mardi 5 avril 2011

Lisa et le Diable / Lisa e il diavolo


de Mario Bava. 1972. 1h35. Italie/Allemagne/Espagne. Avec Elke Sommer, Telly Savalas, Sylva Koscina, Alida Valli, Alessio Orano, Espartaco Santoni, Eduardo Fajardo, Gabriele Tinti.

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1972: Lisa et le Diable. 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).

                                   

Après le succès de Baron Blood, le producteur Alfredo Leone propose à Mario Bava de réaliser un nouveau projet en lui laissant carte blanche sur le contenu scénaristique et sa facture visuelle. Le réalisateur s'empare alors d'un ancien script de son défunt père afin de lui rendre personnellement hommage. Mais un problème survient lors de sa première projection au marché de Cannes sachant que Lisa et le diable n'enchante guère les distributeurs trouvant l'oeuvre beaucoup trop confuse, complexe et personnelle. Alfredo Leone décide alors avec l'accord de Mario Bava de remonter le film en y incluant des séquences horrifiques d'exorcisme de manière à surfer sur le succès de l'Exorciste de Friedkin. Le maître italien étant un fervent catholique, il s'offusque à oser insérer ces séquences additionnelles de possession sataniste. Sorti en 75 sous le titre, La Maison de l'exorcisme, le succès commercial est cette fois-ci au rendez-vous. Un filon mercantile pour le producteur quand bien même Bava ne sera pas crédité à la réalisation (ce qui portera atteinte à leur fidélité amicale pour toujours). Cette copie grossièrement remaniée et dénuée de sens fait donc office de pâle figure comparée à Lisa... que je considère comme le plus beau film du maestro. Car ce diamant noir maudit est d'autant plus injustement dénigré qu'il resta honteusement mis à l'écart durant de longues années et inédit en salles dans nos contrées.

                                   

Le Pitch: Lisa profite de ses vacances dans la ville de Tolède située en Espagne. Durant sa promenade, elle reste frappée par la gravure d'une peinture représentant le diable. Quelques instants après, elle trouve refuge chez un antiquaire ressemblant au personnage de la fresque et tenant entre ses bras un mannequin que Lisa semble familièrement reconnaître. Elle continue sa route vers le chemin de la place principale et rencontre soudainement un individu physiquement semblable au mannequin. Prise de panique, elle le pousse sur la chaussée alors que l'homme semble mortellement blessé. La nuit tombée, la jeune femme égarée demande à un couple circulant en voiture avec chauffeur de la reconduire, mais ils tombent malencontreusement en panne et se retrouvent en face d'une vieille demeure gothique auquel le précédant antiquaire semble être le maître d'hôte de la maison.

                                    

Oeuvre hermétique au pouvoir de fascination incommensurable, Lisa et le Diable est une fuite en avant vers les songes morbides. La frontière entre la chimère et la réalité se juxtaposant ici afin d'égarer autant nos protagonistes, pris dans la tourmente, que le spectateur impliqué dans un engrenage où l'illusion semble totalement à la merci de notre réalité. Là où la force suggestive d'une narration impénétrable nous pousse à tenter de saisir les moindres indices disposés à chaque composante du récit. Ainsi, dans des décors gothiques richement détaillés, rehaussés d'un esthétisme baroque, Mario Bava nous invite à un cauchemar romantique indéchiffrable dans son cheminement aléatoire fourmillant de détails aussi troublants qu'obscurs. Il faut dire que l'histoire profondément romantique, exacerbée par une sublime partition élégiaque d’Aranjuez, nous enivre les sens dans son amertume nostalgique confrontée à une mouvance nécrophile et au delà du charme insolite de Lisa (Elke Sommer est habitée par l'étrangeté de son comportement indécis !). Le spectateur décontenancé semble, tout comme l'héroïne principale, perdu au beau milieu de la nuit, dans le refuge d'une vaste bâtisse au secret familial inscrit dans l'adultère, où des fantômes névrosés semblent errer pour préoccuper les vivants en tentant de renouer avec un amour ancestral !

                                   

Narrer avec force et détail l'histoire fantasmagorique de Lisa et le Diable est quasi inconcevable mais on peut toutefois suggérer qu'il s'agit en résumé d'une famille hantée par le spectre d'Eléna, jeune femme infidèle à la beauté ténébreuse éprise d'amour pour deux amants alors que Lisa semble être sa propre réincarnation. Durant tout le récit, celle-ci est harcelée par le spectre du mari de la défunte atteinte de cécité alors que son fils marié auparavant à Eléna se laissera emporter par le charme trouble de la nouvelle Eléna ! Dès lors, les morts et les vivants ne cessent de s'entrecroiser alors que le diable incarné par un serviteur mesquin d'apparence chauve (surprenant Telly Savallas !) semble se divertir à brimer et manipuler à sa guise ses invités pour les fondre l'instant d'après en mannequin de cire ! Le final tout aussi cauchemardesque et désarticulé illustrant Lisa prise au piège à bord d'un avion serait alors le dernier trajet pour l'enfer d'une femme condamnée d'avoir corrompu l'amour. La diable, maître de cérémonie, serait alors l'instigateur de cette machination pour mieux déprécier celle par qui le scandale est arrivé. A moins que le récit torturé n'était qu'un rêve fantasque d'une jeune dame refoulée, impressionnée par la fresque médiévale d'une présence démoniaque perpétrant sur sa psyché un cauchemar insensé explosant les frontières entre rêve et réalité !

