vendredi 9 août 2013

Drugstore Cowboy

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site tvclassik.com

de Gus Van Sant. 1989. U.S.A. 1h40. Avec Matt Dillon, Kelly Lynch, James LeGros, Heather Graham, William S. Burroughs.

FILMOGRAPHIE: Gus Van Sant est un réalisateur, directeur de photo, scénariste et musicien américain, né le 24 Juillet 1952 à Louisville dans le Kentucky. 1985: Mala Noche. 1989: Drugstore Cowboy. 1991: My Own Private Idaho. 1993: Even Cowgirls get the blues. 1995: Prête à tout. 1997: Will Hunting. 1998: Psycho. 2000: A la rencontre de Forrester. 2002: Gerry. 2003: Elephant. 2005: Last Days. 2007: Paranoid Park. 2008: Harvey Milk. 2011: Restless. 2012: Promised Land.


Adapté du livre éponyme de James Fogle, Drugstore Cowboy retrace l'équipée échevelée de deux couples de junkies adeptes des cambriolages auprès de pharmacies et hôpitaux du coin afin de se ravitailler en drogue. Mais la mort par overdose d'une de leur camarade contraint leur leader de décrocher pour s'éloigner vers un centre de désintoxication. En réfutant les habituelles conventions du genre, Gus van Sant réalise ici un drame social peu commun à travers son traitement infligé à l'addiction des psychotropes, et ce en privilégiant un climat hermétique émaillé de plages de poésie (les délires éthérés de Bob sous l'emprise des pilules bleues) et d'une certaine dérision (la cohérence de ses superstitions et ses duperies amorcées contre les flics). En l'occurrence, pas de toxico famélique en état de manque ni de deal entre acheteurs et encore moins de sniff de cocaïne ou d'héroïne. Mais une équipe soudée de jeunes marginaux particulièrement véloces dans leur habileté à forcer les portes de pharmacies ou d'hôpitaux afin de se procurer médocs et pilules antalgiques. Ainsi, avec une rare intensité et un semblant de véracité fascinant, nous suivons dans un premier temps l'escapade délinquante de ce groupe de junkies mené par un leader imperturbable. Le réalisateur nous relatant leurs tribulations frénétiques avec souci de réalisme introspectif pour mettre en exergue leur angoisse paranoïaque émanant d'une routine insécuritaire. Dans la mesure où nous sommes véritablement immergés dans leur contrainte de s'adonner aux fraudes de stupéfiants et diverses magouilles pour déjouer les perquisitions policières. 


Porté à bout de bras par la prestance exceptionnelle de Matt Dillon, Drugstore Cowboy est érigé sous sa hiérarchie avec une stoïcité implacable afin de mieux régir son groupe d'associés. En junkie superstitieux (il craint la malédiction des chapeaux, des chiens et des miroirs !) redoublant de risques insensés, l'acteur est notamment habité d'une lassitude sous-jacente dans sa quête d'abdiquer son existence illusoire bâtie sur le mensonge et le vol. Spoil ! Enfin, la dernière partie, plus abstraite et moins accessible, nous illustre la repentance de Bob afin de fuir sa sombre destinée à la suite du décès par overdose de sa collègue nadine. De retour vers sa contrée, il renoue avec une vieille connaissance, un philosophe décrépit toujours avide de shoot à l'hydromorphone (dérivé semi-synthétique de la morphine établi sous l'enseigne de Dilaudid), et tente de retrouver une existence docile dénuée d'oppression. Avec une ambition personnelle, Gus Van Sant nous illustre son sevrage d'une manière hétérodoxe en évitant une fois encore le traitement académique. Délibéré à changer de vie, Bob renoue avec l'existence banale du prolétaire dans l'étroitesse de son appartement en espérant peut-être un jour revoir débarquer sa dulcinée. Fin du Spoil. Sur le papier, cela peut paraître aseptique mais Gus Van Sant l'arbore avec l'art de sa mise en scène.  Avec lucidité abstraite, il met en avant la délicate réinsertion du malade dans une société fluctuante (nous sommes en 1971 et la politique commence à exploiter le sujet de la drogue pour leur campagne électorale) et cette (fausse) liberté de renouer avec une existence morose. En résulte une ambiance diaphane difficilement discernable et un sentiment de nonchalance suggéré par l'ancien drogué pour ses années de galère dépendantes d'emprise de drogues. La quête d'un semblant d'épanouissement mais l'essentialité de pouvoir vivre libre avant que le passé des mauvaises fréquentations ne revienne faire surface...


J'étais toujours en vie. J'espère qu'ils m'empêcheront de mourir...
Superbement mis en scène par un auteur inspiré d'expérimentation onirique et de souci d'authenticité pour l'encadrement familier géré autour des quatre junkies en perdition, Drugstore cowboy confine au chef-d'oeuvre désabusé. Le plus singulier des drames existentiels abordant sans effet de fioriture le tabou de la drogue avec un pouvoir d'immersion prédominant. 

*Bruno
09.08.13. 3èx


jeudi 8 août 2013

L'ANGE DE LA VENGEANCE (MS. 45)

                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site blackcatboneseditions.blogspot.com

d'Abel Ferrara. 1981. U.S.A. 1h20. Avec Zoë Lund, Albert Sinkys, Darlene Stuto, Helene McGara, Nike Zachmanoglou, Abel Ferrara.

Sortie salles France: 18 Août 1982. Sortie salles U.S: 24 Avril 1981

FILMOGRAPHIE: Abel Ferrara est un réalisateur et scénariste américain né le 19 Juillet 1951 dans le Bronx, New-York. Il est parfois crédité sous le pseudo Jimmy Boy L ou Jimmy Laine.
1976: Nine Lives of a Wet Pussy (Jimmy Boy L). 1979: Driller Killer. 1981: l'Ange de la Vengeance. 1984: New-York, 2h du matin. 1987: China Girl. 1989: Cat Chaser. 1990: The King of New-York. 1992: Bad Lieutenant. 1993: Body Snatchers. Snake Eyes. 1995: The Addiction. 1996: Nos Funérailles. 1997: The Blackout. 1998: New Rose Hotel. 2001: Christmas. 2005: Mary. 2007: Go go Tales. 2008: Chelsea on the Rocks. 2009: Napoli, Napoli, Napoli. 2010: Mulberry St. 2011: 4:44 - Last Day on Earth.


