lundi 12 mars 2012

CHRISTINE


de John Carpenter. 1983. U.S.A. 1h50. Avec Keith Gordon, John Stockwell, Alexandra Paul, Robert Prosky, Harry Dean Stanton, Christine Belford, Roberts Blossom, William Ostrander, David Spielberg.

Sortie salles France: 25 Janvier 1984. U.S: 9 Décembre 1983

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


"Laisse-moi te dire ce que je pense de l'amour Denis. L'amour à un appétit vorace. Il te bouffe tout. Les amis, la famille. Tout ce que ça bouffe, ça me sidère. Mais ce que je sais maintenant... C'est que si tu le nourris bien, ça peut devenir une belle chose. Et c'est ce qui nous arrive. Quand tu es sûr que quelqu'un croit en toi, tu peux tout faire. Faire tout ce dont tu as envie. Et si en plus tu crois toi-même en l'autre,... mon vieux... Alors attention le monde, personne ne pourra jamais t'arrêter, jamais !"

Un an après l'échec public et critique de The Thing, John Carpenter adapte un roman de Stephen King, Christine, injustement considéré comme une oeuvre mineure dès sa sortie. Il s'agit pourtant (à mon sens) d'une clef de voûte du fantastique moderne, une variation ensorcelante sur le thème du vampirisme entre un adolescent introverti et sa Plymouth Fury d'un rouge immaculé: Christine !
Arnie est un ado introverti et timoré. Son meilleur ami Dennis tente de le convaincre de tenter de courtiser le nouvelle étudiante du lycée, Leigh. Un après-midi, alors qu'ils roulent tranquillement sur une route bucolique, Arnie tombe sous le charme d'une vieille carrosserie garée dans le jardin d'un vieux propriétaire. Il demande à son ami de s'arrêter sur le bas-côté puis décide illico d'acheter le véhicule au prix exorbitant de 250 dollars. Une étrange relation amoureuse commence à se nouer entre Christine et Arnie. 


"Elle sentait bon la voiture neuve, sûrement la meilleur odeur au monde, à part une chatte peut être" 
Fort d'un scénario aussi original (bien qu'à deux doigts de sombrer dans le ridicule !), John Carpenter a relevé l'immense gageure de nous convaincre qu'un véhicule diabolisé puisse posséder un adolescent sous son influence amoureuse. Formellement stylisé et incarné par des interprètes juvéniles épatant de sincérité à travers leur humanisme candide, Christine séduit promptement par son ton résolument fantasmatique (la voiture crève l'écran à chacune de ses apparitions et exactions !) et inévitablement tragique (la déshumanisation progressive d'Arnie). Si bien que Carpenter réalise ici une tragédie funèbre au pouvoir d'envoûtement indéfectible. L'histoire d'amour insoluble entre un jeune ado pour sa Plymouth Fury préalablement délabrée. Grâce à l'emprise amoureuse de Christine, Arnie va complètement changer de ton pour devenir revanchard, orgueilleux et égocentrique, et ce dès qu'un rival voudra se frayer leur chemin. Beaucoup mieux affirmé et désinhibé qu'au préalable, il réussit même à conquérir la plus belle fille du lycée, Leigh. Mais Christine, plus jalouse que jamais, ne tarde pas à manifester sa rancoeur auprès de sa concurrente.


En talent de conteur, Big John accorde beaucoup d'importance à l'humanité chétive de ces protagonistes (Leigh, Dennis et les parents démunis d'Arnie) évoluant autour d'un adolescent en mutabilité maléfique depuis l'emprise de sa carrosserie. Si le récit parfois poignant (Christine, désossée de tous ses membres face à son gendre irascible !) se révèle si hypnotique, il le doit à la sobriété de ses interprètes chargés de désillusion lorsqu'ils ils se voient contraints d'assister impuissants au déclin caractériel d'Arnie. De par cette relation attendrissante entreprise avec son véhicule de fonction, ce dernier solitaire nous immerge totalement de sa fougue passionnelle auprès de Christine. Et pour incarner ce personnage opiniâtre transi de rancoeur, Keith Gordon s'avère saisissant d'autorité marginale par le biais de son regard fanatisé. Avec peu d'effets-spéciaux et une action intermittente parfois spectaculaire, John Carpenter réussit néanmoins à nous livrer quelques séquences d'anthologies restées dans les mémoires. Telle la reconstitution matérielle de Christine après avoir été réduite en pièces par les casseurs, ou encore toutes les séquences incluant quelques poursuites automobiles rehaussées d'une atmosphère crépusculaire à l'aura surnaturelle. Pour exacerber son climat irréel ancré dans la quotidienneté paisible d'une bourgade ricaine, le score funèbre composé par Carpenter et Alan Howarth décuple son pouvoir émotionnel avec une trouble fascination.


Liens d'amour et de sang
Superbement conté en toute simplicité, Christine n'en demeure pas moins un chef-d'oeuvre (maudit) d'une beauté baroque et d'une intensité émotionnelle fragile. Tant auprès de l'évolution des personnages gagnés par la peur, le désarroi ou la méchanceté, de son atmosphère irréelle quasi indicible que de son score électro littéralement ensorcelant (ma BO tourne en boucle tous les mois !). Fable sur le fétichisme, l'emprise de l'amour et sur la jalousie destructrice, Christine transcende le genre fantastique par le truchement d'un vampire de métal se nourrissant des sentiments de son amant peu à peu destitué d'éthique. Par son emprise immorale aussi bien vénéneuse que magnétique, la rutilante Christine crève l'écran, et ce jusqu'à lui tolérer une certaine empathie lors de sa dernière course mortelle. 

* Bruno
12.03.12
6èx


vendredi 9 mars 2012

ILSA LA LOUVE DES SS (Ilsa, She Wolf of the SS / Le Nazi était là, les Gretchen aussi)


de Don Edmonds. 1974. U.S.A/Allemagne. 1h36. Avec Dyanne Thorne, Gregory Knoph, Tony Mumolo, Maria Marx, Nicolle Riddell, Jo Jo Deville, Sandy Richman, George 'Buck' Flower, Rodina Keeler, Wolfgang Roehm.

Sortie salles U.S: Octobre 1975

FILMOGRAPHIE: Don Edmonds est un réalisateur, acteur, producteur, scénariste et cascadeur américain, né le 1er Septembre 1937 dans le Kansas City, décédé le 30 Mai 2009 en Californie.
1972: Wild Honey. 1973: Tender Loving Care. 1974: Ilsa, la louve des ss. 1976: Southern Double Cross. 1976: Ilsa, Gardienne du Harem. 1977: Bare Knuckles. 1980: Demon Rock. 1991: Tomcats Angels. 1991: Les dessous de Palm Beach (Série TV. Pilot).