                                    

Fantôme d'amour.
Incarné par des comédiens transis d'émoi, Lisa et le diable s'édifie en somptueux poème funèbre d'un romantisme inassouvi. Un rêve illusoire jonché de mannequins et de statues enracinés dans leur époque vétuste alors qu'une jeune femme hantée par ses offenses semble revenir sur les lieux d'une tragédie sentimentale soumise par l'influence du diable. Traversé d'images oniriques à la beauté macabre charnelle, ce chef-d'oeuvre immuable constitue une éloge à la fantasmagorie la plus obsédante. Sitôt le générique écoulé, difficile alors de retrouver une parcelle de lucidité dans le retour à notre banale quotidienneté. Une idée insatiable me traverse alors promptement l'esprit ! Revoir Lisa et le diable et ne plus jamais en sortir !


*Bruno
23.08.23.
05.04.11     
30.12.23. Vistfr. 4èx

lundi 4 avril 2011

LA CHAMBRE DES MORTS


de Alfred Lot. 2007. France. 1H53. Avec Mélanie Laurent, Eric Caravaca, Gilles Lelouche, Jonathan Zaccaï, Céline Sallette, Laurence Côte, Jean François Stevenin, Nathalie Richard, Stéphane Jobert.
Sortie en France le 14 Novembre 2007.

FILMOGRAPHIE: Alfred Lot est un réalisateur et scénariste Français.
2007: La Chambre des morts
2009: Une petite zone de turbulence

                                    

Premier long-métrage d'Alfred Lot, La Chambre des morts, adaptation cinématographique du roman de Franck Thilliez, empreinte la voie du thriller US en s'allouant d'une ambiance pesante et opaque, dans la mouvance du Silence des Agneaux et son angoisse palpable paroxystique des derniers retranchements.

Deux individus éméchés circulant en voiture à vive allure renversent par accident un homme alors qu'il venait de rapporter une rançon d'un million d'euros pour délivrer sa fille kidnappée. Le duo décide de se débarrasser du corps et s'emparer de l'argent, pensant qu'il s'agit d'un butin de malfaiteur.
Le lendemain matin, après la découverte du corps du père de famille, la police dépêchée sur les lieux d'un entrepôt trouve le cadavre de sa fille atteinte de cécité, alors que des poils d'animaux sont laissés comme indice. Quelques jours plus tard, une seconde adolescente issue d'une famille précaire et souffrant de diabète est à nouveau enlevée. La jeune policière Lucie et son collègue Norman enquêtent sur cette sombre histoire laborieuse.

                                        

Interprété par une flopée de comédiens modestement discrets et au physique naturel concordant, La Chambre des Morts suit l'enquête difficile de deux inspecteurs de police, Lucie, célibataire inflexible mais mère de deux enfants, et son équipier, le lieutenant Norman, secrètement amoureux de cette partenaire introvertie occultant un douloureux secret infantile.
Dès le préambule percutant, particulièrement inopiné dans les circonstances requises pour faire intervenir deux meurtres étroitement liés à une affaire de kidnapping sordide, le ton mortifère est donné. L'ambiance est réaliste, lourde et austère, dénuée d'effets épurés avec l'apparition spectrale d'une jeune fille morte au sourire inerte, retrouvée ligotée sur une chaise dans l'environnement glauque d'un entrepôt vide.
Cette découverte macabre particulièrement dérangeante et poignante, éludée d'outrance putassière nous donne irrémédiablement l'envie de découvrir le cheminement de cette sombre affaire d'enlèvement infantile. Alors que le ou les coupables présumés semblent eux-mêmes profondément affectés par un passé potentiellement lié à une enfance maltraitée (d'où la présence de ses flashs-back récurrents établissant une relativité entre le tueur et l'inspectrice de police).

