mercredi 10 août 2011

RAMBO (First Blood)


de Ted Kotcheff. 1982. U.S.A. 1h33. Avec Sylvester Stallone, Richard Crenna, Brian Dennehy, Bill McKinney, Jack Starrett, Michael Talbott, Chris Mulkey, John Mc Liam, Alf Humhreys, David Caruso.

Sortie en salles en France le 2 Mars 1983, U.S.A: 31 Octobre 1982.

FILMOGRAPHIE: Ted Kotcheff est un réalisateur, producteur, acteur et scénariste canadien d'origine bulgare, né le 7 avril 1931 à Toronto (Canada). 1974: l'Apprentissage de Duddy Kravitz, 1978: La Grande Cuisine, 1982: Rambo, 1983: Retour vers l'Enfer, 1988: Scoop, 1989: Winter People, Week-end at Bernie's, 1992: Folks !

                                          

Réalisateur touche à tout, Ted Kotcheff explose le box-office en 1982 avec un film d'action révolutionnaire mettant en scène un vétéran du Vietnam de retour dans son pays mais rejeté par sa société. Le phénomène Rambo est né et son personnage iconique interprété par un Stallone en pleine ascension (la même année sort Rocky 3 !) va influencer un nombre incalculable d'ersatz à travers le monde. Retour sur un modèle du film d'action aussi jouissif et trépidant que sa première sortie officialisée le 31 Octobre 1982 ! SynopsisJohn Rambo est un ancien béret vert de retour dans son pays après avoir combattu la guerre du Vietnam. Sur le sol américain, l'homme gratifié d'une médaille d'honneur est pris à parti avec un flic irascible et raciste. La tension entre les deux hommes va rapidement s'envenimer à tel point que le shérif décide de l'appréhender pour vagabondage et port illégal d'arme blanche. Au commissariat, après avoir été battu et maltraité, John Rambo parvient à s'échapper de ses assaillants pour prendre la fuite à moto en direction de la forêt montagneuse. Une chasse à l'homme est sommairement engagée !

                               

Lorsque l'on revoit 40 ans plus tard pour la énième fois cet illustre film d'action, on se rend compte à quel point ses ressorts de suspense, de tension et d'action échevelée étaient coordonnées à leur paroxysme. Parce que Rambo constitue un concentré d'émotions fortes, de par son rythme vigoureux d'une efficacité optimale. En y combinant l'aventure, le film de guerre, le survival, l'action et l'analyse sociale, Ted Kotcheff trouva la formule magique pour créer un nouvel archétype du divertissement moderne. Car sous argument social de la difficile réinsertion des soldats du Vietnam de retour dans leur pays, le réalisateur livre une impitoyable chasse à l'homme, faute d'une Amérique hostile envers l'étranger, car réfutant les marginaux d'apparence interlope. Après un prologue jubilatoire pour les rapports conflictuels entre un flic orgueilleux et notre briscard arrêté pour vagabondage, la première partie nous converge de plein fouet à l'haletant survival. Une traque improbable auquel un fugitif devra user de subterfuge et traquenards belliqueux pour sauver sa peau contre une armée de 200 soldats lancés à ses trousses. La mise en scène impeccablement maîtrisée rivalise d'adresse et d'efficacité en terme de courses poursuites incessante à travers bois d'une forêt montagneuse, transcendant ainsi la sauvagerie de ses paysages dantesques lors d'un saut dans le vide anthologique ! John Rambo, sévèrement rebelle contre l'hypocrisie condescendante des flicards, renoue donc avec son instinct guerrier pour reproduire la même situation de guérilla dans son pays dit civilisé. Pièges artisanaux, cachettes et camouflages de guerre sont savamment façonnés par un soldat à nouveau en guerre contre sa propre patrie.
                                    
Ce fantasme viril de l'homme inéquitablement traqué contre une armée réussit ici le prodige de contourner ses invraisemblances parmi l'agencement de situations censées et la conviction de la prestance humainement fouillée de Sylvester Stallone. En outre, les séquences d'action rondement menées et techniquement bien orchestrées éludent habilement l'outrance dans lequel elles auraient pu facilement se vautrer. A contrario, les péripéties endiablées et cascades impondérables vont louablement servir le cheminement de l'histoire avant que ne culmine un règlement de compte pyrotechnique au sein d'une urbanisation réduite à feu et à sang. Pour le coup, la chasse à l'homme inverse les rôles lorsque notre héros échappé d'une mine désaffectée décide de mener une véritable guérilla urbaine au coeur de sa paisible bourgade. Ce baroud d'honneur survitaminé déploie généreusement des séquences explosives toujours aussi spectaculaires et intenses avant de nous émouvoir lors d'un épilogue particulièrement bouleversant si bien que Stallone extériorise tout son potentiel dramatique. Un moment d'intimité névralgique démontrant en un laps de temps les stigmates de l'horreur inhumaine de la guerre, du traumatisme et des séquelles irréversibles assénés aux soldats du front. Ainsi, en pourfendeur contre l'autorité intolérante de son pays (les flicards sont constamment ridiculisés de par leur machisme primaire et arrogance déloyale), Ted Kotcheff recourt à la sobriété pour débattre son réquisitoire contre l'abus de pouvoir, l'injustice et la haine de l'autre.

                                   
Phénomènes à part entière dans le domaine du cinéma d'action contemporain, Rambo, le film, et Stallone, l'acteur, auront définitivement marqué la décennie 80 en renouvelant l'actionner sous couvert d'étude sociale. Ultra efficace et spectaculaire, haletant en diable, intense et bouleversant, Rambo confine au chef-d'oeuvre sans jamais perdre de vue l'humanité déchue de son personnage emblème. Un héros chevronné moralement blessé par l'irrévérence de sa terre d'accueil n'ayant aucun crédit pour la bravoure de ces anciens combattants. Inoubliable.

A Pascal, mon frère de sang...

Rambo 2: http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/rambo-2-la-mission-rambo-first-blood.html

mardi 9 août 2011

La Forteresse Noire / The Keep


de Michael Mann. 1983. U.S.A. 1h36. Avec Scott Glenn, Alberta Watson, Jurgen Prochnow, Robert Prosky, Gabriel Byrne, Ian Mc Kellen, William Morgan Sheppard, Royston Tickner, Phillip Joseph.

Sortie en France le 2 mai 1984, U.S: 16 Décembre 1983.

FILMOGRAPHIE: Michael Kenneth Mann est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 5 Février 1943 à Chicago. 1979: Comme un Homme Libre, 1981: Le Solitaire, 1983: La Forteresse Noire, 1986: Le Sixième Sens, 1989: LA Takedown, 1992: Le Dernier des Mohicans, 1995: Heat, 1999: Révélations, 2001: Ali, 2004: Collatéral, 2006: Miami Vice, 2009: Public Enemies.

