jeudi 15 septembre 2011

LE CERCLE DES POETES DISPARUS (Dead Poets Society). César du Meilleur Film Etranger en 1990. Oscar du Meilleur Scénario en 1989.


de Peter Weir. 1989. U.S.A. 2h08. Avec Robin Williams, Robert Sean Leonard, Ethan Hawke, Josh Charles, Gale Hansen, Dylan Kussman, Allelon Ruggiero, James Waterston, Norman Lloyd, Kurtwood Smith.

Sortie en salles en France le 17 Janvier 1990. U.S: 16 Juin 1989

FILMOGRAPHIE: Peter Weir est un réalisateur et producteur australien né le 21 Août 1944 à Sydney en Australie.
1974: Les Voitures qui ont mangé Paris, 1975: Pique-nique à Hanging Rock, 1977: La Dernière Vague, 1981: Gallipoli, 1982: l'Année de tous les Dangers, 1985: Witness, 1986: Mosquito Coast, 1989: Le Cercle des Poètes Disparus, 1990: Green Card, 1993: Etat Second, 1998: The Truman Show, 2003: Master and Commander, 2011: Les Chemins de la Liberté.


C'est dans ses rêves que l'homme trouve la liberté
Gros succès public et critique lors de sa sortie en 1989, Le Cercle des Poètes Disparus aura su toucher des millions de spectateurs par sa puissance émotionnelle et son immuable éthique sur l'autonomie des êtres aptes à se transcender pour savourer l'instant suprême du moment présent.
Par l'entremise d'un scénario remarquable et de comédiens vigoureux pleins de fraicheur et de fragilité, Peter Weir a appliqué une leçon de vie, un classique inoxydable conçu pour réveiller les consciences timorées qui n'osent canaliser et surtout transcender leurs affres de l'angoisse.

En 1959, dans une stricte académie universitaire de renom, de jeunes étudiants vont faire la rencontre singulière de leur nouveau professeur de lettre anglaise, M. Keating. Cet homme anticonformiste, passionné par l'art de l'enseignement va inculquer à ses novices élèves le fluide du bonheur retrouvé,  la liberté d'accomplir ses rêves en admettant que l'instant présent est une offrande d'une richesse universelle ! 


On ne lit pas ni écrit de la poésie parce que c'est joli. On lit et écrit de la poésie car on fait partie de l'humanité.
S'il y a un film capable de réveiller les consciences, de modifier le destin de notre existence et celle des générations à venir, c'est bien ce cercle ouvert des poètes conquérants. Une confrérie estudiantine soudainement éprise de l'envie d'arborer la vie, d'embrasser avec fougue ce miracle de l'existence par l'entremise d'un professeur habité par l'amour de l'initiation. Celle de permettre à ces jeunes débutants de pouvoir s'extérioriser et d'exprimer librement leurs désirs secrets les plus passionnels.
Comme le prouve le tableau représentant d'illustres ancêtres de jeunes étudiants à la physionomie pleine d'aplomb, ces nouveaux élèves vont furtivement se résoudre à se prendre en main, se jouer de la découverte d'un nouvel univers autrement distinct et de quelle manière épurée le monde en ébullition peut devenir autrement plus fantasmatique par la poésie des vers. Une précieuse doctrine transcendant notre aura terrestre ou l'art d'apprendre et s'épanouir en osant affronter son propre destin. Par la fantaisie du rêve et l'audace désinhibée, M. Keating va déclencher auprès de ces étudiants l'étincelle de l'optimisme. Par la ténuité des mots aptes à convertir l'évolution épique de l'épopée humaine, ce capitaine romantique va leur prouver que l'individualité de chaque être renferme un potentiel d'exception.

Mais l'intransigeance égoïste d'un père de famille drastique et conservateur va totalement bouleverser et chambouler la spontanéité de nos poètes offensés quand le fils de celui-ci, passionné par le théâtre et le jeu de la comédie va désespérément se sacrifier afin de bannir une vie professionnelle antinomique qu'il n'envisageait pas. Ce suicide tragique va inévitablement réveiller la suprématie des conformistes bien pensants, leur intolérance de l'écoute de l'autre, le refus de commuter les règles de l'enseignement régi depuis des siècles par une opiniâtre discipline de fer. Dès lors, le professeur le plus équilibré, indulgeant et salutaire subira les conséquences déloyales de cette innocence meurtrie, avant que les poètes prodiges ne lui rendent un ultime hommage en guise de reconnaissance salutaire.


Robin Williams endosse peut-être ici l'un de ses meilleurs rôles, du moins l'un de ces plus sobres et mesurés dans son aisance innée, sa bonhomie instinctive à prodiguer sa philosophie existentielle auprès d'un groupe d'étudiants en pleine crise identitaire. Robert Sean Leonard est sans doute la révélation du film tant il retranscrit à merveille sa passion de s'épanouir et concrétiser son espoir d'exercer la profession artistique de la comédie vers le théâtre. Fustigé par un paternel austère extrêmement rigoureux, son destin mortuaire va cruellement bouleverser la donne. Un père tout aussi flagellé et déchu à jamais par la mort de son fils dans son iniquité de lui avoir obstruer et briser son nouveau destin immolé. Le jeune Ethan Hawke apporte également une poignante dimension humaine, une fragilité chétive dans celui d'un étudiant introverti, trop timide pour affirmer ses idées et ainsi affronter ses adversaires en pleine reconversion identitaire. Il provoque dans le fameux épilogue une digne empathie en osant entreprendre courageusement un dernier hommage à son professeur limogé de ses fonctions, en s'élevant droit devant sur sa table scolaire, comme le feront chacun de ses camarades. 


