vendredi 7 décembre 2012

TOP 10, 2012

1) Les Bêtes du Sud Sauvage

2) Take Shelter

3) De Rouille et d'Os

Dans le désordre:
Bullhead


Killer Joe


The Dark Knight Rises


Le Territoire des Loups


Cheval de Guerre


Chained


Les Crimes de Snowtown


Les 3 recalés faisant office de petit "coup de coeur" :
Prometheus


Le Hobbit


Bellflower




Rétrospective, coup de coeur 2012:
Let's Scare Jessica to Death
L'Autre


LA SERIE DE L'ANNEE :


Top 10 de François Burnouf
Bullhead
Bellflower
Shame
Kill List
De Rouille et d'Os
Martha Marcy May Marlene
The Descendants
Malveillance
Le Territoire des Loups
Holy Motors
... mais il y a aussi Des Hommes sans loi, Killer Joe, Moonrise Kingdom, The Raid, La Taupe... et ceux que je n'ai pas encore vus comme Take Shelter et Les Bêtes du Sud Sauvage un bon cru cette année

Top 10 de Renaud Benoist 
1. LE HOBBIT UN VOYAGE INATTENDU
2. THE DARK KNIGHT RISES
3. SKYFALL
4. CHRONICLE
5. KILL LIST
6. PROMETHEUS
7. TAKE SHELTER
8. LES BETES DU SUD SAUVAGE
9. SUR LA PISTE DU MARSUPILAMI
10. DE ROUILLE ET D'OS

Top 10 de Fred Pizzoferrato
1) The Avengers
2) The Hobbit
3) The Dark Knight Rises
4) Chillerama
5) Killer Joe
6) The Expendables II
7) Dark Shadows
Seeking a friend for the end of the world
9) La dame en noir
10) Looper ou Safe...

Top 11 d'Isabelle Rocton
1-bellflower,
2-take shelter
3-chained
4-blanche neige et le chasseur,
5-prometheus,
6 - love,
7-war horse,
8-the woman in black,
9-the awakening,
10-de rouille et d'os,
11-chronicle

Top 12 de Pascal Frezzato
Blanche Neige et le Chasseur
Cabin in the Woods
Looper
On the Road
Prometheus
Kidnappés
Shame
Take Shelter
Le Territoire des Loups
The Dark Knight Rises
The Hunter
Le Hobbit

Top 15 de Steven Lefrançois
The Raid
Le Territoire des Loups
Take Shelter
Détention
Beyond the Black Rainbow
Exit Humanity
The Extraterrestrial
God Bless America
War of the Arrows
Dredd
The Agression Scale
Kill List
Prometheus
The Cabin in the Woods
The Dark Knight Rises
Miami Connection

Top 10 de Chantal Roy Brouillard
The Agression Scale
The Raid
God Bless in America
Bad Ass
Dredd
Take Shelter
The Dark Knight Rises
Cold Steel
The Kick
Nameless Gangster

Daniel Aprin: Top 10 Ciné de l'année 2012 (sachant que je n'ai toujours pas vu "Les bêtes du Sud sauvage")
1- Killer Joe
2- Dark Knight rises
3- Bullhead
4- Le territoire des loups
5- Kill List
6- Skyfall
7- Take shelter
8- Prometheus (grande déception, j'aurais aimé qu'il soit premier)
9- De rouille et d'os
10- Snowland
Mention spéciale à Bellflower et coup de coeur "nostalgie jouissive" à Expendables2.

Alexandra Louvet:
1/ TAKE SHELTER 
2/ HOLY MOTORS 
3/ MOONRISE KINGDOM 
4/ LOOPER 
5/ LES BETES DU SUD SAUVAGE 
6/ LES ADIEUX A LA REINE 
7/ LA CLINIQUE DE L'AMOUR 
8/ BULLHEAD 
9/ TWIXT 
10/ CAMILLE REDOUBLE

Gilles Rolland:
1 - LE HOBBIT : UN VOYAGE INATTENDU, de Peter Jackson
2 - TED, de Seth McFarlane
3 - THE DARK KNIGHT RISES, de Christopher Nolan
4 - CHEVAL DE GUERRE, de Steven Spielberg
5 - THE IMPOSSIBLE, de Juan Antonio Bayona
6 - LE TERRITOIRE DES LOUPS, de Joe Carnahan
7 - LOOPER, de Rian Johnson
8 - KILLER JOE, de William Friedkin
9 - TAKE SHELTER, de Jeff Nichols
10 - THE DESCENDANTS, d'Alexander Payne
11 - MILLENIUM : LES HOMMES QUI N'AIMAIENT PAS LES FEMMES, de David Fincher
12 - ARGO, de Ben Affleck
13 - JUSQU'À CE QUE LA FIN DU MONDE NOUS SÉPARE, de Lorene Scafaria
14 - PERFECT SENSE, de David MacKenzie
15 - AVENGERS, de Joss Whedon
16 - DES HOMMES SANS LOI, de John Hillcoat
17 - EXPENDABLES 2, de Simon West
18 - MOONRISE KINGDOM, de Wes Anderson (ex aequo)
18 - 5 ANS DE RÉFLEXION, de Nicholas Stoller
19 - L'ODYSSÉE DE PI, d'Ang Lee
20 - PROMETHEUS, de Ridley Scott

Caroline Masson
THE DARKNIGHT RISES
THE DIVIDE
LAID TO REST
LA CABANE DANS LES BOIS
BABYCALL
THE THEATRE BIZARRE
THE SECRET
THE BARRENS
LA PEAU QUE J'HABITE
AFTER LIFE
RED STATE
LIVIDE
THE VIOLENT KIND
MALVEILLANCE


Hélia Marzloff:
Top 10 année 2012 :
-Hasta la vista Geoffrey ENTHOVEN, Belgique (sortie française mars 2012)
-Órói / Jitters Baldvin ZOPHONÍASSON, Islande 2010 (sortie française juin 2012)
-Starbuck Ken SCOTT, Canada (sortie française juin 2012)
-Moonrise Kingdom Wes ANDERSON, USA
-Martha Marcy May Marlene Sean DURKIN, USA (sortie française février 2012)
-Babycall Pal SLETAUNE, Norvège, Suède et Allemagne (sortie française mai 2012)
-Fa meg pa, for faen / Turn me on! / Turn me on, dammit ! Jannicke Systad JACOBSEN, Norvège (sortie française janvier 2012)
-Almanya. Willkommen in Deutschland / Almanya Yasemin SANDERELI, Allemagne (sortie française mai 2012)
-678 / Les femmes du bus 678 Mohamed DIAB, Égypte 2010 (sortie française mai 2012)
-Louise Wimmer Cyril MENNEGUN, France

