mercredi 11 janvier 2012

Le corniaud


de Gérard Oury. 1964. France. 1h50. Avec Bourvil, Louis De Funès, Venantino Venantini, Henri Genès, Saro Urzi, Daniela Rocca, Lando Buzzanca, Henri Virlojeux, Michel Galabru, Jacques Ary.

Récompense: Prix du Meilleur Scénario au festival de Moscou en 1965.

Sortie en salles en France le 24 Mars 1965. U.S: 8 Octobre 1967

FILMOGRAPHIE: Gérard Oury (Max-Gérard Houry Tannenbaum) est un réalisateur, acteur et scénariste français né le 29 avril 1919 à Paris, décédé le 20 Juillet 2006 à Saint-Tropez.
1960: La Main Chaude. La Menace. 1962: Le Crime ne paie pas. 1965: Le Corniaud. 1966: La Grande Vadrouille. 1969: Le Cerveau. 1971: La Folie des Grandeurs. 1973: Les Aventures de Rabbi Jacob. 1978: La Carapate. 1980: Le Coup du Parapluie. 1982: L'As des As. 1984: La Vengeance du Serpent à Plumes. La Joncque (inachevé). 1987: Levy et Goliath. 1989: Vanille Fraise. 1993: La Soif de l'or. 1996: Fantôme avec chauffeur. 1999: Le Schpountz.
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Numéro 1 au box-office français avec 11,74 millions d'entrées ! L'un des tous premiers longs de Gérard Oury accède rapidement au classique de la comédie populaire autour d'un atout de prestige: De Funes / Bourvil dans une complémentarité proverbiale (ce dernier reçut d'ailleurs un cachet 3 fois plus important que son comparse). A l'origine, le film est tiré d'un évènement réel survenu en 1962 alors qu'un présentateur de la télévision française fut appréhendé aux Etats-Unis au volant de sa Buick transportant 50 kilos d'héroïne pure (même si lors de son arrestation la drogue ne fut jamais retrouvée). Après avoir plaidé coupable au tribunal, cet animateur de l'émission Paris-Club fut incarcéré 5 ans durant car il fut prouvé durant l'enquête qu'il toucha pour cette transaction 10 000 dollars. Fort du succès public faramineux capitalisé en 1965, les américains proposèrent d'ailleurs au réalisateur de produire et réaliser un remake interprété par Dean Martin et Jack Lemmon. Mais malgré une offre financière plus que considérable, Gérard Oury ne donna jamais suite à leur alléchante proposition. Le PitchAprès un accident de voiture avec un riche homme d'affaires, un quidam ingénu se voit l'opportunité de conduire sa cadillac à convoyer de Naples à Bordeaux en guise de dédommagement. Le directeur sans vergogne est en faite un important contrebandier ayant décidé d'utiliser un "corniaud" afin d'expédier sa marchandise jusqu'à Bordeaux. Une folle aventure à travers l'Italie est entreprise par ce bouc émissaire et nos joyeux lurons à ses trousses. 
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Immense succès populaire multi diffusé à la télévision depuis sa sortie salles et considéré à juste titre comme l'un des plus grands classiques du genre, Le Corniaud n'a pas usurpé sa réputation élogieuse de phénomène à part entière ! Ainsi, on a beau revoir de façon récursive cette aventure rocambolesque emmenée par un irrésistible duo d'acteurs innés pour provoquer l'éclat de rire, Le Corniaud est une denrée précieuse de par son alliage de cocasserie et de tendresse mis en exergue dans une simplicité naturelle. Et ce jusqu'aux moindres seconds rôles ! A l'instar de cet italien irascible de jalousie maladive auprès de sa dulcinée courtisée, de la blondinette à l'accent germanique adepte de l'auto-stop, du leader de police autoritaire mais ébaubi, des complices de Saroyan, du duo de fripouilles à la trogne risible façon "Laurel et Hardy" ou encore de leur rival surnommé le "bègue" car gesticulant avec un débit irrégulier ! Ainsi, en affiliant le cinéma d'aventures, la comédie burlesque, le road movie et l'enquête policière sur un canevas truffé de péripéties impromptues, Gérard Oury a su ajuster sa recette miracle à la perfection. En prime, pour nous charmer la vue, il nous convie à une visite touristique à travers l'Italie dans les contrées de Rome, Naples, Pise, la Villa d'Este, le château Saint-Ange, la Toscane, et ce en passant par le Sud de la France, la cité de Carcassonne et enfin Bordeaux. Par conséquent, cette course poursuite effréné entre un brave quidam crédule et deux clans de malfrats (successeurs des pieds nickelés) ne laisse nulle répit au spectateur à travers son florilège de rebondissements aussi débridés qu'exaltants !


Pour revenir au casting emblématique, l'innocence docile et la bonhomie de Bourvil renforcent agréablement l'attrait tendre du corniaud débordant de générosité et de romance escomptée. Dans la mesure où sa drague empotée avec l'italienne puis avec l'allemande voluptueuse donne lieu à des séquences fragiles cédant pas à une émotion franchement empathique. Quand à son tempérament instinctivement gaffeur, il déploie nombre de catastrophes et quiproquos saugrenus déjouant involontairement les combines de ces gangsters contrebandiers. De par son caractère irascible et sa mesquinerie perfide, Louis de Funes nous offre un festival de péripéties, pitreries et mimiques à la mesure de son talent inégalé. Epaulé de la complicité de deux acolytes incultes, ils tenteront avec autant de maladresse à suivre en véhicule leur convoyeur jamais à court de rencontres et destinations impondérables auprès des contrées d'Italie et de la France provinciale.


Mené à un rythme effréné ne cédant jamais à la routine, le Corniaud doit en priorité sa jubilation grâce au tandem indissociable Bourvil / De Funes. La mécanique du scénario intrépide, l'inventivité des gags, la tendresse de certains personnages bonnards et le dépaysement alloué aux décors naturels renforçant en toute simplicité son capital hautement sympathique. Si bien que deux ans plus tard, le trio gagnant (Oury / De Funes / Bourvil) remettra le couvert avec l'alter ego La  Grande Vadrouille ! Un coup double historique auprès de ces 3 légendes du 7è art.

*Bruno
11.01.12. 3èx.


lundi 9 janvier 2012

OPEN WATER


de Chris Kentis. 2003. U.S.A. 1h19. Avec Blanchard Ryan, Daniel Travis, Saul Stein, Estelle Lau.

Sortie en salles en France le 11 Août 2004. U.S: 20 Août 2004.