Inspiré par les célèbres Un Justicier dans la Ville et Crime à FroidAbel Ferrara nous propose en 1981 un rape and revenge singulier dans son alliage de violence crue (viol sordide exécuté au coin d'une décharge, citadins froidement canardés par balles !), d'horreur et de fantastique (son point d'orgue onirique au sein du bal costumé est entaché de la folie meurtrière d'une nonne vengeresse !). 
Autour de la présence de la néophyte Zoë Lund (née Zoë Tamerlis), l'Ange de la vengeance révèle une actrice d'une beauté charnelle voluptueuse auquel son magnétisme trouble est exacerbé d'un regard glacial inscrit dans le mutisme. Profondément traumatisée à la suite de son double viol, cette jeune couturière va sombrer dans une folie meurtrière irréversible après avoir découpé en morceau sa première victime. En ange exterminatrice, Thana décide de s'afficher en vamp lascive dans un New-York décrépit afin d'attirer les mâles lubriques issus des bas-quartiers. 


Avec réalisme glauque et souci documentaire pour mieux retranscrire l'urbanisation d'un New-York insalubre, Abel ferrara redouble de provocation en iconisant une féministe atteinte d'aphasie. Une justicière des temps modernes délibérée à reprendre sa revanche sur les machistes impénitents avec la violence d'un calibre 45. Auparavant objet de pureté dans sa virginité introvertie, Thana décide aujourd'hui de se substituer en nonne véreuse. L'aura de souffre qui émane de ses exactions mesquines, l'accoutrement aguicheur de sa posture sensuelle et la figure symbolique allouée à une religieuse maléfique marquent durablement les esprits dans un pouvoir de fascination diaphane. La puissance d'évocation de ces images blasphématoires (Thana embrassant d'un rouge à lèvre scintillant chaque balle de son revolver) est d'autant plus irréelle qu'Abel Ferrara utilise une dissonance musicale particulièrement dérangeante dans ces échos à répétition. Parfois, il s'emploie également à provoquer un malaise tangible quand un déséquilibré dépressif décide d'emprunter l'arme de son interlocutrice pour se suicider d'une balle dans la tête devant son témoignage médusé ! Sans concession, Ferrara perdure dans l'oppression avec un final anthologique au paroxysme de l'horreur. Au sein d'un bal costumé arborant la fête d'Halloween, il improvise la technique du slow motion afin de chorégraphier une tuerie sanglante perpétrée par notre nonne endiablée ! Spoiler !!! Et ce juste avant que cette dernière, mortellement blessée par un tiers, s'exclame de douleur pour lui proférer le mot "soeur" ! Fin du SPOILER


Sous l'impulsion archétypale de Zoë Tamerlis et autour du thème religieux violemment singé, Abel Ferrara transcende l'adaptation d'un rape and revenge féministe. Emaillé de fulgurances visuelles par le biais d'une maîtrise technique assez inventive, l'Ange de la vengeance symbolise le culte d'une chasteté sous l'égide d'une vengeance criminelle.

08.08.13. 4èx
B-M

mercredi 7 août 2013

LA BETE DE GUERRE (The Beast of War). Meilleur film du Festival international du film de Cleveland, 1988

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemapassion.com

de Kevin Reynolds. 1988. U.S.A. 1h51. Avec George Dzundza, Jason Patric, Steven Bauer, Stephen Baldwin, Don Harvey, Kabir Bedi, Erick Avari.

Sortie salles: 7 Septembre 1988

Récompense: Meilleur film du Festival international du film de Cleveland, 1988.

FILMOGRAPHIE: Kevin Reynolds est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 17 Janvier 1952 à San Antonion, Texas.
1985: Une Bringue d'enfer. Histoires Fantastiques (Epis, vous avez intérêt à me croire). 1988: La Bête de Guerre. 1991: Robin des Bois, prince des voleurs. 1993: Rapa Nui. 1995: Waterworld. 1998: 187 Code Meurtre. 2002: La Vengeance de Monte Cristo. 2006: Tristan et Yseult.


Quand, blessé et gisant dans la plaine Afghane, tu vois bondir la femme coupeuse d'entrailles. Saisis ton fusil, fais-toi sauter la cervelle. Et rends-toi à Dieu en soldat.
Rudyard Kipling

Bien avant sa réactualisation de Robin des Bois et le mésestimé Waterworld, Kevin Reynolds s'était tenté au film de guerre avec La Bête de Guerre. D'après une pièce de théâtre de William Mastrosimone, le pitch nous relate l'expédition meurtrière d'un groupe de soldats russes équipés d'un char d'assaut pour massacrer un village afghan durant la guerre en 1981. Egarés en plein désert aride, ils vont devoir faire face à la résistance des Moudjahiddins, délibérés à se venger avec une rancoeur inébranlable. Mais durant cette traque sans relâche, un conflit d'autorité éclate entre le soldat Koverchenko et son commandant tyrannique, Daskal. 


Avec la densité d'un scénario charpenté multipliant les revirements fortuits, la Bête de Guerre joue la carte du film d'action en privilégiant l'humanité conflictuelle entre ethnie distincte. Tant du côté des russes auquel un commandant opiniâtre va risquer d'entraîner son équipe vers une déroute que du côté des Moudjahiddins, afghans motivés par la vengeance mais dont leurs femmes rebelles sont encore plus engagées d'un fiel expéditif. Au prémices de son prologue ultra violent, une inévitable empathie se créé avec le spectateur, témoin malgré lui d'un carnage commis par les soviets sur des civils afghans. La faute en incombe principalement à l'autorité impitoyable du leader particulièrement égotiste et sanguinaire. Alors qu'une course poursuite est entamée à travers le désert entre afghans et russes pour regagner leur frontière, le soldat Koverchenko finit par discerner la hiérarchie dictatoriale de son commandant. Leur discorde va d'ailleurs éclater à la suite de la mort de l'un d'eux volontairement exécuté par ce dernier ! Abandonné des siens et prisonnier des rebelles, Koverchenko va devoir négocier sa survie auprès des Moudjahiddins et élaborer parmi leur soutien sa propre vendetta. Cet enchaînement de situations improvisées où un jeune soldat russe est contraint de se solidariser avec le camp ennemi donne lieu à une réflexion sur la vengeance et l'absurdité des conflits guerriers où la moralité n'a plus lieu d'être. Car comme l'évoquera Koverchenko, il n'y a pas de bons soldats dans une sale guerre ! Seulement des anti-héros combattant l'ennemi avec une haine contagieuse pour le prix du déshonneur ! Avec maîtrise technique et emploi leste de sa scénographie, Kevin Reynolds sait distiller le danger sous-jacent et dose habilement l'action avec une efficacité compromise aux motivations mesquines de nos militaires. Parfois atmosphérique, l'ambiance solaire et crépusculaire renforce l'aspect photogénique du désert au son feutré d'un score envoûté. Enfin, la présence dantesque, quasi indestructible du fameux tank auquel nos soldats russes ont l'aubaine de se protéger renforce le côté homérique d'une situation de crise où l'enjeu n'est qu'une question de survie. 