Navets vus et sortis en 2012 :
-Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui Pascal ARNOLD et Jean-Marc BARR, France
-Un bonheur n'arrive jamais seul James HUTH, France


Johannes Roger: 
1) Les enfants loups
2) Killer Joe
3) Moonrise kingdom
4) Cheval de guerre
5) Maniac (vu en AVP)
6) God bless America
7) The raid
8) The dark knight rises
9) Frankenweenie
10) Looper
11) L’étrange pouvoir de Norman
12) Paperboy

Quelques déceptions : Expendables 2, The impossible, Prometheus, Kill List, Chronicle…
Un navet : Abraham Lincoln chasseur de vampires
Pas (encore) vu : Argo, The hobbit, Jack Reacher…

Jen Winter:
Bullhead
Exit Humanity 
Take shelter 
De rouille et d'os  
Cloclo 
The hole 
Chained 
Amour 
Les Révoltés de l 'Ile du diable 
Killer joe  
Kill list ...

Alice Morini:
1-AMOUR
2-TYRANNOSAUR
3-L’ODYSSEE DE PI
4-ARGO
5-AU PAYS DU SANG ET DU MIEL
6-PROMETHEUS
7-LAURENCE ANYWAYS
8-CHEVAL DE GUERRE
9- FRANKENWEENIE
10-JACK REACHER
11-DE ROUILLE ET D’OS
12-DETACHMENT
13-THE IMPOSSIBLE
14- BULLHEAD
15-KILLER JOE
16-DES HOMMES SANS LOI
17-TAKE SHELTER
18-THE DEEP BLUE SEA
19-BELLFLOWER
20-LE TERRITOIRE DES LOUPS

John Zardoz Gornas:TOP 15
1/ CLOCLO
2/ LE TERRITOIRE DES LOUPS
3/ DES HOMMES SANS LOI
4/ JOHN CARTER
5/ TED
6/ A.C.A.B ALL COPS ARE BASTARDS
7/ L'ODYSSEE DE PI
8/ LES BETES DU SUD SAUVAGE
9/ LE HOBBIT
10/ L'AGE DE GLACE 4
11/ FRANKENWEENIE
12/ AVENGERS
13/ LES ENFANTS LOUPS AME ET YUKI
14/ SHERLOCK HOLMES JEU D'OMBRES
15/ BATMAN THE DARK KNIGHT RISES

FLOP 15
1/ LA VERITE SI JE MENS 3
2/ ASTERIX AUSERVICE DE SA MAJESTE
3/ SKYFALL
4/ PROMETHEUS
5/ THE DICTATOR
6/ EXPENDABLES II
7/ DE ROUILLE ET D'OS
8/ MOONRISE KINGDOM
9/ TOTAL RECALL
10/ GHOSTRIDER ESPRIT DE VENGEANCE
11/ LES SEIGNEURS
12/ LES KAÏRA
13/ COSMOPOLIS
14/ BATTLESHIP
15/ THE SECRET (tous les films de Laugier en fait)

Paracelsia Le Saigné:
1 - Le Hobbit (je ne l'ai pas vu mais c'est couru d'avance)
2 - Citadel (méga bonne surprise de l'année pour moi)
3 - Insensibles
4 - The Moonrise Kingdom
5 - The Guilty of Romance
6 - Kill List
7 - Des Hommes de Lois
8 - Amour
9 - Headhunters
10- Hasta La Vista

4 MOUCHES DE VELOURS GRIS (Quatre Mosche di Velluto Grigio)

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site t411.me

de Dario Argento. 1971. Italie/France. 1h44. Avec Michael Brandon, Mimsy Farmer, Bud Spencer, Jean-Pierre Marielle, Francine Racette, Calisto Calisti.

Sortie salles France: 21 Juin 1973. U.S: 17 Décembre 1971

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D


Entamé la même année que Le Chat à 9 Queues, 4 Mouches de velours est le dernier volet de la trilogie animale amorcée avec l'Oiseau au plumage de Cristal. Longtemps resté invisible en Dvd (faute de problèmes de droit), il n'était jusqu'à présent uniquement accessible sous diverses éditions Vhs au rabais. Enfin disponible sur support numérique, ce giallo mésestimé renaît de plus belle afin de s'offrir une seconde jeunesse. Un mélomane est la cible d'un criminel perfide. Un mystérieux individu masqué est déterminé à lui faire croire qu'il est responsable du meurtre accidentel d'un quidam interlope. Après la nouvelle découverte du cadavre de sa domestique, le musicien décide d'engager un détective pour tenter de démasquer le tueur. Par l'entremise d'une intrigue criminelle impartie au faux semblant d'une mise en scène emphatique et aux meurtres d'un stylisme raffiné,  Dario Argento nous élabore une troisième fois un alibi animalier parmi l'apparence énigmatique de 4 Mouches. C'est d'ailleurs uniquement vers la révélation de son mémorable point d'orgue que notre héros pourra enfin démasquer le fameux assassin par l'entremise des insectes diptères. Une idée de génie astucieusement acheminée par la révolution d'un procédé technique apte à photographier la dernière image que la rétine d'un oeil eut pu mémoriser avant de trépasser.


Mais bien avant l'improvisation de cette divulgation étourdissante, illustrant de surcroît dans la séquence suivante une mise à mort accidentelle en slow motion du plus bel effet (score mélodique en sus !), Dario Argento nous aura vadrouillé au sein d'une investigation indécise parmi l'assistance de protagonistes excentriques (un détective homosexuel malhabile mais pour le coup perspicace, un facteur souffre-douleur et un pêcheur inopportun). Par ailleurs, les diverses interludes pittoresques qui jalonnent l'intrigue ont de quoi décontenancer le spectateur, d'autant plus que l'adultère impartie entre le héros et la cousine de son épouse s'avère dénuée d'éthique. Elles permettent pour autant d'égayer l'intrigue, voir de déstabiliser la suspicion du spectateur tout en accentuant le caractère insolite de ce giallo émaillé de séquences-chocs incisives. A titre éloquent, le meurtre de la domestique dans le jardin s'avère sans doute le moment anxiogène le plus expérimental et suffocant à travers ses ellipses temporelles ! (utilisation soudaine de l'obscurité dans une scénographie tentaculaire). Décors picturaux à l'architecture baroque (le théâtre désaffecté du prélude, le jardin labyrinthique, la vaste demeure du musicien), mise en scène stylisée de par ses cadrages alambiqués et science du suspense latent ne relâchent jamais la pression afin d'émettre une hypothèse sur l'assassin et ses réelles motivations. En prime, Dario Argento fait intervenir à multiples reprises une séquence de rêve particulièrement morbide auprès de la sentence attribuée à un condamné à mort. Une forme de prescience que le héros empli de culpabilité (il est persuadé d'avoir commis un meurtre !) va inconsciemment s'infliger avant de saisir quel en était sa véritable signification (l'épilogue dramatique impliquant un accident mortel).


