jeudi 7 mars 2013

AGUIRRE, LA COLERE DE DIEU (Aguirre, der Zorn Gottes)

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdclassik.com

de Werner Herzog. 1972. Allemagne. 1h33. Avec Klaus Kinski, Helena Rojo, Del Negro, Ruy Guerra, Peter Berling, Cecilia Rivera.

Sortie salles France: 26 Février 1975 (Cannes: 16 Mai 1973). Allemagne: 29 Décembre. 1972. U.S: 3 Avril 1977

FILMOGRAPHIE: Werner Herzog (Werner Stipetic) est un réalisateur, acteur et metteur en scène allemand, né le 5 Septembre 1942 à Munich (Allemagne).
1968: Signes de vie. 1970: Les Nains aussi ont commencé petits. 1972: Aguirre, la colère de Dieu. 1974: l'Enigme de Kaspar Hauser. 1976: Coeur de verre. 1977: La Ballade de Bruno. 1979: Nosferatu, fantôme de la nuit. 1979: Woyzeck. 1982: Fitzcarraldo. 1984: Le pays où rêvent les fourmis vertes. 1987: Cobra Verde. 1991: Cerro Torre, le cri de la roche. 1992: Leçons de ténèbres. 2001: Invincible. 2005: The Wild Blue Yonder. 2006: Rescue Dawn. 2009: Bad Lieutenant: escale à la Nouvelle-Orléans. 2009: Dans l'oeil d'un tueur.


Film phare au sein de la carrière de Werner Herzog, Aguirre est une expérience sensorielle peu commune dans le paysage cinématographique. Filmé dans les décors naturels du Perou, cette odyssée humaine menée par un mégalomane totalitaire est une aventure épique de la démesure, un voyage naturaliste hors du temps. Dans le sens où le héros principal, conquistardor espagnol rempli d'ego, conduit ses hommes de main en plein coeur d'une jungle hostile, tout en remontant un fleuve sur radeau pour la conquête d'un Eldorado irréel. Filmé à la manière d'un documentaire contemplatif examinant sa faune et sa flore sous l'époque du 16è siècle, Werner Herzog nous fait partager l'introspection d'un dictateur fermement convaincu que son destin est voué à une ambition divine. La mise en scène expérimentale s'impartie à l'hyper réalisme de l'improvisation, comme ces cadrages immobiles fixant le regard impassible de certains seconds-rôles, ou épiant, caméra à l'épaule, leurs conversations secrètes. On immagine notamment les risques entrepris par l'équipe technique, les figurants et les comédiens, convoyés de mammifères et de chevaux, parcourant communément des sentiers infranchissables dans une végétation inhospitalière. Autant dire que le tournage fut particulièrement houleux (la séquence du radeau pris dans les rapides ou l'inoubliable prologue aérien auquel nos conquistadors descendent à pied une montagne nappée de brouillard), sans compter les crises de conflits provoquées par Herzog et son compère opiniâtre Kinski !


Habité par son rôle névrosé, ce dernier incarne le rôle d'Aguirre avec une foi inébranlable dans sa posture de roi orgueilleux, son regard halluciné et ses colères irascibles. Sa présence quasi surnaturelle renforce le caractère baroque, insolite de cette expédition suicidaire hantée par sa propre folie. Alors que l'ennemi invisible, tapi dans l'ombre des feuillages, frappe sans crier garde pour mieux conduire à la mort ses visiteurs colonialistes. Le final mystique dépeint à merveille l'arrogance de ce mégalomane devenu solitaire par son utopie démesurée. Perdu au milieu d'un fleuve sur son radeau jonché de singes capucins, Aguirre perdure sa destination vers la cité d'or sans se soucier un seul instant que la mort lui sera un jour irréversible !


Illuminé par la musique ensorcelante de Popol Vuh et l'interprétation démentielle de Klaus Kinski, Aguirre est un morceau de cinéma hypnotique d'une rare puissance formelle. Une expérience sensitive inoubliable transcendant la folie intrinsèque de l'homme assoiffé de puissance et de gloire. Aguirre symbolisant la dictature du leader fasciste.  

