mardi 13 décembre 2011

LA PIEL QUE HABITO

     
de Pedro Almodovar. 2011. Espagne. 1h57. Avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet, Roberto Alamo, Eduard Fernandez, Blanca Suarez, Susi Sanchez, Barbara Lennie, Fernando Cayo.

Sortie en salles en France le 17 Août 2011. Espagne: 2 Septembre 2011. U.S: 14 Octobre 2011

FILMOGRAPHIE: Pedro Almodovar Caballero est un réalisateur espagnol né le 24 Septembre 1949 à Calzada de Calatrava dans la province de Ciudad Real et la communauté autonome de Castille-La-Manche, en Espagne.
1980: Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier. 1982: Le Labyrinthe des passions. 1983: Dans les Ténèbres. 1984: Qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça ? 1985: Matador. 1986: La Loi du Désir. 1988: Femmes au bord de la crise de nerfs. 1989: Attache moi. 1991: Talons Aiguilles. 1993: Kika. 1995: La Fleur de mon secret. 1997: En chair et en os. 1999: Tout sur ma mère. 2002: Parle avec elle. 2004: La Mauvaise Education. 2006: Volver. 2009: Etreintes Brisées. 2009: La Conseillère anthropophage. 2011: La piel que Habito.
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D'après le roman Mygale de Thierry Joncquet, le nouveau Almodovar est une pièce rare, un dédale ténébreux inversant les chronologies pour mieux nous surprendre dans une énigme tortueuse illustrant deux familles au passé galvaudé. Déroutant, âpre, vertigineux, d'une richesse formelle épurée transcendant la sculpture du corps érotique, ce drame d'amour fou est un hypnotique jeu de miroir dans la relation prohibée entre le monstre et son créateur.

Robert Ledgard est un chirurgien esthétique notoire ayant réussi à créer un épiderme artificiel pour préserver les êtres humains de maladies telle que la malaria. Avec l'aide d'un cobaye féminin du nom de Vera, ce médecin gravement éprouvé par la mort de sa femme et de sa fille élabore en secret une vengeance punitive mais aussi un nouvel espoir à renouer avec l'amour de sa chère défunte. 
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Extravagant dans sa mise en scène singulière et le profil établi envers ces personnages interlopes, La Piel que Habito ne cesse de jouer avec nos sentiments déroutés. Il titille notre curiosité fébrile fréquemment ébranlée par une intrigue vénéneuse multipliant les allers-retours du passé et du présent. Proprement inracontable, le script savamment mis en place par Almodovar et Joncquet se réapproprie des genres pour les distordre et amplifie sa dramaturgie au fil des révélations familiales dissociées.
C'est l'ambition démesurée d'un médecin torturé, surmené par les deuils d'une épouse infidèle et du suicide de sa fille qui nous est illustré d'une manière subjective par un réalisateur au sommet de son inspiration. En l'occurrence, Robert a réussi à ravir une ravissante jeune femme gracile, prise comme cobaye pour ses expériences chirurgicales afin de mieux préserver notre épiderme contre certaines maladies. Ou plus exactement sauver la mise de victimes de brasier d'un incendie criminel. Car depuis la mort de son épouse retenue prisonnière dans sa voiture carbonisée et celle de sa fille violentée par un styliste drogué, Robert décide d'accomplir une vengeance implacable contre son tortionnaire. Mais également concocter depuis des années une créature parfaite afin de renouer avec l'amour déchu d'une femme antécédemment coupable d'adultère.
Les personnages équivoques dépeints dans cette énigme à tiroirs ont tous un passé tortueux et des secrets inavoués tandis que la filiation parentale va les confronter dans leur psyché étroitement lié.


Dans la peau limpide et pastel d'une femme asservie aux expérimentations organiques d'un savant sans vergogne, Elena Anaya redouble de lascivité érotique dans son corps perfectible voué à un véritable simulacre d'une perte identitaire. Elle réussit viscéralement dans sa dernière ligne droite à retranscrire au spectateur ses états d'âme sévèrement commutés sitôt la révélation énoncée. Dans celui de son créateur damné, Antonio Banderas réussit avec sobriété et austérité à affilier ressentiments vindicatifs teintés de cynisme et compassion attendrie par l'influence perfide de sa divine créature. Ils forment à eux deux un tandem incongru dans leur relation en demi-teinte inscrite sur la rancoeur et la tendresse acculée.
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D'une maîtrise virtuose impressionnante d'inventivité formelle dans sa beauté esthétique glacée, La Piel que Habito est un drame hermétique d'une puissance psychologique davantage contraignante assénée aux personnages sévèrement fustigés. Emporté par la grâce infortunée de ces deux protagonistes répréhensibles, l'oeuvre empoisonnée d'Almodovar réinvente l'art de narrer une histoire d'une richesse thématique contemporaine. C'est à dire notre rapport instinctif face à la fascination érotisée du corps charnel et notre perte de repère face à une identité fraudulée. Cette oeuvre épurée et funèbre bouscule les marques du spectateurs jusqu'à bouleverser notre morale dans son épineux épilogue aussi chétif que désarmant. 
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Dédicace à Hélia Marzloff
13.12.11
Bruno Matéï
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Pour ceux qui n'auraient pas compris tous les éléments capitaux de l'intrigue du film, je vous laisse le scénario brièvement décortiqué par le site Wikipedia: 