Inquiétant, angoissant, baroque et accessoirement loufoque, Quatre mouches de velours gris clôt sa trilogie animalière avec la même virtuosité technique et la dextérité de quelques idées étourdissantes (les motivations pathologiques du criminel, le procédé scientifique révélant un indice imbitable !). La prestance attachante des comédiens (le couple Michael Brandon / Mimsy Farmer, mais aussi Bud Spencer et Jean Pierre Marielle dans des rôles farfelus !), le score mélodique de Morricone et son point d'orgue anthologique renforçant le capital séducteur de cet excellent giallo estampillé Argento.

07.12.12. 3èx
Bruno Matéï 

jeudi 6 décembre 2012

Du sang pour Dracula / Blood for Dracula / Andy Warhol's Dracula

                                                                              Photo offerte par Ciné-Bis-Art

de Paul Morrissey (avec la collaboration d'Antonio Margheriti). 1974. U.S.A/France/Italie.1h43. Avec Joe Dallesandro, Udo Kier, Arno Juerging, Maxime McKendry, Milena Vukotic, Dominique Darel, Stefania Casini.

Sortie salles France: 22 Janvier 1975

FILMOGRAPHIE: Paul Morrissey est un réalisateur, scénariste, directeur de photographie, producteur, monteur et acteur américain, né le 23 Février 1938 à New-York (Etats-Unis).1966: Chelsea Girls. 1967: I, a Man. 1968: San Diego Surf. 1968: The Loves of Ondine. 1968: Flesh. 1969: Lonesome Cowboys. 1970: Trash. 1971: I miss Sonia Henie. 1971: Women in Revolt. 1972: Heat. 1973: l'Amour. 1973: Chair pour Frankenstein. 1974: Du sang pour Dracula. 1978: Le Chien des Baskerville. 1981: Madame Wang's. 1982: Forty Deuce. 1985: The Armchair Hacker. 1985: Cocaïne. 1985: Le Neveu de Beethoven. 1988: Spike of Bensonhurst.


Un an après son chef-d'oeuvre aussi mal élevé que décadent Chair pour Frankenstein, Paul Morrissey s'empare cette fois du mythe de Dracula pour nous livrer à nouveau une semi-parodie beaucoup plus prononcée vers la sensualité érotique que l'horreur sanguine. Sorti en VHS à l'orée des années 80 sous la bannière René Chateau dans le cadre des "films que vous ne verrez jamais à la télévision" (mention: strictement interdit au moins de 18 ans svp !), Du Sang pour Dracula tente de renouer avec la subversion débridée de son binôme cité plus haut. Avec toujours la même équipe technique (Carlo Rambaldi, Antonio Margheriti, Enrico Job, Claudio Gizzi, Luigi Kuveiller, Andy Warhol, Jean Pierre Rassam et Jean Yanne !) et son illustre trio d'acteurs (Udo Kier, Joe Dallesandro, Arno Juerging), cette relecture quelque peu pittoresque du baron vampire se distingue par son portrait moribond où la maladie l'emporte toujours un peu plus au dépit de sang vierge. En guise de clin d'oeil, on reconnaîtra lors d'un passage spécialement loufoque le réalisateur Roman Polanski dans celui d'un client de bar.


Le pitch: Profondément malade et famélique, Dracula part en Italie avec l'entremise de son valet pour rechercher la femme vierge qui pourrait le rajeunir de sang pur. Sur place, ils font la rencontre d'une famille d'aristocrates en situation précaire auquel les jeunes filles effrontées sont sous l'emprise d'un jardinier machiste. Avec son rythme languissant et sa narration un tantinet redondante, Du Sang pour Dracula peut de prime abord déconcerter le public non averti pour cette déclinaison saugrenue de l'archétype du vampire. Car illustrant le profil agonisant d'un baron en quête de virginité, Paul Morrissey déroge aux règles traditionnelles en nous caractérisant son égérie immortelle comme un être faible, faillible, aigri, qui plus est particulièrement pathétique et désabusé. Se déplaçant le plus souvent sur une chaise roulante par son valet, son handicap semble davantage une contrainte et son désespoir de trouver une femme vierge au sein d'une société moderne en émancipation sexuelle le réduit à un vieillard anachronique (il se teint la tignasse en noir afin de masquer ses cheveux blancs !). Ainsi, en individu défraîchi gagné par l'ennui de l'existence et la frustration de sa solitude, Udo Kier réussit une nouvelle fois à démystifier l'icône vampirique ici sévèrement raillé par des nymphettes en épanouissement sexuel. Son visage glacial de mort-vivant gagné par la maladie ainsi que son regard terne imprégné de mélancolie nous inspirant avec une certaine pitié l'image d'un mourant intoxiqué.


Ainsi, de façon pittoresque, sensuelle et décalée, Paul Morissey nous dresse en l'occurrence un tableau dérisoire de la mythologie du vampire où les séquences érotiques occupent une place importante afin souligner notamment le caractère frondeur d'une lutte de classes. Si bien que le communisme est ici personnifié par l'autorité machiste du jardinier voué à abuser de la noblesse de femmes hautaines en pleine libération de moeurs. Le réalisateur n'hésitant pas à porter en dérision le portrait de ces jeunes nymphos d'apparence respectable mais totalement assouvies par le masochisme sexuel d'un mâle insatiable. Ainsi, autour de cette partie de jambes en l'air quotidienne, le vampire déclinant assiste impuissant à cette déchéance où la virginité n'a plus lieu de déontologie. Et ce même s'il tentera en désespoir de cause de copuler avec certaines d'entres elles avant de vomir (à en mourir !) leur sang impur ! Comme pour mettre un terme au folklore du vampire séculaire n'ayant plus sa place dans la société contemporaine, le final gore en diable clôt cette éloge à la libération sexuelle (tout en traitant en filigrane des thèmes déviants de l'inceste et de la pédophilie !) lors d'un bain de sang exutoire. L'ironie retorse voudra notamment que le jardinier, aussi détestable, imbécile et paraphile soit-il (il s'adonne finalement à la pédophilie pour un enjeu vital si j'ose dire), se porte finalement en héros de dernier ressort afin de protéger de la contamination les jeunes filles dépucelées par ses soins. Un parti-pris oh combien burné, politiquement incorrect de la part du réal Paul Morrissey osant héroïser avec une dérision provocatrice toujours plus prononcée le profil licencieux de cet érotomane à la fois condescendant, violeur, abusif, littéralement ingrat, égoïste, pour ne pas dire détestable. 