FILMOGRAPHIE: Chris Kentis est un réalisateur, scénariste, monteur, directeur de la photo, né le 23 Octobre 1962 à New-York. 1997: Grind. 2004: Open Water. 2011: Silent House (remake)


A la manière d'un documentaire pris sur le vif comme le souligne sa caméra DV, Chris Kentis renoue avec la peur du squale planqué sous les algues du grand bleu après que Spielberg eut traumatisé des générations de spectateurs avec son chef-d'oeuvre inégalé, les Dents de la mer. Bien avant l'excellent The Reef, Open Water était également inspiré d'une véritable histoire vécue par un couple de nageurs, Tom et Eileen Lonergan, disparus en pleine mer le 25 Janvier 1998 au large des côtes de la Grande barrière de corail, en Australie. En vacances aux Bahamas, Susan et Daniel font une expédition de plongée sous marine avec d'autres plongeurs réunis en duo. Après le temps imparti, chaque nageur rejoint le bateau pour rentrer au bercail. Occultés par le commandant de bord, Susan et Daniel sont contraints d'attendre les services de secours au milieu de l'océan jalonné de requins. 


Avec une économie de moyens, un script linéaire et deux comédiens méconnus confinés au sein d'un décor marin anxiogène, Open Water va tenter d'insuffler un nouveau souffle au film de requin préalablement recyclé par une pléiade d'ersatz peu adroits pour concurrencer son modèle cité plus haut. Hormis un préambule vain (les flâneries de notre couple réuni dans la chambre d'hôtel), déjà dévalorisé par sa durée écourtée d'1h19, ce petit métrage terriblement angoissant réussit à transcender ces succédanés grâce à une mise en scène finaude préconisant l'effet de suggestion. Tout en apprivoisant aussi lestement le dépaysement clairsemé de son décor maritime. Vécu comme une expérience immersive de par son caractère documenté, Open Water nous fait partager l'horreur d'un couple abandonné en pleine mer, lamentablement livré à une meute de requins. Ce qui rend l'aventure délétère si angoissante et finalement terrifiante, c'est sa manière réaliste d'aborder son sujet avec sobriété et de laisser transparaître aux deux protagonistes leur désarroi face à une situation alerte sur le déclin. Ce sentiment d'isolement face à l'immensité de la mer, cette sensation tangible de se confronter à l'étendu de ce décor hostile auquel une espèce animale réputé pour sa dangerosité espionne ces potentielles nouvelles proies.


En rappelant au spectateur de façon intermittente une chronologie temporelle auquel notre couple est acculé à espérer l'arrivée des secours, nous nous rendons facilement conscience de leur calvaire enduré par ces heures de labeur s'étirant inlassablement. La banalité du moment présent étant ici décuplée par leur désespoir et cette crainte redoutée d'une mort latente. La menace grandissante du squale enfoui dans les profondeurs de la mer est donc exacerbée par le moral en chute libre de nos témoins en étreinte, sans que le réalisateur ne cède à l'outrance pour les prochaines attaques animales. Et quand une agression est réellement commise envers l'un d'eux et qu'ensuite le jour laisse place à l'obscurité de la nuit, l'angoisse décuplée est poussée à son paroxysme. Spoil ! Mais le pire est une fois encore inopinément illustré vers son épilogue nihiliste, lorsque l'un de nos protagonistes se retrouve définitivement seul face à son affliction, et ce même si les services de secours sont entrain de se déployer en nombre. Fin du Spoil.

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Avec cette troublante impression d'avoir été filmé en temps réel, Open Water réussit admirablement à provoquer la frousse grâce au pouvoir de suggestion éludé d'esbroufe et à la prestance de comédiens lambda exprimant avec vérité leur désespoir déchu. Quand à la menace insidieuse animée par ces squales redoutables, ils réussissent à moult reprises à accentuer l'effroi comme aucun métrage ne l'eut entrepris avec autant d'authenticité. 

*Eric Binford

Récompense: Prix de la Meilleure Actrice pour Blanchard Ryan à l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur en 2005.

09.01.12. 2èx.

vendredi 6 janvier 2012

POLISSE. Prix du Jury à Cannes.


de Maïwenn Le Besco. 2011. France. 2h07. Avec Karin Viard, Marina Foïs, Joey Starr, Nicolas Duvauchelle, Karole Rocher, Lou Doillon, Riccardo Scamarcio, Frédéric Pierrot, Emmanuelle Bercot, Jérémie Elkaïm.

Sortie en salles en France le 19 Octobre 2011.

FILMOGRAPHIE: Maïwenn Le Besco est une réalisatrice, actrice, scénariste française, née le 17 Avril 1976 aux Lilas (Seine-Saint-Denis). 2004: I'm an actrice (court-métrage). 2006: Pardonnez moi. 2009: Le Bal des Actrices. 2011: Polisse


Pour son 3è film, l'actrice réalisatrice Maïwen nous assène un véritable uppercut à l'instar du docu-vérité pour suivre la quotidienneté éprouvée de policiers de la BPM (Brigade des protections des mineurs) confrontés aux garde à vue de pédophiles mais aussi à leur discorde conjugale sitôt rentrés au cocon familial. Ainsi, à travers le quotidien de ces policiers dans une commune de Paris, Melissa, jeune photographe, est recrutée pour suivre leur labeur professionnelle et rédiger un reportage édifiant. Avec souci de réalisme proche d'un L.627 de Bertrand Tavernier, la jeune réalisatrice Maïwen nous retranscrit le quotidien abrupt d'un groupe de flics solidaires délibérés à protéger les mineurs contre les pédophiles de tous bords ou des maltraitances infligées par des parents incapables d'assumer leur fonction parentale. De par la complicité d'une flopée de comédiens d'un naturel confondant à travers leur physionomie ordinaire, Polisse nous plonge en interne de leur psyché évoluant dans une jungle urbaine en ébullition si bien que les enfants y demeurent les dommages collatéraux.


Le réalisme acéré des situations glauques ou dérangeantes provoquant souvent gêne et malaise, voir parfois même l'insupportable lorsqu'une jeune ado violée prend subitement conscience d'avoir mis au monde un bébé mort-né. Avec souci d'humanisme éprouvé, voir désespéré auprès de certains représentants de l'ordre irascibles ou téméraires, la réalisatrice nous dépeint sans esbroufe ni pathos le destin de ces flics acolytes constamment contrariés (voir pour certains, au bord du marasme suicidaire). Par conséquent, elle nous dévoile avec une sobre dignité une autre facette de la police souvent taxée d'incompétente à travers le français moyen désireux de leur devoir de protection. En l'occurrence, ces policiers de la BDM s'avèrent ici des êtres humains ordinaires débordant de vitalité et de courage mais aussi accablés par les infortunes et leur fêlure morale d'une vie conjugale en déséquilibre. Le film traitant également de la gestion disciplinaire d'une hiérarchie policière à bout de souffle si bien que certains collègues dépités sont facilement au bord de l'implosion. Il sous entend notamment les failles juridiques d'une société davantage dépourvue de subvention afin de pouvoir loger les sans abris dans des foyers saturés.