07.03.13. 3èx
Bruno Matéï

mercredi 6 mars 2013

LE CONVOI (Convoy)

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmscoremonthly.com

de Sam Peckinpah. 1978. U.S.A/Angleterre. 1h47. Avec Kris Kristofferson, Ali MacGraw, Burt Young, Ernest Borgnine, Seymour Cassel, Franklyn Ajaye.

Sortie salles France: 16 Août 1978. U.S: 28 Juin 1978

FILMOGRAPHIE: Sam Peckinpah est un scénariste et réalisateur américain, né le 21 Février 1925, décédé le 28 Décembre 1984.
1961: New Mexico, 1962: Coups de feu dans la Sierra. 1965: Major Dundee. 1969: La Horde Sauvage. 1970: Un Nommé Cable Hogue. 1971: Les Chiens de Paille. 1972: Junior Bonner. Guet Apens. 1973: Pat Garrett et Billy le Kid. 1974: Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia. 1975: Tueur d'Elite. 1977: Croix de Fer. 1978: Le Convoi. 1983: Osterman Week-end.


Avant dernier film de Peckinpah, Le Convoi est un pur western moderne conçu pour nous divertir avec l'entremise d'un sous-texte social contestataire. Puisqu'ici, le réalisateur s'intéresse à la condition des prolétaires tributaires d'une politique éminemment insidieuse (un gouverneur profite de la renommée d'un routier pour s'attirer la sympathie des ouvriers afin de remporter les élections). Largement sous-estimé depuis sa sortie à cause de son côté décalé et cartoonesque, Le Convoi a considérablement déconcerté une partie du public qui s'attendait à une "horde sauvage" contemporaine. Il s'agit pourtant d'un road movie homérique bougrement jouissif de par sa dérision insolente (les flics sont constamment raillés et à bout de course dans leur désir d'oppression !). Alternant sans répit baston de saloon, cascades et poursuites intrépides, le film est notamment l'occasion de retrouver d'anciens briscards du cinéma de genre comme notre baroudeur Kris Kristofferson, les vétérans Ernest Borgnine et Burt Young ainsi que le charme lascif d'Ally McGraw (toujours sexy dans sa trentaine assumée !). 


Bourré d'humour et de péripéties échevelées, le pitch part d'une simple infraction d'excès de vitesse commise par un camionneur notoire sur une route de l'Arizona. A partir de cette altercation avec un flic bourru rempli de rancune, le routier Duck va être contraint de s'exiler vers le Nouveau-Mexique. Seulement, durant sa destination, notre frondeur attise la sympathie d'autres routiers qui décident de le rejoindre pour former une alliance contestataire. De son côté, le flic irascible toujours plus pugnace alerte toutes les forces de police afin de contrecarrer le convoi sauvage multipliant les infractions. Au fil de la notoriété grandissante de Duck, s'attirant notamment la sympathie de la population, un politicard vénal profite de ce mouvement de crise pour s'attirer les votes des prolétaires.
Si le scénario mal structuré et assez improbable se contente d'illustrer une longue traque automobile entre un cow-boy marginal et un shérif imbus de son pouvoir, son sens de l'efficacité, la bonhomie attachante des protagonistes et surtout l'humour débridé qui en émane procurent un spectacle stimulant inévitablement attachant.


Pamphlet contestataire contre l'autorité déloyale au sein d'une Amérique raciste, le Convoi est une forme d'hommage à tous ces routiers exploités par un gouvernement mégalo où seul le pouvoir reste l'unique dessein. Si on pouvait espérer un spectacle plus dense et substantiel de la part de Sam Peckinpah, il n'en demeure pas moins un sympathique moment de détente bourré de dérision et d'action. Un western sur bitume où les gros camions sont pilotés par des trognes aussi téméraires qu'amicales. Shérif fait moi peur n'est pas loin !

06.03.13. 4èx
Bruno Matéï

mardi 5 mars 2013

Carrie au bal du diable. Grand Prix Avoriaz, 1977.


de Brian De Palma. 1976. U.S.A. 1h38. Avec Sissy Spacek, Piper Laurie, Amy Irving, Nancy Allen, John Travolta, William Katt, Betty Buckley.

Sortie salles France: 22 Avril 1977. U.S: 3 Novembre 1976

FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted.


