jeudi 19 décembre 2013

THE BODY (El Cuerpo). Prix du Jury au Festival de Paris, 2012

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site dreadcentral.com

de Oriol Paulo. 2012. Espagne. 1h48. Avec Aura Garrido, Belén Rueda, Hugo Silva, José Coronado, Miquel Gelabert.

Sortie salles France: Prochainement. Espagne: 21 Décembre 2012

Récompense: Paris International Fantastic Film Festival 2012 : Prix du jury.

FILMOGRAPHIE: Oriol Paulo est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1975 à Barcelone, Catalogne, Espagne.
2006: Ecos (télé-film). 2012: The Body.


Ne révélez pas la fin du film: nous n'en n'avons pas d'autres !
Par le scénariste de l'excellent giallo Les yeux de Julia, The Body est le premier long-métrage de l'espagnol Oriol Paulo. Un thriller hitchcockien à la mécanique de suspense si infaillible qu'on sort groggy après avoir été ébranlé par son ultime coup de théâtre !

Après avoir été victime d'un infarctus, une femme déclarée morte disparaît mystérieusement de la morgue. Rapidement, le mari est suspecté puisque dans sa poche est retrouvé un flacon toxique, le TH-16. Cette cardiotoxine extraite des fluides de certains reptiles provoque un arrêt cardiaque 8 heures après ingestion sans laisser de traces ! L'enquête commence !


Thriller vertigineux au scénario retors bourré d'indices, rebondissements et fausses pistes, The Body est un jeu de manipulation auquel le spectateur plonge tête baissée dans les eaux troubles du faux semblant. Avec le jeu délétère de protagonistes toujours plus mesquins pour tromper l'adversaire, cette investigation de longue haleine véhicule un suspense exponentiel en jouant avec les nerfs du spectateur sur l'éventuelle apparition d'un cadavre récalcitrant. Farce macabre concoctée par une experte en blagues goguenardes, The Body est un film piège où chacun des protagonistes extériorise leur personnalité avec l'appui de persuasion et du subterfuge. Ou est la part de vérité dans ce qu'énonce le potentiel coupable et surtout ou se planque le cadavre de Mayka Villaverde et de quelle aide externe aurait-elle pu bénéficier ? A travers divers flash-back explicatifs, Oriol Paulo nous remémore également la liaison conjugale qu'entretenait le mari avec une épouse adepte de blagues sardoniques afin de mieux l'asservir. On nous dévoile ensuite sa liaison d'adultère qu'il entretenait avec une jeune étudiante jusqu'au fameux crime envisagé pour se débarrasser de sa femme. La suite n'est qu'une succession de vicissitudes, un jeu de provocation que le mari va devoir endurer avec la perspicacité d'un cadavre maître chanteur. Toute l'intrigue adroitement distillée est d'autant mieux charpentée que les comédiens charismatiques s'avèrent sobrement persuasifs dans leur carrure austère. SPOIL !!! Qui plus est, le réalisateur accentue notamment au fil du récit une certaine densité psychologique à un personnage sévèrement affecté par une tragédie accidentelle ! FIN DU SPOIL. Mais chut, n'en disons pas plus pour préserver la surprise car l'incroyable impact émotionnel qui émane de ce thriller racé privilégie notamment la dimension humaine et culmine vers un point d'orgue impossible à déceler !


Le crime était parfait
Mis en scène avec rigueur dans son sens hitchcockien au service d'un scénario en trompe-l'oeil et bénéficiant du jeu hermétique des comédiens, The Body est un thriller palpitant à l'esprit manipulateur infaillible car ne cessant de jouer au simulacre avec une pernicieuse intelligence ! 

19.12.13
Bruno Matéï


TOP 15, 2013


1) MANIAC et ALABAMA MONROE

 

2) LA CHASSE  


3) LA VIE D'ADELE


Dans le désordre:















 3 coups de coeur recalés: 





Mon trio maudit découvert en video: 






COUPS DE COEUR SERIES T.V 2013

1



2


3


4


mercredi 18 décembre 2013

36-15 CODE PERE NOEL

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site notrecinema.com

de René Manzor. 1982. France. 1h30. Avec Alain Musy, Louis Ducreux, Brigitte Fossey, Patrick Floersheim, François-Eric Gendron, Franck Capillery.