                                   

Deux ans après Le Solitaire, Michael Mann transpose en 1983 le roman de Francis Paul Wilson, The Keep, récit fantastique illustrant la dualité du Bien et du Mal sur fond d'occupation nazie. Néanmoins, La Forteresse Noire, initialement prévu à l'origine pour avoisiner une durée conséquente de 3 heures, se voit réduire de moitié par la production, faute d'un budget malingre. En outre, quelques incidents techniques tels la mort du superviseur des effets-spéciaux, le climat hivernal rigoureux et les toquades de certains comédiens vont encore compromettre une oeuvre ambitieuse à la réputation maudite. Aujourd'hui, La Forteresse Noire est enfin reconnue par une communauté de fans transis d'émoi pour sa  fulgurance formelle et son impact musical résolument obsédant. Si bien que quelques décennies après sa sortie, ce diamant noir malmené par la vicissitude reste d'une acuité ensorcelante ! Le pitchAvril 1941, Europe de l'Est. Dans les montagnes rocailleuses d'un village des Carpathes, une armée d'officiers nazis sont dépêchés sur les lieux d'une mystérieuse forteresse. 108 croix en nickel sont scellées dans les murs en interne de cette prison. Deux soldats un peu trop fureteurs s'empressent de dérober l'un des crucifix en libérant incidemment une force occulte au pouvoir démoniaque. Rapidement, les officiers allemands craignent que des partisans du village ont commandités ces meurtres. Au même moment, un nouvel escadron de SS régi par un capitaine castrateur vient de pénétrer dans l'enceinte du hameau.

                            

S'il fallait prouver l'indéniable pouvoir d'envoûtement et de lyrisme conféré à la Forteresse Noire, il suffit simplement de jeter un oeil dès le générique d'ouverture s'attardant inlassablement sur un plan séquence vertigineux. La caméra surplombant un ciel nuageux pour débouler ensuite vers une végétation d'immenses sapins avant de finalement se focaliser sur la venue de véhicules militaires pilotés par de vaniteux nazis. C'est avant tout le score prégnant de Tangerine Dreams qui exacerbe ces images d'un onirisme baroque, accentuées en intermittence d'effets de ralenti limpides. En cinq minutes chrono, Michael Mann nous immerge de plein fouet dans la campagne isolée d'un état roumain que le 3è reich est venu conquérir par mégalomanie. C'est avec la découverte insolite de cette immense forteresse occupée par les nazis que les forces du Mal vont pouvoir s'extraire de leur geôle avec comme unique dessein d'annihiler la terre.

                           

Ainsi, à un florilège d'images flamboyantes scandées d'une partition électronique lancinante (l'arrivée des nazis au sein du village, la traversée maritime crépusculaire, l'échange torride des deux amants en étreinte sexuelle, la relation paternelle de l'historien avec sa fille), l'atmosphère d'étrangeté qui y émane (la visite de la forteresse narrée par le prêtre à l'officier, la première rencontre avec Glaeken, les offensives surnaturelles perpétrées en pleine nuit contre les soldats, le climax apocalyptique sous un épais brouillard) hypnotise les sens du spectateur immergé dans un univers gothique étrangement indicible ! Les décors blafards et brumeux découlant d'une scénographie opaque héritée du vampirisme nous bordant vers une dimension onirique d'une rare vigueur émotive. Ainsi, à travers l'agissement délétère d'un golem voué à l'achèvement du monde, Michael Mann juxtapose cette menace au spectre du nazisme afin de sous-entendre une réflexion sur l'instinct du Mal et son hypocrisie mécréante. Hormis les carences du budget, l'esthétisme formel qui en découle et le soin conféré à la physionomie de la créature, impressionnante de robustesse, nous confrontent à une odyssée funèbre que nos protagonistes arpentent avec mélancolie existentielle ! Notamment si je me réfère aux tendres rapports entre le père impotent et sa fille retenus prisonniers dans la forteresse. Là encore, la puissance émotionnelle découlant de leur désagrément ou d'orgueil (pour les nazis intraitables) contraste avec la menace perfide d'une créature protéiforme instinctivement impérieuse. Opera majestueux de sons et lumières vapoteuses, La Forteresse Noire constitue une expérience cinégénique singulière en dépit de ses carences et de ses imperfections facilement pardonnables pour qui est sensible à l'invitation au Fantastique charnel.

                            
Ad vitam aeternam
A la fois hypnotique, lyrique et envoûtant de par son élégance aussi bien formelle que mélomane, La Forteresse Noire transfigure l'affrontement du Bien et du Mal par le biais d'une élégie somme toute sensorielle. Tant auprès de la mise en scène prodige de Mann, créateur d'images ténues, de l'exceptionnelle partition de Tangerine Dreams que du talent des comédiens au charisme buriné (ou autrement sensuel). Scott Glenn, Gabriel Byrne, Ian Mc Kellen, et dans une mesure charnelle Alberta Watson s'affrontant avec une sobre expressivité d'amertume. Quintessence du fantastique moderne à la sensibilité envoûtée, on quitte alors ce rêve obscur avec l'ivresse mélancolique de l'avoir rompu un peu trop brièvement (1h36 en tout et pour tout pour explorer son univers funéraire). Car bien au-delà de la projection, La Forteresse Noire perdure son emprise émotive pour nous hanter à jamais à travers sa convocation au gothisme folklorique surgi de nulle part. 

*Bruno
09.08.11
14.04.23. vostfr (5è x)

                                           

vendredi 5 août 2011

POLTERGEIST 3


de Gary Sherman. 1988. U.S.A. 1h44. Avec Tom Skerritt, Nancy Allen, Heather O'Rourke, Zelda Rubinstein, Lara Flynn Boyle, Kipley Wentz, Richard Fire, Nathan Davis, Roger May, Paul Graham, Meg Weldon.

Sortie Salle en France le 10 Aout 1988. U.S.A: 10 Juin 1988.

FILMOGRAPHIE: Gary A. Sherman est un réalisateur, scénariste et producteur américain né en 1943 à Chicago dans l'Illinois.
1972: Le Métro de la mort, 1981: Réincarnations, 1982: Descente aux enfers, Mystérious Two (TV film), 1984: The Streets (TV film), 1987: Mort ou Vif, 1988: Poltergeist 3, 1990: Lisa, After the Shock, 1991: Murderous Vision (TV film).

                           

Bruce et Patricia Gardner ont recueilli leur nièce, la petite Carol Anne, afin de lui faire oublier les visions de cauchemars qui la hantent. Mais la peur progresse au fur et à mesure que des événements étranges se produisent dans la tour où habitent les Gardner. Carol Anne voit resurgir son sinistre persécuteur, le prêcheur Kane, qui l'invite à le rejoindre dans l'au-delà. La fidèle Tangina, dotée de quelques pouvoirs surnaturels, tente de secourir la fillette.