Film fondateur du Nazisploitation (si on écarte l'oeuvre abstraite Portier de Nuit, réalisé la même année - critique détaillée ici -http://brunomatei.blogspot.com/2011/11/portier-de-nuit.html), Ilsa, la Louve des SS fut un tel succès lors de sa sortie en salles en 1975 que deux autres suites furent rapidement mises en chantier. Il faut reconnaître l'audace indécente du cinéaste d'avoir osé exploiter à l'écran l'holocauste du nazisme de la guerre 39/45 sous la structure d'un pur film d'horreur complaisant et putassier. D'ailleurs, plusieurs cinéastes de tous horizons ne vont pas hésiter à profiter du nouveau filon hérité du WIP (Woman In Prison) en façonnant d'autres rejetons tout aussi vulgaires, voirs encore plus incongrus (la Dernière orgie du 3è Reich, Train Spécial pour Hitler, SS Camp 5, Holocaust Nazi ou encore KZ9 Camp d'Extramination). Deux auteurs frondeurs parviendront néanmoins à livrer des films artistiquement ambitieux et dialectiques avec justement Portier de Nuit de Liliana Cavani et Salon Kitty de Tinto Brass. Amis du bon goût, il est maintenant temps pour vous de plier bagage !


A la fin de la seconde guerre mondiale, Ilsa, officier SS lubrique et tortionnaire exploite son nouveau camp de prisonniers dans une contrée germanique. Epaulé par ses officiers, elle se livre à diverses expériences médicales sur ses patientes molestées par le supplice de la torture. Mais l'arrivée d'un groupe de détenus mâles va considérablement changer la donne quand l'un d'eux, Wolf, décide d'entraîner le groupe à l'insurrection. Quand on revoit aujourd'hui Ilsa, la louve des SS, on se rend compte à quel point les années 70 furent l'époque de toutes les transgressions et des déviances. Dans un alliage de sexe putanesque et de violence crade, ce pur produit d'exploitation proche de la bande dessinée accorde un intérêt très limité dans ses péripéties sordides alignant nombre de scènes de tortures aussi abjectes que vomitives. Sorte de Saw avant gardiste où ici notre tortionnaire utilise sur ces patients des ustensiles rubigineux et nombre d'idées utopiques afin de leur contracter les maladies les plus contagieuses et létales en guise de mégalomanie. Ces pratiques barbares sont également vouées à une ambition toute personnelle car purement sadienne, à savoir quel sujet pourra réussir à supporter la plus grande douleur sur un laps de temps indéfini !


Le film mollement réalisé parvient tout de même à préserver un certain intérêt grâce à cette surenchère sadique d'étaler à intervalle régulier (voire, sans discontinuer !) nombre de scènes gores hardcores et orgies sexuelles vouées à la débauche la plus cynique. Mais Ilsa possède également un atout de choix en la présence iconique de l'inoubliable Dianne Thorne. Une actrice blonde extravertie qui en rajoute des tonnes dans la cabotinerie pour incarner une officière allemande adepte du fétichisme, n'hésitant jamais à se dévêtir pour copuler et ainsi afficher fièrement l'opulence de sa poitrine. Mais une interprète exubérante, véritable garce de l'outrance et de l'outrage immoral, réussissant à invoquer auprès du spectateur une fascination/répulsion dans ses méfaits licencieux particulièrement insatiables. L'atmosphère malsaine qui émane des décors sépias d'un camp de prisonniers vétuste jusqu'aux laboratoires expérimentaux souillés par les éclaboussures de sang participe également à accentuer son climat étouffant, voir parfois dérangeant. Heureusement, pour mieux faire passer la pilule du mauvais goût, Ilsa, la Louve... possède une aura typiquement kitch et ringarde parmi le surjeu de ces acteurs, par ses décors approximatifs (le camp est en faite la même scénographie préalablement utilisée dans la fameuse série TV Papa Schultz !) et par son ton grossier plein d'extravagance.

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Volontairement obscène, cul et hardgore, Ilsa, la Louve des SS est un nanar malotru mais foutraque, insolent et paresseux dans sa trame linéaire dénuée d'intérêt. Par son ambiance aussi malsaine que cartoonesque, ce pur produit Bis estampillé seventie garde intact son impact choquant dans ses tortures les plus déviantes. Une curiosité insensée à revoir d'un oeil distrait, d'autant plus que Dianne Thorne mène la sarabande graveleuse avec une spontanéité assumée ! A réserver néanmoins à un public préparé et à subir au 10è degré !
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Dédicace à l'Antre du Bis et de l'exploitation
09.03.12
Bruno Matéï


jeudi 8 mars 2012

BUTTERFLY KISS. Double Prix d'interprétation Féminine à Dinard 1995.


de Michael Winterbottom. 1995. Angleterre. 1h25. Avec Amanda Plummer, Kathy Jamieson, Saskia Reeves, Des McAleer, Lisa Riley, Freda Dowie, Paula Tilbrook, Fine Time Fontayne, Elizabeth Mc Grath, Joanne Cook.

Sortie salles France: 10 Janvier 1996. Angleterre: 26 Avril 1996

Récompenses: Double Prix d'interprétation Féminine au Festival du film Britannique de Dinard en 1995.

FILMOGRAPHIE: Michael Winterbottom est un monteur, producteur, réalisateur et scénariste britannique, né le 29 Mars 1961.
1990: Forget about me. 1992: Under the Sun. 1995: Butterfly Kiss. 1995: Go now. 1996: Jude. 1997: Bienvenue à Sarajevo. 1998: I want you. 1999: Wonderland. 1999: With or without you. 2000: Rédemption. 2002: 24 Hour Party People. In this World. 2003: Code 46. 2004: 9 Songs. 2005: Tournage dans un jardin anglais. 2006: The Road to Guantanamo. 2007: Un Coeur invaincu. 2009: Un Eté Italien. 2010: La Stratégie du choc. 2010: The Killer inside me. 2011: The Trip. 2011: Trishna.