Avec une lucidité édifiante, Maïwen nous dresse donc un constat implacable envers cette nouvelle génération sévèrement réprimée ou violée par des adultes sans vergogne à travers leur pathologie perverse. Elle nous dévoile également sans tabou le comportement irresponsable d'adolescentes endoctrinées par l'univers virtuel d'internet et de ses dérives sexuelles par jeu de provocation ou de soumission lubrique sollicités par des camarades de classe. Il y a aussi la précarité endurée par des roumains coexistants dans des caravanes insalubres, acculés à faire travailler illégalement leur bambin. Quand bien même certaines africaines sans domicile se voient contraintes d'abdiquer leur enfant dans un foyer, faute de ne pouvoir subvenir à leur besoin. Sans compter ses quidams toxicomanes ou ses mères immatures incapables d'endosser la responsabilité d'un enfant pour pouvoir dignement l'assumer. Le choix idoine des comédiens sélectionnés parfois à contre emploi (Karin Viard et Marina foïs sont époustouflantes d'animosité dans leur conflit d'égo !) renforce son cachet d'authenticité de par leur posture brute de décoiffage. Pour preuve également, la prestance fortuite de Joey Star en flic obtus nous surprend admirablement tant il parvient à retranscrire avec une vérité humaine chétive son désarroi de ne pouvoir immuniser tous les maux de notre société.

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L'île aux enfants
Débordant de vigueur de par la posture contrariée des protagonistes s'extériorisant parfois avec une rage incontrôlée mais pour autant constamment imprimés d'un humanisme à fleur de peau, Polisse se décline en drame social d'une rare puissance émotionnelle. La cohésion vigoureuse des comédiens particulièrement autoritaires ainsi que sa mise en scène incisive au plus près de leurs sentiments nous accablent l'esprit à travers leur combat quotidien contre l'injustice. Ainsi, après tant d'émotion parfois décuplée avec âpre verdeur, il nous est impossible de sortir indemne de ce brûlot sociétal, d'autant plus que son épilogue inopinément tragique nous laisse sur le bitume à travers son aigreur victorieuse. 

*Bruno
06.01.11

Récompenses: Prix du Jury à Cannes 2011.
Premier Grand Prix Cinéma du magazine Elle.
Prix du Public Mel Hoppenheim au Cinémania 2011.


jeudi 5 janvier 2012

DR JEKYLL ET MR HYDE (Dr Jekyll and Mr Hyde)


de Victor Fleming. 1941. U.S.A. 1h53. Avec Spencer Tracy, Ingrid Bergman, Lana Turner, Donald Crisp, Ian Hunter, Barton MacLane, C. Aubrey Smith, Peter Godfrey, Sara Allgood, Frederick Worlock.

Sortie en salles en France le 25 Septembre 1946. U.S: 12 Aout 1941

FILMOGRAPHIE: Victor Fleming est un réalisateur américain né le 23 Février 1883 à Pasadena en Californie. Il est décédé le 6 Janvier 1949 à Cottonwood dans l'Arizona.
1925: Le Cargo Infernal. 1932: La Belle de Saigon. 1934: l'Ile au Trésor. 1939: Le Magicien d'Oz.
1939: Autant en emporte le Vent. 1941: Dr Jekyll et Mr Hyde. 1945: l'Aventure. 1948: Jeanne d'Arc.


10 ans après la version de Rouben Mamoulian de 1931, Victor Fleming s'entreprend de remaker la célèbre adaptation du roman de Stevenson, l'Etrange cas du Dr Jekyll et Mr Hyde. Cette nouvelle lecture va transcender son modèle, de par son intensité dramatique et surtout grâce à la prestance d'un trio de comédiens à l'apogée de leur talent, Spencer Tracy et les ravissantes Ingrid Bergman et Lana Turner. Le pitch: Alors qu'il est sur le point de se marier avec Beatrix Emery, le Dr Jekyll expérimente ses théories sur la dualité du Bien et du Mal avec des mammifères de laboratoire. Le père de sa fiancée ne voit pas d'un bon oeil sa réflexion métaphysique opposée à la déontologie de Dieu. Convaincu, Jekyll décide un soir d'expérimenter sa potion sur lui même après avoir rendu docile un rat agressif. Mais sous l'effet du produit, il se transforme en être diabolique, véritable incarnation du Mal, qu'il décide de prénommer Mr Hyde. 


Revoir en l'occurrence ce remake 71 ans après sa sortie prouve à quel point l'oeuvre émouvante de Fleming su faire preuve d'audace pour illustrer le calvaire insurmontable d'un homme déchu, obsédé à l'idée de scinder la part de Bien et de Mal innée en chaque être humain. Il faut aussi rappeler que la censure dans les années 40 était plutôt drastique pour sanctionner certaines productions hollywoodiennes un peu trop sulfureuses. La grande force du film émane donc de sa terreur psychologique lourdement éprouvante lorsque notre diabolique Mr Hyde décide d'asservir et d'humilier la jeune Ivy Peterson, serveuse de bar influençable. Ce docteur ambitieux particulièrement renommé et érudit se retrouvera malencontreusement dans une situation irréversible lorsqu'il décide d'expérimenter sur sa propre personne une drogue aux effets dévastateurs. Ainsi, en jouant les apprentis sorciers, le Dr Jekyll qui envisageait annihiler le Mal enfoui en chacun de nous se retrouvera pris au piège de son dédoublement de sa personnalité. Car après avoir ingurgité sa potion, Jekyll ne peut plus maîtriser ses pulsions perverses si bien que Mr Hyde pourra prendre le dessus afin de corrompre sa personnalité et l'empresser de martyriser une serveuse de bar préalablement éprise d'amour pour lui. Les séquences de soumission octroyées à Ivy Peterson par un Mr Hyde habité par le diable s'avèrent d'une cruauté psychologique éprouvante. Tandis que les sobres maquillages réussissent avec subtilité à enlaidir un homme habité par la folie, à l'image de sa débauche fielleuse. Dès lors, pour retrouver sa personnalité docile, Jekyll est contraint d'absorber sa potion puisque le Mal a cette fois-ci transcendé les valeurs du Bien, tel un poison intraitable. La situation alarmiste échappant à tout contrôle, Jekyll se résigne en désespoir de cause à répudier sa future épouse afin de la protéger de son double nuisible.
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Dans un double rôle, Spencer Tracy se révèle littéralement habité par son personnage en demi-teinte. Haineux, sadique et bourreau dans la peau du terrifiant Hyde puis studieux, diplomate, déférent mais peu à peu démuni de sa malédiction dans celui de Jekyll, l'acteur dégage une poignante empathie face à sa détresse de ne pouvoir s'opposer à son double maléfique. Secondé par Ingrid Bergman, sa beauté gracieuse envoûte autant le spectateur que notre héros troublé de sa candeur et de son charme ténu. Son désarroi face à la tyrannie de Hyde nous octroie régulièrement des séquences bouleversantes de par sa situation d'impuissance. Pour interpréter la fiancée du docteur, Lana Turner campe avec déférence une jeune épouse entièrement vouée aux liens du mariage mais finalement condamnée à la malédiction d'une tragédie humaine épouvantée.
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Baignant dans une photographie blafarde accentuant une ambiance des plus troubles, Dr Jekyll et Mr Hyde demeure un chef-d'oeuvre du genre d'une acuité émotionnelle rare auprès de sa cruauté psychologique. Magnifiquement interprété par un trio d'illustres comédiens et bouleversant chez la quête improbable de l'homme déterminé à démystifier les lois spirituelles, cette réflexion sur la dualité du Bien et du Mal et sur notre instinct pervers (un monstre sommeille en chacun de nous !) se réserve en prime d'y générer une métaphore sur l'addiction.