ATTENTION SPOILERS !!!!!!
Résumé détaillé
L'action se passe en 2012. Un éminent chirurgien esthétique, Robert Ledgard tente depuis douze ans de créer une peau synthétique qui aurait pu sauver son épouse, grièvement brûlée. Il réussit à créer un épiderme viable qui apparaît être d'une formidable résistance face aux agressions extérieures : piqûres de moustiques, brûlures,... Néanmoins, comme tout scientifique, le docteur Ledgard a besoin d'un cobaye. Il s’agit de sa dévouée patiente Vera, qu'il détient captive dans une chambre de son manoir, dans la région de Tolède. Seule Marilia, la fidèle domestique du médecin, est au courant de cette relation qu'elle voit d'un mauvais œil.
Un soir de carnaval où Robert est absent, Zeca, le fils de Marilia, arrive pour se cacher dans la maison : il a été reconnu sur la vidéo d'un cambriolage et veut échapper à la police. Marilia accepte de l'aider temporairement. Zeca remarque Vera sur les images de vidéo-surveillance du manoir et croit reconnaître la femme de Ledgard, qui fut son amante avant sa mort. Zeca ligote alors sa mère et entre dans la chambre de la femme pour la violer. Quand Robert rentre chez lui, il les surprend et tue Zeca d'une balle. Il part se débarrasser du corps, laissant Marilia et Vera seules au manoir.
Marilia commence alors à se confier : elle est la mère biologique de Robert, bien qu'il l'ignore. Des années auparavant, Zeca a eu une liaison avec la femme de Robert ; ensemble, ils ont tenté de fuir, mais ont eu un grave accident de voiture. Zeca a pu en réchapper et s'enfuir mais la femme de Robert a brûlé vive dans la voiture. Sauvée in extremis, elle a survécu plusieurs mois avant de se défenestrer en surprenant son reflet dans une vitre. Norma, sa fille a été témoin de la scène et a alors sombré dans une grande détresse psychologique.
La suite de l'histoire est un flashback : en 2006, Robert choisit de se faire accompagner de sa fille, encore fragile, à un mariage. Cette dernière croise du regard Vicente, un séduisant styliste dépendant aux médicaments. Les deux jeunes se plaisent, mais quand Vicente tente de coucher avec elle dans le parc du château, Norma s'affole et Vicente la frappe et l'assomme par accident. Pris de panique, Vicente s’enfuit mais Robert est témoin de la scène. Norma sombre à nouveau dans la dépression et retourne en hôpital psychiatrique. Robert kidnappe alors Vicente et le retient prisonnier dans une cave jusqu'au jour où Norma se suicide. La vengeance de Robert commence alors lentement : il fait subir à Vicente contre son gré de multiples opérations chirurgicales pour lui faire changer de sexe et le transformer en sosie parfait de sa femme.
En 2012, Vicente est devenu Vera et feint la soumission en acceptant de rejoindre Robert dans son lit. Un jour, Fulgencio, collègue chirurgien de Robert qui a participé aux opérations sans en connaître le contexte, reconnait le visage de Vicente sur un avis de recherche. Mettant en doute l’innocence de Robert, il le menace de révéler l'affaire au grand jour, mais Robert et Vera le menacent et le font fuir. Robert a désormais toute confiance en Vera. Mais la vision de l’avis de recherche a bouleversé Vera et le soir même, elle s'empare d'un revolver, tue Robert et Marilia et s’enfuit pour retrouver sa mère

lundi 12 décembre 2011

L'ETRANGERE (When we live / Die Fremde). Prix du Public à Créteil et Angers.


de Feo Aladag. 2010. Allemagne. 1h59. Avec Derya Alabora, Settar Tanriogen, Sibel Kekilli, Almila Bagriacik, Alwara Hofels, Florian Lukas, Marlon Pulat, Nizam Schiller, Nursel Koese, Serhad Can.

Sortie en salles en France le 20 Avril 2011. U.S: 28 Janvier 2011

Récompenses: Label Europa Cinemas à Berlin 2010. Prix Lux 2010. Meilleur Film, Meilleure Actrice au Festival de Tribeca 2010. Prix du Public au Festival de Créteil 2010. Prix du Public au Festival d'Angers 2011. Film de Bronze, Meilleure Actrice au German Film Awards.

FILMOGRAPHIE: Feo Aladag est une réalisatrice, scénariste, productrice et actrice, née le 13 Janvier 1972 à Vienne.
2010: l'Etrangère


Pour son premier long-métrage, la réalisatrice australienne Feo Aladag aborde le thème du conservatisme religieux, de l'intolérance et des valeurs puritaines à travers le portrait rétrograde d'une famille turque dépréciant leur fille aînée coupable d'avoir quitté un mari trop violent. Lardé de récompenses à travers le monde, l'Etrangère éveille les consciences car il donne à réfléchir sur les conséquences extrémistes que peut envisager chaque individu tributaire de sa foi monothéiste.