"Il y a du bon et du mauvais chez tout le monde"
En 1995, sort dans l'indifférence générale le troisième long-métrage d'un réalisateur polygraphe aujourd'hui reconnu pour ses compétences. Récompensé d'un double prix d'interprétation féminine décerné respectivement à Amanda Plummer et Saskia Reeves au Festival de Dinard, Butterfly Kiss s'est taillé au fil des années une réputation de film culte introuvable auprès d'un public marginal. Histoire d'amour écorchée vive, oeuvre austère inclassable et hermétique, ce road movie au vitriol laisse une méchante empreinte dans l'encéphale sitôt l'épilogue brutalement achevé. Une vagabonde saphique erre sur les autoroutes d'Angleterre pour retrouver une certaine Judith aux abords des stations services. Sur son chemin, elle rencontre la serveuse Miriam, une jeune femme niaise et introvertie. Ensemble, elles décident d'entamer un périple meurtrier auprès des quidams machistes avant de tomber amoureuses l'une de l'autre. Film choc profondément dérangeant, de par son ambiance malsaine au confins du marasme et le profil torturé d'un duo de lesbiennes compromises au meurtre en série, Butterfly Kiss est un ovni subversif qui aura bouleversé nombre de spectateurs déconcertés par cette relation amoureuse sous formol. Une serial killeuse obsédée à l'idée de retrouver une certaine Judith rencontre au hasard de sa route Miriam, une serveuse solitaire vivant reclus avec sa mère dans un sombre appartement.


C'est le début d'une tendre relation auquel Eunice va lamentablement entraîner sa compagne dans des pérégrinations meurtrières afin de punir les cavaleurs de jupons. Voilà pour la synthèse de ce road movie blafard auquel les décors glauques d'autoroutes anglaises renforcent son côté dépressif, accentuant par la même occasion la grisaille naturelle d'un climat maussade. Nous ne connaîtrons rien du passé de ces deux femmes paumées ni pour quelle véritable raison Eunice s'évertue à retrouver une certaine Judith, faute d'une préalable idylle potentiellement déchue, s'entêtant par la même occasion à retrouver le tube musical d'une chanson SUR l'amour. Le réalisateur s'attachant surtout à nous décrire avec humanisme désespéré leur frêle union inscrite dans la rancoeur morale et le meurtre gratuit. C'est une forme élégiaque d'odyssée désenchantée qui nous ait illustré avec verdeur pour dépeindre sans revirement leurs vicissitudes sordides présageant en fin de parcours une rédemption nihiliste. Comme si ces deux héroïnes incomprises s'empressaient de rejoindre le monde des ténèbres par l'acte meurtrier pour s'extraire au plus vite de leur univers nonsensique. Jalonné de tubes pop-rock des groupes Cranberries, P.J Harvey ou encore Bjork, ces accents musicaux autonomes exacerbent un peu plus une ambiance terne afin de valoriser l'amertume suicidaire de ces deux paumées incapables de s'assumer et d'accepter le bonheur existentiel.


Pour interpréter Eunice, Amanda Plummer livre peut-être son rôle le plus délicat et magnétique tant elle retranscrit avec une acuité désespérée le rôle d'une tueuse en série répugnée par sa propre personnalité. Ainsi, pour s'expier de ses crimes, elle martyrise son corps de piercings, tatoos et chaînes de métal afin de mettre en valeur des stigmates d'hématome. Saskia Reeves lui partage la vedette pour endosser avec naïveté candide une femme-enfant en perte de repère. Une célibataire inflexible dénuée d'ambition, davantage influencée par la misanthropie sordide d'Eunice, faute de leur intense liaison amoureuse.

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Seules au monde
Magnifiquement interprété par deux comédiennes à la beauté naturelle, Butterfly Kiss est une virée cafardeuse, une odyssée romantique invoquant l'opacité des ténèbres en guise de délivrance. Son épilogue traumatique se révèle d'autant plus inopiné et bouleversant qu'il intervient brutalement sans pouvoir nous prémunir. Le spectateur envahi d'une émotion incontrôlée se surprend d'accorder subitement autant d'empathie à ces deux protagonistes besogneuses. Passé cet exutoire cinglant et indélébile, il se révèle impossible de sortir indemne d'une oeuvre aussi fragile, malsaine et désenchantée. A réserver néanmoins à un public averti en raison de son climat perturbant ainsi que de son final cathartique, d'où son interdiction au moins de 16 ans.
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A Isabelle Pica
08.03.12
Bruno Matéï
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ATTENTION SPOILER POUR CET EXTRAIT DEVOILANT SON FINAL IMPLACABLE !



mercredi 7 mars 2012

CELLULE 211 (Celda 211)


de Daniel Monzon. 2009. France/Espagne. 1h50. Avec Carlos Bardem, Luis Tosar, Alberto Ammann, Marta Etura, Antonio Resines, Luis Zahera, Manolo Solo, Félix Cubero, Jesus Carroza, Joxean Bengoetxea, David Selvas.

Sortie salles France: 4 Août 2010

FILMOGRAPHIE: Daniel Monzon est un réalisateur, scénariste et acteur espagnol, né en 1968.
2000: Le Coeur du Guerrier. 2002: El robo mas grande jamas contado. 2006: The Kovak Box. 2010: Cellule 211.

