mercredi 30 décembre 2015

CREED

                                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Ryan Coogler. 2015. 2h13. U.S.A. Avec Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tony Bellew, Andre Ward, Tessa Thompson, Phylicia Rashād, Graham McTavish, Wood Harris.

Sortie salles France : 13 janvier 2016. U.S: 25 Novembre 2015

FILMOGRAPHIE: Ryan Coogler est un réalisateur et scénariste américain, né le 23 Mai 1986 à Oakland, Californie. 2013: Fruitvale Station. 2015: Creed


Spin-off de la saga Rocky dirigé par Ryan Coogler, cinéaste en herbe révélé par une première oeuvre dramatique lardée de récompenses (Fruitvale Station), Creed entreprend clairement de relancer la franchise par le biais d'une passation de pouvoir. Rocky ayant décidé in extremis d'entraîner le fils d'Appolo Creed, Adonis Johnson, afin de lui disputer un championnat du monde. Privé d'un père qu'il n'a jamais connu depuis sa naissance, c'est du côté de son coach qu'il décide de se rapprocher au moment même de parfaire communément un entraînement stoïque. Ce pitch simpliste surfant sur le même schéma que la saga Rocky avait de quoi laisser perplexe quant à la sincérité du projet, quand bien même durant sa première heure l'intrigue laisse peu de place à l'émotion parmi son air de déjà vu. A savoir l'idylle naissante d'Adonis avec sa voisine de palier, le recueillement de Rocky auprès de ses fidèles défunts (Adrian et Pauly), leur entrainement sportif et le match de compétition (même si successivement vite expédiés). Néanmoins, le soin imparti à la réalisation se réfutant à grossir le trait de la caricature parvient tout de même se détacher de la trivialité, notamment grâce au naturel des comédiens impliqués dans la sobriété d'une cohésion familiale.


C'est donc lors de sa seconde partie que Creed va prendre son envol à renfort de dramaturgie improvisée et d'émotion lyrique comme avaient su dignement les transcender Rocky 1 et 6. Sans jamais trahir l'esprit de la saga, Ryan Coogler s'efforce de mettre en exergue la nouvelle ascension de ce jeune boxer de couleur noire (au passage, joli témoignage de tolérance pour mettre en valeur sa communauté) particulièrement impulsif depuis son enfance difficile. Là où le film parvient doucement mais surement à insuffler de l'empathie émane des rapports père/fils qu'entretiennent tendrement Adonis et Rocky, quand bien même Stallone impose sa nouvelle présence avec une vérité humaine bouleversante. La gueule burinée de rides dans une posture inévitablement atone et le corps empâté, l'acteur se fond dans une peau sclérosée avec pudeur et fragilité par ses instants de remords, de conscience meurtrie et de remise en question. D'ailleurs, certaines séquences intimistes dont je tairais tout indice resteront à jamais gravées dans notre mémoire comme le souligne sa déchirante conclusion faisant écho à la nostalgie d'un temps révolu. Empruntant les thématiques de la vieillesse et de la maladie sans appui de sinistrose sentimentale, Ryan Coogler fait donc naître une émotion candide, notamment face au témoignage juvénile du jeune boxeur avide de revanche mais aussi de compassion pour son maître. Par le biais de leurs étroits rapports confrontés au même problème d'éthique, à savoir la volonté de se battre pour vaincre l'échec, Creed cultive une dimension humaine pleine d'humilité pour ces thèmes alloués autour de la fraternité, la romance, l'amour parental, la loyauté, l'espoir, le pardon, mais aussi la peur de l'échec et de la mort. Inévitablement compromis à la règle du sens du spectacle, Ryan Coogler parvient lors du point d'orgue à transfigurer un combat homérique au réalisme documenté alors que son score musical (Bill Conti himself) surenchérit l'acuité émotionnelle lorsque Creed tentera de toute sa hargne à vaincre son adversaire ! L'énergie foudroyante qui émane de leur pugilat, la sobre chorégraphie des affrontements et la réalisation aussi consciencieuse qu'inventive nourrissent une puissance dramatique en crescendo renouant avec les plus beaux corps à corps de la saga Rocky


En abordant les thèmes de l'absence paternelle et de la maladie autour de la compétition de la boxe, Creed parvient à se hisser au niveau de Rocky 1 et 6 sous l'impulsion d'un orphelin black en quête identitaire et sous l'autorité de son mentor destiné à s'éclipser au profit de la nouvelle génération. Riche en émotions lors de sa seconde partie, Creed parvient donc à réinterpréter l'histoire pour s'imposer comme digne successeur de l'héritage Balboa dans son intégrité de dépeindre la nouvelle gestation d'un héros davantage attachant au fil de sa constance initiatique. Quant à l'icone que caractérise le dinosaure Stallone, il livre là l'un des plus beaux rôles de sa carrière dans sa fonction pudique d'acteur vieillissant dont certaines séquences tireront les larmes aux plus sensibles. Hymne à la vie, à la nostalgie du temps et à l'amitié, une oeuvre magnifique rattrapée par l'incandescence de son évolution dramatique sous le brio d'un metteur en scène autonome inscrit dans la maturité. 

Dédicace à Stéphane Passoni
B.M.

La point de vue de Dimitri Derock :
Et oui, émotion le maître mot de ce film... Nous retrouvons 40 ans plus tard, la faim, que dis-je la rage de vaincre de Rocky Balboa via un jeune noir, qui n'est autre que le fils naturel d'Appolo Creed. Un film d'une humanité profonde que seul le Rocky désoeuvré des débuts pouvait nous offrir. Adrian partie, Paulie également, Rocky ne voit plus de raison de livrer un dernier combat. Adonis Creed va le convaincre... Nous retrouvons les rues et les places de Philadelphie qui n'ont pas changé, tous ces endroits qui furent témoins d'une immense gloire passée, la musique qui revient dans l'ultime round achève de nous mettre le poil au garde à vous... Une magie revient 40 ans plus tard. Un film plein de colère, de l'amertume du temps qui passe, mais toujours de cette sensation indéfinissable qui nous oblige à voir en Rocky Balboa un ami, un vrai. Pas de larme pour ce qui me concerne mais un immense bol d'air à travers ce choc générationnel bouleversant...