Umay, 25 ans, décide de fuir la Turquie en compagnie de son jeune fils pour ne plus subir les violences récurrentes d'un mari impérieux. Elle se réfugie chez ses parents à Berlin pour bâtir une nouvelle vie. Mais la famille austère et drastique ne conçoit pas que leur fille ait pu quitter si précipitamment sa vie conjugale. 
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Dans un contexte social d'actualité pour le parti-pris engagé à nos doctrines religieuses, Feo Aladag nous décrit le cheminement d'une jeune mère accablée par une communauté intégriste, faute d'avoir osé enlever son jeune fils sous l'autorité rigide d'un mari autoritaire.
Alors qu'Umay imagine trouver soutien et réconfort auprès de ses parents, ceux-ci vont rapidement répudier leur propre fille à cause de leur éthique irrévocable prônant les liens intangibles du mariage.
Dans un climat familial machiste où la condition de la femme est largement discréditée, l'Etrangère nous démontre les conséquences tragiques qui peut encourir une famille intolérante à bannir leur fille coupable d'avoir osé transgresser les traditions.
La réalisatrice nous dévoile avec réalisme rugueux le comportement rétrograde de rejetons inculqués par un père endurci par ces convictions, tolérant la maltraitance et l'allégeance commise aux femmes.
Les conséquences délibérées d'Umay pour sauver la vie de son propre fils vont inévitablement annihiler l'honneur d'une famille pratiquante endoctrinée par ses convictions puritaines. Tandis que l'entourage amical va également pointer du doigt l'attitude opportuniste d'une femme conspuée pour avoir dévalorisé les liens sacrés du mariage.
Les exactions viriles des frères d'Umay, en crise de marasme d'une situation familiale éhontée vont être contraints d'employer la violence punitive pour redorer un semblant d'honneur à leurs parents bafoués. Une manière expéditive de pouvoir ainsi restituer un fils dans son pays d'origine sous l'autorité parentale d'un homme méprisable. Néanmoins, l'état de santé moribond du père d'Umay va finalement le ramener à une raison équitable. En effet, sa virulente attaque cardiaque va lui permettre de tolérer un regain de conscience rédemptrice pour enfin pardonner à sa fille l'acte indigne d'avoir ravi un enfant à son père irascible.


Dans le rôle candide d'Umay, Derya Alabora livre une prestation époustouflante de vérité prude dans sa condition humiliée d'une femme stigmatisé par sa communauté musulmane. Une jeune mère tolérante et sans rancune à l'idée de reconquérir le coeur de ses parents mais aussi courageuse et pugnace dans son devoir maternel de protéger un enfant ingénu. Cette actrice à la beauté naturelle gracile nous bouleverse le coeur et nous arrache les larmes de révolte dans un épilogue fataliste afin de mieux réprimander la bêtise humaine.


Sans outrance, l'Etrangère est un drame humain proprement bouleversant qui ose aborder sans jugement les problèmes d'intolérance et d'inégalité des sexes dans le traitement infligé aux femmes dans certains pays réactionnaires. Transcendé par l'incroyable interprétation de Derya Alabora et d'une sobre mise en scène éludée d'esbroufe, cette oeuvre substantielle retranscrit avec édifiance un tableau effarant des mentalités anachroniques. 

12.12.11
Bruno Matéï


Feo Aladag

vendredi 9 décembre 2011

Aux Frontières de l'Aube / Near Dark. Licorne d'Or au Rex de Paris 1988.


de Kathryn Bigelow. 1987. U.S.A. 1h38. Avec Adrian Pasdar, Jenny Wright, Lance Henriksen, Bill Paxton, Jenette Goldstein, Tim Thomerson, Joshua John Miller, Marcie Leeds, Kenny Call, Ed Corbett.

Sortie en salles en France le 9 Novembre 1988. U.S: 2 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE: Kathryn Bigelow est une réalisatrice et scénariste américaine, née le 27 Novembre 1951 à San Carlos, Californie (Etats-Unis).1982: The Loveless (co-réalisé avec Monty Montgomery). 1987: Aux Frontières de l'Aube. 1990: Blue Steel. 1991: Point Break. 1995: Strange Days. 2000: Le Poids de l'eau. 2002: K19. 2009: Démineurs. 2012: Kill Bin Laden


En 1987, une jeune réalisatrice novice va tenter d'apporter un sang neuf à la mythologie vampirique avec Near Dark. Un titre on ne peut mieux approprié tant il retransmet à merveille la divinité de la nuit lorsqu'une famille de nomades y sont tributaires jusqu'à la fin des temps. Récompensé de la Licorne d'or, du Prix d'interprétation féminine (Jenny Wright) au Rex à Paris et du Corbeau d'Argent au festival de Bruxelles, ce western moderne puise sa force dans sa poésie crépusculaire et son romantisme éperdu. Le pitchCaleb, jeune homme sans histoire, rencontre une nuit une jeune fille, Mae, dans la contrée bucolique de l'Arizona. Le couple profite de l'obscurité de la nuit pour s'isoler dans la campagne et s'enlacer tendrement. Passé l'étreinte, l'étrangère le mord au cou pour le contaminer de sa condition d'immortelle. Après que Caleb eut subi d'intenses malaises corporels, il décide de rejoindre Mae et sa famille de noctambules. Réalisatrice aujourd'hui reconnue et célébrée par les fans comme une spécialiste du cinéma d'action moderne, Kathryn Bigelow livre avec sa première réalisation une oeuvre désenchantée au pouvoir d'envoûtement hypnotique.