                           

Pour faire concis, Poltergeist 3 est un mauvais film encore plus probant qu'à l'époque de sa sortie. Après un second volet assez médiocre, mais néanmoins sympathique par son esthétisme soigné, quelques scènes chocs impressionnantes et surtout le personnage iconique du pasteur véreux, Gary Sherman (inoubliable réal du Métro de la Mort, Vice Squad et surtout Réincarnations) prend la relève pour tenter de renouer avec la qualité du 1er volet. Après une première demi-heure quelque peu attrayante dans son ambiance gentiment inquiétante, le film va peu à peu se discréditer et s'empiéter dans une intrigue vaine complètement éculée malgré la bonne idée des miroirs déformants et d'une condition climatique glaciale matérialisée par les forces de l'au-delà ! L'idée couillue que l'enfer n'est plus qu'un royaume de glace était néanmoins beaucoup mieux exploitée dans le sympathique 976 Evil de Robert Englund. Les 40 dernières minutes vont enfoncer le clou dans ses maladresses imposées, faute d'un scénario inepte de "ouh fais moi peur" de pacotille avec une partie de cache-cache redondante et rébarbative entre les forces du Mal et nos héros piégés en interne d'une gigantesque tour de verre. Les excellents comédiens Tom Skerritt et Nancy Allen se demandent eux mêmes ce qu'ils sont venus foutre dans cette galère tant leur jeu risible sombre dans la parodie implicite, sans oublier certains personnages stéréotypés (l'hypnotiseur ou la médium naine, Zelda Rubinstein, d'ailleurs sélectionnée aux Razzy Awards). La scène réfrigérante de l'assaut des voitures congelées, coursant notre couple dans un parking souterrain, est sans doute le moment nanardesque le plus impayable du film. Malencontreusement, le score musical apathique donne l'impression lui aussi d'enfoncer le clou du rythme monocorde. A sauver, quelques scènes d'angoisse assez réussies dans sa première partie, l'interprétation toujours convaincante de la petite Heather O'Rourke et des FX ambitieux du plus bel effet.

                          

Une suite complètement à côté de la plaque donc, faute d'un scénario archi convenu (Sherman y est crédité parmi deux comparses !) et d'une mise en scène jamais inspirée, même si largement défavorisée par des conditions de tournage excécrables. Ce qui, du coup, permet de rehausser le niveau trivial du second volet.

In memoriam: Heather O'Rourke mourra peu après la fin du tournage d'un choc septique causé par la maladie de Crohn, à l'âge de 12 ans.

06.08.11
Bruno Matéï.

jeudi 4 août 2011

POLICE ACADEMY


de Hugh Wilson. 1984. U.S.A. 1h35. Avec Steve Guttenberg, Kim Cattrall, G.W. Bailey, Bubba Smith, Donovan Scott, George Gaynes, Andrew Rubin, David Graf, Leslie Easterbrook, Michael Winslow.

Sortie en salles en France le 5 Septembre 1984. U.S.A: 16 Mars 1984.

FILMOGRAPHIE: Hugh Wilson est un réalisateur, acteur et scénariste américain né le 21 Aout 1943. 1984: Police Academy1985: Rex le Magnifique. 1987: Pie Voleuse. 1994: Un Ange gardien pour Tess. 1997: Le Club des Ex. 1999: Allo, la police ?!. 2000: Première Sortie. 2007: Mickey

                                      

Spécialiste de la comédie tous publics, Hugh Wilson n'a pu prévoir qu'il allait engendrer avec son premier long une franchise lucrative répertoriant 6 suites. Une saga commerciale très inégale qui s'étalera une décennie durant (1984/1994). A sa sortie, le succès mérité de Police Academy est immense si bien qu'il engrange plus de 80 millions de dollars de recettes pour un budget de 4,5 millions. Hélas, les épisodes suivants régresseront en terme d'inventivité burlesque au point de lasser un public fatigué de subir des gags aussi gras. Mais il serait dommage d'occulter ce premier volet proprement hilarant et mené à un rythme effréné au point de la considérer comme un classique de la comédie américaine. Le pitchDans une académie policière, les règles de déontologie pour s'y inscrire viennent d'être édulcorées. Ainsi, des volontaires sont enrôlés afin de suivre un stage de quelques semaines et pouvoir exercer leur métier dans un avenir prochain. Mais la nouvelle équipe recrutée sera une lourde labeur pour le lieutenant castrateur Harris, pourtant déterminé à les recadrer avec une ferme autorité !

                                        

D'un argument saugrenu inspirée de faits réels (!?), la réussite de Police Academy doit sa franche réussite à cette idée improbable poussée ici à son paroxysme (aucun examen d'entrée n'est acquis pour s'inscrire dans l'académie), permettant d'y déployer abondamment une galerie de personnages tous plus débridés, incongrus et aliénés les uns que les autres. Le film se distingue en deux parties toutes aussi loufoques et hilarantes l'une que l'autre. C'est dans un premier temps la phase d'entraînement exercée par nos recrus qui nous ait illustré lors d'un florilège de scènes délirantes avoisinant en moyenne un gag à la minute. Puis vient l'entrée en action des nouveaux flics chevronnés car entraînés dans la discipline de fer d'un lieutenant aussi drastique que ballot. Le caractère hautement sympathique de ces policiers novices et l'ambiance survitaminée de défouloir qui émane de leurs bévues parviennent à rendre cette comédie gentiment effrontée et irrésistible !

                                     

Tant auprès de Mahoney (Steve Guttenberg), play-boy obtus, arrogant et désinvolte, adepte de la drague et de la flânerie, de Larvell Jones (Michael Winslow) capable d'imiter à la perfection à l'aide de sa bouche des bruitages extravagants, d'Eugene Tackleberry (David Graf), véritable clone de l'inspecteur Harry en mode psychopathe car obsédé par les armes à feu et maladivement addict à appréhender les gangsters les plus malfamés, de Moses Hightower (Bubba Smith), homme afro à la taille disproportionnée décuplant sa force physique de manière prodigieuse, que de la timorée Laverne Hooks (Marion Ramsey), petit bout de femme afro, discrète et anémique, à l'instar de sa voix chétive ! Enfin, je ne peux aussi manquer d'évoquer Debbie Callahan (Leslie Easterbrook) dans le rôle d'une capitaine de charme dominatrice, tendance SM, ou encore la charmante Karen Thompson (Kim Cattral, inoubliable compagne de Kurt Russel dans Les Aventures de Jack Burton...), future petite amie docile du dragueur invétéré Mahoney ! Ainsi, cette galerie de personnages haut en couleurs rivalise de stupidité à commettre les situations à risque les plus improbables qui soient. D'ailleurs, dans le domaine des gaffes les plus répréhensibles, leurs exactions se clôturent sur un épilogue pétaradant lorsque nos équipiers maladroits et froussards feront preuve de courage face à l'ébullition d'une émeute urbaine ! Action, poursuites et gags s'enchaînant jusqu'à la fameuse célébration d'une procession de récompense ovationnées pour nos héros malgré eux. Une remise de médaille d'honneur potentiellement méritante, du moins pour certains de nos officiers les plus retors.

