dimanche 17 avril 2011

LE SECRET DE TERABITHIA (Bridge to Terabithia)

                                                 

de Gabor Csupo. 2007. U.S.A. 1h35. Avec Josh Hutcherson, AnnaSophia Robb, Zooey Deschanel, Robert Patrick, Bailee Madison, Katrina Cerio, Devon Wood, Emma Fenton, Grace Brannigan, Latham Gaines.

Sortie en salles en France le 28 Mars 2007.

FILMOGRAPHIE: Gábor Csupó est un producteur, scénariste et réalisateur américain né en 1952 à Budapest (Hongrie). 1980: Dance. 2007: Le Secret de Terabithia. 2008: Le Secret de Moonacre


AVERTISSEMENT ! AVANT DE LIRE L'ARTICLE DÉVOILANT LA RÉELLE NATURE DU SUJET, IL EST PRÉFÉRABLE D'AVOIR VU LE FILM !

Vendu comme un sous Narnia, ce second film d'un réalisateur d'origine hongrois, adapté d'un roman de Katherine Paterson (auteur de littérature pour la jeunesse américaine) avait de quoi feindre son public avec son affiche infantile plus proche d'un film d'animation niais réalisé en image de synthèse que d'un métrage factuel incarné par des acteurs de chair et d'os. Car sous ses aspects ludiques de conte de fée mâtiné d'aventures fantastiques s'y dévoile un récit d'apprentissage plutôt ardu sur la notion de deuil chez l'enfant confronté à l'iniquité; mais encore sur les premiers émois amoureux et cette quête d'évasion, exutoire à notre société d'intolérance. Un jeune ado se lie d'amitié avec une camarade, nouvelle élève de son collège. Après les cours, ils se réfugient dans la forêt à proximité de leur foyer pour retrouver un univers qu'ils se sont accordés de fantasmer afin d'échapper à leur quotidien trivial: le monde de Térabithia.

                                      

Avec simplicité et émotion tempérée par deux jeunes comédiens habilement dirigés dans leur expression naturelle, Le secret de Terabithia attise immédiatement sympathie et charme (naïf) dans sa façon d'illustrer le cap de l'enfance impartie à la pureté de l'innocence. Le réalisateur nous dépeignant sans complaisance le portrait juvénile d'un couple d'enfants épris d'amitié et d'affection au gré de leurs aventures. Des instants épanouis d'existence ludique, entre apprentissage scolaire, conflits parentaux et quête intrinsèque d'un irrépressible besoin d'évasion. Ce désir moral d'évacuer la prémices d'une existence anxiogène constitue un refuge salvateur auprès de leur équilibre moral. Ainsi, cette ballade romantique entre deux enfants fragiles nous rappelle un peu la tendresse humaine de Stand by me pour le rapport nostalgique conféré à cette époque magique, et la poésie enchanteresse d'une Histoire sans fin pour cette féerie infantile jamais surchargée en effets-spéciaux ostentatoires. La bonne idée du réalisateur étant également de nous dévoiler dès le départ que tout ce que nous voyons et contemplons n'est que la métaphore du pouvoir créatif de la conscience des enfants, avides d'émotions échevelées et de quête d'imaginaire à travers leurs yeux fascinés de la nature solaire. Pour se faire, nos deux héros vont s'inventer un monde fantasque fondé sur la Fantasy. En cela, c'est l'autosuggestion qui leur permettra de créer et matérialiser le monde de Terabithia.

                                        

Mais cette fantaisie gentiment débridée aurait pu continuer sur sa lancée ludique vécue avec émotion par nos héros inséparables si un évènement tragique ne les avaient brutalement opprimé ! Cette déchirante dernière partie totalement inopinée va donc rappeler à l'ordre de l'innocence que la réalité de notre existence est subordonnée à l'injustice de la mort et de sa destinée parfois inéquitable. D'apparence ludique et gentiment distrayant, Gabor Csupo traite ensuite son sujet avec gravité et réalisme pour tenter de répondre au sens d'une vie sacrifiée de plein fouet. Doté d'un charisme prégnant et pétillante de charme docile, la jeune Anna Sophia Robb insuffle une spontanéité naturelle dans sa stature insouciante d'enfant dégourdie. Une baroudeuse indépendante déployant une imagination foisonnante pour la verve de ces récits enchanteurs émaillés de personnages excentriques. Son compagnon Josh Hutcherson lui partage la vedette dans un jeu introverti d'enfant timoré découvrant pour la première fois l'émoi des sentiments avant de se laisser gagner par le chagrin tragique. Féru de tendresse pour sa charmante compagne, il finit par émouvoir et bouleverser de par sa sincérité dépouillée (et donc jamais sirupeuse !) envers sa voie initiatique d'opiner la mort d'un être cher.

                                     

Ferme les yeux et garde ton esprit bien ouvert
Vendu comme un film familial d'aventures fantastiques truffées de péripéties épiques et endiablées, Le Secret de Terabithia se décline comme une douloureuse et magnifique chronique infantile à travers sa brusque rupture de ton, sa radicalité extrême à confronter l'expérience brutale du deuil auprès de l'innocence. Le réalisateur déclarant notamment un hymne à l'amitié et à l'amour, au pouvoir créatif de l'imaginaire, à l'initiation des aléas de la vie et à l'acceptation de la perte d'un être cher. Il y émane une oeuvre éminemment fragile, humble et sincère dans sa démarche pédagogique éludant avec dextérité la niaiserie sentimentale afin d'y délivrer un bouleversant conte dédié à la fois à la magie de l'enfance et à la dure fatalité de la souffrance.