L'avis de Peter Hooper:
Note : 5,5 / 6
// Le ring de l’homme //
Deux hommes avancent, cotes à cotes. Une main puissante, épaisse, abîmée, posée sur l’épaule de l’autre dans son peignoir de satin. Un travelling rendu interminable par une image ralentie, un couloir qui semble ne plus finir, dans un bruit de fond aux tonalités distordantes, étouffées, presque inaudibles. Puis enfin le bout du tunnel, face aux portes battantes des sons qui deviennent distinctement les clameurs d’un public surexcité, autour de ce ring ou va avoir lieu LE combat. C’est l’image que je garderai de ce « Creed ». Un plan hautement symbolique et qui incarne à la perfection ce passage de témoin, cette transmission, une scène héritage.
« Balboa » (2006) était un formidable album photo offert aux fans. Fidèle parmi les fidèles, j’ai découvert les deux premiers volets en VHS quelques mois avant de me ruer en salle pour « L’œil du tigre ». Nous étions en 1982, je n’avais pas encore 17 ans…En feuilletant « Balboa » c’était toute la vie de ce self-made-man qui défilait, le héros parfait de mes illusions d’adolescent. Un livre souvenir dont chaque image me renvoyait a Vingt-quatre ans de ma propre existence, de ce lycéen puis étudiant devenu père. Avec ce film Stallone nous offrait le plus beau des cadeaux, un hommage parfait comme épilogue d’une formidable saga et avec lui la boucle était admirablement bouclée.
Lorsque j’ai eu écho d’un nouvel opus j’ai d’abord été quelque peu « vexé » dans ma groupie attitude ! Sans aller jusqu'à parler de trahison ou de crime de lèse majesté, je ne voyais franchement pas l’intérêt de ressortir ces gants dont le cuir risquait de sentir fortement la naphtaline! Mais c’était sans compter sur un incroyable scénario, dont je n’avais pas présagé une seconde de sa force !
Un fil tendu entre passé et futur la ou la cloche du sixième round sonnait au présent. Un récit extrêmement habile jonglant subtilement entre les ombres d’hier et la lumière de demain. Exit pathos et passéisme outrancier qu’on pensait légitiment devoir endurer, Ryan Coogler distille avec une scientifique parcimonie les gimmicks de la saga et assure un collage parfait avec l’époque actuelle où se situe l’intrigue.
Une intelligente narration dans un langage permettant une compréhension intergénérationnelle, une traduction par tous et ce même si on ne connaît pas « toute » l’histoire, au contraire donc de « Balboa ». Des « jeunes » ou peut-être des moins jeunes qui auront même sûrement envie de séances « adjuts your tracking »afin de combler le retard…
« Creed » c’est donc le fils de son père, celui sans qui au final « tout cela » ne serait probablement jamais arrivé. Un fils illégitime qui a pourtant hérité du sang et de la hargne de son géniteur de champion. Un rôle campé par Michael B. Jordan, redoutable de justesse, tout en détermination sans jamais en faire des tonnes, comme le dit d’ailleurs très bien Bianca (Tessa Thompson), sa future « Adrian » « tu ne ressemble pas a un boxeur » . Pas complètement non…sauf quand il cogne ! C’est donc lui qui doit mettre les gants, le short (…) et monter sur le ring pour tenter a son tour de devenir LE champion.
Oui, ok, et Rocky dans tout ça ?? Déjà il sait se faire attendre, et on a du mal à ne pas trépigner d’impatience pendant de très longues minutes sur son siége! C’est dans son restaurant Adrian’s ou se rend Adonis, qu’il surgit pour la première fois, enfin! Les épaules toujours aussi larges et la démarche nonchalante, agitée de quelques petits tics, bref : iconique ! Une scène où se bousculent les tableaux souvenirs dans un dialogue rendu d’autant plus savoureux par la grâce de ce secret dévoilé, qui nous hantait depuis l’épilogue de « Rocky III » ! Balboa, et je ne dévoile rien, qui va accepter de devenir l’entraîneur du fils d’Apollo et nous livrer par la même occasion une interprétation d’une rare épaisseur, probablement la plus belle de sa riche carrière.
Vieillissant mais ce petit trait d’humour un rien désuet toujours intact. Un charisme a en crever d’émotion, le père, le grand père ou le « tonton » qu’on rêverait tous d’avoir. Généreux, protecteur, la force tranquille, bon, juste un papi qui regarde son poulain avec « l’œil du bienveillant ». Hilarant dans sa peau d’ « ancien » étonné de voir Adonis prendre une photo avec son smart phone de sa feuille d’entraînement, craignant qu’il l’égare, et qui découvre le principe du Cloud !
On aime Rocky car on a souffert pendant 35 ans, on a encaissé ses coups, enduré ses entraînements surhumains, sué, saigné…mais assurément jamais autant que dans « Creed », dans ce nouveau combat (no spoile !!!). Un combat qui assure le fil rouge de la deuxième moitié du film, stigmates du courage et de l’abnégation.
Il n’y a plus de Mickey, plus d’Apollo, plus d’Adrian, plus de Pauli…a présent il faut sauver Rocky ! Ce que tentera de faire pour nous le jeune boxeur en menant ce double combat. Bouleversant Sly…
Le score, comme depuis 1975, est au rendez-vous. Ludwig Göransson nous livre une composition tout en nuance, entre quelques notes familières parfaitement identifiables prises en étau par ces accords hyper vitaminés dopés au rap et au R'n'B, des musiques de « Djeuns », sans oublier les rythmiques brutales très « tambours du Bronx » qui viennent souligner la brutalité des coups .
Un mixage parfait, comme l’ensemble.
Au final « Creed » au delà d’un simple spin-off fonctionne comme une relecture moderne du « Rocky » originel, une sorte de remake modernisé, ce que viennent confirmer certains plans « décalqués » , jusqu’au sweat gris d’Adonis et les cris de la foule scandant « Creed ! Creed ! Creed !... » . Mais rien qui puisse nous faire bouder notre plaisir avec, de plus, des combats hallucinants de réalisme, sûrement ce que j’ai vu de plus convaincant a ce jour !
Quel bonheur ! Et l’étalon italien malgré un cœur et des jambes fatiguées (formidable et émouvant épilogue !) porte quand même sur ses épaules la plus cohérente et la plus enthousiasmante saga de l’histoire du cinéma.
A présent mon gars tu peux jeter l’éponge tranquille, je te le dis droit dans ton œil de tigre : on t’aime !

Récompenses: National Board of Review Awards 201528 : Top 10 des films de l'année, meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Boston Online Film Critics Association Awards 201529 : Top 10 des films de l'année, meilleur acteur pour Michael B. Jordan, meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Southeastern Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Phoenix Film Critics Society Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Las Vegas Film Critics Society Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Utah Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
St. Louis Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone
Austin Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur acteur dans un second rôle pour Sylvester Stallone

mardi 29 décembre 2015

THE REVENANT

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.com

d'Alejandro González Iñárritu. 2015. U.S.A. 2h36. Avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Will Poulter, Domhnall Gleeson, Brendan Fletcher, Brad Carter, Robert Moloney, Paul Anderson.

