lundi 30 juin 2014

Pulsions Cannibales / Apocalypse Domani

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

de Antonio Margheriti. 1980. Italie/Espagne. 1h36. Avec John Saxon, Elizabeth Turner, Giovanni Lombardo Radice, Cinzia De Carolis, Tony King.

FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi.
1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


Sorti en pleine mouvance du gore transalpin, (Blue Holocaust, Anthropohagous, l'Avion de l'Apocalypse, Zombie Holocaust), quand bien même L'Enfer des Zombies venait de remporter un succès international et que Cannibal Holocaust allait semer la controverse à travers le monde, Antonio Margheriti exploite les filons du cannibalisme et du zombie (on empruntera plutôt le thème d'infecté !) afin de rameuter les foules. Le PitchRetenus prisonniers dans un camp de Vietcongs, le sergent Bukowski et son acolyte sont subitement atteints d'anthropophagie lorsque qu'une jeune victime trébuche incidemment dans leur cachot. Sauvés in extremis par leur capitaine, les deux acolytes finissent par retourner dans leur pays pour suivre un traitement psychiatrique. Libéré de l'hôpital, Bukowski se rend dans un cinéma au moment même où ses pulsions meurtrières le rappellent à la démence. Dans le sillage de RageRambo, et VoracePulsions Cannibales nous décrit le calvaire de vétérans du Vietnam, subitement atteints d'un étrange mal, l'anthropophagie. Ainsi, en abordant les thématiques sociales du traumatisme de la guerre et de la difficile réinsertion des vétérans US, Antonio Margheriti en exploite un film d'action horrifique typiquement Bis dans sa facture débridée car laissant libre court à une poignée de séquences chocs décomplexées. 


Inévitablement complaisant mais spectaculaire et parfois jouissif, le gore est ici traité avec générosité, d'autant plus que le travail artisanal effectué par Giannetto De Rossi s'avère encore aujourd'hui des plus impressionnants. Petite perle de l'horreur transalpine encensée par Quentin Tarantino, Pulsions Cannibales allie donc horreur sociale et action ludique parmi l'efficacité d'une mise en scène nerveuse. Car mené sur un rythme sans faille, cette série B tire parti de sa vigueur à travers sa scénographie urbaine pour osciller fusillades sanglantes, altercations musclées, poursuites et meurtres en série sous l'autorité erratique d'un quatuor de cannibales incapables de refréner leurs pulsions ! Il faut dire qu'en pleine agglomération, la pagaille est de mise depuis que le sergent Bukowski eut infecté quelques victimes de son étrange maladie. Sans doute un virus méconnu qu'il s'était choppé au fin fond de la jungle lorsqu'il n'était qu'une machine de guerre. Cette maladie contagieuse auquel les assassins sont pourvus d'une addiction incontrôlée pour dévorer la chair provoquant une fascination malsaine, de par leur comportement aussi instable qu'incontrôlé, et par leur instinct viscéral à consommer la viande humaine. Traqués par les forces de l'ordre puis finalement retranchés dans les égouts de la ville, nos cannibales n'auront de cesse d'user de bravoure et constance pour riposter et tenter de survivre. 


En dépit de dialogues approximatifs, d'une galerie de personnages aimablement cabotins (la jeune voisine du capitaine, le chef de police et ses collègues zélés, un éminent médecin trop influençable !) et de situations peu cohérentes, de par l'attitude outrée ou ridicule de certaines protagonistes, Pulsions Cannibales réussit à divertir principalement grâce au savoir-faire d'une réalisation efficace. Enfin, les amateurs de gore aux p'tits oignons (du moins, dans sa version uncut) devraient se réjouir de l'aspect émétique de certaines situations lorsque nos cannibales usent de sadisme pour alpaguer voracement leurs proies. 

*Bruno
17.02.23. 
4èx

vendredi 27 juin 2014

Brazil

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site sci-fimovieposters.co.uk

de Terry Gilliam. 1985. Angleterre. 2h23 (version intégrale). Avec Jonathan Price, Robert De Niro, Kim Greist, Katherine Helmond, Ian Richardson, Michael Palin, Bob Hoskins, Ian Holm.

Sortie salles France: 20 Février 1985. Angleterre: 22 Février 1985. Canada: 18 Décembre 1985

FILMOGRAPHIE: Terry Gilliam est un réalisateur, acteur, dessinateur, scénariste américain, naturalisé britannique, né le 22 Novembre 1940 à Medicine Lake dans le Minnesota. 1975: Monty Python: Sacré Graal ! (co-réalisé avec Terry Jones). 1976: Jabberwocky. 1981: Bandits, bandits. 1985: Brazil. 1988: Les Aventures du Baron de Munchausen. 1991: The Fisher King. 1995: l'Armée des 12 Singes. 1998: Las Vegas Parano. 2005: Les Frères Grimm. 2006: Tideland. 2009: L'imaginarium du docteur Parnassus. 2013: Zero Theorem.


"Tous les esprits fonctionnent entre démence et imbécilité, et chacun, dans les 24 heures, frôlent ces extrêmes".
Chef-d'oeuvre de Terry Gilliam, Brazil reste son oeuvre la plus folle, la plus fondamentale et la plus sarcastique de toute sa carrière. De par sa thématique pointant du doigt le totalitarisme et par sa frénésie visuelle faisant office de carnaval fantasque, Brazil donne autant le vertige qu'une sensation d'étouffement indécrottable. Le pitchEn essayant de résoudre un problème informatique qui valu l'arrestation d'Archibald Buttle, un bureaucrate sans histoire va rencontrer l'amour avec une frondeuse caractérielle avant de se rendre compte (mais si peu !) qu'il est tributaire d'une société aliénante.  Foisonnant, exubérant, décalé, cauchemardesque, grave, hilarant, romanesque, cruel, Brazil nous jette à la face toute une palette d'émotions contradictoires afin de mieux mettre en exergue le caractère dérisoire d'un futur aussi nocif que blafard. Oeuvre visionnaire habitée par la névrose, la paranoïa et la schizophrénie, Brazil est une peinture au vitriol de nos sociétés modernes déshumanisées, là où la bureaucratie et le capitalisme ont finit par imposer leur hégémonie. Individualistes, privés de sentiments car automatisés par leur paperasse qu'ils impriment à l'aide de machines à écran, les travailleurs de cette mégalopole rétro futuriste ont finit par perdre toute notion de sédition, de raisonnement et de réflexion.


