lundi 14 mai 2012

L'Etrangleur de Boston / The Boston Strangler

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de Richard Fleischer. 1968. U.S.A. 1h56. Avec Tony Curtis, Henry Fonda, George Kennedy, Mike Kellin, Hurd Hatfield, Murray Hamilton, Jeff Corey, Sally Kellerman, William Marshall, George Voskovec.

Sortie salle France: 30 Octobre 1970. U.S: 16 Octobre 1968.

FILMOGRAPHIE: Richard Fleischer est un réalisateur américain né le 8 décembre 1916 à Brooklyn,  et décédé le 25 Mars 2006 de causes naturelles. 1952: l'Enigme du Chicago Express, 1954: 20 000 lieux sous les mers, 1955: les Inconnus dans la ville, 1958: les Vikings, 1962: Barabbas, 1966: le Voyage Fantastique, 1967: l'Extravagant Dr Dolittle, 1968: l'Etrangleur de Boston, 1970: Tora, tora, tora, 1971: l'Etrangleur de Rillington Place, 1972: Terreur Aveugle, les Flics ne dorment pas la nuit, 1973: Soleil Vert, 1974: Mr Majestyk, Du sang dans la Poussière, 1975: Mandingo, 1979: Ashanti, 1983: Amityville 3D, 1984: Conan le destructeur, 1985: Kalidor, la légende du talisman, 1989: Call from Space.


"Voici l'histoire d'Albert DeSalvo qui a avoué être l'étrangleur de Boston. Les personnages et incidents que vous allez découvrir sont basés sur des faits réels." 

En 1968, Richard Fleischer transpose à l'écran avec une ambition révolutionnaire (souci de réalisme, défi technique, casting iconique) le roman de Gerold Frank pour relater les méfaits meurtriers du célèbre étrangleur, Albert Henry DeSalvo. Car entre le 14 Juin 1962 et le 4 Janvier 1964, ce père de famille aurait étranglé treize femmes à leur domicile. Il est ensuite arrêté par la police et condamné à l'emprisonnement à perpétuité. Néanmoins, en 2001, les analyses d'ADN effectuées sur la dernière victime remettent en cause la culpabilité de DeSalvo. L'enquête reste ouverte... 
SynopsisUn étrangleur sévit dans la contrée de Boston. Une véritable psychose s'empare de la population face à l'impuissance de la police pour l'appréhender. Les meurtres s'enchaînent jusqu'au jour où un homme est arrêté pour tentative d'effraction chez une locataire d'immeuble. 


Réalisé avec souci documentaire à travers sa scrupuleuse mise en scène novatrice, la première partie de l'Etrangleur de Boston est une captivante investigation criminelle régie par les forces de police mais récupérée ensuite par le procureur général Bottomly. Avec l'innovation du procédé "split screen" (écran scindé en diverses cases pour suivre en continu les actions simultanées des personnages et de leur  environnement qu'ils arpentent indépendamment), le réalisateur nous relate une enquête minutieuse établie par la police pour tenter de contrecarrer le dangereux criminel. S'en prenant aux dames âgées ou aux jeunes femmes esseulées, l'étrangleur créé une telle psychose auprès de la populace que les forces de l'ordre renforceront une traque inlassable auprès des potentiels accusés. Dès lors, une jungle de déséquilibrés tous azimuts défilent sous nos yeux ! Pervers, voyeurs, exhibitionnistes, gays (suspectés), fétichistes, violeurs et autres paraphiles sont systématiquement perquisitionnés à leur domicile, voirs parfois arrêtés pour être entendus lors d'une garde à vue. Alors que la liste des meurtres s'allonge inexorablement, la police désarmée est même contrainte de faire appel à un expert extralucide pour tenter vainement de recueillir des infos édifiantes sur le tueur en série. Cette première partie passionnante de par son aspect docu aussi richement fouillé qu'inquiétant nous plaque au siège sans céder au zèle ou au racolage à travers sa galerie de personnages peu recommandables.


Mais le second acte (inopinément) expérimental, beaucoup plus acéré, glaçant et proprement terrifiant, nous dévoilera enfin le véritable visage du tueur de Boston. Le portrait banal d'un aimable père de famille vivant sereinement dans l'harmonie du bonheur conjugal. Un époux aimant entouré de ses deux filles, confortablement installé dans son canapé pour s'émouvoir de la mort du président Kennedy retransmis en direct à la TV. Ainsi, après son arrestation d'une tentative d'effraction chez un particulier, nous suivrons le tête à tête cérébral entre le procureur John S. Bottomly et Albert DeSalvo, emprisonné dans un institut psychiatrique car reconnu mentalement dérangé. Ce face à face terriblement intense entre les deux rivaux décuple son impact fascinant pour observer scrupuleusement le portrait pathétique d'un serial killer victime de sa condition monomane. Et donc, en tentant de découvrir la véritable identité du coupable présumé par l'entremise du titulaire juridique, Richard Fleischer s'efforce de rationaliser les tourments schizophrènes de ce dangereux malade confiné dans ses souvenirs morbides du fait de son dédoublement de personnalité. Parmi le jeu infaillible de deux illustres comédiens pleins de charisme renfrogné, l'Etrangleur de Boston y transcende une "obsession cauchemardesque" par le biais d'une personnalité psychotique à personnalité multiple. Cette détresse humaine exprimée par ce père de famille dérangé, car incapable d'y distinguer la réalité de ses hallucinations, distille un malaise tout à tour éprouvant, malsain, hypnotique, pour ne pas dire littéralement vertigineux. Des séquences d'anthologie que l'on percute de plein fouet à travers notre impuissance morale de venir en aide à l'assassin victime de sa schizophrénie criminelle. 


Immortalisé par l'interprétation transie de Tony Curtis (saisissant de vérité torturée par son regard impassible perdu dans le vide !) et mis en scène avec une maestria toujours aussi impressionnante,  l'Etrangleur de Boston se décline en chef-d'oeuvre du thriller psychotique. L'avant- garde de bon nombre de portraits de tueurs en série que le cinéma vérité se réappropriera plus tard avec souci de crudité (les Tueurs de la lune de miel, Henry, Schizophrenia, Maniac, etc...). Une oeuvre aussi fortement troublante que dérangeante provoquant également la controverse sur la culpabilité d'un maniaque inconscient de ses actes morbides. A savoir, le questionnement moral d'une société à défricher l'identité du meurtrier et entreprendre un traitement thérapeutique adapté aux personnes violentes. Pour parachever, la confrontation psychologique amorcée entre Fonda et Curtis donne lieu à un grand moment de cinéma où la charge émotionnelle demeure à son acmé, si bien que les âmes sensibles risquent d'en être psychologiquement ébranlées. 

*Bruno Matéï
15.03.22. 5èx
14.05.12. 

