mardi 15 octobre 2013

La Malédiction / The Omen

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site ablogofhorror.com

de Richard Donner. 1976. U.S.A/Angleterre. 1h51. Avec Gregory Peck, Lee Remick, Harvey Stephens, David Warner, Billie Whitelaw, Patrick Troughton.

Sortie salles France: 17 Novembre 1976. U.S: 25 Juin 1976

FILMOGRAPHIE: Richard Donner (Richard Donald Schwartzberg) est un réalisateur et producteur américain, né le 24 Avril 1930 à New-York. 1961: X-15. 1968: Sel, poivre et dynamite. 1970: l'Ange et le Démon. 1976: La Malédiction. 1978: Superman. 1980: Superman 2 (non crédité - Richard Lester). 1980: Rendez vous chez Max's. 1982: Le Jouet. 1985: Ladyhawke, la femme de la nuit. 1985: Les Goonies. 1987: l'Arme Fatale. 1988: Fantômes en Fête. 1989: l'Arme Fatale 2. 1991: Radio Flyer. 1992: l'Arme Fatale 3. 1994: Maverick. 1995: Assassins. 1996: Complots. 1998: l'Arme Fatale 4. 2002: Prisonnier du temps. 2006: 16 Blocs. 2006: Superman 2 (dvd / blu-ray).


"Il faut de la finesse. Que l'homme doué d'esprit calcule le chiffre de la Bête: c'est un chiffre d'homme: son chiffre est 666"
Livre de l'Apocalypse, Chapitre 13, verset 18.

Trois ans après le traumatisme l'Exorciste de Friedkin, et afin de surfer sur la vague mercantile du genre sataniste, Richard Donner s'inspire des versets de la Bible pour La Malédiction et ainsi gagner en authenticité. Epaulé de stars aussi renommées que Lee Remick, David Warner et surtout du vétéran Gregory Peck (admirable de robustesse dans un rôle inapproprié), cette variation grand public du thème démoniaque tente de nous convaincre que l'Antéchrist va bientôt assouvir sa devise morbide sous le pivot d'un charmant bambin. Pour subtiliser son bébé mort-né et sans divulguer la fraude à son épouse, l'ambassadeur Robert Thorn adopte un nourrisson sous les recommandations d'un prêtre. Très vite, le bambin présente un comportement inquiétant alors qu'une succession d'incidents meurtriers vont nuire à l'entourage familial. "La marque du chef-d'oeuvre, c'est que même quand on connait la fin on a toujours plaisir à le revoir !" Classique notoire, La Malédiction  ne déroge pas à la règle de l'épigraphe afin d'immortaliser un récit diabolique érigé sous le symbolisme de l'évangile. Ainsi, avec un savoir-faire virtuose, Richard Donner affectionne pour son 4è long-métrage un film d'horreur ludique d'une efficacité optimale de par sa succession de scènes chocs spectaculaires subordonnées à un scénario charpenté.


Car outre l'aspect impressionnant des accidents meurtriers (la pendaison de la gouvernante, l'empalement du curé, la décapitation acérée du photographe, la chute de Mme Thorn du haut du balcon et un peu plus tard, sa défenestration de la chambre d'hôpital) et autres incidents incongrus (l'agression des babouins dans le parc zoologique, l'hystérie erratique de Damien aux abords de l'oratoire), c'est auprès de la dimension humaine du couple en perdition que Donner s'attarde afin de nous accabler en privilégiant leur impuissance d'une révélation improbable. Si bien qu'ici l'horreur se tapie sous l'aspect le plus anodin et candide d'un mioche de 5 ans ! Son nom: Damien Thorn, ou le fils du diable pour être plus tranché ! Cette empathie quasi désespérée que l'on éprouve pour cette gueule d'ange sournoise provoquant chez le spectateur un sentiment trouble de confusion mêlé d'inquiétude grandissante face aux sombres évènements décrits. Ainsi, autour de l'enquête scrupuleuse compromise entre le père indécis, davantage contrarié, et un photographe retors, les découvertes édifiantes qu'ils vont rassembler vont exacerber une angoisse sous-jacente toujours plus prégnante. Et ce jusqu'au point d'orgue éprouvant terriblement dérangeant (un paternel brandissant un poignard acéré sur la tête de son bambin au sein d'une cathédrale !) où la dernière image la plus innocente (visage angélique du spectre de Satan) fait figure d'anthologie de l'effroi !


En maître d'oeuvre d'une horreur contemporaine, Richard Donner conjugue à la perfection suspense en crescendo, horreur cinglante et investigation archéologique en jouant avec la peur de l'inconscient collectif: l'affres du diable et ses pouvoirs invisibles ! En prime, le charisme étrangement patibulaire alloué aux antagonistes (les deux gouvernantes, le chien cerbère, le prêtre fanatique) ainsi que l'esthétisme de certains décors sépulcraux (le cimetière étrusque aux accents gothiques, la chambre tamisée de Damien) renforce l'aura maléfique qui émane du moindre recoin ! Ajoutez à cela l'ombrageux score satanique de Jerry Goldmisth et vous obtenez un classique impérissable d'une intensité émotionnelle parfois même rigoureuse. 

* Bruno

Récompense: Oscar de la Meilleure musique en 1977

La critique de Damien: la Malédiction 2 http://brunomatei.blogspot.fr/2013/10/damien-la-malediction-2-damien-omen-2.html
La critique de La Malédiction Finalehttp://brunomatei.blogspot.fr/2013/10/la-malediction-finale-final-conflict.html

15.10.13. 5èx

lundi 14 octobre 2013

NORTHWEST (Nordvest). Prix de la Critique, Prix du Jury, Beaune 2013

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site leblogducinema.com

de Michael Noer. 2013. Danemark. 1h31. avec Gustav Dyekjaer Giese, Oscar Dyekjaer Giese, Lene Maria Christensen, Annemieke Bredahl Peppink, Nicholas Westwood Kidd, Roland Moller. 

Récompenses: Prix du Jury, Prix de la Critique au Festival International du film Policier à Beaune, 2013. 