Dédicace à Lirandel.
05.01.12
Bruno Matéï

mardi 3 janvier 2012

KILL BILL: volume 2


de Quentin Tarantino. 2004. U.S.A. 2h17. Avec Uma Thurman, David Carradine, Lucy Liu, Vivica A. Fox, Chia Hui Liu, Michael Madsen, Daryl Hannah, Michael Parks, Bo Svenson, Jeannie Epper, Stéphanie L. Moore.

Sortie en salles en France le 17 Mai 2004. U.S: 16 Avril 2004.

FILMOGRAPHIE: Quentin (Jérome)Tarantino est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 27 Mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee.
1992: Réservoir Dogs. 1994: Pulp Fiction. 1995: Groom Service (segment: The Man from Hollywood). 1997: Jacky Brown. 2003: Kill Bill 1. 2004: Kill Bill 2. 2007: Boulevard de la Mort.
2009: Inglorious Basterds. 2012: Django Unchained (tournagé débuté en Mai 2011). 2014: Kill Bill: Volume 3


Second volet des vicissitudes flamboyantes de la mariée ensanglantée, Quentin Tarantino s'approprie cette fois-ci de l'univers aride du Western Spaghetti pour lui rendre un humble hommage. Avec un gout plus prononcé pour la verve de ces dialogues incisifs, l'action ébouriffante du premier volet laisse place à une sobriété mesurée afin de mieux exacerber le profil altéré de personnages iconiques en phase de déclin. Après avoir éradiqué de sa liste noire 5 membres des vipères assassines, la mariée entreprend sa dernière quête vindicative pour retrouver les trois derniers responsables du massacre commis dans la chapelle de Two Pines. Budd, Elle Driver et enfin Bill se préparent à l'affronter avec une certaine prévention. 
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Après une première partie généreusement axée sur la surenchère spectaculaire dans son hommage affecté au cinéma d'arts martiaux, place à une certaine sobriété pour cette seconde monture beaucoup plus centrée sur l'introspection de la mariée, alias Mamba Noir, dans sa relation affective préalablement établie avec son ancien leader Bill. Quentin Tarantino nous révélant enfin les véritables motivations qui ont conduit notre guerrière chevronnée à décimer un à un les membres des Vipères assassines pour mieux fustiger son impitoyable baron du crime. Nous allons apprendre aussi de quelle manière notre héroïne a réussi à enseigner la maitrise du Kung-Fu par la discipline drastique d'un vieux maître légendaire d'arts-martiaux, Pai Mei. Avec son habituelle culture cinématographique nourrie de références toutes azimuts, le réalisateur rend particulièrement hommage à Sergio Leone et Ennio Morricone pour les décors clairsemés de plaines asséchées par un soleil ardent et ses visages impassibles suintant la sueur et la poussière. Il adresse également un clin d'oeil sarcastique à Lucio Fulci pour se réapproprier d'une fameuse séquence de claustration auquel Catriona Mc Coll était enfermée en interne d'un cercueil dans le funeste Frayeurs. En dehors d'une séquence d'action extrêmement spectaculaire et furieusement cinglante, le réalisateur attache beaucoup plus d'importance à développer en l'occurrence le portrait caractériel de trois tueurs narcissiques experts en maniement du sabre. Mais c'est surtout le lien affectif alliant finalement notre couple maudit formé par Bill et Beatrix qu'on nous dessine avec poignante empathie, notamment parmi le compromis parental de leur progéniture. Tarantino dépeint avec beaucoup d'humanité fébrile le psyché tourmenté d'une ancienne tueuse à gage reconvertie par la cause de sa maternité. Le rôle capital d'une mère dévouée, destinée à rayer un trait sur son passé délétère, quitter un amant tributaire de sa corruption et ainsi offrir une vie équilibrée à sa future progéniture.

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Michael Madsen traîne son traditionnel charisme de cowboy apathique dans celui d'un videur de club de strip-tease avant d'exercer une dernière faveur pour son frère préventif Bill, craignant l'arrivée redoutée de la mariée. Darryl Hannah excelle et se voit carrément confier le rôle de sa vie dans celle d'une tueuse borgne odieusement perfide, perverse et sournoise. Ses exactions meurtrières audacieuses rivalisant de traîtrise en guise d'orgueil et de condescendance. Spoil ! A ce sujet, nous ne sommes pas prêt d'oublier la mort de Budd, mordu à trois reprises dans son camping-car par le venin du Mamba Noir, serpent réputé le plus venimeux au monde, après qu'il eut ouvert par inadvertance une valise remplie de dollars ! Fin du Spoiler. En leader de l'organisation secrète, David Carradine endosse le rôle majeur à la mesure de son talent pour extérioriser une rancune tenace envers sa liaison amoureuse qu'il avait préalablement établi avec la tueuse aux cheveux d'or. Enfin, Uma Thurman exprime une humanité plus équilibrée dans son personnage de vengeresse délibérée à abdiquer son rôle de tueuse à gage au profit de la postérité de sa fille. Leur règlement de compte salvateur nous valant une bouleversante confession engagée sur l'amertume du regret, la faiblesse de la rancoeur, la lâcheté de la haine au nom d'une candeur infantile.