P.S: Pour les plus sensibles, il est préférable de prévoir les mouchoirs quand bien même les plus endurcis risqueraient de se laisser piéger par sa dramaturgie en chute libre ! Avertissement également aux enfants de moins de 8 ans, certains risquant d'être perturbés ou choqués par la noirceur (brut de décoffrage) du sujet.

Dédicace à Luke Mars, Pascal Clabaut et Sandrine Villemard.

* Bruno
18.04.11.


                                       

vendredi 15 avril 2011

LE SOUS-SOL DE LA PEUR (The People under the stairs). Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1992.


de Wes Craven. 1991. U.S.A. 1h42. Avec Brandon Adams, Everett McGill, Wendy Robie, A.J. Langer, Ving Rhames, Sean Whalen.

Sortie France: 15 Janvier 1992, U.S.A: 01 Novembre 1991.

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio.
1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.

                                      

Deux ans après Schocker (serial-killer aux 3000 volts svp !), Wes Craven repasse derrière la caméra pour livrer l'un de ses films les plus cartoonesques où des enfants molestés se fondent dans la peau de héros. Un conte macabre, cynique et drôlement sardonique dépeignant le vampirisme de la bourgeoisie au profit des exclus de l'immigration. Dans un quartier défavorisé, un couple de psychopathes, kidnappeurs d'enfants, règnent en maître sur la population depuis des décennies en louant des immeubles à prix exorbitant. Deux délinquants à la petite semaine accompagnés d'un enfant, dont la mère atteinte d'une tumeur ne peut plus subvenir à ses besoins, vont tenter de cambrioler la demeure des tortionnaires.

                                       

Féroce satire sociale, le Sous-sol de la peur est une série B d'autant plus déroutante qu'elle est dirigée par deux enfants de moins de 12 ans retenus prisonniers par un couple de tortionnaires aux penchants pédophiles ! La narration diablement troussée empreinte de prime abord la voie du conte de fée, façon Hansel et Cretel remis au goût du jour dans un contexte urbain d'une société raciste. La forêt se substituant en métropole, la chaumière en vaste pavillon rempli de pièges et la sorcière symbolisant la caricature perfide de propriétaires cupides. Un frère et une soeur xénophobes très portés sur le confort et le contrôle sécuritaire se sont ici concertés pour asservir la vie de défavorisés en emprisonnant quelques enfants dans leur cave.

                                         

C'est à la suite d'un cambriolage ayant mal tourné qu'un adolescent va se retrouver embrigadé dans leur demeure. Rapidement, il va établir la rencontre d'un jeune adulte mutique réduit à l'état sauvage, car caché dans les cloisons murales. Mais surtout il va se lier d'amitié avec une fillette embrigadée depuis sa naissance, et donc déconnectée de ses repères. Tandis que dans la cave sont entassés depuis longtemps des quidams dépravés livrés à eux mêmes, contraints de pratiquer l'anthropophagie pour subvenir à leur survie. Durant ce périple de l'enfer impliqué dans un dédale de pièces secrètes, les deux enfants vont tenter de s'échapper par toutes les issues possibles de chaque cloison de la demeure alors que les propriétaires affublés d'un rottweiler vont se lancer à leur trousse pour les appréhender.
Dans le rôle du frère pédophile adepte de la chasse à l'homme et du SM (panoplie de Batman à l'appui !), Everett McGill s'avère savoureux de maladresse et de cynisme sarcastique. Au physique détestable de mégère renfrognée, Wendy Robie lui partage la vedette avec sadisme de cruauté et d'humiliation pour sa fonction impérieuse particulièrement imbue.

                                     

Mené à un rythme effréné dans son lot de péripéties horrifiques et de situations pittoresques, Le sous-sol de la peur adopte la démarche d'une satire sociale aussi acide que acerbe par son climat malsain où l'innocence infantile s'avère le pivot héroïques. Cette farce corrosive s'octroie également d'ironiser sur l'instinct pervers d'une bourgeoisie sournoise vautrée dans la richesse de son confort et des biens matériels. 

Récompenses: Prix Spécial du Jury à Avoriaz en 1992.
Pegasus Audience Award au festival du film fantastique de Bruxelles en 1992.

15.04.11. 3.
Bruno Matéï.

mercredi 13 avril 2011

SCREAM. Grand Prix à Gérardmer 1997.


de Wes Craven. 1996. U.S.A. 1H50. Avec Neve Campbell, Vourteney Cox, David Arquette, Skeet Ulrich, Matthew Lillard, Rose McGowan, Jamie Kennedy, Drew Barrymore.
Sortie en salles en France le 16 Juillet 1997, U.S.A le 20 Décembre 1996.

Budget de production (Estimation) : 14 000 000 $
Nombre d'entrées en France : 2 207 347
Recettes USA : 103 046 663 $
Recettes mondiales : 173 046 663 $

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio.
1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.