Sortie salles France: 9 Octobre 2013. salles Danemark: 18 Avril 2013

FILMOGRAPHIE: Michael Noer est un réalisateur danois, né le 27 Décembre 1978
2003: En Rem af Huden. 2005: Mimis Sidste Valg. 2006: Hawaii. 2007: Vesterbro. 2008: De Vilde Hjerter. 2010: R. 2013: Nordvest


Après la trilogie Pusher, le Danemark fait à nouveau parler de lui sous l'influence de Michael Noer dont il s'agit ici de son second long-métrage. Dans un souci d'authenticité proche du docu-vérité, le cinéaste danois nous assène un uppercut avec ce drame d'une délinquance juvénile plongeant tête baissée dans les racines du Mal. Récompensé à Beaune, Northwest suit le quotidien du jeune Casper, délinquant spécialiste du cambriolage et travaillant pour le compte de Jamal. Un jour, il rencontre un malfrat beaucoup plus qualifié qui décide de l'initier à son juteux buziness de came et de proxénétisme. C'est avec le soutien de son jeune frere Andy que Casper va gravir les échelons du grand banditisme, jusqu'au jour où Jamal revient faire surface pour lui demander des comptes. 


D'un réalisme saisissant d'âpreté et incarné par des gueules taillées à la serpe, Northwest joue la carte du reportage avec ce portrait abrupt de deux jeunes marginaux sombrant dans la criminalité. Si le scénario n'apporte rien de neuf et se contente de décrire la descentes aux enfers de frères issus d'un quartier défavorisé de Copenhague, la mise en scène inspirée et le jeu tranché des interprètes renouvellent le genre avec une maîtrise fascinante ! En éprouvant une certaine empathie pour ces frères paumés, soucieux d'entretenir leur famille d'une mère larguée et déboussolée, Northwest retranscrit leurs vicissitudes avec froideur et jusqu'au-boutisme glaçant ! Durant 1h30, le réalisateur nous plonge dans l'univers délétère de la pègre et des boites techno avec une intensité émotionnelle toujours plus ardue quand on imagine l'issue irréversible des frangins. Sans désir de choquer (la violence la plus brutale n'est jamais graphique) Michael Orner peaufine leur fraternité familiale et étudie leurs rapports conflictuels autour d'un contexte d'élitisme. ATTENTION SPOILER !!! Si l'aîné accorde pas mal de crédit à vouloir protéger l'existence du cadet, l'élève va se résoudre à lui tenir tête dans une volonté rebelle de le surpasser ! Les conséquences désastreuses de leur démêlé de soumission vont engendrer une vendetta du clan hostile qu'ils vont devoir contrecarrer en désespoir de cause ! FIN DU SPOILER


Transcendé par le jeu authentique des comédiens et la mise en scène acerbe de Michael Orner, Northwest bouleverse les codes du drame délinquant avec un souci de vérité peu commun. Il en ressort une tragédie noire où les enjeux humanistes sont sévèrement mis à mal par un endoctrinement criminel. Un moment de cinéma hypnotique filmé à l'arraché afin d'intensifier la déchéance juvénile d'une marginalité livrée aux sanglantes luttes de gangs. 

14.10.13
Bruno Matéï


vendredi 11 octobre 2013

DESPUES DE LUCIA. Prix Un Certain Regard, Cannes 2012

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site ciudadanonoodles.blogspot.com

de Michel Franco. 2012. Mexique/France. 1h43. Avec Tessa La, Hernan Mendoza, Gonzalo Vega Sisto, Tamara Yazbek Bernal, Paco Rueda, Paloma Cervantes.

Sortie salles France: 3 Octobre 2012

FILMOGRAPHIE: Michel Franco est un réalisateur, scénariste et producteur mexicain.
2009: Daniel et Ana. 2012: Despues De Lucia. 2013: A Los Ojos (to the eyes).


Récompensé à Cannes du Prix Un certain regard en 2012, Despues de Lucia est un drame éprouvant que le réalisateur mexicain Michel Franco retranscrit avec souci de réalisme et rythme monotone. L'âpre descente aux enfers d'une adolescente, souffre-douleur de ses camarades de classe après que l'un de ses petits amis ait divulgué une vidéo de leurs ébats au sein du lycée. Alors que son père se remet difficilement de la mort accidentelle de sa femme Lucia, ce dernier décide de lui cacher la vérité et emménage dans une nouvelle banlieue à Mexico. C'est dans son nouvel établissement scolaire que la jeune fille va devenir la cible de ses camarades railleurs qui n'hésiteront pas à lui infliger sévices et humiliations, jusqu'aux viols collectifs. Film choc dont on se remet difficilement et qui provoque chez le spectateur un marasme progressif, Despues de Lucia joue la carte de l'hyper réalisme pour dénoncer sans concession le malaise des adolescents quand ils sont victimes de maltraitance scolaire. A travers le calvaire incessant d'Alejandra, Michel Franco nous assène un cri d'alarme et de désespoir face à la responsabilité parentale où le manque de communication peut s'avérer un préjudice lourd de conséquences pour la victime désignée. Le réalisateur aborde ce phénomène sociétal avec lucidité et refus de fioriture pour mettre en exergue la cruauté démesurée de ces mineurs insouciants totalement en décalage avec la réalité des exactions lâchement commises. Alors que l'on présage la destinée tragique du supplice d'Alejandra, Michel franco surprend dans la trajectoire inopinée de sa narration et nous plonge dans l'abyme d'un cauchemar où personne ne sortira indemne.


Dans un rôle difficile d'adolescente candide et introvertie mais curieuse des premiers émois amoureux, Tessa La livre une prestation bouleversante dans sa fragilité meurtrie de victime soumise, incessamment martyrisée. La compassion inévitable que l'on accorde à son égard est d'autant plus douloureuse qu'elle se refuse à provoquer une rébellion devant la dictature de ses oppresseurs. C'est donc avec une crainte de plus en plus prégnante que nous redoutons un suicide rédempteur, juste avant que le réalisateur relance son intrigue SPOILER !!! dans une réflexion sur la vengeance lourde de répercutions Fin du SPOILER. Dans celui du père aimant et attentif mais contrarié par le brutal décès de son épouse, Hernan Mendoza compose un personnage laconique plutôt discret dans les rapports intimes avec sa fille bien que débordant d'amour et d'inquiétude. Epris d'un accès de colère impulsif (l'altercation avec un conducteur obtus), l'acteur extériorise soudainement un tempérament colérique à la violence incontrôlée, reflet de son affliction sévèrement mise à mal par le deuil conjugal.