Soutenu de l'inoubliable partition élégiaque de Claudio Gizzi et porté à bout de bras par l'ange diabolique Udo Kier, Du Sang pour Dracula reste une oeuvre atypique à l'esthétisme gothique imprégné d'érotisme suave (les actrices sont toutes magnifiques de sensualité limpide à travers leur robe de soie et chemise de nuit au sein d'une nature solaire superbement éclairée). Son climat semi parodique baignant inopinément dans la provocation d'une sexualité libertine, notamment pour y transcender avec sarcasme (respectueux) le portrait mélancolique de ce vampire souffreteux que nous ne sommes pas prêts d'oublier. Grand classique détourné d'une audace incongrue, Du sang pour Dracula fascine, provoque, amuse, déconcerte, choque et surprend tout en séduisant à l'unisson. 

*Bruno
14.07.22. 5èx. vf
06.12.12. 

La Chronique de son binôme, Chair pour Frankenstein: http://brunomatei.blogspot.fr/…/chair-pour-frankenstein.html


mercredi 5 décembre 2012

La Nuit du Chasseur / The Night of the Hunter


                                          
                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site t411.me

de Charles Laughton. 1954. U.S.A. 1h33. Avec Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish, Billy Chapin, Sally Jane Bruce, James Gleason.

Sortie salles France: 11 Mai 1956. U.S: 29 Septembre 1955

FILMOGRAPHIE: Charles Laughton est un réalisateur et acteur britannique, né le 1er Juillet 1899 à Scarborough (Yorkshire, Royaume-Uni), naturalisé américain en 1950. Il décède le 15 Décembre 1962 à Hollywood (Californie) des suites d'un cancer. 1954: La Nuit du Chasseur


Unique réalisation de l'acteur Charles Laughton, La Nuit du Chasseur fut dès sa sortie officielle une oeuvre maudite puisque dépréciée par la critique et boudée par un public non préparé à une telle excentricité. Reconnu au fil des ans comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma, ce conte hypnotique sur l'innocence bafouée resplendit de mille feux à travers son noir et blanc scintillant, transcendé aujourd'hui du support blu-ray mais aussi et surtout de sa nouvelle restauration 4K à damner un saint ! 

Le PitchAprès avoir planqué un butin que leur père leur légua juste avant d'être condamné pour assassinat, deux enfants sont persécutés par son ancien compagnon de cellule. Un pasteur machiavélique obnubilé à l'idée de mettre la main sur le fameux magot. 

Poème livide sur l'enfance maltraitée durant la période de la grande dépression, suspense haletant d'une traque incessante entre un pasteur démoniaque et deux bambins candides, romance passionnelle sur la préservation de l'innocence infantile par l'entremise de la pédagogie et des valeurs du Bien, la Nuit du Chasseur est une oeuvre ineffable. Un diamant noir, à mi-chemin entre l'onirisme du conte de fée et l'icône horrifique de l'ogre surgi de la forêt. Car dans une photo expressionniste en clair-obscur, Charles Laughton nous compose avec une folie créatrice un florilège d'images saisissantes et baroques aux inspirations hybrides (western, film noir, fantastique, horreur se télescopent parmi l'esthétisme du cinéma muet).


Tant auprès de la fuite crépusculaire sur le lit de rivière que les deux gamins emprunte sur la barque, du meurtre mystique de Willa Harper dans sa chambre tamisée d'éclairages ciselés, que de la découverte macabre qui s'ensuit lorsque son cadavre se laisse voguer au fond de l'eau parmi les algues marins. Par ailleurs, à travers son ambiance opaque insaisissable, La Nuit du Chasseur nous propose notamment d'y parfaire l'un des plus glaçants portraits de serial-killer auprès de sa perversité insatiable. Si bien que sous l'allégeance du diabolique Harry Powell, Robert Mitchum livre sans nul doute l'interprétation de sa carrière tant il retranscrit avec une froideur absolument terrifiante (3 séquences cruelles convoquent peur et malaise) le profil véreux d'un révérend bafouant la cause de Dieu. Pleinement conscient des valeurs manichéennes du Bien et du Mal, Harry Powell régit sa vie sans vergogne dans le cynisme le plus insidieux (pour ne pas dire notamment le plus crapuleux). Car pour duper une veuve puritaine, quoi de plus cruel et couard que de molester l'innocence au profit d'un juteux butin que deux gamins préservent secrètement. Ainsi, à travers cette sombre traque où deux orphelins fuient leur bourreau à travers champs d'une nature étrangement sereine (en accord avec l'harmonie animalière), Charles Laughton nous dépeint l'influence sournoise que le Mal puisse exercer chez l'être humain avide d'amour et de reconnaissance (Willa Harper et l'adolescente timorée sont impuissamment assujetties à l'emprise charnelle de Powell). Il y dénonce notamment le fanatisme religieux chez les personnes superstitieuses et démunies car se rabattant auprès d'une divinité puritaine afin d'apaiser leur déveine et éventuelle culpabilité. Enfin, il met en valeurs les principes moraux de la bienséance à travers l'enseignement parental lorsque les enfants fragilisés sont destitués de leur propre famille.


Conte obscur nappé de cynisme horrifique et d'onirisme enchanteur, récit initiatique confronté à la perte de l'innocence, la Nuit du Chasseur ne cesse de surprendre, de choquer parfois, d'apeurer aussi, d'éblouir et d'émouvoir enfin (quel final rédempteur pétri de tendresse !) un spectateur impliqué dans une structure narrative déconcertante. La puissance formelle de ces images aussi limpides qu'insolites, l'originalité de sa mise en scène pragmatique, le jeu gouailleur de Robert Mitchum glaçant d'austérité et de sarcasme (le diable en personne j'vous dit !) ainsi que la prestance très attachante du jeune Billy Chapin, transperçant l'écran par sa détermination fragile, confinent au chef-d'oeuvre émotif à la modernité trouble.  