A ne pas rater également, le second chef-d'oeuvre de Fleischer, réalisé 3 ans plus tard:  http://brunomatei.blogspot.fr/2011/06/letrangleur-de-rillington-place-10.html

Les suites aléatoires de l'affaire DeSalvo (source wikipedia)
Albert DeSalvo est arrêté par la police et condamné à l'emprisonnement à perpétuité.
Le 25 Novembre 1973, Albert DeSalvo est retrouvé mort dans sa cellule de la prison de Walpole, Massachussetts, poignardé à plusieurs reprises dans le coeur. Le directeur de la prison évoque une bagarre et un trafic de drogue auquel Albert DeSalvo aurait été mêlé. On ne retrouva jamais son assassin.

Néanmoins, un doute persiste sur sa culpabilité.
Les analyses ADN faites en 2001 sur la dernière victime de l'Etrangleur écartent la piste DeSalvo. En effet, la police scientifique de Boston a trouvé des traces d'ADN de deux individus sous les ongles et le sous-vêtement de la victime, aucun des deux n'est Albert DeSalvo. L'affaire de l'étrangleur de Boston n'a jamais été élucidée et personne n'a été jugé pour ces meurtres.

vendredi 11 mai 2012

SANS RETOUR (Southern Comfort)

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site tvclassik.com

de Walter Hill. 1981. U.S.A. 1h44. Avec Keith Carradine, Powers Boothe, Fred Ward, Franklyn Sweales, T. K. Carter, Peter Coyote, Brion James.
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Sortie salles France: 9 Mars 1983. U.S: 25 Septembre 1981
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FILMOGRAPHIE: Walter Hill est un producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 10 janvier 1942 à Long Beach, en Californie (États-Unis). 1975 : Le Bagarreur (Hard Times),1978 : Driver,1979 : Les Guerriers de la nuit, 1980 : Le Gang des frères James,1981 : Sans retour, 1982 : 48 heures, 1984 : Les Rues de feu,1985 : Comment claquer un million de dollars par jour,1986 : Crossroads, 1987 : Extrême préjudice, 1988 : Double Détente, 1989 : Les Contes de la crypte (1 épisode),1989 : Johnny belle gueule,1990 : 48 heures de plus,1992 : Les Pilleurs,1993 : Geronimo,1995 : Wild Bill, 1996 : Dernier Recours,1997 : Perversions of science (série TV),2000 : Supernova, 2002 : Un seul deviendra invincible, 2002 : The Prophecy, 2004 : Deadwood (série TV)
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Dans la lignée de Délivrance, Walter Hill réalise en 1981 un survival racé et sauvage afin d'établir une étude caractérielle sur l'ambition de la compétition, bien avant de prêter une éventuelle analogie à la guerre du Vietnam. Le pitchNeuf militaires partis en manoeuvre dans les marais de Louisiane sont pourchassés par des rednecks revanchards après que l'un d'eux eut provoqué une bravade. Dans ce milieu marécageux hostile, une chasse à l'homme inéquitable est engagée contre les soldats si bien que leurs armes sont chargées de balles à blanc. Voyage au bout de l'enfer des marais de Louisiane chez une poignée de soldats américains partis en exercice de fonction mais sévèrement pris à parti avec les citadins d'une contrée hostile. L'emprunt de trois canoës et l'attitude puérile d'un militaire résigné à canarder l'étranger à l'aide de balles à blanc auront suffit à engendrer une inlassable traque en interne d'un bourbier jonché d'embûches. 
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Parmi l'exploitation judicieuse du décor bucolique aux eaux stagnantes, Walter Hill improvise un cauchemar dérisoire chez une escorte de militaires incapables de gérer une situation de crise, et ce juste après que leur leader eut été abattu par l'antagoniste. Ainsi, il nous dresse un tableau négligeable d'une coalition belliqueuse cumulant les bourdes à une cadence infernale. Car éludés de hiérarchie drastique, nos piteux soldats seront livrés à leur égo et à leur orgueil afin de prouver à l'ennemi qu'ils resteront des frondeurs irréductibles. De par leur nature humaine perfide et arrogante ainsi que leur ignorance géographique à apprivoiser un terrain marécageux, nos troufions s'embourberont dans un dédale meurtrier. Avec une facilité déconcertante, Walter Hill nous démontre à quel point une poignée d'être humains confrontés à une épreuve de survie peuvent sommairement perdre le contrôle de la situation par inexpérience, opportunisme et paranoïa du danger. Et ce au point de s'entretuer au sein de leur propre équipe de par divergence caractérielle. En prime, la lâcheté émanant de l'appréhension de nos anti-héros, car opposés à une menace invisible, ne vont qu'accentuer leur déroute à travers leur esprit d'individualité.
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Ainsi, durant plus d'1h15, le film suggère judicieusement la menace meurtrière tapie dans l'ombre d'une forêt vaseuse que nos anti-héros sont contraints de traverser sans pouvoir s'extraire de leur charnier. Si bien que un à un, les membres de la garde nationale vont périr sous les pièges et les balles de l'antagoniste vindicatif, délibéré à éradiquer ces étrangers imbus de leur symbole militaire. Le point d'orgue commémoratif, sauvage et abrupt, véritable modèle de mise en scène dans l'implication du suspense oppressant, ira d'ailleurs jusqu'au bout de son propos nihiliste. A savoir la déshumanisation déclinante des agresseurs, contraints d'éliminer les deux derniers témoins. Tant et si bien qu'en pleine festivité d'une kermesse folklorique, nos rescapés paranos se résigneront à une violence plus expéditive à l'arme blanche pour tenter de sortir vivant de cette traque forcenée.


Haletant, inquiétant, brutal et captivant, Sans Retour se porte en emblème du survival sous l'impulsion de l'arrogance humaine corrompue par son esprit d'orgueil et de supériorité. Parmi la scénographie humectée du marais de Louisiane, cette chasse à l'homme cauchemardesque imprime avec autant de réalisme que d'intensité une épreuve de survie compromise par une vengeance primale. Grand classique ! 

Un grand merci à tvclassik.com
11.05.12.
Bruno Dussart

jeudi 10 mai 2012

La Maison des Damnés / The Legend of Hell House

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de John Hough. 1973. Angleterre. 1h34. Avec Clive Revill, Roddy McDowall, Pamela Franklin, Gayle Hunnicutt, Roland Culver, Peter Bowles.

Sortie salles France: 17 Avril 1974

FILMOGRAPHIE (Info Wikipedia): John Hough est un réalisateur anglais, né le 21 Novembre 1941 à Londres. 1969: Wolfshead : The Legend of Robin Hood. 1970: Eyewitness. 1971: Les Sévices de Dracula. 1972: l'île au Trésor. 1973: La Maison des Damnés. 1974: Larry le dingue, Mary la garce. 1975: La Montagne Ensorcelée. 1978: Les Visiteurs d'un Autre Monde. 1978: La Cible Etoilée. 1980: Les Yeux de la Forêt. 1981: Incubus. 1982: Le Triomphe d'un Homme nommé Cheval. 1986: Biggles. 1988: Hurlements 4. 1988: American Gothic. 1989: Le Cavalier Masqué (télé-film). 1990: A Ghost in Monte Carlo (Télé-film). 1992: Duel of Hearts (télé-film). 1998: Something to Believe In. 2002: Bad Karma.


