vendredi 11 novembre 2011

LES RUES DE FEU. Prix de la Meilleure Actrice, Amy Madigan à Catalogne, 1984.


de Walter Hill. 1984. U.S.A. 1h33. Avec Michael Paré, Diane Lane, Rick Moranis, Amy Madigan, Willem Dafoe, Deborah Van Valkenburgh, Richard Lawson, Rick Rossovich, Bill Paxton, Lee Ving.

Sortie en salles en France le 14 Novembre 1984. U.S: 1er Juin 1984
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Récompense: Prix de la meilleure Actrice pour Amy Madigan au Festival international du film de Catalogne en 1984.

FILMOGRAPHIE: Walter Hill est un producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 10 janvier 1942 à Long Beach, en Californie (États-Unis).
1975 : Le Bagarreur (Hard Times),1978 : Driver,1979 : Les Guerriers de la nuit, 1980 : Le Gang des frères James,1981 : Sans retour, 1982 : 48 heures, 1984 : Les Rues de feu,1985 : Comment claquer un million de dollars par jour,1986 : Crossroads, 1987 : Extrême préjudice, 1988 : Double Détente, 1989 : Les Contes de la crypte (1 épisode),1989 : Johnny belle gueule,1990 : 48 heures de plus,1992 : Les Pilleurs,1993 : Geronimo,1995 : Wild Bill, 1996 : Dernier Recours,1997 : Perversions of science (série TV),2000 : Supernova, 2002 : Un seul deviendra invincible, 2002 : The Prophecy, 2004 : Deadwood (série TV).


Deux ans après son buddy movie célébré par le duo impayable Nick Nolte / Eddy Murphy  (alors qu'il s'agissait pour ce dernier de son 1er rôle à l'écran !), notre briscard invétéré Walter Hill réalise une série B effrénée. Mixture improbable entre le film de bandes des sixties, le western moderne et la romance classique sur fond de musique pop et de rock n'roll. Le tout enraciné dans une époque indéfinissable, à situer à mi-chemin entre la rébellion des blousons noirs des années 50 et 60 et l'excentricité polychrome des néons flashys des années 80. La chanteuse Ellen Aim est kidnappée en plein concert par l'odieux Raven devant une foule médusée ! Après avoir mis à feu et à sang la ville, le gang se réfugie à proximité d'un quartier malfamé. Une barman décide d'écrire à son frère pour l'avertir que son ex petite amie a été enlevée par la bande de motards, les "bombers". Tom Cody, homme solitaire et marginal, se rend fugacement sur les lieux et décide de proposer une transaction avec le manager d'Ellen, Billy Fish. 
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Mis en scène avec une frénésie évoluant au rythme de tubes pop des années 80 et du rock des années 60, Les Rues de feu débute de manière explosive, via un préambule monté de main de maître par un réalisateur assidu à authentifier son univers dérivé de la bande dessinée et du western. En pleine retranscription d'un concert starisé par la mélomane Ellen Aim, une bande de motards affublés de cuir s'empare de la belle tout en foutant le zouc au sein de la petite banlieue, histoire de montrer aux citadins que toute tentative de rébellion est une peine perdue d'avance. Action et violence échevelées sont menées sur un rythme trépidant alors qu'une musique rock vrombissante va exacerber cette estocade culminant sa déchéance explosive en plein centre urbain ! Le suite de l'histoire reste d'une simplicité éculée ! Un rebelle décide de sauver son ex kidnappée par ces "Bikers". Après l'avoir sauvé, notre héros va être confronté à la menace du leader de la bande particulièrement rancunier, ce dernier lui proposant de se battre au corps à corps lors d'un prochain combat. Pour alimenter cette intrigue archi balisée et rendre l'aventure aussi excitante qu'exaltante, Walter Hill privilégie le montage millimétré et compte sur une galerie de personnages irrésistiblement attachants, davantage en nombre grandissant durant l'épreuve de force de la mission périlleuse. Que ce soit la soeur candide et loyale convoquant un héros renfrogné au grand coeur, la chanteuse lascive à la voix langoureuse, la baroudeuse inflexible aux allures de garçonne, le manager imbus et vaniteux, la fan "pot de colle" futilement hystérique de son égérie, et un sympathique groupe de Blacks à la voix uniforme. Alors que du côté antagoniste, la bande des "Bombers" est représentée par une équipée motorisée, menée par la pugnacité d'un dur à cuir impassible du nom ténébreux de Raven. Avec une originalité risquée, le réalisateur fait évoluer nos héros dans une époque indéterminée sans flirter miraculeusement l'invraisemblance. Durant leur trajet semé d'embûches pour s'emparer de la belle Ellen, notre petite communauté va user de subterfuge et stratagèmes pour combattre les "Bombers" mais aussi déjouer les forces de l'ordre déployées en nombre dans les contrées adjacentes. Entrecoupé de morceaux musicaux interprétés par de véritables artistes comme Dave Alvin, Cy Curnin, Stevie Nicks, Jim Steinman, Tom Petty, Kennie Vance ou encore Dan Hartman, l'aventure épique pleine de fantaisies et de réparties cinglantes nous insuffle une irrésistible empathie face à la bonhomie de nos héros aussi chaleureux que vaillants.


Quand au point d'orgue escompté, il s'achemine de manière débridée vers un combat homérique entre Tom et Raven, tous deux armés de pioche pour mieux s'entretuer avant d'achever leur cinglant affrontement à poings nus. Pour parachever cette épopée flamboyante, nous aurons ensuite l'aubaine d'écouter une ultime fois la voix mélodieuse de notre chanteuse confinée dans sa salle de concert à guichet fermé. Niveau interprétation, l'excellent Michael Pare endosse avec sa trogne bellâtre le personnage viril d'un cow-boy solitaire intraitable, quand bien même sa partenaire Diane Lane lui prête la vedette dans une prestance suave et lamentée, car dépitée du caractère téméraire de son ex amant rancunier. Récompensée du Prix de la meilleure actrice à Catalogne pour son rôle inébranlable de soldat de fortune, Amy Madigan crève l'écran et harmonise spontanément l'ambiance de camaraderie engendrée par sa fidèle équipe. L'impayable Rick Moranis s'attribue d'une présence pittoresque dans sa posture de petit patron cupide à l'esprit présomptueux pour s'entacher de mener la bande avec risible autorité. Enfin, en bandit ténébreux vêtu de cuir noir, Willem Dafoe apporte une dimension belliqueuse lors de ses exactions marginales conçues sur l'ultra violence, la perversion et l'égotisme.

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Avec une efficacité optimale pour pallier la maigreur de son script, et une vigueur musicale pour écheveler l'action rocambolesque, Walter Hill rend hommage au cinéma d'action au sein de l'univers hybride du western moderne et de la BD. La multitude des genres imbriqués dans cet époque sans âge et sa flamboyance impartie à la scénographie rutilante édifiant l'ovni en fable romanesque de rock and roll. Pour parachever, pourrait-on omettre de souligner l'omniprésence du score électrique confectionné par l'illustre Ry Cooder !