Beaucoup plus substantiel dans les tenants et aboutissants des personnages tributaires de leur mentalité corrompue, Kill Bill: volume 2 déploie enfin toute l'essence de sa puissance dramatique confronté à une bouleversante romance en berne. De film d'action préalablement entamé dans le moule du divertissement jouissif, Quentin Tarantino en extrait dans son second volet une somptueuse tragédie humaine fondée sur la notion d'héroïsme et notre humanité fragilement compromise. D'une virtuosité technique perfectionniste sans surenchérir dans l'action orgasmique antécédemment entreprise, la quête rédemptrice de Beatrix Kiddo nous déploie sans prévenir toute son humanité au nom de l'amour maternel. Une épopée frénétique confinant au chef-d'oeuvre d'un réalisateur entièrement voué à son art (désincarné) du langage cinématographique. 

03.01.12
Bruno Matéï


lundi 2 janvier 2012

KILL BILL: volume 1


de Quentin Tarantino. 2003. U.S.A. 1h51. Avec Uma Thurman, David Carradine, Daryl Hannah, Michael Madsen, Vivica A. Fox, Sonny Chiba, Julie Dreyfus, Chiaki Kuriyama, Chia Hui Liu, Lucy Liu, Julie Manase.

Sortie en salles en France le 26 Novembre 2003. U.S: 10 Octobre 2003.

FILMOGRAPHIE: Quentin (Jérome)Tarantino est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 27 Mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee.
1992: Réservoir Dogs. 1994: Pulp Fiction. 1995: Groom Service (segment: The Man from Hollywood)
1997: Jacky Brown. 2003: Kill Bill 1. 2004: Kill Bill 2. 2007: Boulevard de la Mort. 2009: Inglorious Basterds. 2012: Django Unchained (tournagé débuté en Mai 2011). 2014: Kill Bill: Volume 3
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La vengeance est un plat qui se mange froid
Six ans après son hommage à la Blaxploitation dans Jacky Brown, Quentin Tarantino s'approprie de l'univers nippon du Wu Xia Pian (film de sabre ou de chevalier-errant) et du film de samouraï pour illustrer avec Kill-Bill un concentré d'action orgasmique enchaînant les moments d'anthologie en crescendo. Ce revenge movie flamboyant est également privilégié par le profil subversif d'un "mamba noir" personnifié par la prestance virile d'Uma ThermanL'histoire d'une vengeance implacable et méthodique d'une jeune mariée sauvée in extremis d'une mort certaine. Par ordre chronologique, elle décide de supprimer les importants membres d'une organisation nommée Détachement International des Vipères Assassines. Un réseau mafieux commandité par leur chef Bill qui avait décidé de massacrer la famille de son ancienne tueuse à gage repentie, Mamba Noire.
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Quentin Tarantino, plus motivé que jamais à se réapproprier instinctivement de ces références cinématographiques, nous concocte une fois de plus un jubilatoire jeu de massacre transcendé par le cheminement d'une mariée ensanglantée, unique survivante d'un massacre de masse. Après avoir sombré dans un coma durant plus de quatre ans, l'épouse préalablement enceinte décide d'accomplir une vengeance impitoyable envers les responsables de la mort de son mari et de sa fille. Cette ancienne tueuse à gage, experte en maniement du sabre et du kung-fu va amorcer un parcours du combattant pour affronter un à un des membres mafieux tout aussi robustes et pugnaces. Pour ce premier opus impeccablement structuré avec un soin technique d'une inventivité virtuose, Tarantino mise l'accent sur l'action jouissive des chorégraphies d'art martial d'une beauté épurée. S'il soigne de manière assidue chaque ébauche spectaculaire confrontée aux combats de sabre ou aux armes blanches, il ne dénigre pas pour autant la caractérisation délétère de certains personnages. Comme ce mystérieux leader sans visage répondant au nom de Bill, ou encore cette reine de la pègre de Tokyo, O-Ren Ishii, au passé galvaudé. Une matriarche insidieuse (Lucy Liu, impériale de noirceur raffinée) auquel son enfance avilie nous sera remémorée sous la forme d'un livret d'animation pour illustrer la mort inéquitable de ses parents, perpétrée sous ses yeux par des assassins sans vergogne. Un somptueux conte laconique dépeint à la manière d'un manga ultra gore et violemment stylisé pour mieux décupler la souffrance morale d'une fillette prochainement livrée à l'errance meurtrière.
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Mais c'est bien évidemment le jeu épidermique d'Uma Thurman dans sa fonction pugnace qui permet de transcender cette rancune vindicative aussi intense qu'haletante. Vêtue d'une combinaison jaune criarde et exacerbé d'un regard de louve imperturbable, sa hargne inflexible, son tempérament flegme et sa vélocité à combattre toute une armée de Yakusa éclabousse l'écran de la première à la dernière seconde. A la manière de Bruce Lee dans le Jeu de la Mort, notre Mamba Noir sera contrainte d'achever sa besogne dans une succession d'épreuves physiques toujours plus ardentes afin d'éradiquer en point d'orgue final la baronne de la pègre, O-Ren Ishii. La caractère insolite de nos personnages excentriques (les alliés masqués à la manière de Zorro, la collégienne en jupe écossaise accoutré d'une guillotine volante en forme de sphère, l'infirmière borgne au bandeau noir), physiquement affublés d'une tenue distinguée et empoignant des sabres aussi aiguisés qu'un rasoir acéré contribue à moderniser une quête vindicative inspirée d'une culture asiatique ancestrale. La recette hétéroclite fonctionne à plein régime, les couleurs sont fastes, la musique exalte l'ouïe, les péripéties bondissantes s'enchaînant nécessairement au service de l'histoire et leurs chorégraphies (supervisées par Yuen Woo-Ping, spécialiste des Wu Xia Pian) nous donnant le vertige.


La mariée était en jaune
Mené sans une once de répit avec le score de tubes entraînants, visuellement splendide et émaillé de personnages mécréants, Kill Bill est un savoureux concentré d'action ultra référentiel. En dehors de son spectacle généreux mis en exergue dans le défouloir décomplexé, Tarantino n'oublie pas pour autant de nous narrer une solide histoire de vengeance transcendée par le portrait d'une femme déchue en quête de justice expéditive. Avant de parfaire un deuxième opus plus dense pour l'achèvement du leader criminel et afin d'attiser notre expectative, un ultime coup de théâtre nous est habilement divulgué avant le générique de fin !
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02.01.12
Bruno Matéï
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Récompenses: 
Prix du Public au festival du film de Catalogne en 2003.
Award du Meilleur Montage au San Diego Film Critics Society
Saturn award du meilleur film d'action et de la meilleur actrice (Uma Thurman) en 2004
MTV Movie Awards de la meilleur actrice (Uma Thurman), du meilleur combat (la mariée contre Gogo Yubari) et du meilleur méchant (Lucy Liu) en 2004
Meilleur Réalisateur et Meilleure Actrice (Uma Thurman) au Empire Awards en 2004
Sierra Award du meilleur montage au Las Vegas Film Critics Society en 2004
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jeudi 29 décembre 2011

L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL (L'uccello dalle piume di cristallo)


de Dario Argento. 1969. Italie/Allemagne. 1h38. Avec Tony Musante, Susy Kendall, Enrico Maria Salerno, Eva Renzi, Umberto Raho, Renato Romano, Giuseppe Castellano, Mario Adorf, Pino Patti, Gildo Di Marco.