L'histoire de ce film, tout en étant imaginaire, expose une suite d'évènements et de phénomènes psychiques qui sont, non seulement dans le domaine du possible, mais pourraient fort bien être vrais. 
Tom Corbett / Doué de clairvoyance et extralucide britannique renommé. 

Dans la mouvance de La Maison du Diable et bien avant la saga Amityville, John Hough se livra en 1973 au thème de la demeure hantée avec la Maison des Damnés. Et de livrer sa plus belle réussite d'une carrière aussi passionnante que fluctuante épaulée ici d'un solide scénario du célèbre écrivain Richard Matheson

Le PitchQuatre convives sont mis à l'épreuve pour participer à une expérience paranormale dans l'ancienne demeure du tyran Belasco. 5 jours durant, ils vont être les témoins d'évènements surnaturels et tenter de démanteler une potentielle supercherie avant de pouvoir potentiellement approuver une existence après la mort. 


D'après une nouvelle de Richard Matheson, La Maison des Damnés est une oeuvre particulièrement ambitieuse de par son affectation assidue à renouer avec les ambiances gothiques éludées d'effets-chocs outranciers ou plutôt gratuits. Car à l'instar du modèle du genre, La Maison du Diable, John Hough utilise à bon escient le décor anxiogène d'un vieux manoir où d'étranges phénomènes vont se produire parmi le témoignage d'experts en parapsychologie. D'un côté, nous avons deux éminents médiums, Miss Taner et Benjamin Fisher, persuadés que des forces surnaturelles sont à l'origine des incidents meurtriers causés depuis des lustres par la demeure Belasco. De l'autre, le Dr Barret, spécialiste en parapsychologie accompagné de sa femme. Un cartésien réfractaire à l'idée qu'une potentielle puissance maléfique hanterait la maison. Ensemble, ils vont tenter de découvrir la vérité par l'entremise de la science et de l'occulte pour exorciser finalement la maison avec un appareil technique révolutionnaire. En effet, le Dr Barret est convaincu que le corps humain émet une forme d'énergie invisible à l'oeil nu en produisant des phénomènes mécaniques, chimiques et physiques (tels bruits et déplacements d'objets que nos protagonistes furent témoins lors de la première partie aussi trouble qu'inquiétante). Cette énergie étant un champ de radiations électro-magnétiques, Barret conçoit qu'une vigueur destructrice résiduelle serait emmagasinée à travers les murs. La maison serait donc de son point de vue rationnel un accumulateur géant régit par une force aveugle et sans but. Ainsi, avec l'aide d'un appareil à radiations, le Dr souhaite renverser la polarité de l'atmosphère afin de la dissiper et ainsi l'exorciser.


Mais bien avant cette tentative d'exorcisme peu commune, le réalisateur John Hough nous aura donc façonné avec une efficience quelque peu déconcertante nombres d'évènements perturbants et violents intentés aux invités de la maison. Des objets se déplaçant dans les airs pour les agresser, les portes s'ouvrant violemment sans raison, un chat noir devenant inexplicablement agressif, les femmes dénudées étant sous emprise de la luxure. Ces successions de péripéties troubles et délétères, remarquablement structurées dans une mise en scène géométrique ne sombrent jamais dans le ridicule, une fois n'est pas coutume. Elles sont en outre renforcées de la sobre conviction des comédiens, d'une atmosphère d'angoisse particulièrement tangible et d'un score monocorde discrètement envoûtant. Esthétiquement raffinée par son pouvoir d'étrangeté magnétique, la demeure des damnés est agrémentée de pièces picturales. Chambres de velours d'un pourpre flamboyant, immense salle de séjour azurée émaillée d'un mobilier aristocratique, tout comme ces longs corridors aux teintes sépia. Mais la salle la plus hermétique émane du refuge mystique d'une chapelle opaque, sombre lieu de tragédie érigé en interne de l'établissement et réponse à la clef d'un terrible secret ! Parmi la prestance notoire des comédiens, la charmante Pamela Franklin endosse à mes yeux le jeu le plus prédominant et extravertie. Son charisme de médium imperturbable, sa détermination à persister à ses confrères que la maison s'avère possédée par l'esprit du rejeton de Belasco s'avérant aussi incisive que tranchante auprès de son jeu d'expression littéralement déterminée. Enfin, par leur présence mature raffinée, le génial cabotin Roddy McDowall, la délicieuse Gayle Hunnicutt et le robuste Clive Revill (aux faux airs de David Warner !) renforcent communément l'attrait crédible des situations surnaturelles avec une autorité somme toute conflictuelle.


D'un gothisme rutilant à damner un saint, La Maison des Damnés est sans conteste un chef-d'oeuvre de l'épouvante aussi trouble et angoissant que passionnant et terrifiant (les agressions contre le Dr Barret, l'attaque du chat noir, l'épilogue révélateur confiné dans la chapelle est anthologique !). Un habile concentré d'appréhension et de fascination auprès de son thème spirituel dont l'ambiance ombrageuse et l'évolution psychologique des personnages importent plus que la facilité du gore mainstream ici quasi absent. Sans plisser d'une ride, il peut sans rougir entrer dignement au privilège des classiques incontournables du genre tant il continue d'ensorceler l'esprit (avec moult questions en suspens) sitôt le générique clos. 

*Bruno
Un grand merci à Filesdrop.com
10.05.12. 
23.11.23. 5èx


HELL

Photo empruntée sur Google, appartenant au site khimairaworld.com   
de Tim Fehlbaum. 2011. Allemagne. 1h32. Avec Hannah Herzsprung, Lars Eidinger, Stipe Erceg, Lisa Vicari.

FILMOGRAPHIE: Tim Fehlbaum est un réalisateur, scénariste, directeur de la photo allemand.
2003: Für Julian (court)
2004: Nicht meine Hochzeit (court)
2006: Wo is Freddy ? (court)
2011: Hell

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Pour son premier long-métrage, le réalisateur germanique Tim Fehlbaum souhaite élaborer une rigueur formelle à son récit apocalyptique d'une écologie désincarnée. Par sa volonté esthétique probante jalonnée de décors sporadiques, Hell approuve également son intérêt par la dimension cafardeuse de survivants livrés à un despotisme primaire.