Et ce avec une singularité sans égale du parti-pris formel de Terry Gilliam en pleine possession de son imagination lunaire. A l'exception toutefois des terroristes perpétrant leurs exactions meurtrières dans les restaurants bondés d'une clientèle décatie (mais rafistolée au scalpel chirurgical !) et de quelques insurgés tel ce plombier casse-cou venu prêter main forte à notre duo d'amants. Chargé de décors cafardeux par ses immenses entreprises bétonnées et ses foyers aménagés de conduits et tuyauteries gargantuesques tous azimuts, c'est un périple cauchemardesque que nous dépeint Terry Gilliam à travers le cheminement d'un fonctionnaire avide d'évasion et de romance. Quotidiennement réfugié dans ses rêves édéniques, c'est uniquement par le biais du fantasme qu'il parvient à s'échapper de cette dictature. Jusqu'au jour où la chimère devient réalité par l'entremise de Jill Layton, une frondeuse impétueuse préalablement habituée à vivre en autonomie. Outre son architecture visuelle héritée de l'expressionnisme et des années 30 (notamment la tenue vestimentaire des bureaucrates) et son sens caustique d'une dérision cruelle, la force du récit émane du contraste établi entre les délires fantaisistes du bureaucrate plongé dans une aventure illusoire et la gravité des situations réelles laissant transparaître une amertume profondément cruelle (l'épilogue reste à ce titre implacable à travers son refus de rédemption !).


Le Jour des Fous

Parfois épuisant à suivre de par sa folie progressive en crescendo, Brazil s'avère peut-être trop généreux à travers son trop plein d'imagination et son panel d'émotions éclectiques afin d'y dénoncer avec une fulgurance inégalée une propagande fasciste. Pour autant, cette sarabande inscrite dans l'exubérance en roue libre et le dépaysement claustrophobe insuffle une grande émotion auprès de son vibrant plaidoyer pour la liberté, hymne désespéré au rêve, à l'évasion (bel hommage au cinéma d'antan par ailleurs) et à l'amour. Une oeuvre unique, d'utilité publique, à revoir absolument au fil de notre évolution existentielle cyclique. 

*Bruno Matéï
13.05.22. 4èx

jeudi 26 juin 2014

Under the Skin

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Jonathan Glazer. 2013. Angleterre. 1h47. Avec Scarlett Johansson, Paul Brannigan, Krystof Hadek, Robert J. Goodwin, Michael Moreland, Scott Dymond, Jeremy McWilliams.

Sortie salles France: 25 Juin 2014. U.S: 4 Avril 2014

FILMOGRAPHIE: Jonathan Glazer est un réalisateur anglais, né en 1966.
2000: Sexy Beast. 2004: Birth. 2013: Under the Skin.


"Je ne vois pas pourquoi les gens attendent d'une oeuvre d'art qu'elle veuille dire quelque chose alors qu'ils acceptent que leur vie à eux ne rime à rien." David Lynch.

Dans le secteur privé des E.T prenant notre apparence humaine afin de se fondre dans la population pour apprivoiser notre planète, nous avions eu droit à quelques ovnis tels que Borrower, le voleur de tête ou encore The Brother from another Planet. En l'occurrence, le réalisateur du méconnu mais remarquable Birth nous invite à une expérience ineffable. Une épreuve contemplative si obsédante qu'après le générique de fin nous ressentions l'étrange sensation d'avoir vécu quelque chose d'intime avec "l'autre". Dans la mesure où notre psyché s'est littéralement laissée aller à l'abandon d'une épreuve ésotérique parmi l'errance d'une humanoïde. PitchUne jeune femme qu'on imagine débarquée d'une autre planète aguiche des citadins écossais pour s'en débarrasser l'instant d'après. Parmi elle, un geôlier en moto kidnappe également certaines victimes pour les lui offrir. Ce pitch linéaire, Jonathan Glazer l'étale sur une durée d'1h47 au fil des rencontres impromptues que la jeune femme s'accorde. Si les raisons pour lesquelles elle séduit les hommes pour s'en débarrasser ensuite nous ait jamais divulgué, l'intérêt d'Under the Skin est ailleurs.


Un peu à la manière hermétique d'Eraserhead, il ne faut pas chercher une quelconque explication à ce que nous voyons et subissions, mais plutôt se laisser happer par une expérimentation cinégénique que le réalisateur maîtrise dans l'art visuel et sensitif. Tant du point de vue formel avec ces visions opaques ou psychédéliques jamais vues autrement (en cela, Jonathan Glazer se porte en créateur d'images !) que du point de vue sensoriel avec cet environnement climatique réfrigérant où la nature suinte de ses pores. Durant le cheminement hasardeux de la visiteuse, le film ne cesse de distiller un malaise trouble lorsqu'elle s'adonne à la drague pour aborder par exemple un quidam malformé lorsqu'elle laisse à l'abandon une famille submergée par les vagues ou lorsqu'elle entraîne ces victimes au sein d'un tanière faisant office d'abîme minérale. Attisés par sa sexualité charnelle, la manière transie dont les hommes dénudés se laissent envahir par l'eau sans pouvoir contester leur insuffle une impuissance irrésistible. Exacerbés de l'incroyable score dissonant de Mica Levi et de la posture lascive de Scarlett Johansson, ces séquences onirico-cauchemardesques sont parmi les plus ensorcelantes qu'on ait vues depuis longtemps au cinéma, quand bien même le châtiment agrée à certaines victimes nous laisse pantois d'inconfort ! (sans trop en dévoiler, il y est question de liquéfaction !). Outre la maîtrise de la mise en scène oscillant la facture du reportage (toutes les séquences urbaines où la population semble filmée contre leur gré et les entretiens qui s'ensuit avec les amants d'un soir) et l'irrationnel opaque (les expérimentations visuelles, la quête indécise de l'E.T face aux rapports humains), Under the Skin tire notamment parti de son pouvoir ensorcelant en la présence de Scarlett Johanssone. Symbolisant la séduction d'une femme voluptueuse mais taciturne et sans compassion car n'éprouvant pas le sentiment au prime abord, elle traverse le film à la manière du nouveau-né découvrant peu à peu un nouveau monde où sa peur finira par éclore.


