vendredi 5 mai 2017

LE CROCODILE DE LA MORT. Licorne d'Or, Rex de Paris, 1978.


"Death Trap / Eaten Alive" de Tobe Hooper. 1977. U.S.A. 1h31.Avec Neville Brand, Mel Ferrer, Carolyn Jones, Marilyn Burns, William Finley, Stuart Whitman, Robert Englund, Janus Blythe.

Sortie en salles en France le 24 Mai 1978. U.S.A: Mai 1977.

FILMOGRAPHIE: Tobe Hooper est un réalisateur américain né le 25 Janvier 1943 à Austin (Texas)
1969: Eggshells, 1974: Massacre à la Tronçonneuse, 1977: Le Crocodile de la Mort, 1979: The Dark (non crédité), 1981: Massacre dans le Train Fantome, 1982: Poltergeist, 1985: Lifeforce, 1986: l'Invasion vient de Mars, Massacre à la Tronçonneuse 2, 1990: Spontaneous Combustion, 1993: Night Terrors, 1995: The Manglers, 2000: Crocodile, 2004: Toolbox Murders, 2005: Mortuary, 2011: Roadmaster.

                                     

"J'm'appelle Buck et j'veux baiser !".
Trois ans après l'onde de choc Massacre à la TronçonneuseTobe Hooper renoue avec l'horreur poisseuse pour transcender à nouveau un cauchemar sur pellicule instauré dans un motel marécageux. Mais suite à un différent avec la production, il quitte l'entreprise en plein milieu de tournage et laisse le soin au producteur Mardi Rustam de prendre la relève. Alloué d'un budget plus confortable et entièrement tourné en studio, cette commande conçue pour récupérer le succès de Massacre... et des Dents de la mer est inspirée des exactions d'un authentique sérial-killer ayant sévi dans les années 30, Joe Ball. Cet ancien soldat de la 1ère guerre mondiale que l'on surnommait parfois "l'homme alligator" fut propriétaire d'une auberge et d'un étang. Dans ce bassin était entretenu cinq crocodiles qu'il nourrissait de chiens et de chants vivants avant de sacrifier 20 femmes ! Outre son emprise visuelle aux cimes du surnaturel (éclairages criards à l'appui), le Crocodile de la mort préserve son pouvoir de fascination pour le tableau caustique imputé à l'Amérique rurale. Par le biais d'un scénario linéaire (un tenancier et son alligator sèment la mort auprès de touristes égarés), prétexte à une ébauche de meurtres plutôt sanglants, Tobe Hooper réussit à imposer sa patte de faiseur d'ambiance putride dans le décor hostile d'un motel de Louisiane. Dès le prologue, une ambiance irréelle émane du cadre forestier (les couleurs sont saturées de nuances orangers et de rouge criard ) lorsqu'une jeune catin entreprend d'un pas hésitant le refuge de cette auberge sortie tout droit d'un conte de fée vitriolé.


Son cadre hospitalier et le contexte criminel à venir rappelle d'ailleurs Psychose, Tobe Hooper s'évertuant en prime de se débarrasser de l'héroïne dès le premier quart-d'heure, quand bien même le spectateur commençait timidement à s'attacher à sa fragilité dans sa fonction de prostituée en herbe. Ce premier meurtre perpétré avec verdeur est sans doute l'effet choc le plus sauvage du film dans les coups de fourche répétés sur la victime moribonde. L'arrivée prochaine d'un couple névrosé, accompagné d'un chien et de leur fillette, fera notamment les frais du tueur azimuté et de son crocodile lors de scènes de panique d'une intensité dégénérée. En dépit de l'apparence parfois perfectible du croco en carton-pâte, Tobe Hooper parvient à le rendre menaçant parmi ses attaques insidieuses perpétrées sur les clients lorsqu'il s'extrait des eaux blafardes pour les dévorer ardemment. Pour preuve, une situation en péril décuple d'intensité lorsqu'une fillette prise de panique témoigne impuissante à l'attaque de son chien incidemment tombé dans l'étang. Un peu plus tard, c'est au tour du père et de la soeur de la première victime d'arpenter les lieux afin d'interroger le propriétaire de son inexplicable disparition. Au delà de son ambiance franchement étouffante, la fascination prégnante qui s'y dégage est exacerbée d'une galerie de machistes particulièrement cintrés alors que Neville Brand domine insidieusement sa clientèle avec une misogynie criminelle ! Criant de naturel dans sa trogne burinée, ses cheveux hirsutes et son regard d'aliéné marqué par les horreurs du Vietnam, il se délecte à iconiser un taulier sclérosé où son cynisme engendre des accès de démence incontrôlés. Autour de ces agissements psychotiques démesurés et afin d'amplifier son climat malsain littéralement pénétrant, Hooper exploite adroitement une bande-son dissonante alternant les sonorités aiguës avec des tubes de country retransmis dans un vieux transistor. Pour parachever, la dernière demi-heure toujours plus alerte et cauchemardesque renoue avec l'ambiance d'hystérie collective héritée de Massacre à la Tronçonneuse lors de courses poursuites escarpées que nos survivantes vont emprunter à travers bois, dans les chambres ou encore sous le plancher du motel  !


Baignant dans une ambiance mortifère aussi bien malsaine que suffocante où chaque marginaux, obsédés, névrosés ou dépressifs reflètent l'état d'esprit d'une Amérique profonde à la fois rustre et paumée, Le Crocodile de la Mort met en lumière (ocre) un conte d'horreur furibard, à mi chemin entre la fable sardonique et la métaphore sur le trauma Vietnamien. Avec dignité, brio et beaucoup d'insolence, Hooper sacralise un second classique de l'horreur sociale jalonnée de séquences chocs électrisantes sous l'impulsion d'hurlements stridents ! 

A Marilyn Burns, décédée le 5 Août 2014...

Bruno Matéï
05.05.17
17.08.11 (307)

RécompensesGrand Prix (Licorne d'Or) et Prix d'Interprétation masculine pour Neville Brand au festival du film fantastique du Rex à Paris en 1978

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