloué au moindres détails dégagent un charme vénéneux étrangement poétique. En prime, le jeu adroit de chaque comédien et la manière inédite à laquelle ils se voient confrontés au Mal renforcent le caractère crédible de cette évocation maléfique. Si les violents incidents qui jalonnent le récit s'avèrent récursifs jusqu'au présage d'un fameux cérémonial, Piers Haggard réussit à insuffler une vraie efficacité dans sa conduite narrative. Par l'entremise d'un stigmate corporel horriblement velu, les villageois sont peu à peu atteints d'une emprise démoniaque incontrôlée. A l'instar d'une épidémie, la plupart d'entre eux éprouvent un irrésistible besoin de provoquer le mal et pratiquer le sacrifice sous l'allégeance d'une sorcière lascive. Le climat d'étrangeté prégnant qui émane du récit et l'horreur de certaines séquences (en se resituant dans le contexte de l'époque !) réussissent à provoquer un malaise sous-jacent, à l'instar du viol communautaire et du sacrifice pratiqués sur une jeune vierge démunie ! Si la plupart des protagonistes se retrouvent tributaires de  l'influence du Mal, le réalisateur leur invoque dans son dernier acte une traditionnelle "chasse aux sorcières" qu'un juge inquisiteur va prendre soin de perpétrer parmi des bénévoles afin d'éradiquer de leur région la présence de Satan.


    Sur les thèmes de l'emprise maléfique, l'influence superstitieuse et la traditionnelle chasse aux sorcières qui s'ensuit, Piers Haggard réalise avec La Nuit des Maléfices une étonnante série B irrationnelle. Un film d'épouvante séculaire particulièrement soigné dans son esthétisme naturaliste et l'aura inquiétante qui en découle, enfin exhumé de l'oubli par les distributeurs d'ARTUS FILMS !

    Dédicace à ARTUS FILMS
    16.05.13
    Bruno Matéï

    mercredi 15 mai 2013

    MISS BALA

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site downloadfilmkv.blogspot.com

    de Gerardo Naranjo. 2011. Mexique/U.S.A. 1h53. Avec Stéphanie Sigman, Noe Hernandez, Miguel Couturier, Jose Yenque, Irene Azuela, Gabriel Heads, James Russo.

    Sortie salles France: 13 Mai 2011. Mexique: 9 Septembre 2011

    FILMOGRAPHIE: Nicolas Lopez est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur mexicain.
    2004: Malachance. 2006: Drama/mex. 2008: Voy a explotar. 2010: Revolucion. 2011: Miss Bala


    Film coup de poing d'une intensité dramatique éprouvante, Miss Alba relate avec réalisme rugueux le destin de Laura Guerrero, une jeune mexicaine postulant pour un concours de beauté afin de subvenir à sa famille. Après avoir été témoin de meurtres et de la disparition de son amie, elle est engagée par une organisation criminelle, l'Etoile, pour être impliquée contre son gré dans des missions périlleuses. Incapable d'avoir un quelconque soutien du côté de la police, elle se retrouve embarquée au sein d'une guérilla criminelle auquel l'Etoile envisage d'intenter un attentat contre le général Salomón Duarte. A l'instar d'un reportage pris sur le vif à la maîtrise technique stupéfiante, Gerardo Naranjo nous établit le constat implacable d'un état mexicain englué dans la corruption et la violence. Celui d'une criminalité omniprésente (la guerre de la drogue a fait plus de 36 000 morts entre 2006 et 2011) auquel le trafic de drogue génère plus de 25 milliards de dollars par an. Qui plus est, la ville au cours duquel se situe l'action fut préalablement considérée comme la plus violente du monde entre 1992 et 2001 (elle passera ensuite à la seconde position à partir de 2008). Ainsi, à travers le sombre destin d'une jeune otage mexicaine contrainte de travailler pour un cartel mafieux, le réalisateur nous fait pénétrer à l'intérieur de cette milice avec l'efficacité d'un souci de vérité à couper le souffle ! 