Sortie salles France: 27 janvier 2016. U.S: 8 Janvier 2016

FILMOGRAPHIE: Alejandro González Iñárritu est un réalisateur et producteur mexicain, né le 15 août 1963 à Mexico (Mexique). Il reçoit l'Oscar du meilleur réalisateur pour Birdman en 2015.
2000: Amours chiennes. 2003: 21 Grammes. 2006: Babel. 2010: Biutiful. 2014: Birdman. 2015: The Revenant.


Enchaînant les réussites à un rythme métronomique, Alejandro González Iñárritu m'a subjugué comme jamais avec The Revenant issu d'un roman de Michael Punke. Monument de western d'aventures d'une puissance émotionnelle et d'un souffle épique rarement vécus de manière aussi introspective, The Revenant emprunte le mode du survival brut de décoffrage sous couvert d'un propos vindicatif. Expérience sensitive entièrement tournée en décors et lumière naturels, l'intrigue prend pour cadre l'environnement hostile des montagnes et rivières enneigées, théâtre d'affrontements sanglants entre trappeurs américains et indiens. Après avoir été témoin d'un massacre perpétré par des amérindiens pour l'appât de fourrures, Hugh Glass parvient à s'extirper de l'enfer avec une poignée de survivants. Mais à la suite d'une sauvage agression avec un ours (scène d'anthologie hallucinée bouleversant la frontière entre fiction et réalisme !), il est grièvement blessé au point de devenir une contrainte auprès de sa troupe depuis son statut grabataire. En dernier recours, son équipe envisage alors de le sacrifier. Se ravisant in extremis, le meneur Henry propose finalement de diviser le groupe et suggère à Fitgerald, Bridger et Hawk de s'occuper de Glass pour poursuivre indépendamment leur route jusqu'à destination de Fort Kiowa. Avide de rentrer sain et sauf depuis la menace perpétuelle des indiens, Fitgerald s'empresse de se débarrasser de Glass. Mais le fils de ce dernier, Hawk, s'interpose pour défendre son père.


A partir d'une banale affaire de vengeance, le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu en extrait un film d'auteur expérimental doublé d'un western d'aventures d'une beauté crépusculaire à damner un saint ! De par le soin imparti au cadre naturel des montagnes enneigées où le blizzard aura décidé de tester la performance physique et mentale de nos rescapés épuisés par la faim, la soif, la fatigue, le froid et la douleur de leurs blessures. Particulièrement Hugh Glass réduit aujourd'hui à l'état moribond de cadavre récalcitrant dans cet enfer neigeux où des indiens opiniâtres n'auront de cesse de le persécuter Spoil ! avant le secours d'un Arikara (amérindien agriculteur). Fin du Spoil. D'un hyper réalisme ténébreux comme le souligne la verdeur de son prologue belliqueux, The Revenant distille une vigueur sensorielle inédite, notamment par la manière subjective dont le cinéaste recourt (caméra auscultant au plus près les corps et les regards apeurés tout en dévisageant la nature) pour nous faire partager les souffrances physiques et morales de nos protagonistes en perdition. Epreuve de force surhumaine si j'ose dire pourtant inspiré de faits réels, Alejandro González Iñárritu réinvente la matière cinématographique dans sa capacité à rationaliser l'aventure humaine sous l'impulsion de comédiens habités par une rage viscérale. Effleurant un semblant de démence, Leonardo Di Caprio insuffle des expressions d'amertume et de courage stoïque dans sa condition martyr de survivant avide de dépassement par son ressort punitif. Son parcours chaotique semé d'embûches et de rencontres délétères se révélant finalement une quête initiatique avec sa morale (sa foi divine et sa remise en question soudaine de la vengeance du point de vue de la victime). Ce sentiment tangible d'évasion et la violence primitive émanant des affrontements tribaux sont retransmis à travers l'écran avec une rigueur réaliste électrisante. Envoûtant également pour l'intensité de son score lancinant, et onirique pour ses plages de chimère spirituelle, The Revenant nous triture tous les sens par la volonté alchimiste du cinéaste. Un auteur virtuose maîtrisant comme personne l'espace du cadre et l'environnement montagneux (à l'instar d'Herzog avec Aguirre...), un amoureux de la faune et de la flore où l'instinct primitif de l'homme est ici mis à rude épreuve sous l'hostilité d'indiens avilis par la transaction de trappeurs français.


Réflexion sur la vengeance et les conflits xénophobes envers le peuple amérindienne, témoignage barbare d'une époque ancestrale, récit initiatique vers la sagesse et la spiritualité, survival impitoyable au souffle homérique et à la violence primitive ahurissants de réalisme (le combat final à l'arme blanche est d'une brutalité animale !), The Revenant réinvente l'art cinématographe sous l'autorité d'un cinéaste et de comédiens au diapason ! Un film monstre d'une fulgurance formelle et sensitive irrationnelles, une expérience nouvelle de cinéma épidermique ! 

B.M.

lundi 28 décembre 2015

LES 8 SALOPARDS

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site collider.com

"The Hateful Eight" de Quentin Tarantino. U.S.A. 2015. 2h47. Avec Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Walton Goggins, Tim Roth, Bruce Dern, Michael Madsen, Demián Bichir, Channing Tatum.

Sortie salles France: 6 janvier 2016. U.S: 31 Décembre 2015

FILMOGRAPHIE: Quentin (Jérome)Tarantino est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 27 Mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee.
1992: Réservoir Dogs. 1994: Pulp Fiction. 1995: Groom Service (segment: The Man from Hollywood). 1997: Jacky Brown. 2003: Kill Bill 1. 2004: Kill Bill 2. 2007: Boulevard de la Mort. 2009: Inglorious Basterds. 2012: Django Unchained. 2015: Les 8 Salopards.