                                     

Scream est le fruit d'une association entre le jeune scénariste Kevin Williamson et Wes Craven, afin de renouveler la mode du slasher enterré depuis la fin des années 80. C'est l'influence du film Serial Mother de John Waters qui donne l'envie au cinéaste de mélanger cette forme d'auto dérision avec l'horreur des situations. A Woodsboro, une petite ville des Etats-Unis, le corps d'un couple est retrouvé atrocement mutilé dans le jardin d'une demeure familiale ! La police et les journalistes sont à l'affût du moindre indice alors que la jeune lycéenne Sidney Prescott semble être la prochaine cible du tueur masqué. Auréolé du Grand Prix du festival de Gérardmer à sa sortie et d'un énorme succès international,  Scream s'édifie en hommage psychanalytique, un baroud d'honneur au slasher movie initié par Mario Bava, Bob Clark et surtout John Carpenter. Dès le prélude percutant de cruauté et d'intensité dramatique, Wes Craven se joue de notre culture pour le cinéma horrifique et ces codes balisés. Alors qu'une jeune demoiselle est entrain de préparer du pop-corn chez ses parents absents, le téléphone se met à sonner ! Un entretien téléphonique va alors s'échanger avec un mystérieux interlocuteur ironisant sur le plaisir ludique que les adolescents éprouvent durant la projection d'un film d'horreur. Rapidement, la situation va prendre une tournure beaucoup plus hostile suite aux menaces formulées par ce potentiel tueur signalant à sa future victime qu'il a kidnappé son petit ami dans le jardin de la demeure. Un quizz cinématographique lui est alors soumis si elle souhaite retrouver son ami sain et sauf ! Par la faute d'une mauvaise réponse à une question piège (qui est le tueur de vendredi 13 ? Jason répondra t'elle instinctivement alors qu'il s'agit de Mme Vorhes dans le premier volet), la mise à mort de l'héroïne va être illustrée de façon tragique et sans concession par le tueur affublé d'un masque grimaçant après leur poursuite à travers la maison jusqu'au jardin. C'est alors que les parents rentrent tranquillement à leur domicile pour apercevoir leur fille à l'agonie, rampant sur le sol du jardin pour succomber de ses blessures. Il s'agit ici sans aucun doute du moment le plus poignant du film dans l'intensité dramatique du meurtre illustré de manière plutôt abrupte.

                                   

Après cet interlude éprouvant dans sa retorse perversité à se jouer des poncifs (comme le fait que notre tueur trébuchera maladroitement à chaque tentative d'appréhender la victime), nous faisons connaissance avec une autre lycéenne, Sidney Prescott, lycéenne quelque peu réservée et craintive depuis l'assassinat de sa mère perpétré un an plus tôt. Un jeune garçon suspicieux à l'allure de dragueur chevronné est épris d'attirance pour l'étudiante jusqu'à oser pénétré par la fenêtre de sa chambre et tenter de lui faire perdre sa virginité. C'est autour de cette nouvelle héroïne vierge et docile que l'intrigue va se recentrer pour aboutir au final à un jeu de massacre référentiel sur notre rapport à l'image et au pouvoir de la fiction au cinéma. Cette réflexion passionnante trouve son apothéose lors de cette séquence illustrant nos jeunes gamins réunis pour une soirée festive autour du film Halloween. C'est là que l'un d'eux va rappeler à l'ordre les règles élémentaires du cinéma d'horreur afin de pouvoir rester en vie. En gros, s'abstenir de boire de l'alcool, prendre de la drogue et pratiquer le sexe. Au moment convenu mais réinterprété avec ironie dans ce jeu de référence avec l'horreur, le véritable tueur se trouve être en interne de la maison pour commettre ses ultimes méfaits et terrifier son nouveau public (nous, spectateurs !). Mais de l'extérieur de la bâtisse, une équipe de journalistes ayant réussi auparavant à infiltrer une caméra de surveillance dans la demeure va aussi observer par leur écran cathodique tout ce qu'il s'y passe en direct, sauf qu'un décalage de 30 secondes leur est imposé. Dès lors, la séquence visionnée par l'intermédiaire de leur écran qui voit le tueur commettre en direct ses véritables méfaits aura un temps de retard pour ceux qui la regarde. D'où cette confusion de la réalité du point de vue des journalistes quand bien même le meurtrier est déjà à l'extérieur de la maison pour passer à l'acte. Cette démultiplication d'évènements fictifs et réels vus à travers l'écran cathodique se juxtapose ici pour tenter d'analyser notre rapport viscéral et affectif à l'image, notre comportement émotif et notre façon de réagir face à la chimère du cinéaste. Sur ce point, un exemple est éloquent lorsque l'un des journalistes va s'affoler devant sa TV en criant à la potentielle victime : Attention ! le tueur est derrière toi !!! Comme s'il était entrain de visionner une fiction basée sur la peur "ludique" quand bien même le tueur se trouve justement derrière lui pour se préparer à l'égorger ! SPOILER !!! Le final très violent continuera sur cette lancée lorsque nos protagonistes vont opposer l'illusion et leur réalité dans un contexte de jeu improvisé du "film dans le film" afin de suggérer la fin de leur scénario plausible mais aussi attribuer une raison équitable aux motivations des tueurs. En conclusion, Wes Craven pose un regard incisif sur les poncifs du slasher mais aussi sur l'influence de la violence au cinéma. C'est ce qu'il démontre avec l'alibi des assassins se poignardant mutuellement "selon les poncifs du cinéma d'horreur", et s'avouant que la violence au 7è art est uniquement créative pour leurs exactions sans mobile. Fin du SPOILER.