Phantasm
Si vous souhaitez éprouver l'expérience sensorielle du "bad trip" originaire d'une drogue synthétique, Under the Skin est conçu pour vous provoquer cette sensation éperdue d'ailleurs et d'incompréhension. Ou plus viscéralement vous faire participer à une expérience cinématographique comparable à l'avènement existentiel d'une seconde naissance. Attention toutefois à la hantise des effets secondaires.

*Bruno

mercredi 25 juin 2014

Au-delà du Réel / Altered States

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site deathbymovies.com

de Ken Russell. 1980. U.S.A. 1h45. Avec William Hurt, Blair Brown, Bob Balaban, Charles Haid, John Larroquette, George Gaynes, Olivia Michelle.

Sortie salles France: 30 Septembre 1981. U.S: 25 Décembre 1980

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton. 1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Réalisé par le visionnaire (fou) Ken Russel, Au-delà du Réel n'a pas usurpé son statut de film culte à l'aube des années 80, même si aujourd'hui il fait gage de discrétion chez les amateurs. C'est donc une épreuve métaphysique que nous relate ici le réalisateur afin de démystifier les secrets de la vie du point de vue d'un anthropologue. Le pitchEntassé à l'intérieur d'un caisson, Edward Jessup fantasme à plein régime après avoir absorbé une puissante drogue hallucinogène ramenée du Mexique. Hanté par des visions mystiques de Dieu et des forces obscures (image dantesque de l'enfer à l'appui !), il se résigne à découvrir l'origine de la vie au travers de sa conscience. Mais un jour, alors qu'il perpétue une nouvelle séance, son corps se met subitement à régresser génétiquement à l'instar d'une transformation simiesque. Trip expérimental afin de méditer sur l'intérêt de notre existence (celui de l'amour nous évoquera le héros en guise d'épilogue !), Au-delà du Réel allie science-fiction, romance et fantastique à l'aide d'un pitch digne d'un épisode de la 4è Dimension


Inévitablement fascinant et passionnant de par ces thématiques abordées et sa fulgurance psychédélique, le cheminement scientifique d'Edward (William Hurt, transi d'émoi en anthropologue obstiné !) nous confine dans l'expérience ésotérique la plus insensée de l'histoire ! Ainsi, par l'ossature habile d'un récit toujours plus inquiétant, Ken Russel insuffle mystère insondable et épreuves palpitantes lorsque Edward est confronté aux diverses hallucinations jusqu'à ce que son corps en pâtisse, car génétiquement modifié ! Réduit à la taille d'un primate velu, il faut le voir déambuler dans les rues nocturnes pour tenter de débusquer une biche afin de s'y nourrir. Mais par l'entremise de cette drogue hallucinogène inconnue, notre chercheur va non seulement jouer aux apprentis sorciers afin de débusquer Dieu mais également ramener de l'au-delà un autre univers sous la pression d'une masse d'énergie ! Visions oniriques du néant et de la lumière divine, Au-delà du réel demeure un voyage au coeur de l'inconnu, celui d'un abîme hermétique, l'ultime moment de terreur qu'est le début de l'existence ! Ainsi, à travers l'obsession d'un homme destiné à aller jusqu'au bout de ses ambitions pour embrasser l'absolu, c'est également le projet d'une révolution scientifique qui pourrait à jamais réconcilier la foi de l'homme ou, au contraire, lui faire perdre la raison. Dès lors, la rédemption de l'amour et la réalité tangible du moment présent restent les valeurs bien-fondé afin de préserver notre équilibre mental.


L'ultime vérité, c'est qu'il n'y a pas de vérité ultime.
Au-delà de sa réflexion sur l'orgueil de la science et de son étude métaphysique laissant fusionner un florilège d'images hallucinées (FX adroits à l'appui !), Au-delà du Réel s'érige notamment en poème d'amour à travers la destinée d'Edouard et d'Emily. Débridé et ensorcelant, c'est finalement une expérience avec nous même que nous confronte Ken Russel si bien que la vérité sera imprimée dans notre "moi conscient". 

*Bruno
4èx



mardi 24 juin 2014

Sisters

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site classic-horror.com

de Douglas Buck. 2006. U.S.A. 1h32. Avec Lou Doillon, Stephen Rea, Chloe Sevigny, William B. Davis, Gabrielle Rose, Whittni Wright, Talia Williams, Rachel Williams, Erica Van Briel.

Sortie Dvd: 2 Octobre 2008

FILMOGRAPHIE: Douglas Buck est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 Septembre 1966. 2003: Prologue. 2003: Family portraits. 2006: Sisters. 2011: The Theatre Bizarre (The Accident).


En 2006 sort dans l'indifférence générale, et en catimini chez nous puisque directement passé par la case Dvd, Sisters, remake du classique éponyme de Brian De Palma. Outre le refus du copié-collé, l'intérêt de cette déclinaison "moderne" émane de son ambiance aussi terriblement malsaine qu'oppressante et de ces thématiques beaucoup mieux développées chez Douglas Buck. Réalisateur iconoclaste déjà responsable du dérangeant Family Portrait (une anthologie de 3 courts illustrant la frustration existentielle de familles ricaines) et du segment, The Accident (poème bouleversant sur l'injustice de la mort) entraperçu dans le film à sketch, The Théâtre Bizarre, Douglas Buck cherche à provoquer le spectateur avec un réalisme acéré. Dérive cauchemardesque au confins de la folie schizophrène, Sisters relate l'épreuve psychologique de deux soeurs siamoises qu'elles endurent à propos d'un traitement médicamenteux illégal prescrit par l'inquiétant docteur Lacan. Le pitchEprise d'affection pour un jeune médecin lors de sa visite en clinique, Angélique l'entraîne quelques heures plus tard dans l'intimité de sa demeure. Le lendemain, après avoir couché ensemble et commandé un gâteau d'anniversaire, l'amant se fait sauvagement assassiné par la probable soeur jumelle d'Angélique. Témoin du meurtre, une journaliste scrupuleuse entame une investigation de longue haleine avec l'entraide d'un de ses proches collègues.  Film d'horreur clinique entièrement dédié à son ambiance austère, Sisters provoque déjà une aura trouble dès le prologue illustrant un spectacle pour enfants sous une autorité adulte, et ce dans le jardin d'un établissement psychiatrique. En filmant avec attention les jeux de regards équivoques échangés entre Angélique, le jeune médecin et le docteur Lacan, Douglas Buck y distille une atmosphère anxiogène qui ne fera qu'amplifier au fil du cheminement psychologique des soeurs siamoises. 


