mercredi 2 mars 2011

A BOUT DE COURSE (Running on Empty)

                                                     (avis subjectif d'un puriste amateur)
                                   

de Sidney Lumet. 1988. U.S.A. 1H55. Avec Christine Lahti, River Phoenix, Judd Hirsch, Jonas Abry, Martha Plimpton, Ed Crowley, L.M. Kit Carson, Steven Hill, Augusta Dabney, David Margulies...

BIOGRAPHIE: Sidney Lumet (né le 25 juin 1924) est un réalisateur américain, avec plus de 50 films sous sa direction, dont Douze Hommes en colère, son 1er long-métrage acclamé par la critique en 1957 et Network, main basse sur la TV  en 1976.
Il a remporté l'Oscar d'honneur en 2005 pour ses "brillants services rendus aux scénaristes, acteurs et à l'art du cinéma".
Sidney Lumet était un acteur avant de devenir réalisateur. Ses parents étaient l'acteur de théâtre yiddish Baruch Lumet et la danseuse Eugenia Wermus. Il est monté pour la première fois sur les planches au Yiddish Art Theater de New York à l'âge de quatre ans et a joué dans les théâtres Yiddish et de Broadway jusque dans les années 1950.
Filmo sélective: 12 Hommes en colère (1957), l'Homme à la peau de serpent (1959), Point Limite (1964), Serpico (1976), Un après-midi de chien (1975), Network, main basse sur la TV (1976), Le Prince de New-York (1981), Piège mortel (1982), A bout de course (1988), Jugez moi coupable (2006).

                     

L'ARGUMENT:   Danny, jeune homme de dix-sept ans, est le fils d'anciens militants terroristes.Sa famille est obligé de fuir le FBI lancé à leur trousse depuis leur méfaits commis.
Un jour Danny tombe amoureux d'une fille et cette relation va bouleverser la vie de sa famille autoritaire.

COMME UN HOMME LIBRE.
Deux ans après le thriller Le Lendemain du Crime réalisé en 1986, Sidney Lumet  s'oriente cette fois-ci vers le drame psychologique en abordant en toile de fond le terrorisme à travers une famille unie au lourd passé, obligé de fuir et déménager, parce que le FBI est lancé à leur trousse depuis des années.
Des parents libertaires qui auront été auparavant des activistes convaincus de leur démarche contre la guerre du Vietnam pour avoir commis un attentat à la bombe dans une fabrique de Nepalm. Malheureusement, un gardien qui ne devait pas se retrouver à ce moment précis se retrouvera paralysé et aveugle suite à l'impact de l'explosion.

                    

La démarche de Sidney Lumet n'est pas de nous orienter vers un film politique et disserter sur le terrorisme. Il se destine de prime abord à nous conter l'histoire poignante et bouleversante d'une famille sacrifiée parce que des parents, anciens militants auront commis un acte illégal impardonnable envers la société. Les conséquences dramatiques de cet acte frauduleux vont faire éclater en lambeau la cellule familiale constamment obligée de se terrer, telle des pestiférés d'une région à une autre pour éviter d'être démasquée.
Ce sont les enfants, le jeune Harry et surtout Danny, 17 ans qui vont devoir subir dans leur moralité une vie morne et déstructurée, éreintante aussi du fait des départs incessants commis par ses parents pour fuir le FBI.
Danny se réfugie alors dans la musique, ce à quoi il voue un véritable don dans l'amour du piano que son professeur de lycée ne tardera pas à lui faire valoir. Un jour, il rencontre la fille du professeur, Lorna, auquel il va éperdument tomber amoureux. Ce sont ces deux révélations, l'amour du piano et celle de cette jeune fille qui vont faire basculer la vie du jeune garçon solitaire, davantage épris de liberté, d'envie de se forger, s'assumer et progresser pour un avenir plus ambitieux.
Mais les parents rigides, d'une prudence à toute épreuve, qui auront eux même abandonnés leurs géniteurs à une époque déjà lointaine vont devoir obstruer les choix libertaires de Danny et refuser à ce qu'il prenne sa vie en main.

                   

Cette puissante narration riche en densité par ces conflits psychologiques d'une teneur dramatique intense nous fait pénétrer à l'intérieur d'une famille qui ne sait plus ce qu'elle pourrait envisager pour mieux subir cette traque inlassable avant que les remords et les contritions du passé ne remontent à la surface. Parce que leurs enfants n'ont pas le droit à une vie comme les autres, la mère compatissante du mal être de Danny va prendre conscience de son égoïsme et de sa lâcheté, à refuser à ce que son fils Danny, davantage en âge de raison, devienne un futur pianiste renommé.
Le père irascible et austère, forgé par son pouvoir autoritaire et sa révolte rancunière contre la société ne l'entend pas de la même manière. A moins qu'en dernier recours, un regain de prise de conscience morale ne le pousserait à changer d'avis.

L'émouvant et regretté River Phoenix incarne le rôle introverti du jeune Danny avec fragilité et sensibilité dans sa douleur affectée d'être le témoin malgré lui de parents fuyards, anciens marginaux contre leur société patriotique.
Mais une idylle amoureuse et la passion dévorante pour une leçon de piano vont pouvoir décanter sa façon de percevoir et affronter un jour prochain son destin improbable.

                    

LES LIENS DU COEUR.
Sans effet de pathos et encore moins de discours pompeux, Sidney Lumet  a concocté avec une sensibilité nue une mise en scène minutieusement élaborée au service de ses personnages magnifiquement campés par des comédiens au ton naturel.
A bout de course se livre à un bouleversant drame familial auquel des parents condamnés à la solitude seront obligés dans une prise de conscience soudaine à sacrifier les liens affectifs pour subvenir aux besoins de leur progéniture.
Un grand film méconnu d'une profondeur humaine intense, au scénario impeccablement rodé et à la conclusion terriblement fataliste. Où chaque protagoniste fustigé gardera en son âme affligée de lourdes séquelles irréversibles.

01.12.10

TERROR FIRMER

                                                       (avis subjectif d'un puriste amateur)

                                   

de Lloyd Kaufman. 1999. U.S.A. 1H57. Avec Will Keenan, Alyce Latourelle, Lloyd Kaufman, Trent Haaga et Ron Jeremy

BIOGRAPHIE: Lloyd Kaufman (né Stanley Lloyd Kaufman Jr. le 30 décembre 1945), est un réalisateur, producteur et acteur de cinéma underground et indépendant américain. Il a fondé Troma Entertainment, la plus ancienne compagnie de cinéma indépendant, avec son ami Michael Herz. Son film le plus célèbre est Toxic Avenger.
Ce passionné du cinéma Trash indépendant compte 109 films en tant qu'acteur (souvent de petits rôles), 61 comme producteur, 31 comme réalisateur et 27 comme scénariste. Il a également composé la musique de Tromeo and Juliett.

L'ARGUMENT: Larry Benjamin est un réalisateur aveugle ! Cela ne l'empêche toutefois pas de vouloir tourner un film trash indépendant, avec l'aide de l'équipe Troma. Mais un imprévisible tueur va perturber le bon déroulement du tournage.

                                

AFFREUX, SALES ET MECHANTS.
Trois après Troméo et Juliette, notre bon samaritain Lloyd Kaufman  réalise en 1990 une satire féroce (à sa sauce frelatée) du milieu du cinéma, en égratignant les films à gros budget tournés machinalement sans âme ni saveur. Des réalisateurs formatés dans la bienfaisance et le politiquement correct qui se contentent de respecter la ligne directrice de producteurs sans scrupule. Des hommes d'affaire qui ne semblent pas connaitre la noblesse des mots: magie, rêverie, évasion assouvies au 7è art (tout ce que Troma nous offre depuis des décennies).
A ce titre, Lloyd Kaufman ne va pas hésiter à "balancer" son mépris et son indifférence sur certains réalisateurs dont Steven Spielberg  sera le porte parole pour Terror Firmer !

Tout l'univers Troma est réuni dans ce délire trash sous acide pour le meilleur et pour le pire, comme dans la plupart de cette longue filmographie étiquetée "bête et méchant". Des petits métrages à la sauvette dérangés du bulbe, oh combien jouissifs dans son décomplexe à imaginer les pires scènes provocantes jamais réalisées, tout en se moquant de chaque citoyen qui nous entoure dans une jungle délurée. Que ce soit les obèses, les handicapés mentaux, les aveugles, les obsédés, les hermaphrodites, les homos, les vieillards, les bébés, les femmes enceintes, les pervers, les sadiques et les meurtriers.

                                

Le récit bordélique et déstructuré nous refait le coup du "film dans le film", se déroulant sur les lieux d'un tournage commandité par Larry Benjamin (Lloyd Kaufman himself !), un cinéaste indépendant atteint de cécité, accompagné de sa jeune fille handicapée.
Sur place, notre réalisateur plein d'ambition a beaucoup de mal à faire régner l'ordre durant l'entreprise folingue de son nouveau long-métrage (qui est une nouvelle suite aux aventures de Toxic Avenger). Et cela même s'il ne s'en porte pas plus mal !
Mais un mystérieux tueur sévit sur le plateau et va semer la panique et la zizanie parmi les figurants dans le chaos le plus total  !