La vie est un songe, tout n'est que de vaine apparence. C'est un songe qui dure un peu plus qu'une nuit.
Ode à l'apprentissage de sa foi et ses intimes convictions, hymne à la vie et la liberté d'expression, déclaration d'amour à l'incantation de la poésie gracile, réquisitoire contre l'intolérance, les conformités et le conservatisme, Le Cercle des Poètes Disparus est tout cela à la fois et beaucoup plus encore. Un magnifique récit initiatique sur la quête rédemptrice d'accepter sa personnalité intrinsèque et de banir son inhibition au profit d'affronter les richesses extérieures. Celui d'un univers sensoriel où chaque être humain est une denrée atypique et où les mots inhérents restent les maîtres à penser afin de révolutionner ce qui nous entoure.

A Pascal...

15.09.11
Bruno Matéï

Distinctions:
1989: Oscar du Meilleur Scénario Original pour Tom Schulman.
Meilleur film, meilleure musique originale pour Maurice Jarre aux British Academy Awards.
1990: César du Meilleur Film Etranger.
Meilleur Film Etranger, Prix David di Donatello
Meilleur film Etranger au Joseph Plateau Awards
Meilleur Film Etranger au Ruban d'Argent.

                                        

mardi 13 septembre 2011

Opera. Uncut Version (1h47).


de Dario Argento. 1987. Italie. 1h47. Avec Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini, Daria Nicolodi, Coralina Cataldi Tassoni, Antonella Vitale, William McNamara, Barbara Cupisti.

Sortie salles France: 8 Octobre 1989. Italie: 19 Décembre 1987

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Deux ans après l'onirisme limpide du splendide Phenomena, Dario Argento renoue en 1987 avec le Neo Giallo depuis Ténèbres pour l'inventivité des meurtres explicites ainsi que la virtuosité d'expérimentations formellement alambiquées. Echec public et critique lors de sa discrète sortie puisque directement passé par la case Dvd chez nous (en dépit d'une discrète projo salles), l'étrange Opera  s'avère d'une flamboyance esthétique à damner à saint. Surtout après l'avoir redécouvert en format HD grâce à l'éditeur Le Chat qui Fume si bien que nous avons affaire ici à un tout autre métrage de par son format scope et sa version intégrale (en privilégiant selon moi le doublage italien avec l'intervention d'Argento en voix-off à 2 reprises vers le final). Le pitchAvant la représentation de Macbeth de Verdi, une diva est incidemment renversée par une voiture. Betty, jeune cantatrice timorée, est appelée à la remplacer pour endosser son rôle majeur. Mais durant le spectacle, un incident technique a lieu au troisième étage de l'amphithéâtre. Quelques instants après la représentation, un homme retrouvé mort est découvert sur les lieux de l'accident. C'est le début d'une série de meurtres sanglants perpétrés par un mystérieux tueur face au témoignage candide de la jeune Betty prise en otage à observer sans relâche ces crimes sauvages. Ainsi donc, Opéra amorce son spectacle épuré dans la demeure circulaire d'un luxueux amphithéâtre auquel une novice cantatrice y interprète le rôle d'une diva dans Macbeth. La réalisation résolument inspirée d'Argento s'appropriant de l'espace de façon aussi bien fluide qu'acrobatique lors de ses amples mouvements de caméra tributaires du plan séquence vertigineux ! Le concert appuyé d'une voix aigue et scandé de la partition classique de Verdi demeure d'une élégance affinée au moment même où un meurtre liminaire aura lieu, avec en toile de fond un décor baroque crépusculaire où planent de véritables corbeaux !


Par conséquent, Argento prouve avec cet épatant prologue qu'il n'a rien perdu de sa rigueur formelle et de son inventivité pour y gérer un univers flamboyant sous le mode liturgique du crime toléré par un monomane. Et pour ajouter une certaine ambiguïté à l'intrigue détonante, ce dernier exploitera à bon escient le témoignage de corbeaux impliqué dans l'action ainsi qu'une curieuse séquence de rêve fantasmé par l'héroïne lors de ses réminiscences. Et donc, à travers ce songe obscur, diverses tortures y sont perpétrées sur une femme soumise (elle est allongée sur un lit) par un individu masqué. Ces exactions sadiques causées sur elle étant établies du point de vue voyeuriste d'une femme complice et d'une fillette outrageusement prise en otage. Passé ce suspicieux cauchemar torturé, le second meurtre sera commis dans un appartement auquel Betty et un amant de passage y sont confinés. Tout le génie créatif de l'art criminel d'Argento explose à nouveau lors de cette séquence anthologique au cours duquel notre protagoniste est contrainte de contempler un crime face à ces yeux écarquillés. Pour cause, par un ingénieux système délétère, le criminel aura apposé deux rangées d'aiguilles sur du ruban adhésif afin de les plaquer sous chaque oeil exorbité de l'héroïne entravée. De manière à ce que ses paupières ne puissent jamais s'obstruer au risque d'écorcher ses pupilles prises en otage par les aiguilles filiformes. Au passage, le second meurtre asséné au couteau sur le compagnon de Betty est sans doute le passage le plus brutal et sanglant du film. Argento utilisant à nouveau toute sa maestria technique pour impressionner avec une cruauté fertile son abominable homicide occasionné par un tueur machiavéliquement pervers (le couteau acéré pénétrant dans la gorge du témoin pour ressortir ensuite par la cavité buccale au travers de sa dentition !). Spectacle morbide assuré en bonne et due forme donc, qui plus est d'une singularité à toute épreuve ! 