Sortie salles France: 10 Janvier 1990

FILMOGRAPHIE: René Manzor est un réalisateur et scénariste français, frère de Francis et Jean Félix Lalanne. Il est né le 4 Août 1959 à Mont-de-Marsan.
1986: Le Passage. 1990: 3615 code Père Noël. 1997: Un Amour de sorcière. 2003: Dédales. 2002-2007: Alex Santana, négociateur (série tv). 2009: Blackout (télé-film).


Quatre ans après Le Passage, René Manzor renoue avec l'insolite pour façonner 36-15 Code Père-Noel avec un ton beaucoup plus cauchemardesque et débridé. Flop commercial lors de sa sortie, le film continue de faire figure d'ovni franchouillard avec son florilège de courses poursuites incessantes entre un enfant belliqueux et un père fouettard. En l'absence de ses parents, Thomas, 9 ans, doit combattre un père noël psychopathe et sauvegarder la vie de son grand-père au sein du château familial. Déguisé en Rambo, le marmot ne manque pas de subterfuges pour piéger son adversaire à l'aide de gadget retors sortis de sa cargaison de jouets. C'est le début d'une confrontation dantesque que nos deux guerriers vont concourir à l'instar d'une partie de cache-cache !


Mais que s'est-il passé dans la tête de René Manzor pour pondre un divertissement aussi immoral désacralisant sans complexe l'archétype du père-noël ! Aurait-t'il été traumatisé durant son enfance par le grand-père à la fourrure rouge pour daigner le démystifier en prouvant son imposture ? Si le film devait aujourd'hui faire l'objet d'un remake, aucun producteur n'autoriserait pareil sacrilège pour discréditer l'icone des enfants, à moins d'édulcorer prudemment son caractère irresponsable ! A mi chemin entre Maman, j'ai raté l'avion, Rambo 2 et Douce Nuit, Sanglante Nuit, 36-15 Code Père-Noel provoque une palette d'émotions contradictoires (stupeur et perplexité !) dans ce chassé-croisé infernal entre deux adversaires pugnaces ! Si en l'occurrence, le film a pris un coup de vieux dans son esthétisme criard chargé de nuances fluos, il fait autant preuve de maladresses dans certaines situations risibles (la trêve lamentée de Thomas desservie par une mélodie sirupeuse de Bonnie Tyler !) que de coups de génies adroitement exécutés par un Rambo en culotte courte. D'ailleurs, son joli minois poli et sa colère outrée provoquent parfois l'irritation du stéréotype en dépit d'une certaine empathie éprouvée pour son sens de bravoure (le marmot multipliant les pièges fantaisistes avec une sagacité véloce !). Avec une volonté de moderniser une réalisation inventive, René Manzor fait preuve d'une mise en scène clippesque abusant de ralentis chorégraphiques et de cadrages alambiqués. Quand bien même la scénographie baroque est impartie à un manoir high-tech réduit ici en champs de bataille au milieu d'une cargaison de jouets (par moments, on se croirait presque dans la tanière du supermarché Toys "R" us !). Pourtant, le réalisateur exploite habilement chaque recoin et pièces secrètes de la bâtisse avec un sens de l'imagination imparti au gamin débrouillard et de l'efficacité dans sa mise en scène nerveuse.


Avec sa facture kitch, ses situations parfois ridicules, certains clichés usuels (voiture en panne, tueur increvable) et le cabotinage vertueux de ses interprètes (le papy sclérosé s'avère quand même inexpressif !), 36-15 Code Père Noël peut aujourd'hui prêter à sourire, d'autant plus qu'il n'élude pas un semblant de pathos dans certains retranchements intimistes (à l'instar du désarroi du bambin finalement voué au traumatisme). Pourtant, en cinéaste pourfendeur, René Manzor délivre aussi une série B insolente à la liberté de ton plutôt couillue dans son impact horrifique et l'action homérique qui en découle. Enfin, la présence inquiétante du père-noël endossé par Patrick Floersheim renforce le caractère parfois malsain de l'entreprise. Une bizarrerie littéralement erratique à (re)découvrir avec précaution ! 