Sortie en salles en France le 20 Juin 1971. U.S: 12 Juin 1970

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Premier métrage de Dario Argento et seconde adaptation du roman de Fredric Brown (The Screaming Mimi), l'Oiseau au plumage de cristal est l'un des tous premiers Giallo contemporains, après que Bava en eut appliqué les règles en 1963 avec La fille qui en savait trop pour le transcender ensuite un an plus tard avec 6 femmes pour l'assassin. Après ce coup d'essai novateur, Argento est surnommé par la presse internationale le nouvel Hitchcock italien. Suite à son triomphe en salles, il influencera dans son propre pays une ribambelle de thrillers érotico-horrifiques dont les noms évocateurs de volatiles ou d'animaux seront parfois repris dans leur intitulé pour tenter de rameuter le public en masse. Un écrivain américain résidant à Rome est témoin devant la vitre d'une galerie de sculpture d'une tentative de meurtre sur une jeune femme. Hanté par cette vision d'effroi d'un tueur ganté, vêtu d'un imperméable noir, l'homme décide de faire sa propre enquête pour tenter de se remémorer une réminiscence non résolue et ainsi démasquer ce mystérieux assassin.


Comment oublier l'intensité de cette scène d'ouverture illustrant avec maîtrise technique le désarroi d'une jeune femme se faire poignarder par un mystérieux tueur vêtu de noir ! Une troublante séquence insolite émaillée de sculptures baroques en interne d'une galerie d'art et éclairée par la pâleur de cette chambre théâtrale aux nuances noires et limpides. Pris au piège entre deux devantures de glaces vitrées, un quidam sera témoin d'une tentative de meurtre déjà perpétrée alors que le tueur réussit in extremis à prendre la fuite. Ce modèle de mise en scène distille déjà un sentiment anxiogène palpable au spectateur fasciné par son ambiance singulière et l'impuissance du témoin incapable de pouvoir porter assistance à une femme agonisante sauvagement blessée devant lui. Après ce prologue d'anthologie resté en suspens, notre héros se torture les méninges d'avoir omis un indice capital durant la vision de cette furtive agression. Délibéré à se remémorer une preuve manquante, son enquête le mènera vers l'interrogatoire de personnages excentriques ou marginaux plutôt déconcertants. Un tableau de peinture représentant une fillette poignardée par un tueur sous un décor enneigé, un bruit de volatile atypique et les voix trafiquées d'un interlocuteur finaud seront les indices capitaux pour tenter déjouer les odieux méfaits d'un meurtrier occultant un passé galvaudé.


Dans un habile dosage de suspense Hitchcockien et de séquences de meurtres sobres mais déjà porteurs de la signature du maître de l'esthète macabre, Dario Argento nous complote une passionnante énigme constamment surprenante car rivalisant d'indices et détails singuliers. Le réalisateur studieux sachant marier avec dextérité l'utilisation judicieuse du noir ténébreux contrastant avec la blancheur pour valoriser une ambiance aussi bien cafardeuse que charnelle. La comptine angélique d'Ennio Morricone va également accroître son aspect doucereusement trouble pour mettre en exergue une réminiscence traumatique liée à l'enfance du meurtrier. Le caractère insolite de certains décors de bâtisse auquel sont réfugiés les victimes démunies et le sadisme érotique octroyé à l'implication des meurtres nous séduisent d'inquiétude. De par notre sentiment répulsif mêlé de fascination face aux méfaits nuisibles d'un assassin rendu iconique par la mosaïque de vêtements opaques et scintillants. Ainsi, la séquence éprouvante auquel la femme du héros calfeutrée dans sa demeure car sévèrement pris à parti avec l'assassin tentant de pénétrer dans son foyer, joue de manière judicieuse avec nos nerfs en insufflant un climat claustrophobe au sein de ce huis-clos exigu.


Grâce à l'ingéniosité d'un scénario machiavélique falsifiant notre perception de la réalité, l'Oiseau au plumage de Cristal scande le giallo novateur parmi des séquences anthologiques saturées d'un suspense à couper au rasoir. Mis en lumière de manière esthétique dans les nuances contradictoires du noir et du blanc et utilisant avec virtuosité l'espace du cadre alambiqué, cette première oeuvre possède déjà tous les ingrédients d'un artiste inspiré, fasciné par la beauté morbide du meurtre et de son fétichisme sexuel. 

* Gaïus
29.12.11

mardi 27 décembre 2011

Rambo 2, La Mission / Rambo: First Blood Part 2


de George Pan Cosmatos. 1985. U.S.A. 1h36. Avec Sylvester Stallone, Richard Crenna, Charles Napier, Steven Berkoff, Julia Nickson-Soul, Martin Kove, George Cheung, Andy Wood, William Ghent, Voyo Goric.

Sortie en salles en France le 16 Octobre 1985. U.S: 24 Mai 1985

FILMOGRAPHIE: George Pan Cosmatos était un réalisateur et scénariste grec né le 4 janvier 1941 à Florence (Toscane, Italie), mort le 19 Avril 2005 à Victoria (Colombie-Britannique, Canada) d'un cancer du poumon.
1977: Le Pont de Cassandra. 1979: Bons Baisers d'Athènes. 1983: Terreur à Domicile. 1985: Rambo 2, la Mission. 1986: Cobra. 1989: Leviathan. 1993: Tombstone. 1997: Haute Trahison


