mardi 17 juillet 2012

Let's scare Jessica to Death

                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site fuckyeahmovieposters.tumblr.com

"The Secret Beneath The Lake" de John D. Hancock. 1971. U.S.A. 1h29. Avec Zohra Lampert, Barton Heyman, Kevin O'Connor, Gretchen Corbett, Alan Manson, Mariclare Costello.

Sortie salles U.S.A: 7 Août 1971

FILMOGRAPHIE: John D. Hancock est un réalisateur, scénariste et producteur américain , né le 12 Février 1939 au Kansas City, Missouri. 1970: Sticky My Fingers... Fleet my feet. 1971: Let's Scare Jessica to Death. 1973: Le Dernier Match. 1976: Baby Blue Marine. 1979: California Dreaming. 1987: Weeds. 1988: Steal the Sky (télé-film). 2000: A Piece of Eden. 2001: Mayhem.


Sorti en Vhs outre-atlantique à l'orée des années 80 mais honteusement inédit chez nous ainsi qu'en salles, Let's scare Jessica to Death demeure un ovni maudit à travers sa faible réputation d'une expérience aliénante dénuée d'effets de manche et de fioritures. Car à l'instar du tout aussi étrange, Carnival of Souls, cette oeuvre unique bien ancrée dans l'authenticité du cinéma des Seventies nous est façonnée par un auteur novateur (spécialiste entre autre de télé-films et séries TV) littéralement inspiré par son parti-pris alchimiste. Si bien qu'il s'agit d'une oeuvre funeste à la fois expérimentale, dépressive et sensorielle sous l'impulsion d'une bande sonore assidue et de la prestance diaphane de l'étonnante actrice Zohra Lampert (la Fièvre dans le Sang, Alphabet City, l'Exorciste, la suite). Le pitchAprès avoir été internée 6 mois en asile psychiatrique , Jessica emménage dans une bourgade bucolique du Connecticut parmi la présence de son mari et d'un ami. Dans l'enceinte de la demeure, ils découvrent la présence fortuite d'une étrange jeune femme du nom d'Emilie. Alors qu'ils visitent ensemble le village à proximité, les citadins leur avertissent qu'une légende persistante évoque le fantôme d'une dame blanche, morte noyée dans le lac avant le jour de ses noces. Déambulant près du lac, Jessica semble à nouveau contrarié par d'étranges phénomènes inexpliqués alors que des voix récursives se font entendre au sein de sa psyché torturée. 



Climat intimiste sous le soleil d'une contrée champêtre aussi étrange qu'exaltante, Let's Scare Jessica to Death se décline en expédition latente au sein de l'esprit tourmenté d'une femme aussi démunie que désorientée quant à sa grande fragilité névrosée. Avec sensibilité prude et une anxiété toujours plus ombrageuse, le réalisateur John D. Hancock y dépeint le scrupuleux profil de Jessica de renouer avec un équilibre rationnel parmi sa fascination pour les sculptures de pierres tombales et le soutien sentimental de son compagnon. Mais molestée en intermittence par une présence éventuellement diabolique et hantée de fréquents chuchotements, elle se retrouve à nouveau immergée dans un vortex d'angoisses dépressives. Quand bien même au fil de son évolution morale davantage bipolaire et d'un dénouement sobrement cauchemardesque, nous ignorons si ses tracas quotidiens émanent des agissements gouailleurs d'un ectoplasme ou de effets destructeurs de sa démence réanimée par ses sentiments névralgiques inscrits dans le doute, l'incertitude, l'inexpliqué, voir également la crainte de voir son concubin s'éloigner au profit d'une énigmatique marginale solitaire.


D'apparence placide et docile mais profondément angoissée puis perturbée par ses visions et voix éthérées, Jessica plonge dans une irrémédiable terreur sournoise lorsque des paysans balafrés, l'inconnue aguicheuse et une morte noyée l'importuneront de manière toujours plus prononcée. Ainsi, de par l'utilisation judicieuse de ces décors naturels étrangement envoûtants et par son ambiance anxiogène sous jacente appuyée d'une bande-son travaillée (tant auprès de bruits d'insectes qu'animaliers sous l'impulsion du vent frugal), Let's Scare Jessica to Death nous immerge dans un cauchemar indicible d'une cruauté intolérante. Et si cette oeuvre indépendante s'avère aussi aussi sensitive qu'hermétique, elle le doit tout autant à la présence équivoque de Zohra Lampert transie d'émoi et de sensibilité contenue ! La comédienne méconnue donnant chair à son personnage avec une force d'expression sobrement ténue. Son comportement ambivalent est d'ailleurs renforcé par l'intensité de son visage hagard alors que l'instant d'après des signes d'affolement y seront décuplés auprès de visions dérangeantes tantôt morbides. Epaulé de l'harmonie funèbre tantôt mélancolique d'une partition au clavecin, le périple démanché de Jessica nous implique donc émotionnellement à travers ses hantise de redouter une assaillante vampire endossant un rôle bicéphale ! Cette ambiguïté insoluble, cette substantialité d'étrangeté permanente nous provoquant inévitablement l'empathie pour sa précarité mentale en voie de perdition.