*Bruno 
05.12.12. 3èX
12.04.24. 4èx. Vo. 4K

L'avis de Mathias Chaput:
Ce qui frappe avant tout dans "la Nuit du Chasseur" c'est le charisme MONUMENTAL de Mitchum dans son rôle !
S'immisçant de façon hypnotique dans le paysage, dans l'environnement et même dans le subconscient de ceux et celles qu'il côtoie, il signe là son rôle le plus emblématique, loin des stéréotypes des acteurs américains des années 50, cantonnés soit dans des rôles de durs soit dans des rôles de justiciers !
Non ici c'est AUTRE CHOSE...
C'est difficile à décrire en fait ce que l'on ressent, en fait je crois que ça se VIT...
Il faut le voir pour le comprendre, c'est très dur à faire discerner ou à raconter...
Métaphysique, métaphorique (la fuite la nuit sur la barque avec la toile de l'araignée, symbole du pasteur prédateur qui tisse son piège, les grenouilles, les lapins, le hibou, presqu'un métrage naturaliste, en tout cas hors normes avec le cinéma d'alors...) et surtout proche du fantastique, grâce à des cadrages élaborés rares pour l'époque ! (le reflet des personnages marchant le long de la rivière, la femme protectrice maternelle qui garde les orphelins et qui n'hésite pas à sortir son fusil de chasse et à en faire usage !)...
Le côté lancinant et charmeur à la limite de la dépravation de Mitchum dont même une adolescente à peine sortie de la puberté dit être amoureuse !
POLITICALLY INCORRECT !
Tous ces aspects pour le moins discutables contribuent sans nul doute à faire émerger une approche malsaine du personnage qui peut être identifié comme le "DIABLE", souillant et troublant la candeur des bambins innocents et aux visages terrorisés rien qu'à la vision de Powell, ogre des temps modernes, avide d'argent et étant prêt à tout pour obtenir le butin caché, quitte à occire ceux qui se trouveront sur son passage, y compris les mômes qu'il ne prendra aucune difficulté à supprimer dans l'alternative où son but est atteint !
Osé, novateur, sidérant et pathologique dans son style, "la Nuit du Chasseur" est un masterpiece qu'il faut impérativement avoir visionné si l'on se dit cinéphile...
Note : 10/10

mardi 4 décembre 2012

MACADAM A DEUX VOIES (Two-Lane Blacktop)

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

de Monte Hellman. 1971. U.S.A. 1h42. Avec James Taylor, Warren Oates, Laurie Bird, Dennis Wilson.

Sortie salles U.S: 7 Juillet 1971

FILMOGRAPHIEMonte Hellman est un réalisateur et producteur américain, né le 12 Juillet 1932 à New-York.
1959: Beast from Haunted Cave. 1964: Flight to Fury. 1964: Back Door to Hell. 1965: l'Ouragan de la Vengeance. 1967: The Shooting. 1971: Macadam à deux voies. 1974: Cockfighter. 1978: China 9, liberty 37. 1988: Iguana. 1989: Douce nuit, sanglante nuit 3. 2010: Road to Nowhere.


Film culte tardivement reconnu et desservi par un échec commercial cinglant, Macadam à deux voies s'engage dans le road movie contestataire, à la manière de ces illustres acolytes, Easy Rider et Point Limite Zero. Réalisé sous une forme documentaire, Monte Hellman nous retrace l'équipée monocorde de deux comparses taciturnes et d'une jeune auto-stoppeuse infantile, engagés dans une course automobile par l'entremise d'un rival solitaire.


Road Movie contemplatif illustrant la passion dévorante que peuvent entretenir les fous du volant, Macadam sur 2 voies est une fuite en avant vers une liberté sans illusion. La contre-culture de jeunes paumés sillonnant les routes des Etats-unis pour amasser leur gain à travers des courses illégales. Avec l'arrivée d'un quarantenaire tout aussi paumé et profondément frustré, nos trois conducteurs vont se lancer le défi de regagner Washington en un temps record ! Entre ces trois pèlerins avides d'élitisme par la gagne d'une course interminable, une jeune auto-stoppeuse versatile va semer le désordre vis à vis d'une idylle hésitante. Néanmoins, cette compétition de longue haleine va s'avérer finalement vaine et destructurée puisqu'en cours de route, nos deux acolytes vont notamment s'octroyer diverses courses aléatoires avec d'autres alliés tout aussi orgueilleux.
Cette intrigue futile bâtie sur la monotonie d'individus en quête libertaire nous illustre leur désir de fuite furtive sans pouvoir préfigurer l'avenir d'un lendemain incertain. C'est donc une errance routière que nous retrace Macadam à 2 voies, non exempt de loufoquerie (Warren Oates se révèle savoureux en quidam malchanceux contraint de prendre en auto-stop des individus peu communs), où flics et badauds restent des témoins apathiques. Sur le bitume des divers contrées consommées, nos héros vont néanmoins se porter en témoin d'une réalité morbide lors d'un accident meurtrier entre un camion et un véhicule. Alors que le quarantenaire, à deux doigts de s'isoler au bout du monde avec une gamine lunatique, va lui aussi se confronter au trépas lors des confidences d'une grand-mère accablée par le deuil familial de sa petite fille orpheline.


Course poursuite sans horizon de rebelles avides de notoriété et d'amour rédempteur mais incapables de se transcender dans leur ambition illusoire, Macadam à 2 voies est un road movie insolite véhiculant une nonchalance existentielle ainsi qu'une cocasserie excentrique (Warren Oates, en séducteur malhabile, est vêtu d'un pull de couleur distincte à chacune de ses apparitions !). Une virée urbaine de noctambules trop ancrés dans l'idéologie du temps présent où l'avenir n'a pas de raison d'être. Au risque de s'en brûler les ailes par déchéance amoureuse ou délivrance suicidaire. 

04.12.12
Bruno Matéï


lundi 3 décembre 2012

MALEVIL

                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site lamaisondegaspard.blogspot.com

de Christian de Chalonge. 1980. France/Allemagne. 2h00. Avec Michel Serrault, Jacques Dutronc, Jean-Louis Trintignant, Jacques Villeret, Robert Dhéry, Hanns Zischler, Pénélope Palmer.

Sortie salles France: 13 Mai 1981 

FILMOGRAPHIE: Christian de Chalonge est un réalisateur français né le 21 Janvier 1937 à Douai.
1968: O Salto. 1971: l'Alliance. 1976: Le Désert des Tartares. 1978: l'Argent des Autres. 1980: Malevil. 1982: Les 40è Rugissants. 1990: Le Diable en Ville. 1990: Docteur Petiot. 1991: Le Voleur d'Enfants. 1996: Le Bel Eté 1914. 1997: Le Comédien. 1999: Maigret; un meurtre de première classe (télé-film). 2002: Maigret et le marchand de vin (télé-film). 2002: Maigret chez le Ministre (télé-film). 2007: l'Avare (télé-film). 2008: Le Malade Imaginaire (télé-film). 2009: Le Bourgeois Gentilhomme (télé-film).