                                  

The last slasher movie
Témoignant d'une efficacité implacable (surtout dans sa seconde partie), bourré de clins d'oeil et de sarcasme, interprété par une pléiade de comédiens complices épatant de verve, Scream peut-être considéré comme l'un des derniers fleurons du slasher. Il se joue autant de l'humour clin d'oeil avec ces multiples références (comme le nom de chaque acteur associé aux héros mythiques du cinéma d'horreur) que des stéréotypes habilement réinventés pour mettre en exergue une satire acerbe mais respectueuse du genre (le film ne se moque jamais du genre horrifique contrairement à la série putassière des Scary Movie).Wes Craven nous sensibilisant également sur le sujet brûlant de la violence au cinéma et sur l'influence qu'elle peut engendrer chez certains esprits fragiles, sur la manière dont elle est perçue et digérée (voir ci-dessous les macabres faits-divers qui eurent lieu après la sortie du film). Passionnant, intelligent, ludique et jouissif, Scream est un classique contemporain aussi roublard que parodique.

Les Chroniques de Scream 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2015/08/scream-2.html
                               Scream 4: http://brunomatei.blogspot.com/2011/04/scream-4.html
13.04.11.
Bruno Matéï.


Récompenses:
Saturn Award 1997 : meilleur film d'horreur, meilleur scénariste et meilleure actrice (Neve Campbell).
MTV Movie Award 1997 : meilleur film.
Festival du film fantastique de Gérardmer 1997 : Grand Prix et Prix "première" du Public.

FAITS DIVERS:
Avril 2000, à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) : Nicolas, 16 ans, avait mis le fameux masque avant d'agresser son père et sa belle-mère à coups de couteau; deux jours plus tard), à Sarcelles (Val-d'Oise), un autre adolescent était interpellé, lui aussi affublé du même déguisement et armé d'un couteau, aux abords de la gare.
Été 2001, à Saint-Cyr-l'École (Yvelines) : cinq jeunes portant le même masque avaient agressé et violé une jeune femme de 21 ans.
Juin 2002, à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique) : un lycéen de 17 ans, revêtu du fameux déguisement du tueur, assassinait Alice, une de ses camarades de classe, âgée de 15 ans. Le garçon, qui selon ses proches ne présentait aucun trouble mental, avait « décidé de tuer quelqu'un », comme il l'a expliqué aux enquêteurs. Après avoir poignardé sa victime à 42 reprises, l'agresseur s'était enfui à l'arrivée d'un voisin qui avait découvert la jeune fille agonisante. Avant de mourir, elle avait eu le temps de donner le nom de son meurtrier. Le 19 novembre 2004, la cour d'appel de Rennes condamne l'assassin à 25 ans de réclusion (contre 22 ans prononcée en première instance).

mardi 12 avril 2011

Hobo with a shotgun


de Jason Eisener. 2011. Canada / U.S.A. 1h26. Avec Rutger Hauer, Molly Dunsworth, Gregory Smith, Nick Bateman, Brian Downey.

Sortie en France le 25 Mars 2011.

FILMOGRAPHIE: Jason Eisener est un réalisateur canadien. 2007: Hobo with a Shotgun. Trailer. 2008: Treevenge. Court-métrage. 2011: Hobo with a shotgun.

                                     

Il faut d'abord souligner qu'en 2007, un faux trailer surnommé Hobo with a shotgun, spécialement conçu pour le projet "Grindhouse" de l'association Tarantino / Rodriguez (avec leur diptyque Boulevard de la Mort / Planet Terror) se voit attribuer du grand prix du concours de bandes annonces afin de pouvoir figurer en guise d'interlude entre les projections en continu des deux péloches précités. Trois ans plus tard, son réalisateur Jason Eisener a l'opportunité d'en tirer un véritable long-métrage avec en tête d'affiche le vétéran Rutger Hauer ! Après le surestimé (pour ne pas dire semi-raté) Machete, c'est au tour d'une nouvelle production de rendre hommage à tout un pan de séries Z, spécifiquement les productions Troma des années 80, afin d'y déployer une trashitude outrancière rigoureusement insolente. Dans les ruelles malfamées de New-York, la délinquance, le prostitution, la corruption et les trafics de drogue font rage en toute impunité face à une police inéquitable. Mais cette folie meurtrière est commanditée par un leader notoire régnant en maître devant une population terrorisée. Un beau jour, un SDF témoin de la déchéance de son quartier et laminé de voir une ultra-violence davantage expansive décide de nettoyer les rues des criminels inflexibles à coups de chevrotine enragée !

                                        

Superbement photographié dans des teintes délibérément saturées, le sobre prélude annonce l'arrivée d'un clochard sortant illégalement d'un train avec un sac sur le dos pour longer un canal et rejoindre le nouveau quartier de Scum city. Cette séquence liminaire se déroule harmonieusement sous  l'impulsion mélodieuse de Michael Holm. Une partition élégiaque entêtante rendue célèbre de par son ton décalé entrevue dans le classique horrifico-médiéval, La Marque du Diable de Michael Armstrong et Hoven Adrian. Arrivé à destination, le Sdf promène inlassablement son cadi famélique dans les ruelles sordides tandis que des voyous opèrent en toute impunité pour semer le désordre, la mort, voir le chaos. C'est après avoir été témoin d'un braquage brutal que notre défavorisé se décidera à prendre une arme à feu, spécialement un fusil de chasse, et tuer de sang froid les trois malfaiteurs sous les yeux médusés du commerçant et des badauds éberlués. Quand bien même quelques instant plus tard, il ira porter assistance à une jeune prostituée avec qui il se liera d'affection alors qu'une bande juvénile mafieuse tolérée par leur paternel illuminé jurera de leur trouer la peau.

