vendredi 13 décembre 2013

LA VIE D'ADELE. Palme d'Or, Cannes 2013

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebel.be

de Abdellatif Kechiche. 2013. France/Belgique/Espagne. 2h59. Avec Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Jérémie Laheurte, Mona Walravens, Salim Kechiouche, Catherine Salée.

Sortie salles France: 23 Mai 2013

FILMOGRAPHIE: Abdellatif Kechiche est un réalisateur, scénariste et acteur franco-tunisien, né le 7 Décembre 1960 à Tunis. 2000: La Faute à Voltaire. 2004: L'Esquive. 2007: La Graine et le Mulet. 2010: Vénus Noire. 2013: La Vie d'Adèle.


Déclaré vainqueur de la Palme d'Or en 2013 et d'une multitude de récompenses à travers le monde, La Vie d'Adèle est notamment la révélation d'Adèle Exarchopoulos. Transie d'émoi et de pudeur pour sa prestance d'adolescente paumée, cette jeune comédienne suscite au spectateur une émotion à fleur de peau dans ses échanges de regard timoré et son incontrôlable ardeur sexuelle dédiée à l'être aimée. En dépit d'une polémique conflictuelle entre le réalisateur, le duo d'actrices et certains techniciens, cette romance passionnelle a remporté tous les suffrages pour prôner le jeu naturel des comédiennes ainsi que le talent d'un metteur en scène à son acmé. Avec la participation exceptionnelle du couple Adèle Exarchopoulos/Léa Seydoux, La Vie d'Adèle est un tourbillon d'émotions pour illustrer la dérive sentimentale de deux lesbiennes habitées par la passion. C'est en priorité un magnifique portrait d'adolescente fragile que nous dresse Abdellatif Kechiche, la quête douloureuse d'une fille en questionnement sur son identification sexuelle mais prochainement rattrapée par une idylle dévorante. Après une première expérience sans lendemain avec un jeune garçon, Adèle va subitement aborder l'amour dans une boite gay parmi la rencontre d'Emma, lesbienne autrement assumée, spontanée et plus mature. 


A cause des préjugés homophobes de certaines de ses camarades de classe, Adèle n'ose pas dévoiler au grand jour son penchant saphique mais se laisse rattraper par le désir amoureux de sa nouvelle relation, jusqu'à ce qu'une crainte jalouse ne vienne tout remettre en cause. Durant plus de 3 heures, nous allons suivre son cheminement indécis et si délicat, partagée entre la quête éperdue d'un amour pur et son initiation professionnelle de maîtresse d'école. Si La Vie d'Adèle s'avère aussi puissant émotionnellement parlant, il le doit autant au talent circonspect d'un cinéaste scrutant, à l'aide de sa caméra, la pudeur humaine dans une délicate sensibilité. Celle d'une jeune fille trop fragile livrée à ses doutes en l'amour et la crainte de l'abandon, mais toujours passionnée et en essor sexuel envers l'être aimé. D'ailleurs, les séquences sexuelles explicites sont retransmises avec un tel réalisme qu'une certaine gêne peut parfois occasionner le spectateur, même si l'érotisme ardent qui en émane est rattrapé par la pureté de l'acte. D'autres seront sans doute choqués de découvrir à certains moments la crudité de certains inserts pornographiques sans que le réalisme scabreux des situations ne cède jamais à la complaisance. Au contraire, à l'aide d'une réalisation épurée au plus près des corps extatiques, il ne fait que sublimer la passion sexuelle de deux êtres envoûtés par le désir. Rarement des séquences sexuelles n'auront été vécues d'une manière aussi crue et radicale mais transcendées par la sensualité d'une fougue érogène.


Il en ressort une oeuvre épurée où l'émotion brute nous saisit à la gorge à n'importe quelle situation improvisée et où l'introspection initiatique d'Adèle nous hypnotise d'une manière toute intime. Outre son ode à la vie et à la liberté homosexuelle, La vie d'Adèle illustre avec autant de lucidité que de vérité humaine la cruauté de l'amour et l'initiation à la maturité. 

Avec toute mon affection pour Adèle Exarchopoulos
13.12.13
Bruno Matéï

L'avis de Mathias Chaput:
"La vie d'Adèle" est simplement un pur chef d'oeuvre qui frôle presque le cinéma expérimental tant l'acuité d'Abdellatif Kechiche à rendre simples et évidentes les choses force le respect...
Admirable en tous points, son film transgresse les tabous et va très loin dans le réalisme, n'occultant jamais qu'une histoire d'amour est faite de larmes et de sexe...
Sexualité débridée certes, mais NECESSAIRE pour comprendre l'amplification et la liaison charnelle qui lie les deux héroïnes, corps imbriqués physiquement mais aussi mentalement pour un amour que nul ne penserait pouvoir briser tant le feu foudroyant domine les deux femmes...
Techniquement, Kechiche fait preuve d'une maîtrise totale et emploie des mouvements de caméras gracieux et intégrés dans l'espace de façon juste, un grand travail a été fait notamment lors de plans sur le visage d'Adèle qui la suit sur un long mouvement à deux reprises dans le film (lorsqu'elle sort du lycée et lorsqu'elle quitte le vernissage)...
La direction d'actrices est extrêmement juste et les deux comédiennes jouent à un niveau de perfection peu atteint dans le cinéma français (la scène du clash annonçant la rupture m'a arraché des larmes, tout y est concis, précis et vraiment similaire au réel)...
Il y a de nombreuses allégories dans "La vie d'Adèle" comme ces feuilles qui volent, emmenées par le vent, dans un parc, au dessus du corps d'Adèle allongée sur un banc, ou ce passage incroyable et hors du temps d'une des séquences finales, dans le café, où la discussion entre les deux femmes fait penser à celle du parloir d'une prison, Adèle prisonnière, enfermée dans l'illusion d'un amour renouvelé et qui demande à Emma de la masturber, comme un détenu le demandera à son épouse, cette scène est très forte et d'une intensité rare !
D'une force imparable, "La vie d'Adèle" laissera une trace indélébile dans le cinéma hexagonal et peu de métrages ont réussi à atteindre un tel degré dans la retranscription d'un amour, à fortiori dans cette gageure pour Kechiche puisqu'il s'agit en l'occurrence de deux femmes, ce qui accentue encore plus la difficulté pour le cinéaste...
Tout simplement magique et magnifique "La vie d'Adèle" est une incroyable performance et une étape supplémentaire franchie dans la qualité au septième art, qui imprègne de sa patte et de son style tout un pan de la société, à l'heure du "mariage pour tous", bien ancrée dans l'évolution des moeurs et témoignant d'une intelligence de traitement rarement vue auparavant...
Note : 10/10