Un film d'horreur qui fait pleurer, une fois n'est pas coutume.
Auréolé du Grand Prix à Avoriaz un an après sa sortie triomphante (33 millions de dollars de recette pour un budget de 1 800 000 !), Carrie est sans nulle doute l'une des meilleures adaptations cinématographiques de Stephen King. Un chef-d'oeuvre du Fantastique moderne d'une rare émotivité pour un genre traditionnellement assujetti à terrifier ! Littéralement envoûté par la prestance iconique de Sissy Spacek incarnant une souffre douleur timorée, Carrie demeure avant tout un drame psychologique transplantant dans le cadre d'une épouvante satanique sous l'allégeance d'une mégère fondamentaliste. Ainsi, à travers la tragédie de cette lycéenne introvertie, soudainement confrontée à sa puberté et raillée par ses camarades de classe, Brian De Palma traite avant tout du fanatisme religieux sous l'intégrisme d'une mère castratrice. Avec une grande attention psychologique intentée à la dimension humaine de son héroïne, le réalisateur bâtit une intrigue baroque fondée sur la télékinésie si bien que Carrie est contrainte d'y remédier afin d'accomplir une vengeance démoniale. Alternant romantisme éperdu pour la relation chétive entre Carrie et son compagnon, et puritanisme sectaire pour l'enseignement drastique inculqué par sa mère, Brian De Palma allie compassion fébrile et angoisse sous-jacente. Toute cette charge de sentiments contradictoires compromis entre l'amour maternel d'une catholique intolérante et de sa fille aussi fragile qu'indignée convergeant vers un suspense hitchcockien au sein de l'assemblée lycéenne d'un bal de promotion, et ce avant l'explosion du déchaînement de l'enfer !


Si en l'occurrence ce drame horrifique garde intact son pouvoir d'émotion et de fascination, il le doit donc beaucoup à l'interprétation sensorielle de la révélation Sissy Spacek ! Car d'une sensibilité à fleur de peau pour son portrait alloué à une adolescente craintive constamment persécutée par son entourage, l'actrice extériorise une fragilité candide particulièrement élégiaque. A l'image de cette danse imposée par son compagnon lors du bal, moment d'étreinte vertigineuse (utilisation d'un travelling circulaire à l'appui) quand celle-ci semble enfin épanouie d'une gratitude légitime. Mais lorsqu'une blague de potache achève à la perfection une diabolique conjuration, la stupeur déchue de Carrie, réduite à l'état de "reine ensanglantée", culmine sa rancune vers une vengeance surnaturelle ! Dans celle de la mégère opiniâtre obsédée par la candeur, Piper Laurie excelle à réciter machinalement ses versets religieux pour livrer une interprétation malaisante transie d'émoi !


Un crève-coeur inconsolable, bouleversant cri d'horreur contre l'intégrisme. 
Sublimé du score envoûtant de Pino Donnagio et de la présence (oh combien) gracile de Sissy SpacekCarrie constitue la quintessence du fantastique contemporain de par son alliage d'émotion bouleversée et d'horreur cinglante sous couvert de fanatisme religieux. Métaphore sur l'altération de la puberté et tableau cruel infligé au cap difficile de l'adolescence, cette tragédie funèbre est notamment transcendée par sa mise en scène virtuose d'une précision Hitchcockienne (l'anthologique "bal maudit" couronné d'une science du suspense parmi la technique binaire du split screen  !).

* Bruno
05.03.13. 5èx

Récompense: Grand Prix à Avoriaz et Mention Spéciale pour Sissy Spacek en 1977




samedi 2 mars 2013

JUST LIKE A WOMAN


de Rachid Bouchareb. 2012. France / Angleterre. 1h46. Avec Sienna Miller, Golshifteh Farahani, Bahar Soomekh, Tim Guinee, Roschdy Zem, Chafia Boudraa.

Récompense: Prix d'interprétation Féminine pour Sienna Miller et Golshifteh Farahani au Festival de la Fiction TV de La Rochelle.

Diffusé le 14 Décembre 2012 sur Arte

FILMOGRAPHIE: Rachid Bouchared est un réalisateur et producteur franco-algérien, né le 1er Septembre 1953 à Paris.
Longs métrages / 1985: Bâton Rouge. 1991: Cheb. 1994: Poussières de vie. 2001: Little Senegal. 2006: Indigènes. 2009: London River. 2010: Hors la loi
Télé-films / 1992: Des Années déchirées. 1997: l'Honneur de ma famille. 2012: Just like a woman.