L'introduction nous amène d'entrée de jeu dans une séquence gore comique auquel un quidam va se faire arracher les deux jambes par une mystérieuse inconnue. La seconde séquence hallucinée dans son mauvais goût assumé (située à 50 secondes du film précisément) nous envoie frontalement un crochet dans la gueule quand une mère se fait éventrer l'estomac à main nue par cette même inconnue vêtue d'une jupe et portant des lunettes noires. De ses mains pénétrées dans les viscères de la gente dame, la meurtrière invétérée en sortira un foetus vivant, ensanglanté, devant les hurlements de la mère estomaquée ! Alors que le petit bébé maladroitement malaxé dans les mains de la tueuse cogitera aveuglément en s'exclamant par des pleurs incessants.
La scène abjecte, totalement barrée et filmée en gros plan ferait passer le viol du bébé de A Serbian Film pour une comptine ! (enfin presque !). On se demande même si l'on doit se moquer avec complicité ou s'inquiéter d'un tel niveau de mauvais goût, tant l'effet comique recherché est quand même dénaturé de mon point de vue.
Heureusement, la suite se révèle formidablement plus ludique, délirante, axé sur la débilité des personnages et des situations toutes plus cinglées les unes que les autres (comme de coutume dans une prod Troma).
C'est ce que Tonton Lloyd va nous balancer dans la tronche durant près de 2 heures dans une accumulation de séquences trash axées sur le cul, la vulgarité, le crade, la bassesse, l'incorrect, le mauvais goût et le gore dans une ambiance festive de carnaval effronté, tourné avec dérision et cynisme.

                                 

Un homme particulièrement très obèse va se retrouver happé par un tapis roulant et se faire littéralement écrabouiller la masse graisseuse en explosant de douleur !
Un travello se fera brûler vif par un marginal placé en position courbée, de manière à ce que son cul défroqué soit en retrait, prêt à envoyer un pet en direction de sa cible visée. Quand un de ses complices allumera la flamme d'un briquet située au bord de son anus pour envoyer cette production lumineuse d'un gaz en combustion et immoler le travello tétanisé de stupeur !
Ces deux exemples éloquents ne sont qu'une mise en bouche pour vous démontrer le niveau d'inventivité et de créativité que Terror Firmer va nous offrir généreusement durant près de deux heures.
Même l'intrigue criminelle douée de sens et de raison est plutôt bien amenée dans la révélation finale du dit tueur au passé traditionnellement tromatique !

LES DEBILES DE TROMAVILLE.
A travers ce métrage complètement frappadingue et fier de l'être, oh combien jouissif et débridé dans le sens le plus extrême et vulgaire du terme, Lloyd Kaufman  nous évoque également en toile de fond son amour immodéré pour le cinéma indépendant et ces metteurs en scène néophytes qui éprouvent d'immenses difficultés à monter un projet cinématographique. Il clame son respect et son estime pour ces métrages bricolés confectionnés par des réalisateurs créatifs et passionnés par leur profession. Il n'hésite pas à tirailler l'univers des grosses entreprises, les "Blockbusters" réalisés pour être grassement ingérer par le spectateur hébété, pour ne pas dire lobotomisé de la génération Fast Food. Tout en fustigeant ces réalisateurs indolents, présomptueux, condescendants et tous ses producteurs engagés dans une morale perfide, avides de pouvoir et d'appât du gain.
Alors, Terror Firmer, spectacle débile ou plaidoirie pour la liberté d'expression ? 

Dédicace à Anthony Le Phuoc.

02.12.10

                               

lundi 28 février 2011

SPEAK

Photo empruntée sur Google, appartenant au site ossospechososdesiempre.blogspot.com

de Jessica Sharzer. 2004. U.S.A.1H29. Avec Kristen Stewart , Steve Zahn , Robert John Burke, Michael Angarano, Allison Siko, Hallee Hirsh, Eric Lively, Elizabeth Perkins, D.B. Sweeney, Kimberly Kish, Leslie Lyles.
FILMOGRAPHIE: Jessica Sharzer  est une réalisatrice et scénariste américaine, née le 26 Octobre 1972 à Iowa City, Iowa, USA. Elle s'est illustrée en 2004 avec un premier film indépendant, remarqué au festival de Sundance: Speak.
. Fly Cherry  (2003)
. The L Word: Layup  (2007)

L'ARGUMENT: Mélinda Sordino est une adolescente qui s'est fait violer par un ami, lors d'une fête, un an plus tôt.
Elle parle très peu et n'a plus d'amis, depuis le soir de son viol. Elle va faire la connaissance de David Pétrakis, qui va devenir son seul véritable ami.

L'INTROSPECTION DE MELINDA.
D'après une adaptation du roman de Laurie Halse Anderson, Jessica Sharzer  aborde ici le thème douloureux et délicat du viol à travers le portrait d'une adolescente meurtrie. La réalisatrice s'y emploie sans aucune esbroufe ni apitoiement sur sa victime mise en cause, et encore moins de grandiloquence ou pathos. Des pièges complaisants facilement influents auquel nombre de cinéastes n'auront pas su parfois éviter. Alors que d'autres s'y seront vautrés avec outrance et orgueil putassié, de manière à exacerber le caractère spectaculaire, violent d'un acte aussi abject, insidieux et cruel.

Dans une mise en scène modeste compromise au caractère naturel du jeu sobre de la jeune et ravissante Kristen Stewart , Speak retrace le cheminement de cette lycéenne, Melinda, traumatisée par une agression sexuelle commise par un jeune garçon qu'elle aura malencontreusement rencontré au cours d'une soirée festive chez sa meilleure amie.
Depuis cet acte barbare d'une lâcheté sans égale, Melinda Sordino va se replier sur elle même pour s'enfoncer dans un mutisme qui ne lui apportera que moqueries sarcastiques et rancunes tenaces auprès de ces camarades de classe.
Ces remontrances gratuites et puérils viennent du fait qu'après le viol subi, Melinda, transi de terreur, se décidera à décrocher le téléphone pour appeler un service de police avant de se rétracter dans les secondes suivantes. Mais l'appel étant localisé, les forces de l'ordre interviendront furtivement au domicile de sa meilleure amie, tandis que tous les invités quelque peu éméchés détaleront pour éviter tout ennui judiciaire.

Son rejet de dévoiler l'horrible vérité à quiconque va lentement la dissoudre dans une moralité qui l'incitera à la solitude et l'errance. Tandis que ses parents trop occupés par leur tâche personnelle et fonction professionnelle ne pourront déceler son mal-être persistant dans sa douleur morale incurable.
Alors que le coupable influent aura vampirisé une nouvelle conquête féminine, Melinda, décontenancée et dépitée par cette nouvelle va peu à peu réapprendre à s'estimer. C'est avant tout durant les cours de dessin argumentés par un professeur adepte de psychologie et de philosophie dans l'art graphique que Melinda va retrouver un regain d'intérêt pour sa vie réduite à la morosité et la peur. Réfugiée dans un nébuleux sellier situé à l'intérieur de son lycée, elle va pouvoir de manière récurrente se consacrer à sa quête identitaire, son envie de murir et progressivement se relever du poids de sa souffrance imparable. C'est ce qui va lui permettre d'aboutir à pouvoir divulguer la pleine mesure de son talent dans un travail consciencieux établi sur la créativité introspective. Une résultante dantesque compromise dans l'avidité d'un état d'esprit florissant que nous ne connaitrons qu'à la toute fin du métrage.

Pour ceux qui étaient allergiques aux élans romantico-niais de la trilogie Twilight dans son interprétation quelque peu mielleuse et galante feraient mieux de venir jeter un oeil dans ce drame intime d'une grande sensiblité car Kristen Stewart  se révèle ici épatante de fragilité et de sobrité dans un rôle difficile qu'elle porte du haut de ses frêles épaules.
De prime abord taciturne et introvertie, son rôle de victime emprisonnée, rongée par sa peur intérieure lui permettra durant son évolution conflictuelle à trouver la force, la raison équitable de se redresser, s'extérioriser et enfin pouvoir s'exclamer avec courage. La foi salvatrice de pouvoir communiquer son iniquité au monde sauvage qui l'entoure.
Les séquences finales poignantes, voires bouleversantes vont laisser place aux révélations cathartiques. Ce qui nous permettra à nouveau de dévoiler le talent d'une actrice modeste réussissant à trouver le ton juste, l'équilibre gracile dans une composition épurée qui ne prête jamais au cabotinage ou l'effet académique de sensiblerie.

L'ART DE LA REDEMPTION.
Totalement passé inaperçu depuis sa sortie et inédit dans notre pays hexagonal, Speak est un très beau drame introspectif sur la dignité humaine qui doit beaucoup à l'interprétation surprenante de Kristen Stewart et à sa mise en scène limpide, affinée au service de ses personnages.
A travers un sujet aussi brulant, Jessica Sharzer  réussit à éviter les pièges de la complaisance ou du racolage et ainsi traiter avec tact et humilité le portrait poignant d'une adolescente violée, déchirée de l'intérieur de l'âme.
Un acte de violence inavouable commis dans le silence le plus éhonté auquel cette jeune fille aura la lourde tâche d'exorciser ce démon intérieur et pouvoir finalement communiquer au monde sa devise de vivre librement.
L'intimité des dernières secondes, soumises à une confrontation / révélation parentale sont d'une force suggestive émotionnelle auquel les plus sensibles ne pourront s'offusquer à la perdition des larmes.