Avec sa texture blême d'une photographie blafarde, Alfred Lot nous entraîne parmi la complicité des solides comédiens Mélanie Laurent et Eric Caravaca à suivre une troublante enquête cauchemardesque aux cimes du conte horrifique durant ses vingts dernières minutes éprouvantes, remarquablement menées sur un rythme intensif et accentué par le tempo envoûtant d'un score musical entêtant. Un final qui rappelle fortement le point d'orgue angoissé du Silence des Agneaux quand Clarice Starling essaie d'appréhender le coupable dans l'investissement de la propre demeure du tueur. Le psyché traumatique liée à l'enfance de Lucie est également à peine influencé par le personnage docile qui était campé par Jodie Foster (alors qu'à un moment précis d'une séquence anodine, on apercevra brièvement dans la bibliothèque de la brigadier le fameux roman du second opus de Thomas Harris !).

                                 

Noir et rugueux, La Chambre des morts nous impose l'endroit grisonnant d'une cité minière du nord de la France avec l'attribution de quelques décors peu communs comme le refuge nocturne d'une boite sado-maso échangiste, un zoo animalier régit par un néfaste taxidermiste, une cave lugubre décrépie, un petit logement aménagé d'animaux empaillés ou l'endroit flamboyant et gothique d'une chambre majestueuse, héritée de la Hammer film.
Alors que les nombreux personnages qui parsèment le récit se révèlent le plus souvent des marginaux torturés, pervertis, avilis par le mal ou des individus esseulés, meurtris, aigris, évoluant dans un milieu social peu privilégié.
  
L'élégante Mélanie Laurent interprète avec candeur, flegme et spontanéité le personnage secret d'une jeune célibataire refoulée, victime malgré elle d'un passé vilipendé, profondément esseulée dans son existence terne même si l'éducation de ces deux jeunes enfants lui permet d'accorder un regain d'intérêt pour son avenir sans ambition.
Son partenaire Eric Caravaca impute une aimable composition de lieutenant confirmé dans une discrète prestance épris aux sentiments amoureux pour son équipière de service.
Gilles Lelouche se révèle parfaitement tempéré dans la peau d'un père de famille rongé par le remord d'avoir osé transgresser les lois dans sa complicité indirecte de devoir dissimuler un cadavre pour l'appât d'un gain faramineux. Son acolyte interprété par Jonathan Zaccaï est tout aussi royal de conviction dans ses exactions crapuleuses en chute libre impliquant le crime gratuit éhonté.
ATTENTION SPOILER !!!
Céline Sallette était totalement appropriée pour s'investir d'un rôle chétif dans sa psychologie meurtrie et traumatisée par une enfance galvaudée. Elle se révèle particulièrement inquiétante, ombrageuse dans ses accès dérangés d'une folie meurtrière impliquant la présence décharnée de primates anthropoïde, de loups et de chiens de chenil empaillés.
FIN DU SPOILER.

                                      

Passé inaperçu à sa sortie et peu aidé par une critique timorée à louer les qualités formelles d'un thriller glauque captivant, La chambre des morts est une excellente surprise pour le cinéma de genre hexagonal. Son ambiance opaque et blafarde constamment prégnante, l'interprétation habile de chaque comédien inscrit dans une existence socialement minante ou dans l'anxiété d'une psychologie ébranlée et la qualité d'un scénario frivolement touffus mais passionnant acheminent un thriller oppressant des plus séduisants.

Dédicace à Jean François Dupuy.
04.04.11.
Bruno Matéï.

mercredi 30 mars 2011

LE ROYAUME DE GA'HOOLE, LA LEGENDE DES GARDIENS


Legend of the Guardians : The Owls of Ga'Hoole. de Zack Snyder. 2010. U.S.A. 1H39. Avec Emily Barclay, Abbie Cornish, Essie Davis, Adrienne DeFaria, Joel Edgerton, Deborra-Lee Furness, Sacha Horler, Bill Hunter...

Date de Sortie. France: 27 octobre 2010, U.S.A: 24 septembre 2010

FILMOGRAPHIE: Zack Snyder est un réalisateur, scénariste et acteur américain né le 1er mars 1966 à Green Bay, Wisconsin (États-Unis).
2004 : L'Armée des morts
2007 : 300
2009 : Watchmen
2010 : Le Royaume de Ga'hoole : La Légende des gardiens
2011 : Sucker Punch
2012 : Superman: Man of Steel


    L'histoire est celle de Soren, un jeune hibou à qui son père relate la légende des Gardiens de Ga'Hoole, une bande de guerriers ailés mythiques qui menèrent une grande bataille afin de préserver la race des hiboux menacée par "les purs", des êtres démoniaques.