En 1982, Ted Kotcheff avait su renouveler le cinéma d'action avec Rambo, charge sociale illustrant avec beaucoup d'efficacité la difficile réinsertion des vétérans du Vietnam de retour au pays américain. En prime, la notoriété de l'acteur Sylvester Stallone déjà célébrée avec les 3 premiers Rocky va définitivement asseoir le personnage sur le trône de star mondiale. George Pan Cosmatos, habile artisan de la série B, prend cette fois-ci les reines de cette nouvelle mission axée sur l'action belliqueuse au sein d'une jungle vietnamienne ! Retenu en prison pour cinq ans de travaux forcés, John Rambo est rappelé par le colonel Trautman pour obtenir une éventuelle rémission judiciaire. Pour cela et en guise de preuve, il aura pour mission de prendre des clichés de prisonniers de guerre américains retenus en pleine jungle vietnamienne. Rambo décide contre l'autorité de son supérieur de ramener en vie un otage américain. Dépité, Murdock ordonne d'abroger la mission pour laisser notre héros seul contre les les viêt-công et les alliés russes. 
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Ted Kotcheff avait su nous divertir et émouvoir avec Rambo, modèle du film d'action contemporain exacerbé par le profil aigri d'un ancien vétéran du Vietnam débouté par sa propre patrie. En 1985, fort du succès mondial entrepris avec ce classique du survival musclé, George Pan Cosmatos et ses complices, James Cameron et Sylvester Stallone (attitrés au poste de scénaristes), entreprennent une suite entièrement conçue sur la surenchère guerrière. A titre anecdotique, c'est James Cameron qui écrivit d'abord une première version du scénario à résonance politique avant que Stallone ne le remanie en privilégiant l'action homérique. Le script originel avait d'ailleurs prévu que Trautman et Rambo se retrouvent en interne d'un hôpital psychiatrique et non dans une prison fédéral comme on peut le voir en préambule de l'oeuvre. Cette fois-ci, notre réalisateur déjà responsable d'un excellent film catastrophe (Le Pont de Cassandra) et d'une série B horrifique roublarde (Terreur à Domicile était un modèle d'efficacité) concentre la totalité de son intrigue dans un florilège de bravoures ultra spectaculaires perpétrées par notre (super) héros seul contre tous ! Tout ce qui avait fait jubiler les amateurs d'action débridée dans le dernier quart d'heure de Rambo (un condensé de destruction massive au coeur d'une bourgade ricaine) se retrouve ici condensé en 1h36 de péripéties haletantes et explosions héritées de l'univers de la BD.


D'une intrigue linéaire éludée de surprise (hormis le coup de trafalgard opté par Murdock contre Rambo), George Pan Cosmatos en tire donc un pur film d'action ludique et décérébré. Et cela même s'il fustige une nouvelle fois en toile de fond social son gouvernement américain fraudant des preuves sur l'existence de survivants américains, retenus en otage en pays hostile depuis leur détention au cours des seventies. S'ensuit à un rythme effréné une succession d'évènements trépidants auquel nos antagonistes déployés en masse vont tenter par tous les moyens de capturer Rambo, seul contre tous. Courses-poursuites à pied ou en hélico, mitraillages frénétiques ou coups de flèches destructeurs à embout explosif, torture à l'ancienne sous haut voltage et épuration de villages incendiés à grands coups de roquettes ! Cette fois-ci, notre héros indestructible réduit en machine à tuer est confiné en terrain connu pour s'engager à déclarer une guerre impitoyable contre les preneurs d'otages, tout en réclamant vengeance auprès de son gouvernement, faute d'un leader bureaucrate vénal. A ce titre, le règlement de compte opposant Murdock et Rambo dans le local bureautique s'avère un moment de bravoure orgasmique, de par l'intensité des coups de mitraillettes généreusement déchargées sur les archives administratives !


Handicapé par un scénario improbable multipliant à outrance les affrontements et prises de risques saugrenues, Rambo 2 la mission s'édifie en série B bourrine à l'efficacité certaine. Rondement mené sous le score épique de Jerry Goldsmith et dominé par l'icone virile d'un Stallone plus pugnace que jamais, le divertissement belliciste réussit par miracle à transcender ses lacunes dans une décontraction décérébrée.

Rambo: http://brunomatei.blogspot.com/2011/08/rambo-first-blood.html

*Bruno Matéï
22.03.22. 6èx
27.12.11

Note: le film restera dans l'histoire du box-office français, ayant été le premier film à passer la barre des 500 000 entrées en 1ère semaine d'exploitation (avec 510 096 entrée pour la capitale de Paris)

vendredi 23 décembre 2011

WARRIOR (Warriors)


De Gavin O'Connor. 2011. U.S.A. 2h20. Avec Tom Hardy, Joel Edgerton, Nick Nolte, Jennifer Morrison, Noah Emmerich, Bryan Callen, Kevin Dunn, Denzel Whitaker, Frank Grillo, Kurt Angle, Jake McLaughlin.

Sortie en salles en France le 14 Septembre 2011. U.S: 9 Septembre 2011

FILMOGRAPHIE: Gavin O'Connor est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né en 1964 à Long Island (New-York). 1994: American Standoff. 1995: Comfortably Numb. 1999: Libre comme le vent. 2001: Murphy's Dozen (TV). 2004: Miracle. Clubhouse (série TV). 2006: The Prince (TV). 2008: Le Prix de la Loyauté. 2011: Warrior


Dans la lignée de Rocky et des "success story" taillées sur mesure sous les projecteurs d'Hollywood, Warrior réussit à proposer un autre film d'action particulièrement intense et riche dans sa description fébrile de deux frères en rivalité puis confrontés à leur père ex- alcoolique depuis leur adolescence. adolescence. Warrior n'est pas un film de boxe à proprement parler car il nous fait partager ici l'activité du "Free Fight". Une discipline de combat complet (ou combat libre) affiliant pugilat et lutte au corps à corps avec coups de pieds, de genou, de coude et de poings assénés contre l'adversaire.
Tommy, jeune marine revient dans son pays pour rejoindre son père et lui proposer de l'entraîner à nouveau pour le championnat du Free Fight. Le frère aîné, Brendan, père de famille et marié à Tess, risque de perdre la propriété de sa maison. En désespoir de cause, il décide lui aussi de reprendre les gants pour pouvoir ainsi payer sa dette bancaire. Un combat pour la survie et la fraternité s'engage entre les deux frères conflictuels.
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Gavin O'Connor, réalisateur jusqu'ici discret et peu reconnu, risque de changer la donne au vu du résultat spectaculaire entrepris avec Warrior afin de retranscrire l'univers aride du combat libre.
Ce nouveau film sportif dédié cette fois-ci à l'activité du Free Fight prend une ampleur insoupçonnée au fil du récit classiquement illustré mais transcendé par les esprits contrariés de frères en perdition habités par la rage de survie. Si Warrior se révèle davantage intense et bouleversant c'est dans le portrait chétif asséné à une famille désunie en quête de rédemption. Ces deux frères au caractère bien distinct mais communément hantés par une requête de reconnaissance, nous émeut avec une dignité dépouillée sans sombrer dans les effets grossiers du pathos. Offensés par un passé inéquitable inscrit sur la rancoeur et la jalousie, faute d'un paternel partial et alcoolique, ils vont finalement s'affronter sur un ring pour régler leur compte personnel et peut-être se pardonner les erreurs d'un mauvais souvenir. Hormis les clichés éculés référencés pour dépeindre une famille martelée par le malheur, l'interprétation magistrale des comédiens transcende les facilités caractérielles dans un poignant humanisme de désespoir. Tandis que la violence aride des nombreux combats chorégraphiés avec réalisme s'extériorisent par les esprit torturés des deux frères envahis par la fougue de combattre pour l'absolution. Le point d'orgue, d'une intensité émotionnelle drastique, nous impose le calvaire de deux guerriers contraints de s'affronter dans l'espoir d'une ultime victoire pour la catharsis de la souffrance morale. Un final dantesque au souffle épique ahurissant dans les corps à corps rugissants, d'autant mieux scandé par un score musical vulnérable.
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Dans le rôle de Tommy, Tom Hardy réussit une fois encore à nous livrer une puissante interprétation dans sa hargne opiniâtre à exécuter des combats physiques d'une rigueur concise. Un boxeur primitif habité par la révolte d'une antécédente bavure militaire et par la rancoeur d'un frère aîné dépendant d'une vie conjugale équilibrée. Joel Edgerton incarne avec espoir désabusée celui du doyen avide de ressouder les liens familiaux afin d'éclipser les amertumes complaisantes et renouer avec la parité fraternelle. En sexagénaire rongé par les années d'alcoolisme, Nick Nolte endosse avec une humanité déchirante un paternel désapprouvé par sa famille, faute d'une autonomie égocentrique. La séquence confinée dans une chambre d'hôtel auquel il décide de se morfondre à nouveau dans l'alcool parmi le témoignage de Tommy exacerbe une déchéance suicidaire pitoyable.


