mardi 17 juin 2014

Chaque soir à 9 Heures / Our mother's house

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site gallerytheimage.com

de Jack Clayton. 1967. Grande Bretagne. 1h47. Avec Dirk Bogarde, Margaret Brooks, Pamela Franklin, Mark Lester, John Gugolka, Sheldon Williams, Sarah Nicholls, Gustav Henry, Parnum Wallace.

Sortie salles France: 6 Septembre 1973

FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni). 1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).


Six ans après son chef-d'oeuvre les Innocents, Jack Clayton renoue avec le thème de l'enfance meurtrie d'après un roman de Julian Gloag. Honteusement méconnu pour une cause m'ayant toujours échappé, Chaque soir à 9 heures est sans doute l'un des plus beaux films que l'on ait entrepris sur la thématique de l'innocence infantile. Une épreuve de force morale parfois éprouvante lorsque des enfants issus de même famille sont livrées à eux mêmes depuis leur disparition maternelle. Le prologue est à cet égard infiniment bouleversant lorsque l'une des filles les plus âgées vient d'assister en direct à la mort de sa mère et lorsque les autres enfants viennent la rejoindre pour se recueillir au chevet quelques instants plus tard. Quand bien même avec pudeur, la mélodie fragile de Georges Delerue souligne cette émotion candide qui transparaît à chacun de leur visage pour nous afficher une image cruelle de la mort lorsque l'innocence en est brusquement témoin. Ainsi, inculqués dans une croyance profondément catholique et voués à poursuivre leur doctrine, les enfants se réfugient chaque soir à 9 heures dans le sanctuaire du jardin afin de communiquer avec leur mère par l'entremise de l'aînée, Diana. Enterrée dans le jardin sans avoir averti quiconque, les soupçons commencent à peser sur eux du point de vue de la maîtresse de maison mais aussi de l'institutrice. Par chance, leur père absenté depuis de longues années revient faire surface et finit par apaiser les doutes. Si de prime abord, il réussit à susciter la sympathie et la confiance auprès des enfants, Elsa, la plus lucide et circonspecte, comprend rapidement qu'il n'est qu'un escroc sans vergogne ne leur accordant aucun crédit. 


Ainsi donc, dans le refuge d'une demeure gothique séculaire (reflet de l'éthique puritaine de la mère), la première partie du film s'accorde à nous familiariser avec l'assemblée des gosses livrés à l'autorité de l'aînée, Diana. Profondément fragile, marquée par le deuil et obsédée à l'idée de croire en la vie après la mort, elle réussit à les convaincre (et à se persuader de son gré) qu'elle puisse entretenir une communication avec sa mère par l'entremise de l'au-delà. Une combine triviale afin de transmettre la bonne conduite à respecter au sein de leur communauté irresponsable. Or, le fanatisme névrosé de Diana n'apporte pas les meilleures solutions pour la sociabilité du groupe et finit même par engendrer un châtiment d'humiliation intolérable (le traitement infligé à l'une des plus jeunes, Gerty). La seconde partie fait place à l'irruption du paternel dans toute son hypocrisie puisque l'individu en question n'est qu'un loser aviné encore plus inconscient car n'attachant aucun intérêt pour sa progéniture. Outre la représentation triviale allouée à ce patriarche, la réalisateur se focalise notamment sur la caractérisation psychologique d'Elsa qui tentera à maintes reprises de convaincre ses frères et soeurs que leur paternel n'est qu'un odieux manipulateur. Ses relation houleuses amorcées avec sa soeur caractérielle, Diana, nous illustrant également avec ambiguïté (du fait de leur immaturité) un affrontement d'opposition conçu sur l'état de contrariété, l'esprit d'influence et d'autorité. Par conséquent, à travers les thèmes de la démission parentale, de l'apprentissage, du fanatisme religieux et de la perte de l'être cher, Jack Clayton consolide une bouleversante affaire familiale inscrite dans la perte de l'innocence et la cruauté de l'injustice. L'intensité humaine du jeu naturel des enfants et le caractère éprouvant des affrontements psychologiques nous plaçant dans une situation malaisante toujours plus ardue, si bien qu'un épouvantable secret de famille viendra nous marteler la conscience et ainsi lever un voile sur leur culture catholique. 


Une initiation à la maturité, aussi dure que fragile, dont personne ne sortira indemne... 
Dérangeant et malsain mais profondément sensible et bouleversant, Chaque soir à 9 heures porte la marque des grands chefs-d'oeuvre tant la mise en scène avisée de Clayton, son intensité scrupuleuse et le jeu authentique des bambins nous immergent de plein fouet dans un obscur drame familial. Le portrait extrêmement attachant imparti à ces laissés-pour-compte nous laissant en état de collapse tant sa conclusion pessimiste ne nous laisse aucune illusion sur leur future destinée. 

*Bruno
2èx

1 commentaire:

  1. Chef d'œuvre tout comme les innocents ! La direction d'acteurs est superbe concernant les enfants, L'ambiance mortifère mais cependant immersive dans sa tonalité confère un cachet unique à ce film o combien maîtrisée de À à z.

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