Inspiré du roman homonyme de Robert Merle paru en 1972, Malevil est un récit de science-fiction post-apo décrivant sans esbroufe le quotidien d'une poignée de survivants après un cataclysme nucléaire. Co-produit entre la France et l'Allemagne, le film de Christian de Chalonge bénéficie en outre d'une distribution hétéroclite (Michel Serrault, Jacques Villeret, Jacques Dutronc et Robert Dhéry) afin de renforcer la crédibilité des évènements au cours duquel une famille de paysans va devoir s'unifier pour refonder un semblant de vie harmonieuse. Dans l'atmosphère feutrée d'une nature champêtre destituée de son environnement écologique, Malevil est d'abord une réussite esthétique modeste par son habileté à exploiter divers décors minimalistes pour retranscrire l'isolement d'un bout de campagne (bâtiments en ruines, rivière desséchée, champs et bosquet calcinés).


La première partie nous illustre avec efficacité la survie d'un groupe de citadins sauvés par l'explosion de la bombe et des effets de radiations depuis qu'ils s'étaient protégés en interne d'une cave. De manière circonspecte, Christian de Chalonge prend soin de nous attacher à ces campagnards de terroir réfugiés dans leur unique ferme et ayant encore l'aubaine de pouvoir élever le dernier bétail (chevaux, cochons et boeufs). Au fil des mois, après avoir labouré la terre et planter les nouvelles denrées, leur nouvelle vie semble beaucoup moins contraignante pour laisser présager le nouvel espoir d'un futur envisageable. Jusqu'au jour où une bande de voleurs faméliques décide de s'approcher un peu trop des champs de cultivation. Mais l'arrivée d'un autre groupe de survivants subordonnés à la hiérarchie d'un gourou totalitaire va sévèrement remettre en péril la postérité de nos agriculteurs. Cette seconde partie plus vigoureuse dans les conflits belliqueux entamés à travers deux clans rivaux laisse place à la rencontre apparemment hostile de pèlerins réunis en interne de wagons de transport sous l'isolement d'un tunnel. Tyrannisés par un directeur perfide alloué à la parole du divin (Jean Louis Trintignant, étonnant de flegme impassible), ces sbires sont contraints de lui obéir sans daigner tenter de s'insurger. Mais l'avènement des nouveaux survivants de Malevil va peut-être leur permettre de s'affranchir d'une emprise sectaire. A travers ce conflit hostile entre le peuple d'un fondamentaliste véreux et celui d'un pacifiste intègre (Michel Serrault en fermier autoritaire surprend par son jeu précisément modeste), le réalisateur démontre avec une dérision implicite l'instinct guerrier de l'être humain, contraint de se mesurer à la menace de l'étranger par esprit de mégalomanie, de survie ou d'autonomie. Et cela quelques mois seulement après avoir enduré un cataclysme nucléaire mondial aux conséquences catastrophiques.


Réalisé sans artifice avec une jolie photo scope et éludant le plus souvent la carte du spectaculaire, Malevil est une excellente preuve que le cinéma hexagonal est parfois apte à oeuvrer dans l'anticipation avec intelligence et persuasion. Son pouvoir de fascination émanant de l'environnement de sa campagne désincarnée ainsi que le caractère attachant des personnages, rendent toujours aussi attrayants ce post-nuke provincial bien de chez nous. A revoir sans réserve, notamment du fait de sa rareté partiale.   

03.12.12
Bruno Matéï


vendredi 30 novembre 2012

BLOW OUT

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site myscreens.fr

de Brian De Palma. 1981. U.S.A. 1h48. Avec John Travolta, Nancy Allen, John Lithgow, Dennis Franz, Peter Boyden, Curt May.

Sortie salles France: 17 Février 1982. U.S: 24 Juillet 1981

FILMOGRAPHIEBrian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


Un an après son chef-d'oeuvre sulfureux Pulsions, Brian De Palma enchaîne avec un second thriller,  une méticuleuse investigation afin de démanteler un attentat politique au coeur d'une Amérique paranoïaque ! Au moment de ces expérimentations dans un parc régional, un preneur de son se retrouve témoin d'un meurtre fardé en accident. Suite à l'éclatement du pneu d'une voiture, un gouverneur et sa passagère sont projetés au fond d'une rivière. Après avoir sauvé in extremis la jeune fille, Jack tente de dévoiler au grand jour le meurtre du gouverneur à l'aide de sa bande-son mais aussi le film qu'un photographe est parvenu à enregistrer le soir même de la tragédie. Afin d'étouffer l'affaire au plus vite, un dangereux maniaque complice de cette conjuration s'entreprend de récupérer la bobine et supprimer les témoins gênants. Hommage au 7è art dans ce rapport inhérent que l'image et le son entretiennent communément afin d'épurer la chimère cinématographique, Blow Out est un jeu de manipulation roublard où le simulacre dévoile peu à peu ses failles par l'entremise d'un technicien de cinéma. Avec la complicité attachante de John Travolta (étonnant de sobriété dans un rôle à contre-emploi !) et de l'aguicheuse Nancy Allen (irrésistible de naïveté candide dans sa fonction antinomique d'escort girl !), Brian De Palma nous élabore une enquête passionnante où la mise en scène virtuose tient une fois de plus du prodige (utilisation harmonieuse du split screen, du travelling circulaire et de la louma).


A travers la reconstitution d'une scène de crime entreprise par un preneur de son obnubilé à rétablir la vérité, Brian De Palma nous manifeste son amour pour le cinéma sous toutes ses variantes. Si bien qu'ici, même les navets horrifiques mâtinés d'érotisme ont droit à la reconnaissance face à l'expressivité d'un hurlement salvateur ! Une fois de plus, le réalisateur utilise avec masochisme la dextérité d'un scénario charpenté où les apparences trompeuses vont être dévoilées sous l'allégeance d'un cinéaste soucieux de conviction réaliste. Puisqu'en sous-intrigue, la quête du fameux cri escompté dès le prélude est finalement dégoté par le héros à travers l'agonie de sa compagne sacrifiée ! Et on peut dire qu'en terme de point d'orgue nihiliste, l'inoubliable dénouement de Blow-Out s'avère sacrément couillu pour laisser le spectateur dans un pessimisme élégiaque. Ce qui justifie d'ailleurs son relatif échec commercial lors de sa sortie en salles (13 747 234 dollars de recettes pour un budget de 18 millions) et la faillite qui s'ensuit pour sa société de production. Qu'importe la défaite, De Palma nous a transcendé avec une maestria infaillible une course contre la montre fertile en péripéties délétères que nos héros ont parcouru pour contrecarrer l'antagoniste, et ce afin de sauvegarder la preuve irréfutable d'un complot politique.