11/11/11. 6èx
Bruno Matéï
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jeudi 10 novembre 2011

DRACULA. Bram Stoker's Dracula. Saturn Award du Meilleur Film d'Horreur en 1993.

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Francis Ford Coppola. 1992. U.S.A. 2h08. Avec Gary Oldman, Winona Ryder, Anthony Hopkins, Keanu Reeves, Richard E. Grant, Cary Elwes, Bill Campbell, Sadie Frost, Tom Waits, Monica Bellucci, Michaela Bercu.

Sortie en salles en France le 13 Janvier 1993. U.S: 13 Novembre 1992.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Francis Ford Coppola est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 7 Avril 1939. 1963: Dementia 13. 1966: Big Boy. 1968: La Vallée du Bonheur. 1969: Les Gens de la pluie. 1972: Le Parrain. 1974: Conversation Secrète. Le parrain 2. 1979: Apocalypse Now. 1982: Coup de coeur. 1983: Outsiders. Rusty James. 1984: Cotton Club. 1986: Peggy Sue s'est mariée. 1987: Jardins de Pierre. 1988: Tucker. 1989: New-York Stories. 1990: Le Parrain 3. 1992: Dracula. 1996: Jack. 1997: L'Idéaliste. 2007: l'Homme sans âge. 2009: Tetro. 2011: Twixt.


Enorme succès à sa sortie en salles puisqu'il engrangea au total 215 862 692 dollars à travers le monde, Dracula fut en 1992 un évènement cinématographique quand on sait que derrière cet ambitieux projet Francis Ford Coppola s'est porté garant à échafauder sa propre version du mythe. Réunissant des têtes d'affiche de prestige et des moyens importants pour remanier la destinée immortelle du plus célèbre des vampires, cette version inscrite dans un classicisme flamboyant se pare d'un romantisme désenchanté.  Le Pitch: En 1462, en Transylvanie, le comte Vlad Dracul s'engage dans une offensive contre les Turcs alors que sa femme Elizabeta l'attend impatiemment dans son château. Après l'achèvement d'une cruelle bataille sanglante, son épouse reçoit une lettre lui indiquant que son amant est mort au champ d'honneur. Désespérée et anéantie par le chagrin, elle décide de se suicider en se jetant du haut d'un fleuve. Ayant survécu à la guerre, le comte revient dans sa demeure pour apprendre la terrible nouvelle. Fou de haine et de douleur, il décide de renier Dieu et ses sbires pour s'adonner vers les forces occultes et réclamer ainsi vengeance pour la mort inéquitable de son idylle. Quatre siècles plus tard, Jonathan Harker, clerc de notaire est invité à quitter Londres pour se rendre en Transylvanie dans la demeure de Dracula. En effet, le comte est intéressé à racheter l'abbaye de Carfax. Au moment de leur rencontre, le maître des ténèbres entrevoit le portrait de la fiancée de Jonathan, Mina. Frappé de stupeur par sa beauté lascive, il reconnait en elle le parfait sosie de son ancienne épouse. Il décide de partir à Londres pour la retrouver après avoir tendu un traquenard à Jonathan Harker en invoquant ses princesses de la nuit avides de sang frais. 


Enième version d'un des archétypes les plus inaltérables du cinéma d'épouvante, Dracula s'alloue d'un éclat nouveau sous la caméra virtuose de Francis Ford Coppola. Cinéaste notoire accumulant les réussites les plus novatrices de ces dernières décennies, cette réactualisation du fameux vampire des Carpathes apporte son originalité et alimente un nouvel intérêt dans un romantisme éperdu baigné de flamboyance gothique. Un parti-pris formel privilégié par des décors somptueux ainsi qu'une photo saturée de pourpre et carmin. La musique orchestrale composée par Wojciech Kilar s'accordant par des violons sombres et raffinés, les costumes baroques resplendissant par leur aspect élitiste (surtout pour les personnages ténébreux) et les effets-spéciaux artisanaux étant confectionnés avec rigueur (exit donc la modernité des effets numériques que Coppola avait réfuté avant l'entreprise du tournage !). La mise en scène inventive du réalisateur multiplie les angles de vue alambiqués, les cadrages affinant l'étendue des vastes paysages gothiques ainsi qu'une poésie florissante émanant d'une imagerie fantasmagorique. Au passage, un bel hommage est rendu au cinématographe en pleine ascension victorienne alors qu'au même moment sortait le roman de Bram Stoker. Les comédiens sont plutôt adroitement sélectionnés pour nous enivrer dans une aventure horrifique émaillée de péripéties homériques mais surtout de romance aigre caractérisée par le couple Dracula / Mina. Nos amants maudits sont remarquablement endossés par l'excellent Gary Oldman en noble vampire lamenté d'un amour éperdu, et la radieuse Winona Ryder, réincarnation de sa maîtresse immolée, destinée à sauver une âme maléfique autrefois vouée à Dieu. A eux deux, ils forment un duo ensorcelant dans leur relation fébrile au souffle romanesque charnel. A négliger par contre dans le rôle secondaire de l'amant berné, Keanu Reeves, semblant ici bien transparent et peu à l'aise pour exacerber son amour et son empathie envers sa compagne tributaire du prince des ténèbres.


Une touche d'érotisme est également soulignée durant le cheminement narratif comme ce livre pornographique que Mina feuillette timidement avec une curiosité fascinée, alors que sa comparse Lucie est plutôt dévergondée à suggérer les positions sexuelles les plus débridées. Enfin, le charme ardent émanant des maîtresses de la nuit dévêtues dans un lit de soie, enlaçant à eux trois de manière torride un Jonathan Harker transi d'excitation, fait sans doute partis des moments les plus vénéneux du film. Parfois, certaines séquences horrifiques surprennent par leur tonalité cruelle comme ce bébé en pleurs offert en sacrifice pour les trois princesses des ténèbres. Il y a aussi cette splendide séquence où nos héros attendent patiemment l'arrivée de Lucie dans la chapelle, alors que la morte devenue vampirisée porte en ses bras un enfant pour s'apprêter à le dévorer avant de s'engouffrer dans son caveau familial. Le final haletant s'octroie d'un caractère épique pour parachever une tragédie de désespoir et de romance. La force psychologique du récit est d'avoir osé dénaturer le personnage maléfique de Dracula dans sa triste destinée d'un amour meurtri. Alors que sa nouvelle compagne réincarnée en la personne de Mina était donc vouée à lui rendre la mise pour l'extraire du monde des ténèbres afin de le repentir à Dieu.

Liens d'amour et de sang
Spectacle grandiose déployant un florilège de séquences aussi flamboyantes, épurées que dantesques et échevelées, Dracula de Coppola tire son impact émotionnel et son originalité par son récit romanesque d'une beauté funèbre pleine de lyrisme. Le charme lascif de Mina, enlacée dans les bras d'un comte mélancolique rongé de remord, nous entraînant dans un somptueux ballet onirique où l'amour cathartique reste plus fort que tout.