Car scandé de la musique capiteuse de Tangerine Dream, ce voyage au bout de la nuit est avant tout une initiation à la lumière de la pénombre. De par sa photographie limpide transcendant l'opacité d'une nature ténébreuse, Near Dark demeure un hymne lascif à sa plénitude. Ainsi, à travers l'errance nocturne d'une bande de marginaux corrompus par leur condition de vampire (bien que le terme familier ne soit à aucun moment prononcé), la réalisatrice nous dépeint leurs exactions perpétrées pour la soif de survie. Alors que le couple formé par Jesse et Diamondback s'avère fusionnel et que Severen compense son ennui lors de leurs virées meurtrières aux abords de pubs mal fréquentés (inoubliable séquence de carnage chorégraphique sur un air de country !), la jeune Mae éprouve une inlassable amertume à ne pouvoir concrétiser sa romance. C'est donc en rencontrant Caleb, jeune fermier un tantinet coureur qu'elle décide de choisir l'amant idéal pour y réconforter la tare de sa solitude. Quant à l'adolescent Homer, emprisonné dans un corps d'enfant depuis sa conversion, il attache autant de hâte à daigner rencontrer l'âme soeur jusqu'au moment d'aborder la petite soeur de Caleb. Ainsi, cette tribu de marginaux au look de cow-boys rustres se contente de perdurer leurs méfaits meurtriers à travers les contrées reculées des Etats-Unis. En toute insouciance et désintérêt pour la déontologie du bien et du mal, nos créatures de la nuit se débauchent dans une violence outrancière, faute de leur condition d'immortels. Mais depuis l'arrivée de Caleb réfractaire au crime gratuit, leur cohésion familiale en sera bouleversée.


L'équipée va donc lentement se désunir,  faute de conflits amoureux compromis entre Mae et Caleb, mais aussi Homer, épris d'affection pour la petite Sarah. Et si Near Dark continue aujourd'hui d'exacerber son pouvoir d'immersion et de fascination, c'est prioritairement grâce aux profils mélancoliques de ces vampires contemporains en quête d'idylle impossible. De par sa poésie suave sublimant l'épanouissement de la nuit et ses effets-spéciaux minimalistes mais très efficaces (effets de ralenti langoureux sur les corps des vampires subitement embrasés au contact du soleil), ce portrait transgressif de tueurs sanguinaires est transfiguré par la prestance iconique de son cast méconnu. Imprégnée de tendresse parmi l'expression candide de son visage suave, Jenny Wright illumine l'écran avec une sensuelle mélancolie à tenter de dompter son nouvel amour. Secondé par Adrian Pasdar, il réussit sobrement à nous convaincre de son nouveau statut de vampire, esclave d'une hiérarchie familiale inscrite dans la misanthropie. En marginal erratique et mégalo, Bill Paxton excelle lors de ses méfaits sanguinaires, quand bien même Lance Henriksen livre sans doute son meilleur rôle dans celui du patriarche autoritaire, ancien baroudeur de guerre de sécession mais aujourd'hui épanoui dans les bras de sa dulcinée. Enfin, Joshua John Miller leur volerait presque la vedette tant il retransmet à merveille sa condition éternelle d'adolescent infortuné dans son petit corps juvénile d'autant plus destiné à séduire les fillettes nubiles.


La Nuit nous appartient
A travers l'errance nocturne de vampires cyniques et désabusés, Near Dark transcende la beauté élégiaque de la nuit auprès de leur quête infructueuse d'apprivoiser l'amour. Parmi leur complicité marginale en dissension, Near Dark y transfigure la plus envoûtante épopée de vampires de l'ouest au sein d'un crépuscule ensorcelant. Inoubliable et beau à en pleurer. 

* Bruno
09.12.11. 
07.09.22. 6èx

Distinctions: Licorne d'Or et Prix d'interprétation féminine pour Jenny Wright au festival du Rex de Paris en 1988.
Corbeau d'Argent au festival du film fantastique de Bruxelles en 1988.




mercredi 7 décembre 2011

L'ILE DU DR MOREAU (The Island of Lost Souls)

       