Deux amies désespérées, l'une américaine, l'autre arabe, décident de quitter leur foyer conjugal pour partir à l'aventure, vers les contrées isolées des Etats-Unis proches de la frontière indienne. Durant leur itinéraire semé de rencontres impromptues, elle vont devoir faire face à l'intolérance et au racisme d'une Amérique puritaine, réfractaire à la religion musulmane. Soudées aux valeurs de l'amitié et de la solidarité, elles décident de rester ensemble pour tenter leur chance vers d'autres horizons. 


Un road movie naturaliste transcendé par le talent de deux actrices touchées par la grâce (Sienna Miller et Golshifteh Farahani). De jeunes épouses désemparées au bord du marasme, débordantes de fragilité humaine mais aussi de persévérance dans leur envie de vaincre. La filiation avec Thelma et Louise est évidente (elles sillonnent les routes des Etats-Unis parce que l'une est accusée de meurtre alors que l'autre est trahie par son mari infidèle) mais le réalisateur ne le plagie à aucun moment tant le parcours des héroïnes diffère dans leur requête professionnelle. Illustrant l'amertume de ses aventurières remplies d'humilité, couramment jugées et incriminées par des quidams machistes ou xénophobes, Rachid Bouchareb délivre un superbe portrait de femmes stimulées par la danse orientale. Mais derrière cette fuite en avant, il dresse également un tableau peu reluisant d'une Amérique indépendante engluée dans l'orgueil et l'égoïsme sous le témoignage pacifiste des amérindiens. Les blancs préférant juger l'apparence des étrangers que d'accepter la tolérance pour leur différence culturelle.


Un drame social profondément humain et désenchanté mais aussi une aventure pleine d'espoir pour la postérité de ces femmes soumises, tributaires de mentalités réactionnaires au sein d'un monde en crise identitaire. 
Préparez vos mouchoirs pour l'épilogue bouleversant, sa conclusion éludant habilement le défaitisme dans la bravoure d'oser défier ces propres responsabilités.

Bruno Matéï
02.03.13





vendredi 1 mars 2013

L'HOMME DE L'ATLANTIDE : L'ARRIVEE (The Man From Atlantis)

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site space1970.blogspot.com

Télé-film "pilote" de Lee H. Katzin. 1977. U.S.A. 1h32. Avec Patrick Duffy, Belinda Montgomery,Victor Buono, Alan Fudge, Jean Marie Hon, J. Victor Lopez, Robert Lussier, Dick Anthony Williams.

Diffusion d'origine: 4 Mars 1977 - 6 Juin 1978. 1ère diffusion en France: 29 Janvier 1979

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lee H. Katzin est un réalisateur américain né le 12 Avril 1935 à Détroit, Michigan (Etats-Unis), décédé le 30 Octobre 2002 à Beverly Hills (Californie).
1959: Bonanza (série). 1965: Le Proscrit (série). 1965: Les Mystères de l'Ouest (série). 1966: Brigade Criminelle (série). 1968: Opération vol (série). 1969: Qu'est-il arrivé à tante Alice. 1970: Along came a spider (télé-film). 1971: Le Mans. 1973: Police Story (série). 1974: Chasse Tragique (télé-film). 1976: Alien Attack (télé-film). 1976: The Quest (télé-film). 1977: L'Homme de l'Atlantide (télé-film / Série TV). 1977: Chips (série). 1982: Chicago Story (série). 1984: Deux Flics à Miami (sais 1. Epis 4 et 7). 1985: MacGyver (série. Sais 1, Epis 3/4/5). 1987: Les 12 Salopards, mission suicide (télé-film). 1992: Raven (série). 1992: Le Rebelle (série).  1999! Restraining Order.