18.12.13. 3èx
Bruno Matéï

mardi 17 décembre 2013

MA VIE AVEC LIBERACE (Behind the Candelabra)

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site blogs.paris.fr

de Steven Soderbergh. 2013. 1h58. U.S.A. Avec Michael Douglas, Matt Damon, Dan Aykroyd, Scott Bakula, Rob Lowe, Tom Papa.

Sortie salles France: 18 Septembre 2013. U.S: 26 Mai 2013 (par la case TV)

Récompenses: Palme dog pour Baby Boy au Festival de Cannes, 2013
Meilleure mini-série ou meilleur téléfilm, Meilleur Acteur pour Michael Douglas au Critic's Choice Television Awards
Meilleur mini-série ou meilleur télé-film pour Jerry Weintraub, Meilleur réalisation pour Steven Soderbergh, Meilleur Acteur pour Michael Douglas aux Emmy Awards2013.

FILMOGRAPHIE: Steven Soderbergh est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Janvier 1963 à Atlanta en Géorgie.
1985; Yes 90125 Live (doc). 1989: Sexe, mensonges et vidéo. 1991: Kafka. 1993: King of the Hill. 1995: A fleur de peau. 1996: Gray's Anatomy. 1996: Schizopolis. 1998: Hors d'Atteinte. 1999: L'Anglais. 2000: Erin Brockovich. 2000: Traffic. 2001: Ocean's Eleven. 2002: Full Frontal. 2002: Solaris. 2004: Ocean's Twelve. 2006: Bubble. 2006: The Good German. 2007: Ocean's Thirteen. 2008: Che, 1ère partie. Che, 2è partie. 2009: Girlfriend Experience. 2009: The Informant ! 2010: And everything is going fine (doc). 2011: Contagion. 2012: Piégée. 2012: Magic Mike. 2012: An Amazing Time: A Conversation About "End of the Road" (doc). 2013: Effets Secondaires. 2013: Ma vie avec Liberace



Comédie dramatique retraçant l'idylle passionnelle du célèbre pianiste Liberace avec un jeune blondinet sans le sou, Ma vie avec Liberace est surtout l'occasion pour Michael Douglas de livrer un numéro d'acteur extravagant conçu sur la posture efféminée. Grace à sa prestance incandescente, le film repose énormément sur ses épaules sans jamais vulgariser le trait d'une caricature "gay". On en oublie rapidement que derrière cet accoutrement fantasque se cache un Michael Douglas épatant de spontanéité malgré son âge avancé !


Débouté en salles outre-atlantique à cause de son sujet jugé trop "homo" des aveux des producteurs, ce portrait en demi-teinte d'un pianiste notoire nous ouvre les portes de sa célébrité avec une dimension humaine fataliste dans ses excès capricieux. C'est une liaison amoureuse (limite incestueuse) que nous illustre le cinéaste prolifique Steven Soderbergh avec un certain sens de l'absurde puisque l'amant, Scott Thorson (excellemment campé par un Matt Damon poupon !) est amené à être légalement adopté par Liberace ! Grâce à la complicité extrêmement attachante du duo formé par les deux stars, Ma vie avec Liberace nous dévoile l'intimité de leur romance (limite paternelle), entre bonheur conjugal, crises de jalousie et colère erratique, à l'image du refoulement sexuel et de l'ascension toxicomane de Scott. Du côté du maître égocentrique, Liberace manifeste son talent de pianiste sous les paillettes d'une emphase musicale et dévoile en dernier acte un talent d'usurpateur quand il décide de publier sa biographie en occultant son homosexualité. A travers ce déni d'un homme incapable d'assumer sa sexualité au grand jour, Soderbergh remémore un témoignage prude sur l'époque de la fin des années 70 où il n'était pas bon d'avouer son homophilie. Quand bien même l'avènement du Sida venait de faire son apparition, à l'instar du brutal décès de l'acteur Rock Hudson entraperçu au travers d'une page de quotidien !


Alternant l'humour frivole, le drame et la tendresse, Ma vie avec Liberace rend hommage à son artiste mélomane tout en dénonçant l'hypocrisie humaine de l'amour possessif à travers ce couple gay tiraillé par les effets pervers de la célébrité, de la jalousie et de la toxicomanie. Illuminé par la présence de Matt Damon et de l'abattage de Michael Douglas, cette comédie pathétique doit énormément à cette complicité aléatoire, tandis que les seconds rôles, quasi méconnaissables, relèvent la gageure avec la même décontraction (Dan Aykroyd, Scott Bakula et Rob Lowe forment un trio "gay" hétéroclite dans leur personnalité autonome !)