de Erle C. Kenton. 1932. U.S.A. 1h10. Avec Charles Laughton, Richard Arlen, Leila Hyams, Kathleen Burke, Arthur Hohl, Stanley Fields, Paul Hurst, Hans Steinke, Tetsu Komai, George Irving.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Erle C. Kenton est un réalisateur, acteur et producteur américain, né le 1er Août 1896 à Norboro (Montana), décédé le 28 Janvier 1980 à Glendale (Californie).
1919: No mother to guide him. 1920: Married Life. 1924: Bring Him In. 1932: l'Ile du Dr Moreau. 1944: La Maison de Frankenstein. 1945: La Maison de Dracula. 1966: Doom of Dracula
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D'après le roman de H.G. Wells publié en 1896, l'île du Dr moreau est la seconde adaptation cinématographique concoctée en 1932 sous le label de la Paramount. Au préalable, une première version muette produite en Allemagne et mis en scène par Urban Gad aura vu le jour en 1921. Deux autres versions viendront plus tard tenter de dépoussiérer cette île maudite en 1977 par Don Taylor (remake modeste et sympathique) et en 1996 par John Frankenheimer (la version Bis la plus risible à ce jour !). A titre subsidiaire, l'oeuvre précieuse qui nous intéresse ici a été interdite en Angleterre jusqu'en 1958, faute de son thème jugé trop licencieux. A la suite d'un naufrage en pleine mer de l'océan indien, Edward Parker est recueilli par le Dr Moreau. Il se retrouve dans une étrange petite île épiée par des créatures mi-hommes, mi-animales. Le Dr Moreau est à l'origine de cette mutation génétique après avoir pratiqué sur des animaux sauvages des expériences scientifiques immorales. En effet, ce médecin narcissique souhaite métamorphoser chaque animal en être humain docile et discipliné. 
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En pleine période de gloire des trésors d'épouvante érigés sous la bannière de la Universal, la Paramount produit en 1932 une seconde version de l'île du Dr Moreau. L'oeuvre la plus réussie à ce jour, du moins la plus prégnante et fascinante, d'autant plus que l'interprétation de Charles Laughton va accentuer son charme vénéneux émanant de cette île singulière. Dans des décors exotiques d'un îlot émaillé d'ombres suspicieuses, cette aventure baroque gouvernée par un médecin sans vergogne nous ensorcelle par son ambiance malsaine sous-jacente. Sans recourir à de vulgaires effets chocs complaisants, Erle C. Kenton réussit à provoquer l'inquiétude, le sentiment palpable d'insécurité, la peur diffuse dérivés de feuillages forestiers occultant d'ombrageuses créatures difformes. Sous les exactions délétères d'un médecin mégalo et orgueilleux, ces animaux sauvages ont été expérimentés pour subir des greffes avec des êtres dits humains. Disséqués dans la chambre de la douleur, ils n'ont pas d'autre choix que de subir diverses tortures infligées par un tortionnaire pour devenir des monstres de foire destitués de leur nature primitive. L'ambition du Dr Moreau est de daigner créer l'être humain parfaitement synthétisé. Un hybride mi-homme, mi-animal doué de parole et de faculté de penser mais asservi par un impérieux chirurgien se prétendant nouveau dieu de l'humanité.


Ce qui frappe de façon probante à la vue de ce chef-d'oeuvre c'est sa cruauté aussi immorale que corporelle imputée à des créatures difformes physiquement impressionnantes. Ce réalisme désincarné imparti au bestiaire humain évoluant dans un décor tropical poisseux, cette atmosphère feutrée particulièrement étouffante insuffle à l'île du Dr Moreau un climat de fascination particulièrement dérangeant. A titre de fleuron de l'anormalité réside dans la plus ténue des créatures féminines, Lota, la femme panthère. Une jeune esclave suave et mélancolique, totalement désespérée de sa condition de métamorphe. Sans le moindre recours à des maquillages terrifiants, la comédienne Kathleen burke réussit lestement à retranscrire avec candeur son désarroi, sa tristesse élégiaque de sa condition de victime soumise. Tandis que le bedonnant Charles Laughton éprouve une mesquine perversité à endosser un docteur excentrique habité par ses convictions cyniques de dominer le monde. De cette ambition disproportionnée, l'argument métaphysique du scénario tend à nous suggérer que chaque être vivant ne peut être substitué à un autre organisme et que son instinct naturel finira toujours par reprendre ses droits.

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Baignant dans un climat trouble et malsain renforcé d'une photo noir et blanc blafarde, l'île du Dr Moreau demeure un incontournable du fantastique séculaire. Surprenant de cruauté par son réalisme parfois rigide, notamment auprès des saisissants maquillages transcendant la physionomie de créatures atypiques, cette oeuvre vénéneuse n'a en l'occurrence rien perdu de son pouvoir de fascination diaphane.

Dédicace à Isabelle Rocton

07.12.11
Bruno Matéï


mardi 6 décembre 2011

SUPER


de James Gunn. 2010. U.S.A. 1h32. Avec Rainn Wilson, Ellen Page, Liv Tyler, Kevin Bacon, Gregg Henry, Michael Rooker, Andre Royo, Sean Gunn, Stephen Blackehart, Linda Cardellini, Nathan Fillion.

Sortie en salles en France: 1er Décembre 2011. U.S: le 01 Avril 2011. Interdit au - de 12 ans avec avertissement !