Dédicace à Isabelle Rocton

*Bruno
10.11.11. .
15.08.23. 4èx

Récompenses: Oscar du Meilleur Montage sonore, des Meilleures Costumes et du Meilleur Maquillage en 1992.
Saturn Awards du Meilleur film d'Horreur, du Meilleur Acteur pour Gary Oldman, du Meilleur Réalisateur, du Meilleur Scénario et des Meilleurs Costumes en 1993.


mardi 8 novembre 2011

Portier de Nuit / Il portiere di notte

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Liliana Cavani. 1974. Italie/France. 1h58. Avec Dirk Bogarde, Charlotte Rampling, Philippe Leroy, Gabriele Ferzetti, Giuseppe Addobbati, Isa Miranda, Nino Bignamini, Marino Masé, Amedeo Amodio, Piero Vida.

Sortie en salles en France le 3 Avril 1974 (Int - 18 ans). U.S: 1 Octobre 1974

FILMOGRAPHIE: Liliana Cavani est une réalisatrice italienne, née le 12 Janvier 1933 à Carpi (Emilie-Romagne). 1966: Francesco d'Assisi. 1968: Galileo. 1969: Les Cannibales. 1972: l'Ospite. 1974: Milarepa. Portier de Nuit. 1977: Au-dela du bien et du mal. 1981: La Peau. 1982: Derrière la porte. 1985: Berlin Affair. 1989: Francesco. 1992: La Traviata. 1993: Sans pouvoir le dire. 2002: Ripley s'amuse. 2005: De Gasperi, l'uomo della speranza. 2008: Einstein (téléfilm).


Une oeuvre profondément scabreuse impossible à "aimer" dont les images incongrues, difficilement acceptables, laissent d'inévitables traces de par la force de la mise en scène et du jeu transi des acteurs damnés.

Oeuvre polémique à sa sortie, rarement diffusée en salles ou à la T.V, classé X aux Etats-Unis, Portier de Nuit est une oeuvre sulfureuse et dérangeante sur l'amour interdit d'amants compromis. Si bien qu'un parfum de scandale s'esquisse autour de la relation sadomasochiste d'un ancien tortionnaire nazi et de sa maîtresse déportée juive toujours aussi fascinée par leurs plaisirs éhontés. A moins que celle-ci ne soit finalement victime du syndrome de Stockholm au sein d'un huis-clos intimiste en déliquescence physique et morale. Le pitchA Vienne, en 1957, Max travaille comme portier de nuit dans un grand hôtel. Un jour, il reconnait son ancienne maîtresse, aujourd'hui mariée à un chef d'orchestre d'opéra. Leur relation amoureuse eut été préalablement établie sous le régime nazi alors que Lucia fut envoyée dans un camp de concentration. Aujourd'hui, ils décident de renouer leur lien passionnel mais des officiers nazis, anciens compatriotes de Max, manifestent leur inquiétude face à ce témoin capital potentiellement capable de les dénoncer pour leurs antécédentes exactions. Considéré comme le chef-d'oeuvre baroque de sa carrière politique, la réalisatrice Liliana Cavani dépeint avec verdeur et réalisme clinique le portrait d'un couple en réconciliation après avoir entretenu une relation passionnelle durant le règne despotiste du 3è Reich. Alors qu'il fut officier nazi chargé d'envoyer à la mort des milliers de juifs parqués dans les camps de concentration, Max tomba subitement amoureux d'une jeune déportée juive du nom de Lucia. D'abord réticente et pétrifiée pour l'objet de soumission qu'elle représente, la jeune fille se laisse peu à peu entraîner dans une relation masochiste alors que le génocide de son peuple est en pleine expansion. Quelques années plus tard, ils se retrouvent par hasard d'une représentation théâtrale dans laquelle le mari de Lucia est chef d'orchestre renommé.


De prime abord fuyante et angoissée de retrouver son précédant amant tortionnaire, la jeune femme se laisse attendrir par ses pulsions sexuelles refoulées, faute d'une romance fusionnelle indocile afin de renouer avec leur relation torturée d'humiliations et d'amour extraverti. Ainsi, dans une photographie blafarde illustrant avec froideur un climat austère renforçant son caractère trouble, dérangé, antipathique, Liliana cavani nous entraîne dans une impossible histoire d'amour auquel deux amants torturés par la culpabilité souhaitent malgré tout vivre jusqu'au bout leur désir sulfureux d'un rapport autodestructeur. Ainsi, en confrontant cette audacieuse romance galvaudée du spectre tyrannique du nazisme, la réalisatrice établie un parallèle malsain pour notre sentiment interne face à la fascination / répulsion du Mal. Comme si Lucia, martyrisée par un gouvernement dictatorial souhaitait entamer cette relation putanesque dans une sexualité sadique oscillant jouissance et douleur pour fuir, omettre inconsciemment l'agonie de milliers d'innocents juifs morts dans des conditions infâmes. Dans le rôles des amants maudits, Dirk Bogarde impressionne dans une force d'expression bicéphale puisque contenue ou autrement furibonde à travers sa prestance déloyale d'ancien tortionnaire SS, épris d'amour fou pour une jeune juive subitement fascinée par ses rapports de soumission. Pour la présence meurtrie et ambiguë de Lucia, Charlotte Rampling  hypnotise l'écran face à son regard velouté de sombre féline, son attachement irrésistible auprès des actes abusifs de Max, formant tous deux les amants maudits d'une idylle incongrue. 


Déshonneur du désordre amoureux.
Superbement mis en scène sans esbroufe car renforcé d'une sobriété autonome de la part de sa réalisatrice, Portier de Nuit demeure un fascinant poème noir sur le destin de ces amants fous déterminés à fuir leur sinistre existence à travers les liens de l'épanouissement amoureux. Transcendé du jeu réaliste des deux comédiens se livrant corps et âme face à une caméra introspective, ce drame d'amour nécrosé dégage un parfum de souffre aussi malsain que tragiquement mélancolique. Ainsi, il en résulte une oeuvre austère étouffante, hallucinée, abstraite, renfrognée, malaisante au possible, difficile à suivre, car insoluble à digérer sitôt la projection close. Si bien qu'aucun personnage ne nous évoque une parcelle d'empathie à travers leur culpabilité impardonnable d'une emprise délétère. 

*Bruno
08.11.11
15.09.22

lundi 7 novembre 2011

L'ENFER DES ZOMBIES (Zombie 2 / Zombie Flesh Eaters).


de Lucio Fulci. 1979. Italie. 1h31. Avec Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Al Cliver, Auretta Gay, Stefania d'Amario, Olga Karlatos.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.