Avec sa photo naturaliste, sa mise en scène hyper maîtrisée et le jeu criant de vérité des comédiens, Michel Franco s'implique en auteur rigoureux pour nous asséner de plein fouet le portrait sordide d'une jeunesse irresponsable incapable de mesurer la gravité de leurs actes. Il en ressort un témoignage terrifiant car nihiliste et sans concession pour cette jeunesse esseulée de démission parentale. Pour rajouter le côté pathétique de ce fait-divers actuel, le nihilisme de son épilogue nous achève SPOILER !!! par son sens du désespoir imparti à la loi du talion. Fin du SPOILER

Dédicace à Jenny Winter
11/10/13
Bruno Matéï


jeudi 10 octobre 2013

LE JOUR DU DAUPHIN (The Day of the Dolphin)

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemotion.com

de Miche Nichols. 1973. U.S.A. 1h44. Avec George C. Scott, Trish Van Devere, Paul Sorvino, Fritz Weaver, Jon Korkes, Edward Herrmann.

Sortie salles U.S: 19 Décembre 1973

FILMOGRAPHIE: Mike Nichols, de son vrai nom Michael Igor Peschkowsky, est un réalisateur américain, d'origine allemande, né le 6 Novembre 1931 à Berlin.
1966: Qui a peur de Virginia Woolf ? 1967: Le Lauréat. 1970: Catch 22. 1971: Ce Plaisir qu'on dit charnel. 1973: Le Jour du Dauphin. 1975: La Bonne Fortune. 1984: Le Mystère Silkwood. 1985: La Brûlure. 1988: Biloxi Blues. 1989: Working Girl. 1990: Bons baisers d'Holywood. 1991: A Propos d'Henry. 1994: Wolf. 1996: The Birdcage. 1998: Primary Colors. 2000: De quelle planète viens-tu ? 2001: Bel Esprit. 2003: Angels in America. 2004: Closer. 2007: La Guerre selon Charly Wilson.


Drame écolo au confins de la science-fiction, le Jour du Dauphin avait ému une génération de spectateurs lorsqu'il fut diffusé sur la Cinq au tout début des années 80. Oeuvre maudite car aujourd'hui délaissé par une bonne partie des cinéphiles et ignorée du jeune public, ce superbe récit d'aventures est une déclaration d'amour pour la cause des dauphins, un hymne à l'océan et une réflexion sur la connexion amicale entre l'homme et l'animal.

Sur une île, un chercheur féru de passion pour les dauphins réussit à communiquer le langage de la parole à l'un d'eux. Mais une poignée d'hommes d'affaires sans scrupule décident de tirer profit de cette nouvelle révolution.  



Ce résumé laconique est volontaire de ma part car si l'intrigue peut paraître au premier abord prévisible, sa structure adopte une démarche plutôt inopinée au fil de son cheminement alarmiste et accentue par la même occasion un vrai suspense exponentiel. Mike Nichols, illustre réalisateur du Lauréat et de Qui a peur de Virginia Woolf ? s'inspire d'un roman de Robert Merle, Un animal doué de raison, pour mettre en scène ce récit d'aventures d'une émotion prude dans la tendre relation impartie entre deux dauphins et une équipe de biologistes. La sobriété du propos à laquelle cette histoire fascinante nous est contée et le jeu circonspect des comédiens s'avèrent si persuasifs qu'il ne fait aucun doute pour le spectateur de croire à la communication entreprise entre l'homme et le mammifère. Avec la beauté de ces images maritimes, Mike Nichols élabore parfois des séquences poétiques d'une pudeur sensuelle lorsque deux dauphins s'enlacent au fond d'un bassin sous une musique mélancolique de Georges Delerue. L'émotion pure qui en émane provoque chez le spectateur un sentiment d'abandon total avec notre réalité car nous nous immergeons comme par enchantement dans la conscience candide des cétacés.
Toutes les séquences d'éducation auquel le biologiste en chef lie une complicité indéfectible avec Alpha, le dauphin surdoué, s'avèrent d'autant plus crédibles et attachantes que l'immense Georges C. Scott se prête au jeu avec un naturel confondant. Attentionné et studieux dans son rôle à contre-emploi de scientifique érudit, l'acteur dégage une densité psychologique et humaniste à daigner sauvegarder coûte que coûte l'espèce animale compromise par la stratégie d'une bande de malfrats perfides.
C'est dans cette seconde partie retorse que le Jour du Dauphin surprend par son refus des conventions avec un scénario beaucoup plus finaud qu'il n'y parait. Réquisitoire contre la cupidité de l'homme avide d'exploiter la cause animale à des fins ATTENTION SPOILER !!! politiques, Mike Nichols fait donc intervenir espionnage et terrorisme pour mettre en exergue la nature délétère de l'homme mégalo. FIN DU SPOILER. Son point d'orgue haletant, course contre la montre et la mort pour la survie de nos dauphins, culmine sa conclusion vers une issue bouleversante où l'émotion sera mise à rude épreuve pour le public sensible.


Poème lyrique proféré à l'amour des dauphins, témoignage de tolérance pour la cause animale et sa libre indépendance, aventure haletante insufflant en dernier recours un suspense intense, Le Jour du Dauphin est d'autant plus convaincant qu'il est rehaussé d'une interprétation au cordeau (jusqu'aux moindres seconds rôles) et que la mise en scène de Mike Nichols élude tout niaiserie mielleuse. Une oeuvre magnifique d'une humilité bouleversante, à redécouvrir d'urgence ! 

Dédicace à Goon et au Pharmacien de garde
10.10.13
Bruno Matéï

                                       

mercredi 9 octobre 2013

Prisoners

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site lyricis.fr

de Denis Villeneuve. 2013. Québec. 2h33. Avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis, Maria Bello, Terrence Howard, Melissa Leo, Paul Dano, Dylan Minnette.

Sortie salles France: 9 Octobre 2013. U.S: 20 Septembre 2013

FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières. 1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: An Enemy. 2013: Prisoners.