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Multi récompensé dans son pays d'origine mais passé inaperçu et déprécié dans l'hexagone, Cellule 211 est un thriller carcéral alternant action et psychologie des personnages au fil d'une narration dramatique en chute libre. Pour sa première journée de service, un nouveau gardien de prison se retrouve embrigadé dans une émeute pénitentiaire. Pour sauver sa peau, il est contraint de se faire passer pour un détenu aux yeux des prisonniers délibérés à obtenir leur requête. Alors que les forces spéciales sont prêtes à intervenir, un évènement inopiné va totalement changer la donne et semer l'anarchie la plus désordonnée dans les deux camps adverses.
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De manière ludique mais réaliste, cette série B rondement menée entame sa première partie avec assez d'efficience pour embarquer le spectateur dans un film de prison alerte.  D'autant plus que la confrontation entre nos deux protagonistes antinomiques ne manquent pas d'intensité dans leur relation ombrageuse davantage équivoque. A cause d'un accident aléatoire et d'une violente émeute engagée en interne du pénitencier, un gardien de prison va devoir s'affilier avec un leader contestataire pour tenter d'étouffer la vérité sur sa propre identité. Alors que quelques geôliers et membres de l'ETA sont retenus en otage par les insurgés, les forces spéciales sont sur le point d'entamer un assaut. A l'extérieur, une manifestation de citadins ainsi que les familles des détenus bat son plein autour de l'enceinte. Le gouvernement décide donc de déployer une cohorte de CRS pour tenter d'apaiser la situation. Voilà pour la mise en place de l'intrigue accentuée par la caractérisation autoritaire et fraternelle de nos deux anti-héros finalement conciliés dans une confiance commune. Mais un évènement dramatique impondérable va totalement reconsidérer la conspiration, tandis que les rôles majeurs vont considérablement s'inverser et se combiner.
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C'est à ce moment propice que Cellule 211 va prendre une ampleur psychologique considérable dans le profil galvaudé d'un des protagonistes principaux. Dès lors, la frontière entre le bien et le mal commence sérieusement à régresser pour compromettre chaque protagoniste davantage déconsidéré. L'avènement du chaos semble être la pire solution à tolérer, sachant en outre que notre gardien de prison est à deux doigts de se faire démasquer sur sa véritable identité ! Chaque camp adverse (les représentants de l'ordre contre les marginaux pourfendeurs) va donc devoir user de ruse pour tenter de gagner la partie et ainsi préserver sa propre hiérarchie. La où le film gagne en intensité dramatique et suspense tranchant, c'est dans la démarche immorale et manipulatrice que se résigne chaque témoin contradictoire pour tenter de s'extraire du conflit. La tragédie humaine qui en découle est sévèrement prescrite par le sort réservé à ce gardien de prison déchu. Un pion meurtri devenu en l'occurrence contre sa moralité un véritable détenu aussi délétère et forcené que ses voisins de cellule. Les rapports affectés qu'il entretient avec son coéquipier permettent d'établir un rapport trouble, voir empathique dans leur relation autoritaire, partagée entre sentiment d'iniquité, suspicion et vengeance. Quand au nihilisme du point d'orgue fortuit, il réfute admirablement l'esbroufe au profit d'un conclusion immorale gangrenée par l'opportunisme et la félonie.
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Captivant et davantage haletant dans les enjeux sévèrement encourus, Cellule 211 constitue un excellent actionner subversif pour son immoralité orgueilleuse. Il s'enrichit d'un drame humain particulièrement poignant vers sa seconde partie démontrant avec acuité que l'individu lambda peut un jour bafouer sa liberté pour le compte de la partialité et la vengeance. Le réalisateur tend également à souligner les conditions inhumaines entretenues chez les détenus lorsqu'ils sont amenés à contracter une pathologie en interne de leur cellule. Quand aux interprètes frappants de charisme patibulaire, Carlos Bardem et Luis Tosar mènent leur insurrection avec une virilité primale. 
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07.03.12
BM


mardi 6 mars 2012

CANDYMAN. Prix du Public Avoriaz 93.


de Bernard Rose. 1992. U.S.A. 1h38. Avec Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley, Kasi Lemmons, Vanessa Williams, DeJuan Guy, Barbara Alston, Caesar Brown, Kenneth A. Brown, Michael Culkin.

Sortie salles France: 20 Janvier 1993. U.S: 16 Octobre 1992
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Récompense: Prix du Public à Avoriaz en 1993.
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FILMOGRAPHIE: Bernard Rose est un réalisateur, scénariste, acteur, directeur de la photographie et monteur britannique. Il est né à Londres le 4 août 1960.
1987 Body contact, 1988 Paperhouse, 1990 Chicago Joe and the Showgirl, 1992 Candyman, 1994 Ludwig van B.(Immortal Beloved),1997 Anna Karénine, 2000 Ivans xtc., 2008 The Kreutzer Sonata, 2010 Mr Nice.

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Quatre ans après l'éblouissant Paper House, poème diaphane sur l'enfance galvaudée, Bernard Rose transpose à l'écran l'une des nouvelles de Clive Barker, The Forbidden tiré du roman Livres de sang. Sous couvert de légendes urbaines et de superstitions alimentées par la peur des déshérités, Candyman aborde le thème de l'exclusion et de la xénophobie à travers le martyr d'un croque mitaine, symbole vindicatif de la communauté noire immolé par la haine raciale. Une étudiante et sa collègue rédigent une thèse sur les légendes urbaines. Elles décident de s'aventurer dans un quartier noir défavorisé de Chicago pour enquêter sur le célèbre mythe de Candyman. Au départ incrédule et athée, Hélène va malgré tout devenir la nouvelle cible du croque mitaine afin de la reconvertir en maîtresse des ténèbres. 
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Avec l'impact d'un scénario astucieux transcendant un conte social d'une épouvantable noirceur, Candyman progresse tranquillement lors de sa première partie avec l'investigation scrupuleuse de deux étudiantes compromises au mythe des légendes urbaines. A première vue, on pourrait croire se retrouver embarquer dans un énième avatar de slasher inspiré des cavalcades insolentes d'un Freddy Krueger préalablement adulé durant les années 80. Pourtant, par le biais de cette première partie suggérant au possible tout effet horrifique, et par la diabolique présence d'un éventuel personnage chimérique, l'oeuvre austère de Bernard Rose distille un suspense anxiogène habilement diffus. Par l'entremise du personnage d'Hélène, étudiante érudite interpellée par les croyances populaires mais dubitative à toute notion de véracité, le réalisateur exploite son incrédulité pour la révéler au rang de nouvelle victime emblématique imposée par son bourreau. Car il s'agit de la vengeance implacable d'un homme de couleur préalablement massacré par une population raciste mais revenu de l'au-delà par le truchement des miroirs dès qu'une personne souhaite invoquer à 5 reprises son patronyme face à la glace. A chaque meurtre perpétré dans les bas-fonds d'un quartier insalubre gangrené par la précarité, Hélène sera malencontreusement la coupable idéale sous l'influence délétère de Candyman. Par ses exactions sanguinaires commises avec une rare sauvagerie, notre spectre revenu des limbes de l'enfer va lui imposer la responsabilité de ses odieux méfaits en lui administrant la preuve tangible de l'arme du crime apposée dans ses mains. Une manière sournoise de la contraindre à reconnaître devant la justice sa culpabilité mais aussi l'acculer à un odieux chantage infantile grâce à l'enlèvement d'un bambin préservé dans une cachette imprenable.
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Cette empathie éprouvée pour la victime blanche issue d'un quartier aisé, ce sentiment d'impuissance de pouvoir clamer son innocence face à sa propre justice, cette désillusion de daigner convaincre l'improbable nous insufflent un sentiment implacablement éprouvant, intense et terrifiant. Doté d'une maîtrise technique imperturbable pour exacerber un sentiment d'angoisse tangible face aux apparitions ou exactions sanguinaires du Candyman, Bernard Rose dilue un malaise persistant qui ne va pas lâcher d'une seconde le spectateur ébranlé par l'invalidité d'une héroïne vouée à la damnation. L'environnement inquiétant de ces décors d'HLM saturés de graffitis criards et l'incroyable score cérémonial de Philip Glass vont également amplifier ce climat morose et cafardeux. Quand à l'apparence béante du spectre revanchard affublé d'un manteau de velours noir et armé d'un crochet amovible à la place de la main droite, il nous glace instinctivement d'effroi comme le laisse sous-entendre l'écho de sa voix gutturale ! Spoil ! Enfin, l'épilogue sardonique se réapproprie malicieusement d'une nouvelle légende urbaine à travers l'emblème féministe d'une femme blanche sacrifiée pour la cause d'une ségrégation raciale. Fin du Spoil.