                                   

Surtout ne les appelez pas quand vous êtes dans la M... !!!
Mené à 100 à l'heure sous l'impulsion hystérisée d'une troupe de comédiens sémillants à travers leur pitreries impayables, Police Academy peut sans conteste se targuer d'être l'une des meilleures comédies des années 80. Car sans doute influencé par l'immense succès des frères Zucker, Y'a t'il un pilote dans l'avion, on retrouve ici ce même esprit débridé inspiré du cartoon lors d'une pléthore de gags défilant en moyenne toutes les 30 à 60 secondes ! 

04.08.11.    .
Bruno Matéï.

mardi 2 août 2011

RESERVATION ROAD


de Terry George. 2007. U.S.A. 1h42. Avec Jennifer Connelly, Joaquim Phoenix, Mark Ruffalo, Elle Fanning, Mira Sorvino, Eddie Alderson, Gary Kohn, John Slattery, Sean Curley.

Inédit en Salles.

FILMOGRAPHIE: Terry George est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né le 20 décembre 1952, en Irlande du Nord.
1996: Some Mother's Son
1998: A Bright Shining Lie (tv)
2004: Hotel Rwanda
2007: Reservation Road

                          

Hommage subjectif d'un puriste amateur affecté.
Après son drame inoubliable sur le génocide rwandais dans Hotel Rwanda, Terry George renoue trois ans plus tard avec une tragédie familiale d'une sobre intensité émotionnelle. Honteusement inédit en salles, Reservation Road aborde avec gravité et sans esbrouffe de pacotille l'impossible deuil de la perte d'un enfant, fauché accidentellement par une voiture dont le conducteur s'est résolu à prendre l'escampette. 

Ethan et Grace forment un couple harmonieux parmi la présence docile de leurs deux enfants équilibrés. Un soir, le fils est violemment percuté par une voiture roulant à vive allure. Le chauffard en question, un avocat qui accompagnait son fils chez son ex femme, décide de prendre la fuite, éprouvé d'une peur panique d'avoir perpétré un évènement aussi dramatique. Les parents anéantis par la mort de leur enfant décident désespérément de retrouver l'assassin présumé.

                            

Avec un sujet aussi grave et brûlant, la perte d'un enfant fauché par la voiture d'un conducteur inhibé par son acte répréhensible, Reservation Road aurait pu facilement sombrer dans le mélo pompeux et lacrymal. Avec l'intelligence d'un réalisateur humble et modeste, cette histoire en apparence convenue réussit à transcender ses conventions par la grâce tempérée des comédiens tous impliqués de manière prude et la dextérité de ne pas porter de jugement moralisateur sur le bourreau incriminé ou la victime éprise de justice individuelle.
Ce qui favorise la force et l'intensité du récit est centré sur ce duel psychologique entre deux père de famille antinomiques auquel nous allons suivre en parallèle leur état d'âme et leur blessure secrête fustigées dans la rancoeur, la haine, le désespoir et l'exutoire rédempteur.
Terry George réussit avec justesse et sans une once de complaisance à nous émouvoir à travers le destin brisée d'une famille qui était épanouie par l'aubaine conjugale affiliée à l'amour infantile. Après un préambule bouleversant dans l'homicide accidentellement perpétré envers un enfant, le réalisateur nous fait partager les douloureux moments de doute et d'angoisse d'un couple endeuillé, incapable de surmonter la mort de leur progéniture, frappée de plein fouet par la voiture d'un quidam lâche pour son acte involontairement criminel. Toutes ses séquences intimistes qui illustrent les relations tendues et orageuses envers le couple démuni au bord du marasme sont remarquablement mises en contraste avec le rapport affecté entre le chauffeur incriminé, un avocat réputé épris de tendresse pour son jeune fils séparé de l'union conjugale, réfugié dans la passion sportive du basket ball. A travers ces deux portraits de pères involontairement liés par un deuil familial, Terry George détourne la convention requise de l'assassin immoral éludé d'une quelconque repentance. En effet, il s'attache ici à accorder autant de profondeur aux victimes incapables d'assumer la mort de leur enfant mais aussi au criminel orgeuilleux finalement épris d'humanité envers l'amour paternel. Un rival tourmenté profondément perturbé par son acte irresponsable, constamment rongé par la culpabilité jusqu'à envisager la rédemption dans une cellule de prison en se livrant courageusement à la police.
En point d'orgue décisif et radical, Reservoir Road amène également une réflexion sur la justice expéditive et de quelle manière salvatrice un homme envahi par la colère, avide d'équité et d'impartialité, pourrait éventuellement changer d'avis en dernier ressort.

                          

Une fois de plus, le robuste Joaquim Phoenix délivre une poignante interprétation dans sa douleur surmenée d'un père endeuillé incapable de concevoir l'insouciance d'un chauffard en liberté.
Un homme traumatisé, replié sur lui même, hanté par l'iniquité mais insinueusement irascible dans sa détermination de prendre l'enquête à bras le corps contre l'impotence des autorités. A moins  d'entamer en désespoir de cause une démarche beaucoup plus radicale et expéditive dans son esprit autodestructeur de s'octroyer d'une justice individuelle suicidaire. La ravissante Jennifer Connelly apporte son soutien maternel avec une spontanéité dépouillée dans celle d'une mère submergée de douleur par cette tragédie fortuite mais un peu plus pondérée et nuancée dans sa quête chétive de renouer avec l'affection et la tendresse de leur vie maritale en chute libre. Leur rival indigne est endossé par l'excellent Mark Ruffalo, tout aussi impressionnant, pathétique et affligeant dans sa prise de remord et sa lourde conscience galvaudée par l'accident meurtrier d'une mort infantile. De prime abord, apeuré et faussement insidieux dans son égoïsme lattent, le criminel malgré lui va lentement se résigner à aseptiser son impardonnable faute d'avoir annihilé la vie d'un innocent juvénile.

                          

Remarquablement mis en scène sans effet de pathos et interprété avec une justesse de retenue par des comédiens essentiels, Reservoir Road est un bouleversant drame psychologique sur la perte chère d'un enfant brutalement soutiré à sa famille et sur la quête de justice qui en résulte pour la responsabilité de l'assassin laissé en liberté. Son message lucide de tolérance contre l'animosité souhaite énoncer que la seule raison de renoncer à la violence jusqu'au-boutiste est de savoir percevoir dans les yeux de son bourreau une potentielle lueur d'humanité pourfendue par le regret et la culpabilité.

Dédicace à Pascal Frezatto.
02.08.11.
Bruno Matéï.                        

lundi 1 août 2011

STAKE LAND


de Jim Mickle. 2010. U.S.A/Australie. 1h38. Avec Connor Paolo, Nick Damici, Michael Cerveris, Danielle Harris, Kelly McGillis...