    Parmi la présence de l'héroïne, nous sommes véritablement plongés dans un univers chaotique de précarité, contraints de suivre quotidiennement les exactions meurtrières de l'Etoile. Alors qu'au creux des cités urbaines, et en dépit de la présence sournoise de la police, un sentiment d'insécurité permanent s'y est instauré. Avec une belle densité psychologique, Gerardo Naranjo nous dépeint notamment un magnifique portrait de femme déchue au courage singulier. Epiée, fustigée, abusée, violée par son leader et incessamment expédiée de force vers des missions belliqueuses pour le bénéfice de la drogue, Laura Guerrero doit en alternance concourir (aussi paradoxal soit-il) au concours de Miss Alba financée par sa propre organisation. Incarné par la beauté méditerranéenne Stéphanie Sigman (dont il s'agit ici de son 2è rôle pour un long-métrage), l'actrice révèle une grâce fébrile dans son humanité déchue, sa bravoure insensée pour la survie et son désespoir forcené de ne pouvoir s'extraire de sa haute hiérarchie. Cette jeune actrice habitée par la candeur illumine l'écran de sa présence longiligne avec une pudeur émotionnelle particulièrement poignante pour sa retenue introvertie.


    Jalonné de séquences d'action cinglantes étourdissantes de frénésie dans sa mise en scène virtuose et pourvu d'une ambiance ténébreuse (renforcée de la monochromie d'une photo sépia), Miss Bala fait également la part belle au suspense sous-jacent afin de connaître l'issue fataliste de cette femme objet. Un film choc hypnotique donc qui dénonce avec une vigueur implacable toute forme de corruption implantée par les puissants cartels de la drogue, tout en pointant du doigt la misogynie d'une société machiste. Louablement, cette violence radicale qui prédomine l'intrigue se refuse à toute esbroufe complaisante afin de mieux coller à la réalité sordide du sujet. On peut même d'ailleurs songer à du John Carpenter auprès de la maîtrise des séquences d'action stylisées épaulées d'un format scope.

    Dédicace à Karine Philippi
    15.05.13.
    Bruno Matéï




    vendredi 10 mai 2013

    THE PLACE BEYOND THE PINES

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmsfix.com

    de Derek Cianfrance. 2012. U.S.A. 2h19. Avec Ryan Gosling, Bradley Cooper, Rose Byrne, Eva Mendes, Ray Liotta, Bruce Greenwood, Dane DeHaan.

    Sortie salles France: 20 Mars 2013. U.S: 29 Mars 2013

    FILMOGRAPHIE:  Derek Cianfrance est un réalisateur et scénariste américain, né le 23 Janvier 1974.
    1998: Brother Tied. 2010: Blue Valentine. 2012: The Place Beyond the Pines. 2014: Chef.


    Un an après s'être fait révélé dans Drive, Ryan Goslin se retrouve à nouveau catalogué dans le rôle du "bad boy au grand coeur" dans un polar flamboyant traversé d'éclairs de poésie lyrique. Si l'acteur reprend le personnage qu'il avait incarné dans le polar stylisé de Nicolas Winding Refn, il se révèle ici un peu plus extraverti et beaucoup plus irréfléchi dans son caractère obtus en multipliant les bourdes irréparables. Pourtant, le pitch de départ laisse craindre un film policier conventionnel entièrement bâti sur sa notoriété (un cascadeur paumé décide de braquer des banques pour subvenir à sa famille). Mais The Place beyond the pines s'avère un astucieux simulacre constamment surprenant par la densité d'un scénario impeccablement charpenté. Si les clichés usuels précités pullulent dans sa première partie, le réalisateur réussit à les exploiter avec l'efficacité d'une réalisation circonspecte entièrement vouée à l'étude caractérielle de ses personnages. Scindé en trois parties distinctes, la trame préalablement éculée va donc peu à peu développer une nouvelle intrigue bâtie autour d'un autre personnage éloquent, un flic de routine compromis à une bavure policière. Par la faute de son acte, cette nouvelle entrée en scène de ce personnage équivoque va nous ensuite nous confronter vers un retournement de situation d'une audace inouïe, à tel point que le spectateur dérouté aura du mal à concevoir cette réalité !