Brillamment interprété par la candide Virginia Madsen, poignante de sensibilité et de désillusion se disputant la vedette avec un Toni Todd effrayant de présence mortifère, Candyman s'achemine au chef-d'oeuvre du fantastique à résonance sociale. Un conte moral particulièrement cruel dans sa peinture sans concession imputée à la haine raciale et à l'exclusion si bien que l'atmosphère urbaine suffocante nous hante dans sa détresse humaine. A redécouvrir d'urgence !

Bruno Matéï
06.03.12.
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lundi 5 mars 2012

KILL LIST


de Ben Wheatley. Angleterre. 2011. 1h30. Avec Neil Maskell, MyAnna Buring, Harry Simpson, Michael Smiley, Emma Fryer, Struan Rodger, Esme Folley, Ben Crompton, Gemma Lise Thornton, Robin Hill, Zoe Thomas.

Sortie salles France: Juillet 2012. U.S: 3 Février 2012

FILMOGRAPHIE: Ben Wheatley est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur anglais.
2009: Down Terrace
2011: Kill List
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Second film d'un réalisateur anglais méconnu (son 1er long est resté inédit en France), Kill List est un nouvel ovni sorti de nulle part mais précédé d'une réputation particulièrement élogieuse partout où il fut projeté. Réaliste, sombre, lattent et ombrageux, sa narration abstraite passant d'un genre à un autre ne pourra laisser personne indifférent, au risque de déconcerter ceux qui n'étaient pas préparer à ce brutal revirement de tons.

Un duo de tueurs à gage reprennent du service et sont contraints sous l'allégeance de leur patron de supprimer trois individus spécifiques: un prêtre, un bibliothécaire et un député. Mais leur juteux contrat va les mener vers une irrémédiable descente aux enfers. 
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Ca débute comme un drame social avec le portrait conjugal d'un couple en précarité financière pour s'engager ensuite vers le polar moite et ultra violent dans la dérive meurtrière de deux tueurs professionnels. Alors que sa dernière demi-heure amorce un dernier virage impondérable pour bifurquer in extremis vers une horreur païenne où l'on cherche encore le sens mystique de cette confrérie (du moins, de mon point de vue personnel).
Jay, ancien belligérant marqué par les traumatismes d'une guerre ukrainienne va devoir reprendre les armes sous son ancien profil de tueur à gage afin de subvenir aux besoins de sa famille. C'est grâce à l'aide de son compagnon Gal qu'ils vont pouvoir entreprendre un nouveau contrat sous l'injonction d'un patron opiniâtre. C'est à dire exécuter de sang froid trois individus liés à un sordide réseau pornographique. Mais Jay, davantage erratique dans ses élans meurtriers d'une extrême violence va peu à peu se laisser happer par sa peur et sa paranoïa, alors qu'un piège est entrain de se refermer contre eux.
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Voilà en gros le résumé d'une narration interlope qui ne cesse d'alterner les ruptures de ton en nous embarquant dans une virée sanglante de deux tueurs professionnels pris au dépourvu.
Dans une ambiance lourde et oppressante, amplifiée par l'opacité d'une partition musicale éprouvée, les personnages marginaux de Kill List nous sont préalablement décrits comme des personnages plutôt anodins. Si ce n'est que Jay et sa ravissante épouse entament une relation parfois véhémente dans leur mésentente lié à un problème financier. Son ami Gal semble beaucoup mieux épanoui avec sa nouvelle maîtresse toute aussi ténue mais discrète et insondable. Ces quatre personnages nous sont donc présentés de prime abord comme des citoyens modestes issus de classe moyenne. Mais rapidement, un indice suspicieux dévoilé par l'une des protagonistes réfugiée dans une salle de bain va nous être établi sans pouvoir démanteler sa véritable signification. La structure narrative va ensuite monter d'un échelon son caractère trouble en ascension avec la révélation professionnelle exercée par Jay et son acolyte de toujours, Gal, compromis à une organisation criminelle. Dans une réalisation maîtrisée au montage elliptique, Kill List tisse lentement sa toile d'araignée dans lequel nos deux tueurs à gage vont lamentablement s'y laisser appréhender. Leur relation parfois orageuse, leur éthique réfutant toute croyance spirituelle et leur doute compromis par certains éléments troublants vont peu à peu les confronter aux sombres exactions d'une divinité païenne.
Avec quelques détails hermétiques qui vont venir alimenter un mystère adroitement entretenu et la déchéance psychologique du personnage principal (l'entaille faite au couteau à la main de Jay par son boss taciturne, le remplaçant du médecin à la posture trop confiante, le témoignage de gratitude exclamée par chacune des victimes avant de trépasser), ce voyage au bout de la nuit nous happe peu à peu dans un dédale terriblement insidieux confinant au malaise.
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Parfaitement interprété (les 2 comédiens principaux sont surprenant de naturel et de flegme impassible dans leurs exactions sanguinaires) et mis en scène avec un réalisme acéré par ces éclairs de violence barbare parfois insupportables, Kill List attise l'anxiété et décuple son caractère mortifère dans un alliage de genres savamment combinés. Même si la narration complexe est loin de dévoiler la véritable nature des enjeux mystiques, cet ovni déroutant laisse au final une forte impression d'avoir vécu quelque chose d'insondable et d'irrésistiblement malsain. Une seconde vision est même à prodiguer au plus vite tant le film regorge d'indices sous-jacent restés en suspension, ce qui nous laisse donc sur un sentiment de doute intentionnel. 

05.03.12
Bruno Matéï

jeudi 1 mars 2012

BREAKING POINT


de Bo Arne Vibenius (pseudo: Ron Silberman Jr). 1975. 1h35. Suède. Avec Andreas Bellis, Irena Billing, Barbara Scott, Per-Axel Arosenius, Susanne Audrian.