La première partie insufflant avec habile maîtrise un climat éthéré de tension autour de la relation amoureuse amorcée entre Angélique et le jeune médecin, ce dernier ne cessant de suspecter son comportement versatile. La caméra s'attarde ensuite sur les corps charnels avec sensualité mais aussi avec fascination viscérale mêlée de répulsion lorsque celui-ci caresse de ses doigts l'étrange cicatrice d'Angélique (on se croirait chez Cronenberg). Qui plus est, afin d'accentuer le côté voyeuriste, des caméras de video-surveillance sont installées dans chaque pièce de l'appartement afin que le docteur Lacan puisse espionner les faits et gestes d'Angélique et d'Annabelle. Pour la séquence du meurtre qui s'ensuit, Douglas Buck coordonne un suspense haletant autour du personnage de la journaliste, Grace Collier, imbriquée dans trois situations alertes. Celle de sa fouille illégale opérée chez le docteur Lacan, celle d'assister impuissante à l'agonie du médecin située à la fenêtre de l'appartement d'en face, et enfin celle de tenter de convaincre deux policiers qu'un homicide vient d'être commis. L'interrogatoire qu'elle tentera de pratiquer auprès d'Angélique pour lui soutirer une info s'avère notamment équivoque lorsque cette potentielle coupable hésite à dénoncer la vérité. La suite des évènements tire parti des profils psychologiques établis entre les soeurs siamoises, dissociées entre le Bien (Angélique) et le Mal (Annabelle), quand bien même Grace Collier entamera une investigation approfondie au sein de l'établissement psychiatrique. Ainsi, à l'aide d'un climat de malaise péniblement malsain et exponentiel, Douglas Buck nous entraîne dès lors dans un cauchemar schizophrène où illusion et réalité s'entrecroisent. Spoiler ! Celles de visions hallucinogènes manifestées par l'esprit intoxiqué de l'enquêteuse. Un sentiment prégnant de démence va alors lentement se distiller à travers son esprit afin de se confondre avec l'identité d'Annabelle et ainsi venger sa mort Fin du Spoiler. En déflorant un secret de famille, le réalisateur nous assène l'horrible vérité d'une liaison amoureuse compromettante où les thématiques du double, de la hantise, de la pédophilie, du traumatisme, de la toxicomanie et de la schizophrénie nous questionnent sur la responsabilité morale d'Angélique ainsi que son rapport intime avec la chair (Cronenberg n'est encore pas loin).


La Chair et le Sang
De par la densité d'une intrigue dérangeante entièrement dédiée aux profils torturés d'une relation siamoise, Douglas Buck entretient le mystère et laisse ensuite éclater la vérité autour d'une idylle pervertie par la chair et le sang. Superbement campé par un trio d'acteurs au charisme contrarié (Lou Doillon, Stephen Rea et Chloe Sevigny forment un trio indéfectible !), Sisters distille un malaise éprouvant proche de l'asphyxie de par leurs liaisons imposées. Ainsi donc, autour de leur dérive meurtrière et l'amertume d'une conclusion quasi surnaturelle y découlent une réflexion sur l'influence des sentiments, le pouvoir de persuasion, l'exploitation médicale et notre part indissociable du bien et du mal combiné dans un même corps. Un cauchemar baroque faisant office d'objet maudit (bien que la revue Mad Movies le défendit bec et ongle lors de son exploitation Dvd), à réserver à un public adulte, notamment auprès de son imagerie sanglante de dernier ressort franchement malaisante. 

*Bruno
23/12/23. Vostfr
24/06/14
22/12/11

 


lundi 23 juin 2014

THE RAID 2: BERANDAL

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Gareth Evans. 2014. Indonésie. 2h28. Avec Iko Uwais, Tio Pakusodewo, Julie Estelle, Yayan Ruhian, Arifin Putra.

Sortie salles France: 23 Juillet 2014. Indonésie: 28 Mars 2014

FILMOGRAPHIE: Gareth Evans est un producteur, scénariste et réalisateur américain.
2006: Footsteps. 2009: Merantau. 2011: The Raid. 2013: V/H/S 2 (segment "Safe Haven"). 2014: The Raid 2. 2015: The Raid 3.


Après la révélation The Raid, découverte en 2011, Gareth Evans remet le couvert avec une suite encore plus ambitieuse dans son lot de bastons et cascades ébouriffantes où l'intrigue gagne légèrement en profondeur et où l'esthétisme se fait plus stylisé. Après les évènements du précédent volet, le jeune flic Rama est à nouveau recruté pour une dangereuse mission, celle d'infiltrer un clan mafieux de Jakarta. Pour cela, il doit purger une peine de prison afin d'approcher Uco, le fils d'un leader indonésien. Etalé sur une durée excessive de 2h30, Gareth Evans prend son temps à bâtir une intrigue éculée en mettant en place une galerie d'antagonistes issues de la pègre locale et de la corruption policière. Celle des mafias et des yakuzas érigés sous l'allégeance de magnats du crime organisé.