Hantise ablutophobe
Quintessence du cinéma fantastique éthéré pouvant se targuer de figurer parmi les plus belles réussites du genre "intimiste", Let's Scare Jessica to Death cultive au terme une réputation notoire auprès des aficionados en dépit de son inéquitable rareté. Avec son final délétère en apothéose décuplant une terreur ambiante, le spectateur émerge difficilement de l'introspection de cette victime dépressive en proie à l'injustice d'un nébuleux fardeau. Cette empathie accordée est d'autant mieux scandée de l'aura sensitive de son climat feutré, sa lenteur fascinante sublimant avec élégie l'errance existentielle de Jessica confinée dans le spleen le plus taiseux.

*Bruno
08.01.20. 2èx
17.02.12. 512 v

lundi 16 juillet 2012

48 HEURES (48 Hours). Grand Prix au Festival du film policier de Cognac, 1983.


                                                                            (Photo empruntée sur Google, appartenant au site johnplissken.com)


de Walter Hill. 1982. U.S.A. 1h36. Avec Nick Nolte, Eddie Murphy, Annette O'Toole, Frank McRae, James Remar, David Patrick Kelly, Sonny Landham, Brion James, Kerry Sherman, Jonathan Banks.

Sortie salles France: 27 Avril 1983. U.S: 8 Décembre 1982

Récompense: Grand Prix au Festival du film policier de Cognac, en 1983

FILMOGRAPHIE (source Wikipedia): Walter Hill est un producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 10 janvier 1942 à Long Beach, en Californie (États-Unis).
1975 : Le Bagarreur (Hard Times),1978 : Driver, 1979 : Les Guerriers de la nuit, 1980 : Le Gang des frères James,1981 : Sans retour, 1982 : 48 heures, 1984 : Les Rues de feu,1985 : Comment claquer un million de dollars par jour,1986 : Crossroads, 1987 : Extrême préjudice, 1988 : Double Détente, 1989 : Les Contes de la crypte (1 épisode),1989 : Johnny belle gueule, 1990 : 48 heures de plus,1992 : Les Pilleurs, 1993 : Geronimo,1995 : Wild Bill, 1996 : Dernier Recours,1997 : Perversions of science (série TV),2000 : Supernova, 2002 : Un seul deviendra invincible, 2002 : The Prophecy, 2004 : Deadwood (série TV).


Gros succès à sa sortie et révélation du néophyte Eddie Murphy pour son premier rôle à l'écran, 48 heures est devenu au fil du temps une référence du Buddy Movie, genre prisé au début des années 80. Sous la houlette d'un maître du cinéma musclé et avec la complémentarité de deux comédiens loquaces, ce film policier moderne constitue un jubilatoire concentré d'action et de comédie par son rythme sans faille. Pour retrouver un dangereux criminel et son complice, l'inspecteur Jack Gates négocie une transaction avec Reggie Hammond, un taulard afro condamné à une peine de 3 ans mais prochainement libérable. Durant 48 heures de liberté surveillée, Reggie va devoir collaborer avec son allié pour remonter la piste de ces anciens associés mais aussi mettre la main sur un butin de 500 000 dollars.


Sous le pilier d'une intrigue habilement troussée générant une action échevelée et parmi la posture volcanique de deux partenaires forts en gueule, 48 Heures est un modèle de divertissement grand public. Sans céder à la facilité d'une action redondante, Walter Hill mise surtout sur l'abattage de ces deux protagonistes dans leur personnalité caractérielle. Au fil de leurs vicissitudes semées d'embûches et de déconvenues, le flic et le voleur en perpétuel conflit moral font finalement parvenir à s'apprivoiser, s'accepter et se tolérer afin de débusquer des tueurs sans vergogne lâchés dans les cités nocturnes de New-York. A deux doigts d'appréhender à plusieurs reprises ces criminels, ils n'auront de cesse de manquer leur cible en jouant de malchance ! Un alibi de manière à attiser l'expectative pour la prochaine rixe haletante avivée d'une violence incisive. Parmi la drôlerie de leur complicité braillarde, Walter Hill retarde l'altercation pronostiquée pour laisser libre court à leurs discordes et  provocations fantaisistes (leur rixe improvisée en pleine rue avant qu'une patrouille de police ne les séparent, l'interrogatoire improvisé par Reggie à la clientèle d'un bar de country ou encore sa requête lubrique invoquée à certaines femmes pour satisfaire sa libido). En flic renfrogné à l'impressionnante carrure, Nick Nolte impose une autorité inflexible avant d'accéder à la loyauté d'accorder du crédit à son coéquipier marginal. Secondé par ce taulard aussi loquace que finaud, Eddie Murphy se délecte spontanément à gouailler son partenaire ainsi que les malfrats avec une verve hilarante.