                                      

Pour tous les amateurs de séries Z typiquement saugrenues et frénétiques, digne d'une production Tromaville donc, cet hommage bisseux est spécialement conçu pour vous ! De surcroît, si vous êtes fans invétérés de vigilante movies ayant sévi durant les années 70 et 80, alors Hobo saura vous convaincre à travers son délire assumé totalement décomplexé puisque baignant dans un perpétuel mauvais goût avec une chaleureuse spontanéité ! Là où Machete de Rodriguez se prétendait gros défouloir jouissif à peine sympathique dans sa combinaison d'actionner bourrin et de gore cartoonesque (souvenez vous du pathétique combat final contre Seagal !), Hobo with a shotgun va foutre un grand coup de pied bien plus acerbe et sardonique dans le politiquement incorrect, l'immoralité, le gore craspec percutant (FX remarquables !) et le mauvais goût vitriolé. A titre d'exemple, imaginez un instant deux voyous pénétrés à l'intérieur d'un car scolaire pour massacrer à coups de lance flamme une ribambelle de gamins terrorisés, pour l'instant d'après être carbonisés en suppliant leur cri d'agonie. Une scène impensable qui à de quoi surprendre et estomaquer l'amateur blasé ! Et ce, même si l'effet escompté est aseptisé auprès d'une dérision sarcastique quelque peu salvatrice (nous sommes dans un pur divertissement hardcore mais volontiers saugrenu et  racoleur auprès d'adultes consentants !). Ainsi, nombre de scènes extrêmes sont adroitement concoctées avec pas mal d'efficacité et les situations les plus improbables s'enchaînent sans répit dans la joie d'action ultra violente et de gore putanesque. S'ensuit donc à rythme métronome un étalage de séquences chocs spectaculaires aussi violentes que cyniques car se vautrant royalement dans l'ironisme cinglant !

                                         

Les têtes coincées dans une bouche d'égout, broyées ou sectionnées volant en éclat, les corps explosant sous les impacts de balles à moins d'être éventrés ou électrocutés, les gorges et les mains sévèrement tranchées sans oublier un masticage de verre brisé du plus bel effet. Ce scénario volontairement idiot auquel les gentils coursent les méchants et vice versa constitue évidement un prétexte pour y déployer généreusement un florilège de quiproquos tous plus débridés les uns que les autres. Tel ce massacre méthodique commis dans un centre hospitalier auquel nos héros s'y sont réfugiés tandis que deux voyous déguisés en terminator et armés jusqu'aux dents décimeront un à un les membres du personnel. Au-delà de toutes ses qualités susnommées, le divertissement insolent réussit également à gagner notre ferveur grâce à la formidable complicité de l'excellent Rutger Hauer (mâchoire serrée et regard brut furieusement renfrogné à  l'appui !) accompagné de la charmante Molly Dunsworth. Alors que l'ambiance irréelle baigne dans un esprit marginal volontairement saugrenu, à situer quelque part entre le Justicier de New-York et The Toxic Avenger. Ajoutez à cela une entraînante BO pop rock typiquement eightie et vous obtenez un cocktail survitaminé de délire scabreux irrésistiblement jubilatoire.

*Bruno
13.04.11

vendredi 8 avril 2011

INFECTION (Kansen)

                     

de Masayuki Ochiai. 2004. Japon. 1H35. Avec Michiko Hada, Mari Hoshino, Tae Kimura, Yoko Maki, Kaho Minami, Moro Morooka.

Sortie en France le 26 Aout 2008,  Japon: 2 Octobre 2004.

FILMOGRAPHIE: Masayuki Ochiai est un réalisateur japonais.
1997: Parasite Eve,1999: Hypnosis, 2004: Infection, 2008: Shutter.

                         

Après l'excellent Hypnosis et avant le remake décrié de Shutter, Masayuki Ochiai a su diverger de la mode des fantômes revanchards au longs cheveux type Ring ou des six volets de Ju-on en pleine effervescence en ce début des années 2000. Il livre avec Infection un film à petit budget original, soigné et inquiétant, renforcé par son atmosphère étouffante d'un huis-clos hospitalier auquel un virus inconnu semble contaminer chaque membre du personnel.

Dans un hôpital au bord de la faillite financière, un malade est ramené devant les portes d'entrées contre les défaveurs des médecins complètement débordés et déjà envenimés par un patient critique brûlé au troisième degré. Lentement, le personnel médical semble épris de folie contagieuse alors que leur souche sanguine se met à virer de couleur dans une tonalité verdâtre en liquéfiant leur chair humaine.