Spectaculaire, intense et épique, La bête de Guerre fait la part belle à l'aventure belliqueuse et l'humanité de ces résistants pugnaces confrontés entre le devoir de justice par leur rancoeur meurtrie mais aussi l'amnistie chez la repentance du rival. 

07.08.13
B-M

mardi 6 août 2013

Le Monstre du Train / Terror Train

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Roger Spotiswoode. 1980. U.S.A/Canada. 1h37. Avec Jamie Lee Curtis, Ben Johnson, Hart Bochner, David Copperfield, Derek McKinnon, Sandee Currie.

Sortie salles France: 17 Juin 1981 (Int - 18 ans). U.S: 3 Octobre 1980

FILMOGRAPHIERoger Spottiswoode est un réalisateur, monteur, producteur et scénariste canadien, né le 5 Janvier 1945 à Ottawa (Canada). 1980: Le Monstre du Train. 1981: 200 000 Dollars en cavale. 1983: Under Fire. 1986: La Dernière Passe. 1988: Randonnée pour un Tueur. 1989: Turner et Hooch. 1990: Air America. 1992: Arrête ou ma mère va tirer ! 1994: Mesmer. 1997: Demain ne meurt jamais. 2000: A l'aube du 6è jour. 2003: Spinning Boris. 2005: Ripley Under Ground. 2007: J'ai serré la main du Diable. 2008: Les Orphelins de Huang Shui.


En plein essor du psycho-killer, le néophyte Roger Spottiswoode (futur réal d'Under Fire) profite du filon commercial lancé par Carpenter avec Halloween pour entreprendre ses premières armes derrière la caméra. Slasher académique au canevas éculé émaillé de situations décousues (à l'instar du procès intenté au magicien en guise de culpabilité), le Monstre du Train réussit néanmoins à sortir son épingle du jeu de par sa scénographie restreinte allouée au chemin de fer superbement exploité lors du réveillon de la nouvelle année. Qui plus est, afin d'y pimenter l'horreur ludique et sortir quelque peu des sentiers battus, le réalisateur nous caractérise habilement un tueur fou multiforme à travers l'accoutrement de ses déguisements afin de mieux duper ses prochaines victimes (et le spectateur). Enfin, c'est la scream queen des eighties, Jamie Lee Curtis, qui endosse à nouveau l'archétype de la victime pourchassée par le maniaque avec un sens de bravoure pugnace véritablement convaincant. Ainsi, en dépit d'une première demi-heure un peu languissante (se contenter d'observer les pitreries de jeunots en état d'ébriété la veille du nouvel-an pendant qu'un magicien - David Copperfield himself - compose ses tours de prestige), la modeste série B finit par prendre son envol au fil du troisième homicide.


C'est à dire au moment où le conducteur de train (le vétéran Ben Johnson se livre avec probité) s'aperçoit que deux crimes ont été sauvagement perpétrés et lorsque Alana (Jamie Lee Curtis) présage le danger en étroit rapport avec une réminiscence intrinsèque. Pour ce faire, le prologue nous eut averti qu'à la suite d'une macabre blague de potache initiée de son gré, un jeune puceau timoré se retrouva finalement interné en cellule psychiatrique pour raison traumatique. Trois ans plus tard, celui-ci refoulé décide ainsi d'accomplir sa vengeance auprès de ses anciens camarades, accoutrés pour l'occasion festive de masques de carnaval dans l'enceinte d'un train. Sur ce dernier point, Roger Spottiswoode exploite donc à bon escient le cadre restreint de ces compartiments si bien qu'un effet de claustration nous est habilement rendu. Les courses poursuites amorcées à travers les corridors et les altercations en interne des chambres provoquant d'autre part une certaine angoisse en dépit de quelques incohérences téléphonées (telle cette victime préalablement appréhendée par les pieds et n'apportant ensuite aucune résistance au meurtrier après avoir réussi à s'en dépêtrer). Toujours affublé d'un déguisement distinct, notre tueur insuffle notamment une petite tension paranoïde auprès des voyageurs toujours plus contrariés par sa présence insidieuse ! D'ailleurs, le final haletant entamé avec Alena nous accorde un rebondissement inopiné vis à vis de sa supercherie d'y duper à nouveau son entourage sous un habile camouflage !


Psycho killer mineur au sein de la décennie 80, Le Monstre du Train reste toutefois suffisamment efficace, sympathique, atmosphérique et donc quelque peu ombrageux pour contenter l'amateur en dépit d'une première partie un tantinet inféconde. La présence lascive de Jamie Lee Curtis, l'utilisation amusée de 2/3 jump scares, l'ambiance claustro régie au sein du wagon et la manière habile dont le tueur protéiforme est mis en évidence demeurant d'honorables ressources. 

*Bruno 
03.02.23. 4èx. vf
06.08.13. 

lundi 5 août 2013

MUD - Sur les rives du Mississipi

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site collider.com

de Jeff Nichols. 2012. U.S.A. 2h15. Avec Matthew McConaughey, Tye Sheridan, Jacob Lofland, Reese Witherspoon, Sarah Paulson, Ray McKinnon, Sam Shepard, Michael Shannon.

Sortie salles France: 1er Mai 2013. U.S: 26 Avril 2013

FILMOGRAPHIE: Jeff Nichols est un réalisateur et scénariste américain, né le 7 décembre 1978 à Little Rock, Arkansas (Etats-Unis). 2007: Shotgun Stories. 2011: Take Shelter. 2012: Mud.


Un an après son coup de maître Take Shelter, Jeff Nichols nous revient avec un drame naturaliste sur fond de thriller intense où les thèmes de l'amour et de la paternité sont mis en exergue parmi le témoignage candide d'un adolescent en quête de repère. Le PitchDeux adolescents découvrent la présence d'un vagabond armé aux abords du fleuve du Mississippi. Afin de se justifier, il leur explique qu'il fut contraint d'occire un homme pour protéger sa dulcinée. Quelque peu dubitatifs, Ellis et Neckbone finissent par se laisser convaincre et décident de lui prêter main forte afin de pouvoir réparer un bateau pour sa prochaine escapade. A travers une photo immaculée transcendant la beauté naturelle du Mississippi (couchers de soleil crépusculaires à l'appui !), Mud nous retrace le destin d'un fugitif à bout de course et l'initiation d'un gamin sur le fondement de l'amour. Ainsi, de par ces deux personnages à la complicité amicale davantage tangible, Jeff Nichols développe leur état d'âme dans une logique de sentiments et de paternité. Si bien qu'ici, outre l'étude caractérielle de deux héros en proie à l'incertitude, on nous évoque la désillusion amoureuse du point de vue du père d'Ellis (il est sur le point de se séparer de son épouse), de la maîtresse de Mud (en pleine remise en question !) et d'un solitaire décati au passé conjugal revers (le faux père de Mud est devenu depuis un loup solitaire aigri). 