Au rythme de l'inoubliable thème de James Horner, 48 heures divertit en diable grâce à notre irrésistible tandem de durs à cuire à l'ironie percutante et au professionnalisme de son auteur transfigurant une action décapante. En conjuguant avec extravagance l'action et l'humour, 48 Heures peut aisément se qualifier comme modèle du Buddy Movie

16.07.12. 4èx
Bruno Matéï

                                          

jeudi 12 juillet 2012

CROIX DE FER (Cross of Iron)


de Sam Peckinpah. 1977. Angleterre/Allemagne de l'Ouest. 2h13. Avec James Coburn, Maximilian Schell, James Mason, David Warner, Klaus Lowitsch, Vadim Glowna, Roger Fritz, Dieter Schidor, Burkhard Driest, Fred Stillkrauth.

Sortie salles France: 18 Janvier 1978. U.S: 11 Mai 1977

FILMOGRAPHIE: Sam Peckinpah est un scénariste et réalisateur américain, né le 21 Février 1925, décédé le 28 Décembre 1984.
1961: New Mexico, 1962: Coups de feu dans la Sierra. 1965: Major Dundee. 1969: La Horde Sauvage. 1970: Un Nommé Cable Hogue. 1971: Les Chiens de Paille. 1972: Junior Bonner. Guet Apens. 1973: Pat Garrett et Billy le Kid. 1974: Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia. 1975: Tueur d'Elite. 1977: Croix de Fer. 1978: Le Convoi. 1983: Osterman Week-end.


Ne vous réjouissez pas de sa défaite, vous les hommes. Car même si le monde s'est levé pour arrêter l'ordure, la traînée qui l'a mis au monde est à nouveau en rut. Bertolt Brecht.

D'après le livre de Willi Heinrich, La Peau des Hommes, Sam Peckinpah retrace avec Croix de Fer le conflit entre un capitaine prussien, en quête d'une croix de fer pour satisfaire son égo, et le caporal Steiner, un baroudeur inflexible et loyal, pris au piège par son rival égocentrique.
Film de guerre explosif d'une grande violence et parfois même d'une cruauté vénale, Croix de Fer dénonce une fois de plus l'absurdité de la guerre dans toute sa laideur et son inanité d'un conflit belliqueux à bout de souffle. Alors que l'armée allemande bat en retraite sur le front russe en 1943, Steiner et sa troupe vont devoir continuer à se battre contre les alliés et contourner nombre de subterfuges émis sur leur cheminement en déclin. Avec des moyens techniques considérables (comme la présence rarissime d'authentiques chars soviétiques T-34) et de prestigieuses stars notoires (James Coburn, James Mason, David Warner, Maximilian Schell), Sam Peckinpah impose à bon escient ses traditionnels effets de ralenti où les éclaboussures de sang s'extraient des chairs meurtries pour dénoncer la barbarie humaine d'une guerre mondiale préalablement décrétée par un leader fasciste. Outre le fait que ses soldats valeureux combattent l'antagoniste au front avec une bravoure exemplaire, la situation acharnée dans laquelle ils évoluent les rendent si surmenés et exténués que leur éthique semble davantage avilie par la sauvagerie qui en résulte.


Avec réalisme cinglant, notre réalisateur pourfendeur jalonne son récit de séquences chocs particulièrement difficiles car inéquitables sur le sort réservé à l'antagoniste cosmopolite. Comme ce sort final réservé au petit garçon russe, préservé de prime abord par les comparses de Steiner mais compromis par l'orgueil mégalo d'un capitaine sans vergogne. La découverte par nos baroudeurs des femmes de l'armée rouge réfugiées dans une cabane est sans doute la séquence la plus pénible et pertinente pour dénoncer l'inanité d'une guerre odieuse éludée d'équité. Dans le chaos et la confusion, quelques soldats délibérés à violer certaines d'entre elles vont finalement être contraints de se défendre quand les femmes auront décidé de se soustraire à la soumission sexuelle dans une rébellion suicidaire. Parfois, pour mieux stigmatiser l'absurdité des conflits rivaux, Peckinpah utilise l'ironie caustique comme cet épilogue acerbe où Steiner décide de déserter par dépit et vengeance afin de rejoindre le capitaine Stransky pour l'assassiner. Préalablement, une autre séquence éloquente tourne en dérision les délires irascibles de Steiner, soigné dans un hôpital de guerre. Entre songes et réalité, celui-ci décide de se révolter violemment contre ses confrères supérieurs venus ausculter les blessures infligés aux combattants pour savoir s'ils peuvent à nouveau rejoindre le front par manque d'effectif.