Un an après le succès planétaire de Zombie de Romero, Lucio Fulci est assigné pour concourir les américains en proposant une autre version du mythe teinté d'exotisme. Le producteur Fabrizio De Angelis le contacte sous les recommandations de Enzo G. Castellari pressenti à l'origine pour mettre en scène ce filon lucratif. D'après un scénario de Dardano Saccheti, l'intrigue sera légèrement remaniée afin de suggérer une filiation avec le chef-d'oeuvre de Romero. En dépit d'une sortie en salles expurgée de ses effets chocs les plus sanglants, le film rencontre un énorme succès à travers le monde tandis que la notoriété de Fulci va s'imposer dans l'hexagone. En Italie, l'Enfer des zombies sortira sous le titre fallacieux Zombie 2 si bien qu'il s'agit d'une fausse préquelle. Un bateau sans passager échoue sur le port de New-York. Deux policiers sont convoqués pour inspecter les lieux. A l'intérieur, l'un d'eux se fait sauvagement agripper par un colosse monstrueux lui arrachant la jugulaire. Au même moment, après avoir été interrogée par la police, la fille du propriétaire du bateau part à la recherche de son père disparu sur l'île de Matoul. 


Premier volet d'une quadrilogie fondée sur la mythologie du Mort-vivant, l'Enfer des Zombies  suscite (promptement) anxiété et terreur lors d'un prologue cinglant resté dans les mémoires. En interne d'un yacht, deux flics découvrent avec horreur l'apparition insensée d'un zombie mastard dévoreur de chair. Exacerbé d'un effet-choc sanguinolent illustrant avec soin artisanal un arrachage de gorge concocté par Gianetto De Rossi, Lucio Fulci soigne autant la physionomie du monstre terreux dans un amas de chair décomposée. La touche fulcienne épaulée de ses fidèles collaborateurs (Frizzi, De Rossi, Saccheti) est instaurée avec une signature typiquement latine ! A travers un scénario simpliste et sans surprise, l'originalité du metteur en scène est d'avoir su réexploiter le thème morbide du cadavre récalcitrant pour le faire revenir aux sources du Vaudou. En prime, il implante l'intrigue au coeur d'un décor insulaire exotique permettant ainsi de façonner une étrange atmosphère poético-macabre afin de contraster avec la beauté solaire d'une nature souillée par l'odeur de la mort. A l'instar de ce crustacé se faufilant sur le sol poussiéreuse d'un village décampé d'habitants, alors qu'en arrière fond on aperçoit la silhouette d'un cadavre errant déambulant vers nous. Avec beaucoup d'efficacité dans sa sensualité sépulcrale, Lucio Fulci transcende sa futilité narrative par le biais créatif d'un environnement fantasmagorico-baroque. Dans l'Enfer des Zombies, la peur anxiogène sous-jacente savamment distillée s'approprie instinctivement de chaque décor minimaliste investi dans l'île de Matalou (une salle de bain, un cimetière de conquistador, une chapelle abandonnée, une baraque en bois transformée en chambres d'hospice). La touche personnelle du maître du putride est donc de faire évoluer assidûment ces zombies lymphatiques dans un cadre mortifère littéralement ensorcelant. A contrario des films de Romero, les monstres mourants de Fulci se révèlent des êtres spumescents suintant la puanteur, les larves s'échappant de leur corps malingre. Dans le dortoir où sont stockés les malades affublés de draps insalubres (sang et transpiration corporels), le spectre de la mort hante leurs âmes dans cette chaleur estivale où virevoltent insolemment les mouches.


En intermittence, il fait intervenir des péripéties odieusement tragiques chez certains personnages pris à parti avec les estocades des morts-vivants nantis d'une brutalité animale. Parmi ces exactions vulgaires, impossible d'occulter la mort de Paola Ménard (Olga Karlatos à la beauté méditerranéenne), séquestrée dans sa salle de bain par un zombie voyeuriste pour être ensuite sauvagement agressée par une écharde pénétrée dans son oeil droit. Un effet-choc anthologique zoomé sans coupe renforçant ainsi son impact émotionnel sidérant de bestialité. On peut aussi citer l'incroyable scène aquatique lorsque Susan, partie plonger dans les profondeurs, sera menacée par un requin, alors qu'un zombie spectral surveille également sa proie à proximité. L'ironie du sort est qu'un combat homérique sera entamé entre ce celui-ci pugnace et le squale inopinément offensé. Enfin, la séquence cauchemardesque dans le cimetière des conquistadors est également à souligner lorsqu'une poignée de morts s'exhument lentement de leur tombe alors que l'un d'eux s'empressera de déchirer la gorge de Susan. Le final explosif laisse place à d'autres évènements plus épiques dans son action précipitée avec cette prolifération soudaine de zombies quand bien même le jour laisse place à l'opacité. Ne manquons pas de rappeler non plus que cette mise en scène façonnée par une équipe talentueuse ne serait à son apogée sans le talent singulier d'un musicien de génie, Mr Fabio frizzi. Un artiste inspiré réussissant une fois de plus à composer un tempo funèbre entêtant dans sa lourde sonorité afin de scander une ambiance exotico-macabre irrépressiblement olfactive.


4 décennies après sa sortie, ce chef-d'oeuvre transalpin perdure sans réserve son pouvoir de fascination morbide et de terreur moite sous une impulsion macabre vertigineuse. On sera par contre indulgent sur une direction d'acteurs faillible (le point le plus répréhensible de toute la carrière de Fulci) bien que rehaussée du charismes de trognes de seconde zone (Richard Johnson en tête). Reste à savourer l'essentiel, l'alchimie ambitieuse d'un cauchemar sur pellicule provoquant viscéralement une peur susceptible au travers d'un climat insulaire, et avant que la dernière image iconique, annonciatrice d'une apocalypse planétaire, nous renvoie inconsciemment à l'ascension des Zombies politicards de Romero.

Bruno MatéïDédicace à Fabio Frizzi.
07.11.11. 6èx.

A lire également, l'excellente critique de Leatherfacehttp://deadstillalive.canalblog.com/archives/2011/09/07/21903753.html



vendredi 4 novembre 2011

KIDNAPPED (SECUESTRADOS). Mélies d'Argent à Espoo Ciné.


de Miguel Angel Vivas. 2010. Espagne. 1h22. Avec Guillermo Barrientos, Dritan Biba, Fernando Cayo, Cesar Diaz, Martijn Kuiper, Manuela Velles, Ana Wagener, Xoel Yanez.

Récompenses: Mélies d'Argent à Espoo Ciné.
Meilleur film, Meilleur Réalisateur au Fantastic Film Fest 2010.