Récompenses: Palme d'Or, Cannes 2013
César du Meilleur Espoir Féminin pour Adèle Exarchopoulos
Prix Louis Delluc, 2013
Prix Fipresci pour Abdellatif Kechiche. 
Grand Prix de la FIPRESCI36
Meilleur Espoir pour Léa Seydoux au Festival du film des Hamptons, 2013
Meilleure révélation féminine pour Adèle Exarchopoulos
Meilleur film Etranger au New-York Film Critics Circle Awards, 2013
Meilleure Actrice pour Adèle Exarchopoulos au Los Angeles Film Critics Association Award, 2013
Meilleur Film Indépendant international au British Independent Film Awards, 2013
Meilleur Film en langue étrangère au Boston Online Critics Association Awards, 2013
Meilleur Film étranger aux Critics' Choice Awards, 2014 !
Prix Lumières 2014

jeudi 12 décembre 2013

La Planète des Singes / Planet of the Apes

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site space1970.blogspot.com

de Franklin J. Schaffner. 1968. U.S.A. 1h52. Avec Charlton Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter, Maurice Evans, James Whitmore, James Daly, Linda Harrison.

Sortie salles France: 25 Avril 1968. U.S: 8 Février 1968

FILMOGRAPHIE: Franklin J. Schaffner est un réalisateur et producteur américain, né le 30 Mai 1920 à Tôkyô, décédé le 2 juilllet 1989 à Santa Monica. 1963: Les Loups et l'agneau. 1964: Que le meilleur l'emporte. 1965: Le Seigneur de la guerre. 1967: La Griffe. 1968: La Planète des Singes. 1970: Patton. 1971: Nicolas et Alexandra. 1973: Papillon. 1976: L'île des adieux. 1978: Ces Garçons qui venaient du Brésil. 1981: Sphinx. 1982: Yes, Giorgio. 1987: Coeur de Lion. 1989: Welcome Home.


"L'homme, arrogant, cupide, envieux, mégalo, autodestructeur, incapable du vivre ensemble, condamné au néant. Plus nihiliste tu meurs."
Grand classique de la science-fiction dans tous les coeurs des cinéphiles, La Planète des Singes laissa une trace indélébile dans la mémoire du spectateur, tant par la nature délirante de son concept que de sa réflexion philosophique sur la nature humaine. Le pitchAprès un voyage astral de 18 mois, trois astronautes se retrouvent projetés en l'an 3978 pour atterrir sur une contrée désertique étrangement mutique. Au fil de leur expédition, ils ne vont pas tarder à rencontrer l'hostilité d'une ethnie d'hommes-singes. Inspiré du roman de Pierre Boule et d'un épisode de la 4è Dimension (Une Flèche dans le ciel), La Planète des Singes fut un énorme succès international de par l'originalité de son postulat et le réalisme imparti aux maquillages des primates confectionnés par John chambers. Il y émane la création d'un univers atypique retranscrit avec une vérité trouble qui plus est rehaussé d'une partition ombrageuse. Ainsi, à travers l'irruption accidentelle de trois américains débarqués sur un continent aride, Franklin J. Schaffner insuffle un climat d'étrangeté feutré dans cet endroit solaire épargné de civilisation. Tout du moins c'est ce que les 20 premières minutes sous entendent avant que nos héros témoignent d'une communauté d'hommes sauvages fouinant de la nourriture à travers champs. Rapidement pourchassés par une race de singes mutants armés, les derniers survivants vont se retrouver embrigadés dans des cages d'acier pour être ainsi réduits à l'esclavage !


Cette trame insensée engendrée par une ancienne théorie (l'homme descendrait du singe !) est ici magnifiquement retranscrite à travers la scénographie d'un microcosme primitif auquel les singes feront face à la rébellion d'un humain doué de parole. A travers un scénario passionnant fertile de thématiques (notamment une charge militante pour la cause animale si bien que l'homme est ici tenu en laisse et retenu en cage !) et fondé sur la quête existentielle d'une civilisation première, c'est une forme de parodie tacite que Franklin J. Schaffner met en exergue afin de se railler de notre orgueil. La donne est donc inversée afin d'illustrer à travers l'éthique des singes à quel point toute civilisation est avide d'accéder instinctivement à l'élite du pouvoir pour asservir les plus faibles et les priver de la liberté d'expression. Car ces simiens potentiellement intelligents vont reproduire nos mêmes fondements de doctrine judiciaire (leur tribunal de jurisprudence), de recherche scientifique et médical (l'exploitation de la vivisection, le domptage animal) et de foi religieuse (leur paroisse chrétienne) pour se justifier un sens existentiel. Le conservatisme, le racisme, l'exploitation de l'esclavage sont donc traités à travers l'intolérance de leur supériorité où la violence expéditive est perpétrée pour maltraiter les prisonniers (les gorilles ne sont d'ailleurs que des geôliers écervelés). Mais dans cette société faillible compromise par la persuasion d'un homme hurlant sa condition soumise, deux chimpanzés psychologues (Roddy McDowall et Kim Hunter crèvent l'écran dans leur dignité humaniste !) vont tout de même s'extirper de leur idéologie réactionnaire pour tenter de comprendre le pacifisme de cet insurgé et découvrir sa véritable nationalité.


No Futur. 
Mis en scène avec maîtrise (les scènes d'action sont remarquablement coordonnées), La Planète des singes bénéficie notamment d'une direction d'acteur hors pair pour crédibiliser les différents primates humains (orangs-outans, gorilles et chimpanzés ont évidemment tous une morphologie distincte selon leur origine) alors que Charlton Heston tente de s'extirper de ce cauchemar, entre résilience, entêtement et hargne rigoureuse. Ce qui nous amène à la conclusion d'un cliffhanger effroyable de nihilisme afin de mieux fustiger la nature autodestructrice de l'homme ! Immense chef-d'oeuvre j'vous dis. 

A privilégier en Vo.

*Bruno
12.12.13

mercredi 11 décembre 2013

Le Jouet

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site notrecinema.com

de Francis Veber. 1976. France. 1h35. Avec Pierre Richard, Michel Bouquet, Fabrice Greco, Jacques François, Charles Gérard, Gérard Jugnot, Suzy Dyson.