FILMOGRAPHIE: Jim Mickle est un réalisateur américain.
2002: The Underdogs (court)
2006: Mulberry Street
2010: Stake Land

                            

Quatre ans après son premier essai superficiel mais prometteur, Mulberry Street, Jim Mickle s'inspire d'une ambiance post-apocalyptique pour retracer la destinée d'une poignée de survivants, contraints de combattre une horde de vampires et tenir tête à une secte fondamentaliste. Ou quand La Route se serait affilié avec Near Dark. 

Dans un monde à l'agonie régi par des vampires, Martin est témoin du massacre de ses parents commis par ces créatures. Il est sauvé in extremis par un briscard solitaire, voyageur autonome circulant en véhicule au hasard des routes. Ensemble, ils vont parcourir différentes contrées bucoliques jusqu'à envisager de rejoindre le canada, nouvelle terre d'accueil pour les autres survivants.

                           

Jim Mickley avait déjà séduit avec son précédant métrage, Mulberry Street, première bande fauchée, maladroite mais pleine de bonnes intentions et privilégié par des personnages à la densité humaine probante. En 2010, il rempile derrière la caméra pour s'allouer d'un budget un peu plus conséquent et d'acteurs mieux confirmés pour livrer un road movie désenchanté auquel des vampires mutants ont envahi notre monde en phase de déclin.
Avec son ambiance nonchalante continuelle, ses décors désolés de paysages naturels blafards et d'un score élégiaque aux accords de piano timoré, Stake Land joue la carte de la compassion et de la désillusion. Autant avertir de suite ceux qui s'étaient envisagés d'assister à un film d'horreur bourrin dans le simple but de choquer et divertir, même si certains moments échevelés déploient sans concession des scènes gores bien sanglantes.
Cette série B modestement réalisée compense la maigreur de son budget par une habile utilisation de ces décors décharnés accentué par un climat maussade en clair obscur superbement photographié.
En suivant le cheminement d'un duo de survivants téméraires et courageux, le réalisateur souhaite retranscrire avec réalisme et poésie funèbre une hostile aventure humaine riche en imprévus et moults dangers face à deux menaces distinctes. Mister et le jeune Martin vont devoir s'allier pour combattre de prime abord les meutes de vampires planqués à n'importe quel abri et continuer leur voie au hasard des itinéraires envisagés. La mort putride suinte son odeur nauséeuse dans l'atmosphère impure, des cadavres calcinés jonchent les trottoirs de villages fantômes où certains survivants retranchés dans leur foyer tentent encore de repousser l'antagoniste fétide, incarnation du Mal occulte. Durant leur trajet, nos deux fuyards vont faire la rencontre de quelques quidams esseulés avec qui ils vont s'unir pour faire un bout de chemin commun. En prime de la menace perpétuelle des créatures voraces de la nuit, ils vont également devoir faire face à une communauté fondamentaliste fustigeant la vie humaine et ses voyageurs égarés qui osent empiéter sur leur territoire. Dès lors, le danger omniprésent est incessamment provoqué par notre groupe de fuyants, dépêchés de retrouver une terre nouvelle: le Canada.

                             

Avec une louable attention sur l'humanité de ses personnages, accentuée par la prestance tempérée de comédiens à la trogne naturelle,  Jim Mickle s'attarde avec empathie sur le destin de ces survivants qui iront jusqu'au bout de leur ambition pour retrouver un semblant de vie un peu plus paisible et moins délétère. La narration simple et sans surprise réussit pourtant à séduire dès son cruel préambule (les parents sacrifiés) et maintenir l'intérêt par la caractérisation des protagonistes. En intermittence, le réalisateur n'oublie pas pour autant d'accentuer un rythme plus frénétique émaillé de quelques scènes-chocs techniquement bricolées mais adroites et assez bien maîtrisées (en dehors de la vaine représaille d'un vampire vindicatif, ancien membre de la secte religieuse). On peut être quelque peu rebuté par le look insalubre des vampires monstrueux, sortes de mutants vulgairement burinés par un faciès défiguré couleur charbonnée. Mais leur esprit carnassier et la sauvagerie à laquelle ils font preuve pour décimer leur proie impressionne le spectateur convaincu de son caractère surnaturel. Mais c'est surtout son ambiance apocalyptique dans le sillage du superbe film, La Route, qui réussit facilement à immerger son public fidèlement rattaché au destin précaire de nos héros lamentés.
En prime, le portrait établi envers le jeune Martin (interprété par l'attachant Connor Paolo), orphelin endeuillé mais furtivement entraîné par son mentor chevronné, est une forme de parcours initiatique au vu de l'évolution finale de sa personnalité épaulée par une nouvelle recrue impromptue. Alors que son comparse éprouvé par ce climat morbide semble épris d'une autonomie drastique pour fuir égoïstement les régions contaminées, tel un nouveau fantôme errant. 

                          

Totalement orienté sur la dimension humaine de ces personnages chétifs autant que pugnaces, Stake Land traite fatalement de l'espoir, du courage et de l'union fraternelle pour tenter d'échapper à un monde en dégénérescence. De surcroît, si la violence qui en résulte engendre la violence, elle forge l'esprit devenu inflexible de celui qui a tenté de l'appliquer au nom de sa propre survie. Traversé de quelques scènes chocs spectaculaires, cette série B à la mélancolie prégnante réussit à toucher par l'amertume de son sujet. Un tableau noir dédié à l'humanité de notre civilisation davantage déshumanisée quand la fin du monde nous laisse songeur face à l'incertitude.

01.08.11
Bruno Matéï.

                                       

samedi 30 juillet 2011

LEGITIME DEFENSE


de Pierre Lacan. 2010. France. 1h25. Avec Jean-Paul Rouve, Claude Brasseur, Olivier Gourmet, Marie Kremer, Gilles Cohen, Michel Ardouin, Franck Tiozzo

Sortie en salle le 16 Mars 2011.

FIMOGRAPHIE: Pierre Lacan est un acteur, scénariste et réalisateur français
1999: Combien tu m'aimes (court)
2000: Sommeil Profond (court)
2002: Les Corsps solitaires (court)
2004: Frédérique amoureuse (court)
2011: Légitime Défense

                        

Hommage subjectif d'un puriste amateur de polar.
Pour son premier long-métrage, tiré du roman Terminus Plage de Alain WagneurPierre Lacan renoue avec le polar des années 80 avec un ton réaliste sans esbroufe, dans le sillage du cinéma de Alain Corneau, Pierre Granier-Deferre ou encore Maurice Pialat. Il ose confier à son interprète principal, Jean Paul Rouve, un rôle dramatique à contre-emploi d'une surprenante sobriété naturelle.  