FILMOGRAPHIE: Bo Arne Vibenius est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur suédois, né le 29 Mars 1943. 1969: Hur Marie Traffade Fredrik. 1974: Thriller. Crime à froid (sous le pseudo Alex Fridolinski). 1975: Breaking Point


            Avertissement: Film à caractère pornographique interdit au moins de 18 ans.
Un an après le cultissime Thriller (Crime à Froid), le franc-tireur Bo Arne Vibenius renoue avec la déviance pornographique et ses climats blafards résolument glauques et malsains. Sauf qu'en l'occurrence, Breaking Point se distingue par une ironie caustique à la limite de la loufoquerie. Cynique et immoral, son trip schizo jalonné de séquences X pourrait même se voir taxé d'apologie au viol par quelques ligues féministes (pisse-froids) s'ils n'avaient perçu (ou encaissé) son caractère aussi sarcastique que risible. Bob Bellings est un comptable timoré et introverti travaillant autour de l'assemblée d'une gente féminine condescendante. Célibataire inflexible, il vit reclus dans son appartement parmi sa passion ludique des locomotives électriques. A la tombée de la nuit, il se laisse guider par ses fantasmes sexuels. Autant avertir les âmes prudes, Breaking Point rivalise d'audace putanesque à travers ses rêveries hardcores retranscrites avec verdeur auprès du profil refoulé d'un bureaucrate impassible. L'oeuvre incongrue ne ressemblant à aucune autre de par la personnalité au vitriol du cinéaste marginal adepte du politiquement incorrect.


Un alchimiste inspiré d'expérimentations visuelles et d'idées saugrenues afin d'amplifier un climat effronté éludé de morale. Son atmosphère acrimonieuse exacerbée d'une photo terne nous plongeant dans une ambiance aussi feutrée qu'hallucinée, quand bien même les frasques meurtrières et libidineuses de notre sociopathe nous désarçonne par ses mesquineries machistes (son sperme versé dans la tasse à café d'une secrétaire en guise de rancoeur !). L'originalité est de mise donc au sein de ce mélange judicieux de genres hétéroclites. Si bien que l'on passe constamment de la comédie à la pornographie en passant par le polar et la violence parfois sordide (le préambule expérimental convergeant à l'assassinat crapuleux). Si Breaking Point se révèle si hors normes et extravagant, c'est également grâce à son score musical en demi-teinte composé par Ralph Lundsten, puisque oscillant le décalage entre une mélodie enjouée et les échos interlopes. Enfin, la silhouette photogénique de l'acteur grec Andreas Bellis doit notamment beaucoup au caractère réaliste de cette dérive frénétique. Tant pour ces talents d'hardeur (non simulé) lors de ces galipettes impromptues que de son inquiétante physionomie en pervers à la fois studieux et fébrile. Tour à tour névrosé et introverti par sa morne existence de comptable apatride, car tributaire d'une hiérarchie féministe, il parvient pour autant à s'affranchir lors de fantasmes nocturnes sitôt réfugié dans la solitude de son appartement étriqué.


Vilain p'tit canard hardcore, cynique et débridé, Breaking Point constitue une expérience extrême insoluble à évacuer de la mémoire tant elle marque de son aura malsaine un délire assumé à ne pas prendre au premier degré. L'originalité de sa mise en scène assumée, le ton décalé des genres disparates et l'interprétation maladive d'Andreas Bellis convergeant à l'ovni versatile, à côtoyer toutefois prudemment chez les non initiés. En tous cas une perle marginale atypique pour un public adepte de déviance jusqu'au-boutiste. 

* Bruno
02.03.12

mercredi 29 février 2012

La Dame en Noir / The Woman in Black. Production Hammer Films.

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de James Watkins. 2012. Angleterre/Canada. 1h35. Production: Hammer Films. Avec Daniel Radcliffe, Ciaran Hinds, Janet Mc Teer, Sophie Stuckey, Roger Allam, Alisa Khazanova, Shaun Dooley, Alexia Osborne, Sidney Johnston, Liz White.

Sortie salles France: 14 Mars 2012. U.S: 3 Février 2012

FILMOGRAPHIE: James Watkins est un réalisateur et producteur anglais né en 1978.
2008: Eden Lake. 2012: The Woman in Black. 2009: The Descent, Part 2 (scénariste)


Après 30 ans de silence, la célèbre firme anglaise (acquérie par Exclusive Media Group) renaît de ces cendres en 2008 avec Beyond the Wave, un Dtv passé inaperçu. Deux ans plus tard, la société enchaîne avec un remake plutôt bien reçu par le public et la critique, Let Me In. Mais en 2011, les espoirs de retrouver la verve singulière si chère à la compagnie s'amenuisent avec deux oeuvres conventionnelles, Wake Wood et la Locataire. En 2012, c'est une forme de résurrection, le retour aux sources de leur flamboyance gothique typiquement british. Et bien qu'il s'agit encore d'un remake d'une version TV de 1989, The Woman in Black est une sympathique adaptation d'un roman écrit par Susan Hill en 1983. Le pitchUn notaire se réfugie dans l'étrange demeure d'une cliente récemment décédée. Les habitants du village semblent craindre l'apparition récurrente d'une dame en noir qui emporte les âmes des enfants par son influence diabolique. Au delà des apparitions surnaturelles qui hantent la demeure, Arthur Kipps va découvrir que le corps d'un enfant préalablement noyé dans un marécage n'a jamais été retrouvé.


Annoncé sans renfort de pub, The Woman in Black est le genre de petit film dont on attendait pas grand chose alors qu'il réconcilie de manière modeste les aficionados d'ambiances romantico-macabres héritées du patrimoine gothique de la Hammer. Visuellement splendide, cette oeuvre funeste illumine nos pupilles du soin formel alloué aux moindres décors, transcendés de surcroît par une photographie désaturée. De l'architecture poussiéreuse et opaque d'une vieille bâtisse à l'environnement naturel d'une campagne adjacente parfois teintée de brume, cette ghost-story insuffle un sentiment palpable de mystère lattent. La trame orthodoxe basée sur la perte de l'innocence infantile réussissant avec efficacité à fasciner et à captiver en dépit de la parcimonie de rebondissements plutôt discrets. Le spectateur témoin étant entraîné dans le refuge d'une sombre demeure hantée de voix moribondes d'enfants car asservis par l'allégeance d'une sinistre mégère affublée de noir.