Outre une distribution d'exception, James Coburn incarne avec une rigueur innée le rôle d'un
belligérant pugnace mais dépité à l'idée de se défendre au milieu d'une guerilla dissolue et anarchique. Il dégage avec virilité une prestance héroïque particulièrement cynique pour railler ses supérieurs condescendants mais aussi un humanisme fébrile pour prémunir sa brigade sévèrement prise à parti. Dans celui du capitaine sans vergogne, Maximilian Schell se révèle proprement détestable dans ces exactions perfides et ses ambitions égotistes pour s'accaparer d'une croix de fer en guise de trophée célébré.


Violent, cruel, voir même parfois malsain, Croix de Fer est un grand film personnel sur la déroute d'une guerre mondiale éludé d'héroïsme. Epris d'une ambiance désenchantée pour mettre en exergue la dureté des combats déloyaux et renforcé par la densité déshumanisée de ces protagonistes déchus, Sam Peckinpah concrétise une fois encore une oeuvre ambitieuse, abrupte et spectaculaire. Un réquisitoire hostile aux institutions militaires où la mélancolie s'exacerbe un peu plus au fil d'authentiques images d'archives nauséeuses défilant inévitablement au générique de fin. Une manière congrue de nous rappeler toute l'ignominie contagieuse d'une seconde guerre régie par une aspiration barbare, alors qu'un rire intempestif s'emmêle avec une frénésie incontrôlée !

Bruno Matéï
12.07.12. 2èx

mardi 10 juillet 2012

Schizophrenia /Angst / Fear


de Gérald Kargl. 1983. Autriche. 1h27. Avec Erwin Leder, Silvia Rabenreither, Edith Rosset, Rudolf Götz

Interdit en salles en France. 

FILMOGRAPHIE: Gérald Kargl est un réalisateur autrichien né en 1953 à Villach, Austria.
1980: Sceny narciarskie z Franzem Klammerem (documentaire)
1983: Angst

                                              D'après l'histoire vraie du tueur Werner Kniesek
         

Censuré un peu partout à travers le monde dès sa sortie en 1983, Schizophrenia est une expérience extrême d'autant plus inédite que son origine autrichienne renforce un cachet d'authenticité peu commun. Avec la voix perpétuelle d'un monologue narré par l'interprète principal, ce portrait glaçant d'un serial-killer notoire de l'Allemagne des années 80 y transcende son introspection mentale avec un réalisme diaphane. Accordant un soin esthétique formel à sa photographie clinique et à son ambiance blafarde au bord du marasme, l'unique film de Gérald Kargl est notamment un modèle de virtuosité technique. Plans larges ou aériens contournés à la louma, caméra subjective pour mieux mettre en exergue l'aspect désincarné du tueur en série, le réalisateur sait utiliser sa caméra avec une dextérité aussi inventive que géométrique.


Filmé en temps réel et exploitant à merveille son dédale pavillonnaire, nous suivons les exactions meurtrières d'un détenu relaxé, déjà prêt à perpétrer de nouvelles exactions. Après avoir tenté d'étrangler une chauffeuse de taxi, celui-ci apeuré s'enfuit à travers bois pour trouver refuge dans une vaste demeure bourgeoise. Observant qu'il n'y a personne dans la maison, il décide d'y pénétrer par effraction en brisant la vite d'une fenêtre. En comptant sur l'arrivée de ses propriétaires avec une impatience fébrile, une voix-off hypnotisante (à voir en VF pour une fois car plus immersive !) nous narre de façon récursive ses pensées intimes les plus licencieuses mais également son passé de maltraitance infantile. Une sexagénaire, son fils impotent et sa fille seront les nouvelles proies de ses crimes sordides dénués de mobile. Tuer quelqu'un est très dur, très douloureux et très... très long ! Cette célèbre citation du maître du suspense convient à cette descente aux enfers inflexible auquel notre tueur souhaite faire souffrir ses victimes de façon indolente et avec une véhémence incontrôlée ! Ce parti-pris (sur le vif) de filmer en temps réel, cette verdeur imputée aux meurtres cinglants (dont une mise à mort ultra sanglante !) et l'interprétation innée de notre tueur autrichien rendent Schizophrenia terriblement glauque et incommodant. En prime, le caractère inexpressif et apathique des personnages secondaires va aménager son aura d'étrangeté.