    Malheureusement je ne pourrais pas faire une critique détaillée par manque de temps mais je ne regrette pas LE ROYAUME DE GA'HOOLE.
    C'est un joli spectacle flamboyant sur les valeurs du Bien et du Mal, à situer quelque part entre Dark Crystal (les hiboux lobotomisés réduits à l'esclavage d'une puissance maléfique) et La Revanche des Siths (le 3è volet, pour la dualité des frères dont l'un décide de se subordonner aux forces obscures). Les envolées lyriques sont vertigineuses, les images évidemment magnifiques et il y a quelques scores musicaux envoutants et sublimes. Sans compter les séquences d'action quelque peu violentes (pour du familial) avec ses ralentis chorégraphiés, magistralement mis en scène par Snyder. Mission réussie pour notre réal actionner qui n'oublie jamais l'émotion de nos attachants hiboux ! L'animation est pour pas changer bluffante !




    mardi 29 mars 2011

    A BOUT PORTANT


    de Fred Cavayé. 2010. France. 1h24. Avec Gilles Lellouche, Roschdy Zem, Gérard Lanvin, Elena Anaya, Mireille Perrier, Claire Perot, Moussa Maaskri, Pierre Benoist, Valérie Dashwood, Virgile Bramly...

    Date de sortie France: 01 Decembre 2010.

    FILMOGRAPHIE: Fred Cavayé est un réalisateur français né à Rennes le 14 décembre 1967.
    2008: Pour elle
    2010: A bout portant.

                              

    Dans la lignée des films d'action hollywoodiens correctement emballés, A bout portant a de quoi rivaliser en terme de mise en scène maîtrisée menée à un rythme effrénée. Doté d'un indéniable savoir-faire technique, le réalisateur débutant Fred Cavayé prouve qu'il est un habile faiseur de polar survitaminé. Mais est-ce pour autant la résultante d'un grand film d'action laissant dans la mémoire une trace indélébile ?

    Samuel est un infirmier vivant paisiblement avec sa femme qui est sur le point d'accoucher. Un jour, un gang de malfrats débarque brutalement à son domicile pour kidnapper sa compagne. Quelques instants plus tard, après avoir été violemment assommé, Samuel se réveille avec la sonnerie de son téléphone portable ! Au bout du fil, les ravisseurs lui somment d'enlever un homme gravement blessé réfugié dans son centre hospitalier et surveillé par les forces de l'ordre. Mais pour cela, il  n'a que trois heures à remettre à ses malfaiteurs ce suspect dangereux afin de sauver la vie de sa dulcinée.

                             

    ATTENTION SPOILER !!! Deux hommes dans la ville que tout oppose, seuls contre tous, vont tenter de déjouer un odieux complot machiavélique mettant en cause un important dirigeant des services de police, coupable d'avoir commandité un crime en guise d'héritage faramineux. FIN DU SPOILER.
    Voilà en gros le bref résumé de ce polar clinquant misant tout son potentiel dans une imparable efficacité de revirements intrépides et d'action échevelée !
    Il sera alors bien difficile pour le spectateur de s'y ennuyer tant les situations pernicieuses et les coups de trafalgar éloquents se succèdent à un rythme maximum ! Le problème avec ce genre de bondissant spectacle totalement ludique, c'est qu'il ne mise que sur son caractère haletant et spectaculaire au détriment des personnages et de la consistance d'un solide scénario. Car c'est là où le bas blesse avec ce projet prometteur car les revirements incessants et rebondissement haletants en font finalement tellement des tonnes que les invraisemblances et les grosses ficelles coutumières pullulent avec une facilité déconcertante. Comme les tentatives d'évasion de notre héros sautant du haut d'une fenêtre d'un appartement pour regagner celle située en face avec une improbable aisance ! Ou celui d'empoigner avec une désarmante agilité une altère pour la balancer dans la gueule de son adversaire hostile ! Des exemples comme ceux énumérés sont introduits à intervalle régulier durant la globalité du récit endiablé !
    Mais le pire intervient avec l'arrivée organisée d'une bande de délinquants défavorisés venus foutre le zouc dans un commissariat sous les recommandations de l'équipier de Samuel, Starter, interprété par Roschdy Zem ! Une séquence loufoque complètement débridée alors que nos héros vont tenter désespérément de s'échapper des locaux policiers dans une succession d'incidents déployés avec une frénésie délurée !

                              

    Techniquement, le film percutant s'en sort haut la main et utilise habilement le maniement d'une caméra inventive investissant les lieux avec une agilité consciencieuse et structurée. Les décors urbains sont esthétiquement soignés et particulièrement bien exploités et les courses poursuites vertigineuses sont parfaitement spectaculairement dirigées.
    Mais l'émotion forte est surtout privilégiée vers son point d'orgue culminant dans une dernière demi-heure particulièrement intense pour les tentatives désespérées que nos héros doivent faire face à rétablir la vérité et retrouver saine et sauve une otage condamnée à une mort certaine !