Clin d'oeil amusé à Karine Philippi !
17.12.13
Bruno Matéï

lundi 16 décembre 2013

Les Fantômes de Hurlevent (Edgar Poe chez les Morts-vivants. Nella stretta morsa del ragno)


de Antonio Margheriti. 1971. Italie. 1h49. Avec Anthony Franciosa, Michèle Mercier, Klaus Kinski, Peter Carsten, Silvano Tranquilli, Karin Field, Raf Baldassarre, Irina malleva.

FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi.
1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


Connu également sous le titre Edgar Poe chez les morts-vivants (c'est d'ailleurs sous cette appellation que j'ai pu le découvrir via mon cinéma provincial), Les Fantômes de Hurlevent est le remake colorisé du fameux classique Danse Macabre. Peu apprécié des critiques en général depuis sa sortie, cette petite bisserie transalpine s'avère pourtant séduisante pour peu que l'on soit indulgent à l'aspect copié-collé de sa trame originelle. Pour rappel: A la suite d'un pari, un homme doit passer une nuit entière dans un château parmi la potentielle présence de fantômes d'outre-tombe. Bénéficiant d'une ambiance gothique réellement envoûtante, Les Fantômes de Hurlevent tente de dépoussiérer son ancêtre avec l'emploi de la couleur ainsi qu'une distribution éclectique réunissant les illustres  Anthony FranciosaMichelle Mercier et le fou furieux Klaus Kinski. Si Franciosa cabotine un peu en journaliste rationnel pour autant davantage compromis par sa névrose paranoïaque, Michelle Mercier  ne manque pas d'élégance en fantôme vertueuse éprise d'empathie pour notre héros, quand bien même Klaus Kinski reste transi d'émoi de par sa discrète performance d'Edgar Poe en écrivain alcoolo habité par ses démons (nous ne le verrons apparaître qu'au prologue et à la conclusion du    film).


Ainsi, l'intrigue suit la même ligne de conduite que son modèle mais avec un sens de l'efficacité dans l'art de brosser studieusement une histoire de hantise au sein d'un château bordé de toiles d'araignées, de candélabres et de cranes humains. Toute le récit, à la lisière du cauchemar éveillé, demeure centré sur la visite du journaliste en interne du manoir, témoin malgré lui d'une succession de visions hallucinatoires qui tendraient à prouver l'existence d'ectoplasmes. Serein mais gagné par l'inquiétude, cet aimable hôte se retrouve donc persécuté par les anciens propriétaires en revivant des épisodes du passé jusqu'à ce que sa survie en dépende ! En affiliant l'iconographie du fantôme au thème vampirique (ils se nourrissent de sang humain pour pouvoir revenir d'entre les morts), Antonio Margheriti trousse une agréable série B teintée de tabous sexuels (le lesbianisme, l'adultère) en survolant au passage une intéressante théorie sur la mort (l'instinct vital du corps permettant de prolonger la vie amène une réflexion spirituelle !). Mais c'est dans l'atmosphère mortifère que les Fantômes de Hurlevent s'avère le plus saisissant ! Tant au salon du bal victorien, aux sous-sol de sépulture que dans les chambres (lieux de théâtre macabre des crimes d'adultère), la scénographie insuffle une aura funèbre prégnante jusqu'au climax ironiquement tragique.


Réalisé sans génie particulier mais avec réel savoir-faire afin de matérialiser une ambiance anxiogène dédiée au gothisme, les Fantômes de Hurlevent ne cherche pas à concourir avec la réussite de son illustre homologue. De par l'art de construire une histoire limpide, Margheriti compte aussi sur la présence attachante de ces comédiens et sur la mélodie classique de Riz Ortolani pour nous séduire. Mais surtout il fignole obstinément l'esthétisme macabre du manoir des amants maudits avec un savoir-faire infaillible. Pour les amoureux d'ambiance séculaire palpable, les Fantômes de Hurlevent est donc une oeuvre mineure certes, mais indéniablement envoûtante.  