FILMOGRAPHIE: Miguel Angel Vivas est un réalisateur, scénariste et acteur espagnol.
1998: Tesoro (court-métrage). 2002: El hombre del saco (court-métrage). 2002: Reflejos (réflections). 2003: I'll See you in my Dreams (court-métrage). 2010: Kidnapped


Sélectionné au festival de Strasbourg 2011, Sitges 2010 et récompensé du Meilleur Film et Meilleur Réalisateur au Fantastic Fest 2010, Kidnapped est le second long-métrage d'un réalisateur espagnol déjà multi-récompensé auprès de courts-métrages. Mais rien ne semblait présager l'émotion traumatique qu'allait engendrer cet électro-choc dénonçant avec rigueur le phénomène inquiétant de la violence urbaine sur le territoire ibérique, l'"enlèvement express". A savoir, kidnapper avec une extrême violence une famille lambda en un minimum de temps afin de leur soutirer de l'oseille. A Madrid, une famille aisée installée dans leur nouvelle demeure est victime de l'intrusion de trois individus cagoulés. Ligotés et menacés de mort, les parents ainsi que leur fille sont contraints de leur divulguer leur numéro de carte bancaire pour les monnayer. C'est le début d'une nuit de cauchemar auquel personne ne sortira indemne. 
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En tablant sur un canevas éculé mainte fois adapté au cinéma de genre (la Rançon de la peur, les Chiens de paille, la Maison des Otages, la Dernière Maison sur la gauche et plus récemment The Strangers), Kidnapped exploite le fameux filon du "home invasion", huis-clos dédié à l'efficacité d'un suspense exponentiel chez une famille lambda séquestrée par des malfrats sans vergogne. Le préambule persuasif dans sa verdeur acerbe, car illustrant un individu ligoté allongé sur le sol, nous impressionne lorsque celui-ci suffoque à l'aide d'un sac plastique sur la tête. Après avoir réussi à rejoindre une chaussée, une nouvelle estocade nous est assénée après que ce dernier eut composé un appel téléphonique pour avertir sa famille. Avec la froideur d'une photo blafarde et d'une caméra agressive portée à l'épaule, l'ambiance oppressante s'insinue instinctivement auprès du spectateur déjà averti que le cheminement narratif sera loin d'être une partie de plaisir. Générique de début... Après nous avoir furtivement présenté le profil équilibré d'un couple de bourgeois et de leur adolescente, venus emménager dans leur nouvelle résidence, le réalisateur Miguel Angel Vivas va droit au but de son sujet pour nous asséner de plein fouet l'irruption brutale de trois individus cagoulés, implacablement déterminés à s'approprier du magot tant convoité. L'intensité de l'intrigue, c'est de nous immerger frontalement dans sa plus terrifiante et pénible quotidienneté. En effet, l'horreur perpétrée n'est ici nullement surnaturelle ou gentiment frissonnante mais bien ancrée dans la paisible rationalité d'un cocon familial en interne de leur foyer. Quoi de plus terrifiant et de déstabilisant qu'un groupe d'assaillants venus s'introduire dans leur maison au péril de la vie des propriétaires ! L'identification du spectateur auprès de la famille lambda s'avérant innée quand bien même l'interprétation spontanée des comédiens insuffle une émotion viscérale auprès de leur affliction psychologique. La nationalité de ces derniers méconnus dans l'hexagone nous permet en prime de nous familiariser auprès de leur trogne triviale.


Sans vouloir épater la galerie (à contrario d'un David Fincher pédant employant vainement la même prouesse technique dans son thriller Panic Room), le metteur en scène applique de manière récurrente les critères du plan-séquence et du split screen (écran scindé en deux pour suivre en temps direct deux actions simultanées) afin de mieux nous imprégner de l'ambiance incisive découlant du viol de cet environnement familial. Le sentiment de terreur oppressante proprement insupportable assénée aux victimes serviles est exacerbé d'un réalisme rugueux proche du documentaire. La famille sévèrement prise à parti, perpétuellement menacée et molestée, se confinant dans un climat intolérable de désespoir. Tant et si bien que le spectateur témoin de cet engrenage infernal de violence gratuite ne peut que subir et endurer ce que les victimes sont acculées d'admettre et de supporter. De prime abord et intelligemment, sa violence à la fois acerbe et brutale prime avant tout sur la psychologie tourmentée, humiliée des personnages plutôt que l'outrance démonstrative des sévices endurés, à l'exclusion d'un final eschatologique d'une barbarie insoutenable. De surcroît, les évènements drastiques et situations de danger encourus par nos protagonistes sont plutôt lestement pensés, crédibles, sans fioriture alors que d'autres nouveaux intervenants de l'histoire iront s'interposer afin d'accentuer un suspense davantage éprouvant pour la survie des innocents. Avec une maîtrise probante, Miguel Angel Vivas offusque le spectateur jusqu'au malaise tangible lors d'une descente aux enfers jusqu'au-boutiste. En nous posant notamment la fatale question de savoir ce que nous ferions en pareille situation d'effraction ! Il démontre également les risques irréversibles encourus du point de vue des malfrats véreux lorsqu'une situation échappe à leur contrôle. Néanmoins, leur caractérisation n'évite pas le stéréotype envers un des antagonistes, un peu plus compatissant, réfléchi, subitement conscient pour éluder un nouveau débordement meurtrier. Mais le réalisme sordide suintant de chaque situation intempestive et l'intensité imputée au climat de malaise transcendent finalement ce menu cliché.


Terrifiant au sens le plus viscéral du terme, oppressant et tendu à l'extrême, et affichant avec réalisme une brutalité cinglante, Kidnapped culmine sa besogne vers un traumatisant bain de sang. Point d'orgue peut-être discutable pour son outrance putanesque mais qui nous plonge dans un sentiment de paranoïa, d'inconfort et de peur palpable face à l'environnement faussement rassurant de notre foyer. Y émane durant 1h20 de projo une bombe d'adrénaline forcenée, un bad-trip discourtois à réserver à un public préparé. 

04.11.11
Bruno Matéï


jeudi 3 novembre 2011

LE SANG DU VAMPIRE (Blood of the Vampire)


de Henry Cass. 1958. Angleterre. 1h24. Avec Donald Wolfit, Vincent Ball, Barbara Shelley, Victor Maddern, William Devlin.

FILMOGRAPHIE: Henry Cass est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur britannique né le 24 Juin 1902 à Londres, décédé en 1989.
1949: La Montagne de Verre.
1950: Jennifer. Vacances sur Ordonnance.
1951: Histoires de jeunes femmes.
1955: Windfall. No Smoking.
1956: Bond of Fear.
1957: Professor Tim. Booby Trap.
1958: Le Sang du Vampire.
1960: The Hand.
1965: Give a Dog of Bone.
1968: Happy Deathday.


La même année que la sortie du chef-d'oeuvre, le Cauchemar de Dracula, le réalisateur anglais Henry Cass entreprend un film d'épouvante traitant du même thème vampirique mais abordé cette fois-ci d'un point de vue scientifique. Puisque dans le Sang du Vampire, notre savant fou, accompagné d'un traditionnel assistant difforme, est contraint de réapprovisionner son corps de sang humain en usant de transfusions sanguines. D'après un scénario de Jimmy Sangster (habituellement crédité à l'écurie Hammer) et produit par l'illustre duo Monty Berman / Robert S. Baker (l'Impasse aux Violences, Jack l'Eventreur), le Sang du Vampire détonne par son ambiance malsaine démonstrative et son originalité à renouveler le mythe du suceur de sang.