Note: Le film sera à sa sortie très bien accueilli par le festival de Sundance où Kristen Stewart recevra de grandes éloges pour sa remarquable interprétation.

Dédicace à Luke Mars.

03.12.10

                                         

ENTER THE VOID (version alternative, 2H23, non diffusé en salles)


de Gaspard Noé. 2009. 2H23. France. Avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Ciril Roy, Sara Stockbridge

BIOGRAPHIE: Gaspar Noé, né le 27 décembre 1963 à Buenos Aires en Argentine, est un scénariste, producteur et réalisateur franco-argentin.
  • 1998 : Seul contre tous
  • 2001 : Irréversible
  • 2009 : Enter the Void
Intro à Enter the Void.
" Je me suis aussi beaucoup inspiré d’un Livre des morts Tibétain – celui dont on parle dans le film, que j’ai découvert à l’âge de 18 ans, à une époque où je lisais beaucoup de choses au sujet de la mort et de la réincarnation. Je me suis vraiment énormément renseigné sur ce livre, apprenant au passage qu’il avait aussi beaucoup inspiré Philip K. Dick, et j’ai décidé d’adopter sa structure au moment de la mort d’Oscar. Ce livre parle du voyage de l’esprit qui s’effectue entre la mort et la réincarnation, un voyage sensé durer 49 jours. Je n’ai pas été fidèle à 100% au bouquin, mais j’ai quand même tenu à bien mettre en scène ce voyage astral totalement dis-fonctionnel et lumineux, d’où l’importance, surtout dans la scène de fin, de ces jeux de lumière lors des scènes de baise à l’hôtel, où la lumière émane des corps. "
Gaspard Noé.

2010, L'ODYSSEE DE L'ESPRIT.
Huit ans après son très controversé Irréversible, Gaspard noé nous revient avec un nouveau métrage beaucoup moins provocateur qu'à l'accoutumé et nous livre un trip filmique hallucinogène dont l'objectif premier sera de tenter de nous "transporter". Un jeune garçon, Oscar, affectivement lié à sa soeur Linda se retrouve à Tokyo pour flâner sous l'emprise de drogue qu'il négocie dans les quartiers nocturnes de la ville. Un soir, à l'occasion d'un deal de drogue compromis dans un bar, Oscar se fait coincer par la police. Il se réfugie en désespoir de cause dans les toilettes et meurt quelques secondes plus tard d'une balle dans la poitrine par ses oppresseurs. En traitant du thème mystique de l'origine existentielle et de la croyance en la réincarnation, Enter the Void est un un film expérimental atypique créant la fascination grâce au pouvoir spirituel. Le film illustrant de manière subjective l'âme d'un jeune junkie voguant dans l'invisible. La première partie psychédélique nous entraînant dans un délire visuel vertigineux à travers la prise de drogue qu'Oscar inhale. La réalisation virtuose laissant libre court aux images versicolores d'une beauté envoûtante. Nous sommes véritablement dans un "ailleurs" hallucinogène, de la manière introspective du héros observant sa nouvelle condition irréelle. Ses moments idylliques provoquant chez nous une véritable sensation palpable d'abandon, un trip sensitif perceptible selon notre implication émotionnelle. Passé ce délire mystique permettant à travers la drogue une manière (hallucinatoire) de matérialiser les mystères insondables de l'origine de la vie, la narration déstructurée nous emmène dans les moments clef de la vie abrégée d'Oscar. Comme dans le livre des morts qu'il aura lu auparavant, notre héros va subir entre passé, présent et futur toutes les étapes spirituels décrites dans cette publication. D'une prémisse de son abandon à la vie jusqu'à sa réincarnation dans une prochaine vie acquise. Parce qu'il refuse de quitter le monde des vivants à cause d'une promesse fidèlement léguée envers sa soeur, Oscar va observer ses protagonistes familiers et errer dans la ville de Tokyo. Dès lors, nous allons découvrir la raison des liens d'amour qui unissent un frère et une soeur perturbés par un drame familial aussi brutal que tragique. En effet, durant leur tendre enfance, ils auront été témoins de la mort inopinée de leur parent dans un accident de voiture. Installés à l'arrière passager du véhicule, Oscar et Linda avaient été fortement éprouvés d'assister à la mort en direct. Cette vision d'horreur va venir hanter l'écran à plusieurs moments intermittents du récit pour rappeler l'aspect traumatique d'un évènement aussi morbide par le point de vue candide des enfants. La seconde partie nous entraîne ensuite dans l'amertume inconsolable de sa soeur meurtrie, dans les brefs instants de culpabilité d'un jeune dealer (qui éprouvait une rancune envers Oscar, coupable d'avoir entretenu des relations sexuels avec sa mère) et enfin dans l'errance de Victor, l'ami le plus proche du défunt, davantage épris de compassion pour Linda. Dans un maelström d'images oniriques et de musique hybride, Gaspar Noé  filme et autopsie de manière tentaculaire la ville de tokyo en caméra subjective. Il s'emploie à l'aide moyens techniques insensés à filmer des plans séquences aériens inconcevables, la caméra traversant les murs pour accéder à l'autre décor voisin. Il étudie à travers l'entité invisible d'un esprit flottant dans l'espace la déambulation de marginaux au coeur d'une société anxiogène. Des personnages lambda perdus dans la souffrance d'un décès soudain mais délibéré à continuer d'avancer avant d'enfanter la vie. A ce titre, le final exutoire confiné dans un hôtel où des personnages s'accouplent langoureusement, dégageant ainsi des fluides fluorescents émanant de leur corps extatique se révèle d'une beauté séminale insolite. Quand bien même il fallait oser filmer en gros plan l'acte sexuel d'un pénis pénétré dans l'orifice vaginal de l'héroïne sans vulgarité ! Ce happy-end annoncé, clôturant un acte d'altruisme suprême fondé sur la promesse d'une fidélité parentale s'avère bouleversant d'humanité dans son amour immodéré, jusque dans l'infini des premières larmes d'un nouveau-né.

Le Livre des Morts
En s'adressant au mystère insondable des forces vitales et en suggérant une potentielle croyance en la réincarnation, Enter The Void est un ovni filmique d'une virtuosité vertigineuse.  Une expérience émotionnelle indicible prenant le pari risqué de nous faire voyager dans l'espace temps comme aucun cinéaste visionnaire ne l'avait fantasmé. Ce méga trip sensoriel pouvant aussi s'interpréter comme un hymne à la procréation et au pouvoir divin de la biologie. Fantasmatique, effervescent et véritablement immersif.

Dédicace à Antonin Carette, Danny Dumont et Caroline Masson.

04.12.10

RECOMPENSES:
  • Festival international du film de Catalogne 2009
    • Meilleure photographie (Benoît Debie)
    • Prix spécial du Jury (Gaspar Noé)
"Narcisse du meilleur film au Festival International du film fantastique de Neuchatel.

QUESTION / REPONSE évoquant la potentielle prise de drogue sur le tournage.
Pour la drogue, c’était open bar sur le tournage ?
G. N. : Si tu te drogues sur un film, tu ne peux pas bosser correctement. Sur le tournage, personne ne se droguait, même pas un joint. C’était la condition sine qua non.

I SAW THE DEVIL (Akmareul boattda / j'ai rencontré le diable)

                      (avis subjectif d'un puriste amateur)

                    

de Kim Jee-Woon. 2010. Corée du Sud. 2H24. Avec Byung-hun Lee, Choi Min-sik, Min-sik Choi and Gook-hwan Jeon, Oh San-ha, Cheon Ho Jin.

BIOGRAPHIE: Kim Jee-woon est un réalisateur et scénariste sud-coréen né à Séoul le 6 juillet 1964.
D'abord intéressé par le théâtre, il commence sa carrière comme comédien et metteur en scène dans plusieurs pièces (Hot Sea et Movie Movie). En 1997, il remporte successivement le concours du meilleur scénario pour Wonderful Seasons et le prix du meilleur scénario du magazine de cinéma coréen Ciné 21 pour The Quiet Family. En 1998, il s'essaie au métier de réalisateur en portant à l'écran The Quiet Family. Il est depuis considéré comme l'un des symboles du nouveau cinéma sud-coréen.
  • 1998 : The Quiet Family 
  • 2000 : The Foul King 
  • 2003 : Deux Sœurs 
  • 2005 : A Bittersweet Life 
  • 2008 : Le Bon, la Brute et le Cinglé 
  • 2010 : I Saw the Devil
                    

VENGEANCE AVEUGLE.
"Que celui qui lutte avec des monstres veille à ce que cela ne le transforme pas en monstre"

Difficile d'avoir un avis clair et tranché après un tel étalage de violence nauséeuse qui n'évite pas l'outrance au risque parfois de converger à la lassitude et à l'écoeurement.

I saw the devil débute de plein gré comme un thriller à suspense très brutal à la manière de l'époustouflant The Chaser, sans fioriture et avec un sens précis de la crudité austère.
La mise en scène alerte et maitrisée nous offre dès l'introduction une jolie tension suspendue dans les méfaits commis par un serial-killer voué à la perversité et la douleur physique envers ces proies. De jeunes et jolies filles qu'il kidnappe pour les ramener dans son foyer et ainsi les torturer à sa guise sans être dérangé.
Puis la trame policière bifurque furtivement vers une longue chasse à l'homme improbable et incongrue quand un agent secret décide de venger la mort de sa fiancée après avoir retrouvé son corps coupé en morceaux, aux abords d'un terrain vague marécageux.