Trois ans après avoir tâté du western avec l'excellent Django Unchained, Quentin Tarantino rempile à nouveau avec les 8 Salopards pour transcender un jeu de massacre inscrit dans la duperie et la déchéance criminelle. Epaulé du score cinégénique d'Ennio Morricone et d'une photo scope sublimant le cadre enneigé d'une contrée décharnée, l'intrigue emprunte le mode du huis-clos à travers la confrontation fortuite d'une poignée d'étrangers à l'identité interlope. John Ruth, chasseur de prime, doit rapatrier Daisy Domerge à Red Rock afin qu'elle soit pendue pour meurtre. Sur le chemin enneigé, il établit la rencontre suspicieuse d'un nègre également braconnier et du potentiel nouveau shérif de Red Rock. A cause d'une bourrasque, ils font ensemble escale dans une étape dirigée par la tenancière Minnie. En son inexplicable absence, c'est dans ce lieu reculé qu'ils y découvrent quatre autres individus. John Ruth soupçonne aussitôt l'un d'eux d'être un escroc afin de sauver de la potence Daisy Domerde. 


D'une durée excessive de 2h47, Quentin Tarantino entretient la même ossature que la plupart de ses autres métrages, dans le sens où il accorde un intérêt primordial (à la longue) mise en place de ces personnages et à un cheminement narratif remarquablement planifié oscillant présent et passé des évènements. Bourré de trognes burinées et charismatiques déversant sans modération des réparties persifleuses, les 8 Salopards brosse leur portrait par le biais d'une ligne de conduite redoutablement mesquine. A savoir cultiver l'attente de leurs confrontations explosives pour mieux s'imprégner de leur quotidienneté avant de persévérer sur une dérision sardonique toujours plus vitriolée au fil de leur rébellion justicière. Les 90 premières minutes s'attardent donc à nous dessiner le profil insalubre de ces cowboys peu recommandables. Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Walton Goggins, Tim Roth, Bruce Dern, Michael Madsen se partageant la vedette avec la même verve et spontanéité pour mettre en pratique une exubérance railleuse ou, au contraire, une tranquillité flegme par leur comportement fallacieux. Quand bien même on se prend d'une certaine sympathie pour Jennifer Jason Leigh dans sa condition de souffre-douleur pétrie d'arrogance. Son chasseur de prime castrateur n'hésitant pas à la molester à chacune de ses audacieuses remontrances. Jouant lestement sur les faux-semblants, chacun des seconds-rôles s'en donnent donc à coeur joie dans les provocations mensongères afin d'essayer de duper nos chasseurs de prime. Ces derniers ne cessant de daigner démasquer le ou les imposteurs avant que le blizzard météorologique n'accorde une trêve pour leur permettre de quitter l'hôtel. Outre le caractère bien trempé de tous ces personnages redoutablement mesquins, la grande force du film réside également dans l'art de conter consciencieusement une histoire jonchée d'imprévus où la violence des règlements de compte en ébranlera plus d'un lors de sa seconde partie. Autour de leurs agissements faussement affables et plaisantins, Quentin Tarantino s'efforce de nous accoutumer à leur cohabitation avant que l'accalmie ne laisse parler les flingues dans un déchaînement de violence en roue libre.  


Les Charognards 
Passionnant, hypnotique, jouissif, décalé pour la caricature allouée à une poignée de fabulateurs, Les 8 Salopards transfigure leur sanglant destin parmi l'ironie sardonique d'une verve insolente et la 
violence âpre d'un second acte embrayant sur des moments de tension vertigineuse avec parfois une empathie éprouvante (l'incroyable cruauté tolérée lors d'un flash-back crapuleux). Un western grandiose et réfrigérant, terriblement immersif pour le cadre de son huis-clos (faussement) accueillant, où l'indignité de la fourberie humaine emporte tout sur son passage. 

B.M.

samedi 26 décembre 2015

CES GARCONS QUI VENAIENT DU BRESIL

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

"The Boys from Brazil" de Franklin J. Schaffner. 1978. U.S.A. 2h02. Avec Gregory Peck, Laurence Olivier, James Mason, Lilli Palmer, Uta Hagen, Steve Guttenberg, Denholm Elliott, Rosemary Harris, John Dehner.

Sortie salles France: 30 mai 1979 (Interdit aux - de 18 ans). U.S: 5 Octobre 1978

FILMOGRAPHIE: Franklin J. Schaffner est un réalisateur et producteur américain, né le 30 Mai 1920 à Tôkyô, décédé le 2 juilllet 1989 à Santa Monica.
1963: Les Loups et l'agneau. 1964: Que le meilleur l'emporte. 1965: Le Seigneur de la guerre. 1967: La Griffe. 1968: La Planète des Singes. 1970: Patton. 1971: Nicolas et Alexandra. 1973: Papillon. 1976: L'île des adieux. 1978: Ces Garçons qui venaient du Brésil. 1981: Sphinx. 1982: Yes, Giorgio. 1987: Coeur de Lion. 1989: Welcome Home.


Film choc s'il en est, de par son sujet scabreux abordant le spectre du nazisme de manière toute à fait singulière, et pour son point d'orgue d'une extrême violence imposée durant sa dernière demi-heure, Ces garçons qui venaient du brésil insuffle un climat malsain toujours plus poisseux au fil d'une dérive criminelle en roue libre. Grâce aux allégations d'un juif ayant réussi à espionner le complot d'une confrérie SS, Ezra Lieberman, chasseur de nazi, décide de mener sa propre enquête afin d'élucider le projet mystérieux du criminel nazi Joseph Mengel. Ce dernier ayant ordonné à ses sbires d'assassiner 94 fonctionnaires sexagénaires répertoriés aux quatre coins du monde. Au fil de son investigation et après avoir découvert que certains enfants des parents ciblés étaient physiquement jumeaux, il finit par se confronter à la plus horrible des vérités.


Thriller à la lisière du fantastique dont l'ossature ciselée de l'intrigue distille un suspense exponentiel, Ces Garçons qui venaient du Brésil oscille curiosité et fascination sous l'impulsion pétulante d'un fascisme du 4è reich prémédité par un médecin mégalo. Dominé par la prestance inflexible du vétéran Gregory Peck, ce dernier se taille une carrure longiligne dans sa fonction insidieuse de régir le monde à partir du clonage d'humains. Les yeux injectés de haine et de folie contagieuse pour enseigner aux enfants la supériorité de la "race aryenne", l'acteur parvient à iconiser son personnage despotique avec une intensité terrifiante. Son costume vestimentaire d'un blanc maculé contrastant avec la pâleur de son visage émacié transi de fiel. Dans celui du chasseur de nazi, Laurence Olivier lui partage dignement la vedette avec un charisme flegmatique dans sa posture studieuse d'investiguer et traquer sa proie avant d'extérioriser une violence justiciable en guise de survie. Par le biais de la génétique et avec parfois souci documentaire (l'expérimentation pratiquée sur les lapins), l'intrigue aborde le thème du racisme avec une originalité dérangeante. Notamment lorsqu'il s'agit d'exploiter à des fins criminelles l'innocence de bambins condamnés à perdurer le mal au nom d'une idéologie de prépondérance. Passionnant pour l'élaboration scrupuleuse de l'enquête examinée aux 4 coins du monde et terriblement inquiétant si un tel projet politique devait à l'avenir éclore, Ces garçons qui venaient du brésil provoque une fascination licencieuse (aura de souffre à l'appui !), notamment pour l'influence des exactions criminelles exercées sur le voyeurisme morbide d'un rejeton hybride.