Un cri dans la nuit
Scandé de la partition raffinée de Pino Donaggio, Blow-out réexploite le mode opératoire du suspense et de l'enquête policière avec une roublardise jubilatoire. Dominé par un casting sans fard, cet hommage au cinéma "perfectible" transcende l'outil artistique au gré d'une énigme irrésolue. De par l'audace de sa conclusion bouleversante, Blow out prouve avec dérision cruelle (l'utilisation d'un vrai cri au profit d'une oeuvre de commande) qu'au cinéma rien n'est gagné d'avance, surtout lorsqu'un cinéaste s'efforce d'y cultiver sa patte personnelle. Quitte à l'arrivée d'essuyer un cuisant échec commercial... 

* Bruno
30.11.12. 4èx



jeudi 29 novembre 2012

LE JOUR D'APRES (The Day After)

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site encyclocine.com

de Nicholas Meyer. 1983. U.S.A. 2h06. Avec Jason Robards, JoBeth Williams, Steve Guttenberg, John Cullum, John Lithgow, Bibi Besch, Lori Lethin, Amy Madigan.

Diffusion TV U.S: 20 Novembre 1983. Sortie salles France: 25 Janvier 1984

FILMOGRAPHIENicholas Meyer est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 24 Décembre 1945 à New-York.
1979: C'était demain. 1982: Star Trek 2. 1983: Le Jour d'Après. 1985: Volunteers. 1988: Les Imposteurs. 1991: Company Business. Star Trek 6. 1999: Vendetta.


Phénomène télévisuel lors de sa diffusion américaine à tel point qu'il créa un vent de panique chez plusieurs spectateurs (un standard téléphonique était à disposition le jour même de sa projection !), Le Jour d'Après engendra un tel impact émotionnel que notre pays hexagonal s'est empressé de l'exploiter en salles. Oeuvre de fiction post-apo illustrant les conséquences catastrophistes d'une troisième guerre mondiale assujettie au péril nucléaire, le Jour d'Après décrit avec un réalisme abrupt la survie d'une centaine de survivants touchés par la radioactivité. Établi en trois parties, la narration s'attache de prime abord à nous décrire la quotidienneté de diverses familles peu à peu enclins à l'inquiétude lorsque les infos télévisées annoncent un conflit politique de grande envergure entre l'URSS, l'Allemagne de l'Est et les Etats-Unis. La caractérisation des personnages nous est illustrée de manière traditionnelle dans leurs principes de valeurs morales liés à l'harmonie familiale. Au fil des informations alarmistes retransmises à la télé et à la radio, l'anxiété et l'appréhension des citadins commencent à prendre une ampleur incontrôlée lorsque certains d'eux décident d'investir les centres commerciaux afin de remplir leur cadis. Alors que toute une famille se réfugie au fond d'une cave pour se prémunir d'une potentielle attaque, certains pèlerins situés à des kilomètres de leur foyer tentent de rejoindre leurs proches le plus furtivement qu'ils peuvent.


C'est au moment où les missiles américains sont envoyés vers l'URSS qu'une riposte fatale va plonger les Etats-unis dans un holocauste nucléaire d'une envergure apocalyptique. Les effets spéciaux perfectibles alternant le cheap et le réalisme (épaulé de stock-shots issus des films Un Tueur dans la foule et Meteor) réussissent néanmoins à provoquer une terreur insondable. C'est d'abord l'explosion de missiles atomiques esquissant l'icône du fameux champignon qui nous est asséné de plein fouet face au témoignage d'une population horrifiée. Brasiers industriels, destructions massives de cités urbaines décharnées nous sont ensuite représentées avec une vigueur visuelle proprement cauchemardesque. Pour une production télévisuelle, Nicholas Meyer frappe fort dans sa détermination à secouer le public sans esbroufe mais avec un effort de persuasion dont l'impact se révèle inévitablement éprouvant. Cette seconde partie, aussi concise qu'elle soit, réussit avec efficience implacable à provoquer une stupeur et une terreur proprement viscérales !


La dernière partie, la plus sobre, poignante et jusqu'au boutiste nous illustre les conséquences du désastre atomique à travers le destin d'une poignée de survivants et de quelques familles désunies que le réalisateur pris soin de nous familiariser un peu plus tôt. Avec des moyens considérables et l'entremise de centaines de figurants, le réalisateur décrit "l'après apocalypse" par le truchement d'images saisissante de désolation. Amas de cendres sur les champs calcinés, forêt clairsemée dénuée de végétation, arbres dépouillés de frondaison, cadavres d'animaux, charniers de cadavres en décomposition ou momifiées. L'odeur du choléras et de la mort distillant dans l'air une atmosphère feutrée tandis que des pillards et terroristes sans abri tentent d'imposer la loi du plus fort. Cette dernière partie très impressionnante dans sa vision dantesque de fin d'un monde nous immerge au sein d'une Amérique agonisante où chaque survivant erre sans lueur d'espoir à la manière de zombies condamnés.


Cri d'alarme contre la menace du péril atomique si une troisième guerre mondiale devait un jour aboutir, le Jour d'Après demeure une impitoyable charge contre la politique de nos gouvernements en divergence insoluble. La verdeur de ces images morbides compromises à l'impact foudroyant du cataclysme nucléaire laissant en mémoire l'achèvement d'un génocide en décrépitude. Terrifiant jusqu'au malaise nauséeux, en espérant ne jamais connaître pareille génocide !

Note subsidiaire: On estime à plus de 100 millions le nombre d'Américains à avoir regardé ce téléfilm depuis sa première diffusion.

29.11.12. 4èx
Bruno Matéï


mercredi 28 novembre 2012

L' Autre / The Other. Prix du Meilleur Réalisateur à Catalogne, 1972

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinepesadelo.blogspot.com

de Robert Mulligan. 1972. U.S.A. 1h40. Avec Uta Hagen, Diana Muldaur, Chris Udvanoky, Martin Udvanoky, Norma Connolly, Victor French, Loretta Leversee, Lou Frizzell.