                    

Dès lors, l'homme rongé par la haine et la rancoeur sera obstiner à retrouver l'assassin présumé avec comme preuve à l'appui des photos de portrait de pervers sexuels et meurtriers hautement suspectés par ses services d'ordre.
Sa traque inlassable va rapidement l'amener dans la gueule du loup, quand au moment opportun, il décidera de laisser la vie sauve à son bourreau. Un revirement de conscience soudaine pour mieux piéger son assassin et lui faire subir inlassablement les pires souffrances physiques en guise de repentance ou d'un potentiel regain de remord.
Aidé d'un "mouchard" téléguidé qu'il aurait fait ingérer dans la bouche du criminel, le flic robuste aura l'opportunité d'entendre ses serments, connaitre ses moindres faits et gestes jusqu'au moment où les rôles vont subitement s'inverser...

Cette réflexion sur le pouvoir du Mal et sur le sens de la vengeance déroute au plus haut point et provoque la nausée tant cette confrontation grand guignolesque répétitive mais assez efficace tourne à la boucherie pure et simple.
Avec un gout amer de sang dans la bouche qu'on a du mal à se débarrasser sitôt le générique de fin écoulé au risque de ne pas sortir indemne.
En démontrant sans subtilité mais avec une certaine émotion parfois attendrie (dernière image poignante et humble dans sa prise de conscience) que la violence engendre la violence et que la quête de vengeance ne mène qu'à une perte identitaire jusqu'à y pervertir son âme, le métrage de Kim Jee-Woon ne pourra faire l'unanimité (d'où son échec commercial et critique en Corée du Sud signalisé d'une d'interdiction au moins de 18 ans) 
Et son degré de folie hautement contagieux dans sa narration livrée à la torture gratuite éprouve durement un spectateur décontenancé, perdu au beau milieu de ces deux protagonistes déconnectés de la raison dans un affrontement pathétique et saugrenu. Un duo martyr assoiffé de violence, uniquement déterminé au bout du compte à savoir qui sera le plus moralement affecté pour en sortir perdant.

                         

L'interprétation de notre duo de cinglés revanchards apporte une réelle densité et surtout un sens du délire commun dans les rapports de force impitoyables commis en leur (dé)faveur, jusqu'à ce qu'il n'en restera plus qu'un au moment fatalement tragique.
Byung-hun Lee dans le rôle irascible du flic obstiné se révèle rigide et glaçant dans sa démarche expéditive imparable.
Une révolte animale condamnée à fustiger son bourreau jusqu'au bout de ses supplices, quitte à y perdre son âme et les vies de ceux qu'il chérit encore de manière affectée.
Le serial-killer sadique est incarné par Choi Min-sik (Old Boy), proprement sidérant de froideur, terrifiant de bestialité dans son état d'esprit dépravé avili par le mal absolu. Un tueur grassouillet suintant la sueur et le sang séché de ses victimes souillées. Un monstre déshumanisé voué à la bassesse et l'immondice dans son immoralité pervertie.

SENTENCE DU MAL.
Parce que le Mal ne connait ni la peur et la douleur, I Saw the Devil souhaite démontrer que le combat pour une vengeance bestiale vilipende et annihile celui qui s'y résout. Que ce besoin humain d'extérioriser sa haine vindicative par la violence gratuite est une labeur perdue d'avance à tenter d'avilir et anéantir l'esprit putassier de la monstruosité.
Avec un fort accent prononcé pour le gout de la violence graphique, extrêmement brutale et nauséabonde, ce thriller fracassant habité par la folie de la violence nuisible déroute autant qu'il fascine, effraie et inquiète durablement le spectateur perplexe sur l'utilité d'une telle boucherie pour dénoncer que la vengeance n'apporte aucune solution à l'apaisement de sa rancune affective.
Superbement interprété et mis en scène avec vigueur et efficacité, I saw the devil ne pourra faire l'unanimité et divisera autant les conquis pour son rythme endiablé, sa folie paroxystique livrée dans une texture baroque que les indécis pour son côté répétitif, le manque de profondeur du thème évoqué et la teneur malsaine d'un sujet aussi scabreux se vautrant finalement dans l'outrance et la surenchère.
Il sera en tous cas difficile d'oublier un métrage malade aussi rageur, ravagé et malsain dans le regard dérangé de deux êtres stigmatisés, épuisés par la soif de violence, condamnés par le Mal.

Dédicace à Christophe de la Gorgone.

07.12.10.

                     

Interview de Lee Byung Hun avec 10Asia
Le 19 Août dernier, l’acteur Lee Byung Hyun accordait une interview à 10Asiae. De l’échec de son dernier film(comparé aux nombreux succès qu’il a connu),  il se livre sans détour et en toute franchise.
 I Saw The Devil”,  film le plus récent de Lee Byung Hun, n’est pas le film de l’année. Cependant, il est certain qu’il est celui qui a suscité le plus de controverse. Kim Ji Woon a mêle son humour particulier à des scènes très violentes tout au long du film qui a reçu des critiques très mitigées de la part de l’industrie cinématographique coréenne. Vu sous cet angle, on pourrait se demander pourquoi Lee Byung Hun a accepté de participer à ce projet. Pourquoi, Lee, qui a fait des débuts très remarqués à Hollywood, a-t-il fait ce choix risqué sur le plan commercial ?

Que pensez-vous de “I Saw The Devil?” Il paraît que le résultat final vous a choqué pendant la projection.
Lee Byung Hun (Lee): Que j’ai été choqué, ce n’est pas le problème. (rires) Mais c’est vrai que j’ai eu l’impression que c’était différent de la première impression que je m’étais faite à la lecture du scénario parce que le film ne reflète pas toute la cruauté et la violence. J’ai pensé que ce projet était différent des films qui se font généralement sur le thème de la vengeance et j’en ai senti toute la force rien qu’en lisant le scénario. Et puis pendant le tournage, je me suis dit « ça va vraiment être hardcore ». Après la première projection, j’étais un peu inquiet parce que j’ai commencé à me demander comment les gens allaient réagir face au film et je me suis souvenu de l’atmosphère très sombre et très sérieuse qui régnait sur le tournage. Après la projection, je me suis retrouvé dans la salle d’attente avec Choi Min Sik(acteur) et M. Kim, le réalisateur et nous n’avons pas échangé un mot. Choi Min Sik m’a quand même dit une chose : « Hé, t’as du feu ? » (rires)

4 MOIS, 3 SEMAINES, 2 JOURS

                               (Palme d'Or, Cannes 2007)

                                                    (avis subjectif d'un puriste amateur)

                   

de Cristian Mungiu. 2007. 1H53. Roumanie. Avec Anamaria Marinca, Laura Vasiliu, Vlad Ivanov, Alex Potocean, Luminita Gheorghiu, Adi Carauleanu, Eugenia Bosânceanu, Ioan Spadaru, Cristina Burbuz...

BIOGRAPHIE: Christian Mungi est un Réalisateur, Scénariste, Producteur, né le 27 avril 1968 à Iasi en Roumanie.
Il étudie la littérature anglaise à l’université de Lasi et la réalisation cinématographique à l’université du film de Bucarest. Il travaille comme professeur et comme journaliste pour la presse écrite, radio et télévisée jusqu’en 1994. Durant ses études cinématographiques, il a été assistant réalisateur sur des productions étrangères tournées en Roumanie. Après l’obtention de son diplôme, en 1998, il réalise de nombreux courts-métrages.
Son premier long métrage OCCIDENT à été primé à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2002, et à ensuite reçu de nombreux autres prix. Il fonde sa société de production MOBRA FILMS en 2003.
  • 2002 : Occident
  • 2007 : 4 mois, 3 semaines, 2 jours
  • 2009 : Contes de l'Âge d'Or
                    

VIVRE LIBRE.
En évoquant le douloureux problème de l'avortement dans un pays totalitaire, alors que le régime communiste de Ceausescu touchait peu à peu à sa fin (nous sommes en 1987),  ce drame social d'une humanité accablée est plus un combat pour la liberté féminine bafouée que de condamner celles qui osent transcender la morale du choix de vie ou de mort infantile.

4 mois, 3 semaines, 2 jours est le temps qui sépare le moment où Gabita a fait l'amour avec son petit ami et le fameux jour où elle se décidera à avorter au risque de passer quelques années derrière les barreaux pour avoir oser transgresser cet acte lourdement répréhensible, considéré comme un crime.

L'action se situe en Roumanie, dans une chambre d'hôtel auquel Ottila et Gabita s'y sont réfugiées pour tenter l'acte condamnable avec l'aide d'un certain Mr bébé. Un médecin perfide immoral pratiquant l'avortement clandestin en toute impunité.
Nous allons vivre de prime abord, presque en temps réel, le calvaire de ces deux jeunes filles à tenter de convaincre un maitre chanteur appâté par le gain. Un être abjecte corrompu qui n'hésitera pas à abuser sexuellement de l'une d'entre elles puisque celles-ci n'auront pas pu regrouper la somme nécessaire pour pratiquer une telle opération de chirurgie.