Quelques instants plus tard, un autre crime cinglant aura bien lieu lorsqu'une balle de revolver transpercera l'oeil d'une victime cloîtrée sur l'orifice d'une serrure de porte ! Toutes ses séquences mises en scène avec un art consommé du brio technique demeurant ébouriffantes et jamais gratuites au sein d'une intrigue équivoque peu à peu intelligible. Captivant et déroutant d'après l'ambition expérimentale d'Argento tentant de se renouveler à travers un argument sado-maso de psycho-killer redoutable, Opera nous entraine dans un tourbillon de séquences vertigineuses où la misogynie est à nouveau abordée avec un brin d'originalité pour les étroits rapports du tueur et de la victime. Ainsi, de par sa fulgurance formelle omniprésente (superbe photo opaque à l'appui), Opéra trouble, inquiète, magnétise, dérange, séduit de par sa poésie épurée d'images morbides en constante mutabilité. C'est d'ailleurs sans nul doute l'une des oeuvres les plus maîtrisées du maître d'un point de vue technique sachant qu'il demeure ici en roue libre à exploiter sa caméra de toutes les manières alambiquées possibles et inimaginables. La musique hybride alternant le classique occidental de Verdi et la violence hard-rock renforçant l'aspect déroutant de l'entreprise, à l'instar de son onirisme féérique intervenant subitement lors de l'épilogue et faisant écho au splendide Phenomena (en tenant compte notamment de la beauté ténue de l'actrice soudainement candide passés les éclairs cuisants de sauvagerie !). Et ce de manière crédible, en accord avec le dénouement de l'intrigue criminelle. Enfin, l'idée incongrue de plonger l'univers emphatique de l'opéra au sein d'un psycho-killer franc-tireur converge au spectacle vu nulle part ailleurs. Tant et si bien qu'Opera semble aujourd'hui encore plus percutant et fascinant qu'autrefois de par sa densité émotionnelle aussi diaphane qu'attirante que l'actrice principale (décriée à l'époque) renforce à travers son jeu de fragilité virginale. C'est dire si à l'époque il était en avance sur son temps pour proposer à son public fétichiste un spectacle innovant dénué d'artifices grossiers ou éculés et encore moins de prétention auteurisante (même s'il s'agit bien d'un véritable film d'auteur !). Argento, intègre, motivant et passionné, prouvant une ultime fois son amour pour un cinéma d'horreur créatif, réelle expérience d'une beauté morbide sans égale à vivre en communauté de fans.  


Ouvre les Yeux.
Opera est donc peut-être le dernier grand film du maestro à redécouvrir fissa dans sa version HD immaculée tant il semble renaître sous un jour plus neuf, ouvert et radieux. Pour se faire, nous ne remercierons jamais assez la contribution passionnelle du Chat qui fume.
  
*Eric Binford
09.07.21. 5èx
13.09.11.   


                                         

lundi 12 septembre 2011

ALIEN 3. Version Longue 2h25.


de David Fincher. 1992. U.S.A. 2h25. Avec Sigourney Weaver, Charles S. Dutton, Paul McGann, Brian Glover, Ralph Brown, Daniel Webb, Christopher John Fields, Holt McCallany.

Sortie en salles en France le 26 Aout 1992. U.S.A: 22 Mai 1992.

FILMOGRAPHIE: David Fincher est un réalisateur et producteur américain, né le 28 Août 1962, à Denver dans le colorado des Etats-Unis.
1992: Alien 3. 1995: Seven. 1997: The Game. 1999: Fight Club. 2002: Panic Room. 2007: Zodiac
2008: l'Etrange histoire de Benjamin Button. 2010: The Social Network.


Pour une première réalisation d'un nouveau jeune talent, David Fincher entreprend un coup de maître avec Alien 3. Un troisième opus d'une illustre saga immortalisée par la présence virile de Sigourney Weaver et surtout de son antagoniste belliqueux, l'alien venu d'une lointaine galaxie. Ambiance religieuse et angoisse diffuse sont confinées autour d'un pénitencier échoué sur la planète Fiorina 161 ! A la suite du déclenchement d'un incendie survenu dans le vaisseau qui la dirigeait vers la terre, Ripley est éjectée à bord de sa capsule sur la planète Fiorina 161. Echouée au bord d'une plage, celle-ci est sauvée et ramenée par un surveillant tributaire d'un gigantesque pénitencier réunissant une vingtaine de détenus. Dans l'enceinte de la prison, les prisonniers acceptent mal la présence d'une jeune femme qui pourrait leur remémorer des instincts pervers ou meurtriers. Tandis qu'une mort accidentelle d'un des leur camarade vient d'être découvert, Ripley s'inquiète de la potentielle présence d'un nouvel alien.