Pour la conduite du récit, si elle s'avère sans surprise et se focalise sur la lutte de clans mafieux que notre héros tente de piéger, la caractérisation des personnages d'Uco et de son père est le centre d'intérêt dans leur rapport de divergence qui entraînera une déroute. S'il y avait au préalable un code de conduite à respecter au sein de leur tradition criminelle, Uco va oser transgresser cette loi avec une audace inédite dénuée de vergogne. Ce jeune tueur d'apparence distinguée est l'attraction principale du film puisqu'il s'avère inévitablement détestable dans son comportement sournois et mégalo, quand bien même ses exactions criminelles (trancher la gorge à 5 otages en toute décontraction !) nous provoquent dégoût et injustice. Si la direction d'acteur aurait mérité à être perfectible, notamment le héros trop discret dans son attitude mutique, les comédiens endossant les rôles de méchants réussissent néanmoins à imposer une stature fielleuse dans leur costard tacheté de sang ! Si le réalisateur n'improvise pas une grosse tension autour du sort réservé à Rama s'il était amené à se faire épingler par ses alliés, le coup de théâtre improvisé à mi-parcours déploie une vigueur vertigineuse lors d'une réaction en chaîne d'incidents meurtriers. Avec l'efficacité de l'action encourue et l'agilité d'une réalisation aussi virtuose qu'inventive, le réalisateur se déchaîne à étaler quotidiennement des séquences de bastons furieusement dantesques. D'une barbarie inouïe dans son ultra violence générée, les confrontations physiques perpétrées à main nue ou à l'arme blanche nous donnent le vertige par la rapidité des coups assénés, quand bien même l'audace visuelle déploie souvent un gore décomplexé. Toutes ses séquences clefs chorégraphiées avec une fluidité inédite dans des décors parfois restreints (ceux d'une allée de couloir, de l'intérieur d'une voiture, d'un compartiment ou d'une cellule de prison !) n'ont aucune peine à figurer dans les anthologies de bastonnades les plus sauvagement exécutées sur un écran !


En dépit d'une intrigue et d'une psychologie sommaires ainsi qu'une direction d'acteurs amendable, The Raid 2 est suffisamment bien troussé par sa réalisation alerte déployant avec efficacité moult séquences d'action au paroxysme de l'ultra violence. Rien que pour cette démesure d'affrontements sanglants souvent régis en masse, The Raid 2 fait office de spectacle frénétique !

Bruno Matéï


vendredi 20 juin 2014

HAPPY BIRTHDAY (Happy Birthday to me)

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

de Jack Lee Thompson. 1981. Canada. 1h52. Avec Melissa Sue Anderson, Glenn Ford, Lawrence Dane, Sharon Acker, Frances Hyland.

Sortie France: 06 Janvier 1982, sortie U.S: 15 Mai 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: J. Lee Thompson, de son vrai nom John Lee Thompson, est un réalisateur, scénariste et producteur britannique né le 1er août 1914 à Bristol (Royaume-Uni), décédé le 30 août 2002 à Sooke (Canada).
1961 : Les Canons de Navarone, 1962 : Les Nerfs à vif , Tarass Boulba, 1972 : La Conquête de la planète des singes, 1973 : La Bataille de la planète des singes, 1974 : Huckleberry Finn, 1978 :L'Empire du Grec,1979 : Passeur d'hommes,1980 : Caboblanco , 1981 : Happy Birthday to Me, 1983 :Le Justicier de minuit , 1984 : L'Enfer de la violence, 1984 : Chantage en Israël , 1985 : Allan Quatermain et les Mines du roi Salomon, 1986 : La Loi de Murphy ,1986 : Firewalker. 1987 : Le justicier braque les dealers,1988 : Le Messager de la mort , 1989 : Kinjite, sujets tabous.


En plein essor du slasher inauguré par Halloween et Vendredi 13, Happy Birthday exploite le filon avec l'efficacité d'une intrigue un peu plus substantielle que la traditionnelle. Imperméable au genre, on est surpris de retrouver derrière la caméra l'aimable vétéran Jack Lee Thompson, maître d'oeuvre des Canons de Navarone et d'une flopée de films d'auto-défense incarnés par son acteur fétiche, Charles Bronson. Mais ce n'est pas tout, aussi improbable que cela puisse paraître, les comédiens Glenn Ford et Melissa Sue Anderson sont également de la partie pour s'afficher ici dans le genre horrifique avec décontraction. D'ailleurs, le charme suave de l'interprète de la Petite Maison dans la Prairie doit beaucoup au facteur psychologique du film en dépit de clichés et certaines maladresses narratives. Alors qu'un mystérieux tueur frappe un à un les amis de Virginia, celle-ci consulte son médecin du fait de sa fragilité psychologique. En effet, depuis un terrible évènement antérieur, elle souffre d'un traumatisme lui empêchant de retrouver la mémoire. Qui plus est, sujette à des visions et cauchemars morbides, elle finit par se persuader qu'elle pourrait être l'assassin. 


Avec son pitch classique utilisant situations éculées et personnages stéréotypés, Happy Birthday n'échappe pas à la redite lors de sa première partie puisque le réalisateur ne cesse de miser sur la suspicion des faux suspects sans aucune notion de suspense. Le spectateur ayant une longueur d'avance pour deviner que le potentiel coupable ne peut pas être l'inévitable auteur des homicides. Néanmoins, sans jamais céder à l'ennui, et grâce à la fragilité névrosée de l'héroïne, on suit l'intrigue avec intérêt pour tenter de comprendre les aboutissants de son ancien traumatisme et les implications éventuelles de ses proches amis. Si la psychologie sommaire des personnages secondaires n'échappe pas à la caricature, ils s'avèrent tout de même sympathiques dans leur naïveté à se chamailler et s'éclater dans la bonne humeur en se jouant communément de farces macabres. Passé les premiers meurtres en série plutôt inventifs (prioritairement le coup des altères sur l'haltérophile et celui, anthologique, de la brochette plantée dans la gorge !), l'action se concentre davantage sur le profil torturé de Virginia avec l'entremise du fidèle médecin. L'empathie qu'on lui éprouve est alors inévitable puisque la jeune fille se retrouve piégée dans la tourmente de sa paranoïa avec toujours plus d'instabilité malgré son soutien médical et paternel. Le film adopte alors un rythme et un suspense plus intenses qui ira crescendo jusqu'à la fameuse révélation de son passé traumatique ainsi que l'identité du vrai coupable. Avec l'ironie macabre d'une fête d'anniversaire, Jack Lee Thompson honore le tableau grand guignolesque d'une réunion mortuaire et parachève son épilogue en usant d'un ultime coup de théâtre. Si cette digression n'avait pas vraiment besoin d'en rajouter dans l'inattendu, elle s'avère tout de même plausible SPOIL !!! si on accepte que la vraie coupable réussissait à duper son entourage à l'aide d'un ingénieux masque de latex. Fin du spoil.