                    

L'ambiance terriblement anxiogène et dépressive soumise d'abord à un huis-clos étouffant dans le refuge austère d'un hôtel régit par une hôtesse d'accueil dédaigneuse et orgueilleuse, s'accapare des sens du spectateur pour l'entrainer
dans un langoureux drame lié aux tourments, aux angoisses et aux conséquences psychologiques devant une décision aussi alarmiste et radicale.
Cristian Mungiu nous soumet avec une force de vérité âpre et un souci implacable de réalisme brut devant une prise de conscience davantage lourdement affectée. L'immense appréhension palpable d'un duo esseulé dans un pays intransigeant, écrasé par le poids de la culpabilité envers une décision aussi grave. Deux roumaines déterminées,  responsables d'avoir permis d'ôter la vie à un foetus ressemblant aux traits d'un petit enfant du fait de ces cinq mois de gestation à peine révolus.
A cet égard, la séquence épouvantée et bouleversante de la vision ensanglantée d'un petit être mort né délicatement posé dans une serviette de bain est tétanisante d'émotion trouble déséquilibrée. Une scène transie inoubliable, gravée à jamais dans notre mémoire auquel il est difficile de retenir ces larmes devant l'apparition frêle d'une présence aussi innocente.
C'est à cet instant lourdement acquis, que chacune leur tour, les deux jeunes filles auront été témoins de la résultante de leur labeur et d'un sacrifice. Alors que Gabita demandera à Ottila d'enterrer le corps en guise de respect et d'affectation, aux abords d'un terrain vague. Dans l'antre morose d'une nuit noire, d'une ville angoissée où le moindre individu lambda semble suspicieux et inquiété.
C'est alors tout le poids de la tristesse, de la peur, une culpabilité rendue palpable entre les deux héroines livrées à elles mêmes qui se fait ressentir auprès du spectateur anxieux et lamenté. Nos émotions troublées sont soumises avec empathie envers la tâche douloureuse de ces deux héroïnes dans ce drame féministe voué à l'échec maternel mais aussi à la liberté du choix fatidique d'avorter ou permettre la vie d'une future naissance.

                    

Il faut saluer l'interprétation sidérante de vérité dans une présence de ton naturelle des deux comédiennes se livrant corps et âme devant une caméra scrutant leurs moindres sentiments et angoisses perceptibles, en cohésion avec la sensitivité du spectateur.
Laura Vasiliu interprète avec fragilité naïve et sensibilité innocente le rôle d'une roumaine juvénile dénuée de maturité, angoissée par l'avenir d'un enfant qu'elle ne désire pas. Sans connaitre d'explications personnelles pour avoir décidé de pratiquer cet avortement clandestin. 
Anamaria Marinca est proprement bluffante dans celle qui va épauler, soutenir dans une force d'esprit bienveillante mais très affectée son parcours dantesque à encourir les risques les plus graves pour sauver la vie de son amie.
Un péril d'autant plus contraignant qu'Ottila est effrayée à l'idée d'imaginer qu'elle pourrait subir le même labeur avec son propre ami. Une cause à effet miroir, engagée dans la crainte, qui pourrait amener de lourdes conséquences quand à l'équilibre conflictuelle de son couple, au bord d'une potentielle rupture.

LE CHOIX DE GABITA.
Nonobstant un titre peu subtil qui pourrait paraitre rudimentaire, 4 mois, 3 semaines, 2 jours est un douloureux drame humain qui ne tombe jamais dans le débat sulfureux, à savoir s'il faut approuver ou non le choix discutable de l'avortement.
Il démontre avec un souci de réalisme documentaire, au plus près des sentiments de ses personnages que cet acte frauduleux lourdement funeste et virulent est un choix drastique pour savoir s'il faut se résoudre à supprimer une vie pour sa cause personnelle.
Une oeuvre exceptionnelle à la mise en scène limpide et minutieuse, portée par deux actrices au talent naturel criantes d'humanité. Le réalisateur retransmet avec une intensité émotionnelle rare le portrait empathique de deux jeunes roumaines lourdement éprouvées par une épreuve aussi rigoureuse sur fin de tragédie.
Mais il s'agira avant tout ici de narrer avec beaucoup d'humilité l'histoire difficile et délicate de deux femmes soumises, décidées à tenir tête face à la dictature d'un pays indécent, incompatible avec le sens de la dignité humaine.
Difficile de sortir indemne après une telle épreuve à autopsier les conflits intérieurs de deux témoins dans leur psyché lamenté, fortement entaillé.

08.12.10

                     

RECOMPENSES:
  • PALME D'OR au Festival de Cannes 2007
  • Prix de l'Éducation nationale et Prix FIPRESCI au Festival de Cannes
  • European Award du meilleur film et du meilleur réalisateur 2007
POLEMIQUES ET CONTROVERSES:
Le sujet délicat du film (l'avortement) et la manière de traiter ce thème ont engendré plusieurs polémiques et controverses.
En France, des associations anti-avortement, et certaines personnes comme la ministre Christine Boutin, ont voulu interdire le DVD pédagogique promis par le Prix de l'Éducation nationale que le film avait reçu lors du Festival de Cannes. Les contestations face à une telle censure éventuelle, largement relayées par les médias, ont néanmoins conduit le ministre de l'éducation, Xavier Darcos, à autoriser ce DVD. La controverse était d'autant plus étonnante que le film adopte une position neutre vis-à-vis de l'avortement, ce que confirma l'actrice Anamaria Marinca lors d'une interview en présence du réalisateur : « nous avons mis un point d'honneur à ne pas prendre parti pour laisser le spectateur se forger son opinion ». D'autre part, le film a finalement été classé "tout public" en France par la commission de classification, assorti d'un bandeau d'avertissement pour les spectateurs sensibles, ce qui a facilité la décision du ministre de diffuser le DVD.
En Italie, le Vatican s'est montré très indigné lors de la sortie du film : « A présent que le recours excessif aux scènes de sexe a épuisé le potentiel d'attraction (du public), un nouveau coup bas est infligé à la dignité du spectateur, avec ce film récompensé par la Palme d'Or : un signal dramatique d'un retour à la barbarie, individuel comme collectif, de nos consciences (...). On parle avec désinvolture de fœtus comme s'il s'agissait de choses, d'objets, et non pas d'êtres humains, appelés à la vie puis martyrisés, trucidés et jetés à la poubelle »

HARPOON (REYKJAVIK WHALE WATCHING MASSACRE)



de Júlíus Kemp. 2010. Islande. 1H25. Avec Pihla Viitala, Nae, Terence Anderson, Miranda Hennessy, Gunnar Hansen.

En 2 mots:
Un sympathique slasher qui ne restera pas dans les annales mais qui est suffisament bien troussé, rythmé et sanglant pour y trouver son compte de spectateur égayé du samedi soir.

KABOOM

                                                     (avis subjectif d'un puriste amateur)


de Gregg Araki. 2010. U.S.A/FRANCE. 1H26. Avec Thomas Dekker, Haley Bennett, Chris Zylka, Roxane Mesquida, Juno Temple, Andy Fischer-Price, Nicole LaLiberte, Jason Olive, James Duval, Brennan Mejia...

Date de Sortie: France, 06 octobre 2010

FILMOGRAPHIE: Gregg Araki est un réalisateur, scénariste, monteur, producteur de cinéma et directeur de la photographie américain, né le 17 décembre 1959 à Los Angeles (États-Unis).
1987:Three Bewildered People in the Night, 1989:The Long Weekend (O'Despair), 1992: The Living End, 1993: Totally F***ed Up, 1995: The Doom Generation, 1997: Nowhere, 1999: Splendeur (Splendor), 2004: Mysterious Skin, 2007: Smiley Face, 2010: Kaboom.

En 2 mots:
Désolé, j'adore le cinéaste et sa poésie débridée dépeignant comme personne une jeunesse déboussolée mais là pour le coup je n'ai pas accroché.
Et les histoires gays au cinéma, ça me laisse indifférent.

Mon point positif: des dialogues croquignolets proprement jubilatoires !



A.I (Inteligence Artificielle)

                                  

de Steven Spielberg. 2001. U.S.A. 2H26. Avec Haley Joel Osment, Frances O'Connor, Sam Robards, Jake Thomas, Jude Law, William Hurt, Ken Leung, Clark Gregg, Kevin Sussman, Tom Gallop, Eugene Osment...

Date de Sortie:  France. 24 octobre 2001   U.S.A. 29 juin 2001

FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis).
1971: Duel , 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 19411981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode), 1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always,  1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad, 1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report,  Arrête-moi si tu peux, 2004: Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, 2011: Les Aventures de Tintin, cheval de guerre. 

                

2001, L'ODYSSEE DE LA VIE.
Trois ans après son inoubliable expérience sensorielle sur les horreurs de la seconde guerre mondiale octroyées à l'introspection viscérale des combattants au front du débarquement de Normandie dans Il faut sauver le soldat Ryan, Steven Spielberg revient en 2001 à la science-fiction intimiste inscrite dans la pudeur. Un délicat et émouvant conte de fée moderne sur la nature fragile de l'existence et la quête éternelle de l'amour, tributaire de notre condition de vie terrestre.