Ainsi, le réalisateur de l'éprouvant Eden Lake réussit dans sa première partie à distiller un climat anxiogène, trouble et angoissant en insistant sur la notion de suspense lattent. Les nombreuses apparitions surnaturelles qui interfèrent durant le récit ne jouent jamais en défaveur de l'esbroufe grand guignolesque pour tourmenter notre protagoniste attiré par le secret obscur de morts candides. C'est ce sentiment prédominant de mystère tangible provoqué par les tourments de la dame en noir et la fascination exercée sur son emprise machiavélique qui rend cette ghost story gentiment ensorcelante en dépit d'une certaine redondance pour les apparitions spectrales et phénomènes surnaturels. La seconde partie autrement plus surprenante et déterminante pour notre héros confronté à la quête de vérité par l'exhumation d'un cadavre accentue un peu plus son intensité et rivalise de moments anxiogènes assez incisifs. Quand à son épilogue inopiné, il pourra peut-être rebuter au premier abord le spectateur Spoil ! n'étant point préparé à une conclusion aussi dramatique que sardonique. Or, cette conclusion poignante privilégiant l'élégie macabre s'avère finalement tolérable par son sentiment d'exutoire familial. Fin du Spoil. De par sa présence dépouillée totalement investie dans sa fonction d'investigateur néophyte forcené à découvrir la vérité, Daniel Radcliffe fait preuve d'une nuance humaniste contrariée à incarner un notaire irrésistiblement attiré par une présence nuisible. Un défunt taciturne plongé dans les mailles d'une veuve noire particulièrement sournoise, délétère et vindicative.


D'une beauté macabre picturale rappelant nos belles réminiscences de la Hammer ou des fleurons d'Edgar Poe transfigurés par l'écurie Corman, The Woman in Black renoue avec la flamboyance funèbre chère aux yeux des fantasticophiles puristes. Son sens mesuré de l'efficacité, le soin de sa mise en scène posée tributaire d'une épouvante voluptueuse et son angoisse envoûtante confinant à la ghost story à l'ancienne de par son art d'y narrer une histoire linéaire pour autant magnétique. A découvrir. 

*Bruno Matéï

lundi 27 février 2012

THE ARTIST. César et Oscar du Meilleur Film 2012.


de Michel Hazanavicius. 2011. France. 1h40. Avec Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman, James Cromwell, Penelope Ann Miller, Missi Pyle, Beth Grant, Joel Murray, Malcolm McDowell, Ed Lauter, Jen Lilley.

Sortie en salles en France le 12 Octobre 2011. U.S: 23 Novembre 2011

Récompenses: Meilleur Film, Meilleur Acteur, Meilleur Réalisateur, Meilleurs Costumes et Meilleure Musique de film aux Oscars 2012.
César du Meilleur film, de la meilleure actrice pour Bérénice Béjo, Meilleurs Décors, Meilleure Photo et Meilleure Musique.
Prix d'interprétation masculine pour Jean Dujardin et Palme Dog (Uggie) à Cannes 2011.

FILMOGRAPHIE: Michel Hazanavicius est un réalisateur, scénariste et producteur français, né à Paris le 29 mars 1967.
1992: Derrick contre Superman (télé-film). Ca Détourne (télé-film). 1993: Le Grand Détournement.
1994: C'est pas le 20H (série TV). 1996: Les films qui sortent le lendemain dans les salles de cinéma (série TV). 1999: Mes Amis. 2006: OSS 117: Le Caire, Nid d'espions. 2009: OSS 117: Rio ne répond plus. 2011: The Artist. 2012: Les Infidèles.
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Auréolé d'une pluie de récompenses et de critiques élogieuses à travers le monde, The Artist tente de ranimer la flamme de l'âge d'or du cinéma muet, juste avant l'essor contemporain du parlant. Une gageure audacieuse entreprise par le producteur Thomas Langmann et son réalisateur Michel Hazanavicius qui auront tenté de reproduire avec souci d'authenticité une romance fébrile entre deux stars du cinéma à l'aube des années 30.

En 1927, à Hollywood, George Valentin est une star de renom dans l'univers cinématographique du muet. Un jour, il tombe sous le charme d'une jeune figurante, Peppy Miller, qu'il réussit à enrôler auprès de son réalisateur. Alors que l'industrie du cinéma est entrain d'adopter la technique sonore du parlant, George refuse de se laisser influencer par cette nouvelle mode novatrice. Tandis que la novice Peppy va rapidement accéder à la notoriété pour devenir l'étoile montante d'Hollywood !
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Quel pari insensé de vouloir faire renaître de ces cendres l'entreprise aphone du muet aux prémices du cinématographe ! Alors que le mélodrame était souvent privilégié pour narrer avec simplicité des récits dramatiques favorisés par la gestuelle et les mimiques des comédiens, Michel Hazanavicius entreprend la même démarche pour tenter de séduire son public actuel tributaire du cinéma parlant. Réalisé dans un noir et blanc épuré afin de respecter l'esprit vintage des années folles (1920-1929), la reconstitution de cet univers obsolète nous ait subitement ravivé par le soin alloué aux décors et costumes alors que nos comédiens peignés de brillantine endossent leur numéro avec un naturel imperturbable.
Avec une trame futile discourue sans prétention, le réalisateur réussit l'exploit de nous régénérer les premiers émois de nos ascendants cinéphiles, préalablement fascinés par la féerie visuelle de métrages artistiques dénués de paroles. Romance, humour et poésie sont donc les maîtres mots pour tenter de nous séduire au rythme soutenu de mélodies symphoniques, pendant que nos héros gesticulent et miment leur prestance avec une aisance épidermique !


On peut aussi et surtout féliciter le talent incroyable de chaque comédien mis en exergue dans une expressivité extravertie pour valoriser leur contrariété ou leur fougue échevelée. Et pour incarner George Valentin, Jean Dujardin est absolument irrésistible de spontanéité en gentleman charmeur  dans le rôle anachronique d'une star sur le déclin, incapable de pouvoir se plier aux nouvelles exigences du cinéma dit parlant. Par sa posture hautaine au magnétisme surnaturel, on croirait voir réapparaître sous nos yeux d'anciennes gloires légendaires du cinéma d'avant-guerre comme Clark Gable ou Douglas Fairbanks ! On peut en dire autant de sa compagne Bérénice Bejo tant elle accorde autant de malice candide, de séduction ténue pour nous charmer et attendrir de son idylle compromettante avec une égérie déchue du 7è art. Enfin, le chien prénommé Uggie pourrait voler la vedette à Milou tant il rivalise de ruse et adresse pour "jouer" un héros canin particulièrement fidèle et vaillant afin d'honorer son maître.


Avec modestie et une bonne dose de fraîcheur, The Artist nous offre une comédie romantique au charme nature et à la bonhomie vertueuse. C'est dans cette simplicité revendiquée que le réalisateur  réussit à accomplir son défi tout en rendant un vibrant hommage à la magie ancestrale des premiers émois du cinéma muet. A travers les personnages chimériques et adulés de George et Peppy, The Artist traite également des effets pervers de la gloire et de la défaite. De ces héros vieillissants dépassés par la modernité d'un monde fluctuant, refusant d'affronter l'accroissement de nouvelles technologies imposées. Hymne à la création et à la quête de la reconduction, The Artist accomplit en dernier acte sa devise amoureuse par l'innovation d'une leçon de claquette enchanteresse !