Le thème central du film est donc directement imparti à la valeur inhérente de l'Amour au sein du couple mais auquel le mensonge, l'incommunicabilité et la tromperie peuvent tout remettre en cause. Terriblement dépité de devenir le futur rejeton d'un divorce, et dans un désir d'identification paternelle, l'adolescent Ellis tentera alors de préserver les liens amoureux qui unissent Mud et Juniper. De son côté, notre fugitif libertaire s'efforce de ranimer son destin vers de nouveaux horizons pour longer l'immensité d'un fleuve reculé (la dernière image métaphorique est sur ce point d'une intensité émotionnelle bouleversante !). Sans jamais céder aux bons sentiments lacrymaux, Jeff Nichols aborde tous ces motifs dans la vérité humaine car ils mettent en exergue la densité fragile de protagonistes compromis d'incertitude et de doutes mais aussi d'espérance et de rédemption. Avec autant de vérité psychologique pour les rôles secondaires, le réalisateur nous évoque notamment le thème de la responsabilité parentale lorsqu'un père intégriste un peu trop drastique se refuse à tolérer un peu plus de compassion et d'équité envers la parole du rejeton. La démission parentale est aussi illustrée à travers le portrait du jeune Neckbone, orphelin élevé par son oncle, puis Mud, marginal préalablement désavantagé d'une enfance solitaire et livrée aux lois d'une nature hostile, car survivant miraculé d'une morsure de reptile. Au delà de sa grande force émotionnelle, Mud se confronte également à l'intensité expansive du thriller où le suspense est savamment dosé jusqu'à son apothéose. Principalement lors de son ultime demi-heure haletante où l'issue de nos personnages s'avèrent des plus aléatoires de par les échanges de tirs cinglants.


En directeur d'acteur inné, Jeff Nichols aiguille ces comédiens avec une pudeur confondante (mentions pour l'écorché Matthew McConaughey tout en constance et surtout le jeune Tye Sheridan, époustouflant dans un jeu prévenant et circonspect alors qu'il s'agit de son 2è rôle à l'écran !). C'est ce qui fait tout la puissance de Mud dont le lyrisme poétique renvoie au cinéma de Mallick afin d'y transcender ici une relation charnelle entre la nature environnante et la candeur éperdue de l'amour (qu'elle soit d'ordre conjugale ou parentale). Poignant et bouleversant, du cinéma émotif à son acmé !

05.08.13
Bruno Matéï


jeudi 1 août 2013

MAGIC MAGIC

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site -films.ws

de Sebastian Silva. 2013. U.S.A. 1h37. Avec Juno Temple, Emily Browning, Michael Cera, Catalina Sandino Moreno, Agustin Silva.

Sortie salles France: 28 Août 2013 (23 Mai 2013 au Festival de Cannes). U.S: 22 Janvier 2013

FILMOGRAPHIE: Sebastian Silva est un réalisateur, scénariste et producteur chilien, né le 9 Avril 1979 à Santiago, Chilie. 2007: La vida me mata. 2009: La nana. 2010: Les vieux chats. 2013: Crystal Fairy. 2013: Magic magic.


Dans la lignée de Répulsions de Roman Polanski (pour l'ambiance schizo et le portrait imparti à la fille taciturne) et du Locataire (pour les visions patibulaires matérialisées par son esprit dérangé), Magic magic nous illustre le cas de conscience d'une jeune introvertie délogée en villégiature avec quelques compagnons au sein d'une archipel du Chili. Alors que son entourage profite de leur séjour avec engouement, Alicia éprouve de plus en plus de difficulté à se familiariser au groupe en attendant l'arrivée de sa cousine. Cette virée champêtre somme toute banale sera le début d'une lente descente aux enfers pour sa déchéance mentale inscrite dans une paranoïa schizophrène. Dans le cadre naturel d'une île clairsemée, le réalisateur Sebastian Silva nous plonge dans une ambiance feutrée particulièrement hermétique afin d'examiner l'introspection douloureuse d'une jeune fille timorée beaucoup trop fragile pour s'adapter à l'environnement convivial de proches inconnus. Particulièrement sensible à la faune environnante, celle-ci éprouve un malaise viscéral lorsque l'un de ses camarades abattra à coup de fusil un volatile pour le plaisir du braconnage.


Au préalable, Alicia fut déjà éprise de remord et de tristesse face à l'abandon d'un chiot en pleine route campagnarde. Ainsi, à travers sa psyché fragilisée d'anxiété, ses compagnons semblent exprimer railleries et condescendance à son égard alors qu'un chien de garde trop agité sera une menace de plus en plus ingérable. L'indéniable empathie que l'on éprouve pour cette fille persécutée et la manière sensitive dont le réalisateur y caractérise son état de conscience nous plongent dans un drame intime où le malaise et l'anxiété s'accaparent de nos émotions avec acuité. En crescendo et armi l'aura hermétique d'une atmosphère d'étrangeté sous-jacente, Sebastian Silva nous confronte à son ressenti paranoïaque vécu de l'intérieur. Dans son rôle de victime persécutée par ses affres démoniaques, Juno Temple (Killer Joe) insuffle une sensibilité à fleur de peau pour nous retransmettre ses états d'âme rongés par la peur de l'autre et du vertige du vide, faute d'une solitude indissoluble. La densité humaine qu'elle y apporte nous inspire inévitablement une grande compassion face à son désarroi d'impuissance auprès de sa maladie mentale. Cette intensité émotionnelle qui y émane s'avère subtilement retranscrite par un réalisateur renonçant l'ombre du pathos pour mettre en avant la vérité humaine, comme celle de ces camarades.