Sortie salles France: 8 Décembre 1976

FILMOGRAPHIE: Francis Veber est un réalisateur, scénariste, dialoguiste et producteur français, né le 28 Juillet 1937 à Neuilly sur Seine. 1976: Le Jouet. 1981: La Chèvre. 1983: Les Compères. 1986: Les Fugitifs. 1989: Les 3 Fugitifs. 1992: Sur la corde raide. 1996: Le Jaguar. 1998: Le Dîner de con. 2000: Le Placard. 2002: Tais-toi ! 2006: La Doublure. 2008: L'Emmerdeur.


Pour sa première réalisation, Francis Veber frappe un grand coup dans la subversion avec Le jouet, une comédie caustique gentiment drôle à travers un sous-texte social ravageur. Sa force implacable émanant de son postulat de départ improbable auquel un gosse de riche décide d'embrigader un quidam empoté dans sa résidence après l'avoir comparé à un jouet de vitrine ! Cette situation risible demeure donc un fameux prétexte chez Veber afin de fustiger une violente charge contre la haute bourgeoisie. Ainsi, à travers le comportement capricieux de cet enfant livré à une totale indépendance et à l'ennui, Francis Veber dénonce sa victimisation auprès d'un père égocentrique corrompu par sa propre richesse. Un milliardaire déshumanisé auprès de son confort ainsi que l'orgueil de son autorité où des milliers d'employés ne sont que ses instruments qu'il peut limoger à sa guise sous prétexte dérisoire. Par conséquent, à travers ce personnage imbus, le réalisateur aborde également le problème du chômage et l'abus de pouvoir chez les entrepreneurs si bien que les prolétaires sont contraints de se plier à une discipline drastique afin de sauvegarder leur emploi.


Mais revenons à notre "pantin humain" auquel l'inénarrable Pierre Richard apporte sa naturelle maladresse mêlée d'une dose de tendresse. Ce personnage grotesque victime de l'arrogance d'un enfant et de sa condition précaire tentera finalement d'apprivoiser son élève de par leur confiance amiteuse et une forme d'autorité conçue sur le respect d'autrui. C'est à dire éveiller sa conscience par des jeux d'adresse pédagogiques (à l'instar de leur création d'un journal pour caricaturer la hiérarchie dictatoriale du père d'Eric) et le ramener à la réalité des choses simples de la quotidienneté. Le tandem que forment nos compères Pierre Richard et le turbulent Fabrice Greco doit beaucoup à la ferveur débridée du récit de par leurs facéties outrées (le duel au sein de la Garden-party est un moment d'anthologie grinçant !) mais aussi auprès de leur affection commune (l'épilogue des adieux s'avère vraiment poignant). Enfin, en président impassible dénué d'empathie, l'imparable Michel Bouquet adopte une posture rigide afin de caractériser le parfait symbole du nanti renfrogné manipulant à sa guise le prolétaire réduit à la coercition. 


Les jouets du président
Parfaitement interprété en alternant avec vigueur ironie acide et douce tendresse, Le Jouet se décline en comédie intelligente pour illustrer avec originalité les dommages irréversibles de la démission parentale mais aussi de la corruption du pouvoir chez les nantis englués dans leur confort. Soutenu de la partition friponne de Vladimir Cosma, ce classique perdure sa force émotionnelle et la dérision de son thème social avec une étonnante liberté de ton !

*Bruno
11.12.13. 3èx

mardi 10 décembre 2013

LA PASSION DU CHRIST (The Passion of the Christ)

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site me2day.us

de Mel Gibson. 2004. U.S.A/Italie. 2h07. Avec Jim Caviezel, Maia Morgenstern, Hristo Jivkov, Francesco de Vito, Monica Bellucci, Luca Lionello, Hristo Chopov, Rosalinda Celentano, Claudia Gerini.

Sortie sales France: 31 Mars 2004. U.S: 25 Février 2004

FILMOGRAPHIE: Mel Gibson est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 3 Janvier 1956 à Peekskill (Etats-Unis).
1993: l'Homme sans visage. 1995: Braveheart. 2004: La Passion du Christ. 2006: Apocalypto.


Il a été transpercé à cause de nos fautes, écrasé à cause de nos crimes; par ses blessures nous sommes guéris. 
Isaïe 53 700 av JC

Enorme succès à sa sortie malgré de vives controverses quand à la représentation graphique de sa violence et les accusations d'antisémitisme portées au réalisateur, La Passion du Christ relate les 12 dernières heures de Jésus de Nazareth, de son jugement à la crucifixion vers son chemin de croix. Afin de coller au plus près de la réalité, le film est tourné en langue Araméen, Hébreu et Latin. 


Interminable descente aux enfers d'un martyr religieux livré à la barbarie des obscurantistes, le film est une épreuve de force émotionnelle que le spectateur subit avec une empathie désespérée, puisque témoin impuissant d'un lynchage communautaire. Que l'on soit croyant ou athée, le fait d'assister durant plus de 2h00 à l'agonie d'un porte-parole prêchant l'Eucharistie (les sacrements catholiques) nous interpelle la raison face à l'animosité d'une population Juive en collaboration avec l'autorité de leur prêtre et celle des romains. A travers cette lente agonie où Jésus endure d'innombrables sévices de flagellation et crucifixion, Mel Gibson rend hommage à un symbole de la vertu capable de surmonter son calvaire grâce à la foi paternelle et l'amour. Qui plus est, le fait de pardonner à ces tortionnaires leurs exactions sadiques et d'invoquer à ses disciples d'aimer ses ennemis prouve la tolérance exceptionnelle que ce prophète était capable de prodiguer afin de rassembler les peuples. Dans un esprit de provocation jusqu'au-boutiste, Mel Gibson dérange, incommode et provoque même la nausée dans les tortures ininterrompues mais il ne fait que retranscrire avec vérité les châtiments corporels d'un chrétien ne s'autorisant la moindre repentance pour soulager ses souffrances. C'est aussi d'une certaine manière une analogie sur la violence aliénante du monde auquel l'intégrisme est capable de se soumettre pour pallier son ignorance. Dans le rôle de Jésus de Nazareth, Jim Caviezel livre avec pudeur une interprétation bouleversante et s'avère presque méconnaissable dans sa condition de martyr sacrifié. Son corps ruisselant de sang n'étant qu'un amas de chair osseuse entaillé de plaies et d'écorchures.  


Vibrant hommage au plus célèbre prophète de l'histoire catholique, leçon de tolérance et d'amour au nom de la piété, La Passion du Christ provoque une émotion éprouvante (les âmes sensibles sont priées d'être averties !) et nous questionne également sur la nature superstitieuse de l'homme, instinctivement tributaire de pulsions haineuses quand il s'oppose à l'incompréhension. Face à ce fardeau d'une rare bestialité, on en sort bouleversé jusqu'au trauma ! 