Au milieu du 21è siècle, la quasi totalité de la terre a été inondée par la fonte des calottes glaciaires dû à l'effet de serre.
La civilisation est obligée de vivre dans des villes flottantes et ne doit enfanter qu'un seul enfant par foyer, sauf si les individus désirent adopter un androïde en guise de second rejeton.
Après maintes expérimentations scientifiques sur la technologie mécatronique, un savant ambitieux a réussi à créer un nouveau prototype d'androïde ayant la faculté d'acquérir des sentiments humains !
Monica et Henry Swinton qui viennent de perdre leur fille (avant d'être cryogénisée) décident d'adopter ce nouveau modèle robotique aussi vrai que nature qu'un enfant structuré de chair et d'os.
Ce garçon nommé David désire plus que tout au monde éprouver de l'amour pour ses nouveaux parents et trouver une raison équitable à donner un sens à sa nouvelle vie. Mais à la suite d'incidents majeurs tendancieux, les parents adoptifs décident de se débarrasser de David.

                   

Sous-estimé à sa sortie, voir conspué par une majorité de la critique bien pensante, A.I est un bouleversant drame humaniste d'une sensibilité clairsemée, véritable hymne à l'existence terrestre par le biais d'un androïde chétif capable d'éprouver des émotions humaines.
A travers l'exploration futuriste d'un nouveau monde déprécié de civilité par une population illégitime dans sa moralité présomptueuse, Steven Spielberg nous narre le parcours flexible de David, nouvel automate technologique voué à apprivoiser la magie de la vie terrestre dans ses émotions décuplées par le pouvoir de l'amour maternel.
Adopté par une famille d'un statut social aisé pour être ensuite lâchement dénigré et furtivement abandonné dans la nature par la cause illégitime d'accidents répétés ayant involontairement mis en danger la vie de leur propre fils bonimenteur, David va découvrir de manière craintive un monde hostile dérangé par la peur d'une technologie en constante mutation, davantage expansive et révolutionnaire.
En compagnie d'un androïde livré racolage sexuel (superbement incarné par Jude Law) et d'un ours en peluche doué de vie artificielle (nombre de scènes révélant sa présence ludique mettent en émoi le spectateur désorienté et troublé !), le jeune garçon va tenter de survivre dans un monde obscur qu'il ne connait pas et délibérément reconquérir l'absence d'une mère déchue de son rôle pédagogique et protecteur.

                  

Le jeune surdoué Haley Joel Osment était inné pour interpréter le rôle majeur de cet androïde néophyte débarquant sur terre avec stupeur, tel un extra-terrestre égaré au milieu d'une civilisation xénophobe et orgueilleuse. Des êtres humains égoïstes et lâches de leur intolérance à approuver, accepter la cohabitation de ces robots ludiques hébétés, tributaires de leur défaillance technique et leur condition d'esclave soumis quand ils sont rejetés par la société. Des humanoïdes manipulés contre leur gré par notre ambition condescendante à s'octroyer le droit de les subtiliser dans des nouveaux jeux de cirque primaires mais des êtres angoissés, préoccupés et inquiets car humanisés par leur conscience frivolement révoltée quand ils se voient contraints au sacrifice face à une population dévergondée, avide de spectacle barbare.
A travers l'expression de son intense regard illuminé par l'intensité de ces yeux bleus, Haley Joel Osment dégage beaucoup d'empathie, d'émotion fébrile véhiculée par sa quête suprême de bienséance et d'amour auprès d'une mère qui l'a lâchement abandonné. Dès lors, son destin est de retrouver coûte que coûte la sagesse enchanteresse d'une fée bleue. Un personnage fictif qu'il aura lu avec contemplation à travers le célèbre conte Pinocchio qui voyait la transformation exaucée d'un pantin de bois en véritable enfant de chair et de sang. David, obsédé à l'idée que cette histoire pourrait également lui accorder cette faveur s'acharne à retrouver sa mère pour qu'elle puisse enfin lui accorder sa reconnaissance et son affection cathartique. 

                

Le final mélancolique qui voit le petit David embarquer dans un engin volant substitué pour rejoindre la ville engloutie de Manhattan se révèle l'un des moments les plus intenses et émouvants dans sa quête désespérée de retrouver la fée prodige salvatrice afin d'accomplir son rêve de toujours.
Mais il aura fallu attendre 2000 ans d'un monde inerte devenu sinistré pour que l'enfant artificiel acquiert son voeux exaucé le temps d'une mémorable journée romantique en compagnie de sa mère chérissant.
ATTENTION SPOILER !!!
La dernière séquence qui voit le garçonnet amoureux s'assoupir dans un lit pour l'éternité aux côtés de sa maman inerte se révèle déchirant de poésie ingénue. Alors qu'assis au bord du lit, un ours en peluche robotisé qui aura permis de telles retrouvailles inespérées observe docilement l'amour fusionné de ces deux êtres renoués dans les cimes de l'au-dela. FIN DU SPOILER.

L'ENFANT MIROIR.
Soutenu par l'affinée partition musicale de John Williams orchestrée toute en discrétion et de l'incroyable prestance instinctive de Haley Joel Osment, A.I est un magnifique poème désenchanté, profondément trouble et vulnérable dans son acuité de sensibilité dédiée à la faculté des sentiments. Un florilège d'émotions humanisées déversées dans une valeur désillusionnée pour ce monde définitivement corrompu à l'intolérance.
Désenchanté, inquiétant, voir pessimiste parce que notre terre est résolue à l'apocalypse ATTENTION SPOILER !!! (tandis que l'enfant réconforté de sa présence maternelle meurt pour rejoindre parmi elle ses rêves escomptés) FIN DU SPOILER, A.I bouleverse, intrigue et nous questionne sur notre rapport au phénomène miraculeux de notre existence subjective liée aux cinq sens accordés.
En effleurant l'idée récurrente du thème scientifique que la technologie futuriste pourrait un jour nous asservir et dominer, A.I dépeint avant tout l'histoire d'un enfant inculte esseulé, désorienté de sa situation précaire mais curieux et ébloui par la magie de la réalité existentielle, totalement voué à enlacer l'amour éperdu de sa mère fuyante.
A.I serait alors simplement un immense cri de douleur pour l'enfance martyrisée de son absence parentale.

Dédicace à Alexandre Poncet.

27.02.11. 2

THE HORSEMAN

(avis subjectif d'un puriste amateur)



de Steven Kastrissios. 2008. Australie. 1H38. Avec Peter Marshall, Caroline Marohasy, Brad McMurray, Jack Henry, Evert McQueen, Christopher Sommers.

BIOGRAPHIE: Steven Kastrissios est un réalisateur et scénariste australien. The Horseman est son premier long-métrage.


FOLIE MEURTRIERE.
Dans la lignée des Vigilantes movie et autres Justiciers dans la Ville célébrés par Charles Bronson, The Horseman empreinte cette voie du film de vengeance avec un souci de réalisme mis en exergue dans une crudité brut de décoffrage !
L'ambiance antipathique, structurée sans aucune fioriture est vouée à un affrontement ultra violent, rugueux, malsain, baignant continuellement dans une atmosphère poisseuse. Une mise en image blafarde accentuée par une photo monochrome désaturée et renforcer ainsi la nuance rouge du sang s'évacuant des plaies tuméfiées.

Parce que sa fille fugueuse aura succombé à une overdose après avoir tourné dans un film pornographique underground, son père, Christian ne va pas supporter la mort subite de sa propre chair et décide contre toute morale d'entamer une vengeance implacable sans foi ni loi dans un déchainement de violence virant à l'hécatombe.


Ce qui surprend irrémédiablement à la vu de ce nouvel électrochoc extrêmement austère et lugubre vient de son côté réaliste, filmé à la manière d'un reportage, en accentuant les réactions anxiogènes des personnages par un emploi récurrent de gros plans filmés sur les visages ensanglantés suintant la sueur froide.
De manière machinale, le spectateur est entrainé dans la descente aux enfers d'un père rendu fou furieux du décès de sa fille pour commettre une série de crimes d'une sauvagerie inouïe. Des meurtres commis le plus souvent à l'arme blanche (batte de base-ball, couteau, marteau, massue, barre de fer, etc...) ciblant chaque protagoniste plus ou moins impliqué et/ou coupable d'avoir laissé entrainer une fille paumée sur un tournage X.

Peter Marshall dans le rôle du père vindicatif à la trogne aigrie presque banale incarne avec une froide détermination dénuée de raison un personnage haineux inondé de désespoir pour son inconsolable douleur d'avoir perdu sa fille dans des conditions sordides et inhumaines. Et cela, même si l'on ne saura jamais ce qui est véritablement arrivé en ce jour fatidique alors qu'elle semblait avoir voulu participer de son plein gré à un tournage X (selon la version similaire de chaque témoin et acteur du film underground).
Le cheminement de Christian est d'autant plus hasardeux et risqué dans sa démarche de folie meurtrière qu'il ne saura jamais pour quelle raison sa propre fille ait pu accepter un telle proposition, même si elle fut volontairement droguée avant d'avoir tourné des scènes prescrites dans la violence et le sexe. 
Jusqu'au moment où Christian, fatigué de toute cette violence animale décide de laisser la vie sauve à un père de famille. En l'occurrence, il se soumet de poser les armes et partir vers une région indéterminée en compagnie d'une jeune adolescente avec qui il s'est pris d'affection. Sans se douter que les derniers responsables de la mort de sa défunte sont fermement décidés à faire payer son bain de sang commis en leur défaveur.