27/02/12
Bruno Matéï


vendredi 24 février 2012

LA PUNITION


de Pierre Alain Jolivet. 1973. France. 1h30. Avec Karin Schubert, Georges Géret, Amidou, Marcel Dalio, Claudie Lange, Anne Jolivet, Jean-Pierre Maurin, Jean Lescot.

Sortie Salle France: 28 Juin 1973 (Int - 18 ans)

FILMOGRAPHIE: Pierre Alain Jolivet est un réalisateur et scénariste français né en 1935.
1968: Bérénice. 1969: Le Grand Cérémonial. 1971: Ca. 1973: La Punition. 1981: Haute Surveillance.
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Ovni filmique introuvable (au passage, merci l'Antre !), La Punition est l'adaptation du roman autobiographique de Xavière  Lafont, jeune call-girl préalablement molestée par un proxénète dans la métropole Parisienne. Réalisé par un cinéaste ignoré, co-scénarisé et dialogué par Richard Bohringer, cette oeuvre insolite est rehaussée der la présence de Karin Shubert, actrice allemande discréditée par un destin infortuné. Britt, jeune prostituée est livrée de force à l'allégeance d'une clientèle crapuleuse car contrainte de subir sévices et humiliations dans une demeure décrépite. Résumable en une ligne, la trame de La Punition aurait pu sombrer dans le vulgaire produit d'exploitation parmi son alliage de sexualité déviante et de scènes de violence crues. Sauvé par la mise en scène expérimentale de Pierre Alain Jolivet, multipliant les angles de vue alambiqués et préconisant un climat malsain érigé autour de son décor exigu, La Punition fascine et dérange irrémédiablement. La galerie cynique de personnages extravagants, tous plus tordus les uns des autres, ainsi que son élégie musicale composée par Bookie Binkley nous entraînant dans une lancinante descente aux enfers.
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 Le réalisateur parvient donc à insuffler une atmosphère atypique en centrant son décor principal dans l'insalubrité d'une salle de séjour vide de meubles, à l'exception d'un toilette adjacent et d'un matelas déposé au coeur de la pièce. Le scénario oscillant une succession de violences physiques, humiliations et viols récursifs perpétrés contre la jeune prostituée par des misogynes putassiers. Mais la réalisation inventive particulièrement agressive parvient à distiller une atmosphère baroque souvent étouffante et diaphane, quand bien même sa bande-son parfois stridente privilégie une sonorité hostile afin de renforcer son climat licencieux, surtout lorsque l'on perçoit d'une pièce adjacente les hurlements moribonds d'une autre prostituée davantage prostrée. Au niveau du casting, la présence lascive de la sublime Karin Schubert accentue ce sentiment de nonchalance d'être témoin voyeur de son corps flagellé par un cercle d'amants viciés et masochistes. Souvent mutique, hagarde et désorientée par les exactions masochistes de ces clients dépravés, elle réussit à attendrir et ébranler le spectateur jamais indifférent de son désarroi et de sa beauté charnelle. Une comédienne loin d'être la triviale potiche de service donc car épurée par sa dimension humaine lunatique et déchue.


Au final, une oeuvre hermétique, glauque et volontairement déstabilisante qui ne peut laisser indifférent dans sa tentative à la fois ambitieuse, couillue et personnelle de renouer avec un cinéma marginal. Une épreuve de force difficile d'accès qui ne pourra convaincre qu'un public averti. Mais pour autant, La Punition est notamment transcendée par sa réalisation fertile et sa thématique sur la phallocratie que la femme esclave éprouve auprès d'une communauté de notables. Issu de l'hexagone, on aurait tort de se priver de cet ovni aussi insolent que scabreux. 
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24.02.12
Bruno Matéï 



La Folie des Grandeurs... Karin Shubert...Un destin brisé ! (info: antredubis)

Drôle de destin qui fut réservé à cette magnifique jeune femme.

C'est en 1971, avec la folie des grandeurs de Gerard Oury que les spectateurs remarquent pour la première fois cette magnifique actrice allemande dans le rôle de La Reine Marie Anne de Neubourg, où, resplendissante elle fait tourner les têtes d'Yves Montand et de Louis de Funès. C'est aussi la première fois qu'elle est créditée à un générique, malgré ses participations à Samoa, fille sauvage et Companeros pour les titres les plus connus.

En 1972, nous la retrouvons dans « Barbe-bleue » d’ d’Edward Dmytryk, « L’Attentat » d’Yves Boisset et au coté de la charmante Edwige Fenech dans la comédie érotique « Quel gran pezzo dell'Ubalda tutta nuda e tutta calda ».

C’est en 1973, avec son rôle de prostituée séquestrée que sa carrière va prendre un tournant surprenant, car malgré sa prestation remaquable, Karin Shubert ne réussira jamais à retrouver sa place dans le monde du cinéma plus classique et se retrouvera désormais cantonnée à des rôles dans des films érotiques comme plusieurs épisodes de la série Black Emanuelle ou de série B .

Les rangers défient les karateka, Comment je suis tombé si bas, le baiser d’une morte, Black Emanuelle en Afrique, A seize ans dans l’enfer d’Asmterdam pour ne citer que les plus connus seront parmi les films qui jalonneront sa carrière jusqu’en 1985 ou elle basculera définitivement dans le monde du X.

Elle obtiendra un contrat annuel de 180 000 Deutchmark en imposant aux producteurs et réalisateurs certaines clauses comme pas de sodomie, de scènes avec des noirs et des animaux. Elle poursuivra dans le monde du porno jusqu’en 1994 date de son dernier film. Elle l’a alors 50 ans.

Son premier film pornographique datant de 1985 est Morbosamente vostra. Suivront pour les titres les plus farfelus, Le vice dans le ventre, Devil in mister Holmes, La Parisienne, Le avventure erotix di Cappuccetto Rosso et pour finir en 1994 Enfoncées bien à fond. Elle tente de se suicider en 1995.

Pourquoi être devenue actrice de X ? Le cinéma de genre Italien touchant à sa fin et son fils étant toxicomane, le manque d’argent l’aurait poussé à suivre cette branche afin de pouvoir le soigner.

Cette Jolie Reine d'Espagne est actuellement internée dans un hôpital Psychiatrique.