En Transylvanie, en 1874, un homme est exécuté après avoir été accusé de vampirisme. Son fidèle assistant réussit cependant à exhumer son corps avec l'aide d'un scientifique pour lui rendre la vie grâce à une transplantation cardiaque. Malgré sa résurrection, l'homme qui avait ingéré un sérum pour pouvoir rester en vie a subi une infection sanguine. Six ans plus tard, directeur d'un asile psychiatrique, il décide de continuer ses sinistres travaux avec la collaboration d'un médecin. 
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Avec l'entremise d'un scénario de prime abord orthodoxe, Henry Cass réussit avec une certaine audace à détourner le thème du vampire en quête de sang vierge dans le profil imparti au mythe du savant fou. Un scientifique contraint de pratiquer de multiples transfusions sanguines sur des cobayes humains au point de vidanger leur corps famélique. Le lieu baroque et sordide d'un asile psychiatrique surveillé par des gardes et accompagnés de dobermans affamés, réussit à créer une ambiance inquiétante particulièrement tangible. La photographie criarde aux teintes jaunes sépia et au rouge pourpre va accentuer ce sentiment d'hostilité palpable jusque dans le laboratoire de Callistratus, environnement barbare suintant la mort putride de cadavres moribonds. L'efficacité du récit s'établit notamment sur les rapports conflictuels d'un jeune médecin (leur relation houleuse ne manque pas de mordant dans leur divergence) contraint de subvenir à un directeur utopiste en quête d'immortalité.  Tandis que la présence enjôleuse de la charmante Barbara Hershey va apporter un soutien affectueux auprès de son amant voué au chantage. Il y a aussi l'assistant difforme Karl, endossé par l'acteur Victor Maddern, (tout droit sorti d'un "bossu de la morgue" ibérique !). Sa présence iconique exacerbe à volonté l'ambiance gothique tout à fait hybride dans son raffinement putassier.
Si le Sang du Vampire se révèle aussi captivant et particulièrement intense dans les enjeux des protagonistes, il le doit beaucoup à la géniale interprétation de Donald Wolfit, incarnant avec plaisir masochiste le rôle d'un savant fou immoral. Un être abject obsédé à l'idée de survivre en soutirant le sang de victimes innocentes. Sa mégalomanie arrogante, son faciès ténébreux mis en valeur par de larges sourcils et surtout son regard sournois irradient l'écran de ses cyniques exactions.
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Baignant dans un climat glauque et malsain agencé autour d'un univers gothique digne des productions Hammer, Le Sang des Vampires est un petit trésor vintage rehaussé par la conviction des comédiens et d'un récit habilement structuré (à une incohérence près comme ce final vite expédié pour la sauvegarde du héros). On sera d'autant plus surpris pour l'époque du caractère brutal octroyé à certaines dérives sanglantes, à l'image de ces chiens insatiables dévorant ardemment deux protagonistes désoeuvrés. 

Dédicace à Artus Films 
03.11.11.  3.
Bruno Matéï

mercredi 2 novembre 2011

POUPOUPIDOU


de Gérald Hustache Mathieu. 2010. France. 1h42. Avec Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton, Guillaume Gouix, Olivier Rabourdin, Clara Ponsof, Arsinee Khanjian, Eric Ruf, Lyes Salem, Joséphine de Meaux, Ken Samuels.

Sortie en salles en France le 12 Janvier 2011

FILMOGRAPHIE: Gérald Hustache Mathieu est un réalisateur français né en 1968 dans la ville d'Echirolles, en Isère dans la banlieue sud de Grenoble.
1996: J'ai horreur de l'amour (assistant réalisation). 2001: Peau de Vache (court). 2003: La Chatte Andalouse (moyen métrage). 2006: Avril. 2011: Poupoupidou


Après un premier film remarqué pour sa poésie libertaire, Gérald Hustache Mathieu entreprend avec Poupoupidou (titre énigmatique un peu peu réducteur), un polar insolite et décalé façonné dans le moule de la comédie atypique. Illuminée par la fonction pétillante de Sophie Quinton, cette ovni gracieux enchante subtilement le spectateur par son aura fantasmagorique. Un écrivain en panne d'inspiration découvre sur une route enneigée le cadavre d'une blonde surnommée Candice Lecoeur. Intrigué par ce potentiel suicide, il va tenter de remonter le passé pour découvrir la vérité sur cette égérie de Franche Comté grâce à son journal personnel. Peu à peu, il se rend compte que d'étranges similitudes avec la vie notoire de Marilyn est agréée avec celle de Candice. Pour renouer avec l'ambition de sa profession, il profite également de cette étrange enquête pour entamer la rédaction de son nouveau roman. 



Avec la structure désincarnée et impondérable d'un scénario aussi insolite, difficile de rester inflexible face à un film aussi étrange, lyrique et enivrant. A partir d'un argument policier orthodoxe, l'intrigue foisonnante va rapidement s'acheminer vers un itinéraire excentrique remplie de situations cocasses, attendrissantes ou graves, compromises avec des personnages sournois, indécis, distraits et rêveurs, en quête de gloire ou de reconnaissance. Formellement, Poupoupidou flirte incessamment avec l'onirisme enchanteur dans un parti pris baroque (variante de nuances polychromes picturales) et avec la pétulance d'une jeune blonde avide de rencontrer l'amour mais persuadée d'être la réincarnation de Marilyn Monroe. Gérald Hustache Mathieu oscille les genres avec une aisance fulgurante et nous narre avec fantaisir une idylle impossible entre deux êtres que tout sépare malencontreusement. En résulte une perpétuelle puissance émotionnelle sous-jacente dans les investigations utopistes d'un écrivain passionné par les états d'âme fébriles d'une star trop vite élevée au rang d'égérie jusqu'au fameux climax révélateur d'une rédemption déchirante.


Pour l'interprétation, Jean Paul Rouve surprend avec sobriété dans un rôle à contre-emploi de romancier contrarié mais subitement inspiré par un fait divers macabre simulé en suicide. Modérément touchant et discrètement amoureux d'une femme subitement balayée par la mort, il reconstruit peu à peu le puzzle écorné de sa nouvelle Marilyn pour finalement découvrir un semblant de relation interposée. Sans fioriture, Sophie Quinton irradie l'écran de sa physionomie lascive pour émailler les campagnes publicitaires auquel elle doit user de sa suavité pour convaincre la société de consommation. Et en particulier la gente masculine fascinée par ses formes charnelles et son pouvoir érotique sensiblement aguichant. Sa présence féminine d'une beauté épurée hors norme insuffle au fil du récit une aura irrationnelle délicatement souple et envoûtante. Le spectateur rendu transi n'étant pas prêt d'oublier le talent de cette actrice néophyte au potentiel naturel !