    C'est véritablement à partir de sa deuxième partie plus intense que le film empreinte une dimension plus inquiétante par son suspense sous-jacent en traitant d'un cas de corruption policière. Là encore, les clichés reprennent du galop dans l'illustration scrupuleuse d'un flic épris de remord, prêt à balancer ses collègues ripoux (on pense à Copland et Serpico) pour se racheter une conscience, et par la même occasion accéder à un poste plus important. Sous ce canevas ressassé mais inexorablement captivant de maîtrise, on se demande tout de même où souhaite nous mener le réalisateur ! Vers la dramaturgie  d'une troisième partie vertigineuse où la fragilité des personnages va prendre un tournant décisive pour leur destin imparti. Ainsi, à travers le sort galvaudé d'un braqueur solitaire sans repères, faute d'un père absent, Derek Cianfrance aborde donc sans fioriture les thèmes de la démission parentale et de la filiation dépendante d'une délinquance juvénile. Des répercussions désastreuses que peuvent subir les enfants quand la lâcheté d'un homme de loi s'est résolu à préserver un odieux mensonge. De cet acte immoral va déboucher le remord, la quête de repentance mais aussi la rancoeur vindicative du point de vue des victimes, leur quête de vérité auquel deux adolescents vont communément devoir s'affronter pour retrouver un semblant de dignité.


    Fascinant et incessamment envoûtant, The Place beyond the Pines s'érige en drame humain en démontrant à quel point l'absence parentale, le mensonge et la corruption peuvent véhiculer de lourdes contrariétés, voires des blessures incurables sur la postérité. Réalisé dans un souci de réalisme documenté et magnifiquement dirigé par des comédiens vacillants (Eva Mendes et le jeune Dane DeHaan sont bouleversants de rancoeur meurtrie !), ce polar en trois actes exacerbe toujours un peu plus son cheminement irréversible jusqu'au dénouement irrévocable. Un grand moment de cinéma lyrique porté par la grâce de ces acteurs (le bellâtre Bradley Cooper n'eut jamais été aussi convaincant !) au service d'une narration au cordeau.  

    10.05.13
    Bruno 


    jeudi 9 mai 2013

    ED WOOD

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site alexandrestojkovic.blogspot.com

    de Tim Burton. 1994. U.S.A. 2h06. Avec Johnny Depp, Martin Landau, Patricia Arquette, Sarah Jessica Parker, Bill Murray, Jeffrey Jones, Lisa Marie.

    Sortie salles France: 21 Juin 1995. U.S: 28 Septembre 1994

    FILMOGRAPHIE: Timothy William Burton, dit Tim Burton, est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 25 Août 1958 à Burbank en Californie.
    1985: Pee-Wee Big Adventure. 1988: Beetlejuice. 1989: Batman. 1990: Edward aux mains d'argent. 1992: Batman, le Défi. 1994: Ed Wood. 1996: Mars Attacks ! 1999: Sleepy Hollow. 2001: La Planète des Singes. 2003: Big Fish. 2005: Charlie et la Chocolaterie. 2005: Les Noces Funèbres. 2008: Sweeney Todd. 2010: Alice au pays des Merveilles. 2012: Dark Shadows. 2012: Frankenweenie.


    Edward D. Wood Jr continua le combat à Hollywood, mais le succès ne cessa de lui échapper. Après un lent naufrage dans l'alcool et des films d'horreur "dénudés", il mourut d'un crise cardiaque en 1978. Il avait 54 ans. 
    Deux ans après, il fut sacré "plus mauvais réalisateur de tous les temps", ce qui lui valut la reconnaissance internationale. Depuis, des cinéphiles du monde entier lui vouent un culte. 

    Voici mon hommage...