2016. En 4 ans, la température de l'atmosphère a augmenté de 10 degrés. Les réserves d'eau et de nourriture s'épuisent. Les structures sociales ont disparu...
Un quatuor de rescapés tentent de survivre dans ce monde désuni, asservi par une horde de cannibales. 
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Après avoir salué le soin esthétique accordé à son univers aride d'un climat solaire en décrépitude, le réalisateur réussit la gageure de nous convaincre que notre planète n'est qu'un amas de terre décharnée auquel une poignée de survivants tentent d'y survivre en interne des forêts clairsemées. Pour mieux subir une chaleur suffocante, nos derniers héros ont endossé des vêtements soyeux, casquettes et lunettes de soleil en guise de camouflage. A bord de leur véhicule, Philippe, Marie, Léonie et un quidam solitaire traversent les routes bucoliques en quête d'une contrée plus harmonieuse, où la nourriture et l'eau seraient une aubaine inespérée. Par malchance, ils vont se confronter durant leur itinéraire à une confrérie de cannibales planqués dans un bâtiment agricole. Dénués de moralité (même si rattaché à leur semblant de foi catholique) et en proie à une sauvagerie éperdue, faute d'une existence primitive, ces barbares sont délibérés à appréhender de la chair humaine pour subvenir à leur besoin nutritif. Tout aussi assoiffés et affamés, nos résistants blottis dans leur véhicule blindé vont finalement devoir porter assistance à l'une de leur camarade, Léonie, subitement séquestrée par ces antagonistes faméliques.


Le scénario orthodoxe éludé de surprise ne souhaite pas renouveler la prescience du "Jour d'après". Avec pudeur et économie de moyens, le réalisateur souhaite retranscrire au mieux (mais sans esbroufe spectaculaire) la photogénie chaotique d'un climat solaire asphyxiant. Ce sentiment tangible de claustration est d'autant plus rendu prégnant par la fébrilité humaine des interprètes tentant désespérément de se soustraire à l'allégeance d'insurgés sans éthique. C'est cette ambiance désespérée d'isolement et désolation et les faibles enjeux de survie octroyés à nos protagonistes qui rendent l'aventure continuellement efficiente.
La dernière partie, beaucoup plus vigoureuse laisse place à une action cinglante parfois violente dans l'évasion improvisée de nos protagonistes. Cet échappatoire encouru de prime abord par notre héroïne esseulée n'est pas non plus exempt d'un certain suspense oppressant quand elle se réfugie dans le refuge restreint d'un abattoir suintant la mort et la puanteur. ATTENTION POILER !!! Enfin, pour parachever, son point d'orgue capital se culmine vers une traque échevelée à travers champs pour nos fuyards essoufflés, pourchassés par la horde primitive, et aveuglés par la lumière écrasante d'un soleil terrassant. FIN DU SPOILER.


Au final, Hell est une série B germanique au scénario convenu mais transcendé par la vraisemblance d'un univers aride et suffocant, de personnages convaincants ancrés dans un frêle désespoir et d'un argument pessimiste efficacement troussé. 
Dispensable mais mérite néanmoins le coup d'oeil pour sa réalisation appliquée et son climat dépaysant. 
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Un grand merci à Khimairaworld.com
09.05.12
Bruno Matéï

lundi 7 mai 2012

LES CRIMES DE SNOWTOWN (Snowtown). Prix du Jury au festival d'Adélaïde.

Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemovies.fr
de Justin Kurzel. 2011. Australie. 2H00. Avec Daniel Henshall, Lucas Pittaway, Craig Coyne, Richard Green, Louise Harris, Anthony Groves, Brendan Rock, Frank Cwiertniak, Bob Adriaens, Bryan Sellars.

Sortie salles France: 28 Décembre 2011. Australie: 19 Mai 2011

Récompenses: Prix du Jury au festival du film d'Adélaïde
Prix FIPRESCI au Festival de Cannes 2011 pour Justin Kurzel

FILMOGRAPHIE: Justin Kurzel est un réalisateur et scénariste australien.
2005: Blue Tongue (court)
2011: Les Crimes de Snowtown
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D'après un fait divers notoire survenu entre 1992 et 1999, le réalisateur Justin Kurzel nous retrace avec Les crimes de Snowtown la dérive meurtrière d'un serial-killer, John Bunting. Avec l'aide de complices, il commit une douzaine de meurtres dans une banlieue désoeuvrée de l'Australie par simple esprit de vengeance et d'homophobie. Dans une contrée du nord d'Adelaïde en Australie, Jamie et ses frères vivent de manière précaire avec leur mère divorcée. Molesté d'attouchements sexuels par l'un de leur voisin, les trois frères se réfugient dans le mutisme, faute d'humiliation contrariée. Mais un jour débarque John Bunting, un homme à l'apparence affable et accueillant, épris d'affection pour leur mère. Jamie voit en lui le père idéal qu'il n'a jamais pu connaître. 
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Dans l'ambiance blafarde d'une contrée isolée du nord de l'Australie, Les Crimes de Snowtown nous relate le triste quotidien d'une famille désoeuvrée laminée par le chômage et la fréquentation miteuse d'une population marginale. A travers le désespoir toujours plus abrupt d'un adolescent introverti sexuellement abusé, le réalisateur souhaite mettre en exergue sa déchéance morale par la faute d'un conjoint faussement indulgent. Verdeur d'un hyper réalisme proche du documentaire et terne photographie plongent nos protagonistes incultes dans la grisaille de leur commune insalubre. Cette tragédie sordide côtoyant le marasme auprès du spectateur incommodé par tant de haine relate une dégénérescence mentale d'un jeune garçon timorée. Un souffre-douleur solitaire et fragile, livré à la paternité d'un sociopathe adepte de torture barbare. De manière jusqu'au-boutiste, nous allons suivre son implication au meurtre par la volonté drastique d'un justicier expéditif, déversant sa haine sur les handicapés, drogués et homos. Sa vocation essentielle: nettoyer l'agglomération des quidams pervertis par la pédophilie, l'alcool ou la drogue, tout en stigmatisant une profonde aversion pour les homosexuels.
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Par sa condition sociale infortunée et l'absence de tous repères moraux et affectifs (en dehors de la bonhomie aigrie de sa mère taciturne), Jamie va peu à peu se laisser happer par la folie meurtrière d'un exterminateur et ses complices décérébrés. Un insurgé habité par son intolérance, dictant sa loi réactionnaire pour restaurer une justice laxiste. Au départ réfractaire d'être le témoin malgré lui d'actes de tortures et de meurtres infligés sur les victimes molestées, l'adolescent finira néanmoins par accepter cet endoctrinement en mettant fin aux douleurs d'un supplicié moribond (la séquence insoutenable de sadisme est d'un réalisme si viscéral qu'elle provoque successivement malaise et nausée). Avec l'interprétation exceptionnelle de comédiens amateurs (Daniel Henshall et Lucas Pittaway sont époustouflants de déshumanisation déchue dans leur complicité antinomique), le film de Justin Kurzel nous éprouve implacablement jusqu'à l'asphyxie par son atmosphère irrespirable d'une misère humaine laissée pour compte. Ce sentiment d'abandon, d'injustice et de désoeuvrement soumis à la précarité de citoyens incultes, la banalité de leur quotidien morne et désenchanté vont finalement mener certains individus au meurtre crapuleux régit par une idéologiste fasciste. La lourdeur du score ténébreux d'Emilio Kauderer décuplant une rythmique de pulsations angoissées doit également beaucoup à l'intensité monolithique de cette besogne mortuaire.
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Toute société à les crimes qu'elle mérite
D'un naturalisme rugueux, viscéralement cafardeux et noyé d'amertume par l'abdication d'une misère sociale livrée à elle même, Les Crimes de Snowtown est un drame sordide dont il est difficile de s'en extraire. L'histoire vraie et poisseuse d'un cas de serial-killer utilisant de manière perfide une doctrine vindicative pour avilir l'innocence d'un rejeton désorienté. La verdeur putassière et l'impact émotionnel qui émanent du désoeuvrement immoral de nos protagonistes nous laissent dans l'obscurité sitôt le générique bouclé. Un classique à en devenir pour ce premier essai dont la maîtrise acérée de la mise en scène laisse pantois !
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La Sentence de la juridiction
Le 20 Mai 1999, la police découvre des cadavres dans des barils, dans une banque désaffectée à Snowtown. Deux autres corps sont retrouvés enterrés dans un jardin.
Le 21 Mai 1999, plusieurs personnes sont arrêtées. Robert Wagner plaide coupable de trois meurtres. Il est reconnu coupable de dix. Mark Haydon est coupable d'avoir été complice de sept meurtres.
Le pire tueur en série d'Australie, John Bunting, coupable de onze meurtres et condamné à perpétuité. Le 6 Septembre 2001, Elisabeth Harvey meurt d'un cancer. Elle n'a jamais été condamnée pour sa participation au meurtre de Ray Davies. Jamies Vlassakis plaide coupable de quatre meurtres. Il est condamné à vie, dont 26 ans incompressibles. Ayant témoigné contre ses co-accusés, il purge sa peine sous un faux nom dans un lieu secret. En 2025, les autorités décideront s'il doit être relâché ou non. Il aura 45 ans.
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Un grand merci à Cinemovies.fr
07.05.12
Bruno Matéï