*Bruno
16.12.13. 2èx


vendredi 13 décembre 2013

LA VIE D'ADELE. Palme d'Or, Cannes 2013

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebel.be

de Abdellatif Kechiche. 2013. France/Belgique/Espagne. 2h59. Avec Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Jérémie Laheurte, Mona Walravens, Salim Kechiouche, Catherine Salée.

Sortie salles France: 23 Mai 2013

FILMOGRAPHIE: Abdellatif Kechiche est un réalisateur, scénariste et acteur franco-tunisien, né le 7 Décembre 1960 à Tunis. 2000: La Faute à Voltaire. 2004: L'Esquive. 2007: La Graine et le Mulet. 2010: Vénus Noire. 2013: La Vie d'Adèle.


Déclaré vainqueur de la Palme d'Or en 2013 et d'une multitude de récompenses à travers le monde, La Vie d'Adèle est notamment la révélation d'Adèle Exarchopoulos. Transie d'émoi et de pudeur pour sa prestance d'adolescente paumée, cette jeune comédienne suscite au spectateur une émotion à fleur de peau dans ses échanges de regard timoré et son incontrôlable ardeur sexuelle dédiée à l'être aimée. En dépit d'une polémique conflictuelle entre le réalisateur, le duo d'actrices et certains techniciens, cette romance passionnelle a remporté tous les suffrages pour prôner le jeu naturel des comédiennes ainsi que le talent d'un metteur en scène à son acmé. Avec la participation exceptionnelle du couple Adèle Exarchopoulos/Léa Seydoux, La Vie d'Adèle est un tourbillon d'émotions pour illustrer la dérive sentimentale de deux lesbiennes habitées par la passion. C'est en priorité un magnifique portrait d'adolescente fragile que nous dresse Abdellatif Kechiche, la quête douloureuse d'une fille en questionnement sur son identification sexuelle mais prochainement rattrapée par une idylle dévorante. Après une première expérience sans lendemain avec un jeune garçon, Adèle va subitement aborder l'amour dans une boite gay parmi la rencontre d'Emma, lesbienne autrement assumée, spontanée et plus mature. 


A cause des préjugés homophobes de certaines de ses camarades de classe, Adèle n'ose pas dévoiler au grand jour son penchant saphique mais se laisse rattraper par le désir amoureux de sa nouvelle relation, jusqu'à ce qu'une crainte jalouse ne vienne tout remettre en cause. Durant plus de 3 heures, nous allons suivre son cheminement indécis et si délicat, partagée entre la quête éperdue d'un amour pur et son initiation professionnelle de maîtresse d'école. Si La Vie d'Adèle s'avère aussi puissant émotionnellement parlant, il le doit autant au talent circonspect d'un cinéaste scrutant, à l'aide de sa caméra, la pudeur humaine dans une délicate sensibilité. Celle d'une jeune fille trop fragile livrée à ses doutes en l'amour et la crainte de l'abandon, mais toujours passionnée et en essor sexuel envers l'être aimé. D'ailleurs, les séquences sexuelles explicites sont retransmises avec un tel réalisme qu'une certaine gêne peut parfois occasionner le spectateur, même si l'érotisme ardent qui en émane est rattrapé par la pureté de l'acte. D'autres seront sans doute choqués de découvrir à certains moments la crudité de certains inserts pornographiques sans que le réalisme scabreux des situations ne cède jamais à la complaisance. Au contraire, à l'aide d'une réalisation épurée au plus près des corps extatiques, il ne fait que sublimer la passion sexuelle de deux êtres envoûtés par le désir. Rarement des séquences sexuelles n'auront été vécues d'une manière aussi crue et radicale mais transcendées par la sensualité d'une fougue érogène.


Il en ressort une oeuvre épurée où l'émotion brute nous saisit à la gorge à n'importe quelle situation improvisée et où l'introspection initiatique d'Adèle nous hypnotise d'une manière toute intime. Outre son ode à la vie et à la liberté homosexuelle, La vie d'Adèle illustre avec autant de lucidité que de vérité humaine la cruauté de l'amour et l'initiation à la maturité. 