En terme de serial-killer déficient, Erwin Leder incarne son personnage avec une vérité si prégnante qu'il n'a pas à rougir de la comparaison avec Joe Spinell ou encore Michael Rooker. La pâleur de son faciès famélique et l'appréhension de son regard fuyant laissent en mémoire une prestance fébrile tributaire de son esprit déséquilibré. Son seul objectif est d'aborder sans raison n'importe quel quidam signalé au coin d'une rue et de l'assassiner avec un sadisme mâtiné de maladresse. Sa peur panique et son excitation irraisonnée pour la tentative d'homicide exacerbent la personnalité meurtrie d'un adulescent préalablement molesté par une filiation masochiste.


Malsain et hautement dérangeant par son aspect introspectif expérimental, Schizophrenia est une expérience extrême où la folie et le meurtre sont élaborés avec frénésie chez un criminel désaxé. Esthétiquement travaillé et ambitieux de par sa mise en scène personnelle, cette oeuvre scabreuse honteusement occultée et bannie depuis des décennies constitue un sommet de subversion où l'immersion clinique s'avère terriblement déstabilisante. Pour parachever, il faut aussi avouer que l'impact envoûtant du score de Klaus Schulze doit autant à son climat contrariant.
 
P.S: A Privilégier la VF, comme le souligne Gaspar Noé dans les Bonus du Blu-ray. 

*Bruno
25.07.22. 5èx
10.07.12. 

mercredi 4 juillet 2012

Le Vieux Fusil. César du Meilleur film 1976.

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site muriel.lucot.free.fr

de Robert Enrico. 1975. France. 1h43. Avec Philippe Noiret, Romy Schneider, Jean Bouise, Joachim Hansen, Robert Hoffmann, Karl Michael Vogler, Caroline Bonhomme, Catherine Delaporte, Madeleine Ozeray.

Sortie salles France: 22 Août 1975. U.S: 29 Juin 1976

FILMOGRAPHIE: Robert Enrico est un réalisateur et scénariste français, né le 13 Avril 1931 à Liévin (Pas-de-Calais), décédé le 23 Février 2001 à Paris. 1962: Au coeur de la vie. 1962: La Belle Vie. 1964: Contre point. 1965: Les Grandes Gueules. 1967: Les Aventuriers. 1967: Tante Zita. 1968: Ho ! 1971: Boulevard du Rhum. 1971: Un peu, beaucoup, passionnément. 1972: Les Caïds. 1974: Le Secret. 1975: Le Vieux Fusil. 1976: Un neveu silencieux. 1977: Coup de foudre. 1979: L'Empreinte des Géants. 1983: Au nom de tous les Miens. 1985: Zone Rouge. 1987: De Guerre Lasse. 1989: La Révolution Française (1ère partie: les années lumières). 1991: Vent d'Est. 1999: Fait d'Hiver.


Panthéon du cinéma français auquel des millions de spectateurs l'eurent célébré avec une émotion inconsolable, Le Vieux Fusil est un moment de cinéma d'une telle acuité qu'il est difficile de s'en remettre sitôt le générique bouclé. Car en s'inspirant du massacre d'Oradour sur Glane commis par les nazis en 1944, Robert Enrico nous délivre sans anesthésie un drame éprouvant, haletant, inflexible, insoutenable auprès de la vengeance d'un médecin provincial anéanti par le massacre de sa famille. Alors qu'il mène une paisible existence avec sa femme Clara et sa fille Florence, Julien Dandieu décide de les protéger d'une milice française arrogante en les délogeant vers son château près d'un village champêtre. Contraint de soigner ses malades, il continue d'exercer son devoir de chirurgien, mais, par appréhension, il décide rapidement de les rejoindre. Mais sur place il découvre l'horreur innommable d'un massacre organisé par la 2è division SS Das Reich. Les villageois ayant été rassemblés dans l'église pour être froidement abattus, tandis qu'un peu plus loin, dans son château familial, Julien découvre le corps carbonisé de son épouse et le cadavre ensanglanté de sa fille. Rongé par la haine car anéanti par le chagrin, il amorce une vengeance expéditive en exterminant un à un les criminels nazis toujours présents sur les lieux du drame.


