lundi 25 mai 2015

LES NOUVEAUX SAUVAGES. Prix du Public, Saint-Sébastien, 2014

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cines.com.py

Relatos salvajes de Damian Szifron. 2014. Argentine/Espagne. 2h02. Avec Ricardo Darin, Leonardo Sbaraglia, Dario Grandinetti, Erica Rivas.

Sortie salles France: 14 Janvier 2015. Argentine: 21 Août 2014

FILMOGRAPHIE: Damián Szifron est un réalisateur et scénariste argentin, né le 9 Juillet 1975 à Ramos Mejia. 2003: El Fondo del Mar. 2005: Tiempo de valientes. 2014: Les Nouveaux Sauvages.


Dans la lignée des Monstres de Dino Risi, Les Nouveaux Sauvages emprunte la démarche du film à sketchs pour mettre en appui la destinée vindicative de personnages bafoués par l'injustice au sein d'une civilisation aussi sournoise qu'individualiste. La première histoire, la plus courte, nous distille finalement un goût amer puisqu'elle fait directement écho à la terrible tragédie de l'Airbus de la Germanwings survenue le 24 mars dernier lorsqu'un pilote avait délibérément contraint de crasher son avion au péril de ses passagers. Corrosif et pittoresque lorsqu'il s'agit d'illustrer la stupéfaction de voyageurs apprenant qu'ils connaissent communément l'identité d'un certain Gabriel Pasternak, le dénouement s'avère particulièrement grinçant pour illustrer l'exaction d'un pilote d'avion incessamment discrédité par son entourage. Le second sketch, le plus faible, tourne autour d'une éventuelle vendetta de "mort au rat" qu'une serveuse de restaurant hésite à mettre en pratique contre un entrepreneur immobilier, principal fautif de la mort de son mari. Une histoire assez prenante dans le compromis du stratagème que se disputent les deux serveuses, rehaussée d'une bonne idée à mi-parcours pour rehausser la gravité de leur propos mais desservie d'un dénouement tout de même frustrant.


Le troisième segment, haletant et complètement débridé, relate l'affrontement physique de deux automobilistes après s'être insultés sur la route parce que l'un d'eux roulait trop lentement. Drôle, mesquin et méchamment cruel pour dépeindre l'absurdité de leur lutte des classes, les règlements de compte se succèdent à une cadence échevelée quant à savoir qui emportera la victoire, jusqu'à ce qu'une conclusion ne vienne les réconcilier par le biais du clin d'oeil macabre. La quatrième anthologie relate le pétage de plomb d'un ingénieur en explosif contre l'intransigeance d'une entreprise de fourrière. L'intrigue faisant honneur aux réparties verbales de ce dernier essayant vainement d'élucider l'injustice de son procès contre une bureaucratie innégociable. Le cinquième récit, incisif et sardonique dans sa chute macabre, brosse le portrait d'une bourgeoisie déloyale lorsqu'une famille est contrainte de négocier le sort de leur fils chauffard (il vient de percuter une femme enceinte après avoir pris la fuite) avec un avocat, un jardinier et un enquêteur. Un récit savoureux dans la galerie véreuse impartie à ces personnages mesquins auquel l'amitié n'a ici aucune signification pour leur soif du profit. Enfin, la dernière histoire achève de manière magistrale cette fable sur la dictature des sociétés modernes, l'incivisme, la jalousie, l'orgueil, la cupidité et la fourberie avec la nuit de noce de jeunes mariés épris d'entrain et de bonheur dans leur situation amoureuse mais rapidement rattrapés par la révélation d'une adultère que la jeune épouse va apprendre en direct de sa procession ! Jouissif, jubilatoire, insolent et plein de gravité, ce bijou d'humour acide dévoile l'envers de l'amour et de la fidélité par le biais d'un rupin subitement gagné par le remord. Bourré de répliques cinglantes dans l'expression rancunière de l'épouse, d'incidents violents et d'une rencontre inopinée au clair de lune, ce jeu de massacre réussit même à distiller une poignante empathie lors de sa dernière partie aigre-douce.


Si la plupart des sketchs s'avèrent remarquablement contés parmi l'acerbité d'intrigues à rebondissements et parmi l'impulsion tempétueuse de ces personnages, le dernier segment confiné dans une salle de noce vaut à lui seul le détour dans son brassage d'émotions contradictoires afin de décrier l'irresponsabilité de l'acte du dévouement. 

Bruno Matéï

Récompenses:
Festival international du film de Saint-Sébastien 2014 : Prix du public du meilleur film européen
National Board of Review Awards 2014 : meilleur film en langue étrangère

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire