mardi 19 janvier 2021

Pieces of a Woman. Mostra de Venise 2020 : Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine: Vanessa Kirby.

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Kornél Mundruczó. 2020. Canada. 2h08. Avec Vanessa Kirby, Shia LaBeouf, Iliza Shlesinger, Molly Parker, Ellen Burstyn. 

Diffusion Netflix: 7 Janvier 2021

FILMOGRAPHIEKornél Mundruczó, né le 3 avril 1975 à Gödöllő dans le comitat de Pest, est un acteur, metteur en scène de théâtre et réalisateur hongrois. 2000 : Nincsen nekem vágyam semmi. 2002 : Pleasant Days. 2005 : Johanna. 2008 : Delta. 2010 : Tender Son: The Frankenstein Project. 2014 : White God. 2017 : La Lune de Jupiter. 2020 : Pieces of a Woman. 


Drame maternel d'une intensité dramatique éprouvante au fil d'un axe narratif tributaire de l'introspection morale d'une jeune mère incapable d'accepter le poids de son fardeau, Pieces of a woman fait l'effet d'un uppercut émotionnel difficilement gérable. Dans la mesure ou le cinéaste hongrois Kornél Mundruczó s'efforce de nous dépeindre le désarroi de ses protagonistes avec un vérisme organique eu égard de sa mise en scène quasi expérimentale à la synergie infaillible. Tant auprès du jeu viscéral des comédiens sidérants de fragilité démunie que de cette caméra zoomant délicatement ses visages sentencieux ou se faufilant à travers les pièces domestiques avec pudeur naturaliste. L'écueil qu'à su éviter l'auteur demeurant la complaisance à travers le thème mélodramatique de la perte de l'être cher, en l'occurrence un nourrisson potentiellement décédé de mort subite. Tout du moins c'est ce que nous suggère son final révélateur au sein du prétoire lors d'un procès fatalement médiatisé lorsque la sage-femme incriminée y redoute le verdict. Mais bien avant ce final escompté dénué de dramaturgie appuyée (tout le contraire s'y produit quant au revirement moral de la plaignante), l'auteur aura pris soin de nous familiariser auprès de ce couple éploré tentant maladroitement de survivre après le deuil. 


Ainsi, à travers la force d'expression colérique de Shia LaBeouf en amant délaissé par sa compagne, sombrant peu à peu dans une forme de déchéance acrimonieuse, et la puissance de jeu somatique de Vanessa Kirby en mère accablée par le chagrin et l'injustice au point de se replier sur l'autisme, on reste figé par leur prestance plus vraie que nature de leurs confrontations conjugales dénuées de discernement. Le spectateur assistant impuissant à leur humeur caractérielle avec un réalisme rigoureux aussi bien brutal (parfois même étonnamment charnel auprès des corps meurtris d'affection sexuelle) que dénué de concession. Et ce, avec en filigrane, la présence emblématique d'Ellen Burstyn  (l'Exorciste) en mère sclérosée à la fois égoïste, hautaine, voir même condescendante (auprès de son beau-fils) mais débordante d'amour et de raison pour sa fille afin de lui prodiguer résilience et surpassement. C'est donc une épreuve de force, un parcours du combattant, un chemin de croix capiteux que nous dévoile le réalisateur à travers ses personnalités contradictoires tentant difficilement d'accepter le deuil infantile. Et ce parmi le témoignage externe de la famille à la fois discrète mais sur le qui-vive à espérer la renaissance de Martha traumatisée par son infécondité. 


De par ses délicates réflexions sur la culpabilité et les préjugés (chacun reportant la faute sur soi même ou sur l'autre quand on ignore les raisons d'une mort inexpliquée), et la sagesse du bon sens à tolérer le deuil insurmontable et à renouer avec l'amour d'une mère, Pieces of a Woman nous bouleverse sans anesthésie (à l'instar de son plan séquence liminaire d'une durée de 30 minutes quant à l'accouchement géré avec une minutie documentée). Le tout baignant en intermittence dans un onirisme à la fois éthéré et bienveillant au lieu de nous quitter sur une note pessimiste en dépit des conséquences dramatiques du couple en perdition sentimentale. Mais au-delà de l'incroyable nuance de sa mise en scène également personnelle, on reste subjugué par le jeu écorché vif de Vanessa Kirby (récompensée à juste titre à Venise) à travers son regard impassible suggérant une douleur maternelle aigue pour autant en voie de salut. 

P.S: attention toutefois aux âmes les plus sensibles pour sa première demi-heure tranchée d'un réalisme sensitif à couper au rasoir.  

*Bruno

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