    Gilles Lelouche se sort honorablement d'un rôle de citoyen lambda destiné à retrousser ses manches et devenir un valeureux héros pour sauver la vie de sa jeune future mère de famille. Agile, bondissant et téméraire, l'acteur dirigé à contre-emploi offre le meilleur de lui même dans une jolie prestance qui permet d'accentuer le caractère dramatique de sa situation désespérée.
    L'excellent Roschdy Zem et sa trogne confirmée de briscard finaud au regard austère assure un maximum dans sa froideur déterminée à faire payer les responsables de sa traque démesurée. Son déploiement de violence ferme et sa capacité à s'extraire des pires situations accordent pas mal de crédit envers cette incessante chasse à l'homme.
    Gérald Lanvin dans le rôle du salaud détestable compose avec son habituelle autorité et son charisme endurci un personnage perfide, potentiellement dénaturé par une expression quelque peu caricaturale dans son regard noir dénué de la moindre parcelle d'humanité.

                               

    Sous ses airs de 24 h chrono limité en 3 heures de direct, A bout portant est un bon film d'action techniquement adroit et mené à un rythme d'enfer. Malheureusement, son scénario classique n'éludant pas les invraisemblances et les facilités requises empêchent le film captivant de se hisser au niveau du polar brut mémorable.
    Alors que l'interprétation globalement pertinente et l'efficacité des scènes d'action concourent malgré tout de nous faire passer un bon moment aimablement ludique.
    Les fans d'action pure et dure devraient en tous cas y trouver leur compte alors que notre pays hexagonal fait honneur au cinéma de genre techniquement judicieux et acéré.

    29.03.11
    Bruno Matéï.

    dimanche 27 mars 2011

    MOTHER AND CHILD. Grand Prix au Festival de Deauville 2010.

     

    de Rodrigo Garcia. 2010. U.S.A. 2H06. Avec Naomi Watts, Samuel L. Jackson, David Morse, Annette Bening, Carla Gallo, Brittany Robertson, Kerry Washington, Amy Brenneman, Tatyana Ali, Marc Blucas...

    Date de Sortie: France: 17 novembre 2010, U.S.A: 07 mai 2010.

    FILMOGRAPHIE:  Rodrigo Garcia est un réalisateur colombien né le 24 Aout 1959. Après diverses séries TV, il entreprend de passer au long-métrage en 2008 avec Les Passagers.
    2008: Les Passagers. 2010: Mother and Child. 2011: Albert Nobbs.

                                            

    Grand vainqueur du Festival de Deauville en 2010, Mother and Child établit sans niaiserie un drame intimiste et pudique décrivant avec une sobre sensibilité le témoignage tourmenté de trois femmes lamentées. Une frustration commune de ne pouvoir accéder à leur rêve d'une union familiale et maternelle inscrite dans la sérénité et l'épanouissement. Karen est une quinquagénaire caractérielle, solitaire et introvertie, contrariée par l'état de santé fébrile de sa mère gravement malade. Sa fille Elisabeth a été abandonnée à sa naissance alors que Karen n'avait que 14 ans au moment de l'accouchement. Elle est aujourd'hui une avocate cumulant les conquêtes masculines jusqu'au jour où elle envisage la naissance d'un enfant avec son patron. Lucy est une jeune fille inféconde mais qui décide en ultime recours d'adopter un enfant avec le soutien de son compagnon. Par le fruit du hasard, ces trois femmes inassouvies plongées dans l'amertume et les incertitudes vont finalement fusionner et s'épauler grâce à l'alchimie de l'amour cathartique.

                                         

    Dominé par la présence chétive et gracieuse de trois actrices formidables de justesse et de frugalité, Mother and Child est comme son titre le suggère l'union universelle des relations parentales bafouées. Une description introspective sur les rapports difficiles et conflictuels de trois femmes confrontées à la lâcheté, l'égoïsme et l'immaturité de parents complexés car eux mêmes fustigés par leur enfance déloyale soumise à la souffrance morale. C'est ce manque d'amour, de communication et de dignité qui aura à jamais changer leur destinée et leur manière précaire de prendre en main un avenir austère pour la naissance éventuelle d'une progéniture infantile. Le réalisateur Rodrigo Garcia décrit avec un soin humaniste entièrement dédié à la ligue féminine et sans discours pompeux le poignant cheminement de ces trois femmes profondément meurtries par leur passé troublé. Une fêlure ancrée dans leur mentalité depuis leur enfance galvaudée par la cause d'une démission maternelle, alors qu'une malformation congénitale est sévèrement réprimée pour l'une d'entre elles incapable de procréer. C'est ce parcours tortueux, semé d'obstacles que nous allons suivre durant leurs moments intimes de doute et d'espoir jusqu'au jour où la fatalité souhaite les unir pour tenter de réconcilier les rancoeurs et sauver l'avènement d'un nouvel enfant.