En dépit des clichés traditionnels au genre, d'une première partie sans surprises et d'un twist en demi-teinte, Happy Birthday trouve son rythme et son intérêt dans une bonne intrigue où la fragilité psychologique de l'héroïne prime plus que l'effet choc. Avec une certaine indulgence et un peu de nostalgie, il demeure même l'un des meilleurs représentants du psycho-killer des années 80. 

Dédicace à Gérald Giacomini
Bruno Matéï
4èx

jeudi 19 juin 2014

Phase IV. Prix spécial du jury à Avoriaz, 1974.

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site the-drone.com

de Saul Bass. 1974. U.S.A. 1h24. Avec Michael Murphy, Nigel Davenport, Lynne Frederick, Alan Gifford, Robert Henderson.

Sortie salles France: 1 Septembre 1975. Box Office France: 745 779 entrées

Récompense: Prix Spécial du Jury au Festival d'Avoriaz, 1974.

FILMOGRAPHIE: Saul Bass est un graphiste et réalisateur américain, né le 8 Mai 1920 à New-York, décédé le 25 Avril 1996 à Los Angeles.
1974: Phase 4.


Grand classique de la science-fiction des années 70, Phase IV reste l'unique réalisation de Saul Bass, graphiste attitré d'Otto Preminger et d'Hitchcock (c'est à lui que l'on doit le générique de Psychose ainsi que la conception de la fameuse séquence de la douche). Dans la mouvance des invasions d'insectes mutants parfois atteints de gigantisme (les Insectes de feu, Ants, The Savages Beesl'Empire des fourmis géantes), Phase IV joue la carte de sobriété à valeur pédagogique avec refus d'esbroufe grand-guignolesque. Car ici prime l'aspect scientifique d'un duo de savants observant à l'aide d'ordinateurs les différentes colonies de fourmis prochainement aptes à envahir notre civilisation. Réfugiés dans leur laboratoire au milieu d'un désert, ils tentent d'entrer en contact avec elles afin d'établir en amont une communication pacifiste. Mais par le biais d'une entité extra-terrestre, les fourmis éprises d'égotisme n'ont comme seul dessein de vouloir nous dominer afin de régir un nouveau monde. C'est donc une lutte sans merci que doivent se livrer l'homme et l'insecte avant que la catastrophe annoncée n'entre en phase IV ! 


Dépourvu du moindre effet-spécial afin de caractériser la morphologie des fourmis (elles se révèlent authentiques dans leur apparence minuscule mais amplifiées par une vision microscopique afin de mieux cerner leur évolution et diverses stratégies), Saul Bass nous décrit avec souci documentaire un scénario catastrophe aussi fascinant qu'inquiétant. Durant 1h20, nous sommes reclus en interne d'un labo scientifique où deux savants paranos ainsi qu'une jeune rescapée vont pratiquer toutes sortes d'expériences afin d'étudier la nouvelle déontologie des fourmis et avant d'essayer de les anéantir. Toujours plus nombreuses, coriaces et combatives, car dirigées par une reine redoutablement perfide, ces insectes n'auront de cesse de surmonter les obstacles et défier la volonté de l'homme grâce à leur redoutable intelligence. Avec peu de moyens mais des idées retorses et formelles ainsi que l'atout de rendre réaliste un scénario catastrophe à la limite du plausible, Phase IV déroute notre inconscient et trouble notre imaginaire à observer cette guerre d'un nouveau genre où l'insecte semble beaucoup plus érudit que l'homme afin de le remplacer. SPOIL!!! Ou tout du moins fonder la nouvelle race d'une symbiose homme/insecte (sans en connaître le véritable but !) comme le laisse sous-entendre son étonnante chute finale ! Fin du SPOIL.


Fascinant et passionnant par son caractère scientifique où l'aspect documentaire prend le pas sur la fiction, baroque et insolite dans ses plages de poésie métaphysique, Phase IV préconise le pouvoir de suggestion avec l'entremise d'un microcosme où l'infiniment petit est apte à nous conquérir. Avec son atmosphère solaire presque surnaturelle d'où plane la sensation d'une fin d'un monde, Saul Bass nous interpelle sur la hiérarchie des fourmis, leur nombre surélevé (il y aurait plus de 12000 espèces dans le monde), leur sens de communication et leur capacité à déchiffrer les énigmes.   

Bruno Matéï
3èx


mercredi 18 juin 2014

JOE. Prix Marcello-Mastroianni pour Tye Sheridan, Mostra de Venise 2013

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de David Gordon Green. 2013. U.S.A. 1h57. Avec Nicolas Cage, Tye Sheridan, Ronnie Gene Blevins, Gary Poulter, Adrienne Mishler, Sue Rock, Heather Kafka.

Sortie salles France: 30 Avril 2014. U.S: 11 Avril 2014

Récompenses: Prix Marcello-Mastroianni pour Tye Sheridan lors de la Mostra de Venise, 2013.

FILMOGRAPHIE: David Gordon Green est un réalisateur américain, né le 9 Avril 1975 à Little Rock (Arkansas). 2000: George Washington. 2003: All the real girls. 2004: L'Autre rive. 2007: Snow Angels. 2008: Délire Express. 2009: Kenny Powers. 2011: Votre Majesté. 2011: Black Jack (télé-film). 2012: Baby-sitter malgré lui. 2013: Prince of Texas. 2013: Joe. 2014: Manglehorn.