Au seuil du vide
Baignant dans un climat naturel à l'étrangeté ineffable et accentué de la discrétion d'un score ombrageux, Magic magic provoque une angoisse toujours plus expressive pour l'attention du spectateur toujours plus affecté à témoigner d'une déchéance mentale. Beaucoup d'entre vous trouveront d'ailleurs inéquitable la manière déroutante dont le cinéaste s'entreprend de boucler son dénouement. Car selon nos croyances (comme celui du rituel de la magie !), chacun pourra interpréter à sa manière l'issue cathartique ou sacrificielle allouée à la pathologie d'Alicia. Poignant et cauchemardesque, l'interprétation prégnante de Juno Temple se doit aussi d'être saluée pour l'expression intensive liée à sa pudeur paranoïaque ! 

01.08.13
Bruno Matéï


mercredi 31 juillet 2013

Un après-midi de chien (Dog Day Afternoon). Oscar du Meilleur Scénario, 1975.

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Moviecovers

de Sidney Lumet. 1975. U.S.A. 2h04. Avec Al Pacino, John Cazale, Penelope Allen, Charles Durning, Chris Sarandon, James Broderick.

Sortie salles France: 30 Janvier 1976. U.S: 21 Septembre 1975

Récompenses: Oscar du Meilleur Scénario Original, 1975
LAFCA du Meilleur film, 1975
National Film Preservation Board en 2009 (pour conservation à la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis).

FILMOGRAPHIE: Sidney Lumet est un réalisateur américain, né le 25 Juin 1924 à Philadelphie, décédé le 9 avril 2011 à New-York. 1957: 12 Hommes en colère. 1958: Les Feux du Théâtre. 1959: Une Espèce de Garce. 1959: l'Homme à la peau de serpent. 1961: Vu du pont. 1962: Long voyage vers la nuit. 1964: Le Prêteur sur gages. 1964: Point Limite. 1965: La Colline des Hommes perdus. 1966: Le Groupe. 1966: MI5 demande protection. 1968: Bye bye Braverman. 1968: La Mouette. 1969: Le Rendez-vous. 1970: Last of the mobile hot shots. 1970: King: A filmed record... Montgomery to Memphis. 1971: Le Dossier Anderson. 1972: The Offence. 1972: Les Yeux de Satan. 1973: Serpico. 1974: Lovin' Molly. 1974: Le Crime de l'Orient Express. 1975: Un Après-midi de chien. 1976: Network, main basse sur la TV. 1977: Equus. 1978: The Wiz. 1980: Just tell me what you want. 1981: Le Prince de New-York. 1982: Piège Mortel. 1982: Le Verdict. 1983: Daniel. 1984: A la recherche de Garbo. 1986: Les Coulisses du Pouvoir. 1986: Le Lendemain du Crime. 1988: A bout de course. 1989: Family Business. 1990: Contre Enquête. 1992: Une Etrangère parmi nous. 1993: l'Avocat du Diable. 1997: Dans l'ombre de Manhattan. 1997: Critical Care. 1999: Gloria. 2006: Jugez moi coupable. 2007: 7h58 ce samedi-là.


D'après un fait divers risible survenu le 22 Août 1972 à Brooklyn, Un après-midi de chien nous relate les bévues de deux braqueurs de banque ayant pris en otage 9 fonctionnaires durant 12 heures puis rapidement encerclés par les forces de l'ordre faute de leur incompétence. Aussitôt, médias, journalistes et badauds s'en mêlent pour se réunir autour de l'établissement afin d'assister à la mascarade la plus saugrenue de l'histoire de la criminalité ! Si bien que la prise d'otage vire ici à une véritable farce lorsque la population déchaînée s'autorise à aduler la renommée du leader épris d'un élan contestataire envers la société.Avec un réalisateur aussi confirmé que Sidney Lumet et la présence indéfectible deux acteurs au sommet de leur talent (Al Pacino et John Cazale forment un duo atypique de par leur complicité pataude et contrariée), Un Après-midi de chien dresse un tableau peu reluisant d'une société répressive dont la mutinerie d'Attica résonne tel un écho. Pour mémoire, au sein de cette célèbre prison, un soulèvement de prisonniers de nationalité majoritairement noire causèrent la mort de 29 d'entre eux contre 10 gardiens. C'est ce que clame à la foule excitée Al Pacino, alias Sonny Wortzik, père de famille de deux enfants en pleine crise conjugale du fait de son idylle homosexuelle avec un homme. La raison invoquée de son braquage ? Pouvoir s'approprier une somme conséquente afin de permettre une opération chirurgicale (un changement de sexe) à son amant !


Ainsi, avec un souci de vérité documenté, Sidney Lumet soulève donc ici une question d'éthique lorsque les services d'ordre (ici le FBI) envisagent de supprimer sans sommation un malfrat potentiellement parano et imprévisible afin de sauvegarder la survie des otages. Sur ce point, le point d'orgue dramatique s'avère d'une cruauté particulièrement amère quant à la méthode expéditive empruntée au FBI afin de neutraliser le malfrat le plus instable. A la misère sociale scrupuleusement analysée (nous saurons tout de l'existence miséricorde que mène Sonny avec sa femme intarissable, son amant dépressif et sa mère obtus si bien que les forces de l'ordre les feront intervenir devant l'établissement ou en interview médiatique), le réalisateur y introduit une bonne dose de dérision corrosive pour y caricaturer ce microcosme sociétal et mettre en exergue la situation alerte de marginaux au bout du rouleau. Cette dimension humaine impartie à l'utopie de ces deux paumés écervelés et ce degré d'authenticité alloué au cinéma vérité nous immergeant de plein fouet à travers leur prise de conscience dépressive (prioritairement l'intimité névralgique de Sonny). Ou comment deux chômeurs sans repères en étaient venus à accomplir un acte aussi suicidaire que burné !


De par sa mise en scène virtuose d'une belle rigueur et le jeu criant de vérité des pieds nickelés à l'humanisme torturé, Un après midi de chien nous confronte à un grand moment de cinéma pour relater la dérision d'un fait-divers impayable. En guise d'anecdote historique, après avoir purgé une peine de 20 ans de réclusion, le leader du braquage (de son vrai nom, John Wojtowicz), reçu 7 500 dollars et 1 % des bénéfices du film afin d'accorder des droits de son histoire. 

*Bruno
31.07.13. 3èx


mardi 30 juillet 2013

GENERATION PERDUE (The Lost Boys)

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site hollywoodgothique.com

de Joel Schumacher. 1987. U.S.A. 1h37. Avec Jason Patric, Corey Haim, Kiefer Sutherland, Corey Feldman, Jamison Newlander, Jami Gertz, Edward Herrmann.