vendredi 4 mai 2012

L'INVASION DES ARAIGNEES GEANTES ( The Giant Spider Invasion)


                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site movi.ca

de Bill Rebane. 1975. U.S.A. 1h27. Avec Robert Easton, Leslie Parrish, Steve Brodie, Barbara Hale

Sortie salles U.S: 01 Octobre 1975            

FILMOGRAPHIE (info wikipedia): Bill rebane est un réalisateur, producteur, scénariste, auteur américain, né le 8 février 1937 à Riga en Lettonie.
1965: Monster A Go-go. 1974: Invasion from inner Earth. 1975: l'Invasion des Araignées Géantes. 1975: Croaked: Frog Monster from hell. 1978: The Alpha Incident. 1979: The Capture of Bigfoot
1983: The Demons of Ludlow. 1984: The Game. 1987: Twister's revenge ! Blood Harvest


En pleine vogue du film de terreur catastrophiste initié par Spielberg avec les Dents de la mer, un tâcheron adepte du mini budget et du film de monstres prend le risque la même année (et à 4 mois d'intervalle de la sortie du 1er Blockbuster de l'histoire !) de réaliser une série Z mettant en vedette des arachnides extra-terrestres !!! Avec l'attirail risible de trucages aussi bricolés que nos anciennes productions des années 50, l'invasion des Araignées Géantes s'embourbe dans un grotesque hilarant à daigner nous terrifier autour de monstres articulés ! Une météorite s'écrase près d'une contrée bucolique des Etats-Unis. Des cocons s'extraient de la crevasse et libèrent des araignées d'une origine inconnue. En prime, des diamants sont également retrouvés à l'intérieur des coquilles. Quelques instants après l'incident, un couple de fermiers découvre que leur bétail a été horriblement mutilé. Pendant ce temps, des scientifiques tentent de découvrir l'origine de cette météorite. 


Amateurs d'authentiques nanars du samedi soir, ne ratez pas ce fleuron Bisseux se vautrant spontanément dans la nullité avec une bonhomie irrésistible. Le scénario cité plus haut est une aberration du 3è type à lui seul tant il semble avoir été écrit sous substance psychotrope. Et la mise en scène aseptisée constitue un florilège de maladresses et de non-sens impayable ! Mais la palme du ridicule émane de nos charmantes arachnides réalisées avec les moyens séculaires des années 50, et d'une galerie de protagonistes décervelés cabotinant sans complexe. Que ce soit les rednecks alcoolos ou érotomanes, le couple de chercheurs extrapolant sur des divagations scientifiques, le prédicateur loquace présageant à n'en plus finir l'apocalypse ou encore le shériff déconcerté à l'idée de savoir qu'une araignée de 15 mètres de haut sème la terreur dans sa région. D'ailleurs, au fameux point d'orgue d'une panique urbaine, notre représentant de l'ordre nous exclamera une boutade dont seules les séries Z sont capable de transgresser ! Pour preuve, s'adressant ironiquement par transmetteur CB à son collègue scientifique, il déclare: "Vous avez vu le film Les Dents de la mer ? Ce requin par comparaison c'est un poisson rouge !"


Pourtant, la première partie laborieuse illustrant deux chercheurs s'évertuant à trouver une solution rationnelle à la catastrophe a de quoi ennuyer pour laisser craindre le pire. Mais les vicissitudes suivantes imparties à des protagonistes crétins insuffle un climat extravagant relativement débridé. Le réalisateur s'attardant aux batifolages de métayers occupant leur temps à flâner, boire ou copuler lorsqu'il ne s'agit pas de revendre des diamants ou planquer des cadavres mutilés dans leurs champs. Pendant ce temps d'inactivité, l'invasion prend peu à peu une tournure davantage alarmiste si bien que nos araignées se faufilent dans les demeures champêtres pour agresser leurs occupantes dénudées. Au départ de taille ordinaire, ces dernières venues d'une galaxie si lointaine vont atteindre une dimension gargantuesque pour déchirer les cloisons des maisons et appréhender les quidams blottis à l'intérieur ! Paradoxalement, et pour renforcer l'horreur des situations, les effets chocs font preuve d'une violence sanguine gentiment effrontée quand bien même les moments de panique s'accumulent à une cadence régulière pour aboutir au fameux point d'orgue catastrophiste (façon Jaws !). En effet, une gigantesque araignée (articulée par câble et accrochée sur une voiture camouflée afin de simuler ses rapides déplacements) va foutre le zouc dans un parc d'attraction en accourant vers des centaines de bambins affolés ! La séquence hilarante, mise en scène avec nervosité, constituant un moment de défouloir halluciné !


Avec sa musique monocorde multipliant les sonorités spatiales, ses personnages nigauds à la trogne d'ahuri, ses dialogues saugrenus et ses araignées géantes occultant d'improbables diamants, l'Invasion des Araignées Géantes transcende une forme de nanar cartoonesque à inscrire dans les annales du "Craignos monster" !