Avec toute mon affection pour Adèle Exarchopoulos
13.12.13
Bruno Matéï

L'avis de Mathias Chaput:
"La vie d'Adèle" est simplement un pur chef d'oeuvre qui frôle presque le cinéma expérimental tant l'acuité d'Abdellatif Kechiche à rendre simples et évidentes les choses force le respect...
Admirable en tous points, son film transgresse les tabous et va très loin dans le réalisme, n'occultant jamais qu'une histoire d'amour est faite de larmes et de sexe...
Sexualité débridée certes, mais NECESSAIRE pour comprendre l'amplification et la liaison charnelle qui lie les deux héroïnes, corps imbriqués physiquement mais aussi mentalement pour un amour que nul ne penserait pouvoir briser tant le feu foudroyant domine les deux femmes...
Techniquement, Kechiche fait preuve d'une maîtrise totale et emploie des mouvements de caméras gracieux et intégrés dans l'espace de façon juste, un grand travail a été fait notamment lors de plans sur le visage d'Adèle qui la suit sur un long mouvement à deux reprises dans le film (lorsqu'elle sort du lycée et lorsqu'elle quitte le vernissage)...
La direction d'actrices est extrêmement juste et les deux comédiennes jouent à un niveau de perfection peu atteint dans le cinéma français (la scène du clash annonçant la rupture m'a arraché des larmes, tout y est concis, précis et vraiment similaire au réel)...
Il y a de nombreuses allégories dans "La vie d'Adèle" comme ces feuilles qui volent, emmenées par le vent, dans un parc, au dessus du corps d'Adèle allongée sur un banc, ou ce passage incroyable et hors du temps d'une des séquences finales, dans le café, où la discussion entre les deux femmes fait penser à celle du parloir d'une prison, Adèle prisonnière, enfermée dans l'illusion d'un amour renouvelé et qui demande à Emma de la masturber, comme un détenu le demandera à son épouse, cette scène est très forte et d'une intensité rare !
D'une force imparable, "La vie d'Adèle" laissera une trace indélébile dans le cinéma hexagonal et peu de métrages ont réussi à atteindre un tel degré dans la retranscription d'un amour, à fortiori dans cette gageure pour Kechiche puisqu'il s'agit en l'occurrence de deux femmes, ce qui accentue encore plus la difficulté pour le cinéaste...
Tout simplement magique et magnifique "La vie d'Adèle" est une incroyable performance et une étape supplémentaire franchie dans la qualité au septième art, qui imprègne de sa patte et de son style tout un pan de la société, à l'heure du "mariage pour tous", bien ancrée dans l'évolution des moeurs et témoignant d'une intelligence de traitement rarement vue auparavant...
Note : 10/10

Récompenses: Palme d'Or, Cannes 2013
César du Meilleur Espoir Féminin pour Adèle Exarchopoulos
Prix Louis Delluc, 2013
Prix Fipresci pour Abdellatif Kechiche. 
Grand Prix de la FIPRESCI36
Meilleur Espoir pour Léa Seydoux au Festival du film des Hamptons, 2013
Meilleure révélation féminine pour Adèle Exarchopoulos
Meilleur film Etranger au New-York Film Critics Circle Awards, 2013
Meilleure Actrice pour Adèle Exarchopoulos au Los Angeles Film Critics Association Award, 2013
Meilleur Film Indépendant international au British Independent Film Awards, 2013
Meilleur Film en langue étrangère au Boston Online Critics Association Awards, 2013
Meilleur Film étranger aux Critics' Choice Awards, 2014 !
Prix Lumières 2014

jeudi 12 décembre 2013

La Planète des Singes / Planet of the Apes

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site space1970.blogspot.com

de Franklin J. Schaffner. 1968. U.S.A. 1h52. Avec Charlton Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter, Maurice Evans, James Whitmore, James Daly, Linda Harrison.

Sortie salles France: 25 Avril 1968. U.S: 8 Février 1968

FILMOGRAPHIE: Franklin J. Schaffner est un réalisateur et producteur américain, né le 30 Mai 1920 à Tôkyô, décédé le 2 juilllet 1989 à Santa Monica. 1963: Les Loups et l'agneau. 1964: Que le meilleur l'emporte. 1965: Le Seigneur de la guerre. 1967: La Griffe. 1968: La Planète des Singes. 1970: Patton. 1971: Nicolas et Alexandra. 1973: Papillon. 1976: L'île des adieux. 1978: Ces Garçons qui venaient du Brésil. 1981: Sphinx. 1982: Yes, Giorgio. 1987: Coeur de Lion. 1989: Welcome Home.