Sortie salles France: 13 Janvier 1988. U.S: 31 Juillet 1987

FILMOGRAPHIE: Joel Schumacher est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 29 Août 1939 à New-York.
1981: The Incredible Shrinking Woman. 1983: SOS Taxi. 1985: St Elmo's Fire. 1987: Génération Perdue. 1989: Cousins. 1990: l'Expérience Interdite. 1991: Le Choix d'Aimer. 1993: Chute Libre. 1994: Le Client. 1995: Batman Forever. 1996: Le Droit de Tuer ? 1997: Batman et Robin. 1999: 8 mm. 1999: Personne n'est parfait(e). 2000: Tigerland. 2002: Bad Company. 2002: Phone Game. 2003: Veronica Guerin. 2004: Le Fantôme de l'Opéra. 2007: Le Nombre 23. 2009: Blood Creek. 2010: Twelve. 2011: Effraction. 2013: House of Cards. Prochainement: Breaking News.


Conçu à la base comme un divertissement pour ados, Génération Perdue réussit à dépasser son simple statut de commande grâce à la modernité de sa variation vampirique plutôt rock and Roll. Si bien qu'en l'occurrence, nos vampires se caractérisent par de jeunes marginaux au look rebelle, profitant de leur éternelle jeunesse dans une insouciance libertaire. Phénomène culte chez les générations 80 et 90 rehaussé d'un succès d'estime en salles, Génération Perdue semble défier les aléas du temps tant il préserve encore aujourd'hui la même fraîcheur par le biais de son ambiance crépusculaire de fête foraine. Lucy Emmerson et ses deux jeunes fils débarquent dans la demeure familiale de son père en Californie. Durant une soirée estivale, l'aîné fait la rencontre de la ravissante Star, une jeune fille tributaire d'un groupe de rebelles de sinistre renommée. Littéralement sous le charme, cette rencontre inopinée va totalement bouleverser la vie de Michael quand celui-ci va devoir se mesurer aux défis délétères que lui propose David, leader du clan. De retour chez lui, Michael semble souffrir du syndrome du vampire. Soutenu par une bande son rock endiablée et le fameux thème planétaire "Cry Little Sister", Génération Perdue condense une foule de qualité esthétiques et techniques pour séduire le spectateur avec un ton original pour l'époque.


Pour redorer du sang neuf au thème vampirique et ainsi convaincre la nouvelle génération, Joel Schumacher s'emploie à détourner certains codes et décors archaïques (telle la manière dont les vampires sont contraints de sommeiller, leur façon de se déplacer dans les airs et de s'agripper aux victimes, mais aussi leur tanière confinée sous une grotte au décorum de flibustier) et les exploitent dans un contexte moderne de festivités où la jeunesse en villégiature s'épanouie chaque nuit d'été. Soin formel d'une photographie flamboyante, réalisation alerte fourmillant de trouvailles visuelles, action trépidante influencée par la bande dessinée (trois de nos fervents lecteurs vont reproduire les armes de combat et s'inspirer de certaines règles de conduite entrevues dans leur revue afin de démasquer le chef des vampires !), point d'orgue très spectaculaire (on se surprend aussi de la qualité des fx explosifs !) et surtout étude caractérielle d'adolescents débrouillards, redoublant de pugnacité pour contrecarrer l'hostilité des vampires. L'étonnante réussite du film est notamment impartie au caractère crédible des enjeux de l'histoire. Sans jamais sombrer dans le ridicule, les péripéties que nos héros juvéniles perpétuent avec bravoure et audace sont établies dans une éthique de respect pour les valeurs familiales et la sauvegarde d'un amour en perdition (la relation romanesque de Michael et Star est compromise par leur statut de demi-vampire !). Le jeu naturel de chacun des comédiens (Kiefer Sutherland, absolument délectable dans le rôle insidieux du vampire intraitable, Jami Gertz se révèle devant nos yeux avec une beauté sensuelle ensorcelante et Jason Patric insuffle une présence charismatique quasi animale !) renforce inévitablement son capital attachant. Qui plus est, les seconds rôles attribués aux ados dégourdis ne font jamais preuve d'outrance et de trivialité dans leurs agissements utopiques car ils témoignent d'une naïveté humaine spontanée.


Sous l'égide d'un réalisateur aussi inégal et impersonnel, Génération Perdue avait de quoi sombrer dans le produit aseptique pour rapidement prendre la poussière d'une relique. Mais grâce à la probité de Schumacher, ce divertissement artisanal pétri de fraîcheur, de fantaisies, d'actions fantastiques et de romance transcende l'ornière. Son irrésistible pouvoir de séduction émanant notamment des étreintes charnelles des amants éternels nous épanouissant au rythme du tube lyrique "Cry Little Sister" de Gerard McMann !

30.07.13. 4èx
Bruno Matéï

vendredi 26 juillet 2013

L'ASCENSEUR (De Lift). Grand Prix à Avoriaz 1984.


                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site notrecinema.com

de Dick Maas. 1983. Hollande. 1h35. Avec Huub Stapel, Willeke van Ammelrooy, Josine van Dalsum, Liz Snoyink, Wiske, Sterringa, Huib Broos, Pieter Lutz, Paul Gieske.

Sortie salles France: 22 Février 1984. U.S: 4 Juillet 1985

FILMOGRAPHIE: Dick Maas est un scénariste, réalisateur, producteur et compositeur hollandais né le 15 Avril 1951 à Heemstede (Pays-Bas). 1977: Picknick. 1977: Adelbert. 1981: Rigor Mortis. 1983: L'Ascenseur. 1986: Les Gravos. 1988: Amsterdamned. 1992: Flodder in Amerikia ! 1995: Les Lavigueur 3: le retour. 1999: Issue de secours. 2001: L'Ascenseur, niveau 2. 2003: Long Distance. 2004: Zien (video). 2010: Saints.


En 1984, une petite production hollandaise d'un jeune réalisateur méconnu décroche le prestigieux Grand Prix au Festival d'Avoriaz. Bien que décrié par la plupart des cinéphiles qui auraient plutôt privilégié des oeuvres plus probantes comme Christine, Dead Zone (même s'il se voit décerner 3 prix secondaires !) ou encore le Dernier Testament, l'Ascenseur trouve quand même son public dans les salles obscures si bien qu'il remporte un joli succès commercial. Cet engouement inattendu pour cette série B modeste est surtout favorisé par l'originalité de son concept lorsque l'ascenseur d'un immeuble résidentiel commet des actes meurtriers envers les quidams infortunés. Cette idée saugrenue, voire ridicule, est pourtant sauvée par l'ironie macabre du cinéaste multipliant incidents meurtriers dans un sens effréné de l'efficacité allié à son thème alarmiste: la technologie organique. A l'instar de cet aveugle trébuchant maladroitement dans le vide après avoir appuyé sur le bouton pour se rendre à l'étage désiré. Ou encore lorsque le gardien se retrouve la tête coincée entre deux volets d'ascenseur alors que la cage commence subitement à descendre pour là lui arracher ! Il y a aussi une autre séquence anxiogène de par son climat claustrophobe quand deux couples éméchés vont se retrouver piégées dans l'enceinte de l'ascenseur pour y être asphyxiés.