Dédicace à l'antredubisetdel'exploitation
Un grand merci à movi.ca
04.05.12.
Bruno Dussart

jeudi 3 mai 2012

LE MASQUE DU DEMON (La maschera del demonio)

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Intemporel.com

de Mario Bava. 1960. Italie. 1h23. Avec Barbara Steele, John Richardson, Andrea Checchi, Ivo Garrani, Arturo Dominici, Enrico Olivieri, Antonio Pierfederici, Tino Bianchi, Clara Bindi.

Sortie salles France: 29 Mars 1961. U.S: 15 Février 1961
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FILMOGRAPHIE:  Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie).
Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo.
1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte1947 : Legenda sinfonica1947 : Anfiteatro Flavio1949 : Variazioni sinfoniche1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire  , 1972 : Quante volte... quella notte1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).

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En 1960, alors que les succès de la Hammer sont au firmament (2 ans au préalable sortait sur les écrans Le Cauchemar de Dracula), un directeur de la photographie s'entreprend de concurrencer la célèbre firme anglaise avec un long-métrage réalisé en noir et blanc, tiré d'un conte russe de Nicolas Gogol (Vij). Le masque du Démon est également l'occasion de révéler au grand public une jeune débutante du nom de Barbara Steele. 50 ans plus tard, ce chef-d'oeuvre du gothique transalpin reste le plus beau film en noir et blanc jamais photographié ! Au 17è siècle, alors qu'une sorcière et son amant sont condamnés au bûcher, celle-ci jure de se venger. Deux siècles plus tard, par la faute d'un médecin et de son adjoint, les revenants s'exhument de leur tombe pour importuner les héritiers de la famille Vadja. 
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Dans une atmosphère typiquement latine par son goût prononcé pour la sensualité morbide, Le Masque du Démon constitue la quintessence du cinéma d'épouvante. Un génie de la photographie réalise pour la première fois de sa carrière un long-métrage horrifique inspiré d'un conte russe. Dans un florilège d'images flamboyantes alternant esthétisme charnel et baroque ténébreux, Le Masque du Démon se contemple comme un superbe livret d'images un soir d'hiver de pleine lune. Dès la séquence d'ouverture, le ton est donné ! Sous une nuit automnale chargée de brume où des arbrisseaux faméliques sont dénudés de verdure, des bourreaux encapuchonnés préparent leur rituel pour supplicier deux amants accusé de vampirisme. Attachés contre un pylône, leur visage sera transpercé d'un masque de bronze orné de pointes. L'ambiance macabro-onirique qui émane de l'atmosphère crépusculaire et le soin du cadrage accordé à ces images picturales relèvent de l'art gothique ! La suite n'est qu'un florilège d'images dantesques conçues pour entraîner le spectateur dans un cauchemar chargé de références au mythe vampirique. Chaque péripétie encourue par nos protagonistes semble avoir été façonnée pour nous garder en mémoire de saisissantes plages d'onirisme. Que ce soit la découverte de la chapelle décharnée par deux visiteurs égarés, la première apparition de Katia accompagnée de deux dobermans, la promenade à travers bois d'une fillette intimidée par le bruit d'un bosquet, ou encore la résurrection de la sorcière dans une crypte archaïque. Tout n'est ici qu'effervescence, splendeur, apparat au sein d'une horreur séculaire.
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Passées ces plages de poésie rutilante et après l'exhumation des amants d'outre-tombe, la narration linéaire se focalise sur un chassé croisé entre les morts et les vivants, réfugiés dans un château rempli de chausses-trappes. Un à un, les membres de la famille Vadja vont être persécutés ou possédés par l'esprit maléfique d'Asa et Igor. Tandis que l'assistant du Dr Kruvajan, secrètement amoureux de Katia (sosie d'Asa), va tout mettre en oeuvre pour tenter de la sauver. Impossible d'occulter la prestance magnétique de l'égérie de l'horreur vintage, Barbara Steele ! D'une beauté ténébreuse dans sa physionomie sensuelle et son regard perçant aux yeux noirs, la reine du mal crève l'écran dans sa posture de sorcière délétère. Mais l'actrice se paye également le luxe de nous envoûter de manière suave en endossant le second rôle de la princesse Katia, victime asservie par sa propre descendance ! Divine et opaque à en mourir ! Parfois audacieux dans certains effets chocs graphiques, Mario Bava n'hésite pas provoquer pour transgresser une horreur poético-morbide. A l'instar du cadavre découvert au bord de la rivière, du visage putréfié d'Igor s'exhumant de sa tombe, de la résurrection corporelle d'Asa où des insectes jaillissent de ses orbites, du crapaud sautillant dans la boue ou encore de l'immolation du prince Vajda. Il y a également un trucage fort adroit à souligner lorsque Katia se retrouve possédée par le corps d'Asa, son visage enlaidi se mettant brusquement à vieillir sous nos yeux. Un procédé ingénieux fondé sur un jeu de lumières colorées (déjà expérimenté sur Dr Jekyll et Mr Hyde de Rouben Mamoulian), uniquement réalisable dans une photographie en noir et blanc !

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Les Amants d'outre-tombe
Sans jamais imiter ses illustres modèles de la firme anglaise, Mario Bava nous livre ici sa touche personnelle du mythe vampirique avec une fulgurance macabre à damner un saint ! Car d'une beauté sépulcrale ensorcelante, Le Masque du Démon ne ressemble finalement à rien de connu. Il reste l'œuvre d'un cinéaste expérimental n'hésitant par à prôner une photo monochrome au moment même où la Hammer Film continuait de faire jaillir ses couleurs avec flamboyance !

Un grand merci à Intemporel.com
03.05.12.
Bruno Matéï


mercredi 2 mai 2012

FRAGILE (Fragiles). Prix du Jury à Gérardmer, 2006

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site forum.plan-sequence.com

de Jaume Balaguero. 2005. Espagne. 1h41. Avec Calista Flockhart, Elena Anaya, Yasmin Murphy, Gemma Jones, Richard Roxburgh, Colin McFarlane, Michael Pennington, Daniel Ortiz.

Sortie salles Espagne: 14 Octobre 2005. France: 14 Avril 2006

Récompenses: Meilleure Photographie et Meilleur Montage au Festival du film de Barcelone, 2006
Meilleurs effets spéciaux au Prix annuel de l'Académie Goya, 2006.
Prix du Jury, Prix du Jury Jeunes, Prix du Public l'Est Républicain, Prix 13è Rue à Gérardmer, 2006

FILMOGRAPHIEJaume Balaguero est un réalisateur et scénariste espagnol d'origine catalane, né le 2 Novembre 1968 à Lérida.
1999: La Secte sans Nom. 2002: Darkness. 2005: Fragile. 2006: A Louer (moyen métrage). 2007: REC (co-réalisé avec Paco Plaza). 2009: REC 2 (co-réalisé avec Paco Plaza). 2011: Malveillance.