    Eloge à l'industrie du cinéma Z à travers un réalisateur en herbe, Ed Wood relate la biographie d'un personnage hors normes, considéré comme le cinéaste le plus mauvais de tous les temps. En alternant drôlerie et émotion, le film déclare également une révérence à l'un des grands acteurs du cinéma d'épouvante (Bela Lugosi, transcendé ici par la prestance du vétéran Martin Landau !). Dans une superbe photo monochrome, Tim Burton nous retrace le parcours improbable d'un artiste du cinéma transi de volonté pour sa passion du cinéma. Avec une équipe d'accessoiristes et d'acteurs au rabais, ce réalisateur excentrique (il se travestissait parfois en femme durant ses tournages !) n'aura de cesse d'user d'impertinence et de boniment afin de convaincre n'importe quel producteur à sa portée que son futur projet sera voué à la notoriété. Fasciné par l'oeuvre emblématique d'Orson Welles baptisée   Citizen Kane, Edward D. Wood Jr se persuada qu'il possédait le talent inné pour façonner des oeuvres aussi substantielles par l'entremise du cinéma de genre. Mais surtout, l'amour sincère qu'il allouait à l'acteur hongrois Bela Lugosi était si digne qu'il réussit à convaincre ce dernier d'incarner des rôles de faire-valoir dans ces oeuvrettes les plus saugrenues. C'est d'ailleurs avec Plan Nine from outer space (financé par l'église catholique !), qu'Edward D. Wood parvint à accéder à la postérité. 


    Avec une humble humanité, Tim Burton délivre notamment un poignant hommage à un illustre comédien immortalisé par son rôle vampirique mais malencontreusement réduit à l'indifférence vers la fin de sa carrière. Dépendant de la morphine et réduit à la solitude depuis le décès de son épouse, Bela Lugosi traîne ici sa silhouette sous l'apparence du comédien Martin Landau. Littéralement habité par son entité, l'acteur insuffle avec une émotion élégiaque le portrait déclinant d'une légende sclérosée. Une ancienne célébrité isolée du monde extérieur et réfugiée dans ses souvenirs populaires, hanté à jamais par son incarnation de Dracula. Sa relation amicale qu'il finit par entretenir avec Ed Wood  nous émeut par leur complicité mais aussi leur tendresse commune impartie à la chimère de la caméra ! Dans le rôle d'Ed Wood, Johnny Depp véhicule une spontanéité pleine d'extravagance pour retranscrire les états d'âme d'un luron amateur émerveillé par l'omnipotence du cinéma ! Avec des moyens techniques dérisoires et une équipe de seconds rôles non professionnels, ce personnage facétieux usa de constance dans ces audaces, mensonges et subterfuges pour parvenir à ses fins et filmer coûte que coûte les plus improbables divagations ! 


    Transcendé par la prestance de comédiens férus de naturel et d'enthousiasme, Ed Wood condense la  flamboyante biographie d'un baladin entièrement voué à sa passion de cinéphage. Car en dehors du portrait alloué à une autre légende du cinéma de genre, ces deux témoignages engendrent un vibrant hommage à tous ces artisans discrédités de leur précarité mais pour autant transis d'amour pour leur foi au 7è art. Depuis ses travaux, Ed Wood, le personnage, est devenu l'emblème du nanar débridé à la poésie nonsensique ! Cette ultime déclaration d'amour aux séries Z se clôturant sur un bouleversant mémorial à tous ces quidams laissés dans l'ombre des projecteurs.

    09.05.13. 2èx
    Bruno Matéï

    Récompenses: Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle pour Martin Landau
    Meilleurs Maquillage pour Rick Baker, Ve Neill et Yolanda Toussieng
    Golden Globes du Meilleur acteur dans un second rôle pour Martin Landau
    Saturn Awards du Meilleur Acteur pour Martin Landau, Meilleure Musique pour Howard Shore
    Screen Actors Guild Award: Meilleur Acteur dans un second rôle pour Martin Landau
    NSFC Awards: Meilleur Acteur dans un second rôle pour Martin Landau, Meilleure Photographie pour Stefan Czapsky.