Le scénario délirant (il y est question de micro puces douées de vie organique se régénérant d'après la machine d'un ordinateur !) s'attache donc à nous décrire l'investigation d'un dépanneur et d'une journaliste, déterminés à résoudre la mystérieuse défaillance technique empêchant la fonctionnalité ordinaire d'un ascenseur. Outre l'inanité des rapports conjugaux entre le héros et sa femme (leur mésentente s'avère peu crédible lorsque le mari impassible tente de lui réfuter son adultère avec sa collègue journaliste), le film véhicule un intérêt constant pour escompter la résolution d'une énigme débridée pointant du doigts les dangers de technologies innovantes. Sur ce point, on peut d'ailleurs souligner l'avant-garde de son thème d'anticipation si bien qu'il préfigure l'inoculation des puces électroniques en interne du corps humain (aujourd'hui l'identification d'un animal domestique peut-être imprimée sous la peau). On peut aussi évoquer dans un avenir proche les nouvelles lois envisageables auquel les puces seraient imposées dans le corps humain pour déjouer la progression d'une maladie (ce qu'évoque l'un des protagonistes lors de son analogie avec les puces organiques !).


De par son concept insensé et le caractère à la fois modeste et attachant des protagonistes, l'Ascenseur constitue une série B ludique dont le savoir-faire technique du réalisateur (les séquences chocs inventives, intenses et sardoniques se succèdent brillamment avec un sens du cadrage) renforce son capital irrésistiblement bonnard. 

RécompenseGrand Prix au Festival du Film Fantastique d'Avoriaz en 1984

*Bruno
26.07.13.
6èx


jeudi 25 juillet 2013

Litan, La Cité des Spectres Verts. Prix de la Critique à Avoriaz, 1982.

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site kebekmac.blogspot.com

de Jean Pierre Mocky. 1981. France. 1h28. Avec Jean-Pierre Mocky, Marie José Nat, Nino Ferrer, Marysa Mocky, Bill Dunn, Georges Wod, Dominique Zardi.

Sortie salles France: 24 Février 1982

FILMOGRAPHIE: Jean Pierre Mocky (Jean-Paul Adam Mokiejewski) est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur français, né le 6 Juillet 1933 à Nice. 1959: Les Dragueurs. 1960: Un Couple. 1961: Snobs ! 1962: Les Vierges. 1963: Un Drôle de Paroissien. 1964: La Cité de l'indicible peur. 1965: La Bourse et la Vie. 1967: Les Compagnons de la Marguerite. 1969: La Grande Lessive. 1970: l'Etalon. 1970: Solo. 1971: l'Albatros. 1972: Chut ! 1973: l'Ombre d'une Chance. 1974: Un Linceul n'a pas de poche. 1975: l'Ibis Rouge. 1976: Le Roi des Bricoleurs. 1978: Le Témoin. 1979: Le Piège à Cons. 1981: Litan. 1982: Y'a t'il un français dans la salle ? 1983: A mort l'Arbitre. 1985: Le Pactole. 1986: La Machine à découdre. 1987: Le Miraculé. 1987: Agent Trouble. 1987: Les Saisons du plaisir. 1988: Une Nuit à l'assemblée nationale. 1988: Divine Enfant. 1990: Il gèle en enfer. 1991: Mocky Story. 1991: Ville à Vendre. 1992: Le Mari de Léon. 1992: Bonsoir. 1995: Noir comme le souvenir. 1997: Robin des Mers. 1997: Alliance cherche doigt. 1998: Vidange. 1999: Tout est calme. 1999: La Candide. 2000: Le Glandeur. 2001: La Bête de Miséricorde. 2002: Les Araignées de la nuit. 2003: Le Furet. 2004: Touristes, oh yes ! 2004: Les Ballets Ecarlates. 2005: Grabuge ! 2006: Le Deal. 2007: Le Bénévole. 2007: 13 French Street. 2011: Les Insomniaques. 2011: Crédit pour tous. 2011: Le Dossier Toroto. 2012: Le Mentor. 2012: A votre bon coeur, mesdames. 2013: Dors mon lapin. 2013: Le Renard Jaune.


Des masques, de la musique et des danses : dans la ville de LITAN chaque année, on fête ainsi les morts.
Mais cette année là...

Récompensé du Prix de la Critique à Avoriaz en 1982 (mais de l'aveu du réalisateur sifflé par Brian De Palma et John Boorman durant une représentation  !), Litan est l'un des rares films de Jean Pierre Mocky à avoir su traiter le genre fantastique avec une ambition toute spirituelle. Le pitchDurant la fête de la saint Litan, un couple se retrouve impliqué dans une série d'évènements mystérieux et meurtriers. Plongés dans une folie incontrôlée, les habitants de cette cité montagneuse semblent être victimes d'une machination scientifique révolutionnaire. Athée mais persuadé que l'âme perdure au delà de la mort, Jean Pierre Mocky nous illustre ici un rêve fantasmatique aux allures de carnaval macabre. Baignant dans l'atmosphère irréelle d'un cadre naturel montagneux nappé de brouillard, le réalisateur accorde un soin formel à peaufiner ses décors diaphanes de cimetière gothique, de grotte humectée ou d'hôpital délabré, quand bien même des villageois affublés de masques morbides sèment la zizanie parmi la foule hagarde.