Lestement mis en scène dans une chimère romanesque inimitable, Poupoupidou est un poème en demi-teinte. Aussi frais, éthéré, drôle, angélique et passionné que lugubre, nonchalant, touchant et tragique dans le rêve insoluble que se partagent David et Candice. Par l'hypocrisie, la cupidité des hommes et la providence d'un hasard inéquitable, leur frêle destin s'édifie en conte désenchanté inscrit dans l'élégie. La désillusion fatale de deux êtres candides séparés par la mort mais dont leur liaison sous-jacente va finalement se convertir au travers d'une lettre de compassion. Poupoupidou étant finalement l'histoire fragile d'une princesse incomprise par qui la célébrité orgueilleuse aura tout détruit. On s'extrait de l'esprit de Candice bouleversé et hanté par sa stature de nouvelle Marilyn destinée à répéter sa légende brocardée.

Dédicace à Damval Dulac.
02.11.11
Bruno Matéï



mardi 1 novembre 2011

Bad Boy Bubby. Prix Spécial du Jury à Venise 1993.


de Rolf De Heer. 1993. Australie/italie. 1h52. Avec Nicholas Hope, Claire Benito, Ralph Cotterill, Carmel Johnson, Syd Brisbane, Nikki Price, Norman Kaye, Paul Philpot, Peter Monaghan, Natalie Carr.

Sortie en salles en France le 1 novembre 1995. U.S: 26 Avril 2005

FILMOGRAPHIE: Rolf De Heer est un réalisateur, producteur, scénariste et compositeur australien d'origine néerlandaise, né le 4 Mai 1951 à Heemskerk (Pays-Bas). 1984: Sur les ailes du tigre. 1988: Encounter at Raven's Gate. 1991: Dingo. 1993: Bad Boy Bubby. 1996: La Chambre Tranquille. 1997: Epsilon. 1999: Dance me to My Song. 2001: Le Vieux qui lisait des romans d'amour. 2002: The Tracker. 2003: Le Projet d'Alexandra. 2006: 10 canoës, 150 lances et 3 épouses.


En 1995 sort dans une quasi indifférence un long métrage australien d'un réalisateur d'origine néerlandaise. Inondé de récompenses dans divers festivals internationaux, Bad Boy Bubby va rapidement gagner au fil du bouche à oreille un statut d'ovni hybride, dérangeant, beau et sordide à la fois, auquel l'humanisme candide de son protagoniste ébranla son public féru d'anticonformisme. 
Le PitchBubby est un homme de 35 ans vivant reclus comme un animal dans son foyer familial parmi l'autorité d'une mégère incestueuse. Emprisonné, maltraité et rendu esclave, il est acculé à y rester cloîtré en compagnie d'un chat de gouttière. Un jour, jalousé des retrouvailles inespérées avec son père alcoolique, il décide de se rebeller et franchir les extérieurs industriels de sa bâtisse.


Eprouvant, profondément malsain et dérangeant, la première demi-heure de Bad Boy Bubby rivalise de déviance à travers son environnement restreint d'un foyer insalubre, là où quelques cafards jonchent le sol parmi la présence d'un chat séquestré dans une cage. Quant à la mère de Bubby, tortionnaire  perverse ventripotente, elle abuse sexuellement de son rejeton inculte en lui imposant la journée de rester assis sur une chaise durant ses absences prolongées. Parfois même, elle lui pratique l'étouffement en lui bouchant la bouche et le nez de manière somme toute tranquille ! Pour sortir de sa baraque, elle se déplace en ville à l'aide d'un masque à gaz afin de feindre à son fils que la vie urbaine est empoisonnée à proximité des bâtiments industriels. Abruti par une existence sans compassion, sans amour et surtout sans notion de Bien et de Mal, Bubby perdure son ennui alors que son seul loisir est d'asphyxier un chat domestique en guise de curiosité morbide. Sur ce point, ces séquences dérangeantes extrêmement crues et choquantes sont d'un réalisme épeurant au point de s'interroger s'il s'agit d'un véritable chat volontairement maltraité afin de mieux nous ébranler ! C'est avec l'arrivée inopinée de son père alcoolique que Bubby décide de s'extérioriser en adoptant son attitude de débauche sexuelle auprès de sa mère. Spoil ! Ainsi, après les avoir étouffé durant leur sommeil par vengeance, Bubby découvre enfin le nouveau monde urbain tant redouté ! Fin du Spoil.


Par conséquent, après nous avoir fait vivre dans un souci documentaire (comparable au climat ombrageux et dépressif de Eraserhead de Lynch) le sordide quotidien d'un homme réduit à l'état primitif, le réalisateur nous dirige lentement vers sa quête initiatique. Il d'agit donc d'illustrer le profil d'un quidam arriéré (comparable au monstre de Frankenstein de par son ignorance et sa pudeur déficiente) rencontrant au hasard des rues la jungle de marginaux, d'intégristes, d'artistes bénévoles et de handicapés dystrophiés. Durant ce parcours d'un homme autrefois refoulé et molesté, Rolf De Heer filme donc de façon corrosive le portrait poignant d'un être esseulé perdu au milieu d'une cité urbaine où les citadins occupent leur temps à chercher un intérêt métaphysique à leur existence. A la manière d'un poème illustrant de manière décalée l'absurdité de l'existence humaine, Bad Boy Bubby se décline en magnifique récit initiatique vers le chemin de la raison et de la rédemption. En fustigeant la religion responsable du fondamentalisme, le film est également un hymne à la liberté la plus autonome ainsi qu'à l'épanouissement de l'amour. Dans celui du clochard fasciné par les merveilles du monde, Nicholas Hope époustoufle par son jeu naturel d'un regard empli d'innocence. Durant son cheminement fantasque, il cristallise donc un message de tolérance pour le droit à la différence, une fraternité pour la condition des exclus et aussi une quête identitaire pour l'accomplissement de sa postérité.


Choquant, déstabilisant, glauque, voir malsain lors de sa première partie effrontée, le film de Rolf De Heer adopte une mise en scène singulière inscrite dans la crudité pour y dépeindre avec sensibilité un univers aliénant et débauché. Caustique, désincarné, débridé, poétique, drôle et profondément bouleversant, de par l'interprétation fébrile d'un acteur au jeu infantile, Bad Boy Bubby est un ovni anti-conformiste transcendant le portrait d'un homme chrysalide car découvrant peu à peu les nouveaux repères de son existence. Un chef-d'oeuvre dédié aux laissés pour compte, aux marginaux et aux athées ainsi qu'une déclaration d'amour à la banalité de notre existence inscrite dans le moment présent. 

Dédicace à Isabelle et Eugène Rocton, et Philippe Blanc.
*Bruno Matéï
01.11.11.