Multi récompensé avec ces derniers métrages et considéré dans son pays comme un nouveau maître du cinéma d'auteur, le québécois Denis Villeneuve s'expatrie aux Etats-Unis pour le projet d'un thriller noir de triste actualité (les enlèvements infantiles). Avec l'appui des valeurs montantes Hugh Jackman (son rôle le plus dur et viscéral) et Jake Gyllenhaal, Prisoners oscille drame psychologique et policier à suspense autour d'un dédale machiavélique. De par le judicieux prétexte d'une énigme insoluble jonchée de maigres indices, le réalisateur brosse scrupuleusement le portrait de deux hommes entêtés, délibérés à résoudre une douloureuse histoire de disparitions. Le PitchDeux familles sont déchirées par la disparition soudaine de leur enfant. Alors que l'inspecteur Loki s'évertue à rechercher les filles et retrouver un potentiel coupable, l'un des pères de familles décide d'employer une justice individuelle.

                                       

Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde de ne pas devenir monstre soi-même.
Thriller éprouvant d'une efficacité optimale, à tel point que sa durée excessive de 2h30 bouleverse toute notion temporelle, Prisoners joue la carte de l'émotion ardue à privilégier l'aspect psychologique d'un script filandreux et le ressort d'un suspense exponentiel toujours plus acéré. Ainsi, à travers son énigme dérangeante inspirée des fait-divers morbides de ces dernières années, Denis Villeneuve nous plonge dans le désarroi familial, épreuve de force pour les familles accablées (leurs attentes autant que leurs craintes insupportables pour la survie de leurs rejetons), alors qu'un flicard indécis et un père renfrogné mettront tout en oeuvre pour retrouver les disparues et son coupable. Du point de vue du père irascible délibéré à martyriser le présumé coupable, Denis Villeneuve met en exergue de prime abord une réflexion sur la vengeance et la justice individuelle. Si bien que ce lynchage interminable éprouve et émeut lorsque nous sommes contraints d'assister à l'affliction d'une sentence barbare. Partagé entre le désir de savoir s'il s'agit bien du véritable assassin ou d'un simple innocent, Prisoners met à mal nos pulsions vindicatives face à notre instinct inhumain aveuglé par la colère de l'iniquité. Il nous dévoile avec un réalisme brut mais sans complaisance la face cachée de notre rancoeur capable d'extérioriser des exactions de cruauté, alors que les preuves de culpabilité émises au coupable restent infondées. Et donc en éprouvant autant d'empathie pour le père haineux, rongé à vif de douleur pour sa fille disparue, et pour le potentiel coupable, simplet mutique incapable de prononcer une syllabe, le drame qui se noue lentement déstabilise notre jugement en espérant trouver refuge vers une issue plus favorable avec l'autorité d'un flic estimable. C'est lors de sa seconde partie, un peu plus focalisée sur la remise en question de l'inspecteur hésitant, sévèrement mis à mal par les parents et la deveine, que le film  redouble d'intensité pour son suspense éprouvant en y confrontant un autre présumé coupable beaucoup plus probant. Alternant fausses pistes, indices géographiques et rebondissements fortuits, la traque inlassable culmine son point de chute vers l'inévitable résolution du meurtrier ainsi qu'une course contre la montre désespérée.


Si tu plonges longuement ton regard dans l'abîme, l'abîme finit par ancrer son regard en toi...
Dominé par les prestations pugnaces de Hugh Jackman (saisissant de hargne en justicier intolérable) et de Jake Gyllenhaal (flegmatique et boiteux en flic studieux mais toujours plus endurant), Prisoners  renouvelle les codes du thriller avec brio d'une mise en scène au cordeau, intelligence des thématiques abordées et dimension humaine poignante. La mécanique de son suspense infaillible nous éprouvant les nerfs avec une intensité d'autant plus fragile qu'elle traite d'un thème d'actualité inquiétant, la disparition d'enfants et leur traitement infligé. Cafardeux, hypnotique et bouleversant, Prisoners ne vous laisse pas une seconde de répit jusqu'à son ultime image elliptique.

*Bruno
09.10.13


mardi 8 octobre 2013

La Belle et la Bête. Prix Louis Delluc, 1946

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Jean Cocteau. 1946. France. 1h34. Avec Jean Marais, Josette Day, Michel Auclair, Mila Parély, Nane Germon, Marcel André, Raoul Marco, Jean Cocteau, Christian Marquand.

Sortie salles France: 29 Octobre 1946. U.S: 23 Décembre 1947

FILMOGRAPHIE: Jean Cocteau est un réalisateur, dessinateur, poète, graphiste, dramaturge français, né le 5 Juillet 1889 à Maisons-Laffitte, décédé le 11 Octobre 1963. 1930: Le Sang d'un Poète. 1946: La Belle et la Bête. 1948: l'Aigle a 2 têtes. 1948: Les Parents Terribles. 1950: Orphée. 1960: Le Testament d'Orphée.


“Lorsque vous lui ouvrez la porte, la magie est partout.”
Chef-d'oeuvre mythique du cinéma français, La Belle et la Bête était déjà entrée au panthéon des contes légendaires sous la plume de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont dans son classique homonyme publié en 1757. De par l'ambition formelle du poète Jean Cocteau, cette version cinématographique se joue du trucage de prestidigitation et du maquillage afin de matérialiser l'histoire d'amour féerique entre une bête humaine et une belle candide. Le pitch: Afin de sauver son père d'une inévitable sentence, une jeune fille est contrainte de partir à la rencontre de la bête, seigneur mi-homme mi-animal vivant reclus dans un immense château. Ce dernier tombe subitement amoureux de la Belle ! Peu à peu, une relation affectueuse se noue entre eux ! Conte universel sublimant les thèmes de la virginité de l'âme, du droit à la différence, de la duperie des apparences ainsi que de la rédemption de l'amour, La Belle et la Bête  perdure son pouvoir ensorcelant d'onirisme baroque sous la direction d'un cinéaste à son apogée. 


Car en technicien circonspect, Jean Cocteau croit tant à la puissance de ses images picturales qu'une inévitable aura fantasmatique s'y dégage. Et si la candeur de ces plages poétiques atteignent une telle intensité irréelle, elle le doit notamment à l'interprétation transie de fragilité de Jean Marais. L'acteur livrant également un triple rôle de personnages contradictoires dans leur démarche autoritaire à daigner conquérir une dulcinée. Mais c'est inévitablement dans la peau de la Bête que l'acteur maquillé transcende une charge émotionnelle en demi-teinte pour son amour voué à la Belle. Débordant d'affection pour cette jeune inconnue mais prisonnier de sa propre apparence monstrueuse, la Bête est contrainte d'escompter la réponse de sa bien-aimée dans un espoir élégiaque d'une rare puissance expressive. Beauté pastel incarnant la douceur la plus ténue, Josette Day lui offre la réplique avec l'élégance sensuelle d'une âme innocente. D'abord réticente à sa proposition insensée (une demande de mariage contre la vie de son père !), la Belle va peu à peu apprendre à connaître la Bête, comprendre sa fougue mais aussi son désarroi des sentiments en faisant fi de sa laideur corporelle. Leur incroyable destin se condensant à l'acuité de l'amour capable d'amadouer l'agressivité du monstre le plus indomptable.