La qualité éloquente du douloureux The Horseman c'est qu'il ne perd jamais de vue le profil psychologique de son personnage principal, d'abord alimenté par la soif de vengeance pour ensuite s'en détacher et finir par s'en débarrasser.
Toute la narration est soumise à une succession de scènes ultra violentes qui ne prêtent cependant pas à la complaisance, aussi brutales et insupportables soient-elles.
L'extrême sobriété de la mise en scène refuse le caractère spectaculaire, le côté jouissif d'une histoire de vengeance où le héros sans peur se retrouve volontairement seul contre tous.
Il est donc dommage que son final haletant cède parfois à quelques facilités et conventions académiques dans les exactions commises entre les protagonistes. Il emprunte de petites ficelles balisées comme la clef des menottes offerte en derniers recours, en guise de survie où le fait que le père, héroïque, maintenu par quatre molosses réussira in extremis à se dégager de ses ravisseurs. La dernière séquence finale s'accommode à une tension livrée au suspense conventionnel (à savoir lequel des deux hommes réussira à sortir vainqueur de leur affrontement sauvage et sanglant). Un final tout à fait haletant et rondement mené mais un peu en retrait de tout ce qui nous avait été présenté auparavant.


A VIF.
The Horseman est un film choc qui laisse des plaies dans sa radicalité d'une mise en scène livrée au caractère réaliste de ce qu'il nous narre sans effet de style (en dehors d'un final hardcore un peu too much et orthodoxe à mon goût).
L'inverse d'un spectacle fun et jouissif qui ne prête pas à se distraire ou fantasmer d'une bonne histoire de vengeance où le héros viril décide de flinguer avec vigueur (et complicité du spectateur) tous les méchants cabotineurs.
Ce petit film venu d'Australie ne propose donc pas la soupe habituelle et ne souhaite pas plaire au spectateur avide de sensations fortes concoctées pour rendre un spectacle excitant de violence jouissive.  
The Horseman n'exprime pas de fougue et se révèle plutôt le genre de film où l'on quitte la salle sans dire un mot à son voisin. Il tire sa force dans son dévouement exhaustif au réalisme, à l'extrême, au radical, à la violence abrupte et amplifie le caractère authentique d'une vengeance sale et déguelasse. Pour livrer avec rigueur le portrait poignant et pathétique d'un homme brisé par la mort de sa fille. Un quidam n'ayant plus rien à perdre, aveuglé par l'opacité de la vengeance pour finir en derniers recours par se rétracter et fuir vers un no man's land. Un semblant de vie pour tenter d'oublier la haine et peut-être se reconstruire, avec l'aide empathique d'une nouvelle remplaçante, aimante et compatissante.

09.12.10

RAMMBOCK (siege of the dead)

(avis subjectif d'un puriste amateur)



de Marvin Kren. 2010. Allemagne. 1H04. Avec Michael Fuith, Theo Trebs, Steffen Münster, Jörn Hentschel, Brigitte Kren, Sebastian Achilles, Emily Cox.

BIOGRAPHIE: Né en 1980 à Vienne (Autriche), Marvin Kren a travaillé depuis les dix dernières années comme assistant réalisateur, cadreur et producteur. Il a étudié l’économie européenne et la gestion des affaires à Vienne et de 2006 à 2008 il suit des études de metteur en scène à l’école des medias de Hamburg. Il a réalisé des nombreux court-métrages, comme Love is Hard as Walls, des documentaires et des séries. Rammbock est son premier long métrage.


Dans la mouvance actuelle des films d'infectés tels que Rec, la Horde ou The Crazies, Rammbock, production allemande de courte durée (1H04) tire son épingle du jeu par son refus du spectaculaire outrancier grâce à une narration orientée vers la caractérisation de ses personnages humains. Des anti-héros combattants pour leur survie dans un immeuble encerclé par une menace meurtrière.

Alors que Michael vient d'arriver à Berlin pour rencontrer sa petite amie Gabi et tenter une éventuelle réconciliation, un mystérieux virus transforme les êtres humains en monstres atteints d'une folie meurtrière incontrôlée.
En l'absence de Gabi, Michael va se lier d'amitié avec un jeune plombier qui était venu réparer la tuyauterie dans l'appartement de celle-ci. Ensemble ils vont essayer d'échapper à la menace extérieure davantage pernicieuse qui essaie d'investir le portail de l'immeuble.

D'une trame convenue rebattue que l'on connait par coeur, Rammbock, petite production indépendante au budget restreint attise fugacement la sympathie et l'attention grâce en priorité à l'attachement accordé aux deux protagonistes principaux. Un duo formé par Michael, un homme désabusé à la recherche de son amour éperdue et le jeune Harper, un garçon solitaire débrouillard et courageux, bientôt en phase d'accorder une potentielle idylle amoureuse.
Deux personnages lambdas trouvant refuge dans un appartement barricadé que le réalisateur Marvin Kren filme avec humilité et empathie dans leurs tourments intérieurs, gangrénés par leur cause personnelle et l'odeur de la mort davantage exsangue d'une menace contagieuse. 


Son aspect visuel froid et clinique est accentué par une photographie délavée pour authentifier l'ambiance d'apocalypse futilement et efficacement décrite. Grâce aussi à l'emploi adroit de quelques plans brefs de désolation où l'on voit apparaitre des trombes de fumée s'évacuant au dessus de la ville. Tandis qu'au travers des infos retransmises, des  dépêches télévisuellles alarmistes sont narrées de manière aggravée. Et la radio n'est pas non plus en reste pour entendre inlassablement un spot publicitaire tournant en boucle afin d'avertir chaque citoyen.
Le sens du réalisme d'une ambiance anxiogène consolidée dans le quotidien morose d'une banlieue allemande avec ses quidams assiégés adhère la foi du spectateur auquel il s'identifie facilement face à ses personnages crédibilisés.
Tandis qu'au gré des rencontres impromptues, traversées de quelques attaques violentes des infectés (non dénuées de gore dans un arrache de gore hyper réaliste en tout début de métrage), nos protagonistes déconcertés vont tenter de s'unifier, trouver le moyen le plus perspicace de sortir de l'immeuble et rejoindre un bateau pour regagner l'océan se trouvant à proximité de la région.


ATTENTION SPOILER !!!
Mais il faudra pour cela envisager de manière suicidaire de tenter à traverser une ville grouillante de vermines sanguinaires et l'idée de l'appareil photo faisant office d'élément salvateur pourrait prêter à sourire chez certains spectateurs. Pourtant, cette ruse inédite destinée à aveugler la rétine des infectés se révèle plutôt bien pensée et convaincante.
Ces quelques surprises qui parsèment le récit sont plutôt bien amenées et se révèlent crédibles dans l'évolution de l'intrigue pour décrire également en filigrane une histoire d'amour désespérée aboutissant à un final poétiquement morbide.
Par petites touches intimistes, Marvin Kren nous narre donc le cheminement de Michael, désespéré à l'idée de s'octroyer une seconde chance pour sa rupture sentimentale imposée. Alors qu'il rencontrera de manière paradoxale le destin précipité, salvateur d'un couple anodin qui ira s'unir malencontreusement jusque dans la mort.
C'est ce sens sacrificiel de l'amour cathartique que l'on retrouvera à la toute fin du métrage, qui touche l'émotion impliquée du spectateur avant que n'éclot une potentielle romance entre deux jeunes novices rescapés de l'enfer.
FIN DU SPOILER.


Parsemé d'un sens discret de l'humour caustique, Rammbock n'invente rien et n'est pas censé révolutionner le genre mais il se révèle une production mineure plutôt bien bricolée, efficacement menée et convaincante dans son énième huis-clos assiégé par des fous-furieux sanguinaires. Et cela en dépit de sa courte durée.
Par son traitement humain établi en faveur de ses personnages, il vaudra nettement mieux que les produits sevrés aux actions clippesques et au gore racoleur, tendance The Crazies ou du DTV coutumier bas de plafond.

Dédicace à François Most.

13.12.10.

M. Night Shyamalan Presents: DEVIL (The Night Chronicles: Devil)

(avis subjectif d'un puriste amateur)



de John Erick Dowdle et Drew Dowdle. 2010. U.S.A. 1H20. Avec Chris Messina, Logan Marshall-Green, Jenny O'Hara, Bojana Novakovic, Bokeem Woodbine, Geoffrey Arend, Jacob Vargas, Matt Craven, Joshua Peace...

Sortie en salles en France le 26 Janvier 2011.

FILMOGRAPHIE: John Erick Dowdle est un réalisateur, scénariste et producteur américain.
Son frère Drew Dowdle l'épaulera pour s'octroyer la réalisation du remake américain Quarantaine ainsi que Devil. 
  • 1996 : Full Moon Rising
  • 2005 : The Dry Spell
  • 2007 : The Poughkeepsie Tapes
  • 2008 : Quarantine
  • 2011 : The Night Chronicles: Devil


OUT OF ORDER.
Devil est le premier d'une série de films intitulée Night Chronicles. Ces longs-métrages auront la particularité d'être tous écrits et produits par le réalisateur M. Night Shyamalan (en perte de vitesse depuis pas mal d'années). 