10.12.13. 2èx
Bruno Matéï

lundi 9 décembre 2013

LABYRINTHE (Labyrinth)

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site zonebis.com

de Jim Henson. 1986. U.S.A/Angleterre. 1h41. Avec David Bowie, Jennifer Connely, Shelley Thompson, Christopher Malcolm, Toby Froud.

Sortie salles France: 3 Décembre 1986. U.S: 27 Juin 1986

FILMOGRAPHIE: James Maury "Jim" Henson est un marionnettiste, réalisateur et producteur américain né le 24 Septembre 1936 à Greenville, décédé le 16 Mai 1990 à New-York. Il est le créateur du Muppet Show, de Monstres et Merveilles et des Fraggle Rock (1983 - 1987).
1982: Dark Crystal. 1986: Labyrinthe


Quatre ans après Dark Crystal, Jim Henson renoue avec l'esprit féerique imposé par le dessinateur Brian Froud pour façonner Labyrinth. Clairement ciblé pour un public enfantin, cette aventure initiatique sur le sens de l'amitié et la fraternité ne possède pas la même noirceur que son précédant homologue. L'univers décrit ici étant beaucoup plus édulcoré pour illustrer le cheminement de la jeune Sarah, partie à la recherche de son petit frère dans l'antre d'un labyrinthe. Cet endroit sorti de son imaginaire (pour pallier sa solitude, elle se réfugie dans la littérature fantastique !) est régi par Jareth, roi des gobelins. Pour la caractérisation de ce dandy, on s'étonne de retrouver le chanteur David Bowie accoutré ici d'un look vestimentaire excentrique, à l'image de sa longue chevelure blonde taillée à la serpe ! Alors que Sarah avait préalablement invoqué le monde des lutins pour se débarrasser de son cadet turbulent, Jareth et ses sbires auront décidé de le kidnapper. Mais en dernier ressort d'une conjuration, elle bénéficie d'un ultimatum ! Tenter d'accéder au château des lutins en moins de 13 heures afin de pouvoir récupérer son frère.


A contrario de Dark Crystal, le film allie personnages réels et marionnettes en peluche en y incluant par intermittence d'étranges rimes musicales chantonnées par Bowie. Quand à la linéarité de l'histoire, elle n'est qu'un prétexte pour invoquer un univers féerique des plus fantaisistes auquel une multitude de personnages vont entrer en scène pour aider Sarah, ou au contraire, l'induire en erreur dans son itinéraire. La variété délirante des monstres qu'elle côtoie est l'atout ludique d'une aventure fertile en péripéties où l'humour bon enfant occupe une place de choix. C'est dans la caractérisation humaine des monstres maladroits (Hoggle, Ludo et Didymus) que Labyrinth créé l'attachement. Des héros parfois couards mais toujours valeureux qui vont permettre d'unir leur soutien à Sarah, mais aussi lui invoquer au cours de son initiation une leçon de tolérance sur l'amitié, la confiance et le pardon. C'est Jennifer Connely qui endosse ce rôle d'adolescente rebelle avec la sensualité innocente qu'on lui connait mais aussi un jeu naturel inscrit dans la loyauté. 


Si aujourd'hui Labyrinth peut paraître un brin désuet dans ces trucages de matte painting et dans l'élaboration des peluches, le spectacle enfantin n'en reste pas moins séduisant (le bal masqué est touché par la grâce !), musical et inventif pour mettre en relief un univers fantasmagorique débordant de personnages extravagants.

09.12.13. 4èx
Bruno Matéï  

vendredi 6 décembre 2013

Deranged (Uncut version)

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site hdvietnam.com

de Jeff Gillen et Alan Ormsby. 1974. U.S.A. 1h24. Avec Roberts Blossom, Marion Wardman, Cosette Lee, Mickey Moore, Robert Warner, Pat Orr, Marcia Diamond, Leslie Carlson.

FILMOGRAPHIE: Jeff Gillen est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 2 Novembre 1942, décédé le 27 Juin 1995 en Floride. 1974: Deranged. Alan Ormsby est un réalisateur et scénariste américain né en 1944. 1973: Artists and models ball. 1974: Deranged. 1991: Popcorn (non crédité).


Tourné la même année que Massacre à la Tronçonneuse, Deranged se décline également en petit film indépendant quelque peu fauché, semi amateuriste dans sa réalisation et sa direction d'acteurs, ce qui étonnamment renforce à merveille son réalisme ultra glauque n'ayant rien à envier au chef-d'oeuvre de Hooper. Notre duo de réalisateurs parvenant à transcender ses éventuelles lacunes en exacerbant avec beaucoup de réalisme granuleux l'aspect sordide de la quotidienneté du tueur en y distillant (sans modération aucune) une atmosphère glauque des plus insalubres. D'une certaine manière, on peut aussi suggérer qu'il préfigure une autre perle toute aussi déviante et marquante réalisée à l'orée des années 80, le fameux Pyromaniac de Joseph Ellison. Si bien que l'on retrouve ici le même rendu morbide pour les cadavres putréfiés installés, tel des pantins désarticulés, dans la moiteur d'une cuisine irrespirable. Leur physionomie bleutée rappelant indubitablement les cadavres calcinés que notre pyromane embaumait pour les réserver dans une chambre secrète parmi sa maman momifiée. En l'occurrence, le tueur de Deranged la préserve de la même façon pour la choyer parmi l'intrusion d'hôtes aussi décrépits.


Basé sur la véritable biographie de Ed Gein, Deranged suit donc le train-train quotidien d'un sexagénaire timoré, rendu azimuté depuis la mort de sa maman poule. Avec souci de réalisme crapoteux pour ausculter sa pathologie schizophrène et un sens du détail imparti à la scénographie de sa vieille bâtisse, le film véhicule une véritable aura mortifère résolument olfactive. En sa présence de nécrophile sexuellement refoulé, nous suivons donc son cheminement de prédateur à travers son besoin d'assouvir ses pulsions perverses d'esprit vengeur tout en renouant avec l'amour maternel. Sa devise: rechercher des proies féminines pour y recomposer l'enveloppe corporelle de sa génitrice à l'aide de leur chair humaine ! Dans le rôle du demeuré déficient, Roberts Blossom impose un jeu authentique de serial-killer sclérosé auprès de son petit regard à la fois vicié et demeuré. Exacerbé de sa morphologie décatie plutôt décharnée, il réussit à dégager un réel sentiment d'angoisse, de malaise et d'inquiétude de manière permanente. La violence âpre, parfois émétique émanant de ses exactions putassières demeurant dérangeant au possible auprès de son comportement d'autant plus sadique. L'odeur de la mort semble même s'immiscer dans l'air, à l'instar des murs de sa ferme lorsque un bras coupé fait office d'ornement ! D'ailleurs une séquence éprouvante a de quoi laisser une trace indélébile dans la conscience du spectateur lorsque notre tueur arrache l'oeil d'un cadavre à l'aide d'une cuillère pour ensuite découper au couteau sa boite crânienne afin d'extirper avec son couvert la masse gélatineuse du cerveau. Des maquillages ultra crades particulièrement réalistes que l'on doit au tout jeune néophyte, Tom Savini.