FILMOGRAPHIE: James Gunn est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur et directeur de photo, né le 5 Août 1970 à Saint Louis, dans le Missouri (Etats-Unis).
2006: Horribilis
2010: Super
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Dans la lignée de Kick-ass et Defendor, le second film de James Gunn décapite le mythe du super-héros dans un concentré de dérision parodique et de gore trash sur fond de détresse sociale. Ou comment un citoyen lambda muni d'une clef à molette va reconquérir la femme de sa vie en se créant l'iconographie d'un personnage influencé par l'univers de la BD ! Frank d'Arbo est un homme sans histoire marié à une ravissante épouse, Sarah. Ancienne toxicomane, celle-ci replonge dans ses illusions psychotropes sous l'influence perfide de Jacques, grand dealer du quartier. Fou de douleur et de désespoir, Frank décide de s'investir d'une mission divine en éradiquant tous les délinquants de son quartier. Pour cela, il décide de se façonner une combinaison de super-héros afin de devenir "éclair cramoisi" !
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Avec un budget modeste, l'apparition d'aimables guest-stars mais aussi d'illustres comédiens compromis dans le politiquement incorrect, James Gunn reprend les thématiques de l'ébouriffant Kick-Ass pour nous conjuguer un divertissement hybride juxtaposant les genres, entre réalisme sordide et fiction débridée. Pour les non avertis, les ligues familiales et les ados fragilisés pourront plus ou moins être rebutés, voir désarçonnés par ce concentré de délire trash repoussant les limites du mauvais goût. Dans un esprit Tromaville de sa meilleure cuvée (apparition éclair de Lloyd Kaufman !), ce profil pathétique d'un loser sans ambition mais profondément épris d'affection pour son ex dulcinée ne cesse d'osciller les genres avec une décontraction pouvant parfois prêter à confusion.
L'intention caustique du réalisateur étant de nous surprendre et de nous déstabiliser au gré de situations subversives, entre rire grinçant, malaise social et délire sardonique. Le scénario amusant nous élabore une succession d'évènements hilarants et trépidants et accentue son intérêt dans la dimension psychologique du personnage principal. Avec la caractérisation profondément humaine et désespérée d'un quidam paumé, abdiqué par la marginalité de sa femme, Frank décide de s'inventer une nouvelle identité par l'entremise d'un super-héros influencé par les récits de bandes dessinées. Ne détenant pas de facultés surhumaines ou surnaturelles, cet individu au physique peu avantageux décide de se munir d'une clé à molette pour combattre la délinquance des quartiers défavorisés. Mais la mission de "éclair cramoisi" est avant tout destinée à daigner sauver la vie de son épouse, Susan, ancienne toxicomane aujourd'hui reconvertie dans la drogue par l'influence d'un dealer perfide. Avec autorité souveraine et rage vindicative, Frank n'hésite pas à fracasser la tête des délinquants véreux sans une once d'indulgence et devant le témoignage de badauds médusés. Mais bientôt, il est épaulé par une jeune commerçante de 22 ans, responsable d'une boutique de bandes dessinées, utopiste dans l'âme de combattre le crime avec une inconscience suicidaire.
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Les aventures improbables de nos deux paumés s'illustrent aveuglement dans un esprit corrosif de violence grand guignolesque, d'action intrépide et de tragédie existentielle en quête d'amour. Dans la peau du vengeur masqué, Rainn Wilson (Juno) endosse avec une poignante humanité le portrait désespéré d'un quidam esseulé, en quête perpétuelle d'un sens divin à sa condition victimisée. Un être chétif incapable de transcender ses peurs et son inhibition pour faire face à une société individualiste. Son acolyte Libby, interprétée par l'élégance nature d'Ellen Page, offre une prestation indocile irrésistible de naïveté infantile (ne pas rater sa démonstration musclée pour convaincre Frank de son agilité à s'investir d'une mission héroïque). Mais son insouciance irresponsable de se convertir en vengeresse sanguinaire risque d'en calmer plus d'un dans sa fatale destinée noyée d'une vaine utopie. L'excellent Kevin Bacon s'avère exécrable dans celui du dealer orgueilleux délibéré à endoctriner une ancienne junkie incarnée par la ravissante Liv Tyler. Une comédienne qu'on aimerait voir plus souvent à l'affiche tant elle retransmet avec une empathique mélancolie le profil galvaudé d'une épouse éprouvée par l'accoutumance de la drogue.
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Les héros ne portent pas de costard.
Sous couvert d'un divertissement échevelé et décalé, Super illustre surtout le portrait pathétique de deux individus solitaires avides de reconnaissance et d'affection amoureuse dans leur identité feutrée. A grand renfort de péripéties endiablées et prises de risque inconsidérées, leur crise existentielle nous éprouve quelque part et nous émeut dans leur cheminement de perdition, jusqu'à nous invoquer la gêne par le réalisme tranchant de leurs activités borderlines. L'épilogue poignant, renouant avec la quotidienneté de notre (faux) héros, conscient d'avoir converti sans bravoure la vie d'une ancienne idylle, risque d'en chavirer plus d'un !
A réserver à un public averti.

06.12.11
Bruno Matéï
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Ci-dessous, la critique de Luke Mars:
http://darkdeadlydreamer.blogspot.com/2011/12/super-de-james-gunn-2010.html?showComment=1323328317291#c4409509024782582975


lundi 5 décembre 2011

MOTHER'S DAY

           

de Darren Lynn Bousman. 2010. U.S.A. 1h52. Avec Deborah Ann Woll, Shawn Ashmore, Lisa Marcos, Patrick John Flueger, Frank Grillo, Jaime King, Tony Nappo, Rebecca De Mornay, Warren Kole, Matt O'Leary.

Sortie en salles en France : prochainement.  U.S: non daté

FILMOGRAPHIE: Darren Lynn Bousman est un réalisateur et scénariste américain, né le 11 Janvier 1979 à Overland Park, dans le Kansas. 2005: Saw 2. 2006: Repo ! The Genetic Opera. 2006: Saw 3. 2007: Saw 4. 2011: Mother's Day