                          

Sorti tardivement chez nous quatre ans après sa sortie nippone, Infection pourrait nous faire penser à un énième film de zombie cocaïné ou d'infecté surexcité façon 28 jours plus tard avec son titre accrocheur d'une potentielle contamination pernicieuse. Effectivement, il s'agira bien d'une propagation virale attribuée vers un groupe de médecins réfugiés dans un centre hospitalier précaire en pleine ébullition mais sans toutefois la réhabilitation festive de meurtriers enragés. La manière sobre et originale dont le réalisateur tisse son sujet évite donc la redite aux airs classiques de déjà vu et concentre son potentiel et son savoir-faire sur une ambiance glauque subtilement amenée dans un suspense lattent et inquiétant.
Le décor restreint d'un établissement chirurgical est tout à fait propice pour jouer avec les angoisses anxiogènes du spectateur avec cet endroit voué à guérir les patients d'une maladie ou d'un accident plus ou moins grave. Y faire pénétrer à l'intérieur de cette clinique un malade atteint d'un virus extrêmement dangereux et contagieux attise l'inquiétude et la peur viscérale surtout quand le réalisateur finaud prend un malin plaisir à distiller tranquillement une ambiance insolite où nos personnages délurés vont peu à peu perdre pied dans l'improbabilité des faits exposés.
De plus, Masayuki Ochiai nous met face à une étonnante galerie de personnages équivoques et paradoxales ! Quelques médecins expertisés en chute libre, deux malades décharnés et moribonds dont l'un succombera rapidement à cause de ses brûlures, une patiente âgée atteinte de troubles mentaux s'amusant perpétuellement à narguer nos protagonistes et des infirmières novices peu adroites et inconfiantes dans leur frêle contribution à soigner et surveiller les souffrants.
Inévitablement et langoureusement, tout ce beau monde va facilement se laisser entamer par une folie sous-jacente enrayée de manière inconsciente par la cause d'une maladie infectieuse inédite.
En effet, nos protagonistes vont peu à peu se comporter de manière irrationnelle pour avoir des attitudes masochistes comme le fait de se piquer machinalement à plusieurs reprises les veines d'un bras avec une seringue multi utilisée ou se laisser baigner les mains dans une bassine d'eau ébouillantée. Alors que chaque individu contaminé se verra transpirer d'un sang verdâtre et se liquéfier jusqu'à ce que leur corps ressemble à un amas de bouillie visqueuse et flasque.

                        

A travers cette trame horrifique éparpillée de scènes chocs inopinées mais jamais outrancières dans ses effusions de gore absent (chaque mort à caractère sanguinolent est éludé du sang traditionnellement rouge pour le remplacer par une couleur verte), Masayuki Ochiai traite en premier lieu du système faillible des services médicaux hospitaliers en situation précaire, davantage en manque de main d'oeuvre, peu favorisés par l'assistance d'infirmières néophytes inexpérimentées alors qu'une grossière erreur médicale va devoir leur être imposée. De cet incident majeur entraînant inévitablement des poursuites judiciaires, les témoins responsables vont devoir faire face à leur moralité, à savoir s'il faudra falsifier les causes du décès du malade mort par leur faute accidentelle ou assumer leur responsabilité et faire face à la justice de manière équitable et répréhensible.

Malgré un final confus et trouble qui multiplie les coups de théâtre pour mieux nous interloquer (le virus s'insinuant en fin de compte dans les rêves pour mieux altérer la conscience), Infection est un excellent moment horrifique qui traite sa mise en scène avec intelligence par un refus du racolage sanglant. En dehors d'une bonne interprétation d'ensemble, il doit surtout à son ambiance insolite prenant soin de distiller un environnement glauque d'un lieu hospitalier baroque entaché d'une aura presque malsaine, et renforcée par ses éclairages flashys de teintes fluorescentes.

08.04.11.
Bruno Matéï.


mardi 5 avril 2011

Lisa et le Diable / Lisa e il diavolo


de Mario Bava. 1972. 1h35. Italie/Allemagne/Espagne. Avec Elke Sommer, Telly Savalas, Sylva Koscina, Alida Valli, Alessio Orano, Espartaco Santoni, Eduardo Fajardo, Gabriele Tinti.

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1972: Lisa et le Diable. 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).

                                   

Après le succès de Baron Blood, le producteur Alfredo Leone propose à Mario Bava de réaliser un nouveau projet en lui laissant carte blanche sur le contenu scénaristique et sa facture visuelle. Le réalisateur s'empare alors d'un ancien script de son défunt père afin de lui rendre personnellement hommage. Mais un problème survient lors de sa première projection au marché de Cannes sachant que Lisa et le diable n'enchante guère les distributeurs trouvant l'oeuvre beaucoup trop confuse, complexe et personnelle. Alfredo Leone décide alors avec l'accord de Mario Bava de remonter le film en y incluant des séquences horrifiques d'exorcisme de manière à surfer sur le succès de l'Exorciste de Friedkin. Le maître italien étant un fervent catholique, il s'offusque à oser insérer ces séquences additionnelles de possession sataniste. Sorti en 75 sous le titre, La Maison de l'exorcisme, le succès commercial est cette fois-ci au rendez-vous. Un filon mercantile pour le producteur quand bien même Bava ne sera pas crédité à la réalisation (ce qui portera atteinte à leur fidélité amicale pour toujours). Cette copie grossièrement remaniée et dénuée de sens fait donc office de pâle figure comparée à Lisa... que je considère comme le plus beau film du maestro. Car ce diamant noir maudit est d'autant plus injustement dénigré qu'il resta honteusement mis à l'écart durant de longues années et inédit en salles dans nos contrées.