Entrecoupé de flash-back auquel Julien se remémore les tendres moments idylliques avec Clara et sa fille, Le Vieux Fusil ne cesse d'y alterner l'émotion prude du souvenir angélique avec l'appréhension d'une traque impitoyable. Ainsi, avec virtuosité et l'utilisation judicieuse de son décor de bastille souvent confiné dans les dédales souterrains, Robert Enrico planifie une vengeance implacable et méthodique auprès d'un bourgeois pacifiste subitement destitué de sa moralité. La perte soudaine, inopinée de l'être aimé, le deuil insurmontable de pouvoir assimiler le viol en réunion et l'immolation crapuleuse de deux êtres candides. Par conséquent, à travers ces réminiscences nostalgiques imparties à l'amour de sa vie, Le Vieux Fusil nous confronte à l'introspection de cet homme meurtri au confins de la folie. Aux souvenirs élégiaques de l'épanouissement conjugal s'y succédant l'extrême froideur d'une rancoeur vindicative compromise par la haine. Car Julien, toujours plus motivé à tuer, ne laissera nul répit à ces tortionnaires fascistes vautrés dans les beuveries et les balivernes. Oscillant ses souvenirs épanouis teintés d'anxiété (notamment sa perplexité et sa jalousie de mériter une femme aussi radieuse !), et le présent du sordide retour à la réalité, Le Vieux Fusil nous immerge de plein fouet auprès de ces émotions contradictoires avec une intensité constamment bouleversante !


Mais si cette oeuvre écorchée vive s'avère aussi immersive et accablante, elle le doit autant à la complicité naturelle des deux comédiens ! Dans celui du médecin rendu fou de haine et de brutalité,  Philippe Noiret (récompensé du César du meilleur acteur !) insuffle une expression mutique bâtie sur l'affliction du sentiment d'injustice. Le point d'orgue le dévoilant toujours plus solitaire car perdu dans les méandres de la déraison, s'avérant déchirant de détresse démunie. En femme épanouie au regard frétillant de fraîcheur, Romy Schneider symbolise la spontanéité du bonheur avec une tendresse immodérée. Elle crève l'écran au point d'y tomber amoureux, tel le personnage timoré qu'endosse Noiret littéralement happé, enivré par sa beauté angélique. A contrario, la détresse suscitée par Romy d'appréhender sa cruelle mort puis celle de sa fille provoque chez nous une répulsion quasi insupportable sous l'impulsion d'un réalisme somme toute crapuleux.


Le martyr des anges
Illuminé des interprétations déchirantes de Philippe Noiret et Romy Schneider au rythme d'une mélodie mélancolique de François de Roubaix, Le Vieux Fusil est un chef-d'oeuvre d'émotions hybrides. Tant pour la pudeur romantique échangée entre nos amants que de la violence primitive du vindicateur martyrisé par le deuil d'une épuration nazie. En outre, l'audace crue de certaines mises à mort et le caractère haletant de sa justice expéditive y sont transcendés d'une mise en scène géométrique (les décors mortifères faisant notamment office de seconds-rôles). Il y émane un moment de cinéma d'une fragilité émotionnelle escarpée à travers sa quiétude révolue au point d'y être commotionné, ad vitam aeternam.

Romy, je t'aime.

*Bruno
04.07.12. 4èx

Récompenses: César du Meilleur Film, du Meilleur Acteur (Philippe Noiret) et Meilleure Musique (François de Roubaix) en 1976.
César des césars en 1985.

 

mardi 3 juillet 2012

FIRE IN THE SKY

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site roswell1947.forumgratuit.org

de Robert Lieberman. 1993. U.S.A. 1h49. Avec D.B. Sweeney, Robert Patrick, Craig Sheffer, Peter Berg, Henry Thomas, Bradley Gregg, Noble Willingham, Kathleen Wilhoite, James Garner, Georgia Emelin.

Sortie salles U.S: 12 Mars 1993

FILMOGRAPHIE: Robert Lieberman est un réalisateur, scénariste et producteur américain.
1978: A Home run for love (télé-film). 1978: Gaucho (télé-film). 1980: Fighting Back (télé-film). 1982: Will: the autobiography of G. Gordon Liddy (télé-film). 1983: Table for Five. 1987: Nos Meilleures années. 1991: To Save a Child. 1991: Le plus beau cadeau de Noël. 1992: Fire in the Sky. 1996: Les Petits Champions 3. 1996: Le Titanic (télé-film). 1999: NetForce (télé-film). 2002: Red Skies. 2002: Second String (télé-film). 2004: Earthsea (télé-film). 2009: The Tortured. 2010: The Stranger.