Dénonçant avec beaucoup d'originalité et d'audace la suprématie du nazisme au travers d'un scénario catastrophe, Ces garçons qui venaient du brésil dilue effroi et fascination sous l'impulsion d'une nouvelle allégeance destinée à prendre la relève du 3è reich. Dans une mise en scène solide et grâce à l'appui autoritaire des comédiens notoires (la confrontation Gregory Peck/Laurence Olivier fait des étincelles !), Franklin J. Schaffner en extrait un thriller cauchemardesque aussi efficace que redoutablement intense pour sa déraison cruelle du dernier acte. 

B.M.
3èx



jeudi 24 décembre 2015

Princess Bride. Antenne d'Or, Avoriaz 88.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

"The Princess Bride" de Rob Reiner. 1987. U.S.A. 1h38. Avec Cary Elwes, Robin Wright, Mandy Patinkin, Chris Sarandon, Christopher Guest, Wallace Shawn, André The Giant, Fred Savage, Peter Falk

Sortie salles France : 9 mars 1988 (562 246 entrées). U.S: 25 Septembre 1987

FILMOGRAPHIE: Rob Reiner est un acteur, producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 6 Mars 1947 dans le Bronx de New-York. 1984: Spinal Tap. 1985: Garçon chic pour nana choc. 1986: Stand By Me. 1987: Princess Bride. 1989: Quand Harry rencontre Sally. 1990: Misery. 1992: Des Hommes d'honneur. 1994: L'Irrésistible North. 1995: Le Président et Miss Wade. 1996: Les Fantômes du passé. 1999: Une Vie à Deux. 2003: Alex et Emma. 2005: La Rumeur Court. 2007: Sans plus attendre. 2010: Flipped.


Auréolé de l'Antenne d'Or à Avoriaz, Princess Bride peut prêter à confusion chez les fans du genre Fantastique sachant que l'intrigue accorde peu de place à l'heroic fantasy et au bestiaire monstrueux si on excepte l'apparition d'un rat géant dans le marais de feu. Conte de fée, aventures et cape et d'épée étant les maîtres mots du réalisateur de l'inoubliable chronique adolescente, Stand by me. Avec sagacité dans la manière d'illustrer le genre sans fioritures et sous alibi d'un humour espiègle insatiable, Rob Reiner s'efforce de rendre hommage au cinéma de papa lorsque Zorro et Robin des Bois accomplissaient leurs exploits dans les salles obscures de cinéma de quartier. 

Le PitchUne jeune paysanne, Bouton d'Or, tombe irrésistiblement amoureuse de son valet. Décidés à se marier mais sans le sou, Westley propose à sa dulcinée de la quitter le temps de faire fortune à l'étranger. Mais 5 ans plus tard, Bouton d'Or y apprend sa mort. C'est alors que le prince Humperdinck décide à son tour de la courtiser pour les préparatifs de futures noces. Au même moment, Bouton d'Or est kidnappée par un trio de brigands quand bien même un mystérieux justicier masqué tente de la sauver. 


Reprenant les thèmes académiques du conte de fée et du cinéma d'aventures où romance et vengeance se télescopent parmi le dynamisme de mercenaires avides de justice, Princess Bride rend hommage aux genres avec une bonne humeur aussi exaltante que frétillante. De par l'élan de solidarité formé entre un trio de brigands, une princesse et un justicier délibérés à démasquer la lâcheté d'un souverain mégalo (Chris Sarandon, toujours aussi délicieux d'arrogance cabotine !). Ainsi, grâce à la caractérisation de ces personnages très attachants et à la verve de leurs réparties badines, Princess Bride cultive aisément la séduction sous l'emprise sensuelle de la radieuse Robin Wright. Chacun des comédiens endossant leur rôle avec une spontanéité aussi fraîche que sémillante quand bien même Rob Reiner s'efforce de crédibiliser l'univers moyenâgeux sans jamais faire preuve d'esbroufe (les effets spéciaux s'avérant très discrets). Pourtant, la succession ininterrompue de péripéties pittoresques et chevaleresques instaurent à la narration une vigueur particulièrement subtile sous l'impulsion avisée de personnages émotifs combinant des stratégies d'attaques audacieuses. Contrebalancés de trêves de tendresse imparties au couple d'amants en quête de rédemption, Princess Bride instaure également une poésie romantique sous éclairage naturel d'une photo limpide contrastant avec la verdure de magnifiques collines.


Il était une fois...
Sous les ressorts d'espièglerie comportementale et d'action archaïque perpétrée à l'épée, Princess Bride déborde de sincérité, de réalisme, de réinvention des codes et d'affection à dépoussiérer le cinéma d'aventures sous une forme éthérée d'atmosphère prude. La grande force de l'oeuvre résidant principalement dans la posture affectueuse des protagonistes à provoquer l'ennemi avec une dérision irrésistible, quand bien même un grand-père (Peter Falk, charismatique en diable en conteur taquin) s'efforce de nous narrer cette histoire face à la curiosité d'un bambin en éveil romantique. Un rêve éveillé que les disgrâces du temps ne parviennent pas à consummer.

P.S: copie 4 K fastueuse.

*Bruno
15.11.23. 4èx. Vf

Récompenses:
Festival international du film de Toronto 1987 : Prix du public
Saturn Awards 1988 : meilleur film fantastique et meilleurs costumes (Phyllis Dalton)
Prix Hugo 1988 : meilleur film
Young Artist Awards 1988 : meilleur jeune acteur (Fred Savage)
Festival d'Avoriaz 1988 : Antenne d'or
Le film fait partie de la Liste du BFI des 50 films à voir avant d'avoir 14 ans établie en 2005 par le British Film Institute.

mardi 22 décembre 2015

SICARIO

                                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Dennis Villeneuve. 2015. U.S.A. 2h01. Avec Emily Blunt, Benicio del Toro, Josh Brolin, Daniel Kaluuya, Victor Garber, Jeffrey Donovan, Jon Bernthal, Raoul Trujillo

Sortie salles France: 7 Octobre 2015. U.S: 18 Septembre 2015

FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières. 1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: Enemy. 2013: Prisoners. 2015: Cicario. 2016 : Story of Your Life.