                                   

Le Pitch: Lisa profite de ses vacances dans la ville de Tolède située en Espagne. Durant sa promenade, elle reste frappée par la gravure d'une peinture représentant le diable. Quelques instants après, elle trouve refuge chez un antiquaire ressemblant au personnage de la fresque et tenant entre ses bras un mannequin que Lisa semble familièrement reconnaître. Elle continue sa route vers le chemin de la place principale et rencontre soudainement un individu physiquement semblable au mannequin. Prise de panique, elle le pousse sur la chaussée alors que l'homme semble mortellement blessé. La nuit tombée, la jeune femme égarée demande à un couple circulant en voiture avec chauffeur de la reconduire, mais ils tombent malencontreusement en panne et se retrouvent en face d'une vieille demeure gothique auquel le précédant antiquaire semble être le maître d'hôte de la maison.

                                    

Oeuvre hermétique au pouvoir de fascination incommensurable, Lisa et le Diable est une fuite en avant vers les songes morbides. La frontière entre la chimère et la réalité se juxtaposant ici afin d'égarer autant nos protagonistes, pris dans la tourmente, que le spectateur impliqué dans un engrenage où l'illusion semble totalement à la merci de notre réalité. Là où la force suggestive d'une narration impénétrable nous pousse à tenter de saisir les moindres indices disposés à chaque composante du récit. Ainsi, dans des décors gothiques richement détaillés, rehaussés d'un esthétisme baroque, Mario Bava nous invite à un cauchemar romantique indéchiffrable dans son cheminement aléatoire fourmillant de détails aussi troublants qu'obscurs. Il faut dire que l'histoire profondément romantique, exacerbée par une sublime partition élégiaque d’Aranjuez, nous enivre les sens dans son amertume nostalgique confrontée à une mouvance nécrophile et au delà du charme insolite de Lisa (Elke Sommer est habitée par l'étrangeté de son comportement indécis !). Le spectateur décontenancé semble, tout comme l'héroïne principale, perdu au beau milieu de la nuit, dans le refuge d'une vaste bâtisse au secret familial inscrit dans l'adultère, où des fantômes névrosés semblent errer pour préoccuper les vivants en tentant de renouer avec un amour ancestral !

                                   

Narrer avec force et détail l'histoire fantasmagorique de Lisa et le Diable est quasi inconcevable mais on peut toutefois suggérer qu'il s'agit en résumé d'une famille hantée par le spectre d'Eléna, jeune femme infidèle à la beauté ténébreuse éprise d'amour pour deux amants alors que Lisa semble être sa propre réincarnation. Durant tout le récit, celle-ci est harcelée par le spectre du mari de la défunte atteinte de cécité alors que son fils marié auparavant à Eléna se laissera emporter par le charme trouble de la nouvelle Eléna ! Dès lors, les morts et les vivants ne cessent de s'entrecroiser alors que le diable incarné par un serviteur mesquin d'apparence chauve (surprenant Telly Savallas !) semble se divertir à brimer et manipuler à sa guise ses invités pour les fondre l'instant d'après en mannequin de cire ! Le final tout aussi cauchemardesque et désarticulé illustrant Lisa prise au piège à bord d'un avion serait alors le dernier trajet pour l'enfer d'une femme condamnée d'avoir corrompu l'amour. La diable, maître de cérémonie, serait alors l'instigateur de cette machination pour mieux déprécier celle par qui le scandale est arrivé. A moins que le récit torturé n'était qu'un rêve fantasque d'une jeune dame refoulée, impressionnée par la fresque médiévale d'une présence démoniaque perpétrant sur sa psyché un cauchemar insensé explosant les frontières entre rêve et réalité !

                                    

Fantôme d'amour.
Incarné par des comédiens transis d'émoi, Lisa et le diable s'édifie en somptueux poème funèbre d'un romantisme inassouvi. Un rêve illusoire jonché de mannequins et de statues enracinés dans leur époque vétuste alors qu'une jeune femme hantée par ses offenses semble revenir sur les lieux d'une tragédie sentimentale soumise par l'influence du diable. Traversé d'images oniriques à la beauté macabre charnelle, ce chef-d'oeuvre immuable constitue une éloge à la fantasmagorie la plus obsédante. Sitôt le générique écoulé, difficile alors de retrouver une parcelle de lucidité dans le retour à notre banale quotidienneté. Une idée insatiable me traverse alors promptement l'esprit ! Revoir Lisa et le diable et ne plus jamais en sortir !


*Bruno
23.08.23.
05.04.11     
30.12.23. Vistfr. 4èx

lundi 4 avril 2011

LA CHAMBRE DES MORTS


de Alfred Lot. 2007. France. 1H53. Avec Mélanie Laurent, Eric Caravaca, Gilles Lelouche, Jonathan Zaccaï, Céline Sallette, Laurence Côte, Jean François Stevenin, Nathalie Richard, Stéphane Jobert.
Sortie en France le 14 Novembre 2007.

FILMOGRAPHIE: Alfred Lot est un réalisateur et scénariste Français.
2007: La Chambre des morts
2009: Une petite zone de turbulence

                                    

Premier long-métrage d'Alfred Lot, La Chambre des morts, adaptation cinématographique du roman de Franck Thilliez, empreinte la voie du thriller US en s'allouant d'une ambiance pesante et opaque, dans la mouvance du Silence des Agneaux et son angoisse palpable paroxystique des derniers retranchements.