Ainsi, le mystère de Litan semble émané d'une rivière jalonnée de feux-follets depuis qu'un séisme aurait peut-être libéré un minerais inconnu dissout dans l'eau. Au sein de cette fête des morts, il y a aussi les sinistres expérimentations d'un scientifique capable de démystifier les secrets inavoués de l'après-mort. Avec un désir prégnant de nous immerger dans un rêve insolite de bal costumé dénué de sens et de raison, Jean Pierre Mocky s'interroge sur le mystère insondable de la mort. Alors qu'un couple est témoin d'étranges phénomènes, telles ces disparitions et meurtres inexpliqués et l'avènement de cadavres hébétés, le secret de Litan semble s'éclaircir après les déclarations d'un revenant récalcitrant ! Pour se faire, pour l'idéologie du réalisateur, pas d'enfer ni de dieu après la mort mais une âme errante assoupie dans un rêve attendant le moment propice de s'y libérer. "Nous rêvons votre vie et quand notre rêve s'arrête alors vous mourrez", dira l'un des sujets expérimenté sous hypnose ! La réflexion métaphysique d'une mise en abyme (un rêve dans un rêve) est donc évoquée, la lutte de deux ombres dans un même corps, à moins que nous ne sommes que le songe d'une âme assoupie se donnant libre choix d'endiguer notre rêve à tous moments ! C'est d'ailleurs par un rêve prémonitoire vécu par l'héroïne que le film amorce son fantasme pour s'y matérialiser face à notre témoignage ! Ainsi, nous sommes donc peut-être le fruit d'une expérience d'un alchimiste créateur !


Le carnaval des âmes
Délire baroque à l'imagerie païenne saisissante, farce macabre où les morts sont détroussés de leur âme par une eau rocheuse ou disséquées par un médecin mystificateur, Litan intrigue, déroute et fascine pour nous plonger dans le mystère le plus abyssal de notre existence: l'au-delà de la mort. De par son pouvoir d'envoûtement prédominant et sa mélodie orchestrale entêtante, on peut aisément concéder que cette perle rare reste l'une des plus belles réussites fantastiques pour un genre si boudé et peu exploré dans l'hexagone. Un authentique film culte en somme à l'aura indicible prégnante. 

* Bruno
04.03.22. 4èx
25.07.13. 

Récompense: Prix de la Critique au Festival International du film fantastique d'Avoriaz en 1982.

Dormir et rêver...
C'est comme si on flottait, on sent la présence des autres morts autour de soi... Pas de ciel, pas d'enfer, rien... Rien, vous êtes là et vous attendez, quelque fois vous rêvez mais ensuite le rêve s'arrête.. Vous attendez que les vivants meurent et il nous rejoignent dans notre rêve... Nous rêvons votre vie et quand notre rêve s'arrête alors vous mourrez... Nous sommes comme deux ombres luttant pour un même corps, bientôt nous ne serons plus qu'une âme... Eric ne sera plus que le souvenir de quelqu'un que j'ai été il y a très longtemps... Quelqu'un qui était en vous, j'ai été plus fort que lui alors je me souviendrais de sa vie  comme si ça avait été la mienne...
                                          LITAN, LA CITE DES SPECTRES VERTS

mercredi 24 juillet 2013

ONLY GOD FORGIVES. Grand Prix au Festival du film de Sydney, 2013.

                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site flicksandbits.com

de Nicolas Winding Refn. 2013. France/Danemark. 1h30. Avec Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm, Tom Burke, Ratha Pohngam, Byron Gibson.

Récompense: Grand Prix au Festival du film de Sydney, 2013.

Sortie salles France: 22 Mai 2013. U.S: 19 Juillet 2013

FILMOGRAPHIE: Nicolas Winding Refn est un scénariste, réalisateur, producteur et acteur danois, né le 29 septembre 1970 à Coppenhague (Danemark).
1996: Pusher. 1999: Bleeder. 2003: Inside Job. 2004: Pusher 2. 2005: Pusher 3. 2008: Marple - Nemesis (télé-film). 2009: Bronson. 2010: Valhalla Rising. 2011: Drive. 2012: Only God Forgives.


Après le succès inattendu Drive et la révélation Ryan GoslingNicolas Winding Refn enchaîne avec Only God Forgives, récompensé du Grand Prix à Sydney. Trip métaphysique quasi expérimental, le réalisateur prend ici le contre-pied de son polar antécédent pour nous livrer un ovni beaucoup moins accessible pour le spectateur lambda peu habitué aux ambiances hermétiques. Car ici, le réalisateur utilise le thème de la vengeance pour fignoler avant tout une mise en scène hyper travaillée dans des décors stylisés et picturaux. A la suite de la mort de son frère, Julian voit débarquer l'arrivée de sa mère lui suppliant d'assassiner le responsable. Cette doléance intransigeante d'une mégère castratrice va être le théâtre d'un règlement de compte sanglant entre Chang, officier de police véreux et Julian, célibataire introverti en quête existentielle. 


Pari audacieux que ce polar obscur noyé dans un rythme languissant mais transcendé par une ambiance envoûtante et des éclairs de violence soudains. Concerto emphatique sur la vengeance expéditive, Only God Forgives bouscule les habitudes du spectateur dans un spectacle onirique de sons et lumières. A l'intonation d'une partition musicale électrisante, les antagonistes ressemblent ici à des fantômes errants se provoquant communément par des regards mutiques puisque les bavardages laconiques laissent souvent place aux coups de sabres pourfendeurs et gunfights assourdissants ! Balade nocturne dans un Bangkok crépusculaire illuminé de néons polychromes où les prostituées ferment les yeux face à la barbarie, Only God Forgives chorégraphie la besogne de meurtriers renfrognés, ne cessant de se provoquer par des exactions vindicatives inutiles. La filiation, la paternité déchue sont ici abordés du point de vue de protagonistes meurtris d'un deuil infantile. En justiciers redresseurs de torts, ils souhaitent établir eux mêmes la sentence meurtrière afin d'apaiser leur rancoeur. Au milieu de cette confrontation sanglante, notre anti-héros Julian va devoir se mesurer à un ange de la vengeance indestructible. Compromis par la dictature tyrannique de sa mère (Kristin Scott Thomas est littéralement transie d'agressivité impassible !) et ayant vécu une enfance douloureuse (il avait préalablement assassiné son propre géniteur dans son pays natal !), Julian va devoir combattre la figure divine d'un ange exterminateur dans une éthique indécise en perte de repères. Car ici, notre gangster est un boxeur novice brisé par la solitude et la démission parentale mais néanmoins épris d'empathie auprès de la candeur des enfants martyrs. 


Sauvage et cruel, monotone et concis mais d'une beauté contemplative ensorcelante, Only God forgives privilégie l'expérience atmosphérique et le lyrisme envoûtant au sein d'une intrigue tortueuse imprimant la quête impossible d'une plénitude et de la repentance. On adhère et on se laisse bercer par la mélodie baroque ou on rejette en bloc cette ambition auteurisante de prôner avant tout une mise en scène prodige. Pour ma perception sensorielle, la balade funeste m'a laissé une trace indélébile dans l'esprit !
24.07.13
Bruno Matéï