Il était une fois.....
Baignant dans un esthétisme monocorde à l'architecture baroque, La Belle et la Bête fait véritablement office d'ovni insolite à travers sa variation sur la catharsis de l'amour capable de convertir l'être le moins influent. Au delà de son imagerie foisonnante où la féerie atteint une dimension hors norme, le duo d'amants maudits formé par Jean Marais et Josette Day reste sans nulle doute l'un des plus beaux couples de l'histoire du cinéma. Et rien que pour leur présence à la fois irréelle et fantasmagorique, la Belle et la Bête est à voir et à revoir pour en saisir toute son essence difficilement descriptible par les mots. 

*Bruno Matéï

La critique d'un autre ovni aussi fantasmatique : http://brunomatei.blogspot.fr/2012/11/la-belle-et-la-bete-panna-netvor-prix.html

24.05.22. 4èx
08.10.13. 


Le Blu-ray est un miracle formel !

lundi 7 octobre 2013

THE WAY, LA ROUTE ENSEMBLE

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site aceshowbiz.com

de Emilio Estevez. 2010. U.S.A/Espagne. 2h01. Avec Martin Sheen, Emilio Estevez, Deborah Kara Unger, Yorick van Wageningen, James Nesbitt.

Sortie salles France: 25 Septembre 2013. Canada: 10 Septembre 2010. U.S: 7 Octobre 2011. Espagne: 19 Novembre 2010

FILMOGRAPHIE: Emilio Estevez est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 12 Mai 1962 à New-York.
1986: Wisdom. 1990: Men at Work. 1996: The War at home. 2000: Classé X. 2005: Culture Clash in AmeriCCa. 2006: Bobby. 2010: The Way.


Venant d'apprendre la mort de son fils durant un pèlerinage, un père décide d'accomplir le même trajet de dévotion afin de justifier son décès. 

Récit initiatique sur l'accomplissement de soi, l'espoir et la foi en l'âme, The Way est une odyssée humaine inscrite dans la plénitude. Une randonnée pédestre de 800 kms parcourue par quatre pèlerins à travers la France et l'Espagne. Acteur notoire de second rôle dans les années 80, Emilio Estevez (fils de Martin Sheen) endosse la fonction de réalisateur pour mettre en exergue ce projet personnel qui lui tenait à coeur. Mettre en scène son propre père alors que Martin Sheen avait déjà effectué un pèlerinage en compagnie de son petit fils. C'est d'ailleurs Taylor Estevez, fortement marqué par ce périple spirituel, qui lança l'idée à son père d'en concrétiser un long-métrage.
C'est avec une grande simplicité qu'Emilio Estevez nous retrace l'odyssée mystique d'un père endeuillé, profondément marqué par la disparition soudaine de son fils de 40 ans. Souvent sujet à des opinions de divergence, les deux hommes entretenaient peu de rapports courtois. Aujourd'hui accablé par la douleur, Thomas Avery décide à son tour de reprendre le même cheminement après avoir récupérer les cendres de son fils pour les déposer au lieu-dit. Au fil de son long voyage, cet ophtalmologiste un peu bourru va parcourir nombre de kms parmi l'entremise de trois autres pèlerins tout aussi méditatifs et indécis.


Leçon de vie, hymne à la beauté immaculée de la nature, The Way s'érige en aventure cosmopolite durant ces rencontres fortuites avec son lot de citadins éclectiques. Une longue marche pédestre émaillée d'improvisations, quiproquos et déboires auquel quatre aventuriers vont tenter de regagner leur dignité. Avec pudeur et bonhomie sincère, Emilio Estevez réussit à rendre attachante cette quête initiatique sans pathos et avec l'intégrité de protagonistes perfectibles.
Outre le jeu dépouillé des comédiens, c'est bien évidemment la présence notable de Martin Sheen qui prodigue le souffle lyrique octroyée à cette randonnée. A travers ses yeux renfrognés de paternel vieillissant, le comédien insuffle une humanité fragile davantage gagnée par la conviction de son engagement mais aussi la fraternité de ces camarades.


Vivre libre
Entrecoupé de tubes mélodiques, The Way surprend par le ton de sa simplicité et l'émotion qu'il finit par engendrer au fil de son cheminement spirituel. Parfois touché par une grâce céleste (l'incroyable séquence de recueillement dans la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle nous ébranle le coeur par son improvisation émotionnelle !) et privilégié par un quatuor de comédiens attachants, The Way est une épopée qui rassemble, éloge humaniste à la tolérance et au respect de soi. 
Beau à en pleurer.

A mon frère de coeur Pascal...
07.10.13
Bruno Matéï

La critique de mon ami Gilles Rolland http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-the-way-route

vendredi 4 octobre 2013

BERBERIAN SOUND STUDIO. Prix Spécial du Jury, Prix de la Critique à Gérardmer, 2013

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site wildside.fr

de Peter Strickland. 2012. Angleterre. 1h32. Avec Toby Jones, Tonia Sotiropoulo, Susanna Cappellaro, Cosimo Fusco.

Sortie salles Royaume-Uni: 28 Juin 2012

Récompenses: 2013: Prix spécial ex-æquo du Jury au Festival du film fantastique de Gérardmer.
2013: Prix de la critique au Festival du film Fantastique de Gérardmer.
2012: Mention spéciale du jury au Festival international du film de Catalogne.
2012: British Independent Film Award du meilleur film, du meilleur acteur pour Toby Jones, meilleure production, meilleur technicien
2013: London Film Critics Circle Awards: Film britannique ou irlandais de l'année, Acteur britannique de l'année
2013: Evening Standard British Film Awards: Meilleur acteur pour Toby Jones

FILMOGRAPHIE: Peter Strickland est un réalisateur et scénariste anglais, né en 1973 à Reading, Berkshire, en Angleterre.
2009: Katalin Varga. 2012: Berberian Sound Studio.