Sortie salles U.S: 23 Mai 1972. France: 20 Décembre 1972

FILMOGRAPHIE: Robert Mulligan est un réalisateur américain, né le 23 Août 1925 à New-York, décédé le 20 Décembre 2008 à Lyme, Connecticut. 1957: Prisonnier de la peur. 1960: Les pièges de Broadway. 1961: Le Rendez-vous de Septembre. 1961: Le Roi des Imposteurs. 1962: l'Homme de Bornéo. 1962: Du Silence et des Ombres. 1963: Une Certaine Rencontre. 1964: Le Sillage de la Violence. 1965: Daisy Clover. 1967: Escalier Interdit. 1969: l'Homme Sauvage. 1971: Un Eté 42. 1971: The Pursuit of Happiness. 1972: l'Autre. 1974: Nickel Ride. 1978: Les Chaines du sang. 1978: Même heure l'année prochaine. 1982: Kiss me Goodbye. 1988: Le Secret de Clara. 1991: Un Eté en Louisiane.

Avertissement ! IL EST PREFERABLE D'AVOIR VU LE FILM AVANT DE LIRE CE QUI VA SUIVRE !


Pierre angulaire du fantastique éthéré autant qu'oeuvre maudite du fait de sa rareté éhontée, l'Autre est une descente aux enfers vertigineuse dans la psyché d'une innocence schizophrène. D'après le roman de Tom Tryon, l'argument fantastique alloué à la fragilité infantile fait intervenir de manière sensitive et psychologique les thèmes du dédoublement de personnalité, de la hantise et de la possession à l'aide d'une intensité dramatique terriblement éprouvante.


Car véritable drame familial auquel une dynastie est confrontée à une série de morts tragiques sous une nature solaire étrangement sereine, l'Autre illustre l'introspection délicate d'un garçon candide, perturbé par la mort de son père et de son frère jumeau. Terrifié à l'idée de mourir et apeuré par sa solitude, Niles s'imagine dans son esprit torturé que son binôme Holand est toujours en vie afin de se rassurer. Mais l'esprit machiavélique de son frère, mort dans une circonstance accidentelle, réussit à provoquer chez lui un dédoublement de personnalité afin de le contraindre à perpétrer des incidents meurtriers. Ainsi, ce scénario sombre et tortueux rehausse l'intrigue diaphane parmi le rapport étroit entretenu entre l'enfant et sa grand-mère. En effet, afin de rendre moins douloureuse l'épreuve du deuil, l'aïeule lui aura inculqué un jeu d'identification et de concentration auquel Niles doit tenter de s'infiltrer de manière sensorielle à travers l'esprit d'un être humain ou d'un animal. C'est donc par l'illusion de ce jeu de simulacre que Niles perd peu à peu pied avec la réalité en matérialisant l'apparence corporelle d'Holand.


Par conséquent, la dimension psychologique impartie à l'inconscience du gamin perturbé est d'autant plus douloureuse à supporter qu'elle touche à sa propre candeur. Cette étude de caractère d'un enfant traumatisé par le deuil et angoissé par la mort étant illustrée de manière aussi prude que profondément macabre. Le climat lourd et dépressif des contrariétés de la grand-mère et des tourments de Niles soulignant une atmosphère davantage feutrée au fil d'une série d'incidents meurtriers que l'enfant provoquera sous l'allégeance de son double. En prime, le climat anxiogène qui émaille toute l'intrigue est notamment accentué par l'attitude esseulée d'une veuve maternelle emplie de mélancolie. Incapable de supporter le deuil de deux êtres chers, cette maman introvertie mais débordante d'amour pour sa dernière progéniture se replie dans un mutisme incurable après avoir découvert avec désarroi la pathologie schizophrène de Niles. Quand bien même son point d'orgue traumatique culmine vers une découverte macabre proprement innommable auquel personne n'en sortira indemne, si bien que la dernière image glaçante nous achève par son nihilisme diabolique. On essaie alors en désespoir de cause d'élucider de notre mémoire deux questions restées en suspens ! Niles était-il réellement possédé/hanté par l'esprit indocile de son frère, ou n'était-ce que le fruit de son imagination perturbée du "jeu" spirituel d'Ada et de l'injustice de la mort ?


Clef de voûte du fantastique moderne vouée à nous éprouver sans anesthésie, de par son scénario délétère et son intensité dramatique malsaine en crescendo, L'Autre est littéralement rehaussé des interprétations magnétiques de Chris et Martin Udvarnoky. Car possédés par leur prestance bicéphale, les deux comédiens parviennent autant à provoquer l'effroi tangible qu'une empathie désespérée à travers leur jeu naturel d'une prestance aussi angélique que démoniale. Traumatisant et inoxydable.

*Bruno
28.11.12

Récompense: Prix du Meilleur Réalisateur au Festival de Catalogne en 1972

L'avis de Mathias Chaput: http://horrordetox.blogspot.fr/2012/11/the-other-de-robert-mulligan-1972.html
Très peu prolixe dans le cinéma d'outre Atlantique, Robert Mulligan signe avec "The Other" un véritable chef d'oeuvre du cinéma fantastique contemporain...
Un scénario d'une originalité totale, sans redondances ni esbroufes...
Aucun effet gore n'est à déplorer dans le métrage !
Un climat malsain s'intègre parfaitement prenant le contre-pied de l'environnement et de l'innocence des protagonistes qui y végètent, en l'occurrence de simples et frêles pré adolescents qui ne demandent qu'à vivre et aimer la vie !
L'astuce de Mulligan consiste à faire virer crescendo son intrigue avec une révélation imparable et glaçante au bout d'une heure de projection !
Puis il fait tout partir en live pendant la dernière demie heure !
Dans la lignée de "Psychose" réalisé douze ans avant, voire même un petit côté "Carnival of souls" mais se démarquant par une mise en scène affûtée aux limites de l'onirisme, matinée de la plus grande schizophrénie pour le personnage principal !
"The other" est un film culotté et carrément révolutionnaire qui fera date dans le genre !
Avec des séquences sorties de nulle part, notamment cette virée dans une fête foraine avec les "monstres", ou ce plan aérien où Nels s'imagine être un corbeau survolant le village !
Mulligan ne recule devant aucun stratagème pour augmenter la terreur chez le spectateur, jusqu'à un final apocalyptique à la fois immoral et sans "happy end" !
Très bien joué et excellemment mis en scène, "The other" est à marquer d'une pierre blanche, film rare et précieux, il se doit d'être vu par tout cinéphile fantasticophile !
Note : 10/10 (pour l'originalité du scénario et l'intelligence du traitement de ce dernier)