Récompenses: Prix Spécial du Jury à la Mostra de Venise en 1993.
Prix du Meilleur Réalisateurmeilleur scénariomeilleur montage et meilleur acteur pour Nicholas Hope lors des Australian Film Institute Awards en 1994.
Prix du Meilleur Film, Meilleur Acteur, Meilleure Mise en scène au Festival du film de Seattle en 1994.
Prix du Public, Prix RFM, Prix des Etudiants, Prix Spécial du Jury au Festival d'action et d'Aventures de Valenciennes en 1995.
Prix Très Spécial à Paris en 1995

Rolf De Heer



lundi 31 octobre 2011

2019, Après la chute de New-York / 2019 - Dopo la caduta di New York / 2019, After the fall of New-York


de Sergio Martino. 1983. Italie. 1h36. Avec Michael Sopkiw, Valentine Monnier, Anna Kanakis, George Eastman, Roman Geer, Vincent Scalondro, Haruhiko Yamanouchi, Edmund Purdom, Louis Ecclesia.

Sortie salles France: 11 Janvier 1984.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Sergio Martino est un réalisateur, producteur et scénariste italien né le 19 Juillet 1938 à Rome (Italie). 1970: l'Amérique à nu. Arizona se déchaine. 1971: l'Etrange vice de Mme Wardh. La Queue du Scorpion. l'Alliance Invisible. 1973: Mademoiselle Cuisses longues. 1973: Torso. 1975: Le Parfum du Diable. 1977: Mannaja, l'homme à la hache. 1978: La Montagne du Dieu Cannibale. 1979: Le Continent des Hommes poissons. Le Grand Alligator. 1982: Crimes au cimetière étrusque. 1983: 2019, Après la Chute de New-York. 1986: Atomic Cyborg. 1989: Casablanca Express. 1990: Mal d'Africa. Sulle tracce del condor.


En 1981 se bousculent dans les salles Mad Max 2 et New-York 1997, deux oeuvres charnières de la science-fiction post-apo. Ainsi, nos voisins transalpins vont promptement exploiter le filon afin de surenchérir une frénésie homérique inspirée de la bande dessinée et du western spaghetti. Deux ans après les modèles de Miller et Carpenter le réalisateur Sergio Martino (responsable de quelques classiques parmi lesquels Torso, la Queue du Scorpion, Mannaja ou encore le Continent des Hommes poissons) s'entreprend donc de livrer sa version belliqueuse du post-nuke. Or, d'autres cinéastes cupides vont notamment dévoiler leur avatar au travers de productions à maigre budget aussi improbables que le Gladiateur du futur, les Guerriers du Bronx ou les Nouveaux Barbares pour citer les plus illustres. 
Synopsis: En 2019, notre monde est ravagé par une apocalypse nucléaire causant la stérilité des dernières femmes. Les Euraks, une armée téméraire infiltrée dans les zones à risques est déployée pour prendre en chasse les quelques survivants irradiés afin de les étudier pour une éventuelle reproduction de l'humanité. Un président américain exilé en Alaska fait appel au mercenaire Parsifal pour tenter de retrouver la dernière femme fertile. Pour ce faire, il s'épaule de deux briscards aussi pugnaces afin d'amorcer leur mission à haut risque dans les vestiges New-yorkais !


Erigé sous le moule de la série Z (involontairement) pittoresque, faute d'un budget en berne et d'acteurs chauvins à la trogne risible, 2019, après la chute de New-York peut sans conteste se targuer d'être le meilleur ersatz rital de ces classiques susnommés. Car grâce à l'habileté honorable d'un petit maître du Bis à la carrière loin d'être négligeable, cette bisserie intrépide transcende ses flagrants défauts de par la fertilité des séquences d'action aux péripéties particulièrement pétulantes. A travers la posture gogo de ces héros en mal de reconnaissance, 2019 après la chute de New-York puise son charme auprès de son décorum décharné de carton pâte et via ses figures grotesques irrésistiblement attachantes. Tant auprès des figurants à la gueule tuméfiée d'une radiation nucléaire, du braconnier chinois adepte du fouet, de l'homme singe à l'épiderme volumineux (inénarrable George Eastman en Sinbad déficient !), du borgne humanoïde affublé d'un lasso métallique relié par trois billes d'acier, du preux mercenaire apte à se sacrifier pour contre-carrer l'ennemi, du valeureux nabot prêt à s'éventrer pour sauvegarder la vie de ses pairs que d'une femme esclave chérissant le coeur du héros mad-maxien.


Dès le préambule, une aura mélancolique plane sur l'horizon diaphane du New-York azur sur un air musical de trompettiste. Sergio Martino soignant son univers aride d'apocalypse parmi l'appui d'une voix-off monocorde nous énonçant brièvement la situation alarmiste d'une cause radioactive. Après une mémorable course poursuite (auto-tamponneuse) véhiculée par des gladiateurs sur leurs bolides blindés, la trame reprend ensuite le canevas de New-York 1997 si bien qu'un héros anarchiste, bellâtre mais inexpressif, est contraint de parfaire une mission sous la houlette d'un chef d'état sournois. Grâce à la bonhomie de nos mercenaires à la fois rétrogrades et extravagants (le nain sauteur Kirke est devenu chez certains amateurs une icône impayable dans sa fonction amiteuse), à son action en roue libre inspirée de la BD destroy et au dynamisme du montage, l'aventure dystopique redouble de générosité lors des rencontres aléatoires avec des belligérants en instance de survie. Quelques séquences gores typiquement italiennes à travers leur audace racoleuse vont également animer certaines péripéties instaurées sous le dédale d'égouts new-yorkais. Ainsi, si l'aventure échevelée s'avère tant jubilatoire pour le fan de délire pour rire, c'est aussi grâce à la drôlerie (involontaire) des réparties énoncées avec un sérieux infaillible. Enfin, le côté tapageur de sa bande-son stridente (à l'instar du bruitage des armes à feu et des coups de poing fracassants typiques chez le ciné rital !) est saturé du score entraînant des frères Guido et Maurizio De Angelis particulièrement inspirés à dynamiser les confrontations bellicistes à perdre haleine.    


Les nains aussi ont commencé petit !
Efficacement troussé et nerveusement mis en scène sous le pivot d'une "pochette-surprise" narrative, 2019... idéalise le pur divertissement décomplexé. Un miracle de ringardise palliant ses moyens précaires de par son savoir-faire aussi inspiré qu'avisé et l'attachante complicité des comédiens cabotins se prêtant au jeu autoritaire avec une fois inébranlable. Sans prétention (malgré les apparences du plagiat), loufoque, débridé et généreux en diable auprès de ses portraits hauts en couleur de marginaux décadents déambulant au sein d'une scénographie rutilante (notamment l'exploitation de ses décors urbains envoûtants)2019, après la chute de New-York demeure le meilleur succédané de Mad-Max derrière son irrésistible facture Z typiquement latine. Reste une question improbable en guise de conclusion identitaire : "Est-ce une faute grave d'être un nain ?!"

* Bruno
01.01.19. 7èx
31.10.11.

Sergio Martino