Série culte pour toute une génération de spectateurs alors qu'elle fut boudé outre-atlantique, L'Homme de l'Atlantide bénéficia d'une seule saison de 13 épisodes précédée de 4 télé-films.
Mélange de science-fiction et de fantastique militant pour l'écologie, ce feuilleton créé par Herbert F. Solow doit sa réussite à un argument plutôt original, la découverte du dernier homme de l'atlantide !
Des experts en océanographie découvrent sur une plage un homme agonisant qu'ils réussissent à sauver d'une mort certaine. Après l'avoir étudié, il s'agirait d'un humanoïde aquatique pourvu de mains palmés et de yeux fluorescents afin de vivre sous l'eau. Le gouvernement décide de l'exploiter pour une mission de sauvetage. C'est à dire retrouver un appareil de plongée et ses deux occupants ayant disparu du fond de l'océan.  


Pour ce premier télé-film, l'Homme de l'Atlantide attise sans peine la sympathie et la curiosité dans sa sobre habileté à nous convaincre que le dernier survivant d'une île mythologique a réussi à survivre depuis des millénaires. Ce qui frappe d'emblée quand on revoit ce pilote (diffusé pour la 1ère fois dans le cadre de la célèbre émission "l'avenir du futur !), c'est l'intégrité à laquelle le réalisateur s'emploie pour nous concocter une intrigue d'espionnage et de science-fiction fertile en suspense et péripéties. En prime, le soin octroyé aux effets spéciaux simplistes (les fameux doigts palmés, la couleur de ses yeux, sa rapidité à nager sous l'eau) s'avèrent crédibles et aussi efficaces que sa structure narrative.
Porté à bout de bras par l'interprétation de Patrick Duffy pour le rôle titre, l'acteur insuffle aisément une présence mutique aussi étrange que réellement attachante. Sa capacité à pouvoir respirer dans l'eau, sa manière de nager comparable à celle du dauphin, son acuité visuelle à pouvoir pénétrer l'obscurité, ainsi que sa force agile nous fascinent de ces exploits surnaturels. A contrario, s'il s'expose plus de 12 heures hors de l'eau, des signes de détérioration apparaissent comme la coloration bleue de l'épiderme. Pire encore, s'il reste entre 12 et 20 heures éloigné de tout environnement aquatique, il souffrira de craquèlement de la peau, d'insuffisance pulmonaire et enfin d'arrêt cardiaque l'entraînant vers l'inéluctable ! Tous ces détails richement documentés par nos scientifiques renforcent donc le  caractère crédible du personnage, peu à peu épris d'altruisme pour les êtres humains. En fin de mission, le réalisateur aborde d'ailleurs une réflexion sur la mémoire, notre rapport émotif aux réminiscences et à l'amitié. Mark Harris souffrant d'une légère amnésie va réussir à éprouver de l'empathie puis davantage s'humaniser en se remémorant ces souvenirs les plus intenses par le biais d'une femme attristée de son départ.  
Dans le rôle du médecin pacifiste éprise de sentiments pour Mark, le charme docile de Belinda Montgomery ajoute un cachet romanesque à l'aventure même si l'actrice cède parfois à un sentimentalisme un peu trop appuyé dans un final néanmoins émouvant. Enfin, qui pourrait oublier la mémorable apparition de Victor Buono dans celui du savant Schubert. En héritier du capitaine Nemo, l'acteur bedonnant campe avec ironie sardonique un utopiste mégalo planqué à l'intérieur d'un sous-marin pour s'entreprendre d'annihiler la terre. Avec esprit d'arrogance, le comédien éprouve un malin plaisir à s'exclamer de manière mesquine dans une posture totalitaire.


Renouer aujourd'hui avec les aventures de l'Homme de l'atlantide, ne serait-ce que pour distinguer l'implication sincère de ce télé-film pilote, prouve à quel point certaines séries des seventies possédaient cette alchimie à nous faire rêver en toute modestie. L'efficacité de son intrigue habilement troussée, la caractérisation attachante des personnages et surtout la présence magnétique de Patrick Duffy dégagent un charme vintage aussi naïf que mélancolique. A l'écoute de son paisible score musical concocté par Fred Karlin.

01.03.13
Bruno Matéï


jeudi 28 février 2013

MEURTRES SOUS CONTROLE (God Told Me To). Prix Spécial du Jury à Avoriaz, 1977

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site torrentbutler.eu

de Larry Cohen. 1976. U.S.A. 1h30. Avec Tony Lo Bianco, Deborah Raffin, Sandy Dennis, Sylvia Sidney, Sam Levene, Robert Drivas, Mike Kellin, Richard Lynch.