Un père de famille inhibé va se retrouver embarqué dans une intrigue criminelle depuis que son paternel, ancien détective privé, a mystérieusement disparu. Recherché par une bande de malfrats véreux, il va devoir faire face à de lourdes responsabilités et découvrir le passé d'un père corrompu.

                           

Baignant dans une atmosphère réaliste et blafarde, Légitime Défense est un louable polar qui tente de renouer avec les ambiances naturalistes d'antan dans une mise en scène froide, sans fioriture, d'une violence tranchante, rehaussant ainsi son caractère austère et abrupt.
L'histoire morose de ce novice père de famille qui va au fil de son cheminement découvrir le sombre passé de son géniteur putassier ose ancrer un récit tortueux, laissant large part au profil de personnages indociles anti conventionnels. Des protagonistes en apparence aimables et dociles mais bonimenteurs, sans scrupule, baignant dans l'illégalité au profit de l'orgueil et la cupidité. Le trio de mafieux incarné par des acteurs au charisme prégnant exacerbe aussi la tension entretenue durant la conduite narrative avant leurs accès de violence incontrôlée d'une brutalité laconique (la cause animale est aussi largement réprimandée !).
Le scénario à l'intérêt constant est suffisamment ordonné pour surprendre en intermittence dans les rebondissements assénés alors que le personnage principal va lentement s'octroyer d'un certain aplomb au fil des déconvenues endurées pour se transformer contre son gré en héros vaillant impromptu. Ce qui permet de culminer vers un point d'orgue haletant, couillu (la scène du nouveau-né en offusquera plus d'un !) particulièrement éprouvant dans les exactions tolérées d'un mafieux cynique prêt à tout pour s'approvisionner d'un butin fructueux.

                         

Il y avait de quoi être dubitatif face au choix fortuit d'un acteur de la trempe de Jean-Paul Rouve, habitué aux rôles de comique saugrenu dans des comédies légères bon enfant. Il trouve ici une composition naturelle surprenant de tempérance dans son esprit flegmatique et semble même rappeler dans sa physionomie candide un monstre du cinéma, Patrick Dewaere. Peu affirmé, discret et effacé face à un monde d'adultes mécréants, il endosse au fil de son initiation une personnalité davantage valeureuse face aux révélations dramatiques qui empiètent sans outrance l'intrigue. On retrouve avec plaisir l'ancien briscard Claude Brasseur endossant le personnage solitaire d'un retraité alcoolique entouré d'animaux de compagnie dans une maison précaire. Bouffi, buriné et lassé d'une vie monotone, son aide fraternelle (implicitement suicidaire) parmi notre héros perplexe amplifie l'ambiance nonchalante, grisonnante qui émane de son identité meurtrie. Enfin, Olivier Gourmet est absolument remarquable dans celui du leader crapuleux sans aucune éthique pour parvenir à ses fins dans la quête frauduleuse d'une valise contenant un budget de 900 000 euros. Impassible, narquois et insidieux, il impressionne avec véracité innée un personnage ordurier avec une foi inébranlable.

                           

Correctement réalisé malgré une inexpérience dans l'action spectaculaire (la course poursuite automobile horriblement mal filmée est dévalorisée par un montage hasardeux), caractérisé par de formidables acteurs à la trogne inflexible, Légitime Défense séduit et surprend dans son caractère rugueux, éludé d'ornement. Le genre de petit polar passé inaperçu qui mérite pourtant que l'on s'y attarde tant il renoue avec respect et sincérité à une époque révolue de film noir ancré dans l'authenticité austère et la verdeur succincte. Et on peut dire que Jean Paul Rouve détonne admirablement dans un rôle en demi-teinte de père discrédité renouant favorablement avec dignité avec l'amour parental.  

30.07.11
Bruno Matéï.

jeudi 28 juillet 2011

LES NUITS ROUGES DU BOURREAU DE JADE (Le Notti Rosse Del Boia Di Jade)


de Julien Carbon et Laurent Courtiaud. 2009. France/Hong-Kong. 1h41. Avec Carole Brana, Carrie Ng Ka-Lai, Frédérique Bel, Jack Kao Kuo-Hsin, Kotone Amamiya, Maria Chan Chai-ïng, Stephen Huynh, Tony Ho Wah-Chiu.  

Sortie en salles en France le 27 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE: Julien Carbon et Laurent Courtiaud sont deux réalisateurs et scénaristes français, travaillant en duo à Hong-Kong.
2011: Les nuits rouges du bourreau de Jade.

                                    

Hommage subjectif d'un puriste amateur de Giallo.
Julien Carbon et Laurent Courtiaud sont deux français passionnés de cinéma de genre qui ont réussi à fonder avec leur leader Christophe Gans une revue de cinéma asiatique, parue en France (HK Orient Extrême). Ils se sont ensuite exilés à Hong-Kong afin d'occuper le poste de scénariste pour le compte de la société de Tsui Hark, Film Workshop. Ils peaufinent donc communément l'écriture de films comme Running out of the Time, Black Door, Black Mask 2 ou encore le Talisman
En 2007, ils se mettent à leur propre compte pour ériger une maison de production, Red East Pictures, en collaboration avec la réalisatrice Kit Wong, et ainsi pouvoir réaliser leurs propres longs.

Dans le Hong-Kong contemporain, Carrie est à la recherche d'un fameux élixir au poison létal que le Bourreau de Jade détenait à l'époque du 1er empereur de Chine. Il torturait ainsi ses victimes paralysées à l'aide de griffes fourchues, en guise de douleurs incommensurables. Catherine, une jeune française recherchée par la police possède ce venin également convoité par un groupe de mafieux régit par Mr Ko. Avec la complicité de Sandrine, la fugitive va tenter de rencontrer la prêtresse de la douleur sensitive pour conclure un juteux marché.

                                     

Ca démarre fort avec une séance érotico morbide d'une chétive sensualité formelle. Une jeune asiatique d'une beauté gracile affinée est volontairement soumise pour subir les caprices masochistes de Carrie, une femme fascinée par les exactions meurtrières du bourreau de jade. Derrière ce mythe d'une époque ancestrale, cet homme puissant pratiquait sur ses victimes des tortures insensées après les avoir paralysé à l'aide d'un puissant poison inhalé, décuplant ainsi la souffrance offerte aux victimes. Après une mise en scène emphatique savamment concoctée pour séduire les sens corporels d'une jeune désireuse, celle-ci est finalement recouverte sur toute la partie du corps d'un film de latex couleur corbeau. Après avoir à une nouvelle reprise enveloppé la témoin de cette combinaison caoutchouteuse, Carrie décide de passer au stade supérieur en obstruant la respiration de la victime et ensuite l'éventrer à l'aide de griffes aussi aiguisées que des lames de rasoir. Le sang velouté s'échappant ainsi douceureusement du corps opaque de la victime transie, livrée à sa guise ! C'est ensuite qu'apparaît Catherine, blonde pulpeuse suspicieuse depuis qu'elle est recherchée pour meurtre par la police hongkongaise. Après avoir dérobé un mystérieux objet dans une antiquité, celle-ci ne soupçonne à aucun moment que le produit en question se révèle être la potion tant fantasmée par la pêcheresse éhontée et certains individus véreux. Dans une ville nocturne fantasmagorique, les deux femmes opiniâtres et pugnaces vont se croiser, se heurter et s'affronter pour une quête suprême et lucrative. 