Réalisateur prolifique de télé-films et séries TV, Robert Lieberman réalise en 1993 son coup d'éclat cinématographique avec Fire in the Sky. Tiré d'un potentiel fait divers fondé sur un enlèvement extra-terrestre, cette série B fut malencontreusement inédite dans nos salles hexagonales pour sortir directement en Vhs puis sur galette numérique. Un préjudice inqualifiable puisque cette perle d'anticipation anxiogène mérite amplement un vif intérêt dans sa volonté de daigner crédibiliser un rapt incongru. Le pitchLe 5 novembre 1975, un groupe de 6 bûcherons est témoin d'un phénomène irrationnel venu du ciel. Un de leurs acolytes, attisé par la luminosité aveuglante de l'engin spatial est subitement foudroyé par une force surnaturelle. Ses camarades terrifiés décident de s'enfuir à bord de leur fourgonnette avant que le chauffeur se ravise in extremis. De retour sur les lieux, Mike Rogers ne signale aucune trace de son meilleur ami Travis ! En ville, les cinq amis sont contraints d'expliquer à la population et aux forces de l'ordre que leur camarade a inexplicablement disparu depuis l'apparition d'un engin extra-terrestre ! Bientôt, les complices sont suspectés de meurtre...


Avec la conviction de comédiens confirmés (Robert Patrick, Henry Thomas ou encore Peter Berg) et d'une mise en scène entièrement impartie aux tourments de ces protagonistes, Fire in the Sky dresse en premier lieu le portrait d'hommes de foi injustement montrés du doigt par ces citadins et les autorités incrédules. Le réalisateur Robert Lieberman illustrant avec une attention assidue le caractère sournois d'une démographie n'hésitant à fustiger et remettre en cause le récit abracadabrant de prolétaires embarrassés. Cette impuissance de ne pouvoir prouver leur innocence et cette persistance (exacerbée par l'intégrité pugnace de Robert Patrick !) à crier aux autorités leur véracité des faits implique chez le spectateur une vibrante empathie (sachant que nous avons été témoins dès le prologue que leur mésaventure n'était en rien une affabulation !). Leur dimension humaine est également extériorisée par la terreur panique, préalablement établie dans leur fuite nocturne désespérée à travers un sentier forestier, après avoir abdiqué un de leur comparse potentiellement meurtri d'un incident cinglant !


Après l'épreuve équivoque du détecteur de mensonge préconisée par les autorités suspicieuses, un rebondissement inopiné va enfin permettre aux bûcherons de lever au grand jour le voile sur leur véracité des faits. Spoil ! Puisqu'à la suite d'un appel téléphonique, Travis Walton est enfin retrouvé sain et sauf par ses amis, mais dans un état traumatique éprouvant ! fin du Spoil. Là encore, le réalisateur insiste sur le caractère psychologique d'une victime mise au pilori des médias à sensations, d'un leader de police paranoïaque et de badauds indélicats. A cet égard, l'interprétation de D.B Sweeney incarnant avec vérité le rôle chétif d'une victime amnésique préalablement molestée par des E.T belliqueux, inspire la compassion auprès du spectateur particulièrement anxieux de son état déficient. Spoil ! C'est ce que la dernière partie va nous révéler avec un réalisme perturbant pour la réminiscence impartie au calvaire cauchemardesque de Travis, embrigadé dans l'antre d'un vaisseau mère ! Une séquence d'anthologie absolument terrifiante, presque insupportable dans les expérimentations chirurgicales assénées à la victime par des extra-terrestres au faciès patibulaire ! Fin du Spoil.


Mis en scène avec intelligence afin de privilégier la dimension humaine de ses personnages compromis par une énigme irrationnelle et campé par une sobre distribution inscrite dans l'émoi, Fire in the Sky est une série B captivante passée inaperçue mais rehaussée d'un bouche à oreille enthousiaste. Sa densité psychologique, sa structure narrative avisée et l'aspect horrifiant de sa dernière partie confinant à la perle rare à (re)découvrir d'urgence !  En outre, il cultive notamment en point d'orgue rédempteur une belle amitié entre l'inimitié de deux camarades préalablement divisés par un incident inopportun !

03.07.12. 3èx
Bruno Matéï

vendredi 29 juin 2012

STAND BY ME

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineclap.free.fr

de Rob Reiner. 1986. U.S.A. 1h29. Avec Wil Wheaton, River Phoenix, Corey Feldman, Jerry O'Connell, Gary Riley, Kiefer Sutherland, Casey Siemaszko, Bradley Gregg, Jason Olivier, Marshall Bell.