A la manière d'un épisode ludique de la célèbre série de Rod Serling, La 4è Dimension, Devil tire son effet attractif par sa trame résumable en une ligne : un groupe de 5 personnes se retrouve enfermé dans un ascenseur alors qu'une présence meurtrière indocile semble s'acharner sur chacun d'entre eux. 


Cette série B fleurant bon le divertissement décomplexé du samedi soir mise tout son potentiel et ses effets frissonnants dans un sens de l'efficacité éprouvée à travers une histoire diabolique mettant en vedette le Diable en personne.
Par le fait du hasard, cinq personnes réunies dans l'ascenseur d'un immeuble high-tech vont devoir s'opposer et se confronter parce que l'un d'eux a (peut-être) décidé de supprimer chacun des intervenants.
L'habileté de ce jeu de massacre attrayant et débridé vient du fait que nous ne voyons jamais les agressions violemment commises en leur défaveur puisque les attaques répétées de manière intermittente se dérouleront dans le noir le plus opaque !
Cette idée pernicieuse est formidablement bien gérée et attise le danger d'une manière si perverse et insidieuse.
Ce qui accentue le sentiment anxiogène et l'angoisse perceptible de chacun de nos protagonistes, retrouvés prisonniers dans l'étroitesse d'une cabine d'ascenseur trafiquée ! Ajoutez à cela une ambiance quelque peu suffocante en cohésion avec les sens du spectateur.


Nous sommes bien conscients au fur et à mesure de la structure du récit que le responsable des crimes violemment perpétrés vient du Diable en personne (d'où le titre en anglais). Mais le fait que la police dubitative, assistant impuissante aux évènements diffusés en direct devant un écran de télévision et que les otages davantage paniqués s'accusent mutuellement du potentiel meurtrier présumé nous amène à penser que le coupable pourrait bien être parmi eux.

On déplorera que l'interprétation (bien que crédible) soit si stéréotypée et que chaque intervenant manque singulièrement de profondeur. Car cette petite série B bien troussée et techniquement soignée qui postule d'un argument délirant sait créer une certaine tension angoissée, un suspense futilement constant et des séquences spectaculaires qui n'épargnent pas la violence des impacts subis.
Le final cathartique avec sa morale bienfaisante sur la dualité indissociable du Bien et du Mal, fera pouffer de rire certains spectateurs criant au nanar alors que d'autres adhèreront à sa docile naïveté partant d'un bon sens.


L'ANGE DU MAL.
Nonobstant le peu d'épaisseur attribué aux personnages campés malgré tout avec conviction, une voix-off risible bien pensante et un final tiré par les cheveux, Devil est une série B mineure sans surprise mais oh combien ludique, captivante et parfaitement efficace dans sa réalisation gérée avec savoir-faire (en exemple, la séquence générique est formidablement virtuose).
Un pur plaisir coupable de samedi soir jamais ennuyeux que certains pourront aussi savourer comme un (futur) nanar  débridé auquel son postulat de départ est à lui tout seul un défouloir sardonique.

13.12.10

dimanche 27 février 2011

KINATAY (massacre)

Prix de la mise en scène à Cannes 2009
(avis subjectif d'un puriste amateur)


de Brillante Mendoza. 2009. Philippines. 1H45. Avec Mercedes Cabral, Julio Diaz, Jhong Hilario, Maria Isabel Lopez, Coco Martin, Mark Meily, Lauren Novero, John Regala...

FILMOGRAPHIE: Brillante Mendoza, ou Brillante Ma. Mendoza, est un réalisateur philippin né le 30 juillet 1960 à San Fernando.
  • 2005 : Masahista
  • 2006 : Kaleldo
  • 2006 : Manoro
  • 2007 : Pantasya
  • 2007 : John John (Foster Child)
  • 2007 : Tirador
  • 2008 : Serbis
  • 2009 : Kinatay
  • 2009 : Lola


VIOL ET CHATIMENT.
Récompensé du Prix de la mise en scène à Cannes 2009, Kinatay est l'un des derniers films sulfureux de la croisette qui aura autant divisé les conquis que les perplexes face à cette descente aux enfers aussi sordide que tristement actuelle dans la retranscription "live" d'un fait divers crapuleux vouée à la bassesse humaine et l'avilissement.
Difficile alors de sortir indemne après une telle expérience inhumaine aussi insupportable que bestiale, au risque de vous hanter longtemps après le générique de fin.

Peping, un jeune étudiant en criminologie âgé de 27 ans va travailler le temps d'une soirée pour le compte d'un gang de Manille. Son activité primaire d'homme de service lui permettra de recevoir en échange une somme d'argent conséquente pour subvenir aux besoins de sa fiancée et celui de son fils. Mais cette nuit d'horreur va le marquer à jamais dans sa conscience souillée d'avoir été témoin malgré lui de l'immondice humaine.


Dans une mise en scène alerte ancrée au cinéma vérité, le réalisateur Brillante Mendoza nous invite de prime abord à une ballade touristique dans la localité de Manille située aux Philippines. C'est la vie conventionnelle du jeune Peping que nous allons suivre durant la première partie comme cette leçon pédagogique inculquée dans l'impertinence des élèves à l'école de police ou le fait plus harmonieux qu'il parte assister à l'union maritale d'une assemblée d'élus dans une salle festive bondée. Avant de finalement retrouver sa famille au gré d'un déjeuner amical dans le restaurant d'un flunch convivial.
Au dela de ces moments intimes et futiles, de nombreuses séquences prises sur le vif de la vie quotidienne des citadins locaux nous seront axées à l'aide d'une caméra mobile fixée sur l'épaule.
Ce n'est qu'à la nuit tombée que l'ambiance frivole, parmi la population massive d'une ville en ébullition, va doucement s'étioler pour nous faire pénétrer à l'intérieur d'un night club dépravé. Nous allons suivre après coup à la sortie de cet endroit putassier, quasiment en temps réel, la virée nocturne de Peping et cette bande de briscards crapuleux qui ont décidé de kidnapper une jeune droguée prostituée, incapable de payer leur somme sollicitée.
Furtivement désorienté et perturbé par la violence bestiale commise sur la victime par ces bourreaux, réunis dans l'étroitesse d'une voiture roulant en pleine agglomération nocturne, le jeune garçon contrarié et désarçonné va lentement perdre pied face à cette labeur continuelle.
Cette longue séquence déstabilisante inscrite dans la banalité d'un quotidien soudainement glauque et inquiétant nous entraine dans une errance opaque terriblement anxiogène. Durant plus de vingts minutes, nous allons suivre cet itinéraire routier morne et hasardeux vers une lointaine destination pour accéder à un point de chute irréversible.
C'est ici, dans la pièce aménagée d'un sous-sol décrépit d'une sombre demeure que le basculement dans l'horreur la plus hideuse va s'octroyer.


A l'aide d'une continuelle partition musicale blafarde et bourdonnante faisant intervenir divers bruitages stridents, lourds ou perçants, l'ambiance suffocante hautement malsaine va lentement nous étreindre jusqu'à ce que l'agression fatale et insoutenable nous achève de plein fouet.
Sans complaisance mais avec provocation et sens brutal du réalisme tangible, Brillante Mendoza dérange, provoque, perturbe, créé le malaise, voir l'écoeurement. Il traite de la violence ordurière sans aménager de concession libératrice, de la déchéance du Mal à l'état brut et surtout des conséquences psychologiques pour celui qui en sera malencontreusement témoin, impuissant d'agir et de pouvoir sauver la vie d'une prostituée condamnée.
C'est l'introspection pathétique de cet homme de 27 ans impliqué dans une agression putride, témoin apathique de l'image de  l'abomination, déchargé d'une quelconque audace ou d'un potentiel soutien envers la victime infligée.
Ce n'est qu'après l'horreur fustigée que le nouvel homme qui se regarde dans le miroir ne puisse reconnaitre le reflet de son innocence mais plutôt celui de percevoir la médiocrité de sa lâcheté ainsi que la peur craintive de sa propre identité . Une prise de conscience pervertie, à jamais souillée sans pouvoir accéder à une quelconque rédemption cathartique.


AUTONOMIE D'UN MASSACRE.
Interprété par le jeu naturel et dépouillé de comédiens convaincus, baignant dans une ambiance cauchemardesque d'une sévère rigidité, Kinatay est un film profondément malsain, trop éprouvant et nihiliste pour accéder à une certaine faveur ou une reconnaissance admise. Sa narration limpide, sans aucune surprise, mise en scène à la manière d'un reportage, en direct de la crudité des évènements consolidés dans l'immondice conclut sa devise dans la banalité du lendemain routinier. Pendant que la population éveillée débute sa journée matinale avant de découvrir un nouveau fait-divers macabre tristement actuel.
Un final abrupt sans morale pour notre héros corrompu, condamné à oublier ce dont il a été témoin, obliger de s'atteler à son devoir parental pour subvenir à sa tache familiale. Parce que le temps rotatif est infatigable et que l'humanité suspicieuse ou lamentée se noie dans l'égotisme personnel. Dans la banalité de l'existence manichéenne.
A réserver à un public adulte et averti.

17.12.10