Thriller choc traversé d'éclairs de violence rugueux mais jamais complaisants, Sicario s'édifie en odyssée funèbre sous le témoignage d'une agent du FBI convaincue de suivre ses nouveaux alliés au Mexique pour une mission clandestine d'appréhender un chef du cartel de la drogue. Parfois contrainte de riposter par la force sous les échanges de tirs ennemis, sa participation secondaire va plutôt l'amener à observer avec désarroi les méthodes irrévérencieuses de ses compatriotes, quand bien même le conseiller Alejandro décide d'en faire une affaire personnelle depuis la tourmente de son passé galvaudé. Ce pitch mainte fois traité à l'écran, Denis Villeneuve parvient à le transcender par le biais d'une mise en scène rigoureuse au plus près d'une vérité documentée. Ce dernier s'efforçant de dépeindre avec intensité fortuite les filatures de la police contre les agissements délinquants de la pègre au sein d'une zone frontalière avilie par leur déchéance criminelle. Que ce soit ces derniers où celle des forces de l'ordre compromis par leur corruption, les deux clans se combattent de manière aussi insidieuse que burnée afin de remporter la mise. Condamnés à répéter le même schéma stratégique d'alpaguer un baron notoire avant qu'un nouveau leader ne vienne le relayer, les flics sont notamment contraints d'y débusquer des transfuges au sein de la police Mexicaine.


Epaulé de solides comédiens comme le prouve à nouveau l'excellent Josh Brolin, Sicario est dominé par la performance viscérale de deux interprètes hors-pairs pour mettre en exergue leur confrontation psychologique ardue. Emily Blunt endossant avec fragilité celle d'une agent sévèrement malmenée par ses supérieurs avant de violemment s'interposer à son conseilleur qu'incarne le monstre sacré, Benicio Del Toro. Véritable justicier redresseur de tort pleinement conscient d'enfreindre les règles, ce dernier insuffle un charisme animal par son regard impassible et son comportement flegme à provoquer, humilier, extorquer et torturer l'ennemi sans faire preuve d'indulgence. Autour de leurs actions peu recommandables à parfaire une mission obscure et fallacieuse, Dennis Villeneuse hypnotise nos sens afin de cristalliser un climat méphitique sous-jacent au coeur d'un environnement poisseux. La grande réussite du film résidant également dans la maîtrise consciencieuse de la réalisation à diluer une atmosphère solaire des plus malsaines alors que les citadins démunis tentent tant bien que mal d'y survivre.  


Modèle de mise en scène renouvelant les codes du thriller d'espionnage autour du thème du commerce de la drogue, Sicario constitue une lente descente aux enfers afin de mesurer l'étendue chaotique d'une région frontalière convertie en zone de non droit. Hormis sa structure narrative complexe et la manière latente de retarder l'action des ripostes, Dennis Villeuneuve privilégie surtout la caractérisation pernicieuse des rapports de force entre policiers et criminels sous le témoignage impuissant d'une agent intègre. Réflexion sur l'engrenage du vice et de la déchéance punitive, il en émane un constat amère terriblement pessimiste car sans échappatoire sur la situation précaire du Mexique partagée entre climat d'insécurité et intimidation à la barbarie. Du grand cinéma d'auteur. 

Bruno Matéï 

lundi 21 décembre 2015

L'AVENTURE INTERIEURE

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmaffinity.com

"Innerspace" de Joe Dante. 1987. U.S.A. 1h59. Avec Dennis Quaid, Martin Short, Meg Ryan, Kevin McCarthy, Fiona Lewis, Vernon Wells, Robert Picardo, Wendy Schaal.

Sortie salles France: 16 décembre 1987. U.S: 1er juillet 1987

FILMOGRAPHIE: Joe Dante (né le 28 novembre 1946 à Middletown, New Jersey) est un critique, scénariste, monteur, producteur et réalisateur américain. Son plus grand succès populaire est, à ce jour, Gremlins (1984). 1966-1975 : The Movie Orgy 1976 : Hollywood Boulevard, co-réalisé avec Allan Arkush 1978: Piranhas,1981 : Hurlements (The Howling) 1983 : La Quatrième Dimension (Twiling Zone the Movie), troisième épisode, Its a Good Life 1984 : Gremlins 1985 : Explorers 1987 : Cheeseburger film sandwich (Amazon Women on the Moon), 5 sketches 1987 : L'Aventure intérieure, 1989 : Les Banlieusards (The 'burbs) 1990 : Gremlins 2, la nouvelle génération (Gremlins 2 The New Batch) 1993 : Panic sur Florida Beach (Matinee) 1998 : Small Soldiers 2003 : Les Looney Tunes passent à l'action (Looney Tunes : Back in Action) 2006 : Trapped Ashes , premier segment,Wraparound. 2009: The Hole. 2014: Burying the Ex.


Succès commercial international, l'Aventure Intérieure est la nouvelle réunion du duo payant Joe Dante/ Steven Spielberg depuis l'énorme carton de Gremlins. Inspiré d'un grand classique de la science-fiction (le Voyage Fantastique de Fleischer), Joe Dante en dépoussière son concept (la miniaturisation de scientifiques plongés en interne d'un corps humain) par le biais d'effets spéciaux innovants (Oscar des meilleurs effets spéciaux et visuels) et surtout de l'omniprésence d'une cocasserie parfois hilarante. Clairement estampillé divertissement familial, l'Aventure Intérieure fleure bon l'esprit Amblin Entertainment dans son esprit généreux et sincère de nous confectionner un spectacle fantastique mené tambour battant. Un employé de supermarché névrosé se retrouve mêlé à une improbable affaire d'espionnage. Dans une folle course contre la montre, Il doit tenter de retrouver une puce afin que le lieutenant Tuck Pendleton, projeté incidemment à l'intérieur de son corps à bord d'un submersible, puisse retrouver sa taille initiale. C'est le début d'une course-poursuite contre l'ennemi que Jack Putter va entamer avec l'aide de Lydia, la compagne de Tuck. 