En 1980, la firme Troma nous offra l'un de ses fleurons les plus jouissifs et représentatifs avec le sardonique Mother's Day. Une farce cynique imbibée d'humour noir d'après les exactions meurtrières d'un duo de frangins influencés par leur maman dérangée. Trente ans plus tard, Darren Lynn Bousman s'écarte de l'esprit décalé et cartoonesque de son précurseur pour nous livrer un faux remake (il ne reprend que la filiation meurtrière des psychopathes) beaucoup plus prononcé dans l'irascibilité d'une ultra violence parfois insupportable. Un couple organise une fête amicale dans le nouveau foyer qu'ils viennent d'acquérir. Le soir même de la party, trois frères armés font brutalement irruption dans la maison, persuadés d'être encore les propriétaires de leur ancienne demeure vendue aux enchères. Alors que l'un d'eux est grièvement blessé, les malfaiteurs décident d'appeler leur mère pour clarifier la situation. 
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Mis en image par un réalisateur lucratif ayant exploité à trois reprises une saga horrifique usée jusqu'à la corde (Saw), Mother's day démarre sur les chapeaux de roue avec un trio de braqueurs résolus à se planquer dans leur ancienne demeure mais en l'occurrence logée par un couple de nouveaux propriétaires. En pleine soirée festive, les individus unis par les liens du sang n'auront pas d'autre choix que de prendre en otage toute l'assemblée avant que leur génitrice ne vienne réglementer les opérations en cours. Pour épicer l'intrigue, une forte somme d'argent attribuée aux malfaiteurs est potentiellement planquée dans la demeure par les nouveaux propriétaires soupçonnés d'adultère. Sans une once de répit, Mother's Day, réactualisation moderne d'une famille de dégénérés asservis par leur matriarche, nous entraîne dans un éprouvant huis-clos où chacun des protagonistes subira diverses humiliations et sévices corporels. Mis en scène sur un rythme surmené, Darren Lynn Bousman se distingue d'une trame orthodoxe par un enchaînement ininterrompu de péripéties et coups de théâtre inopinés tout en y insufflant un certain cynisme auprès de la caractérisation d'une famille au vitriol refoulée par l'infécondité.


A travers la structure d'un récit indocile multipliant les épreuves de force pour nos otages contraints de s'offenser en guise de survie, leur confrontation est sévèrement endurée par une déontologie immorale. En coexistant dans un environnement davantage régi par la barbarie et la folie, le désespoir de nos otages déboussolés les engagera fatalement vers leur nature véreuse. Ainsi, la jalousie, la colère et la haine vont être les éléments déclencheurs afin de leur privilégier un instinct de survie autonome. Sans concession aucune, le réalisateur redouble de verdeur et de cruauté auprès de la frêle destinée des otages constamment menacés à trépasser dans la seconde qui suit par les tortionnaires, mais aussi par leur propre agissement. A ce titre, la dernière partie culmine au bain de sang paroxystique lorsque nos derniers survivants décideront une ultime fois de s'opposer à leur ravisseur pour les affronter dans une rancoeur primitive. Et on peut dire que cette famille de rejetons éduqués par la névrose d'une ravisseuse de bambins s'avère plutôt difficile à éradiquer tant leur animosité émane d'une rage expéditive. Si chaque interprète réussit honorablement à convaincre malgré leur trogne souvent imberbe, Rebecca De mornay diffuse une certaine densité déshumanisée dans son profil psychologique lourdement galvaudé par la stérilité maternelle. Castratrice et méprisable de par sa posture glaciale et son regard azur impassible, la blonde symbolise la mégère égoïste obnubilée par l'éducation parentale. Une célibataire esseulée incapable de gérer une famille exemplaire dans la tradition puritaine et terrifiée à l'idée de vieillir dans la solitude.


Les enfants de la violence !
A travers l'efficacité d'un rythme infaillible mené à bout de course, Mother's Day illustre avec un esprit forcené une violence primitive au sein d'un train fantôme multipliant allers-retours de revirements rocambolesques. Hormis un épilogue à peine grotesque pour la survie d'un(e) des antagonistes et certains clichés éculés (service de police en dérangement en période cruciale, rivaux increvables et redondance d'affrontements au corps à corps), cet oppressant concentré d'ultra violence joue hargneusement avec les nerfs du spectateurs. D'autre part, il se révèle de loin le meilleur film d'un auteur en demi-teinte, une bombe à retardement conçue pour exploser votre petite lucarne !

Bruno
05.12.11
       

vendredi 2 décembre 2011

Les Chiens de Paille / Straw Dogs (2011)

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Rod Lurie. 2011. U.S.A. 1h49. Avec James Marsden, Kate Bosworth, Alexander Skarsgard, James Woods, Rhys Coiro, Dominic Purcell, Willa Holland.

Sortie en salles en France: 9 Novembre 2011.  U.S: 16 Septembre 2011

FILMOGRAPHIE: Rod Lurie est un réalisateur, scénariste et producteur et acteur israélien né le 15 mai 1962 en Israel. 1998: 4 Second Delay. 1999: Situation critique. 2000: Manipulations. 2001: Le Dernier Château. 2002: The Nazi. 2007: Resurrecting The Champ. 2008: Le Prix du Silence. 2011: Les Chiens de Paille.


40 ans après le chef-d'oeuvre traumatique de Sam Peckinpah, un réalisateur modeste d'origine israélienne s'accorde la gageure de remaker un modèle d'ultra violence stigmatisant l'instinct meurtrier enfoui en tout un chacun. Or, au vu du traitement de la violence intelligemment exploité par Peckinpah, il était difficile de concevoir qu'une version contemporaine allait pouvoir à nouveau honorer une montée en puissance de la haine d'une intensité inégalée. 