Grace à la modestie de son faible budget, d'une réalisation approximative et du jeu d'acteurs inconnus mais fort convaincants, notamment auprès de leur charisme prolétaire plus vrai que nature,  Deranged  renforce à point nommé le côté documentaire de l'entreprise avec une verdeur ultra glauque infaisable aujourd'hui. La partition lugubre composée à l'orgue ainsi que l'inquiétante présence du sénile Roberts Blossom renforçant tous azimuts le malaise éprouvé durant cette macabre reconstitution. Une perle de souffre indécrottable au demeurant, à redécouvrir d'urgence pour tous les amateurs d'horreur documentée estampillée "Seventie". Mais à réserver à un public averti du fait son climat malsain incroyablement perméable.

P.S: Attention ! La séquence gore décrite dans mon article est censurée chez le Dvd édité par Mad Movies mais reste trouvable auprès de certains blogs spécifiques. Toutefois, cette séquence reste incluse dans la section bonus du Dvd MM.

*Bruno
02.02.24. 3èx
06.12.13

jeudi 5 décembre 2013

L'As des As

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site alligatographe.blogspot.com

de Gérard Oury. 1982. France/Allemagne de l'Ouest. 1h36. Avec Jean-Paul Belmondo, Marie-France Pisier, Rachid Ferrache, Frank Hoffman, Gunter Meisner, Benno Sterzenbach, Florent Pagny.

Sortie salles France: 27 Octobre 1982

FILMOGRAPHIE: Gérard Oury (Max-Gérard Houry Tannenbaum) est un réalisateur, acteur et scénariste français né le 29 avril 1919 à Paris, décédé le 20 Juillet 2006 à Saint-Tropez.
1960: La Main Chaude. La Menace. 1962: Le Crime ne paie pas. 1965: Le Corniaud. 1966: La Grande Vadrouille. 1969: Le Cerveau. 1971: La Folie des Grandeurs. 1973: Les Aventures de Rabbi Jacob. 1978: La Carapate. 1980: Le Coup du Parapluie. 1982: L'As des As. 1984: La Vengeance du Serpent à Plumes. La Joncque (inachevé). 1987: Levy et Goliath. 1989: Vanille Fraise. 1993: La Soif de l'or. 1996: Fantôme avec chauffeur. 1999: Le Schpountz.


Enorme succès de l'époque totalisant 5 452 593 entrées, l'As des as est la seconde association du duo Gérard Oury/Jean Paul Belmondo si bien qu'en 1969 ils tournèrent déjà ensemble dans Le Cerveau, autre réussite commerciale un tantinet plus élevée (5 547 305 entrées !). Film d'aventures bondissant renouant un peu avec l'esprit d'équipe de La Grande Vadrouille, l'As des as est un spectacle calibré pour toute la famille comme on en voit plus de nos jours. Grâce à un spécialiste de la mise en scène et à l'égérie amiteuse Bébel, l'histoire allie aventure, tendresse et comédie sous l'égide d'un entraîneur de boxe contraint de sauver des griffes des nazis un enfant orphelin et sa famille juive. De par son savoir-faire traditionnel, Gérard Oury nous concocte une nouvelle fois un pur moment de détente truffé de générosité où la bonne humeur expansive des comédiens renforce sans modération son capital sympathique. L'intrépide Bébel et le petit Rachid Ferrache formant un tandem attachant dans leurs enjeux stratégiques d'y déjouer l'indignité du Führer en personne, Hitler ! En journaliste insidieuse mais néanmoins reconnaissante, la charmante Marie France Pisier se charge de courtiser notre aventurier rebelle lors d'un jeu de séduction aimablement hautain.  


Emaillé d'humour labial et de gags désopilants, de bastonnades viriles (bruitages criards à l'appui !) et de cascades parfois impressionnantes (la poursuite en voiture, l'offensive en avion, puis, un peu plus tard, le saut en parachute alors que l'appareil est positionné à l'envers), l'As des as possède également l'atout de ne jamais surenchérir grâce à une structure narrative des plus habiles multipliant bévues et quiproquos, (en ce en dépit d'un final inachevé plutôt sans surprise). Qui plus est, en accumulant ces péripéties d'une aventure exaltante, Gérard Oury se permet d'y parodier le tristement célèbre dictateur de l'histoire, Adolph Hitler ! Et pour renchérir dans la dérision, notre tyran est accompagné de sa soeur Angela, une célibataire fébrile déguisée en l'occurrence en travelo ! Ah ah !


Scandé de la partition lyrique de Vladimir Cosma harmonisant les magnifiques paysages des alpes bavaroises et autrichiennes, l'As des as constitue la recette infaillible du divertissement populaire autour de la bonhomie de comédiens animés par une tendresse amicale. Pour l'anecdote nostalgique, il s'agit du premier film diffusé sur la chaîne cryptée, Canal + ! Précisément, le 4 novembre 1984 à 10h du matin ! Intemporel, mais surtout un anti-dépresseur de choix. 

*Bruno Matéï
16.05.22. 4èx
05.12.13.


mercredi 4 décembre 2013

RABID DOGS (les Chiens enragés / Cani arrabbiati)

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site midnight.blogcu.com

de Mario Bava. 1974. Italie. 1h36. Avec Riccardo Cucciolla, Don Backy, George Eastman, Lea Lander, Maurice Poli.