Deux individus éméchés circulant en voiture à vive allure renversent par accident un homme alors qu'il venait de rapporter une rançon d'un million d'euros pour délivrer sa fille kidnappée. Le duo décide de se débarrasser du corps et s'emparer de l'argent, pensant qu'il s'agit d'un butin de malfaiteur.
Le lendemain matin, après la découverte du corps du père de famille, la police dépêchée sur les lieux d'un entrepôt trouve le cadavre de sa fille atteinte de cécité, alors que des poils d'animaux sont laissés comme indice. Quelques jours plus tard, une seconde adolescente issue d'une famille précaire et souffrant de diabète est à nouveau enlevée. La jeune policière Lucie et son collègue Norman enquêtent sur cette sombre histoire laborieuse.

                                        

Interprété par une flopée de comédiens modestement discrets et au physique naturel concordant, La Chambre des Morts suit l'enquête difficile de deux inspecteurs de police, Lucie, célibataire inflexible mais mère de deux enfants, et son équipier, le lieutenant Norman, secrètement amoureux de cette partenaire introvertie occultant un douloureux secret infantile.
Dès le préambule percutant, particulièrement inopiné dans les circonstances requises pour faire intervenir deux meurtres étroitement liés à une affaire de kidnapping sordide, le ton mortifère est donné. L'ambiance est réaliste, lourde et austère, dénuée d'effets épurés avec l'apparition spectrale d'une jeune fille morte au sourire inerte, retrouvée ligotée sur une chaise dans l'environnement glauque d'un entrepôt vide.
Cette découverte macabre particulièrement dérangeante et poignante, éludée d'outrance putassière nous donne irrémédiablement l'envie de découvrir le cheminement de cette sombre affaire d'enlèvement infantile. Alors que le ou les coupables présumés semblent eux-mêmes profondément affectés par un passé potentiellement lié à une enfance maltraitée (d'où la présence de ses flashs-back récurrents établissant une relativité entre le tueur et l'inspectrice de police).

Avec sa texture blême d'une photographie blafarde, Alfred Lot nous entraîne parmi la complicité des solides comédiens Mélanie Laurent et Eric Caravaca à suivre une troublante enquête cauchemardesque aux cimes du conte horrifique durant ses vingts dernières minutes éprouvantes, remarquablement menées sur un rythme intensif et accentué par le tempo envoûtant d'un score musical entêtant. Un final qui rappelle fortement le point d'orgue angoissé du Silence des Agneaux quand Clarice Starling essaie d'appréhender le coupable dans l'investissement de la propre demeure du tueur. Le psyché traumatique liée à l'enfance de Lucie est également à peine influencé par le personnage docile qui était campé par Jodie Foster (alors qu'à un moment précis d'une séquence anodine, on apercevra brièvement dans la bibliothèque de la brigadier le fameux roman du second opus de Thomas Harris !).

                                 

Noir et rugueux, La Chambre des morts nous impose l'endroit grisonnant d'une cité minière du nord de la France avec l'attribution de quelques décors peu communs comme le refuge nocturne d'une boite sado-maso échangiste, un zoo animalier régit par un néfaste taxidermiste, une cave lugubre décrépie, un petit logement aménagé d'animaux empaillés ou l'endroit flamboyant et gothique d'une chambre majestueuse, héritée de la Hammer film.
Alors que les nombreux personnages qui parsèment le récit se révèlent le plus souvent des marginaux torturés, pervertis, avilis par le mal ou des individus esseulés, meurtris, aigris, évoluant dans un milieu social peu privilégié.
  
L'élégante Mélanie Laurent interprète avec candeur, flegme et spontanéité le personnage secret d'une jeune célibataire refoulée, victime malgré elle d'un passé vilipendé, profondément esseulée dans son existence terne même si l'éducation de ces deux jeunes enfants lui permet d'accorder un regain d'intérêt pour son avenir sans ambition.
Son partenaire Eric Caravaca impute une aimable composition de lieutenant confirmé dans une discrète prestance épris aux sentiments amoureux pour son équipière de service.
Gilles Lelouche se révèle parfaitement tempéré dans la peau d'un père de famille rongé par le remord d'avoir osé transgresser les lois dans sa complicité indirecte de devoir dissimuler un cadavre pour l'appât d'un gain faramineux. Son acolyte interprété par Jonathan Zaccaï est tout aussi royal de conviction dans ses exactions crapuleuses en chute libre impliquant le crime gratuit éhonté.
ATTENTION SPOILER !!!
Céline Sallette était totalement appropriée pour s'investir d'un rôle chétif dans sa psychologie meurtrie et traumatisée par une enfance galvaudée. Elle se révèle particulièrement inquiétante, ombrageuse dans ses accès dérangés d'une folie meurtrière impliquant la présence décharnée de primates anthropoïde, de loups et de chiens de chenil empaillés.
FIN DU SPOILER.

                                      

Passé inaperçu à sa sortie et peu aidé par une critique timorée à louer les qualités formelles d'un thriller glauque captivant, La chambre des morts est une excellente surprise pour le cinéma de genre hexagonal. Son ambiance opaque et blafarde constamment prégnante, l'interprétation habile de chaque comédien inscrit dans une existence socialement minante ou dans l'anxiété d'une psychologie ébranlée et la qualité d'un scénario frivolement touffus mais passionnant acheminent un thriller oppressant des plus séduisants.

Dédicace à Jean François Dupuy.
04.04.11.
Bruno Matéï.