Ce pitch aussi prometteur qu'amusant, Joe Dante l'exploite avec son savoir-faire traditionnel pour combiner efficacement péripéties, gags et quiproquos sous l'appui d'une bonne humeur galvanisante. Outre l'efficacité d'une narration jamais à court d'idées dans son action échevelée (la course-poursuite sur la chaussée, l'intrusion d'un émissaire à l'intérieur du corps de Jack), ces retournements de situations, incidents de parcours et entrée en scène d'un antagoniste pétulant (le cowboy fétichiste de santiags), l'Aventure Intérieure est scandé par la fougue amicale des comédiens donnant libre court à leur ressort héroïque. Particulièrement Martin Short, jeune acteur peu connu du public français mais popularisé outre-atlantique avec la célèbre émission Saturday night live. Endossant le rôle timoré d'un salarié complexé et dépressif, l'acteur possède un charisme impayable dans son physique candide à exprimer des émotions tantôt erratiques (sa première approche schizo avec sa voix intérieure, sa métamorphose physique pour se substituer au cowboy), tantôt fringantes (ses crises chevaleresques) pour se défaire de situations rocambolesques. Sa course contre la montre l'entraînant finalement vers une initiation héroïque sous l'autorité de son mentor, Tuck Pendleton. Dans une posture secondaire, Dennis Quaid lui partage la vedette de manière émérite et sagace à inciter son partenaire à décrocher la victoire. Leur rapport de force et d'amitié faisant tout le sel de cette aventure exaltante conçue sur la volonté de vaincre ses angoisses intrinsèques. Avec toujours cette même fraîcheur innocente et par le biais de son physique poupon, Meg Ryan vient s'interposer dans leur mission avec naïveté et brin d'héroïsme gentiment maladroit.  


Grâce à l'intelligence d'un scénario ne cédant jamais à l'esbroufe pour combler le public, Joe Dante préconise la drôlerie des situations débridées (avec un côté cartoonesque en quelques occasions de pantomime) et la bonhomie sémillante de ces comédiens pour enthousiasmer le spectateur embarqué dans une aventure imprévisible. Un excellent divertissement n'ayant rien perdu de sa fraîcheur et de sa douce insolence au travers d'un humour décapant ! 

Bruno Matéï
3èx 

Récompense: Oscar des meilleurs effets spéciaux et visuels (Dennis Muren, Bill George, Harley Jessup et Kenneth Smith) en 1988.


TOP 15, 2015. Les quinze meilleurs films de l'année 2015.

1/ MAD-MAX FURY ROAD
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/05/mad-max-fury-road.html


2/ VICTORIA
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/12/victoria-grand-prix-beaune-2015.html


3/ THE WALK
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/12/the-walk.html


4/ IT FOLLOWS
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/05/it-follows-grand-prix-prix-de-la.html


Dans le désordre: 
What we do in the shadow
http://brunomatei.blogspot.fr/…/…/what-we-do-in-shadows.html


The Voices
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/03/the-voices-prix-du-public-prix-du-jury.html


The Green Inferno
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/10/the-green-inferno.html


Le Fils de Saul


No Escape
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/11/no-escape.html


Sicario
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/12/sicario.html


Everest
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/10/everest.html


Foxcatcher
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/02/foxcatcher-prix-de-la-mise-en-scene.html


Suburra
http://brunomatei.blogspot.fr/2016/02/suburra.html


Hyena
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/09/hyena-prix-du-jury-au-festival-de.html


A la poursuite de demain
http://brunomatei.blogspot.fr/2015/10/a-la-poursuite-de-demain.html




vendredi 18 décembre 2015

THE WALK

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site

de Robert Zemeckis. 2015. U.S.A. 2h03. Avec Joseph Gordon-Levitt, Ben Kingsley, Ben Schwartz,
Charlotte Le Bon, James Badge Dale, Steve Valentine, Sergio Di Zio, Mark Camacho

Sortie salles France: 28 octobre 2015. U.S: 2 octobre 2015

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois).
1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight. 2015: The Walk.


Expérience cinématographique unique dans son histoire, sommet d'émotion et d'intensité vertigineuse, The Walk tient du rêve éveillé pour réinventer le sens du merveilleux et de la féerie à partir d'une histoire vraie aussi fantaisiste qu'irresponsable ! (du moins dans l'apparence des faits !). Celle d'un projet fou que le Funambule français Philippe Petit concrétisa un 7 Août 1974 pour avoir entrepris illégalement une traversée sur câble entre les deux tours du World Trade Center à 400 mètres de hauteur. Cet exploit aussi insensé qu'improbable est ici retranscrit avec un réalisme rigoureux à couper le souffle, voir parfois même insoutenable pour ceux, qui comme moi, éprouvent le vertige à la vue d'un festival de bravoures toujours plus dangereuses et draconiennes. Hymne au courage, au dépassement de soi (par la maîtrise du corps et de l'esprit) et à l'accomplissement de ces rêves les plus fous, The Walk insuffle une dimension poétique gracile lorsque notre héros multiplie ses exploits lors du point d'orgue au suspense en roue libre (comptez 45 minutes d'intensité exponentielle !). Le spectateur cramponné à son siège, les yeux rivés sur l'écran comme un gosse de 5 ans, assistant à un numéro artistique en apesanteur !


Cette volonté d'accomplir une prouesse physique savamment avisée est d'autant mieux transcendée à l'écran sous l'impulsion imperturbable de l'acteur Joseph Gordon-Levitt. Ce dernier se fondant dans la peau d'un équilibriste transi de passion, constance et rigueur à daigner parachever son rêve le plus impossible ! Cette sensation d'isolement perçue du haut des grattes ciel, ce sentiment prude et exaltant de se retrouver au dessus du monde pendant que le public ébahi tente de retenir son souffle sont comparables au prodige de Superman lorsque Christopher Reeves s'était incarné en super-héros pour voler dans les airs sous nos yeux d'enfant. Dans The Walk, nous retrouvons ce même lyrisme d'émerveillement, réalisme en sus par l'entremise du fait-divers, cette même émotion prude, cette fougue scrupuleuse lorsque Philippe Petit déambule délicatement sur son câble en répétant le même exploit par des récurrents allers-retours. Mais bien avant l'accomplissement de cette expérience extrême, Robert Zemeckis aura pris soin de nous dépeindre avec cocasserie (ses premiers essais infructueux à cheminer sur une corde) et tendresse (sa relation sentimentale avec Annie puis celle, conseillère avec "Papa Rudy") les répétitions et préparatifs de son projet démesuré parmi la complicité de comparses. Palpitant à plus d'un titre lorsque Philippe et l'un de ces compagnons tentent dans un premier temps d'accéder illégalement dans le dernier étage des tours jumelles, The Walk nous avait déjà ménagé le terrain de la prévenance palpitante lorsque ces derniers multiplies les risques et subterfuges à contrecarrer la vigilance des gardiens.