Trois ans après Darkness, hommage nihiliste au Shining de Kubrick, Jaume Balaguero s'entreprend avec Fragile de nous conter une délicate ghost story sur fond de maltraitance infantile. Ovationné à Gérardmer à sa sortie, ce conte macabre s'enrichit en prime d'une intensité émotionnelle en crescendo dans un final faste et bouleversant. Après un grave accident ayant causé la mort d'un enfant, une infirmière renoue avec sa profession en acceptant un poste de nuit dans hôpital. Sur place, parmi la communauté d'enfants malades, elle fait la rencontre de Maggie, une fillette introvertie atteinte de  mucoviscidose. Celle-ci va lui confier qu'une étrange personne du nom de Charlotte les importune durant leur nuit de sommeil. 
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Prenant pour cadre feutré l'ambiance inquiétante d'un centre hospitalier, Fragile nous relate une sombre histoire d'enfants molestés par une présence diabolique. Une infirmière affable, Amy, va tenter de découvrir la vérité par l'entremise de Maggie, une fillette gravement malade et terrifiée par la menace invisible d'une "présence mécanique" ! Prénommée Charlotte, ce fantôme errant semble daigner embrigader les enfants au sein de l'hôpital en leur fracturant violemment l'ossature corporelle. D'autant plus que chaque patient doit prochainement être transféré vers une autre clinique, faute de délabrement industriel. Après diverses recherches, Amy va découvrir la vérité d'un secret éhonté, occulté depuis plus de 40 ans par l'administration hospitalière. Un fait divers sordide lié à l'asservissement d'une enfance martyrisée. Avec sensibilité prude et un humanisme fébrile, Jaume Balaguero nous dépeint la relation maternelle d'une infirmière particulièrement attentive au sort précaire d'enfants malades. Déjà fustigée par un évènement antécédent ayant coûté la vie à un enfant contre sa négligence, Amy redouble d'attention et d'amour à daigner préserver chaque vie infantile. Durant une large majorité du métrage, le réalisateur va s'attacher à compromettre la rationalité de son héroïne, davantage impliquée dans une suite d'incidents inexpliqués. Ayant pour seul témoignage la parole candide de Maggie, l'infirmière va donc mener une véritable investigation autour de l'établissement pour connaître le véritable mobile de ces sombres évènements. Avec une émotion vulnérable portant atteinte au sort candide de l'enfance estropiée, Fragile accorde beaucoup d'intérêt psychologique au traitement anxiogène de ces personnages. Renforcé d'une narration intelligente réfutant l'esbroufe grand-guignolesque, le réalisateur souhaite de prime abord nous attendrir sans fioriture vers une délicate ghost story aussi angoissante que poignante.


Sa dernière partie haletante et oppressante, car laissant libre court à une terreur cinglante (l'apparence spectrale glace le sang !) rivalise de coups de théâtre inopinés, de péripéties virulentes avant de nous précipiter vers une sublime rédemption philanthrope. C'est son point d'orgue poétique célébrant un magnifique hommage au baiser salvateur d'un illustre film d'animation, la Belle au bois dormant, qui achemine Fragile au rang d'oeuvre solennelle. Si la petite comédienne Yasmin Murphy se révèle surprenante de naturel dans le rôle d'une infirme incurable, Calista Flockhart décuple un pouvoir émotionnel dans celle d'une infirmière délibérée à transcender son passé galvaudé. Une héroïne pugnace entièrement dévouée à préserver la vie des bambins tourmentés, parfois physiquement maltraités (notre spectre brime à sa guise vindicative les os fracturés de certains enfants !).


Fantôme d'amour
Baignant dans un climat d'inquiétude et d'angoisse latente, Fragile est une magnifique ghost story ancrée dans l'humanité de ses personnages caressant une foi spirituelle. Renforcé par la conviction d'une narration ombrageuse à la tension grandissante, ce poème sur l'amour infini provoque autant d'appréhension que d'émotion gracile pour l'innocence sacrifiée. 
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Un grand merci à forum.plan-sequence.com
02.05.12




lundi 30 avril 2012

MALVEILLANCE (Mientras duermes, Sleep Tight)

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemovies.fr

de Jaume Balaguero. 2011. Espagne. 1h42. Avec Luis Tosar, Marta Etura, Alberto San Juan, Iris Almeida, Petra Martinez, Carlos Lasarte, Pep Tosar, Margarita Roset, Oriol Genis, Amparo Fernandez.

Sortie salles France: 28 Décembre 2011. U.S: 23 Septembre 2011. Espagne: 14 Octobre 2011

FILMOGRAPHIE: Jaume Balaguero est un réalisateur et scénariste espagnol d'origine catalane, né le 2 Novembre 1968 à Lérida.
1999: La Secte sans Nom. 2002: Darkness. 2005: Fragile. 2006: A Louer (moyen métrage). 2007: REC (co-réalisé avec Paco Plaza). 2009: REC 2 (co-réalisé avec Paco Plaza). 2011: Malveillance.

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Après sa quadrilogie Rec, Jaume Balaguero revient en solo pour nous convier à un suspense hitchcockien dans la tradition respectueuse du genre. Ambiance angoissante sous-jacente, gestion minutieuse d'un suspense implacable, densité narrative et portrait incisif d'un tueur abordable sont agencés pour nous engendrer un thriller studieux. Un gardien d'immeuble dépité d'une existence morne comble son ennui en molestant ses locataires par rancoeur vindicative. Secrètement épris d'affection pour la jeune Clara, César décide de planifier une combine machiavélique pour parfaire son désir.  
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Dans le huis-clos d'un immeuble serein, Malveillance nous illustre la solitude d'un gardien aigri incapable d'accéder au bonheur, faute de l'intransigeance d'une société déloyale. Pour apporter un sens à la miséricorde de son destin, il occupe son temps à perpétrer des actes frauduleux envers les citadins prospères qu'il côtoie aimablement. Et cela en dépit de l'arrogance d'une gamine effrontée, opérant sur lui le chantage d'une extorsion d'argent sous la menace de révéler au grand jour des infos compromettantes. Mais depuis quelques jours, César se focalise sur l'une de ses folichonnes locataires pour l'asservir durant ses nuits de sommeil. En effet, chaque soir, il s'insinue sous le lit de sa victime, attendant avec un flegme impassible qu'elle puisse s'endormir pour la droguer contre son gré grâce à une drogue anesthésiante. César semble donc délibéré à daigner détruire la vie de cette séduisante célibataire. Mais l'arrogance d'une fillette un peu trop curieuse et la nouvelle idylle de Clara entamée avec un amant circonspect vont compromettre ses ambitions.
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Dans une ambiance lourde et subtilement inquiétante, Jaume Balaguero nous concocte un oppressant suspense autour d'un personnage austère bâti sur son caractère particulièrement insidieux. L'habileté du scénario remarquablement élaboré émane de cette attitude couarde d'un tueur infortuné perpétrant des exactions délétères afin de se justifier un but existentiel. Un script efficient puisant sa force par cette confrontation inhabituelle entre la victime, persécutée dans son sommeil par un tortionnaire combinard. C'est ce sentiment d'impuissance pour le spectateur d'assister au calvaire récursif d'une victime immolée contre son gré qui exacerbe un suspense haletant en constante ascension. En prime, le réalisateur nous dépeint le portrait subversif d'un tueur contestataire. Un gardien d'immeuble dépressif mais lucide d'un monde terni par l'égocentrisme, l'affabulation et la cupidité. Pour interpréter ce personnage psychologiquement renfrogné, Luis Tosar se révèle parfait de fourberie mesquine dans la peau d'un tueur impassible. Il faut le voir se recueillir dans une chambre d'hôpital auprès de sa mère mourante pour lui débiter sans faillir ses confessions intimes liées à une rancoeur misogyne. Spoiler ! Profondément dépité d'une civilisation irréductible, sa déroute le mènera par ailleurs jusqu'au suicide rédempteur, avant de pouvoir se raviser in extremis grâce au retour précipité de Clara Fin du Spoiler. La force du personnage découle donc de ses états d'âme lamentés et de son affliction à ne pouvoir s'accepter soi même. On se surprend alors à éprouver une certaine compassion pour sa solitude meurtrie, cette défaite intrinsèque à n'avoir pu s'insérer dans une société égotiste..