Sortie salles France: 11 Juillet 1979. U.S: Novembre 1976

Distinction: Prix Spécial du Jury à Avoriaz en 1977

FILMOGRAPHIE: Larry Cohen est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 15 Juillet 1941. Il est le créateur de la célèbre série TV, Les Envahisseurs.
1972: Bone, 1973: Black Caesar, Hell Up in Harlem, 1974: Le Monstre est vivant, 1976: Meurtres sous contrôle, 1979: Les Monstres sont toujours vivants, 1982: Epouvante sur New-York, 1985: The Stuff, 1987: La Vengeance des Monstres, Les Enfants de Salem, 1990: l'Ambulance.
- Comme Producteur: Maniac Cop 1/2/3.
- Comme Scénariste: Cellular, Phone Game, 3 épisodes de Columbo.


Deux ans après son cultissime Le monstre est Vivant, Larry Cohen continue d'ébranler le public avec beaucoup plus d'impertinence et de provocation dans Meurtres sous contrôle, couronné lui aussi du Prix Spécial du Jury à Avoriaz. Partant d'un pitch scabreux ciblant les doctrines religieuses, cette série B filmée à la manière d'un reportage puise sa force dans l'originalité d'un scénario d'une audace inouïe ! En pleine agglomération new-yorkaise, une multitude d'assassinats gratuits sont commis sur des piétons par des tireurs isolés ! Ces tueurs déterminés ont tous comme point commun d'avoir perpétré leurs actes sous l'allégeance d'une divinité. Puisqu'au moment de leur interpellation, chacun s'est contenté de déclarer: Dieu me l'a ordonné ! Enquêtant sur cette vague de crimes incontrôlés, le lieutenant Peter J. Nicholas part à la découverte d'une horrible révélation !


Film choc à l'atmosphère glauque et dérangeante, Meurtres sous contrôle et le genre d'ovni hybride habité par une entité malfaisante. Pour renforcer son climat de malaise anxiogène, la mise en scène très réaliste exploite judicieusement ses décors urbains pour nous plonger dans les bas fonds new-yorkais peuplé de marginaux et d'individus névrosés ! D'ailleurs, les premiers massacres imposés par les tueurs fous frappent le spectateur, épris de stupeur par son réalisme cinglant pris sur le vif ! Culpabilisant méthodiquement la responsabilité de ces meurtres à Dieu, un sentiment d'inquiétude commence à s'insinuer lentement dans notre esprit au fil de l'investigation policière du lieutenant pratiquant. Sa détermination à daigner découvrir la vérité sur une potentielle conjuration évangélique va notamment lui permettre de renouer avec son étrange passé. Une quête identitaire en somme auquel son enquête va peu à peu remettre en doute sa foi suprême pour l'existence de Dieu. En réalisateur frondeur, Larry Cohen remet donc en cause les croyances religieuses et aborde une réflexion métaphysique sur l'origine de l'existence, le fanatisme ainsi que l'idéologie du bien et du mal. Jalonné de revirements effrayants et de visions oniriques infernales, Meurtres sous contrôle illustre de manière âpre la descente aux enfers d'un homme discrédité de sa véritable identité, car soudainement confronté à une destinée athée.


Habité par la prestance transie d'émoi du méconnu Tony Lo Bianco, Meurtres sous contrôle est un bad trip agnostique auquel le spectateur semble, comme son protagoniste, le cobaye d'une révélation mystique régie par le mal. Dérangeant, malsain et véritablement troublant, ce film culte n'a rien perdu de sa puissance évocatrice, d'autant plus que son thème religieux se révèle plus que d'actualité dans ces moments de discorde obscurantiste.

28.02.13. 3èx
Bruno Matéï


mercredi 27 février 2013

PEUR SUR LA VILLE

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site archives.hauts-de-seine.net

d'Henri Verneuil. 1974. France/Italie. 2h04. Avec Jean Paul Belmondo, Charles Denner, Adalberto Maria Merli, Jean Martin, Lea Massari, Rosy Varte, Catherine Morin, Jean-François Balmer, Roland Dubillard.