                                                

    Naomi Watts incarne avec sensualité et un charme désenchanté sous-jacent le profil instable d'une jeune avocate courtisane et indépendante, incapable d'assumer un foyer familial à cause d'une mère absente depuis sa naissance. Son instinct maternel d'entreprendre malgré tout la naissance d'un enfant et le fait de retrouver sa mère biologique sont une manière rédemptrice de pouvoir offrir un regain d'intérêt à sa vie esseulée éludée d'un amour pur et épanoui. Et ce, même si son nouvel amant (Samuel L. Jackson) semble avoir la maturité nécessaire pour s'y accorder avant de se défiler au moment le plus opportun. C'est Annette Bening qui compose le rôle fragile d'une quinquagénaire taciturne et caractérielle, victime d'avoir enfanté dès son plus jeune âge un enfant qu'elle s'est vue contrainte et forcée d'abandonner. Sans doute le personnage le plus empathique du trio du fait d'une vie morne jalonnée de déceptions amoureuses mais surtout une femme à l'aube du 3è âge, rongée par la culpabilité à cause d'une fille qu'elle aura trop longtemps dénigré. Enfin, Kerry Wahington (les 4 Fantastiques / The Dead Girl) interprète avec conviction une jeune femme de couleur déterminée à adopter un enfant en guise d'infécondité mais lâchement abandonnée et trahie par deux évènements fortuits. Son impatience, son pessimisme illégitime et son manque de courage envers un enfant qu'elle ne connait pas seront malgré tout privilégiés par la présence cette-fois ci fructueuse d'une mère aimante et attentionnée qui aura l'intelligence maternelle d'inculquer à sa fille son éthique liée au devoir parental, aux sens des valeurs mises en exergue dans la dignité humaine.

                                            

    Superbement interprété par trois actrices candides, Mother and Child est un drame fébrile réalisé avec modestie et pudeur compromis à la filiation générationnelle de femmes engagées à rendre leur vie plus harmonieuse par l'entremise de la fécondité. Dans une mise en scène dépouillée de sentiments lacrymaux, Rodrigo Garcia dépeint avec vérité mesurée le témoignage de ses femmes versatiles et refoulées blâmées par la faute de parents irresponsables. Mother and Child démontrant que l'innocence infantile est la période de la vie la plus précieuse, qu'il faut à tous prix en préserver sa pureté par l'amour conjugal engagé dans une relation de confiance et d'équilibrée épanoui.

    28.03.11
    Bruno Matéï.
                                           

    mercredi 23 mars 2011

    Harry Brown

                   
    de Daniel Barber. 2009. Angleterre. 1h43. Avec Michael Caine, Emily Mortimer, Liam Cunningham, Iain Glen, Jack O'Connell, Charlie Creed-Miles, Ben Drew, David Bradley, Raza Jaffrey, Joseph Gilgun...

    Date de Sortie. France: 12 janvier 2011 / U.S.A: 30 avril 2010

    FILMOGRAPHIE: Daniel Barber est un réalisateur britannique. 2007: The Tonto Woman (court-métrage). 2009: Harry Brown.

                                               

    Sur les traces d'Un Justicier dans la ville, Vigilante, le Droit de tuer ou plus récemment l'excellent hommage Death Sentence, ce premier film du réalisateur anglais Daniel Barber renoue avec la violence hardcore, abrupte et poisseuse du Vigilante movie sur fond de malaise des banlieues. Et ce sans ne jamais verser dans la surenchère racoleuse comme il est généralement requis chez les films d'exploitations. Ainsi, cet électro-choc subversif s'avère d'une puissance dramatique rarement illustrée de manière aussi clinique pour le genre (stigmatisé) de l'auto-défense, trop souvent engagé dans le pur divertissement réac (pour ne pas dire fascisant). Le Pitch: Après le décès de sa femme gravement malade, Harry est un retraité reclus dans l'immeuble précaire de son quartier contrôlé par la délinquance environnante. Profondément peiné de la disparition de sa défunte, il coule des jours langoureux en compagnie de son ancien ami Léonard en se remémorant avec nostalgie son passé idyllique entre deux parties d'échec. Un jour, Léonard résidant dans le même bâtiment lui avoue avec désespoir son ras le bol de devoir faire face à une bandes de jeunes désoeuvrés qui ne vivent que pour la violence, via leurs récurrents règlements de compte faute de trafics de drogue. Le lendemain de leur discussion, la police dépêchée au domicile de Harry lui apprend que son ami a été retrouvé sauvagement assassiné sous un tunnel à proximité de leur building. De surcroît, il aura fallu un autre incident majeur portant atteinte cette fois-ci à Harry pour que l'homme déchu se transforme en justicier vindicatif.