Comment établir une opinion objective quand on se retrouve confronté à une expérience imbitable ? Mise en abyme du milieu du cinéma, Peter Strickland souhaite rendre hommage à ces bruiteurs de films d'exploitation à travers le portrait d'un sexagénaire timide et introverti, venu exercer auprès d'un studio précaire de l'Italie. De toute évidence, le réalisateur est indéniablement nostalgique de l'époque des années 70 où fleurissaient les premiers giallos et l'ascension d'un Argento en pleine expérimentation avec son opéra lyrique Suspiria. Pour preuve, le film se situe à cette période charnière où les tueurs gantés violaient les femmes à l'aide d'un couteau acéré et se focalise sur un pitch occulte à base de sorcières et de prêtres inquisiteurs. Fourmillant de détails techniques sur la manière dont les bruitages sont façonnés par les ingénieurs du son et où les actrices néophytes tentent de doubler des hurlements stridents, Berberian Sound Studio dévoile l'envers du décor à l'instar d'un livre de cuisine. Puisqu'ici, les légumes y occupent une place éloquente, comme le fait de simuler à l'aide d'un chou-fleur ou d'une pastèque le son d'une lame de couteau pénétrant la chair humaine. Au milieu de cette hiérarchie destructurée par des cinéastes véreux et lubriques, notre bruiteur Gilderoy semble déboussolé à élaborer tous ces bruitages hostiles. Au fil des synchronisations, leur intonation horrifique s'avère si dérangeante et récurrente qu'il commence à perdre pied avec la réalité. Victimes d'hallucinations (ou d'une machination exercée par une troupe de techniciens perfides), Gilderoy semble se fondre avec l'illusion de la toile blanche pour se perdre à jamais dans l'abyme du silence.


Si un bonne partie du public risque de décrocher devant cette expérience hermétique, languissante, voire rébarbative, le soin alloué à sa mise en scène travaillée, le jeu des éclairages contrastant avec une superbe photo sépia, la reconstitution rétro du studio et l'alchimie inquiétante des comédiens inconnus nous rappellent les beaux jours d'un cinéma pragmatique épris de singularité. Qui plus est, à travers cette scénographie peu exploitée au cinéma, une ambiance lourde s'y détache avec une aura insolite prégnante où fiction et réalité succombent à s'uniformiser !


A vous de juger si Berberiand Sound Studio mérite les louanges qu'il a pu recevoir dans certains festivals et si cette leçon de cinéma impartie à la synchronisation du doublage et des bruitages s'avère aussi adroite et dialectique. De toute évidence, un second visionnage devrait être fructueux (du moins pour mon compte personnel !) afin de mieux déceler les tenants et aboutissants du cinéaste auteurisant. Au cas où, je revendrais plus tard avec une opinion plus tranchée...

04.10.13
Bruno Matéï

mercredi 2 octobre 2013

3096

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebel.be

de Sherry Hormann. 2012. Allemagne. 1h51. Avec Thure Lindhardt, Antonia Campbell-Hughes, Amelia Pidgeon, Trine Dyrholm, Vlasto Peyitch.

Sortie salles Autriche: 25 Février 2013. Allemagne: 28 Février 2013

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Sherry Hormann est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né en 1960 à Kingston, New-York, U.S.A.
1994: Frauen sind was Wunderbares. 1996: Fête des pères. 1998: Widows. 1998: Die Cellistin. 2001: Private Lies (télé-film). 2002: My Daughter's Tears. 2003: Le Merveilleux Noël de Lena (télé-film). 2004: Männer wie wir. 2007: Helen, Fred et Ted (télé-film). 2009: Fleur du Désert. 2012: Anleitung zum Unglücklichsein. 2013: 3096



Récit authentique du célèbre kidnapping de Natascha Kampusch, jeune fille autrichienne enlevée par un ravisseur à l'âge de 10 ans, puis épargnée de son calvaire après 3096 jours de captivité, ce drame éprouvant est transposé ici avec refus de voyeurisme dans sa volonté de retransmettre sans complaisance l'affliction d'une victime juvénile soumise à un sociopathe. Dans une chronologie elliptique, le réalisateur décrit avec réalisme blafard le calvaire de Natascha dès le jour de son enlèvement, c'est à dire le 2 mars 1998, jusqu'à sa liberté retrouvée à sa majorité le 23 Août 2006. Se raccrochant au témoignage de la véritable Natascha Kampusch répertorié dans son livre autobiographique, le film s'évertue à fidèlement reconstituer ses écrits en insistant sur les rapports étroits (parfois même amicaux !) que le couple finissait par entretenir.


Ce qui frappe d'entrée avec ce huis-clos aussi étouffant que dérangeant, c'est la rigueur de sa mise en scène épurée réfutant la moindre fioriture pour coller au plus près de la réalité, renforcée par la sobriété des comédiens étonnants de vérité. Superbement dessinés, Sherry Hormann leur accorde une attention circonspecte afin de mettre en exergue les rapports dysfonctionnels de la victime et du bourreau. Pour incarner la fragilité d'une adolescente famélique soumise à l'humiliation, le viol et les châtiments corporels, Antonia Campbell-Hughes retransmet avec fragilité son désarroi quotidien à devoir se réfugier dans un cachot en tolérant l'autorité castratrice d'un misogyne sexuellement refoulé. Avec son regard glaçant d'austérité et sa posture impassible, Thure Lindhardt incarne un tortionnaire avide de prépondérance afin de réduire à l'asservissement sa victime démunie. Littéralement transi de frustration irascible face à la gente féminine, l'acteur insuffle un jeu cynique d'autorité sadienne afin de mieux dissuader sa proie à s'échapper. Enfin, durant son 1er acte d'embrigadement, il faut souligner l'incroyable justesse de la petite Amelia Pidgeon, endossant avec un naturel impressionnant celle d'une fillette candide livrée à une claustration de longue haleine. Ces châtiments intentés tels que la privation de nourriture et la violence punitive nous plongent dans une dérive psychologique difficilement supportable.