Au préalable, il y a eu deux chefs-d'oeuvre antinomiques dans la manière d'aborder leur sujet, de par la personnalité de cinéastes aux ambitions divergentes (l'un étant modestement investi par la suggestion de l'angoisse tandis que l'autre valorisera son potentiel dans l'action belliqueuse). Et ce troisième opus ambitieux de surprendre une fois encore à pouvoir se renouveler dans la sobriété d'un suspense savamment mis en place, une psychologie consciencieuse des personnages et une dernière demi heure fertile en péripéties échevelées. Ce qui frappe au premier abord, c'est l'univers ocre, étouffant et rubigineux dépeint avec souci d'authenticité pour retranscrire le plus fidèlement la vie nonchalante de dangereux détenus résidant en communauté dans un pénitencier caverneux (les longs couloirs sont un véritable dédale de doute et subterfuge pour nos protagonistes quand une créature s'y est infiltrée). Le caractère religieux établi par une hiérarchie fondamentaliste afin de mieux reconvertir dans la foi ces condamnés apporte une touche d'originalité particulièrement mystique, voir aussi gothique. Et d'y confronter dans cette terne demeure la venue inhospitalière de Ripley accompagnée de l'inévitable Alien. La cohésion de cette assemblée véreuse va se dissoudre chez nos rebelles apeurés et semer une panique incontrôlée lorsque l'Alien, plus délétère que jamais, décimera un à un ses occupants. Après avoir sympathisé avec le médecin Clemens, Ripley est contrainte de se dégarnir le crane, faute d'une épidémie de poux mais aussi et surtout afin de ne pas réveiller les instincts sexuels des mâles fascinés par sa beauté charnelle. Les rapports insidieux entre cette unique survivante et ses rebelles ne vont pas tarder à ranimer leur libido quand trois d'entre eux vont tenter de la violer. Sauvée par leur leader prêchant machinalement la parole de Dieu, Ripley se réconforte néanmoins auprès de la loyauté de son médecin, non dénué de sentiments amoureux. Mais cet individu également condamné par un passé ambigu s'avère plutôt inquiet de devoir subir l'autopsie d'une fillette retrouvée morte en interne du vaisseau l'USS Sulaco, sous la recommandation de Ripley. Alors que le spectateur s'imagine que l'Alien aurait potentiellement réussi à s'infiltrer dans le corps de ce petit cadavre, la menace palpable est autrement plus perfide et aléatoire quand il s'agit de s'approvisionner d'un nouveau corps létal ramené à l'intérieur de la colonie.


David Fincher accorde dans les 2/3 de son récit âpre et tendu une importance substantielle à la psychologie ombrageuse de ses personnages marginaux. Des violeurs présumés, des meurtriers sans vergogne rattachés à l'éthique des évangiles tandis qu'une héroïne désemparée, trahie par ses supérieurs, envisage de se porter en sacrifice pour sauver l'humanité, faute de son enfantement investi par la créature. En effet, et pour relancer l'intrigue, le réalisateur a la bonne idée de féconder le propre corps contaminé de Ripley. C'est cette densité dramatique, cet enjeu capital pour la survie de l'humanité qui vont permettre de redoubler d'intensité les péripéties coordonnées par notre héroïne plus engagée que jamais. Ce qui permet notablement (et sans outrance spectaculaire) de converger à une dernière partie rigoureuse car trépidante dans les inlassables courses poursuites octroyées aux protagonistes contre l'alien belliqueux réfugié dans les étroits couloirs du pénitencier. Un point d'orgue mémorablement mis en scène, haletant et spectaculaire, auquel l'action efficace est vouée à sa continuité narrative. Une succession de va et vient sont soumis aux protagonistes courageusement engagés dans les souterrains afin de tenter de sceller les sas de portes et d'évacuer la créature vers une fonderie de plomb. Pour parachever ces affrontements dantesques, son épilogue particulièrement poignant offre un intimiste moment d'émotion dans la tache ardente de notre héroïne acculée à se suicider par la faute de ses supérieurs véreux, désireux de capturer une espèce extra-terrestre pour concevoir une arme biologique révolutionnaire.


Le jour de la pénitence.
La force psychologique de l'intrigue dédiée à l'humanité aigrie de ses personnages en quête de rédemption et son esthétisme gothique sont des éléments capitaux pour Fincher de se réapproprier de l'icône du bestiaire fantastique au pouvoir de fascination hypnotique. La cohérence de son scénario alloué au suspense lattent et la maîtrise de sa mise en scène confinant à sublimer cette grandiose épopée d'un souffle épique désenchanté. Tandis que Sigourney Weaver, endossée d'une figure christique, telle la Jeanne d'Arc des temps futuristes, n'aura jamais été aussi empathique et valeureuse dans sa requête salvatrice du devenir de l'humanité.

12.09.1. 3
Bruno Matéï

Les critiques des autres opus:
Alien, le Huitième Passager: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/04/alien-le-huitieme-passager.html
Aliens, le retour: http://brunomatei.blogspot.fr/…/aliens-le-retour-aliens.html
Alien, la Résurrection: http://brunomatei.blogspot.com/2011/08/alien-la-resurrection.html
NOTE (INFO WILKIPEDIA). Cet épisode contient également le mystère (ou incohérence ?) de la saga Alien : la provenance de l'œuf au début du film. Un sujet qui passionne les fans. Certains disent que c'est la Reine qui l'a pondu à la fin d' Aliens, le Retour mais comment celle-ci peut-elle pondre sans son abdomen pondeur ? D'autres disent que c'est Bishop qui l'aurait embarqué et caché dans le Sulaco pendant l'absence de Ripley (partie sauver Newt). N'oublions pas que la mission de base de Bishop était de ramener un spécimen, Bishop est un androïde et il est conçu pour ça. Certaines scènes du précédent volet le montrent clairement. De même dans ce 3e épisode où il éconduit du mieux qu'il peut les questions de Ripley en lui faisant croire qu'il a mal (depuis quand un androïde a mal ?). N'oublions surtout pas que l'on entend un œuf s'ouvrir tout à la fin du générique d'Aliens, le Retour... ce qui indiquerait que James Cameron avait laissé un indice pour cette suite.