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie).
Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo.
1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


Resté dans les tiroirs durant plus de 23 ans pour des problèmes juridiques (la faillite du producteur ayant eut lieu avant la fin du tournage), Rabid Dogs s'exhume de l'oubli en 1996 après que l'actrice du film, Léa Landeler eut racheter les droits. Sommet du polar poisseux rappelant les exactions fielleuses des malfrats de la Rançon de la peur, Rabid Dogs ne manque pas d'audaces pour embarquer son spectateur au sein d'un road movie aride. Après avoir assassiné un convoyeur et dérobé le magot, un trio de malfrats prennent en otage une femme, le conducteur et son fils malade à bord d'une voiture. C'est le début d'une virée cauchemardesque que nos trois otages vont sillonner sur l'autoroute et la province pour le prix de leur survie. Frénétique, sadique et terriblement pervers ! Ces mots me viennent instinctivement à l'esprit pour définir le huis-clos infernal entrepris à travers un périple brut de décoffrage ! Avec ces trognes d'ahuris écervelés puant la sueur et déversant sans répit leur verve railleuse auprès des victimes, Rabid Dogs met en exergue le portrait d'antagonistes médiocres tributaires de leurs bas instincts. 


Huis-clos régi en interne d'une voiture restreinte où la chaleur d'un soleil écrasant épuise un peu plus chacun des passagers, Mario Bava prend le pari de maintenir l'intérêt du spectateur sur l'unique itinéraire d'un réseau routier. Afin de relancer l'intrigue et pour ne pas nous perdre en fil de route, il réussit à enchâsser certains rebondissements intempestifs afin que nos protagonistes puissent s'extirper de la voiture et fréquenter l'intrusion inopinée de certains quidams. En braquant sa caméra de façon permanente sur les visages orduriers de nos malfrats, Maria Bava créé un sentiment de claustration au spectateur, embarqué malgré lui dans l'habitacle d'une voiture où l'insalubrité d'urine, d'alcool et de sang vont polluer l'atmosphère ! Humiliée et violentée, la femme soumise est ici réduite à l'état d'esclave pour endurer nombre de sévices par des machistes incapables de canaliser leurs pulsions psychotiques. Dans cette ambiance de folie perpétuelle, la tension reste soutenue au rythme des vicissitudes que les victimes doivent inlassablement tolérer. Qui plus est, une certaine notion de suspense s'interfère notamment quand à l'achèvement de leur destination routière.  


Oppressant, malsain et dérangeant, Rabid Dogs constitue une épreuve de force immorale dénonçant sans tabous la décadence de la nature humaine. Car ici, la plupart des protagonistes ou quidams que l'on côtoie sont inévitablement dominés par la cupidité et la corruption. Il en émane un road movie erratique rempli d'insolence et de trivialité où le nihilisme des situations atteindra son apogée vers une dernière image insupportable !

Dédicace à Ciné-Bis-Art
04.12.13. 2èx
Bruno Matéï

mardi 3 décembre 2013

L'ANNEE DE TOUS LES DANGERS (The Year of Living Dangerously).

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site listal.com

de Peter Weir. 1982. Australie. 1h55. Avec Mel Gibson, Sigourney Weaver, Linda Hunt, Michael Murphy, Bill Kerr, Noel Ferrier.

Sortie salles France: 1er Juin 1983. Australie: 17 Décembre 1982. U.S: 21 Janvier 1983

Récompense: Oscar du Meilleur second rôle féminin pour Linda Hunt en 1984

FILMOGRAPHIE: Peter Weir est un réalisateur australien, né le 21 Août 1944, à Sydney, Australie.
1974: Les Voitures qui ont mangé Paris. 1975: Pique-nique à Hanging Rock. 1977: La Dernière Vague. 1981: Gallipoli. 1982: l'Année de tous les Dangers. 1985: Witness. 1986: Mosquito Coast. 1989: Le Cercle des Poètes Disparus. 1990: Green Card. 1993: Etat Second. 1998: The Truman Show. 2003: Master and Commander. 2011: Les Chemins de la Liberté.


Dans la lignée de Salvador, la Déchirure et Under Fire, l'Année de tous les dangers traite des risques du journalisme lorsque le reporter en quête de scoop se retrouve expatrié dans un pays despotique. L'action prend pour cadre l'Indonésie au cours de l'année 1965, juste avant le mouvement du 30 septembre. Guy Hamilton, journaliste australien s'y rend sur place pour nous informer de la situation précaire instaurée auprès d'un peuple affamé et où les enfants malades en sont les premières victimes. En dehors des autres journalistes qui assistent impuissants à la crise, Guy préfère se rapprocher auprès de l'humaniste Billy Kwan, un nain sino-australien. Au cours de son séjour, il rencontre également une assistante anglaise, Jill Bryant, avec qui il entame une relation amoureuse. 


Difficile de retranscrire précisément ses impressions après la projection de l'Année de tous les dangers, tant la mise en scène autonome de Peter Weir traite de son sujet avec pudeur et subtilité. Il nous transporte au sein d'une aventure humaine où violence et passion s'entrechoquent à travers le cheminement de trois personnages (Guy, Billy et Jill), communément confrontés au désordre politique et à leur propre éthique. Des témoins impuissants d'un conflit social en ascension puisque la rébellion communiste tente de s'approprier les armes afin de renverser le pouvoir. Avec l'audace courageuse d'un jeune journaliste en quête de scoop, Peter Weir illustre les risques inconsidérés que certains d'entre eux sont prêts à commettre pour leur intérêt professionnel. Sauf qu'en l'occurrence, Guy Hamilton est rattrapé par son amitié avec un correspondant étranger et l'amour pour une diplomate anglaise. Avec une maîtrise affinée, le cinéaste illustre la violence (celle de l'autorité de l'armée et de la colère des insurgés) sans une once de sensationnalisme et observe le comportement du trio avec une humanité aussi fébrile que tourmentée. En particulier le cas du jeune Guy Hamilton, partagé entre le devoir de profession et sa raison morale, mais décidant finalement de lâcher prise au scoop escompté en privilégiant son idylle passionnelle. SPOILER ! En désespoir de cause et pour le prix de sa survie, il laisse donc derrière lui la prochaine guerre civile d'un état en sédition. FIN DU SPOILER


Soutenu par la vibrante partition de Maurice Jarre et magnifié par la sobriété de ces interprètes, l'Année de tous les dangers laisse une trace indélébile dans l'esprit du spectateur par son dépaysement imparti à l'Indonésie et par le lyrisme qui émane des personnages contrariés. Une des oeuvres envoûtantes des années 80 auquel son souffle romanesque nous laisse sur un sentiment d'inachevé face à la postérité d'un peuple martyr, prochainement enclin à la violence des combats !

Note: Le film a été interdit en Indonésie jusqu'en 1999 car il montrait par quel concours de circonstances tumultueux et sanglant le dictateur Soeharto arriva au pouvoir

03.12.13. 2èx
Bruno Matéï

lundi 2 décembre 2013

RENDEZ VOUS AVEC LA PEUR (Night of the demon)

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site catswithoutdogs.blogspot.comde

de Jacques Tourneur. 1957. Angleterre/U.S.A. 1h35. Avec Dana Andrews, Peggy Cummins, Niall MacGinnis, Maurice Denham, Athene Seyler, Liam Redmond, Reginald Beckwith, Ewan Roberts.

Sortie salles Angleterre: 17 Décembre 1957

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Jacques Tourneur est un réalisateur anglais, né le 12 Novembre 1904 à Paris, décédé le 19 Décembre 1977 à Bergerac.
1931: Tout ça ne vaut pas l'amour. 1933: Toto. 1933: Pour être aimé. 1934: Les Filles de la concierge. 1939: Nick Carter, Master Detective. 1942: La Féline. 1943: Vaudou. 1943: L'Homme Leopard. 1944: Jours de gloire. 1944: Angoisse. 1946: Le Passage du Canyon. 1947: La griffe du passé. 1950: La Flèche et le flambeau. 1951: La Flibustière des antilles. 1955: Le juge Thorn fait sa loi. 1957: Rendez vous avec la peur. 1957: Poursuites dans la nuit. 1958: La Cible parfaite. 1959: La Bataille de Marathon. 1960: Passage secret. 1961: Fury river. 1963: Le croque-mort s'en mêle. 1965: La Cité sous la mer.


"Chez Tourneur, la plupart du temps, la victoire est minime, les ombres demeurent, et pratiquement rien n'a été résolu. Les héros (le mot convient mal aux personnages principaux de Tourneur) vivront avec leurs angoisses. Ils auront simplement appris qu'il y a des puissances extérieures, des forces surnaturelles et ils devront en tenir compte". Bertrand Tavernier

Grand classique des années 50, Rendez-vous avec la peur joue la carte du fantastique éthéré sous la houlette d'un spécialiste en la matière, Jacques tourneur. Si son chef-d'oeuvre antécédent, La Féline, avait déjà prouvé son talent leste à suggérer une angoisse diffuse, Rendez-vous avec la peur empreinte le même mode opératoire pour mettre en exergue une réflexion sur la superstition et notre croyance au surnaturel.

Venu participer à une conférence sur la parapsychologie, un éminent psychologue enquête sur les activités occultes du docteur Julian Karswell. Au fil de son investigation, sa rationalité va être mise à épreuve face à une succession d'évènements potentiellement surnaturels. 


Modèle de mise en scène dans l'art et la manière de suggérer l'angoisse, Rendez-vous avec la peur nous confine vers un périple ténébreux au sein d'un univers prisé par la superstition. A travers le témoignage cartésien d'un psychologue réfutant toute idéologie surnaturelle mais confronté à une série d'incidents inexpliqués, le film ne cesse de nous interroger sur nos propres croyances et cette peur innée de l'obscurité. Avec l'habileté du faux-semblant, le réalisateur emploie surtout une démarche psychologique pour nous douter des évènements relatés devant la présence d'un psychologue infaillible. L'angoisse qui en émane n'en est alors que plus trouble et captivante sachant que ce protagoniste saint d'esprit ne peut se laisser persuader par la peur de l'inconnu. A travers son cheminement occulte, Jacques Tourneur nous fait partager son scepticisme devant une série d'épreuves déconcertantes (la tempête de la forêt, la séance de spiritisme) et dangereuses (la poursuite à travers bois, l'attaque du tigre dans la maison du Dr Karswell), tout en insufflant un certain suspense quand au motif d'un fameux parchemin. A l'instar de La Féline ou de Rosemary's Baby, le doute nous reste émis en suspens quand à la réalité des faits exposés. S'agit-il d'hallucinations collectives exprimées par l'auto-suggestion d'esprits fragiles tributaires de leurs affres, ou s'agit-il de phénomènes surnaturels liés à la démonologie d'un monstre griffus ?


"Ne jamais perdre son émerveillement face au monde et à tout ce qu'il contient"
En jouant sur la peur insondable de l'inconnu et des superstitions, Rendez-vous avec la peur nous mêle à une étude personnelle sur la matérialisation du Mal en remettant en cause nos convictions cartésiennes. Il en extrait une oeuvre cauchemardesque délicieusement captivante et inquiétante parce qu'elle ne cesse d'opposer la raison et l'irrationnel avec un sens de persuasion lié à la suggestion !

02.12.13. 2èx
Bruno Matéï

vendredi 29 novembre 2013

Philadelphia Security / Fighting Back

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinesud-affiches.com

de Lewis Teague. 1982. U.S.A. 1h36. Avec Tom Skerritt, Michael Sarrazin, Yaphet Kotto, Patti Lupone, David Rasche, Varona Donna, Angelis Gina, Adam Sherman, Pete Richardson, Pat Cooper.

Sortie salles: 21 Mai 1982 (Int - 18 ans)

FILMOGRAPHIE: Lewis Teague est un réalisateur, monteur, directeur photo et acteur américain, né le 8 mars 1938 à Brooklyn, New-York, Etats-Unis. 1974: Dirty O'Neil. 1979: The Lady in red. 1980: L'Incroyable Alligator, 1982: Philadelphia Security. 1983: Cujo. 1985: Cat's Eye. 1985: Le Diamant du Nil. 1989: Collision Course. 1990: Navy seals: les meilleurs. 1991: Wedlock.


Habile faiseur de séries B à qui l'on doit entre autre l'excellente adaptation de Stephen King, Cujo, un des meilleurs films d'agression canine, Lewis Teague réalise en 1982 un film d'auto-défense aussi curieux que percutant, dans la mouvance d'Un Justicier dans la villeVigilante et du Droit de tuer.

Le Pitch: Un paisible épicier décide de fonder un comité de vigilance suite à l'agression brutale de sa femme et de sa mère par des voyous. Sa popularité prend une telle ampleur que les médias s'emparent du phénomène. Alors que la police semble dans une impasse pour tenter de le condamner, la politique s'en mêle à son tour afin de l'inciter à se présenter aux prochaines élections. 

Film d'action très efficacement mené porté à bout de bras par la persuasion expressive de Tom Skerritt (sans conteste possible le rôle de sa vie), Philadelphia Security réexploite le concept de la légitime défense par l'entremise d'une milice avec une ambiguïté sciemment dérangeante. 


Si bien que durant le cheminement expéditif de ce héros vindicatif épaulé de sbires particulièrement violents le réalisateur dénonce en filigrane leurs (ex)actions illégales de comportements brutaux où la violence ne fait qu'engendrer une riposte encore plus nauséeuse. En prime, le discours sur le problème de l'insécurité grandissante n'apporte au final que peu de solution (en dépit du nettoyage à sec d'un parc public à nouveau tranquille), si ce n'est que de faire sombrer notre redresseur de tort dans la criminalité comme le souligne son glaçant épilogue aussi amer que malaisant. Quand bien même après nombre de bravoures et ripostes aussi irresponsables qu'irréfléchies, la notoriété de celui-ci est récupérée par l'enthousiasme d'une population désarmée ainsi que par l'influence d'une politique véreuse ne comptant toutefois que sur leur propre intérêt pour accéder à la victoire. Or, Philadelphia Security se permet d'être d'autant plus réaliste qu'il fait appel à un certain aspect docu-vérité auprès de l'évolution morale de notre justicier se perdant peu à peu dans une riposte expéditive tranchée, auprès de son climat urbain tout à fait crédible et auprès de sa violence parfois brutale qui émane au sein des 2 camps adverses (il fut d'ailleurs interdit aux - de 18 ans chez nous). Notamment en se reportant sur sa version originale sous-titrée que je recommande chaudement tant la version française ne possède pas cette même vigueur, cette même aura documentée pour rendre compte de la dégénérescence de cette jungle urbaine soumise à toutes les violences gratuites.


Profondément attachant auprès de son casting taillé sur mesure, ludique par son action en roue libre et bénéficiant du savoir-faire de Lewis Teague auprès de sa mise en scène aussi soignée que musclée, Philadelphia Security évoque avec intelligence et efficacité le problème houleux de l'auto-défense en dénonçant les conséquences d'une riposte en herbe dénuée ici de prise de conscience, de responsabilité et de remise en question pour le profil animal de John d'Angelo. Un modeste commerçant peu à peu gagné par le goût du sang afin de parvenir à la tranquillité de sa famille et de son quartier. 
A revoir d'urgence, notamment faute de son invisibilité. 

*Bruno
21.11.23. 5èx
29.11.13. 

jeudi 28 novembre 2013

LA HORDE (Prix du Jury Syfy au Festival de Gérardmer, 2010)

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site nerdalors.fr

de Yannick Dahan et Benjamin Rocher. 2009. France. 1h33. Avec Claude Perron, Jean-Pierre Martins, Eriq Ebouaney, Yves Pignot, Doudou Masta, Jo Prestia.

Sortie salles France: 10 Février 2010

Récompense: Prix du jury Syfy à Gérardmer, 2010

FILMOGRAPHIE: Yannick Dahan est un journaliste, critique de cinéma, réalisateur et scénariste français. 2009: La Horde
Benjamin Rocher est un réalisateur français. 2009: La Horde. 2012: Les Prophétionnels (documentaire)


Je ne vais pas revenir sur les critiques assassines qu'ont fait preuve Benjamin Rocher et l'intarissable Yannick Dahan mais plutôt délivrer mon ressenti d'un second visionnage pour ce divertissement bisseux plein de bruit et de fureur. C'est d'abord le casting éclectique justement approprié qui stimule l'aventure parmi la présence d'acteurs virils comme on en voit peu dans le paysage français. Confronter notamment un comédien notoire issue de l'ancienne génération (le vétéran Yves Pignot) à la nouvelle classe de comédiens en herbe démontre que notre duo de réalisateurs souhaitait rassembler des têtes forts en gueule spécialement sélectionnées pour leur charisme buriné ! Le pitch de départ plutôt linéaire s'avère également des plus efficaces. Dans un immeuble d'HLM, une bande de flics vindicatifs vont devoir s'allier avec le gang de malfrats qu'ils combattaient afin de se défendre de la menace externe d'une légion de zombie. Piégés à l'intérieur des appartements, ils vont tenter par tous les moyens de se protéger de leurs agresseurs mais aussi tenter de s'échapper afin de regagner la ville.


En rendant hommage à Assaut, Zombie et tout un pan du cinéma Bis, Benjamin Rocher et Yannick Dahan ont décidé en toute modestie (budget restreint oblige) de divertir un public friand d'action décérébrée et d'horreur qui tâche. Avec le tempérament furibond de ces anti-héros aux méthodes expéditives et la vigueur de zombies dégénérés, la Horde est conçu à l'instar d'un tour de montagne russe auquel une poignée de survivants n'aura de cesse de se déplacer d'un étage à un autre pour les combattre et accéder timidement vers une issue de secours. La brutalité violente des altercations qui en résulte illustre bien les motivations radicales de nos deux réalisateurs, clairement délibérés à proposer un divertissement méchant dénué de moralité (tous les protagonistes, flics compris, sont des réactionnaires ne comptant que sur leur indépendance) et où les éclaboussures de sang vont abondamment tapisser les mur de béton. Seul compte ici la loi du plus fort (aucune indulgence pour les retardataires en porte-à-faux !), même si les deux camps adverses auront décidé de s'unifier pour augmenter leur chance de survie. Aux différents conflits de discorde s'oppose notamment un retournement de situation dans la division du groupe (au détour d'une offensive avec les zombies, Aurore va se retrouver séparée avec l'intermédiaire d'un de ces partenaires). Enfin, pour dédramatiser l'intrigue d'une touche ironique, l'arrivée improvisée d'un nouveau venu va venir égayer la troupe. Un sexagénaire bedonnant sévèrement impétueux qui n'hésitera pas à dézinguer à la sulfateuse tous les contaminés qui empiéteront son chemin. Au rythme efficacement soutenu, La Horde va finalement augmenter l'intensité haletante des rixes pour converger vers un point d'orgue destroy ultra jouissif ! A l'image singulière (et très bisseuse !) de ce survivant encerclé par des zombies sur le capot d'une voiture, et de les combattre fougueusement flingues et machette à la main !


Avec la dérision de ces dialogues incisifs, le tempérament fort en gueule de ces anti-héros (où la femme occupe une place de choix !) et le rythme toujours plus échevelé de l'action, la Horde s'érige en plaisir coupable fun et décomplexé. Un B movie hargneux à l'ultra violence irascible et à l'énergie communicative. Le divertissement idéal du samedi soir à privilégier entre amis, le pack de bières à la main ! 

Note subsidiaire: En dépit de son échec commercial et critique, La Horde s'est exporté avec succès en Angleterre, en Italie et au Japon

28.11.13. 2èx
Bruno Matéï