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Son bonheur, c'est votre malheur
Mis en scène sans esbroufe car privilégiant un climat ombrageux dans la conduite narrative d'un script machiavélique, Malveillance est un thriller à suspense beaucoup plus finaud qu'il n'y parait. Pour s'en convaincre, il faudra attendre l'immoralité d'un épilogue audacieux pour comprendre les tenants et aboutissants d'un tueur miséricordieux acheminé vers une quête salvatrice du bonheur. La sobriété des comédiens, renforcée par le portrait cynique du criminel et les multiples rebondissements qui émaillent l'intrigue sont autant d'atouts solides pour tenir en haleine l'amateur de suspense cérébral. 

30.04.12
Bruno Matéï

vendredi 27 avril 2012

Chronicle

                                                     Photo empruntée à Google, appartenant au site Allocine.fr

de Josh Trank. 2012. U.S.A. 1h29 (version longue). Avec Dane DeHaan, Alex Russell, Michael B. Jordan, Michael Kelly, Ashley Hinshaw, Anna Wood, Rudi Malcolm, Luke Tyler, Armand Aucamp.

Sortie salles France: 22 février 2012. U.S: 3 Février 2012

FILMOGRAPHIE: Josh Trank est un réalisateur, scénariste, monteur, acteur, producteur américain, né le 19 Février 1985 à Los Angeles, Californie. 2012: Chronicle
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           Avertissement ! Il est préférable de visionner le film avant de lire ce qui va suivre.

Empruntant le concept en vogue du Found footage avec une efficacité perpétuelle, Josh Trank, cinéaste novice puisqu'il s'agit de son 1er long, exploite avec autant d'intelligence que d'originalité la thématique du super-héros afin de nous alerter sur le malaise existentiel d'une jeunesse pro real TV avide de reconnaissance populaire. Le PitchTrois lycéens se découvrent des super-pouvoirs après avoir été en contact avec une matière insolite confinée dans une grotte. Si au départ leur don surhumain est un jeu de distraction pour épater ou brimer leurs camarades, l'un des trois acolytes se laisse peu à peu influencer par une folie autodestructrice.  


Chronicle prend pour thème ludique le mythe du super-héros à travers la quotidienneté d'adolescents en quête identitaire. Cela débute par des blagues de potaches, tel le fait de retrousser à distance les jupes des filles, faire flotter dans les airs un ours en peluche ou encore déplacer la voiture d'un parking à un autre emplacement. C'est ensuite qu'intervient le premier incident commis par Andrew, le plus fragile du trio, faute d'un père alcoolique abusif. Sur une aire d'autoroute, après avoir été contrarié par un conducteur empressé, Andrew lui causera volontairement un accident en le faisant dévier de sa trajectoire. C'est à cet instant précis que le trio prend soudainement conscience du danger létal que peut causer leur pouvoir potentiellement destructeur. Ce qui n'empêchera pas Steve de réussir quelques instants plus tard l'exploit de se maintenir dans les airs jusqu'à entreprendre de voler, tel Superman, en amont des nuages. Nos comparses stimulés par le rêve et l'évasion élaboreront ensuite quelques numéros prodiges lors d'un spectacle de magie afin d'épater et gagner la popularité du public. Quand bien même Andrew escompte enfin son premier rapport sexuel avec une jeune courtisane lors d'une rave party, et ce avant de se heurter à l'abus d'alcool.


C'est donc du côté du profil complexé d'Andrew que la narration amorce une tournure beaucoup plus radicale et alarmiste. Faute d'une relation parentale tempétueuse, d'une mère mourante et surtout d'un père condescendant, le rejeton profitera de ses facultés télékinésiques pour extérioriser sa haine punitive en provoquant des actes violents de vandalisme puis blesser son entourage. De son mal-être existentiel et névrosé en quête de reconnaissance affective, le réalisateur y extrait une réflexion sur l'avilissement du pouvoir le plus souverain. De par son sentiment mégalo de se prétendre indestructible, son aptitude à pouvoir contrôler et régir son entourage par sa volonté cérébrale émane sa suprématie d'annihiler la terre ! Ainsi, à travers une violence visuelle ultra homérique, la colère préalablement introvertie d'Andrew  explose littéralement lors d'un fracas de destruction urbaine massive ! Et niveau pyrotechnie, les séquences apocalyptiques de dévastation métropolitaine sont transfigurées d'FX inventifs soumis à la psychologie torturée de l'anti-héros, alors que les fans du genre se remémoreront facilement le manga culte Akira de Katsuhiro Ōtomo.


L'Enfant Cauchemar
Original et fun par son traitement ultra réaliste, puis davantage inquiétant et anxiogène au fil d'un récit à la progression dramatique implacable oscillant malaise et terreur, Chronicle détonne par son vérisme documenté d'une intensité borderline (de par ses sentiments dichotomiques de réjouissance et d'appréhension que le spectateur ressent face à un pouvoir aussi absolu). La prestance spontanée des comédiens d'autant plus inconnus et la mise en scène ambitieuse déployant des séquences hallucinées de destruction massive nous acheminant à la cacophonie la plus cauchemardesque. Enfin, sa réflexion sur la solitude d'une jeunesse virtuelle ("j'ai décidé de tout filmer", dixit le héros en préambule !) obnubilé par le pouvoir de l'image et la célébrité nous laisse un goût aigre dans la bouche. 

* Bruno
27.04.12
11.09.23