mardi 27 octobre 2020

Birth

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jonathan Glazer. 2004. U.S.A. 1h40. Avec Nicole Kidman, Cameron Bright, Danny Huston, Lauren Bacall, Anne Heche, 

Sortie salles France: 3 Novembre 2004

FILMOGRAPHIEJonathan Glazer est un réalisateur anglais de vidéos-clips, de publicités et de longs métrages, né en 1965. 2000 : Sexy Beast. 2004 : Birth. 2013 : Under the Skin. 


                         "L'amour ne se définit pas, ça se ressent, ça se vit. C'est une évidence."
Traitant de la métempsychose avec une rare subtilité et pudeur eu égard de l'impossible romance entre un garçonnet de 10 ans et une jeune trentenaire, Birth demeure un modèle de mise en scène épurée. Et ce même si les mauvaises langues ou autres rigoristes, feront probablement allusion au thème de la pédophilie tacite de par l'évolution immorale du couple en ascension amoureuse. Notamment auprès de 2 séquences burnées assez dérangeantes mais tout à fait justifiées et surtout traitées avec tact pour ne pas se complaire et s'écarter du sujet (j'évoque la scène du bain puis celle du baiser nocturne échangé au coin d'une rue). Il ne s'agit donc aucunement de pédophilie ici puisque l'héroïne n'éprouvera aucune attirance sexuelle pour l'enfant. Hypnotique, élégant et envoûtant de par le travail de la réalisation chiadée scrutant les regards des protagonistes avec une attention symétrique, Birth fait presque office d'expérience de cinéma à travers son intensité dramatique bouleversée. Le réalisateur Jonathan Glazer cultivant cette trouble romance sous l'impulsion d'un jeu d'acteurs au diapason. Tant auprès de la présence ténue de Nicole Kidman (peut-être LE rôle de sa carrière) en défunte épouse accablée par le deuil, le doute, l'espoir et l'illusion. Son incroyable jeu nuancé provoquant chez nous une empathie lestement éprouvée, tant et si bien que Jonathan Glazer parvient fréquemment à capter le non-dit à travers ses plans fixes serrés, et ce en s'attardant sur son regard infiniment pensif. 

Et sur ce point, Birth s'avère rigoureusement passionnant à travers le brio de sa mise en scène Hitchcockienne (notamment auprès de l'orchestration idoine de sa partition symphonique tantôt douce, tantôt grave) truffée de séquences emphatiques aussi magistrales qu'ensorcelantes (combien de fois je daignais remettre en arrière un moment vigoureux inscrit somme toute dans une banalité quotidienne !). Outre la présence gracile de Kidman à la force d'expression si mesurée, le petit Cameron Bright se taille la carrure du revenant juvénile avec une posture naturelle dans sa faculté d'y osciller doute et quiétude à travers son amour inné pour l'être aimé. Ainsi, sa conviction cérébrale désarme le spectateur scrutant ses moindres expressions et gestes avec une interpellation aussi confuse que Kidman. Car c'est bien une puissante histoire d'amour que nous inflige le réalisateur auprès de ses 2 êtres autrefois déchirés par l'aléas du trépas mais aujourd'hui de nouveau réunis afin de renouer avec leurs fulgurants sentiments. Et ce sans s'appesantir de l'ombre du ridicule ! On peut donc parler de prouesse dans sa direction d'acteurs hors-pair et dans sa réalisation millimétrée sans fioriture. Car cette passion dévorante pour l'être aimé aujourd'hui confondu dans un corps d'enfant, Jonathan Glazer la transcende avec une audace mesurée.  Tant auprès de ce duo infortuné se courtisant avec autant de timidité que de crainte et de cran (toujours dépouillée dans l'art et la manière de filmer leurs rapports interdits) que des seconds-rôles en émoi par tant d'incompréhension face au thème (évidemment discutable selon nos croyances ou notre athéisme) de la réincarnation. 

Que l'on croit ou non à ce récit spirituel laissant finalement planer le doute par le biais d'un rebondissement délibérément équivoque, Birth laisse une marque indélébile dans l'encéphale d'y avoir énoncé avec autant de grâce et de pudeur une trouble romance Spoil ! offensée par l'adultère Fin du Spoil. Magnifiquement réalisé et interprété, cette oeuvre maudite (du faite de sa discrète réputation et de sa sortie confidentielle) traite donc de la passion amoureuse avec une acuité mélancolique capiteuse, de par le regard aussi bien incandescent qu'évanescent de la divine Nicole Kidman (probablement LE rôle de sa vie, j'insiste !). Il y émane une sublime romance déchue tendant à nous suggérer que l'Amour le plus épuré résiste au-delà du temps et du trépas, quitte à ébranler l'être aimé lors d'une controverse en suspens. 

*Bruno

Ci-joint en exclusivité, la critique de Martin Romerio (également disponible chez Senscritique.com)

Je suis satisfait.
Je viens de tomber sur un film majeur des années 2000 hier soir. Un film qui vous fait changer vos tops 10 dans la demi-heure qui suit la projection. N’y allons pas par 4 chemins, Birth est une quasi perfection, un film magnifique qui tient sans aucun problème son statut de brique dans l’histoire du cinéma au même titre que « Vertigo » de Hitchock, « Viridiana » de Buñuel ou « Les contrebandiers de Moonfleet » de Fritz Lang ; autant de films qui ont une parenté* désarmante avec le petit chef d’œuvre de Jonathan Glazer.

« Birth » se pitche hyper facilement : C’est l’histoire d’une nana, jeune veuve, qui rencontre un jour un petit garçon de 10 ans lui affirmant n’être autre que le mari décédé… Il y a 10 ans.