                                        

Dans une structure narrative quelque peu désordonnée, voire hésitante, Les Nuits Rouges du Bourreau de Jade est avant tout un spectacle esthétique d'une beauté atypique ! Somptueux décors baroques et variante de couleurs criardes réunies dans un même décor renvoient bien évidemment au cinéma d'Argento ou de Bava alors que les protagonistes majeurs semblent hérités d'Alfred Hitchock ou Jean Pierre Melville. Blonde fatale, tueuse sadienne à la perversité sans limite et mafieux sans pitié vont s'affronter dans un jeu de cache-cache nocturne à travers une ville tentaculaire pour le plaisir masochiste du meurtre stylisé. On peut aussi songer dans les péripéties accordées aux serials d'antan, à Fu-Manchu et aux polars hongkongais majestueusement chorégraphiés (comme ce final aléatoire où les ripostes de gunfight sont vigoureusement échevelées et chevronnées). On sera aussi admiratif devant la poésie morbide qui émane de certaines scènes gores d'une nuance érotique sous-jacente. Où les corps dénudés, frêles et dociles sont offerts à la guise d'une mégère délétère au sadisme épuré. La réalisation virtuose est précise, consciencieuse, immaculée dans l'art pictural de filmer des séances masochistes inscrites sur une facture flamboyante et baroque.

On peut saluer la prestance caustique de Carrie Ng Ka-Lai (The Lovers, City on Fire) qui envoûte aisément l'écran à chacune de ses exactions perpétrées pour la quête du plaisir pervers et sadique. Ou quand l'acte meurtrier se révèle sous son esprit incongru et son charme vénéneux comme un art suprême à part entière. La ravissante Frédérique Bel en blonde pulpeuse tout droit sortie d'un suspense Hitchcockien possède un charme et une présence charismatique assez particulière dans sa posture élevée. Mais la manière dont elle gesticule ses tirades verbales nuit un peu de sa prestance honorable, injustement décriée à sa sortie (de mon point de vue affecté).

                                         

Esthétiquement sublime et enivrant, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade est un exercice de style parfois hésitant, maladroit (le jeu des comédiens français est une fois de trop instinctivement théâtral), mais bourré de bonnes intentions dans son hommage giallesque à tout un pan du cinéma transalpin expatrié dans une culture asiatique florissante. Sa narration aurait peut-être gagnée à être un peu plus dense, ordonnée et ambitieuse mais la puissance érotico-sensuelle de certaines scènes clefs et l'imagerie gore raffinée qui en émanent renvoient aux plus belles heures de gloire d'illustres maîtres comme Dario Argento. Alors que son inopiné final immoral pourra en rebuter plus d'un !

28.07.11
Bruno Matéï.
 

mercredi 27 juillet 2011

Wolfen. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1982.


de Michael Wadleigh. 1981. U.S.A. 1h54. Avec Albert Finney, Diane Venora, Edward James Olmos, Gregory Hines, Tom Noonan, Dick O'Neill.

Sortie en salles U.S: 24 Juillet 1981. France: 3 Mars 1982

FILMOGRAPHIE: Michael Wadleigh est un directeur de la photographie et réalisateur américain né le 24 septembre 1939. 1970: Woodstock. 1981: Wolfen. 1990: Woodstock: the Lost Performances (vidéo). 1999: Jimi Hendrix: live at Woodtock.

                                       

"Dans son arrogance, l'homme ne sait rien de ce qui, sur terre, défie l'imagination. Une vie aussi certaine que notre mort. Une vie qui se nourrit de nous, comme nous nous nourrissons de cette terre".

Onze ans après son documentaire fleuve sur le festival de Woodstock (rassemblement hippie autour d'un concert musical historique), Michael Wadleigh réalise en 1981 son unique long-métrage, Wolfen, tiré du roman de Whitley Strieber. Echec public à sa sortie, faute d'avoir été vendu comme un divertissement d'horreur lucratif, le film séduit tout de même le jury d'Avoriaz qui lui décerne le Prix Spécial du Jury un an après sa sortie. Le pitchA New-York, après avoir inauguré la future construction d'un gros projet immobilier, un homme d'affaire, son épouse ainsi que leur chauffeur sont retrouvés sauvagement assassinés. L'inspecteur Dewey est chargé de l'enquête auprès d'une jeune psychologue, spécialiste des profils terroristes. Par le biais d'experts légistes, ils découvrent que des poils d'animal ont été retrouvés sur les corps des victimes. Ils font alors appel à un spécialiste des loups tandis que la population indienne du Bronx est bientôt suspectée des meurtres.   

                                  

Sorti en pleine frénésie des films de loups-garous, juste après les classiques contemporains Hurlements (1980) et Le Loup-Garou de Londres (1981), Wolfen aura dupé une partie de son public qui s'attendait sans doute à un nouveau choc visuel en matière d'effets-spéciaux virtuoses et de maquillages révolutionnaires. Que nenni, Wolfen jouant la carte de la suggestion et de la sobriété. La
subtilité est ici de mise si bien que l'argument potentiellement fantastique est devancé par une intrigue policière à suspense avant de nous orienter vers un sous-texte socio-écolo sur la nature dépréciée de notre civilisation moderne. Notamment la relation spirituelle qu'entretiennent les indiens et les loups, communément exterminés depuis l'arrivée des européens lors d'une époque ancestrale. Le prélude, anxiogène puis fatalement cinglant, nous illustre la virée nocturne d'un notable, sa femme et leur chauffeur, violemment agressés par une présence interlope en interne d'un parc. Mystère diffus, présence hostile tapie dans l'ombre avant qu'une estocade sanglante ne vienne soutirer la vie de ces occupants. Le lendemain, la police dépêchée sur les lieux recrute l'inspecteur Dewey affilié à une jeune psychologue pour tenter de résoudre cette nouvelle affaire criminelle. Après avoir suspecté la nièce de l'entrepreneur Christopher van der Veer, une militante terroriste, le duo s'oriente du côté d'un expert en animalerie, Ferguson, si bien que des poils d'un mammifère sauvage ont été retrouvés sur les plaies des victimes.