    VIOLENT SHIT.
    Ainsi, à travers une mise en scène rugueuse impeccablement maîtrisée portant une sensible attention à l'humanité meurtrie de ses personnages, Harry Brown nous emmène droit en enfer, au coeur d'un problème de société davantage expansif et sinistré: la montée de l'ultra-violence par l'entremise de la délinquance juvénile. Dès le âpre préambule, filmé caméra tremblotante à l'épaule, le ton est donné ! Un acte de violence lâchement gratuit est brutalement perpétré envers une mère de famille horrifiée ! Alors que sa conclusion ironiquement percutante ciblant nos meurtriers décervelés nous surprend de façon impondérable de par sa pathétique destinée involontairement fustigée. Sans compromis et refus du spectaculaire pétaradant, car avec souci de véracité proche du documentaire, Harry Brown nous entraîne irrémédiablement dans la moiteur d'un climat malsain tangible, sordide et poisseux octroyé à une folie meurtrière d'un nihilisme confondant ! Si bien que le cheminement mortuaire de ce retraité pacifiste et docile de prime abord demeure une langoureuse épreuve suicidaire afin d'y rétablir la justice individuelle au sein d'un monde putride en état d'agonie ! Chaque personnage marginal que Harry côtoie étant incarné par des comédiens sidérants d'authenticité de par leur charisme fétide de trogne burinée, fracassé d'une existence en déliquescence et ravagé par le fléau de la drogue dure. Des brutes psychotiques se vautrant en toute négligence dans l'insalubrité uniquement destinées à l'auto-destruction et l'addiction refoulée de la violence immorale. Des acteurs faméliques si criant de vérité que l'on en vient même à se demander s'il ne s'agit pas de véritables toxicomanes jouant leur propre rôle face l'écran ! A titre d'exemple imparable, la séquence qui voit Harry Brown pénétrer dans l'enceinte d'un appartement crasseux suintant la puanteur et l'écume auquel deux camés ont maltraité une jeune prostituée après avoir filmé leurs ébats sexuels s'avère sidérant de malaise persuasif. Une atmosphère licencieuse est dévouée à s'insinuer lentement à travers notre psyché tourmentée avant l'explosion de violence aussi explicite que radicale !
                                 
    Par conséquent, ce parcours funeste dirigé avec autorité par un cinéaste consciencieux démontre avec un esprit de maturité et une puissance dramatique acérée le cheminement de certains protagonistes épaulés par leur moralité mais irrésolus, impuissants face à la sauvagerie d'une jeunesse qu'ils ne comprennent plus. Un triste constat déloyal nous est donc établi sans détour si bien que la communication est définitivement rompue à travers l'intolérance des deux camps rivaux pour cause d'une parité davantage discriminatoire et tendancieuse. Alors que certains parents incriminés et responsables sont également de la partie pour déraciner une société laxiste en chute libre, sans déontologie, pratiquant une violence punitive sauvagement rétorquée. C'est l'immense Michael Caine qui s'accapare de l'écran avec une austérité amère pour envoûter chaque séquence dans la déchéance humaine de ces quidams toxicos et meurtriers qu'il combat sans restriction. Une imposante présence humaine chétive car n'oubliant jamais sa dignité empathique (voir la séquence où il décide de sauver une jeune fille droguée en allant la déposer devant l'entrée d'un hôpital) pour un homme soudainement laminé par le poison de la violence gratuitement perpétrée. Un vengeur spectral et méthodique étrangement diabolisé par l'emprise de la haine, l'iniquité et la rancoeur. Ce qui aura pour conséquence irréversible d'alimenter sa vengeance expéditive. Démuni de ceux qu'ils chérissaient, anéanti par la perte de son vieil ami sauvagement assassiné dans des conditions atroces, l'acteur habité par sa souffrance élégiaque nous envoie en pleine face son malaise insurmontable de devoir nécessairement affronter en ange exterminateur des jeunes délinquants réduits à l'état primal. 

    TOUTE SOCIETE ENGENDRE LES CRIMES QU'ELLE MERITE.
    Nonobstant un final futilement conventionnel dans son effet de suspense escompté, Harry Brown est un cauchemar urbain d'une aura viscérale suffocante. Noyé d'un pessimisme alarmant, le film profondément dérangeant dépeint avec une vérité aride qui laisse sur les rotules un terrifiant sentiment d'échec sur la délinquance juvénile. Un tableau tristement actuel sur cette jeunesse désoeuvrée réfugiée dans la drogue et la banalité de la mort, totalement désorientée d'un avenir impondérable et négligeable, et donc davantage enracinée dans leur révolte aliénée. Alors que les forces de l'ordre ordonnées à éradiquer les émeutes intempestives se regroupent machinalement à une guerre sans merci pour un scénario stéréotypé qui ne fera que se répéter à l'infini. Et ce n'est pas au final les résultats insidieux des chiffres prometteurs de la baisse de la délinquance qui viendront nous réconforter sur l'avenir d'une génération sacrifiée, prête à y ordonner le chaos ! Proprement effrayant de lucidité, tristement actuel et implacablement dévastateur !

    Dédicace à Philippe Beun-Garbe et Daniel Aprin.
    23.03.11
    Bruno Matéï.
                         