Ce principe de base se déroule quasiment sans surprises : amusement, déni, lutte, trouble, etc… Rien à attendre d’original de ce côté-là. En fait, c’est même complètement l’inverse, le réalisateur issu de la pub et du clip nous une narration d’un classicisme frondeur qui pourrait rappeler le nouvel Hollywood et des choix de grammaire simples et très efficaces.

Exemples :
- Les zones d’ombres sous le pont qui marquent le passage de vie à trépas.
- L’apparition de Nicole Kidmann dans un couloir, uniquement éclairée par les bougies du gâteau qu’elle transporte sous les yeux du petit garçon.
- Rythme général lent et élégant.

Une mise en scène à la fois hyper significative au sens classique (direction photo dictée par des nécessités symboliques) et pur qui constituent une parfaite digestion du drama Hollywoodien. Ainsi la résurrection étrange et dissonante de l’histoire (le même revient, mais différent et anachronique se retrouve à l’écran pour le spectateur qui a devant lui un théâtre qui ressemble à du Hitchcock ou du Mankiewicz mais qui est troué par certaines audaces plus contemporaines (le long plan fixe sur le visage de Nicole Kidmann qui pleure à l’opéra). Tout est de bon goût : photo, montage, musique et montage son...

Si on s’arrêtait là, on aurait un film à la James Gray bien ficelé sans plus.

Toute la beauté du travail de Glazer se révèle au compte-goutte, s’impose à chaque plan toujours plus. Le malaise commence de manière classique avec des silences dans les dialogues, des scènes générale de nuit avec éclairage d’intérieur teinté de jaune. Les personnages principaux sont issus de la classe bourgeoise New-Yorkaise et leur stature ainsi que les costumes créent déjà un pont avec quelque chose de mortuaire. Les sons sont assourdis par les tentures et la moquette, les corps figés dans leurs attitudes maniérées et engoncés dans des ensembles sombres. La morbidité du film ne vient pas tant des morts qui reviennent que des vivants qui semblent n’attendre que la mort.

Lorsque le mort revient, nous sommes alors dans cette zone chère à la fiction qui ouvre les possibles et ravive l’imaginaire. La résurrection de Birth, c’est justement la vie qui va lutter pour réintégrer l’image, l’amour d’un enfant qui vient concurrencer les projets de mariage administratifs des adultes (le mort ressuscité). La résurrection, c’est aussi l’inversion : la source même du fantastique, voire de l’horreur (« Le prince des ténèbres » de Carpenter à ce sujet est emblématique). L’inversion crée le malaise, l’inquiétante étrangeté pour le spectateur qui se trouve confronté à des incohérences malsaines :

- Le passage de la mort à la vie

- L’amour conjugal d’un enfant pour une femme

- La colère de l’adulte et le flegme de l’enfant

- Les pleurs des adultes contre le stoïcisme de l’enfant

Ainsi Glazer a mis en place son théâtre d’ombres décalées et l’histoire va suivre son chemin avec quelques scènes mémorables (la colère de l’amant, jaloux de l’enfant ; une scène de bain à la fois érotique et malaisante…). Tout ça pour arriver sur un dernier quart d’heure avec une sorte de twist qui en fait reboucle avec l’incipit mais d’une manière, il faut l’avouer, pas hyper claire ni adroite. Nous touchons là le seul défaut du film avec peut être aussi quelques petites lenteurs par endroits.

Ce twist, on s’en fiche un peu en fait. On s’en fiche par ce que ce qu’il révèle, le film nous l’avait déjà révélé. Une révélation au sens profond du terme. Il n’est donc pas besoin de spoiler pour expliquer que la raison d’être du film de Glazer, c’est l’exploration de la possibilité de l’amour inconditionnel.

L’amour inconditionnel dépasse toute condition, et pourtant il faut en explorer la possibilité pour pouvoir compter dessus.

L’amour des adultes est un amour de cadavre, un amour qui se dit avec le sourire avant d’aller à l’opéra, autour d’une table sous les yeux des patriarches. L’amour des adultes, c’est celui qui peut mentir, celui qui brise les apparences pour nourrir toujours plus l’autosatisfaction de chaque partenaire.

L’amour de Sean, le petit garçon, est un amour décidé, brûlant, un amour qui ouvre les portes et renverse les familles. Un amour si persuasif qu’il entraînera la femme avec lui. Un amour qui l’emprisonnera jusqu’au bout. On découvre alors que le vrai miracle du film n'est pas tant le retour des morts parmis des vivants bien ternes, mais l'émergence même de l'amour dans cet univers.

Dernière phase du processus : un personnage comprend que l’amour est avant tout un acte. L’acte d’un sujet. Certes l’existence de l’Amour nécessite de s’offrir totalement à l’autre mais elle nécessite également de renverser son propre principe de perception : ne pas nourrir l’amour de l’intérieur masi intégrer la perception de l’autre dans le rapport potentiellement amoureux.

Final : impossible de statuer sur la possibilité de l’amour inconditionnel pour cette fois. Mais le cinéma nous a donné l’envie d’y croire. Une foi.

Comme dans un Minelli, Nicole Kidman est la prisonnière des rêves de l’autre, que ce soit d’un enfant, de son amant, du fantôme de son mari. La réalité dans tout ça n’est qu’un fil qui ne compte plus. On ne s’échappe jamais totalement du rêve d’un autre.

* Vertigo : l'inquiétante étrangeté de celui-qui revient de la mort en étant le même... mais différent.

Les contrebandiers de Moonfleet : L'enfant qui trouve dans les entrailles de la Terre le secret du monde adulte

Bunuel : sexualisation de la situation, Jean claude Carrière au scenar, des décors intérieurs sombres et chargés de circonvolutions.

Martin ROMERIO
9/10

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire