mercredi 13 novembre 2013

MODUS ANOMALI

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site pixagain.org

de Joko Anwar. 2012. Indonésie. 1h26. Avec Rio Dewanto, Hannah Al Rashid, Izzi Isman.

Sortie le 15 mai 2013

FILMOGRAPHIE: Joko Anwar est réalisateur, acteur et scénariste indonésien, né le 3 Janvier 1976
2005: Janji Joni. 2007: Dead Time: Kala. 2009: Pintu terlarang. 2012: Modus Anomali.


Survival indonésien goguenard et retors dans sa réhabilitation des codes du genre, Modus Anomali emprunte au suspense d'une énigme aussi confuse que déconcertante. A travers la fuite désespérée d'un quidam amnésique, perdu au beau milieu d'une forêt hostile, Joko Anwar livre un implacable thriller constamment imprévisible dans son lot de revirements abrupts !

Dans une forêt, un homme s'extirpe de la terre après avoir été enterré vivant. Poursuivi par un tueur sans visage, il se rend dans une maison abandonnée. A l'intérieur, il découvre la vidéo du meurtre de sa femme enceinte. Qu'en est-il de ses deux enfants ? La traque pour les retrouver et échapper au meurtrier ne fait que commencer ! 


Dans une mise en scène originale et inventive (la caméra exploite les décors et scrute la paranoïa du héros avec un sens du cadrage hétérodoxe !), le réalisateur distille une ambiance monocorde des plus déroutantes. Par le silence feutré de la végétation et l'attitude taciturne des protagonistes, Modus Anomali souhaite bousculer les habitudes du spectateurs embarqué dans un jeu de rôle hermétique. En prime, au sein de cette survivance de longue haleine, la manière dont le tueur utilise la paranoïa du héros laisse extérioriser une cruauté à l'humour noir grinçant pour les dommages collatéraux. Émaillé d'indices et de pièges, Joko Anwar fait donc subir à son personnage nombres d'épreuves physiques (sa planque dans une malle étroite alors qu'un feu est entrain de se propager !) et psychologiques ATTENTION SPOILER ! (le sort réservé à ses propres enfants, FIN DU SPOILER sa haine toujours plus viscérale de vouloir étriper son bourreau !) que n'aurait pas renié John Rambo et Evil Ash ! Cette atmosphère crépusculaire d'une forêt particulièrement délétère auquel un tueur s'y est planqué nous place dans une situation de doute, à l'instar du héros incessamment persécuté ! Sans céder à une esbroufe spectaculaire, le réalisateur opte le plus souvent sur le climat tendu d'un environnement étrangement onirique (la forêt superbement éclairée semble insuffler de temps à autre une aura fantasmatique héritée des contes de fée !) tout en nous ébranlant sur le caractère violent de certains évènements. 
Passée cette première heure aussi déroutante qu'irrésistiblement inquiétante, la dernière partie va littéralement bouleverser la  destinée de notre survivant dans une mise en abîme désarçonnante ! Si personnellement, j'ai été stupéfié de la tournure du revirement, il n'en sera pas du goût de tout le monde, tant son twist révélateur laisse certaines questions et réflexion en suspens !


Original et surprenant, mais déroutant et parfois incohérent dans ses facilités requises, Modus Anomali a au moins le mérite de proposer un survival détonnant dans sa structure insolite à double niveau de lecture. Le choc qui en émane (la stupeur des meurtres s'avère toujours plus dérangeante face à la réaction du héros) et les ruptures de ton accordées laissent en mémoire un ovni audacieux conçu pour diviser son public et s'interroger sur la riposte de la violence. 

13.11.13
Bruno Matéï

lundi 11 novembre 2013

MEMORY OF THE DEAD (court-métrage).


de Pascal Frezzato. 2013. France. 20 mns. Avec Isabelle Rocton, Bruno Dussart, Caroline Masson, Christophe Masson, Adrien Erault, David Hamon, Camille Houlbert, Maxime Loiseau, Marina Poulet, Matthieu Lemercier, Eugene Rocton et Jean Bastien Erault

FILMOGRAPHIE: Pascal Frezzato est un réalisateur français de court-métrage, né le 4 Décembre 1972.
2010/11: Predator. 2012: Le Règne des Insectes. 2013: Memory of the dead.


Entreprise autrement plus ambitieuse que celle du Règne des Insectes (en rapport à sa scénographie plus hétérogène exploitant ici des décors naturels, ces comédiens amateurs plus nombreux et un planning de tournage plus imposant), Memory of the Dead est le troisième essai de Pascal Frezzato dans la cour des courtsLa gestation de ce projet de longue haleine, nous la devons d'abord à la scénariste et comédienne Isabelle Rocton (jouant ici son 1er rôle à l'écran) qui souhaitait rendre hommage au mythe du zombie d'une manière toute intime.
Partant de la même théorie nihiliste que le Règne des Insectes (l'apocalypse sans espoir de rédemption), Memory of the Dead traite de la survie des infectés (on les prénomme ici les "Z") après que la 3è guerre mondiale ait éclaté. A partir de cet argument linéaire, Pascal Frezzato livre un hommage Bis au film de zombie dans sa pure tradition, à l'instar du pré-générique où quelques zombies déambulent au milieu des champs. A travers cette belle séquence filmée en plan large, on pense inévitablement à La Nuit des Morts-vivants de Romero, alors que la scène suivante (leur promenade sur le parking d'un supermarché) évoque le panthéon du genre: Dawn of the Dead
Passée cette première ébauche du chaos, nous entrons ensuite de plein pied dans l'intimité d'un dîner particulièrement inconvenant ! Le repas dégueulbif de trois infectés avachis sur une victime éventrée ! De manière percutante, et à l'aide de gros plans insistant sur la chair des viscères, le réalisateur semble subitement habité par une audace graphique quelque peu expérimentale. Les effets spéciaux, bricolés et minimalistes, s'avèrent assez efficaces dans leur texture graphique, d'autant mieux privilégiés par un habile montage. A contrario, on peut tout de même reprocher que la caméra s'attarde un peu trop sur l'appétit vorace d'une zombie en particulier, lorsque cette dernière mâchouille longuement un intestin ! A noter également que la qualité des maquillages de latex confectionnés pour les zombies s'avère assez impressionnante (en priorité le faciès menaçant que Isabelle Rocton porte avec ténacité !). 
Face à cette débauche gore complaisamment étalée, on peut songer aux effluves d'un Joe d'Amato en pleine renaissance ou d'un Jesus Franco pas encore remis de Mondo Cannibale. On imagine alors que la suite à venir sera sans doute du même acabit ! Que nenni, puisque durant sa dernière partie, le métrage bifurque diamétralement pour adopter une démarche très intime (à l'instar du final désenchanté du Règne des Insectes). 


C'est durant ses 10 dernière minutes, face à l'errance solitaire d'une femme zombie, que Memory of the Dead va enfin pouvoir décoller pour dévoiler ses ambitions premières. A travers le cheminement instinctif d'une morte-vivante, le film va subitement explorer son état de conscience comme George Romero l'avait préalablement su traiter dans le Jour des Morts-vivants. La perte de l'être cher face à une réminiscence infantile ! C'est ce que cette infectée souhaite se remémorer durant la visite de son ancienne demeure, où sa démarche nonchalante va l'entraîner vers le refuge tamisé de sa chambre. A l'aide d'un magnifique score élégiaque, l'ambiance mortifère qui imprégnait le métrage va subitement altérer pour extérioriser une amertume délicate ! Tristesse, accablement, colère et regret sont les nouveaux sentiments exprimés du point de vue de ce cadavre rongé par le souvenir et sa nécrose. Ces séquences dramatiques de claustration durant laquelle cette dernière se retrouve recluse dans l'intimité d'une chambre nous saisit à la gorge par son regain d'humanité égaré dans le néant.  
Si le jeu perfectible des comédiens aurait gagné à être plus charpenté, (la petite Camille est assez inexpressive face à la vue de sa maman zombifiée alors que Isabelle Rocton adopte une démarche un peu trop rigide pour se déplacer !) le désarroi fragile que nous véhicule l'actrice première nous bouleverse jusqu'aux larmes ! Face à cette décharge d'émotion et d'humanisme désespéré, on songe au magnifique psycho drame Moi, Zombie, Chronique de la douleur de Andrew Parkinson, alors que Pascal Frezzato ignorait l'existence de ce métrage British !


La mère des Larmes
Avec l'intégrité du cinéaste et l'aimable participation des comédiens amateurs, Pascal Frezzato continue d'entamer la voie du court-métrage Z en livrant aujourd'hui un hommage aux films de Zombies dans une dramaturgie inattendue. En dépit de quelques défauts techniques évidents (fx de synthèse perfectibles, éclairages ternes), du jeu de prestance parfois hésitant (bien que Isabelle Rocton dégage une incroyable acuité émotionnelle !), Memory of the Dead empreinte la voie de Romero et Parkinson pour sa réflexion sur la conscience et transcende en dernier acte une élégie bouleversante sur le deuil infantile ! 

P.S: Attention ! Passé le générique de fin, un clin d'oeil surprise vous attend !
Le court-métrage est visionnable ici !
http://www.dailymotion.com/video/x18teot_memory-of-the-dead-sous-titrage-anglais_shortfilms

La critique de Mathias Chaput:
Après son très réussi « Règne des insectes », le talentueux et passionné Pascal Frezzato récidive dans le court en s’appropriant un thème maintes fois ressassé auparavant : le film de zombies…
Sauf que là, il a choisi le parti pris d’adopter un ton totalement différent et aux antipodes des films d’horreur contemporains en incluant à son œuvre une dimension métaphorique voire cristalline par le biais du personnage de la zombie femelle qui revoit son passé d’humaine après s’être vue dans un miroir…
Et la donne change radicalement !
Inspiré à l’extrême, Frezzato, outre une technique et un sens du cadrage très intéressants prend la symbolique de l’escalier, cet escalier où la « Z » gravite et monte comme une ASCENSION du mort vers son âme dans le ciel…
Et d’un coup, tout son passé, toute sa vie ressurgit ! sa fille enfant, le lit, la chambre, l’ours en peluche, autant d’allégories qui jaillissent du subconscient de cette zombie, frêle et mélancolique…
Les maquillages sont efficaces et les décors très soignés et « Memory of the dead » prend son essor véritablement dès l’entrée dans la maison, parvenant à démarquer le début gore à l’outrance pour partir dans une recherche à la démarche intelligente, cassant les hypothétiques redondances qui auraient pu foisonner si Frezzato n’avait pas exulté son imagination dès lors…
Habilement réalisé et au timing soutenu, « Memory of the dead » plonge le spectateur en immersion vers un voyage sans retour au sein de l’inconscient, dans le creux d’une vague ou d’un tremblement sismique et finalement parvient à apporter un réconfort et un apaisement à une situation douloureuse et énigmatique…
Nul doute que le parcours de « Memory of the dead » sera jalonné du plus grand intérêt des aficionados de films de zombies qui y verront là une approche et une thématique parfaitement novatrice, revigorante et très rigoureuse dans son traitement…
Note : 9/10

Pour ceux qui souhaitent découvrir le Règne des Insectes
http://brunomatei.blogspot.fr/2012/08/le-regne-des-insectes_13.html
et Pour une poignée de Spaghettis: http://brunomatei.blogspot.fr/…/per-un-pugno-di-spaghetti-p…
11.11.13
Bruno Matéï

  



vendredi 8 novembre 2013

L'Invasion des Profanateurs / Invasion of the Body Snatchers. Antenne d'Or, Avoriaz 1979.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site dailymars.net

de Philip Kaufman. 1978. U.S.A. 1h55. Avec Donald Sutherland, Brooke Adams, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright, Leonard Nimoy.

Sortie salles U.S: 20 Décembre 1978

FILMOGRAPHIE: Philip Kaufman est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 23 Octobre 1936 à Chicago, Illinois (Etats-Unis). 1965: Goldstein. 1967: Fearless Frank. 1972: La Légende de Jesse James. 1974: The White Dawn. 1978: L'Invasion des Profanateurs. 1979: Les Seigneurs. 1983: L'Etoffe des Héros. 1988: L'Insoutenable légèreté de l'être. 1990: Henry et June. 1993: Soleil Levant. 2000: Quills, la plume et le sang. 2004: Instincts Meurtriers. 2012: Hemingway et Gellhorn (télé-film).


"Obey !"
Seconde adaptation du roman homonyme de Jack Finney, l'Invasion des Profanateurs est un remake du classique de Don Siegel aujourd'hui privilégié du caractère oppressant d'une épouvante anxiogène. Epaulé de remarquables effets-spéciaux impressionnants de réalisme (la reconstitution des cadavres perfectibles par les cocons) et d'une galerie de comédiens épatants d'expressivité fébrile (Donald Sutherland, Brooke Adams, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright et Leonard Nimoy), cette version colorisée s'érige en sommet de terreur psychologique de par son intensité métronome. Ainsi, à travers un scénario original bâti sur une nouvelle invasion d'E.T, l'Invasion des Profanateurs doit sa grande réussite à l'intelligence de son propos pour le rapport intrinsèque à nos pulsions face à la dépendance de l'angoisse et de la souffrance via nos émotions innées. A savoir l'inhérence vitale de régir notre vie par le principe de la souffrance afin de pouvoir conquérir le bonheur. Il fallait tout de même oser entreprendre un pitch aussi saugrenu que n'importe quel tâcheron Z aurait facilement versé dans le ridicule. Imaginez une seconde le concept SF alarmiste ! Une fleur venue de l'espace est la nouvelle menace terrienne dans leur mainmise à vouloir prendre possession de nos corps durant notre sommeil !


Mais sous la houlette de Philip Kaufman, cette trame incongrue s'avère un modèle d'angoisse diffuse et d'efficacité où la paranoïa d'une poignée de survivants sera mise à rude épreuve pour avertir la populace. La première partie, la plus éprouvante, nous fait partager la détresse d'une épouse, convaincue que son mari n'est plus celui qu'elle eut connu et qu'au sein de sa société une conspiration de grande ampleur est sur le point de converger ! Avec l'entremise amicale d'un inspecteur de l'hygiène, d'un couple et d'un psychiatre, ils vont tenter de comprendre les tenants et aboutissants de cette sournoise hostilité. C'est à travers la flore de cocons en mutation que l'origine extra-terrestre s'extrait pour s'emparer de nos corps afin de se dédoubler en zombie impassible ! Dénué d'une quelconque émotion, de douleur et de haine, ces nouveaux conquérants prolifèrent sur terre afin de nous asservir en guise de survie. Le climat d'inquiétude, de doute et de terreur palpable qu'insuffle chaque protagoniste est d'autant plus prégnant que l'endurance de la fatigue les contraint de garder l'oeil éveillé. Cette descente aux enfers se livre donc à un cauchemar sans fin que la mise en scène avisée de Kaufman va habilement coordonner à l'aide d'une bande son dissonante, de cadrages obliques et de mouvements de caméra cuisants (parfois à l'épaule) afin d'amplifier le malaise. La seconde partie, autrement haletante car fertile en poursuites, est une course contre la mort que nos héros devront traverser au sein d'une ville chaotique en adoptant une posture impassible afin de détourner le ravisseur. Avec un désespoir toujours plus contraignant, leur chance de survie semble de plus en plus précaire depuis que chaque citadin s'est substitué par un nouveau corps dénué d'épiderme !
 

Les Envahisseurs sont parmi nous
Métaphore sur la propagande, l'instinct grégaire et les doctrines dictatoriales (et bien d'autres analogies sur notre condition soumise), réflexion métaphysique où les sentiments de peur et de souffrance sont élémentaires à l'épanouissement, l'Invasion des Profanateurs perdure son pouvoir de fascination par la densité d'un scénario implacable et surtout par sa capacité émotionnelle à provoquer l'effroi, jusqu'à l'ultime image, glaçante de nihilisme. 

La Chronique de l'Invasion des profanateurs de Sépultures: http://brunomatei.blogspot.fr/…/linvasion-des-profanateurs-…

*Bruno
30.12.22. 4èx
08.11.13. 


jeudi 7 novembre 2013

Coup de Coeur / One from the Heart

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Hollywood.com

de Francis Ford Coppola. 1982. U.S.A. 1h38. Avec Frederic Forrest, Teri Garr, Raul Julia, Nastassja Kinski, Lainie Kazan, Harry Dean Stanton.

Sortie salles France: 29 Septembre 1982. U.S: 12 Février 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVEFrancis Ford Coppola est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 7 Avril 1939. 1963: Dementia 13. 1966: Big Boy. 1968: La Vallée du Bonheur. 1969: Les Gens de la pluie. 1972: Le Parrain. 1974: Conversation Secrète. Le parrain 2. 1979: Apocalypse Now. 1982: Coup de coeur. 1983: Outsiders. Rusty James. 1984: Cotton Club. 1986: Peggy Sue s'est mariée. 1987: Jardins de Pierre. 1988: Tucker. 1989: New-York Stories. 1990: Le Parrain 3. 1992: Dracula. 1996: Jack. 1997: L'Idéaliste. 2007: l'Homme sans âge. 2009: Tetro. 2011: Twixt.


Echec commercial cuisant lors de sa sortie officielle alors que les critiques de l'époque y accordaient un intérêt limité, Coup de coeur est pourtant, comme son titre l'indique, un moment de cinéma singulier dans son rapport universel à la thématique de l'amour. Car à travers les procédés illusoires du cinématographe, Francis Ford Coppola rend autant hommage au 7è art dans sa faste virtuosité où l'inventivité du cameraman expérimente son outil avec souci de stylisme féerique. Célébration aux romances classiques et aux comédies musicales de l'âge d'or, Coup de coeur est une nuit d'ivresse aussi euphorique que les bulles d'une coupe de champagne que l'on savoure à chaque gorgée. 
Le pitchA Las vegas, un couple s'entre-déchire après 5 ans de vie commune. Ils décident d'un commun accord de se séparer pour vivre indépendamment leur nouvelle liberté au sein d'une ville effervescente. 


Trois ans après avoir sublimé la guerre dans le cauchemar vietnamien Apocalypse Now, Francis Coppola dépose les armes pour jeter son dévolu vers la romance d'un couple en perdition. Show de sons et lumières sous les néons polychromes des projecteurs de Las Vegas, Coup de coeur est une ode à l'amour le plus candide et à l'instant présent. Si bien qu'en dépit de l'infidélité du couple désuni, leur fuite vers un Las Vegas utopique va les rappeler à la raison de l'authenticité amoureuse, de l'expérience de leur propre vécu au mépris des broutilles subsidiaires ! Ainsi, à travers cette histoire limpide mainte fois éculée à l'écran, notre cinéaste perdure sa pertinence à réinventer ici le genre romantique dans une mise en scène expérimentale en constante créativité ! Jeu de lumières et d'ombres juxtaposés dans le même plan afin de suivre deux séquences distinctes, éclairages flashy et couleurs rutilantes sur des décors de carte postale, feux d'artifice de numéros musicaux improvisés en pleine rue de festivité, ballades de blues d'un romantisme exaltant, Coup de coeur s'érige au sommet d'une fantasmagorie en constante conversion. Un bain de jouvence pour tous les coeurs en peine ou en étreinte où les âmes blessées s'y séparent pour mieux se retrouver au moment opportun.


Cinema Paradiso
En illustrant la virée de deux femmes en quête de plénitude (Teri Garr et Nastassia Kinski magnétisent l'écran de leur érotisme à la fois charnel et gracile !), incessamment courtisées par des amants désireux (Frédéric Forrest et Raul Julia forment avec entrain un duo obstiné !), Coup de Coeur prodigue avec une féerie ensorcelante la sollicitation de l'amour le plus fébrile. En jouant sur les trucages de l'illusion pour y altérer la réalité, Francis Ford Coppola se porte aussi avant-coureur pour annoncer l'ère du numérique. Sauf qu'en l'occurrence, ces procédés artisanaux entièrement régis en studio renvoient à la fertilité première d'un Melies et d'un ChaplinSi vous voulez rendre amoureuse votre femme ou renouer avec la prémices de l'émoi sentimental, Coup de coeur est tout à fait capable d'occasionner l'effet escompté au sein de sa féerie étincelante plus vraie que nature. 

*Bruno
08.11.22. vf. 3èx
07.11.13. vost. 2èx.


mercredi 6 novembre 2013

L'EXORCISTE 2, L'HERETIQUE (Exorcist 2: The Heretic)

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site daysarenumbers.net

de John Boorman. 1977. U.S.A. 1h58. Avec Linda Blair, Richard Burton, Louise Fletcher, Max Von Sydow, Kitty Winn, Paul Henreid, James Earl Jones, Ned Beatty.

Sortie salles France: 25 Janvier 1978. U.S: 17 Juin 1977

FILMOGRAPHIE: John Boorman est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né le 18 Janvier 1933 à Shepperton (Royaume-Uni).
1965: Sauve qui peut. 1967: Le Point de non-retour. 1968: Duel dans le pacifique. 1970: Leo the last. 1972: Délivrance. 1974: Zardoz. 1977: L'Exorciste 2. 1981: Excalibur. 1985: La Forêt d'Emeraude. 1987: Hope and Glory. 1990: Tout pour réussir. 1995: Rangoon. 1998: Le Général. 2001: Le Tailleur de Panama. 2003: In my Country. 2006: The Tiger's Tail.


"J'ai trouvé particulièrement stimulante l'idée de faire un film qui s'appuyait sur l'attente d'un public préexistant. Chaque film exige un effort pour rejoindre son public et c'est pourquoi le cinéma est si souvent répétitif: la répétition est gage de succès. J'ai trouvé qu'il serait honnête de prendre en charge cette attente du public et de la remodeler, de l'aider à se réorienter, plutôt que de le satisfaire avec la réédition d'un produit familier". John Boorman

Quatre ans après le foudroyant traumatisme planétaire, l'Exorciste, John Boorman s'entreprend de réaliser une suite à contre-courant, dans le sens où il souhaite avant tout s'écarter du grand-guignol révulsif de son modèle. Echec commercial cinglant auquel le public s'attendait sans doute à une forme de remake encore plus horrifiant, le film est à nouveau boudé lorsque son réalisateur en modifie le montage (ainsi qu'un final plus spectaculaire) pour le réexploiter en salles. Enquêtant sur les circonstances troubles de la mort du père Merrin, le prêtre Amont décide de rentrer en contact avec la jeune Regan durant des séances d'hypnose synchronisées afin de rencontrer le démon Papuzu. 



Visuellement éblouissant durant le voyage initiatique entrepris en Afrique par le père Amont, l'Exorciste 2: l'hérétique, joue la carte du dépaysement vertigineux lorsque ce dernier doit par exemple, par hypnose synchronique, s'infiltrer à l'intérieur de crevasses d'une montagne pour témoigner d'un exorcisme commis sur l'enfant Kokumo. Réflexion métaphysique sur la nature du Mal, le film de John Boorman bouscule les règles de la convention et redouble d'originalité à tenter d'expliquer les fondements maléfiques du diable Papuzu sous l'apparence hostile d'une invasion de sauterelles. Avec audace, le réalisateur prend donc le risque de dérouter le spectateur avec son lot de séances d'hypnose récurrentes (mais parfaitement synchronisées !), auquel Amont et Regan, tentent de renouer contact (parfois même pas télépathie !) avec Papuzu. La seconde partie, plus ésotérique mais irrésistiblement captivante, nous entraîne vers l'expédition du père Amont, chargé de retrouver Kokumo afin de démystifier la présence du Mal. A grands renforts d'illusions spirituelles et de symboles tribaux, le film nous mêle notamment à un protocole sur la symbiose des sauterelles afin de déjouer leurs enjeux destructeurs. En prime, le climat tropical qui martèle cette contrée aride va venir amplifier l'aura mystérieuse qui y découle où l'écologie joue un rôle majeur.
En ce qui concerne le choix des comédiens, on est heureux de retrouver la jeune Regan du haut de ses 16 ans, ici plus affirmée à insuffler un jeu spontané sous l'entremise de l'illustre Linda Blair. Qui plus est, l'actrice photogénique dévoile un charme de sensualité en osmose avec certaines plages d'onirisme durant son cheminement synchronique (sa présence symbolique sur le toit de son immeuble parmi une nuée de colombes !). Si Richard Burton peut parfois prêter au cabotinage (le prologue au cours duquel une possédée s'immole devant sa posture exorbitée !), il réussit à monopoliser une présence transie d'émoi et de stupéfaction face à son dessein hasardeux. On aurait peut-être aimé une prestance un peu moins monolithique dans ses audaces stoïques mais l'acteur, imprégné d'inquiétude, insuffle malgré tout une densité humaine ensorcelante.


Plongée fascinante dans les tréfonds du Mal au rythme mélodique de l'inoubliable partition de Morricone, l'Exorciste 2 réfute la redite et peut donc se targuer d'être l'une des rares suites à avoir su tenir tête à un panthéon diabolique dans une autonomie auteurisante. Esthétiquement envoûtant dans ses nuances ocres, le film n'oublie pas de provoquer une vraie émotion face à la nouvelle destinée de Regan et de culminer vers un final apocalyptique faisant office d'anthologie (FX prodiges à l'appui !). Pour parachever, et comme le soulignait le journaliste de l'époque, Pierre-André Arène, il est temps de redécouvrir cette oeuvre complexe mais passionnante et profondément originale !

06.11.13. 3èx
Bruno Matéï

mardi 5 novembre 2013

RAZORBACK

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

de Russell Mulcahy. 1984. Australie. 1h35. Avec Gregory Harrison, Arkie Whiteley, Bill Kerr, Chris Haywood, David Argue, Judy Morris.

Sortie salles Australie: Avril 1984

FILMOGRAPHIE: Russell Mulcahy est un réalisateur australien, né le 23 Juin 1953 à Melbourne, dans l'état de Victoria.
1979: Derek and clive get the horn. 1984: Razorback. 1985: Arena. 1986: Highlander. 1991: Highlander 2. 1991: Ricochet. 1992: Blue Ice. 1993: l'Affaire Karen McCoy. 1994: The Shadow. 1996: Tireur en péril. 1998: La malédiction de la Momie. 1999: Resurrection. 2003: Swimming Upstream. 2007: Resident Evil: Extinction. 2008: Le Rois Scorpion 2. 2009: Fais leur vivre l'enfer, Malone !


A peine âgé de 31 ans lorsqu'il met en chantier son second long-métrage, Russell Mulcahy ne laisse pas indifférent les membres jury d'Avoriaz qui voient en ce solide artisan un nouveau prodige de la réalisation, et cela même si Razorback repart bredouille d'une quelconque récompense. Si durant sa sortie ciné, le succès s'avère timoré auprès du grand public, c'est du côté des vidéophiles qu'il va finalement se tailler une petite réputation de série B culte. Mixant allègrement fantastique, aventure et horreur malsaine pour le portrait déviant imparti à un duo de rednecks, Russell Mulcahy se réapproprie du bestiaire animalier afin d'accentuer le caractère épique d'un affrontement au sommet. 
Deux portraits d'individus meurtris se télescopent dans Razorback. Celui du jeune Carl, exilé dans le désert australien pour retrouver la trace de sa femme disparue, Beth Winters, journaliste militante pour la cause animale. Et celui de Jack, sexagénaire esseulé, rongé par la vengeance après avoir perdu son petit fils durant une attaque nocturne du sanglier. Ces deux hommes au caractère bien distinct vont livrer chacun de leur côté un combat impitoyable envers la bête. Au milieu de cet affrontement, deux bouseux travaillant dans un abattoir vont se retrouver mêler à cette chasse impitoyable depuis leur tentative de viol commise sur l'épouse de Carl.


Spectacle baroque furibond où l'onirisme crépusculaire se mêle à une nature solaire clairsemée (la traversée hallucinée de Carl au sein du désert aride !), Razorback joue la carte de la singularité en renouant avec des thèmes éculés du cinéma fantastique. Avec une ambition stylisée, Russel Mulcahy agrémente des plages de poésie durant le cheminement aussi hasardeux que belliqueux de deux justiciers rongés par le deuil. Dans la mouvance des Dents de la mer pour le côté démesuré octroyé à la morphologie du sanglier et de Massacre à la Tronçonneuse pour le portrait émis à deux détraqués sadiques (à bord de leur véhicule, ils pourchassent les kangourous durant les nuits de braconnage en les aveuglant sous les feux de projecteur pour les torturer à leur guise !), Razorback est un curieux mélange des genres auquel l'aventure épique redouble d'intensité. En prenant soin de nous attacher aux personnages valeureux, où leur humanisme est fragilisé par leur écorchure intime, Russel Mulcahy nous propulse au sein d'un survival qui voit s'affronter des chasseurs faillibles mais toujours rebelles pour s'opposer au monstre. Tandis qu'une certaine émotion poignante est véhiculée vis à vis de la relation amicale entretenue entre Sarah (la jeune assistante de Jack) et Carl, veuf inconsolable qui réussira grâce à son soutien à retrouver un regain d'affection. Cette dose de romantisme qui enveloppe peu à peu le récit est intensifiée par la magnifique élégie musicale d'Iva Davies.
En ce qui concerne la carrure impressionnante du Razorback, le réalisateur joue la carte de la suggestion et n'abuse jamais d'esbroufe pour divertir le spectateur. Sans doute pour pallier le manque de moyens alloués aux effets-spéciaux, il fait donc appel aux gros zooms en insistant sur sa physionomie afin d'accentuer la férocité de l'animal. Avec l'habileté d'un montage précis et d'une réalisation régulièrement inventive, Razorback réussit le tour de force de crédibiliser son monstre avec l'appui d'une imagerie crépusculaire littéralement ensorcelante. 


Spectacle flamboyant où l'onirisme baroque se dispute à une violence parfois âpre, Razorback mixe les genres avec autant d'efficacité que d'émotion prude. Alors que sa mise en scène, particulièrement douée, transcende l'icône d'une bête d'apocalypse et la pugnacité de nouveaux pionniers jamais à court de renoncement. Un classique indépendant qui n'est pas prêt de s'éteindre !
05.11.13. 5èx
Bruno Matéï

lundi 4 novembre 2013

LES FANTOMES D'HALLOWEEN (Lady in White / La dame blanche)

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site forgottenflix.com

de Franck LaLoggia. 1988. U.S.A. 1h57 (version longue). Avec Lukas Haas, Len Cariou, Alex Rocco, Katherine Helmond, Jason Presson.

Sortie salles U.S: 22 Avril 1988. Angleterre: 16 Juin 1989

FILMOGRAPHIE: Franck La Loggia est un réalisateur, acteur, scénariste, producteur et compositeur américain, né le 12 Janvier 1954 à Rochester, New-York. 1981: Fear no Evil. 1988: Les Fantômes d'Halloween. 1995: Mother


Directement sorti en Vhs à la fin des années 80 et relativement passé inaperçu auprès des vidéophiles, Les Fantômes d'Halloween est une curieuse production d'un réalisateur méconnu puisque uniquement responsable de trois longs-métrages. Baignant dans le climat solaire d'une paisible bourgade ricaine, son prélude nous remémore inconsciemment l'esprit infantile de Spielberg lorsque des enfants farceurs batifolent dans leur quartier en toute insouciance. Mais un évènement dramatique va rapidement obscurcir cette impression de bonheur exaltant avec la réactualisation d'un fait divers crapuleux auquel le responsable n'eut jamais été réprimandé. Car 10 ans au plus tôt, une dizaine d'enfants fut lâchement exécutés par ce dangereux psychopathe. Suite à une mauvaise farce d'Halloween, un garçon embrigadé dans le sellier de son école se retrouve nez à nez avec l'apparition fantomatique d'une fillette. Précédemment violentée et assassinée, elle décide de rentrer en contact avec Frank afin qu'il puisse l'aider à retrouver la paix pour dévoiler au grand jour l'identité du meurtrier. Victime lui aussi d'une sauvage agression par ce même assassin, Frank va tenter de le démasquer avec l'entremise de son frère et d'une intrigante dame blanche. 


Ce qui au premier abord parait édénique avec les Fantômes d'Halloween, c'est son esprit de bonhomie hérité du conte fantastique si bien que les enfants en seront les principaux témoins. Particulièrement Frank, gosse docile élevé par un père prévenant mais bouleversé depuis la disparition de son épouse ! Et le jeune fils de se retrouver embarqué dans une situation improbable particulièrement alerte pour sa propre survie ! En confrontant l'amertume des fantômes plaintifs, l'innocence d'un gamin prude et les nouvelles stratégies horrifiques d'un criminel en fuite, les Fantômes d'Halloween oscille les genres parmi l'interférence de traits d'humour (les broutilles quotidiennes imparties aux grands parents de Frank depuis que l'aïeul consomme ses cigarettes en catimini). En prenant son temps pour structurer un cheminement narratif peu surprenant mais parfois cruel, le cinéaste fait également preuve d'une dramaturgie inattendue lorsqu'un présumé coupable est sur le point de retrouver sa liberté. En illustrant l'Amérique des années 60 corrompue par le racisme et la motivation expéditive d'une victime inconsolable, Frank Lallogia ternie à nouveau l'apparence aimable de cette bourgade que l'on s'était idéalisé au premier abord. Mais surtout, il met en exergue les affres d'un enfant fragile confronté à sa raison existentielle. Préalablement sauvé in extremis d'une mort certaine et opposé aux apparitions spirituelles des fantômes, Frank n'aura de cesse pour un si jeune âge d'affronter ses craintes afin de prêter main forte à une mère et une fille désunies ! En jouant sur la légende urbaine de la dame blanche, le réalisateur tente notamment d'agrémenter une petite énigme autour de ce symbole, ici redresseur de tort. Alors que le final ne manquera pas de provoquer une émotion poignante face au ton résolument féerique, libérateur de la situation.


Attachant et agréable à suivre mais néanmoins perfectible, Les Fantômes d'Halloween aurait pu être plus passionnant à travers ses sombres thématiques si la mise en scène chétive et une direction de seconds rôles parfois timorée eurent été plus maîtrisés. Pour autant, la beauté naturelle de certaines images, l'onirisme formel qui en découle tantôt, la bouille attachante du jeune Lukas Haas et surtout la volonté du réalisateur à ternir son récit emportent l'adhésion. 

Un grand merci à l'Univers Fantastique de la Science-fiction
04.11.13. 3èx
Bruno Matéï

jeudi 31 octobre 2013

Henry, portrait d'un serial-killer

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site gallerytheimage.com

"Henry: Portrait of a Serial Killer" de John Mc Naughton. 1986. U.S.A. 1h23. Avec Michael Rooker, Tom Towles, Tracy Arnold.

Sortie salles France: 6 Février 1991

FILMOGRAPHIE: John Mc Naughton est un réalisateur américain, né le 13 Janvier 1950 à Chicago. 1984: Dealers in Death. 1986: Henry, portrait d'un serial killer. 1991: Sex, drugs, Rock and Roll. 1991: The Borrower. 1993: Mad Dog and Glory. 1996: Normal Life. 1998: Sexcrimes. 2000: Condo Painting. 2001: Speaking of sex. 2004: Redliners. 2009: Backstabbers. 2013: The Harvest.


Ce film s'inspire de fait réels. Ce n'est pas une histoire vraie proprement dite. Les aveux d'un certain Henry ont servi à faire ce film. Aveux qu'il a niés, par la suite. Otis et Becky sont des personnages fictifs. 

Interdit en salles durant 4 ans par la censure américaine et estampillé X, Henry est le premier long-métrage du réalisateur John Mc Naughton. Inspiré du personnage d'Henry Lee Lucas, tueur en série responsable de plus de 199 meurtres, le film dépeint la dérive meurtrière d'un duo d'anciens taulards, des marginaux résolument reclus de leur condition miséreuse. D'un côté, Henry, le plus influent, est un tueur méthodique extériorisant sa rage sur les innocents depuis le traumatisme de son enfance galvaudée par une mère prostituée. De l'autre, Otis est un badaud écervelé facilement influencé par le vice et la perversion. A bord de leur véhicule, ils sillonnent les quartiers nocturnes afin d'assassiner au hasard d'une rue des citadins. Au coeur de ce duo indocile, la soeur d'Otis, Becky, tente de se faire une place dans leur appartement restreint et s'efforce à chercher un petit boulot de strip-teaseuse avant de tomber amoureuse d'Henry. Car épris d'empathie et d'identification pour ses confidences martyrs, Becky eut été préalablement victime d'une enfance incestueuse vis à vis de son géniteur. A travers le teint blafard d'une photo granuleuse ainsi que le souci documentaire d'une réalisation expérimentale,  John Mc Naughton nous immerge au sein d'un cauchemar urbain profondément glauque et crapuleux. Ainsi, le climat poisseux, particulièrement prégnant, s'avère si malsain qu'à la sortie de la projo nous nous sentions physiquement pollués par cette débauche où la saleté du sang et les cris d'agonie résonnent encore tel un écho !


Or, en autopsiant sans concession le portrait de deux assassins arriérés, littéralement vautrés dans le meurtre, Henry... constitue une épreuve de force morale toujours plus dérangeante de par sa gratuité profondément perverse. Car en position de voyeur, nous sommes contraints de témoigner de l'existence triviale du trio de chômeurs (Otis va vite abdiquer son poste de pompiste au fil de son cheminement meurtrier) et surtout d'espionner par l'oeil de la caméra leurs méfaits criminels par le truchement de leurs errances nocturnes. La contrainte de subir leur quotidienneté misérable et surtout d'assister à leurs exactions sanglantes provoquant un malaise viscéral tangible du fait de son traitement hyper réaliste. Ainsi, en évitant toute forme de racolage, John Mc Naughton filme de manière crue des meurtres brutaux à l'aide d'une caméra vhs qu'Otis se divertit à préserver en mémoire. Alors que du point de vue de Henry (l'être le moins licencieux car jamais assouvi de sadisme), les crimes sont souvent établis hors champs en nous proposant simplement d'en découvrir la résultante des mutilations. Qui plus est, les flash-back émis au son des hurlements des victimes rehaussent l'aspect cauchemardesque de l'esprit dérangé d'Henry, prisonnier de ses pulsions vengeresses et torturé par ces démons. On s'étonne d'ailleurs de lui éprouver un chouia d'empathie pour le rapport à la fois amical et affectueux entretenu avec Becky, et ce juste avant de renouer avec ses pulsions malades.


Incarné par des comédiens transis de vérité à travers leur dégénérescence immorale, Henry... provoque autant de fascination pour l'aspect reportage infligé à sa mise en scène que de dégoût pour la représentation radicale du duo de serial-killers irrécupérables. Glaçant et psychologiquement perturbant du fait de son épineuse intensité (telle ce massacre d'une famille filmé en mode "VHS" !), rarement un film d'horreur n'aura décrit avec autant de vérisme et véracité l'introspection pathétique de deux monstres humains. 
Pour public averti.

L'avis de Mathias Chaputhttp://horrordetox.blogspot.fr/2011/03/henry-portrait-of-serial-killer-de-john.html

*Bruno
31.10.13. 3èx


mardi 29 octobre 2013

IMPULSE (Pulsion Homicide)

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviescreenshots.blogspot.com

de Graham Baker. 1984. U.S.A. 1h31. Avec Meg Tilly,  Tim Matheson, Hume Cronyn, Bill Paxton, John Karlen, Claude Earl Jones.

Sortie salles U.S: 28 Septembre 1984

FILMOGRAPHIEGraham Baker est un réalisateur, producteur et scénariste américain.
1981: La Malédiction Finale. 1984: Impulse. 1988: Futur Immédiat, Los Angeles 1991. 1990: The Recruit. 1991: Ni dieu ni maître (Born to Ride). 1999: Beowulf


Trois ans après la Malédiction Finale et pour une seconde fois Graham Baker renoue avec la série B fantastique militant ici contre la pollution chimique. Dans une petite ville bucolique, suite à un séisme, leurs habitants sont soudainement épris d'accès de démence incontrôlée ! Série B modeste ayant connu son petit succès auprès des vidéos-clubs des années 80, Impulse est notamment une nouvelle occasion pour Meg Tilly de renouer avec le genre après s'être fait remarquée un an au préalable dans Une Nuit trop noire et Psychose 2. Avec un pitch de départ accrocheur digne d'un épisode de la 4è Dimension, Graham Baker ne manque pas d'audace pour illustrer la lente dégénérescence "schizo" de citadins contaminés par un produit toxique. Ainsi, c'est à travers le personnage de Jennifer que nous allons suivre cette folie collective après qu'elle eut reçu un appel de sa génitrice. Dans des propos incohérents extrêmement virulents, cette dernière s'en prend violemment à elle pour lui reprocher d'être responsable de sa dépression. Quelques minutes plus tard, la mégère se tire une balle dans la tête mais y survit in extremis ! Avec l'aide de son mari, Jennifer retourne dans sa région natale pour se rendre à l'hôpital auprès d'elle afin de tenter de saisir les motivations de son suicide. Au même moment, d'étranges évènements surviennent auprès de la population, les habitants semblant épris de pulsions immorales !


Avec cet argument prometteur décuplant nombre d'incidents débridés, Impulse dégage un parfum de souffre assez fascinant du point de vue des protagonistes renouant avec leurs bas instincts ! A l'image de ce médecin délibéré à couper le tube d'oxygène d'une patiente de façon irrégulière pour mieux observer ses instants d'agonie ! Alors qu'un peu plus tard, le shérif régional ne vas pas hésiter à abattre d'une balle dans le dos un adolescent suspecté de vol à l'étalage ! Cette succession d'accidents volontaires dénués de raisonnement nous confine donc dans un cauchemar halluciné où notre pauvre Jennifer (Meg Tilly dégage une belle fragilité émotionnelle) tentera de préserver sa famille en guise de survie. Rehaussé du climat champêtre d'un soleil écrasant, Impulse insuffle des sentiments troubles d'inquiétude et de rire nerveux lorsque les victimes intoxiquées sont incapables de pouvoir réfréner leur accès d'irascibilité ! Cette psychose collective n'épargnant aucun citadin, Jennifer semble de plus en plus compromise à protéger ses proches, à moins que la résolution de cette pandémie n'y soit enfin divulguée. Que nenni ! Graham Baker réfutant le happy end salvateur et enfonçant le clou du nihilisme lors d'une conclusion glaçante Spoiler ! où les autorités du gouvernement seront directement mises en cause afin d'étouffer l'affaire ! Fin du Spoil


Série B fantastique écolo non dénuée de maladresses de par sa réalisation parfois hésitante et auprès des réactions parfois incohérentes des personnages, Impulse joue la carte du délire incongrue à travers son thème alarmiste lié à la pollution, et ce afin de mieux nous surprendre. Le caractère attachant des protagonistes (comédiens de seconde zone au visage familier !), son climat versatile et surtout l'audace impartie à certains moments scabreux (les échanges de regards lubriques entre un adulte et une adolescente) renforcent la nature saugrenue de cet ovni injustement méconnu. 

Dédicace à Christophe Colpaert
29.10.13
Bruno Matéï


lundi 28 octobre 2013

L'HOMME AU MASQUE DE CIRE (House of Wax)

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site fearsforqueers.blogspot.com

d'André De Toth. 1953. U.S.A. 1h28. Avec Vincent Price, Paul Picerni, Frank Lovejoy, Phyllis Kirk, Carolyn Jones, Charles Bronson.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: André De Toth (Endre von Toth) est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, d'origine austro-hongroise, né le 15 Mai 1912 à Mako (Csongrad), décédé le 27 Octobre 2002 à Burbank (Californie). 1942: Le Livre de la Jungle (réalisation de 2è équipe). 1944: Dark Waters. 1947: Femme de feu. 1947: l'Orchidée Blanche. 1951: Le Cavalier de la mort. 1952: Les Conquérants de Carson City. 1953: L'Homme au Masque de cire. 1954: Chasse au gang. 1955: La Rivière de nos amours. 1959: La Chevauchée des bannis. 1960: Contre-espionnage. 1961: Les Mongols. 1963: l'Or des Césars. 1968: Enfants de salaud.


"L'un des plus beaux films en couleurs dans l'histoire du cinéma d'épouvante", à découvrir impérativement en HD !

Remake d'un petit classique oublié des années 30, l'homme au Masque de Cire va largement dépasser son modèle sous la houlette d'André De Toth, cinéaste plus habitué aux westerns traditionnels que de l'épouvante gothique. Pourvu d'un Technicolor resplendissant et de l'interprétation magnétique du monstre Vincent Price, ce chef-d'oeuvre inspiré du Fantôme de l'Opéra suscite toujours la même fascination, sans tenir compte du procédé 3D révolutionnaire de l'époque. Le PitchRégisseur d'un musée de cire, Henry Jarrod voue un amour immodéré pour ses mannequins de cire. Un soir, son associé cupide décide d'incendier l'établissement afin de toucher une prime d'assurance de 25 000 dollars. Porté disparu, Henry élabore une vengeance diabolique au sein de ses nouvelles créations. 


Ainsi, à travers la vengeance morbide d'un sculpteur entièrement voué à sa passion, André De Toth livre un classique d'épouvante d'une santé florissante auprès de sa réalisation alerte prenant soin de tailler une carrure à ses divers personnages. Que ce soit notre "monstre au masque" accompagné de sbires disciplinés (dont l'un d'eux est incarné par le tout jeune néophyte Charles Bronson !), l'investigatrice Sue Allen (très convaincante dans son rôle de limier scrupuleuse !) et son fidèle amant, ou encore les policiers fureteurs aux réparties sarcastiques. Chacun de ces protagonistes s'impliquant dans l'action avec intégrité pour faire progresser les évènements dans une notion de suspense habilement dosée. L'amour désespéré que porte Henry pour son (nouveau) modèle féminin et l'enquête suspicieuse menée par cette dernière (Sue Allen) demeurant les principaux moteurs émotionnels où leur confrontation s'avèrera toujours plus intense et risquée ! Outre l'esthétisme raffiné imparti à sa scénographie gothique du musée de cire, l'Homme au masque de cire est donc rehaussé d'une intrigue solide (même si classique) alternant rebondissements horrifiques, humour noir et étude policière. Au delà de la prestance sacrée de Vincent Price, artiste maudit féru d'amour pour sa "Marie Antoinette", la fascination exercée est notamment décuplée par les mannequins historiques qui jalonnent le musée dans une reconstitution minutieuse afin de mieux coller à la réalité des faits exposés. Cette aura fantastique sous jacente qui enveloppe le récit est d'autant plus trouble quand on sait que sous l'apparence étrangement humaine de ces figures encaustiques s'y planque un cadavre humain !


Au-delà de son attrait irrésistiblement ludique, son incroyable rutilance formelle et la densité des personnages, l'Homme au Masque de cire aborde en sous-texte une réflexion sur l'art perfectible, la quête du sensationnalisme au sein de l'entertainment (le public en quête d'émotions toujours plus intenses !) et surtout la passion dévorante allant à l'encontre de la raison. Or, sous l'allégeance indéfectible de Vincent Price et de ces fameux mannequins de cire, cette vengeance macabre s'est également immortalisée en classique inoxydable !

*Bruno
29.02.24. 6èx
28.10.13. 


samedi 26 octobre 2013

TOP SECRET !

                                          Photo empruntée sur Google appartenant au site fan-de-cinema.com

de Jim Abrahams, Jerry et David Zucker. 1984. U.S.A/Angleterre. 1h30. Avec Val Kilmer, Lucy Gutteridge, Billy J. Mitchell; Christopher Villiers, Michael Gough, Sydney Arnold, Jim Carter, Omar Sharif, Peter Cushing, Jeremy Kemp.

Sortie salles France: 26 Septembre 1984. U.S: 8 Juin 1984


FILMOGRAPHIE: David Zucker est un réalisateur, producteur, scénariste, acteur, cascadeur américain, né le 16 Octobre 1947 à Milwaukee, Wisconsin (Etats-Unis). 1980: Y'a t-il un pilote dans l'avion ? 1984: Top Secret. 1986: Y'a t-il quelqu'un pour tuer ma femme ? 1988: Y'a-t'il un flic pour sauver la reine. 1991: Y'a t'il un flic pour sauver le président ? 1993: For Goodness Sake. 1998: BASEketball. 2003: Mon boss, sa fille et moi. 2003: Scary Movie 3. 2006: Scary Movie 4. 2008: An American Carol.
Jim Abrahams est un scénariste, réalisateur, producteur et acteur américain, né le 10 Mai 1944 à Shorewood. 1980: Y'a t-il un pilote dans l'avion ? 1984: Top Secret. 1986: Y'a t-il quelqu'un pour tuer ma femme ? 1988: uand les jumelles s'emmêlent. 1990: Roxy est de retour. 1991: Hot Shots ! 1993: Hot Shots 2. 1997: Au risque de te perdre. 1998: Le Prince de Sicile.
Jerry Zucker est un producteur, réalisateur, scénariste et acteur américain, né le 11 Mars 1950 à Milwaukee, Wisconsin. 1979: Rock 'n' Roll Hgh School. 1980: Y'a t-il un pilote dans l'avion ? 1984: Top Secret. 1986: Y'a t-il quelqu'un pour tuer ma femme ? 1990: Ghost. 1995: Lancelot. 2001: Rat Race.


Quatre ans après le succès phénomène Y'a t'il un pilote dans l'avion ?, le trio Jim Abrahams, David et Jerry Zucker récidive dans la parodie afin de rendre hommage en l'occurrence à l'espionnage et l'action belliqueuse. Pour anecdote, l'apparition clin d'oeil d'Omar Sharif (franchement à l'aise dans un rôle aussi grotesque !) est d'ailleurs une note d'intention au film d'espionnage homonyme de Black Edwards réalisé en 1974. Comédie débridée au non-sens que n'aurait pas renié les Monty Python, Top Secret brasse tous azimuts les classiques vintage des années 40/50 (la Grande Evasion, le Magicien d'Oz, l'Homme qui en savait trop, Stalag 17) et les produits modestes des années 80, à l'instar de l'inénarrable le Lagon bleu, gros succès "fleur bleue" des années 80. A travers la simplicité d'un scénario improbable (avec l'aide de résistants, un chanteur de rock va tenter de faire évader un savant notoire emprisonné en Allemagne de l'Est pour l'achèvement d'une arme secrète), nos réalisateurs perpétuent leur tradition du pastiche cartoonesque avec toujours autant de verve impayable.


En comptant un gag visuel ou verbal toutes les 15 à 20 secondes, Top Secret ne peut pas concourir à la perfection de l'hilarité. Mais l'abattage des comédiens (Val Kilmer en tête, imitant spontanément Elvis Presley dans la peau de Nick Rivers !), les numéros musicaux chorégraphiés avec entrain et sa frénésie visuelle lorgnant vers le fantastique (la démarche et le langage verso du bibliothécaire incarné par Peter Cushing, la scénographie d'un saloon subitement régie sous la mer !) nous plongent dans un délire anarchique où l'absurdité est à son apogée. Si les éclats de rire ne sont pas aussi probants que leur indémodable premier chef-d'oeuvre, les ZAZ ont tout de même procréé l'objet culte d'une farce impétueuse !

26.10.13
Bruno Matéï