En jouant la carte de l'émotion prude et du refus du sensationnalisme, 3096 s'érige en témoignage bouleversant pour retracer le calvaire inlassable d'une adolescente aussi découragée (sa tentative de suicide afin de mettre un terme à son isolement) que combative (ses tentatives d'évasion). Les rapports troubles qu'elle entretenait avec son ravisseur rajoute une aura insolite à cette séquestration auquel le jeu subtil des comédiens puise toute sa force émotionnelle. 
Pour clore, si quelqu'un peut m'expliquer pour quelle raison ce témoignage fidèlement respectueux, approuvé par la véritable Natascha Kampusch, s'est honteusement retrouvé banni de nos écrans français !

La critique de Loic Bugnon: http://www.grimmovies.com/2013/10/20/3096-sherry-hormann-2012/

Dédicace à Jenny Winter
02.10.13
Bruno Matéï

mardi 1 octobre 2013

OVER THE TOP (le Bras de Fer)

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site dbcovers.com

de Menahem Golan. 1987. U.S.A. 1h33. Avec Sylvester Stallone, Robert Loggia, Susan Blakely, Rick Zumwalt, David Mendenhall, Chris McCarty.

Sortie salles France: 8 Avril 1987. U.S: 13 Février 1987

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Menahem Golan est un producteur, réalisateur, scénariste et acteur israélien, né le 31 Mai 1929 à Tibériade (Palestine mandataire).
1977: Operation Thunderbolt. 1984: Over the Brooklyn Bridge. 1986: Delta Force. 1987: Over the Top. 1990: Mack the Knife. 2006: Rikod Mesokan.


1987 est une année déclinante pour la star notoire Sylvester Stallone car après son modeste succès commercial Cobra, Over the Top se solde comme le plus sévère échec de sa carrière. Un an plus tard, le 3è volet de Rambo suit la même pente régressive (Razzie Award à l'appui !) même si on s'éloigne du fiasco antécédent. Réalisé par Menahem Golan, spécialiste de l'actionner bourrin décérébré (Delta Force), affilié à son cousin producteur Yoran Globus, Over the Top fait surtout la part belle aux bons sentiments dans les rapports conflictuels entre un routier divorcé et son jeune fils dont la garde lui a été soutiré par un grand-père cupide. Après 10 ans d'absence, sous la recommandation de son ex femme mourante, Lincoln Hawk doit renouer les liens familiaux avec Michael Cutler, rejeton capricieux et impétueux couvé par une existence bourgeoise. En parallèle, notre routier s'envisage de concourir au championnat de bras de fer afin de pouvoir acquérir un camion mais aussi prouver à son jeune fils qu'il n'est pas le raté que l'aïeul avait toujours prétendu.


A grand renfort de clichés sirupeux, de morale bien pensante et de cabotinage d'acteurs, Over the Top tente de nous émouvoir avec cette cohésion parentale entretenue entre un prolétaire au grand coeur et son jeune fils plein d'orgueil. Afin de ne pas occulter les fans de l'illustre star du cinéma d'action des eighties, Menahem Golan et Stallone himself (puisque notamment assisté au poste de co-scénariste), imaginent la trouvaille originale d'une compétition de bras de fer afin d'enchérir encore vers le milieu sportif où la rivalité des affrontements (dialogues impayables à l'appui !) culmine sa trajectoire vers un dernier combat plutôt intense.
Et le miracle de se produire ! Car grâce à la bonhomie irrésistiblement attachante de Sly, cette série B triviale réussit avec modeste efficacité à se dépêtrer d'une intrigue prévisible pour mettre en valeur les les rapports humanistes de la filiation parentale. A l'aide de chansons entraînantes et du score rétro de Gorgio Moroder, Over the Top attise donc la sympathie dans son dosage d'action et d'émotion, tout en véhiculant les valeurs sociales fondées sur la volonté de la réussite et le désir de transcender ses doutes. Si le marmot aux yeux bleux cabotine à n'en plus finir dans ses crises de colère intolérantes, Sylvester Stallone réussit à lui imposer son autorité avec l'éthique d'un père imparfait mais dévoué à enseigner le privilège de la victoire.


Real steel
Terriblement naïf, désuet et bourré de bons sentiments, Over the Top est l'exemple type du divertissement calibré, préalablement conçu sur la notoriété de son icône d'action. Sauvé par la présence pleine d'humilité de Sylvester Stallone, cette odyssée humaine insuffle abondamment une émotion candide et rehausse l'intensité des enjeux vers un point d'orgue spectaculaire.

01.10.13. 3èx
Bruno Matéï

    vendredi 27 septembre 2013

    UN ETE POURRI (The Mean Season). Grand Prix à Cognac.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

    de Philip Borsos. 1985. U.S.A. 1h44. Avec Kurt Russel, Mariel Hemingway, Richard Jordan, Richard Masur, Richard Bradford, Joe Pantoliano, Andy Garcia, William Smith.

    Récompenses: Grand Prix spécial TF1 à Cognac, 1986
    Prix du Public, 1986

    Sortie salles France: 24 Juillet 1985. U.S: 15 Février 1985

    FILMOGRAPHIE:  Philip Borsos est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 5 Mai 1953 à Hobart (Australie), décédé le 2 Février 1995 à Vancouver (Canada).
    1976: Cooperage. 1977: Spartree. 1979: Nails. 1982: The Grey Fox. 1985: Un Eté pourri. 1985: One Magic Christmas. 1990: Bethune: The Making of a Hero. 1995: Loin de la maison.


    Thriller occulté de nos jours alors qu'il fut en 1986 couronné du Grand Prix et celui du Public à Cognac, Un Eté pourri est le seul film reconnu en France par le cinéaste Philip Borsos. Décédé en 1995, ce jeune réalisateur laisse derrière lui un petit thriller retors rondement mené auquel l'interprétation de Kurt Russel, en journaliste susceptible, et celle de Richard Jordan, en serial killer aussi patibulaire que goguenard, doivent beaucoup au caractère intense de leur confrontation.
    Un journaliste devient l'instrument d'un serial-killer afin que ce dernier puisse accéder à une certaine notoriété auprès des médias et du public. 