                                      

Avec une économie de moyens et l'intelligence d'un scénario charpenté, Wolfen tient à nous sensibiliser sur la condition précaire de la communauté indienne ayant vécu auprès de la fidélité des loups durant plus de 20 000 ans. Une conjonction ancestrale établie en pays Américain avant le massacre planifié des européens. L'intronisation de cette ethnie aura donc été ébranlée par ces étrangers opportunistes avilissant leurs terres sacrées. Mais le loup, demi-dieu au pouvoir singulier, a tout de même réussi à prendre le maquis pour se réfugier dans les taudis délabrés, à l'abri de leurs bourreaux opportunistes toujours aptes à ériger les grandes mégalopoles. En l'occurrence, ces canidés auront décidé de défendre et réaffecter leur restant de territoire (une église abandonnée, symbole d'havre de paix !) pour tenter d'y survivre en sacrifiant les malades incurables ou les laisser pour compte. Ainsi, pour rendre crédible leur présence menaçante constamment à l'affût, Michael Wadleigh utilise un procédé visuel original souvent réalisé en caméra subjective, à la louma mais aussi à la steadycam. Des mouvements de caméra fluides et rapides permettant de suggérer la présence animale en vision thermique. C'est à dire qu'à travers leur regard, les sources de chaleur que dégagent les victimes observées sont caractérisées par des couleurs fluctuantes que le réalisateur réussit efficacement à contraster. Alors que leur déplacement perçu dans un rayon de quelques mètres fait audiblement écho sous l'ouïe sensitive des mammifères. En dehors de cette enquête passionnante riche en anecdotes scientifiques et péripéties inopportunes, on ne manquera pas de citer l'altercation échevelée du film. Un point d'orgue explosif particulièrement intense lorsqu'une meute de loups encercle nos protagonistes en plein centre urbain. D'ailleurs, un effet gore du plus bel effet (que la production eut décidé d'imposer !) rajoute au caractère spectaculaire et brutal de la future estocade. En prime, la manière virtuose dont le cinéaste filme ses splendides mammifères au regard perçant captive le public fasciné par leur silhouette quasi surnaturelle !

                                      

Superbement réalisé parmi la contribution musicale du score fragile de James Horner et dominé par le charisme tranquille d'Albert Finney, Wolfen symbolise avec modernité le Fantastique cérébral, une fable subtile militant pour la cause des loups, canidé au pouvoir mystique. Son message écolo en faveur de la nature et de cette espèce sauvage ainsi que le témoignage poignant imputé au génocide indien transcendent une oeuvre poétique à la fois sensible et désenchantée mais également fascinante et salutaire.

*Bruno
Dédicace à Daniel Aprin.
31.12.19
27.07.11


lundi 25 juillet 2011

LE SANG DES TEMPLIERS (Ironclad)


de Jonathan English. 2011. Angleterre/U.S.A/Allemagne. 2h01. Avec James Purefoy, Brian Cox, Derek Jacobi, Kate Mara, Paul Giamatti, Charles Dance, Mackenzie Crook…
Sortie en salles France le 20 Juillet 2011. U.S.A le 26 Juillet 2011.

FILMOGRAPHIE: Jonathan English est un réalisateur, scénariste et producteur anglais.
2002: Nailing Vienna. 2006: Minotaur. 2011: Le Sang des Templiers

                                         

Basé sur de véritables faits historiques, Jonathan English nous narre pour son troisième long-métrage la révolte des barons anglais contre le roi Jean sans Terre, héroïquement retranchés dans son château afin de repousser les belligérants toujours plus nombreux. En 1215, le roi d'Angleterre, Jean sans Terre est contraint de signer la Magna Carta, une charte libertaire rédigée en faveur du peuple. Sévèrement dépité, celui-ci va revenir sur sa décision et tenter de reprendre ses terres et sa souveraineté avec la collaboration de mercenaires. Sur le point d'atteindre Londres, un obstacle de taille l'empêche de subvenir à ses ambitions égotistes. Son propre château de Rochester est occupé par le baron Albany ainsi qu'une poignée d'insurgés gouvernés par le chevalier templier. La bataille sera rude et sans répit !

                                              

A feu et à sang ! C'est ce que l'on retient de prime abord après avoir assisté à ce spectacle de série B d'une barbarie inouïe ! En narrant un fait divers du 13è siècle auquel une poignée de barons anglais affiliés à des rebelles volontaires tenirent tête à toute une armée de mercenaires, Le Sang des Templiers demeure une agréable surprise. Si le film, humble dans ses intentions historiques, est très loin d'égaler les grands classiques tels Braveheart, le Dernier des Mohicans ou Rob Roy, et qu'il manque une certaine densité dramatique chez le jeu modeste des interprètes, la manière dont Jonathan English nous retranscrit l'époque moyenâgeuse privilégie un crédit d'authenticité qui fait plaisir à voir. Epaulé d'une photographie désaturée, les décors naturels et surtout les monuments historiques disloqués par la violence des combats sont mis en valeur dans une facture insalubre auquel le sang et la poussière se fondent au milieu du fracas des armes. Les uniformes impurs des guerriers intrépides et leurs lourdes armures maculés de sang participent à l'esthétisme rugueux de la mise en scène régie en plein coeur des combats. La force et l'intérêt de l'intrigue émanent des enjeux dramatiques octroyés aux deux clans pour la préservation du château et de leur liberté prescrite par la Magna Carta. Les nombreuses séquences d'action qui émaillent le récit sont au service de l'histoire, à l'inverse de surenchérir comme de coutume.

                                            

De surcroît, ses scènes guerrières très spectaculaires, nerveuses mais lisibles, se révèlent d'une violence cinglante, parfois même malsaine. Un degré de sauvagerie rarement atteint dans le genre médiéval. Ses péripéties ultra sanglantes se permettent donc d'abondantes giclées de sang quant aux plaies entaillées, tranchages de membres (dont une langue sectionnée façon La Marque du Diable !), décapitation, viscères étripées et même un corps coupé dans le sens de la longueur (remember Amazonia de Deodato en effet inversé !). Le tout superbement réalisé sans jamais céder à la débauche gratuite et à contrario du sympathique Centurion de Neil Marshall, la présence des CGI ne nuit jamais à la crédibilité des scènes gores exposées. C'est donc ce cachet authentique, son réalisme acéré et la vigueur psychologique de sa narration transcendant l'honneur des preux guerriers qui rendent Le Sang des Templiers à la fois accessible, ludique, et enthousiasmant. Une série B symbolisant avec humilité un bel hommage à cette poignée de militants anglais qui auront réussi à tenir tête à l'antagoniste au péril de leur vie et pour le sens du sacrifice !

                                         

En tant que série B confectionnée sans prétention, Le Sang des Templiers est une bonne surprise pour l'amateur chevronné d'épopée épique et barbare. Hormis une interprétation dépouillée qui aurait gagné à être plus ambitieuse et étoffée, ce spectacle très sanglant prend son sujet au premier degré, sans fioriture, avec les moyens techniques adéquats mis à disposition. Sans être follement passionnant et intense, le rythme soutenu et le réalisme cru qui ressort de cette oeuvre immersive fait plaisir à voir.

25.07.11
Bruno Matéï.