Sortie salles France: 9 Avril 1975

FILMOGRAPHIE: Henry Verneuil (de son vrai nom Achod Malakian) est un réalisateur et scénariste  français d'origine arménienne, né le 15 Octobre 1920 à Rodosto, décédé le 11 Janvier 2002 à Bagnolet.
1951: La Table aux crevés. 1952: Le Fruit Défendu. 1952: Brelan d'As. 1953: Le Boulanger de Valorgue. 1953: Carnaval. 1953: l'Ennemi public numéro 1. 1954: Le Mouton a 5 pattes. 1955: Les Amants du Tage. 1955: Des Gens sans importance. 1956: Paris, palace Hôtel. 1957: Une Manche et la belle. 1958: Maxime. 1959: Le Grand Chef. 1959: La Vache et le Prisonnier. 1960: l'Affaire d'une Nuit. 1961: Le Président. 1961: Les Lions sont lâchés. 1962: Un Singe en Hiver. 1963: Mélodie en sous-sol. 1963: 100 000 Dollars au Soleil. 1964: Week-end à Zuydcoote. 1966: La 25è Heure. 1967: La Bataille de San Sebastian. 1969: Le Clan des Siciliens. 1971: Le Casse. 1972: Le Serpent. 1975: Peur sur la ville. 1976: Le Corps de mon ennemi. 1979: I comme Icare. 1982: Mille Milliards de Dollars. 1984: Les Morfalous. 1991: Mayrig. 1992: 588, rue du Paradis.


Gros succès populaire de l'époque, (près de 4 millions d'entrées dans l'hexagone !), Peur sur la Ville est un thriller vertigineux sublimé par la présence de notre Bebel national. L'acteur pugnace multipliant des risques inconsidérés pour l'entreprise de ces cascades non doublées. Opposé à la présence charismatique de l'acteur interlope Adalberto Maria Merli en maniaque borgne, leur confrontation s'avère une incessante course poursuite à travers l'urbanisation de la banlieue parisienne. Produit entre la France et l'Italie, on sent l'inspiration giallesque de son intrigue criminelle illustrant les exactions d'un tueur ganté sexuellement refoulé, et donc délibéré à supprimer les femmes émancipées. Sous couvert de sa pathologie misogyne, Henry Verneuil en profite pour dresser un regard social sur la liberté sexuelle de l'époque lorsque les films pornographiques en ascension envahissaient certaines salles de cinéma.


Pour corser l'investigation policière menée par le commissaire Letellier et épaulé de son bras droit Moissac (Charles Denner, parfait de sobriété en inspecteur flegme), une autre traque leur ait notamment imposée afin d'alpaguer un dangereux braqueur en fuite. A ce titre, l'interminable poursuite échevelée amorcée par nos flicards à travers les ruelles parisiennes bondées d'automobilistes et de piétons demeure un modèle d'efficacité ! Car tentant d'interpeller successivement deux individus en fuite au même instant, l'action redouble d'intensité pour compromettre à nos héros deux itinéraires contradictoires. Un dilemme inespéré jusqu'au moment où Letellier, épris de vengeance, décide de se rétracter pour finalement interpeller le braqueur criminel ! En casse-cou stoïque, Jean Paul Belmondo s'élance également sur les toitures des immeubles, accourt à travers les galeries marchandes et bondit sur les rames de métro avec une persuasion suicidaire ! Passé ce florilège de séquences vertigineuses réalisées avec souci de réalisme et extrême rigueur, Henry Verneuil continue de susciter une angoisse sous-jacente sous le mode opératoire du suspense progressif afin de parfaire les inévitables provocations délétères d'un tueur plutôt finaud.


Rythmé du score haletant d'Ennio Morricone et déployant avec une rare efficacité nombre de péripéties cinglantes lors d'une mise en scène avisée, Peur sur la Ville constitue un classique du thriller et du polar. Un concentré d'action, de suspense et d'angoisse réfutant l'esbroufe gratuite et redoublant d'intensité de par son réalisme inflexible. Enfin, Henri Verneuil n'oublie pas pour autant d'ajouter une certaine dérision chez la verve du duo formé par Bebel et Denner auquel les dialogues ciselés de Francis Veber font mouche. 

27.02.13. 3èx
Bruno Matéï