Croire en l'impossible
Spectacle atypique d'un prodige titanesque nous inculquant (de manière exubérante et couillue) une leçon de vie où le merveilleux et la féerie se juxtaposent pour parfaire une chorégraphie picturale, The Walk se permet en outre de porter un humble témoignage aux tours jumelles du 11 septembre avec une candeur poétique bouleversante. Par le biais de cette aventure humaine s'édifie une expérience vertigineuse, une prouesse technique dépassant l'entendement (nos sens et repères perdant pied avec la réalité rigoureusement exposée), une date dans l'histoire du 7è art que Robert Zemeckis a su transfigurer avec un brio alchimiste ! 

Bruno matéï

BIOGRAPHIE: (source Wikipedia)
Philippe Petit, né le 13 août 1949 à Nemours (Seine-et-Marne), France, est un funambule français. Il a réalisé de nombreuses traversées sur un fil tendu entre des monuments ou des sites mondialement connus comme, en 1971, à Notre-Dame de Paris, en 1973, au Harbour Bridge, à Sydney, en Australie, un des plus grands ponts en acier du monde, en 1989, du Trocadéro au deuxième étage de la tour Eiffel, en 1994, à Francfort, devant 500 000 spectateurs, en 1993 entre la tour de Saillon et la vigne à Farinet.
Sa traversée la plus célèbre reste celle, illégale, qu'il a réalisée entre le sommet des deux tours du World Trade Center à New York le 7 août 1974. Les films Le Funambule, Oscar 2009 du meilleur film documentaire et The Walk : Rêver plus haut retracent cette traversée.

jeudi 17 décembre 2015

CRIMSON PEAK

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinehorizons.net

de Guillermo Del Toro. 2015. U.S.A. 1h59. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston, Charlie Hunnam, Jim Beaver, Leslie Hope, Bruce Gray, Burn Gorman, Jonathan Hyde.

Sortie salles France: 14 octobre 2015. États-Unis: 16 octobre 2015.

FILMOGRAPHIE: Guillermo Del Toro est un réalisateur, scénariste, romancier et producteur américain, né le 9 Octobre 1964 à Guadalajara (Jalisco, Mexique).
1993: Cronos. 1997: Mimic. 2001: l'Echine du Diable. 2002: Blade 2. 2004: Hellboy. 2006: Le Labyrinthe de Pan. 2008: Hellboy 2. 2013: Pacific Rim. 2015: Crimson Peak.


Après l'Echine du Diable et Le Labyrinthe de Pan, Guillermo Del Toro renoue avec la ghost story dans Crimson Peak. Un conte gothique aux multiples influences (pour ne citer que les artisans notoires Roger Corman et Mario Bava) où son esthétisme fulgurant nous permet de nous immerger avec vigueur et passion au sein d'un suspense criminel remarquablement charpenté. Car si l'intrigue parfois prévisible pâtit d'un manque d'originalité dans la facilité de certains clichés et des thèmes illustrés, Guillermo Del Toro possède un indéniable savoir-faire à distiller le suspense autour d'une implacable machination familiale. 1887, Buffalo, état de New-York. Edith Cushing, jeune romancière novice, tombe sous le charme de Sir Thomas Sharpe au moment où ce dernier débarque à l'improviste chez son père afin de lui suggérer un prêt. Suspicieux à l'égard de cet inconnu, Carter Cushing finit par apprendre que cet individu s'avère un imposteur parmi la complicité de sa soeur. Quelques jours plus tard, alors que ce couple est évincé pour rentrer en Angleterre, le père d'Edith est retrouvé mystérieusement assassiné le crane fracassé. Sa fille décide alors en désespoir de cause de rejoindre Thomas Sharpe et sa soeur dans le manoir d'Allerdale Hall. Ayant la faculté de communiquer avec les morts depuis son enfance, elle est témoin d'apparitions spectrales dans cette nouvelle demeure... 


Baroque, flamboyant, envoûtant, poétique, voir féerique, Crimson Peak est un bonheur visuel de chaque instant pour sa scénographie impartie à un manoir sclérosé au lourd passé. Le contraste conféré à sa photographie rutilante permettant de transfigurer une architecture gothique d'un raffinement pictural ! Osant aborder le thème scabreux de l'inceste avec une certaine pudeur, Guillermo Del Toro réinvente l'épouvante séculaire et la romance lyrique sous l'égide de fantômes torturés. D'une beauté macabre inédite, ces derniers provoquant une fascination morbide dans leur morphologie écarlate peut-être inspirée du Masque de la mort rouge de Corman. Provoquant également l'inquiétude et l'angoisse dès leurs premières apparitions lorsqu'ils tentent d'entrer en contact avec notre héroïne esseulée, ces derniers s'avèrent finalement sous-exploités au profit de la relation amoureuse du trio équivoque. Del Toro préférant se focaliser sur les motivations confidentielles de nos antagonistes à daigner remettre sur pied un manoir décrépit, au moment même où l'inquiétude progressive de notre héroïne est sur le point d'achever une horrible révélation depuis sa quête investigatrice. A travers cette énigme tortueuse en contact avec l'au-delà, le cheminement narratif s'avère remarquablement ciselé pour l'efficacité de la réalisation, quand bien même des indices éloquents nous seront dévoilés au compte-goutte. Outre l'enjeu vigoureux de connaître les tenants et aboutissants de cette diabolique machination, Crimson Peak est notamment rehaussé du talent distingué des comédiens formant communément un triangle amoureux des plus insidieux. D'une cruauté psychologique davantage abrupte (l'héroïne ne cesse d'être molestée et humiliée par Lucille) et parfois d'une extrême violence dans la rigueur des meurtres (celui intenté sur Carter Cushing s'avère d'une rare sauvagerie !), Crimson Peak nous entraîne sans répit dans un cauchemar macabre où la tension ne cessera de progresser au fil de l'évolution dramatique de notre trio en perdition.


Le château des amants maudits
D'une splendeur gothique capiteuse bâtie autour d'un poème romantique véreux, Crimson Peak se savoure et se contemple comme un superbe livret d'images où le vertige de l'amour et de la mort sont étroitement liés à la cupidité, le pouvoir, la jalousie et la possessivité. En dépit de la timidité de son impact terrifiant, le spectacle flamboyant est scandé par la simplicité d'une histoire forte sous le tempérament ombrageux d'aristocrates superbement dessinés. 

Bruno Matéï