                                           

    mardi 22 mars 2011

    NAVIGATOR (The Navigator: A Mediaeval Odyssey)

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinebisart.com

    de Vincent Ward. 1988. Australie/Nouvelle Zélande. 1h31. Avec Bruce Lyons, Chris Haywood, Hamish McFarlane, Marshall Napier, Noel Appleby, Paul Livingston, Sarah Peirse, Mark Wheatley, Tony Herbert, Jessica Cardiff-Smith...

    Date de sortie: U.S.A: Décembre 1988.

    FILMOGRAPHIE: Vincent Ward est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur néo-zélandais né en 1956 à Greytown (Nouvelle-Zélande).
    1984 : Vigil. 1988 : The Navigator: A Mediaeval Odyssey. 1993 : Map of the Human Heart. 1998 : Au-delà de nos rêves. 2005 : River Queen


    Une décennie avant la guimauve Au delà de nos rêves (désolé pour les fans), le méconnu Vincent Ward s'était surpassé en 1988 pour mettre en boite un film maudit, chef-d'oeuvre d'aventures fantastiques inexplicablement condamné à l'oubli, voir l'indifférence depuis sa discrète sortie en salles. En 1348, dans un village anglais, la peste noire fait rage et terrorise les habitants. Mais un groupe d'aventuriers mené par un enfant prodige part à la quête d'une cathédrale située à l'autre bout du monde pour y déposer une croix. Pour cause, c'est à travers la vision d'un rêve prémonitoire que le jeune Griffin parvint à convaincre ses camarades que seule une icone religieuse pourrait les protéger de la maladie mortellement contagieuse. Mais en creusant un tunnel, ils se retrouvent projetés quelques siècles plus tard, en 1988, dans l'agglomération urbaine de la Nouvelle-Zélande ! Attention ovni immersif saisissant de réalisme historique, à situer quelque part entre Bandits, bandits de Terry Gillian et le (tristement) célèbre Les Visiteurs de Jean Marie Poiret ! L'oeuvre insolite s'avère d'autant plus captivante et dépaysante qu'elle est endossée par des comédiens méconnus criant de vérité tant et si bien qu'on les croiraient sortis de l'époque médiévale dans lequel ils évoluent ! Comme le sous-titre originel l'indique, cette odyssée médiévale conduite avec entrain par deux frères et quatre acolytes nous transporte au sein d'un périple fantastique à la fois baroque et délirant.


    En effet, de manière récurrente, nombre de séquences impromptues vont interférer chez nos héros en herbe, comme celles de traverser prudemment une autoroute à la circulation intensive, s'opposer contre les grues d'un chantier industriel en travaux ou encore affronter à bord d'une barque, et accompagné d'un cheval blanc, un sous-marin s'extirpant brusquement de la mer déchaînée. Sans compter qu'un peu plus tard, l'un de nos héros affrontera un train en marche de manière suicidaire, bien avant qu'un autre n'escalade une gigantesque cathédrale pour y implanter la fameuse croix. Nombre de ces situations saugrenues transposées dans notre environnement contemporain auraient pu sombrer dans le ridicule (remember les pitreries des Visiteurs et de l'insupportable Clavier proférant à tout va ses répliques risibles !) si elles n'étaient pas mis en exergue avec autant de réalisme et de soin formel sous couvert du voyage temporel plus vrai que nature. Une escapade semée d'embûches rationnelles mais rendues extraordinaires sous l'impulsion effarée de nos héros confrontés à l'infrastructure de notre monde civilisé. Tel l'illumination féerique d'une métropole nocturne, l'apparence futuriste de nos véhicules routiers, la trajectoire outre-mesure d'un navire submersible ou celle rectiligne d'un convoi cheminant à grande vitesse. Outre son panel de cocasseries folingues, la force du récit émane aussi de son contexte médiéval illustrant, non sans humour, sensibilité et poésie, une période noire de pandémie via la transmission mortelle de la peste et d'y semer les thèmes de la peur de la maladie et du sens du sacrifice. Car à travers les songes d'un enfant aux pouvoirs divinatoires, Navigator entreprend notamment de nous conter le voyage initiatique d'une cohésion héroïque avec une candeur humaine fragile.


    D'une fulgurance formelle alternant le noir et blanc et la couleur, et scandé de choeurs religieux, Navigator est un chef-d'oeuvre de fantaisies héroïques au pouvoir de fascination prégnant. Quand bien même on finit par se surprendre de sa dimension dramatique lors d'un final poignant prônant le sens du sacrifice et le code d'honneur familial. Une odyssée féerique inoubliable à découvrir d'urgence ! 

    Note: Le film aurait été couronné de 21 récompenses à travers le monde dont le Meilleur Film à Sitges, au Fantafestival, au New Zealeand Film and TV Awards et à l'Australian Film Institute.

    22.03.11
    Bruno Matéï