    D'après le roman In the Heat of the Summer de John Katzenbach, Un Eté Pourri est érigé sous le moule de la série B avec sagacité dans son scénario équivoque mettant en exergue les rapports troubles qu'un jeune journaliste doit entretenir avec un tueur en mal de renommée. Réflexion sur la quête de célébrité et le rapport cynique du journalisme à sensations, Philip Borsos confronte un duel haletant entre deux rivaux contraints de collaborer sous les feux des projecteurs. Alors que ce reporter commence à gagner une popularité grandissante auprès des médias, le tueur inconsidéré décide de prendre sa revanche sur son orateur afin de pouvoir renouer avec sa célébrité. Face à cette trahison, quoi de plus perfide que de mettre en place une une stratégie accès sur l'esprit de provocation et le rapt d'un otage. Dans ce jeu de duperie auquel leur rapport malsain est toujours plus étroit, c'est une course poursuite endiablée que le journaliste va devoir finalement entamer afin de retrouver ATTENTION SPOILER sa femme en vie. FIN DU SPOILER. Efficacement réalisé et surtout interprété avec dextérité par deux comédiens inflexibles, Philip Borsos alterne étude de caractères, meurtres en série et action trépidante dans une dernière partie riche en rebondissements. Avec un certain réalisme et l'effet de suggestion, il n'oublie pas de renforcer le caractère crapuleux de son intrigue vis à vis des crimes lâchement exécutés par un tueur sans vergogne. A l'image de cette séquence éprouvante auquel un bébé en larmes est retrouvé aux abords d'une forêt sous une pluie torrentielle alors que sa mère vient d'être découpée en morceaux !


    En privilégiant la psychologie ambivalente de deux adversaires confrontés à l'ascension de la popularité, Philip Borsos redouble d'efficacité pour mettre en exergue leur rivalité possessive. Dominé par la présence indéfectible de Kurt Russel, ce solide thriller est notamment pourvu d'une atmosphère blafarde (la ville de Miami risque à tous moments d'être balayée par un ouragan !) que n'aurait pas renié Seven

    27.09.13. 3èx
    Bruno Matéï


    jeudi 26 septembre 2013

    Isolation. Grand Prix, Gérardmer 2006.

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

    de Billy O'Brien. 2005. Irlande/Angleterre/U.S.A. 1h35. Avec John Lynch, Essie Davis, Ruth Negga, Sean Harris, Marcel Lures, Crispin Letts, Stanley Townsend.

    Sortie salles France: 7 Juin 2006

    FILMOGRAPHIE: Billy O'Brien est un réalisateur irlandais.
    2005: Isolation. 2014 : Scintilla (The Hybrid). 2016 : I Am Not a Serial Killer


    Premier long-métrage du réalisateur irlandais Billy O'Brien, Isolation sort vainqueur de Gérardmer en remportant le prestigieux Grand Prix et celui de la critique. Influencé par Alien et The Thing, mais sans jamais prétendre les plagier, cette série B horrifique redouble d'efficacité dans une structure narrative imparable alliant suspense anxiogène, intensité éprouvante, terreur diffuse. Le Pitch: Dans une ferme, un agriculteur et son ex femme sont confrontés à une menace biologique d'un genre nouveau. Celle d'une mutation génétique fécondée par l'une de leur vache. Huis-clos étouffant régi en interne d'une ferme isolée, Isolation ne perd pas de temps pour immerger le spectateur lors d'une séquence d'accouchement aussi dérangeante qu'ultra réaliste. Si bien qu'un agriculteur et une vétérinaire tentent désespérément d'extraire du ventre de sa mère un veau. Mais suite à des manipulations génétiques expérimentées par l'homme, cette génisse y enfante un foetus difforme. Et ce dernier de produire à son tour 6 nouveaux embryons dans l'estomac de sa mère ! Ainsi, dans un climat à la fois humecté et insalubre où le peu de clarté s'avère ternie par la nuit, nos 2 fermiers, un scientifique et un jeune couple en escapade tenteront de se débarrasser d'une créature belliqueuse particulièrement insidieuse. Or, le problème avec cette nouvelle menace inconnue c'est qu'elle grossit rapidement après s'être nourrie de sang auprès de son hôte et qu'elle réussit par la même occasion à se démultiplier afin de propager une contamination. 


    Pire encore, l'embryon est capable de corrompre des cellules humaines à partir d'une simple morsure et ainsi provoquer une future mutation chez l'homme ! Ce scénario catastrophe alarmiste, Billy O'Brien le retransmet avec souci de vérité et du détail scientifique. Epaulé de la sobriété de comédiens à la dimension humaine en désarroi (pour ne pas dire dépressive), Isolation distille une angoisse infiniment oppressante (juqu'au malaise viscéral) face à des situations inopinées toujours plus embarrassantes. Sa réalisation habile exploitant parfaitement les recoins glauques de son décor industriel (notamment un jeu contrasté d'éclairage limpide) et la manière pertinente dont le réalisateur structure l'embryon provoquant inévitablement l'effroi proprement dérangeant pour le spectateur incommodé par tant de visions à la fois horrifiantes, cauchemardesques, fétides. Sa morphologie indescriptible et son instinct de survie à se planquer dans les recoins insalubres distillant un suspense métronome auquel l'intensité des enjeux progressera d'un échelon vers son point d'orgue crucial. Sans esbroufe, le film joue donc la carte de l'ultra réalisme clinique en suscitant une appréhension anxiogène car il fait notamment appel à la peur contemporaine des manipulations génétiques. C'est à dire le fait d'oser intégrer des gènes étrangers, animaux ou végétaux, dans le corps d'un membre d'une espèce distincte, ou encore d'y altérer les gènes d'un organisme afin de l'améliorer et de le rendre plus rentable.

     
    Un mutant à la ferme
    A partir d'un canevas éculé, Billy O'Brien réinvente le huis-clos claustro et la menace animale avec une efficacité effroyablement implacable. Le caractère parano des protagonistes livrés à une épreuve de force impitoyable accentuant le côté docu-vérité de cette horreur viscérale auquel un monstre hybride aura décidé d'annihiler notre monde. Sa physionomie squelettique, sorte de lombric élaboré à partir d'os broyés et de viscères y transcende une oeuvre littéralement glauque, inquiétante, cauchemardesque de par la puissance de ses images crapoteuses terriblement dérangeantes... ad nauseam. Surtout lorsque l'on a affaire à une horreur écolo impartie à la cause bovine soumise à la mégalomanie de l'homme vénal.  
    Pour Public averti.

    *Bruno

    26.09.13.
    04.08.23. 3èx

    Récompenses: Grand Prix à Gérardmer, 2006
    Prix de la Critique à Gérardmer, 2006

    Screamfest 2006 :

    Meilleur film

    Meilleure actrice Essie Davis

    Meilleur réalisateur Billy O'Brien