SynopsisUn couple de jeunes mariés se retire dans une contrée bucolique au moment où la jeune épouse, Amy, vient d'hériter de la maison de ses parents. Sur place, David engage des ouvriers afin de réparer la toiture d'une grange. Mais l'un d'eux se révèle être l'ex petit ami de sa femme. Alors que le mari tente de rédiger un scénario pour le cinéma, Amy semble s'ennuyer de sa condition conjugale. En prime, l'ambiance faussement amicale entre les travailleurs et David est sournoisement tendue. Un matin, le scénariste se laisse convier par le groupe à une partie de chasse dans la forêt environnante. Mais Charlie profite de l'absence de celui-ci pour retrouver Amy restée seule dans sa demeure. 
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En étant le plus honnête possible pour ma lourde appréhension à me porter garant face à cette version remaniée d'un authentique chef-d'oeuvre resté dans toutes les mémoires; la gageure amorcée par le réalisateur Rod Lurie relevait d'une mission suicidaire (euphémisme) quand son ascendant eut atteint la perfection avec l'adaptation d'un roman aussi dense, burné et incisif. Et pourtant, par je ne sais quel miracle improbable ce remake s'en tire haut la main avec les honneurs. Avec en prime une certaine forme de respect pour son modèle. De prime abord, j'ai été spontanément convaincu par la prestance des comédiens, en particulier nos deux héros endossés par James Marsden et Kate Bosworth interprétant avec sobriété naturelle le rôle équivoque d'époux contrariés par leur confiance et d'une absence autoritaire maritale. Le couple accordant beaucoup de crédit psychologique, de dimension humaine à tenter de nous convaincre sans cabotinage aucun leur susceptible relation dépréciée par des machistes revanchards, véreux, alcoolos, décervelés. James Woods, presque méconnaissable en paternel tyrannique tuméfié par l'alcool étant absolument abjecte d'orgueil putassier. Il se révèle résolument impressionnant lors de ces brutaux accès de violence "irascible" lorsqu'un quidam simplet tente d'effleurer une allusion lubrique avec sa fille racoleuse. Alexander Skarsgard, très impressionnant par sa robustesse physique et le naturel de sa force tranquille, apportant également pas mal d'intensité et une certaine ambigüité dans sa moralité licencieuse entachée d'une conscience tourmentée lorsqu'il observe avec soupçon d'embarras le viol d'Amy perpétré par l'un de ses acolytes.


Quant à la mise en scène étonnamment appliquée, elle s'attache à nous décrire sans esbroufe ni élitisme la confrontation insidieuse entre ce groupe d'ouvriers obnubilé par le décolleté parfois sciemment racoleur d'Amy, et David, davantage irrité par leur désinvolture et provocation virile. Ainsi, avec une efficacité exponentielle, le cheminement tortueux de chacun de nos protagonistes nous est dépeint avec un réalisme malaisant, sans artifice ludique, avec cette volonté absolue d'y rationaliser cette fatale réaction en chaine de la montée en puissance de la violence. C'est cette dimension psychologique octroyée à chacun des personnages finement dessinés qui rend ce remake si captivant, tour à tour oppressant, insupportable de tension lorsque la violence se déchaine sans pouvoir la stopper. D'abord, le viol laconique et dérangeant réussit à provoquer un malaise diffus d'une manière somme toute viscérale alors que le réalisateur ne s'y attarde pas pour ne pas sombrer dans la complaisance. Ainsi, avec l'effet de suggestion, il permet d'exacerber son intensité auprès des clameurs bouleversées de la victime et surtout les regards quelque peu éhontés mis en exergue sur les trognes de nos bourreaux crapuleux. Quand au fameux point d'orgue aussi escompté que furieusement redouté, il déploie avec beaucoup d'intelligence un déchaînement de brutalité d'une acuité perturbante, insolente, traumatique, intolérable. C'est cette déchéance de l'animosité humaine, cet endoctrinement d'une haine infiniment contagieuse qui dérange tant à travers ce fracas d'images bestiales, insalubres, hideuses, insidieuses, préjudiciables. Les chiens de Paille, version contemporaine, souhaitant toujours dénoncer une réflexion sur notre instinct meurtrier inhérent, sur l'aliénation de cette violence transmissible à autrui par l'influence d'hommes galvaudés par leur égo, leur orgueil, leur perversité égrillarde. Cette spirale de la folie véritablement tangible nous emprisonnant à corps perdu dans une claustration confinant au vertige (jusqu'au malaise viscéral pour les plus sensibles d'entre nous).

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History of violence
Evidemment, si tout cela fut préalablement traité avec plus de pertinence, de brio et de virtuosité auprès d'un cinéaste notoire au sommet de son art, épaulé qui plus est de comédiens transis aux gueules burinées, ce remake respectueux s'avère à mon goût digne de son modèle en s'écartant à tous prix des  produits opportunistes et formatés conçus pour épater le spectateur voyeur avide de violence ludique. Les chiens de Paille, version 2011, n'étant aucunement le vulgaire remake débauché et prétentieux d'y  exploiter un spectacle gentiment barbare. Si bien que l'endurance de l'épreuve à la fois morale et physique ressentie ici demeure si percutante, acérée, vénéneuse, furibonde, nauséeuse qu'il est rigoureusement impossible d'en sortir indemne. Un second traumatisme donc que cette pellicule de l'infortune nécrosée par la rigidité de cette intensité psychologique intolérable. 

Pour public averti.