jeudi 30 mars 2017

LIENS D'AMOUR ET DE SANG

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site focus-cinema.com

"Beatrice Cenci" de Lucio Fulci. 1969. 1h33. Avec Tomás Milián, Adrienne Larussa, Georges Wilson, Mavie Bardanzellu, Antonio Casagrande, Ignazio Spalla.

Inédit en salles en France. Sortie Italie: 14 Novembre 1969

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


Film maudit au sein de la carrière de Fulci, de par sa faible reconnaissance à l'époque de sa sortie confidentielle, à l'instar de son invisibilité dans nos salles hexagonales et de sa maigre exploitation Vhs, Liens d'amour et de sang pu enfin renaître de ses cendres sous la bannière du regretté Neo Publishing. Abordant le drame historique d'après un sordide fait-divers commandité par la noble italienne, Beatrice Cenci, Liens d'amour et de sang surprend par sa maîtrise technique si bien que Fulci, terriblement inspiré par cette sordide dynastie familiale, nous livre sans effet de manche une ambitieuse reconstitution. Et ce en dépit d'une première partie au rythme assez poussif. Soumise à l'autorité tyrannique de son père Francesco, souverain à la tête d'une fortune parmi ses immenses propriétés, Beatrice Cenci tente une conjuration meurtrière contre ce dernier avec la complicité de sa mère, de son amant et d'un malfrat. Passé le meurtre dune rare cruauté, ils tentent communément de le faire passer pour un tragique accident. Mais la trahison d'un des leurs vont les mener un à un à leur condamnation face à un juré sanguinaire. Drame crapuleux d'un romantisme désespéré, Liens d'amour et de sang surprend par son climat terriblement austère au sein de l'inquisition du 16è siècle. Car outre ses séances de tortures d'une violence crue que Fulci filme avec son inimitable talent, l'environnement étouffant auquel évoluent nos personnages nous saisit à la gorge avec une fascination aussi trouble que malsaine.


Au fil d'une intrigue machiavélique mettant en parallèle les exactions perverses d'un seigneur impassible avec le complot vindicatif des membres de sa propre famille, Fulci nous instaure avec force et intensité dramatique la déliquescence morale d'une famille maudite. Le cinéaste prenant soin de nous illustrer graphiquement la tentative puis le châtiment punitifs du noble sanguinaire (sacrifié en plein sommeil !) sous le témoignage de ses odieux complices partagés entre effroi et remord (l'épouse de la victime), appréhension et indécision (Olimpo et son adjoint) et indifférence (Béatrice). En prime, par le biais d'une romance entamée entre Olimpo et Béatrice, Fulci persévère à dénoncer l'étrange hypocrisie de son héroïne meurtrie réfutant les accusations de complicité face au témoignage démuni de son amant livré aux supplices des tortures. L'intensité de cette séquence dramatique émanant ensuite de l'attitude étonnamment loyale d'Olimpo à revenir sur ses aveux de complicité pour protéger sa maîtresse. Quand bien même, un peu plus tard, Beatrice tentera de préserver à son tour la culpabilité des membres de sa famille en guise éventuelle de repentance ! Parmi ces études de caractère inscrites dans la lâcheté, la corruption et la rancune meurtrière émane un sentiment mélancolique d'amertume face à la condition torturée d'une héroïne autrefois molestée par son paternel. Victime d'embrigadement mais aussi d'inceste lors d'un flash-back implicite préconisé en dernier acte, Beatrice se découvre sous nos yeux avec une lourde empathie du fait de son impuissance à rejeter les avances d'un père abusif n'éprouvant en prime aucune compassion filiale (la mort par maladie de ses 2 fils l'indiffère sans pitié). Quand bien même la populace subitement tolérante lors du procès tentera en dernier ressort de la déculpabiliser du parricide depuis la sinistre réputation du bourreau.


Une procession funèbre partagée entre l'élégie et la poisse. 
Baignant dans un trouble climat de perversité et de cruauté humaines et émaillé de séquences dramatiques d'une intensité étonnamment poignante, Liens d'amour et de sang confine au malaise sous-jacent sous l'autorité déloyale de protagonistes équivoques communément complices de leur culpabilité morale. Malsain, mélancolique, émouvant et toujours plus irrespirable, Fulci combine ses facteurs contradictoires avec un brio à la fois inspiré (pour ne pas dire passionné !) et baroque. Sans oublier de mettre en exergue la densité psychologique d'une distribution infaillible (Tomás Milián entre autre, mais surtout la sublime Adrienne Larussa et Georges Wilson habités par leur fonction impure !) auquel nous ne sortirons pas indemne de leurs actes aussi couards. A redécouvrir avec vif intérêt en dépit d'une première partie laborieuse. 

Bruno Dussart.
3èx

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