"Tant que je me maîtrise, je reste en vie...Ca m'empêche de finir en taule."
Après avoir accumulé nombre de nanars impayables depuis une bonne dizaine d'années, Nicolas Cage nous revient enfin en grande forme dans son rôle sur mesure d'ancien taulard en perdition. Film coup de poing habité par la colère et la rage de survivre au sein d'une Amérique profonde peuplée de clodos et de marginaux véreux, Joe rend hommage à la condition ouvrière avant de relater la dérive justicière d'un loup solitaire épris d'amitié pour un ado maltraité. Le pitchAlors que son paternel alcoolo passe son temps à évacuer l'ennui dans la bouteille, le jeune Gary tente de trouver un job d'intérim afin de subvenir aux besoins de sa famille. C'est auprès de Joe Ransom qu'il réussit à se faire embaucher pour abattre les arbres d'une forêt sinistrée. Peu à peu, une solide amitié se noue entre eux quand bien même Gary continue de subir les humiliations quotidiennes de son père


Superbes portraits d'écorchés vifs impartis à un quadra impulsif rongé par l'injustice d'un passé judiciaire, et à celui d'un adolescent en recherche paternelle, Joe juxtapose leurs blessures morales dans une intrigue tortueuse où le danger omniprésent ne cesse de rattraper leur destin. La qualité première de ce drame psychologique particulièrement tendu et pessimiste émane de la sobriété des comédiens incarnant avec naturel des protagonistes marginaux en quête de réinsertion dans une Amérique gangrenée de misère. Celle de la campagne texane où se côtoient prolétaires, crapules à la petite semaine, prostituées de bordel miteux et laissés pour compte. Ainsi, en alternant les séquences intimistes de personnages hantés par l'amertume, le regret et l'échec, David Gordon Green insuffle une poésie lyrique à travers leur démarche hagarde au sein d'un environnement solaire terni par la désillusion sociale. Accentué d'une musique mélancolique et d'effets de ralenti extatiques, le film distille un climat d'envoûtement éthéré avant de nous précipiter dans le gouffre d'une intrigue nébuleuse constamment sur le qui-vive. Et si à mi-chemin, on imagine le drame prévisible qui se dessine après avoir été témoin d'un évènement crapuleux particulièrement innommable, le réalisateur adopte un virage pour repousser l'attente d'un inévitable concours de circonstances où le déchaînement de violence ne laissera aucune place à l'absolution. Autour de ces instants de tension exponentielle où la rage d'un ex taulard commence à prendre du galon pour laisser s'exprimer révolte suicidaire et désir de vengeance, Joe met en exergue l'ultime ambition d'un père épris de sacrifice pour prémunir la vie d'un fils qu'il n'a jamais pu engendrer. Cette histoire d'amitié paternelle entretenue entre lui et Gary laissant exprimer une émotion intense à travers leur rapport de tendresse et de confiance, leur permettant ainsi de converger à une initiation responsable malgré l'improvisation d'une issue tragique. 


Valse du tueur
De par son climat poisseux imbibé de sinistrose et du portrait en décrépitude asséné aux rednecks burinés, Joe ne cesse de confronter déchéance humaine, désillusion et désir de rédemption autour d'un justicier incontrôlable et d'un ado persévérant. Nicolas Cage et le jeune Tye Sheridan formant de manière prude un duo complémentaire dans leur rage de survivre, quitte à s'y brûler les ailes. Grand moment d'émotion, du cinéma viril âpre et hargneux !

Bruno Matéï

mardi 17 juin 2014

Chaque soir à 9 Heures / Our mother's house

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site gallerytheimage.com

de Jack Clayton. 1967. Grande Bretagne. 1h47. Avec Dirk Bogarde, Margaret Brooks, Pamela Franklin, Mark Lester, John Gugolka, Sheldon Williams, Sarah Nicholls, Gustav Henry, Parnum Wallace.

Sortie salles France: 6 Septembre 1973

FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni). 1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).


Six ans après son chef-d'oeuvre les Innocents, Jack Clayton renoue avec le thème de l'enfance meurtrie d'après un roman de Julian Gloag. Honteusement méconnu pour une cause m'ayant toujours échappé, Chaque soir à 9 heures est sans doute l'un des plus beaux films que l'on ait entrepris sur la thématique de l'innocence infantile. Une épreuve de force morale parfois éprouvante lorsque des enfants issus de même famille sont livrées à eux mêmes depuis leur disparition maternelle. Le prologue est à cet égard infiniment bouleversant lorsque l'une des filles les plus âgées vient d'assister en direct à la mort de sa mère et lorsque les autres enfants viennent la rejoindre pour se recueillir au chevet quelques instants plus tard. Quand bien même avec pudeur, la mélodie fragile de Georges Delerue souligne cette émotion candide qui transparaît à chacun de leur visage pour nous afficher une image cruelle de la mort lorsque l'innocence en est brusquement témoin. Ainsi, inculqués dans une croyance profondément catholique et voués à poursuivre leur doctrine, les enfants se réfugient chaque soir à 9 heures dans le sanctuaire du jardin afin de communiquer avec leur mère par l'entremise de l'aînée, Diana. Enterrée dans le jardin sans avoir averti quiconque, les soupçons commencent à peser sur eux du point de vue de la maîtresse de maison mais aussi de l'institutrice. Par chance, leur père absenté depuis de longues années revient faire surface et finit par apaiser les doutes. Si de prime abord, il réussit à susciter la sympathie et la confiance auprès des enfants, Elsa, la plus lucide et circonspecte, comprend rapidement qu'il n'est qu'un escroc sans vergogne ne leur accordant aucun crédit. 


Ainsi donc, dans le refuge d'une demeure gothique séculaire (reflet de l'éthique puritaine de la mère), la première partie du film s'accorde à nous familiariser avec l'assemblée des gosses livrés à l'autorité de l'aînée, Diana. Profondément fragile, marquée par le deuil et obsédée à l'idée de croire en la vie après la mort, elle réussit à les convaincre (et à se persuader de son gré) qu'elle puisse entretenir une communication avec sa mère par l'entremise de l'au-delà. Une combine triviale afin de transmettre la bonne conduite à respecter au sein de leur communauté irresponsable. Or, le fanatisme névrosé de Diana n'apporte pas les meilleures solutions pour la sociabilité du groupe et finit même par engendrer un châtiment d'humiliation intolérable (le traitement infligé à l'une des plus jeunes, Gerty). La seconde partie fait place à l'irruption du paternel dans toute son hypocrisie puisque l'individu en question n'est qu'un loser aviné encore plus inconscient car n'attachant aucun intérêt pour sa progéniture. Outre la représentation triviale allouée à ce patriarche, la réalisateur se focalise notamment sur la caractérisation psychologique d'Elsa qui tentera à maintes reprises de convaincre ses frères et soeurs que leur paternel n'est qu'un odieux manipulateur. Ses relation houleuses amorcées avec sa soeur caractérielle, Diana, nous illustrant également avec ambiguïté (du fait de leur immaturité) un affrontement d'opposition conçu sur l'état de contrariété, l'esprit d'influence et d'autorité. Par conséquent, à travers les thèmes de la démission parentale, de l'apprentissage, du fanatisme religieux et de la perte de l'être cher, Jack Clayton consolide une bouleversante affaire familiale inscrite dans la perte de l'innocence et la cruauté de l'injustice. L'intensité humaine du jeu naturel des enfants et le caractère éprouvant des affrontements psychologiques nous plaçant dans une situation malaisante toujours plus ardue, si bien qu'un épouvantable secret de famille viendra nous marteler la conscience et ainsi lever un voile sur leur culture catholique. 


Une initiation à la maturité, aussi dure que fragile, dont personne ne sortira indemne... 
Dérangeant et malsain mais profondément sensible et bouleversant, Chaque soir à 9 heures porte la marque des grands chefs-d'oeuvre tant la mise en scène avisée de Clayton, son intensité scrupuleuse et le jeu authentique des bambins nous immergent de plein fouet dans un obscur drame familial. Le portrait extrêmement attachant imparti à ces laissés-pour-compte nous laissant en état de collapse tant sa conclusion pessimiste ne nous laisse aucune illusion sur leur future destinée. 

*Bruno
2èx

lundi 16 juin 2014

SUPERARGO CONTRE DIABOLIKUS (Superargo, el hombre enmascarado / Supersonic Man)

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemiscreant.blogspot.com

de Nick Nostro. 1966. Italie/Espagne. 1h28. Avec Giovanni Cianfriglia, Gérard Tichy, Monika Randall, Loredana Nusciak, Jose Castillo Escalona.

FILMOGRAPHIENick Nostro est un réalisateur et scénariste Italien, né le 21 Avril 1931, décédé le 15 Juin 2014.
1962: Il sangue e la sfida. 1962: Blood and Defiance. 1962: 2 Samurai per 100 geishe. 1963: Grazie Zio, c. 1963: Revenge of the Black Knight. 1964: Spartacus and the ten gladiators. 1964: 1964: Il trionfo dei dieci gladiatori. 1965: Operation Counterspy. 1966: Un dólar de fuego. 1966: Tre notti violente. 1966: Superargo contro Diabolikus. 1968: Uno dopo l'altro. 1971: i provo anch'io. 1971: La cieca di Sorrento. 1971: Grazie zio, ci provo anch'io. 


Clairement inspiré par la série d'espionnage des James Bond et les bandes-dessinées du FumetiSuperargo contro Diabolikus est une production transalpine exploitant le mythe du super-héros avec des moyens dérisoires. Autant dire que nous avons affaire ici à une authentique série Z fleurant bon le charme vintage comme seuls les italiens ont le secret. Après avoir accidentellement tué son adversaire lors d'un match, et afin de se racheter, le catcheur Superargo accepte une mission périlleuse de la part du colonel Kinski. Celle de retrouver la trace de Diabolikus, un trafiquant d'uranium exilé sur une base secrète des mers des caraïbes parmi ses hommes de main. Avec sa tenue de catcheur au masque noir et collant rouge, l'apparence moulante de Superargo fait indubitablement parti des supers-héros les plus craignos de l'histoire du cinéma ! Pourvu d'une résistance surhumaine à l'eau (il a une capacité thoracique de 11 litres en plongée, peut descendre jusqu'à une centaine de mètres de profondeur et peut rester sans respirer 5 à 7 mns sans avoir à reprendre son souffle !), à la chaleur du feu, au froid (endurance au vent glacial de 13 noeuds à l'heure !) et à l'électricité, Superargo est également prémuni contre l'épreuve des balles grâce à sa nouvelle combinaison. 


Mais ce n'est pas tout, la matière particulière de son sang l'empêche également de saigner à la moindre blessure puisqu'il coagule à l'air ! Au niveau des gadgets, il est notamment équipé d'une voiture blindée avec installation radio et télévision, détient des pilules de "mort apparente" pour duper l'ennemi, ainsi qu'un bijou faisant office de micro émetteur récepteur de radio et de télévision afin de communiquer avec les services secrets. Au fil de sa dangereuse mission, il va non seulement devoir combattre les sbires armés de Diabolikus SPOIL !!! mais aussi débusquer un traître de son propre camp et enfin tenter de sauver sa dulcinée prise en otage. Fin du Spoil.
Mené avec intégrité dans son sérieux inébranlable, Superargo contre Diabolikus nous invoque un sourire impayable avec son florilège de situations toutes plus grotesques les unes que les autres. Le lot ininterrompu de dialogues impayables et la mine renfrognée des protagonistes laissant transparaître un humour involontaire souvent hilarant. A l'instar de la posture combative de notre super-héros, son attitude inexpressive étant uniquement dominée par un jeu de regard des plus inflexibles ! En ce qui concerne l'action encourue, le minimum syndical nous est adressé avec toutefois quelques séquences nerveuses de gunfights pétaradants (mitraillettes à l'appui) et d'explosion de bâtiments ! Mais outre les expériences de résistance physique et de torture commises sur notre héros, l'attrait le plus enthousiasmant provient surtout de la rivalité du duo Superargo/Diabolikus, car ne cessant de se disputer la victoire de la manière la plus imbue et narquoise ! 


Inédit en dvd mais enfin exhumé de l'oubli grâce à Artus FilmsSuperargo contre Diabolikus est une pépite Z aussi hilarante que puérile dans son lot de péripéties lourdingues et de personnages mécontents. Une sympathique curiosité au look rétro qu'auraient tort de se priver les amateurs indéfectibles de nanars !

A la mémoire de Nick Nostro Merci à Artus Films !
Bruno Matéï