Mené à un rythme alerte et pourvu d'un souffle épique incisif découlant des corps brutalisés par les combats, Warrior est de prime abord le portrait tourmenté d'une famille désunie par l'esprit de rancoeur et de l'égoïsme. Magnifiquement interprété par des comédiens transis de virilité, ce récit simple mais transgressé par ces personnages en quête d'amour parental a su parfaitement affilier action spectaculaire et drame humaniste. Une épopée aussi sensible que furieusement sauvage en interne de l'arène du sport mais inscrit dans la loyauté, retrouvant par la même occasion le lyrisme cher aux classiques du genre dont Rocky se porte en étendard.

Dédicace à Olivier Delaby
23.12.11
Bruno Matéï


mercredi 21 décembre 2011

GONE BABY GONE


de Ben Affleck. 2009. U.S.A. 1h54. Avec Morgan Freeman, Casey Affleck, Michelle Monaghan, Ed Harris, Robert Wahlberg, Amy Madigan, Amy Ryan, Michael K. Williams, Edi Cathegi, John Ashton.

Sortie en salles en France le 26 Décembre 2007. U.S: 19 Octobre 2007

FILMOGRAPHIE: Benjamin Geza Affleck, dit Ben Affleck est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 15 Août 1972 à Berkeley en Californie.
2007: Gone Baby Gone
2010: The Town
2012: Argo

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Dieu s'adressant à ses disciples: "Je vous envoie comme des agneaux au milieux des loups. Soyez rusé comme un serpent et pur comme une colombe."
Acteur peu confirmé souvent superficiel, Ben Affleck s'attelle toutefois à la réalisation en 2007 avec un premier long-métrage, Gone Baby Gone, d'après un roman de Dennis Lehane. Clint Eastwood avait d'ailleurs emprunté 5 ans au préalable l'un des récits du romancier pour concrétiser son bouleversant Mystic River. Malgré un succès mitigé au box-office, ce polar glauque enrichi sa densité au fil d'un scénario machiavélique traitant de l'enfance galvaudée.

Dans une petite ville de Boston, une fillette de 4 ans disparaît sans laisser de traces. La mère engage deux détectives privés pour tenter de la retrouver saine et sauve. Après 3 jours d'investigation, les chances s'amenuisent tandis qu'un peu plus tard un autre enfant, un garçonnet de banlieue, est à son tour porté disparu. 


Conçu comme une enquête policière de prime abord tristement banale mais particulièrement vénale pour disséquer la vérité d'une disparition infantile inexpliquée, Gone Baby Gone attise l'inquiétude déconcertée au fil de son canevas tortueux. Il nous confine dans une contrée bucolique de Boston où les quidams marginaux, drogués et flicards corrompus s'entrecroisent dans un univers insidieux alors qu'une mère de famille junkie semble désintéressée de l'absence de sa fillette kidnappée.
Avec la verve perspicace d'un duo de jeunes détectives, leur cheminement nous entraîne dans une succession d'évènements délétères particulièrement glauques et sordides. En effet, rien de plus dérangeant et intolérable que de se confronter à la mort d'un enfant et de ses responsables tortionnaires capables de commettre le pire des crimes en guise de cupidité.
Mais l'improbabilité est encore à encourir pour nos protagonistes avides de justice quand le fantôme d'Amanda refait finalement surface. Un exutoire impondérable qui va nous permettre de réévaluer les consciences perverties, les âmes endeuillées ou les esprits torturés par la déchéance de l'enfance assujettie.

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Ben Affleck brosse ici un tableau licencieux sur la responsabilité parentale quand les géniteurs sont incapables d'assumer leur devoir d'inculcation et d'affection pour l'équilibre d'un bambin. Il nous questionne sur la déontologie professionnelle quand des hommes sans vergogne décident de bafouer les règles pour sauver la postérité d'un enfant innocent. Quel avenir précaire est envisagé quand un gamin livré à lui même depuis sa naissance dans un climat sordide est destiné à survivre et réitérer les mêmes erreurs que ces géniteurs ?
Mais à travers le comportement drastique d'un détective convaincu de son code d'honneur et d'une justice équitable, le réalisateur cherche à nous interroger sur les conséquences potentiellement dramatiques qu'un enfant maltraité pourrait encourir pour sa future destinée.
Il remet en question notre doctrine morale et souveraine de protéger et éduquer l'enfant candide inscrit dans la pureté de l'ignorance avec une légitime décence.
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Dominé par la sobre prestance de Casey Affleck, étonnant dans un rôle austère d'homme engagé dans l'honneur et d'une brochette d'illustres acteurs (Morgan Freeman en retraité dépité et Ed Harris en flic frondeur), Gone Bay Gone doit sa puissance émotionnelle grâce à la densité de ses personnages fébriles et d'un suspense machiavélique. Structuré avec parcimonie pour accentuer son intrigue implacable et baignant dans une ambiance glauque parfois malsaine, il culmine son point d'orgue dans un épilogue renversant littéralement bouleversant. Cette révélation inopinée nous permet de reconsidérer une justice équitable et nous dresse un constat équivoque, une ambivalence sur notre idéologie à expertiser la notion morale du bien et du mal.
Une oeuvre puissante et cérébrale qui donne à réfléchir sur notre revendication d'élever et discipliner un enfant.

21.12.11
Bruno Matéï