LA VERSION ALTERNATIVE et ses différences avec le MONTAGE CINEMA.
La version alternative de 2003 disponible sur l'édition spéciale en DVD et BLU-RAY diffère sur de nombreux points par rapport à la version sortie en 1992. Par exemple, dans la version cinéma, le xénomorphe sort d'un chien alors que dans l'édition spéciale, il sort d'un boeuf mort. On voit brièvement le Superfacehugger, une version évoluée de la créature qui pond des œufs dans leur victime (ici un boeuf). On y voit l'apparition complète du background des prisonniers, les fameux chromosomes double Y. On apprend entre autres que la prison est fermée depuis plusieurs années, mais qu'ayant trouvé un équilibre dans le travail minier, ceux-ci ont été autorisés par la « Compagnie » à continuer leurs occupations ici. On en apprend ainsi beaucoup plus sur l'histoire du docteur Clemens. La fin, elle aussi, est différente. Si dans l'édition de 1992, on voit la reine Alien sortir du corps de Ripley quand celle-ci se suicide, il n'en est rien dans l'édition alternative.
A noter, qu'il n'y a pour l'heure aucune version "director's cut". En effet, David Fincher étant brouillé avec les producteurs qui ont remonté son film sans son accord, n'a toujours pas voulu y retoucher...

                                         

vendredi 9 septembre 2011

THE HOLE (After The Hole). Prix "Spécial police" à Cognac 2001.


de Nick Hamm. 2001. Angleterre. 1h42. Avec Thora Birch, Keira Knightley, Desmond Harrington, Laurence Fox, Daniel Brocklebank.

Prix "Spécial police" au festival du film policier à Cognac en 2011

Sortie en salles en France le 20 Juin 2001. Angleterre: 20 Avril 2001.

FILMOGRAPHIE: Nick Hamm est un réalisateur et producteur né en 1957 à Belfast, en Irlande du Nord.1989: The Bottom Line (doc).1990: The Bill (série TV, 2 épisodes). 1991: The harmfulness of Tobacco. Out of the Blue (télé-film). 1992: Soldier Soldier (série TV, 3 épisodes). 1993: Micky Love (télé-film). Briefest Encounter (télé-film). Dancing Queen (télé-film). 1998: Martha, Frank, Daniel et Lawrence. Talk of Angels. 2001: The Hole2004: Godsend, expérience interdite. 2011: Killing Bono


Réalisateur british peu connu en France, hormis son grotesque Godsend sorti en 2004, Nick Hamm avait réalisé 3 ans au préalable un thriller choc sortant des sentiers battus, malgré son affiche branchée. D'après le roman After the Hole de Guy Burt paru en 1993, The Hole constitue un cauchemar opaque et glaçant auquel la dextérité d'un scénario tortueux nous entraîne dans le dédale d'une idylle impitoyable. Deux couples d'amis, étudiants dans une université anglaise, décident de flâner trois jours à l'intérieur d'un bunker désaffecté. Un prétexte pour Liz, éperdument amoureuse de Mickael, de se retrouver en intimité dans ce lieu clos barricadé. En effet, nos quatre étudiants vont se retrouver enfermés durant 18 jours alors que cette dernière, seule survivante d'une hécatombe, va réussir à s'échapper du blockhaus. Une psychologue va tenter de découvrir l'horrible vérité par l'entremise de cette rescapée traumatisée.


Récompensé à Cognac la même année que sa sortie officielle, The Hole mérite amplement cette louange tant il retranscrit avec intelligence et réalisme sordide un suspense finaud beaucoup plus subtil qu'il n'y parait. En prenant comme point de départ une banale réunion festive de quatre lycéens décidés à s'enfermer trois jours durant dans un bunker, l'intrigue épouse le point de vue de l'unique survivante pour ses confidences auprès d'une psychologue. Dès le départ, nous sommes sur le qui-vive, dubitatif, perplexe de la version des faits rapportés par une jeune fille préalablement amoureuse d'un coureur de jupon frigide. Durant la première partie, nous ne savons même pas s'il y aurait un potentiel autre survivant, de manière à mieux semer la confusion et le doute sur le cheminement de l'intrigue. Ce n'est qu'un peu plus tard quand la police dépêchée sur les lieux laisse sous entendre que Liz aurait été l'unique rescapée d'un charnier improbable. Reste donc à savoir de quelle manière sont décédés ces amis, quel en était le mobile et surtout le tueur présumé ! C'est ce que Liz va finalement décider d'avouer à Philippa Horwood en reconstituant de manière chronologique la trajectoire de leurs vicissitudes durant ses 18 jours de cauchemar.


L'atmosphère étouffante émanant de ce lieu clos ténébreux réussit facilement à incommoder le spectateur observant méticuleusement ses protagonistes piégés en interne du bunker. D'autant plus que la construction narrative, davantage pernicieuse et incertaine dans les faits rapportés par Liz, souhaite mieux nous immerger dans un perfide jeu de massacre sur fond d'amour déchu. Ainsi donc, l'efficacité du récit nous piège dans le refuge caverneux d'un huis clos particulièrement glauque et éprouvant si bien qu'au fil des jours escomptés, la destinée chétive de nos protagonistes s'avère de plus en plus abrupt et implacable. La soif, la faim, l'insalubrité, l'hygiène et la fatigue vont petit à petit les étreindre vers une irréversible agonie. La caractérisation de nos personnages, tous remarquables de conviction à travers leur personnalité bien définie, doit beaucoup à la force émotionnelle qui en émane. Chaque profil psychologique de prime abord jovial se retrouve facilement accablé par la dégénérescence physique, la peur de trépasser et le désir désespéré d'escompter désespérément une issue de secours. Cette humanité moribonde et révoltée éprouve et dérange le spectateur alors que le cheminement de l'énigme va peu à peu dévoiler son horrible vérité. A moins que tout ceci n'était que l'immense leurre d'un esprit machiavélique ! Spoiler ! A ce titre, je ne manquerais pas de souligner l'incroyable prestance de Thora Birch (American Beauty), terrifiante de machiavélisme pour les exactions accidentelles décrites, sans oublier la facture sournoise du fameux dénouement. Fin du Spoiler.


Rythmé d'un ombrageux score monocorde, formidablement endossé par des comédiens d'une saillante densité psychologique (en passant, Keira Knightley - Domino, Pirates des Caraîbes - n'a jamais été aussi sexy et effrontée que dans ce rôle d'aguicheuse provocante), The Hole est un thriller d'une remarquable intensité à travers un suspense imbibé de cynisme. L'atmosphère glauque et suffocante qui en découle et l'incroyable cruauté assénée aux victimes nous acheminant vers une cinglante conclusion particulièrement incongrue. 

A (re)découvrir d'urgence !

09.09.11.   2
Bruno Matéï

jeudi 8 septembre 2011

ATTACK THE BLOCK


de Joe Cornish. 2011. Angleterre. 1H28. Avec Nick Frost, Jodie Whittaker, Luke Treadaway, Joey Ansah, John Boyega, Flaminia Cinque, Chris Wilson, Terry Notary, Paige Meade, Adam Leese, Lee Long.
Sortie en salles en France le 20 Juillet 2011

FILMOGRAPHIE: Joseph Murray "Joe" Cornish est un humouriste, présentateur télé et radio, réalisateur, scénariste et acteur anglais, né le 20 Décembre 1968. Il forme avec son ami de longue dâte le duo impayable Adam et Joe.
2011: Attack the Block.


Co-scénariste de la nouvelle réalisation de Spielberg, Les Aventures de Tintin, le secret de la Licorne, le prolifique et touche à tout Joe Cornish entame pour son premier métrage un divertissement survitaminé dans la lignée du club des cinq version banlieusarde. Un alliage détonnant de science-fiction, d'action et d'horreur en compagnie d'une bande de lascards brittish retranchés dans leur immeuble pour se protéger contre une invasion d'aliens belliqueux. Dans une banlieue de Londres, une jeune femme à pied rentre dans son quartier lorsqu'une bande de délinquants juvéniles décident de la racketter. Au même moment, une boule de feu venue du ciel s'écrase sur le toit d'une voiture pour libérer une créature extra-terrestre. La jeune femme apeurée profite de cet évènement soudain pour prendre la fuite. Le leader du groupe s'approche à son tour de la présence hostile enfouie dans le véhicule quand elle décide de l'attaquer. Il réussit à la poignarder mais la chose mortellement blessée se dirige en direction de leur immeuble. La bande décide alors de le prendre en chasse tandis qu'une véritable invasion extra-terrestre est sur le point d'envahir Londres.

Alors que vient de sortir récemment sur les écrans Super 8, l'Angleterre nous refourgue une version indocile et belliqueuse imparti au portrait de délinquants cloîtrés dans leur HLM pour se protéger contre une armée d'aliens enragés. Le prologue inquiétant débute tel un vigilante movie réaliste et surprend par son austérité lors de cette violente altercation nocturne entre un groupe de jeunes rackettant une jeune femme démunie (on imaginerait presque un instant sortir de l'ombre un clone de Charles Bronson venir rendre justice). La gravité de la situation élude le moindre écart humoristique et on se demande même si la victime ne vas pas trépasser quand le leader décide de la menacer avec l'aide d'un poignard. Mais un revirement inopiné va complètement chambouler ce cliché pour fugacement nous entraîner dans une cuisante chasse au monstre. La maîtrise de la réalisation épaulée d'un montage dynamique nous permet de nous immerger dans une course poursuite horrifique aussi déroutante et débridée que vigoureuse et captivante. De prime abord, nous pouvons êtres déconcertés par la caractérisation des adolescents antipathiques suite à l'agression commise contre une innocente quidam. Mais au fur et à mesure du danger davantage délétère de cette menace extra-terrestre, les personnages héroïques et fougueux réussissent finalement à emporter l'adhésion dans leur courage et leur hargne à sauvegarder leur vie et celle de leur victime antérieure. Sachant ainsi que l'héroïne violentée du début du film réside dans le même immeuble que ces assaillants. Ils vont donc s'imputer une cohésion mutuelle sachant que celle-ci est une infirmière novice apte à soigner leurs blessures. Au fur et à mesure du récit rondement mené par des actions virevoltantes et d'une omniprésente bande son Rap, ces jeunes désoeuvrés livrés à leur propre loi vont peu à peu s'humaniser. En particulier le leader surnommé Moïse, davantage reconnaissant de l'aide fraternelle de la jeune femme jusqu'à ce qu'il envisage de lui rendre une bague en argent qu'il eut préalablement dérobé.


Le réalisateur en profite d'ailleurs un court instant en filigrane sociale, entre deux scènes d'action échevelées, le malaise de cette génération rebelle systématiquement appréhendée par les forces de l'ordre pour un motif injustifié. Quand bien même Moise suggère à ses camarades sur un ton ironique tacite qu'après le fléau de la drogue et de la prolifération des armes à feu, les flicards auront décidé d'envoyer des extra-terrestres pour mieux les entretuer et ainsi enrayer plus furtivement les immigrés des bas quartiers londoniens. Même si le scénario ne brille pas pour son originalité et se révèle sans surprise, ce huis-clos est suffisamment habile et calibré pour rendre l'aventure épique et jouissive. D'autant plus que certaines séquences chocs se laissent parfois guider par une violence graphique déployant quelques effusions de gore, tandis que l'apparence opaque des monstres aux poils, contrastant avec le vert fluo de leur mâchoire acérées impriment une physionomie délirante (sortes de Critters en plus agressifs et pernicieux). Autant dire que sous ses apparences de production familiale estampillée Amblin EntertainmentAttack The Block ne cible pas tous les publics, particulièrement  les - de 12 ans !


LA HORDE + LE GANG DES BMX + CRITTERS = ATTACK THE BLOCK !Scandé d'une bande son hip hop tonitruante et nerveusement emballé dans un montage virtuose, Attack the Block est un divertissement aussi inattendu qu'insolent pour son portrait subversif émis à une poignée de lascards au courage inflexible. Même s'il peut dérouter au premier abord, de par le caractère rigide de ses interprètes précités, la succession de péripéties diablement frénétiques, l'efficacité des enjeux encourus sous le moule du survival ludique emportent facilement l'adhésion.

08.09.11
Bruno Dussart

mercredi 7 septembre 2011

MES MEILLEURES AMIES (Bridesmaids)


de Paul Feig. 2011. U.S.A. 2h05. Avec Kristen Wiig, Maya Rudolph, Rose Byrne, Melissa McCarthy, Ellie Kemper, Wendi McLendon-Covey, Chris O'Dowd, Jon Hamm, Michael Hitchcock, Kali Hawk.

Sortie en salles en France le 10 Aout 2011. U.S: 13 Mai 2011

FILMOGRAPHIE: Paul Feig est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain né le 17 Septembre 1962 à Royal Oak, Michigan. 
1997: Life Sold Separately
2001: Les Années campus (série TV)
2003: I am David
2011: Mes Meilleures amies demoiselles d'honneur
Bridget Jones 3


Une célibataire endurcie cumule les rencontres d'un soir en attendant l'éventuel coup de foudre qui pourrait un jour frapper son destin. Alors que sa meilleur amie est sur le point de se marier, Annie est sélectionnée pour être la demoiselle d'honneur. Avec l'aide de ses amies, celles-ci confectionnent les préparatifs d'une soirée idyllique exceptionnelle.

Ne vous fiez pas au titre hexagonal et à l'affiche édulcorée aux teintes rose bonbon, Mes Meilleures Amies est une comédie caustique complètement débridée et franchement décalée. Sous prétexte d'une trame balisée archi rebattue (les préparatifs d'un mariage nanti), ce divertissement politiquement incorrect est un prétexte à étaler à intervalle régulier une succession de situations toutes plus acerbes les unes que les autres. Comme ce remue méninge dans une boutique luxueuse par nos donzelles venues essayer diverses robes de mariée. En effet, après avoir préalablement déjeuné dans un restaurant brésilien, nos charmantes comparses vont être prise de nausée subite pour se diriger incessamment vers les wc alors que l'une d'elle, incapable de se retenir, va devoir déféquer dans l'évier ! Il y a aussi cette scène de panique à bord d'un avion causée par une Annie terrifiée à l'idée de voir l'avion s'écraser. Sa rivale jalousée va donc lui administrer en guise de calmant un cocktail frelaté à base de somnifères et de whisky fugacement ingurgité ! Annie, totalement enivrée et dévergondée va se livrer à un numéro démesuré pour semer une véritable zizanie à l'intérieur de l'avion ! Des séquences délirantes de cet acabit, cette comédie inhabituelle en regorge d'autres tout aussi impromptues et irrésistibles.


Avec le charme gracile et la drôlerie incisive de la pétillante actrice Kristen Wiig (également co-scénariste du film), cette folle équipée de trentenaires féministes pleines d'aisance et d'aplomb nous emportent dans un festival de gags inopinés et subversifs. La verve des dialogues parfois crus (voirs vulgaires diront les âmes prudes) et l'absurdité de leur vicissitude nous déconcertent par leur franchise désinhibée. Comme cette séquence hilarante où Annie exerçant sa profession d'une vendeuse (défaitiste)  dans une boutique de diamants va volontairement provoquer une blondinette de 15 ans dans une succession de réparties verbales aussi cinglantes que véhémentes. Ou encore l'accueil improvisé du jeune couple d'asiatiques sur le point de se marier, venu chercher une bague de fiançailles mais littéralement démoralisé par les conseils pessimistes d'Annie philosophant sur la confiance et la fidélité du couple.
Il est par contre dommageable que le final s'égare dans les ficelles mielleuses du genre pour malencontreusement aseptiser son esprit désinvolte, (Annie trouvera finalement l'homme de sa vie et sa meilleure amie aura le plus beau des mariages) avant qu'une dernière note hilarante ne vienne nous réconcilier avec le ton effronté de l'aventure échevelée.


Souvent drôle, trash, décomplexé, voir parfois hilarant, Mes Meilleures Amies est une excellente comédie sortant des sentiers battus. Dominé par la fraîcheur et la spontanéité d'un duo d'actrices déchaînées, cette farce débridée trouve son originalité dans l'audace insolente des gags incongrus (où  parfois la grossièreté n'épargne pas la scatologie). Paul Feig illustre également avec réalisme aigri un portrait incisif sur l'émancipation de la femme évoluant dans une société en perte de repère. Le profil établi envers la caractérisation irrésistible de son héroïne démontre également à quel point la solitude inflexible du célibat et la quête identitaire peut profondément éprouver l'être esseulé. Alors que l'amitié solidaire reste l'une des valeurs essentielles quand l'amour conjugal reste encore une denrée rare. Hormis un final paradoxalement orthodoxe et conformiste dans sa romance édulcorée, Mes Meilleures Amies détonne et surprend par sa vigueur sarcastique.
Ames prudes, s'abstenir !

A Jill Clayburgh, décédée en Novembre 2010.



07.09.11
Bruno Matéï

mardi 6 septembre 2011

LA CORDE RAIDE (Tightrope)


de Richard Tuggle. 1984. U.S.A. 1h54. Avec Clint Eastwood, Geneviève Bujold, Dan Hedaya, Alison Eastwood, Jennifer Beck, Marco St. John, Rebecca Perle, Regina Richardson, Wes Block.

Sortie en salles en France le 16 Janvier 1985. U.S: 17 Octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Richard Tuggle est un réalisateur et scénariste américain.
1984: La Corde Raide. 1986: Out of Bounds


Première réalisation de Richard Tuggle, scénariste de l'Evadé d'Alcatraz (1979),la Corde Raide est un thriller plutôt audacieux dans sa description glauque et sordide du milieu nocturne des peep-shows et boites échangistes de la Nouvelle Orléans. Paradoxalement, à l'époque de sa sortie, une fausse rumeur persistait à ce que Clint Eastwood eut supervisé la réalisation du film. Afin d'authentifier la relation paternelle d'Amanda avec son père (endossé par l'inspecteur Block/Clint Eastwood), le réalisateur fit appel à la propre fille de l'acteur, Alison Eastwood afin de mieux souligner leur rapport affectif suite à un divorce conjugal. Un maniaque sexuel commet une série de crimes par strangulation dans les bas-fonds de la Nouvelle Orléans. L'inspecteur Block, profondément affecté par le récent divorce de sa femme enquête dans le milieu de la prostitution à la recherche du moindre indice. Mais le tueur semble vouloir l'incriminer en dissimulant des preuves que Block a laissé sur certaines de ses clientes après avoir eu une brève relation sexuelle. 


En 1984, le néophyte Richard Tuggle nous façonne un thriller particulièrement trouble et austère dans sa description vénéneuse de l'univers de la prostitution et de ces dérives SM. Sans jamais céder à une quelconque complaisance putassière, l'ambiance crépusculaire de la Corde Raide entraîne le spectateur vers une vertigineuse descente aux enfers aussi trouble que malsaine. C'est de prime abord le portrait établi envers l'inspecteur Block qui permet de transgresser les conventions du traditionnel flic conformiste. En effet, celui-ci éprouve un besoin équivoque de coucher avec ses partenaires indociles après leur interrogatoire. Des prostituées tributaires d'une déviance sexuelle alors qu'un mystérieux maniaque, préalablement fonctionnaire de police, sévit pour assouvir ses pulsions mais aussi incriminer cet éminent inspecteur. Eprouvé par son récent divorce conjugal, Wes Block réside indépendamment dans sa demeure parmi ses deux enfants et ses animaux de compagnie. La relation attendrie avec sa fille aînée donne lieu à plusieurs séquences touchantes d'une étonnante justesse pour l'empathie échangée entre l'adolescente et son père. Mais sévèrement dépité de son échec sentimental, Block craint une potentielle nouvelle liaison amoureuse avec cette militante féministe. L'état torturé de ce dernier va monter d'un cran lorsqu'une nuit de fantasme il s'imagine étrangler sa nouvelle compagne !


Ce scénario aussi pervers que couillu de la part d'une prod d'Hollywood nous ébranle avec un raffinement inscrit dans la suggestion. On peut d'ailleurs par moment songer à Cruising de Friedkin, voir aussi Basic Instinct pour le portrait immoral imparti au héros attiré par le Mal alors que son ambiance de thriller noir flirte parfois avec l'horreur crapuleuse (la femme de ménage découverte dans la machine à laver, la condition soumise de la fille aînée de Block). Le point d'orgue cinglant va d'ailleurs monter d'un cran l'intensité d'un enjeu alarmiste quant au sort réservé à la compagne de Block. Un final haletant et violent ne lésinant pas sur les confrontations musclées ! Le vétéran Clint Eastwood endosse avec habile ambiguïté le personnage interlope du flic en proie à ses démons intérieurs du fait de sa douloureuse séparation maritale. Un être faillible, parano et névrosé, car tourmenté par la persuasion d'un tueur perfide fermement délibéré à l'influencer au Mal. Alison Eastwood campe avec naturel une ado autonome prémunissant quotidiennement la garde de sa petite soeur tout en se réservant une tendresse poignante auprès de son paternel souvent absent du foyer domestique.


Baignant dans une superbe photographie transcendant l'environnement nocturne dans lequel nos protagonistes évoluent et réalisé avec une sobre maîtrise réfutant l'action redondante, La Corde Raide constitue un fascinant voyage urbain jusqu'au tréfonds de la nuit. Un film noir impeccablement structuré, de par l'efficacité de son suspense ciselé et surtout l'étude des caractères entretenue entre le maniaque impassible et le flic faillible en doute avec sa propre identité ! En conclusion, un des thrillers les plus pervers et audacieux des années 80.

06.09.11.    3
BM