"L'homme, arrogant, cupide, envieux, mégalo, autodestructeur, incapable du vivre ensemble, condamné au néant. Plus nihiliste tu meurs."
Grand classique de la science-fiction dans tous les coeurs des cinéphiles, La Planète des Singes laissa une trace indélébile dans la mémoire du spectateur, tant par la nature délirante de son concept que de sa réflexion philosophique sur la nature humaine. Le pitchAprès un voyage astral de 18 mois, trois astronautes se retrouvent projetés en l'an 3978 pour atterrir sur une contrée désertique étrangement mutique. Au fil de leur expédition, ils ne vont pas tarder à rencontrer l'hostilité d'une ethnie d'hommes-singes. Inspiré du roman de Pierre Boule et d'un épisode de la 4è Dimension (Une Flèche dans le ciel), La Planète des Singes fut un énorme succès international de par l'originalité de son postulat et le réalisme imparti aux maquillages des primates confectionnés par John chambers. Il y émane la création d'un univers atypique retranscrit avec une vérité trouble qui plus est rehaussé d'une partition ombrageuse. Ainsi, à travers l'irruption accidentelle de trois américains débarqués sur un continent aride, Franklin J. Schaffner insuffle un climat d'étrangeté feutré dans cet endroit solaire épargné de civilisation. Tout du moins c'est ce que les 20 premières minutes sous entendent avant que nos héros témoignent d'une communauté d'hommes sauvages fouinant de la nourriture à travers champs. Rapidement pourchassés par une race de singes mutants armés, les derniers survivants vont se retrouver embrigadés dans des cages d'acier pour être ainsi réduits à l'esclavage !


Cette trame insensée engendrée par une ancienne théorie (l'homme descendrait du singe !) est ici magnifiquement retranscrite à travers la scénographie d'un microcosme primitif auquel les singes feront face à la rébellion d'un humain doué de parole. A travers un scénario passionnant fertile de thématiques (notamment une charge militante pour la cause animale si bien que l'homme est ici tenu en laisse et retenu en cage !) et fondé sur la quête existentielle d'une civilisation première, c'est une forme de parodie tacite que Franklin J. Schaffner met en exergue afin de se railler de notre orgueil. La donne est donc inversée afin d'illustrer à travers l'éthique des singes à quel point toute civilisation est avide d'accéder instinctivement à l'élite du pouvoir pour asservir les plus faibles et les priver de la liberté d'expression. Car ces simiens potentiellement intelligents vont reproduire nos mêmes fondements de doctrine judiciaire (leur tribunal de jurisprudence), de recherche scientifique et médical (l'exploitation de la vivisection, le domptage animal) et de foi religieuse (leur paroisse chrétienne) pour se justifier un sens existentiel. Le conservatisme, le racisme, l'exploitation de l'esclavage sont donc traités à travers l'intolérance de leur supériorité où la violence expéditive est perpétrée pour maltraiter les prisonniers (les gorilles ne sont d'ailleurs que des geôliers écervelés). Mais dans cette société faillible compromise par la persuasion d'un homme hurlant sa condition soumise, deux chimpanzés psychologues (Roddy McDowall et Kim Hunter crèvent l'écran dans leur dignité humaniste !) vont tout de même s'extirper de leur idéologie réactionnaire pour tenter de comprendre le pacifisme de cet insurgé et découvrir sa véritable nationalité.


No Futur. 
Mis en scène avec maîtrise (les scènes d'action sont remarquablement coordonnées), La Planète des singes bénéficie notamment d'une direction d'acteur hors pair pour crédibiliser les différents primates humains (orangs-outans, gorilles et chimpanzés ont évidemment tous une morphologie distincte selon leur origine) alors que Charlton Heston tente de s'extirper de ce cauchemar, entre résilience, entêtement et hargne rigoureuse. Ce qui nous amène à la conclusion d'un cliffhanger effroyable de nihilisme afin de mieux fustiger la nature autodestructrice de l'homme ! Immense chef-d'oeuvre j'vous dis. 

A privilégier en Vo.

*Bruno
12.12.13