Sortie salles France: 25 Février 1987. U.S: 8 Août 1986

FILMOGRAPHIE: Rob Reiner est un acteur, producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 6 Mars 1947 dans le Bronx de New-York. 1984: Spinal Tap. 1985: Garçon chic pour nana choc. 1986: Stand By Me. 1987: Princess Bride. 1989: Quand Harry rencontre Sally. 1990: Misery. 1992: Des Hommes d'honneur. 1994: L'Irrésistible North. 1995: Le Président et Miss Wade. 1996: Les Fantômes du passé. 1999: Une Vie à Deux. 2003: Alex et Emma. 2005: La Rumeur Court. 2007: Sans plus attendre. 2010: Flipped.


Réalisateur éclectique, Rob Reiner s'inspire en 1986 d'une nouvelle de Stephen King (Le Corps parue à travers Différentes Saisons) pour entreprendre avec Stand By Me un hommage élégiaque à l'enfance dans toute sa candeur et vulnérabilité. Eté 1959, Oregon. Une bande de quatre amis inséparables décide de partir deux jours en randonnée forestière pour tenter de retrouver le corps d'un adolescent récemment disparu. Cette découverte macabre changera à jamais leur destin et leur manière d'appréhender le monde.


De manière sous-jacente, la mort plane sur les frêles épaules de nos héros en culotte courte durant leur cheminement initiatique acheminé vers une trouvaille morbide. Avec simplicité, humour et beaucoup de tendresse, Rob Reiner apporte un soin humaniste à caractériser nos quatre adolescents débordant de vigueur à travers leur tempérament débrouillard, mais aussi de malaise existentiel et de rancoeur, faute d'une démission parentale. Tant auprès de Gordie Lachance, rejeton dénigré par ses parents depuis la mort accidentelle de son frère aîné, de Chris Chambers, gamin révolté issu d'une famille à la réputation galvaudée et malencontreusement accusé de vol auprès d'un particulier perfide, ou encore de Teddy Duchamp, casse-cou irascible et provocateur, violenté par son paternel, ancien vétéran du débarquement de Normandie. Seul, Vern Tessio, gamin bedonnant plutôt maladroit et trouillard semble hérité d'une filiation placide. Ainsi, à travers leur escapade bucolique jalonnée de péripéties impromptues (telle cette déconvenue avec une bande de délinquants majeurs, ou leur course effrénée sur un pont ferroviaire afin d'éviter de plein fouet un train lancé à vive allure !), nous suivons leurs vicissitudes insouciantes, entre blagues de potache, conflits caractériels et prise de conscience existentielle. Rob Reiner s'attachant surtout à accorder un peu plus d'empathie et d'intérêt envers les personnages fragilisés de Gordie et Chris. Les enfants malchanceux les plus discrédités de leurs parents, et donc les mieux aptes à comprendre l'apprentissage de la maturité de par leur libre arbitre. Par conséquent, durant leur périple, notre duo n'aura de cesse de s'échanger des confidences intimistes pour se réconforter d'une absence affective, cette solitude écrasante mise en cause par la désunion de la cellule familiale.


Entre deux crises de fous-rire, prises de becs, peur panique du bruit dans la nuit et discorde avec des rouleurs de mécaniques, nos quatre baroudeurs vont côtoyer pour la première fois le vrai visage informe de la mort. Il en ressortira de cette excursion peu commune une expérience mystique auprès de la cruauté de l'existence si bien que cette bonhomie de l'enfance s'avère éphémère pour laisser place à la maturité de l'expérience. A travers le monologue nostalgique d'un narrateur aujourd'hui épanoui d'une aubaine conjugale et d'une réussite professionnelle, la destinée de Gordie Lachance en sort grandie et victorieuse. Alors que certains de ces meilleurs camarades n'auront eu cette faveur idéaliste de par leur parcours antinomique. Ainsi, de cette réminiscence infantile y résulte une émotion bouleversée de ce que les aléas de la vie peuvent réserver à chacun d'entre nous. Que le hasard n'est point une coïncidence et que le destin peut parfois malencontreusement vilipender l'un d'entre nous. Mais que la fraternité et l'amour restent des valeurs sûres pour pouvoir profiter du temps présent, surtout lors d'une époque charnière de l'insouciance où les prises de risques peuvent nous être inconsidérées.


Au coeur de l'amitié
Poésie lyrique à l'épanouissement de la jeunesse, hymne à l'amitié dans toute sa candeur, Stand by me est une déclaration d'amour à la magie de l'enfance mais aussi une prévoyance à l'ascension de la puberté. L'incroyable bonhomie naturelle de nos quatre adolescents et sa tendresse émanant de chaque tempérament nous menant finalement vers une élégie déchirante. Rob Reiner nous transcendant avec lyrisme une réminiscence infantile alliée au mérite de l'amitié et à cette fuite irrémédiable du temps présent.

A River Phoenix et Pascal, mon frère de coeur...
29.06.12. 4èx
Bruno Matéï