mardi 10 juin 2014

KRIMINAL

Photo empruntée sur Google, appartenant au site thekillerlikescandy.blogspot.com

d'Umberto Lenzi. 1966. 1h35. Italie. Avec Glenn Saxson, Helga Line, Andrea Bosic, Susan Baker, Dante Posani, Ivano Staccioli, Mary Arden, Esmeralda Ruspoli, Umberto raho.

FILMOGRAPHIE: Umberto Lenzi est un réalisateur et scénariste italien, né le 6 Aout 1931 à Massa Marittima, dans la province de Grosseto en Toscane (Italie).
1962: Le Triomphe de Robin des Bois, 1963: Maciste contre Zorro, Sandokan, le Tigre de Bornéo, 1964: Les Pirates de Malaisie, 1966: Kriminal, 1967: Les Chiens Verts du Désert, 1968: Gringo joue et gagne, 1969: La Légion des Damnés, Si douces, si perverses, 1970: Paranoia, 1972: Le Tueur à l'orchidée, 1972: Au pays de l'Exorcisme, 1973: La Guerre des Gangs, 1974: Spasmo, La Rançon de la Peur, 1975: Bracelets de Sang, 1976: Brigade Spéciale, Opération Casseurs, La Mort en Sursis, 1977: Le Cynique, l'infâme et le violent, 1978: Echec au gang, 1980: La Secte des Cannibales, l'Avion de l'Apocalypse, 1981: Cannibal Ferox, 1983: Iron Master, la guerre du fer, 1988: Nightmare Beach, la Maison du Cauchemar, 1991: Démons 3, 1996: Sarayevo inferno di fuoco.


Inspiré de la bande-dessinée italienne éponyme, publiée entre 1964 et 1976, Kriminal débarque pour la première fois en France en Dvd sous l'enseigne d'Artus Films. Dans la lignée de Fantomas, Arsène Lupin, Danger Diabolik et Satanik, cette bisserie transalpine fleure bon l'aventure exaltante sous la houlette d'un drôle anti-héros, un cleptomane en combinaison de squelette n'hésitant pas à commettre le crime pour parvenir à ses fins. Condamné à la pendaison pour ses antécédents méfaits, Kriminal parvient à s'échapper grâce au stratagème imposé par l'inspecteur Milton. Cette évasion volontaire suggérée par ce dernier est donc une supercherie afin de pouvoir mettre la main sur la couronne d'Angleterre. Mais Kriminal est déjà sur un autre coup aussi onéreux, celui de dérober une poignée de diamants.


Découvrir pour la première fois ce joyau kitch typiquement transalpin comble d'autant plus notre curiosité qu'il souligne notre incompréhension face à la rareté du produit au sein de notre pays. Baignant dans une extravagance anticonformiste où les coups les plus perfides sont permis, Kriminal brosse le portrait d'une poignée d'antagonistes communément avides de cupidité et prêts à se trahir pour emporter la mise. Face à eux, le roi de la cambriole va tenter de les entourlouper avec plus de vélocité dans ses combines diaboliques et déguisements d'improvisation. L'aspect irrésistiblement attrayant et jouissif du film émane de son intrigue impeccablement charpentée car bourrée de rebondissements et de subterfuges qu'on voit rarement arriver. Avec la complicité sournoise de mantes religieuses et l'autorité du voleur autonome, Umberto Lenzi désinhibe leur caractérisation dans une posture illégale à braver les lois. Engagés dans une course-poursuite effrénée au pays d'Istanbul pour la quête des diamants, il n'auront de cesse de se négocier une transaction avant d'imposer leur trahison avec l'éventuelle complicité d'autres comparses. Pendant ce temps, l'inspecteur Milton tentera difficilement de faire équipe avec un agent étranger afin de mieux alpaguer notre redoutable criminel. 


Dépaysant (on se déplace de Londres à Rome en passant par Madrid et Istanbul !), pittoresque, parfois macabre (les quelques cadavres qui empiètent le récit) ou spectaculaire (les cascades improvisées sur le toit du train) et baignant dans un esprit "fumetti" particulièrement insolent, Kriminal transpire la bisserie d'aventures policières avec un ton aussi kitch qu'extravagant !

Un grand merci à Artus Films !
Bruno Matéï

lundi 9 juin 2014

THE BLACK PANTHER

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site michaelarmstrong.co.uk

de Ian Merrick. 1977. Angleterre. 1h38. Avec Donald Sumpter, Debbie Farrington, Marjorie Yates, Sylvia O'Donnell, Andrew Burt, Alison Key, Ruth Dunning, David Swift...

Sortie salles Royaume-Uni: 26 Décembre 1977

FILMOGRAPHIE: Ian Merrick est un réalisateur, scénariste et producteur anglais.
1977: The Black Panther. 2000: The Sculptress


Premier film de la brève carrière de Ian Merrick, The Black Panther relate l'itinéraire d'un authentique tueur en série et cambrioleur, Donald Neilson, ayant sévi dans la campagne anglaise entre 1967 et 1974. Dans un souci documenté, le réalisateur s'attache donc à nous décrire son parcours meurtrier avec le réalisme du climat austère. De par la caractérisation peu commune du sociopathe renfrogné et par l'aspect clinique d'une photographie particulièrement blafarde. L'intérêt du film réside surtout à mettre en appui le profil psychologique d'un criminel narcissique cumulant les maladresses dans sa dérive délinquante. Peu adroit et véloce, son amateurisme s'avère d'autant plus risible qu'il perdure ses exactions durant quelques années. On se demande alors comment notre pied nickelé (un "Pierre Richard" du crime en somme !) ait pu passer à travers les mailles de la police après avoir planifié autant de risques inconsidérés !


Incarné par Donald Sumpter, l'acteur possède un charisme que l'on oublie pas à travers son regard noir particulièrement impassible car dénué de moindre vergogne. A l'instar du peu de considération qu'il porte envers sa famille (son épouse et sa fille ne cessent d'être verbalement dénigrées pour être réduites à l'esclavage), Donald Neilson crache son venin à la société et l'humanité entière en s'engageant dans une série hasardeuse de cambriolages où sa haine culminera à une violence aveugle. Assoiffé d'orgueil depuis son surnom alloué à la "panthère noire", obnubilé à l'idée de se croire inflexible et infaillible, il élabore même en cachette un journal pour inscrire sur papier ses sinistres exploits. Si la première partie s'attache à nous décrire ses brefs instants de vie familiale et ses vols répétés engendrant de lâches assassinats, la suite se focalise sur le rapt d'une jeune coiffeuse que notre tueur décide de kidnapper afin d'exiger une rançon. Plus intense et captivant, ce nouvel acte joue la carte du suspense quand au sort réservé à la victime séquestrée au fond d'un égout et continue de mettre en exergue les sempiternelles maladresses que le tueur laisse sur son chemin. Jusqu'au jour où un indice éloquent finira par lui porter préjudice et avant qu'il ne commette une tragédie supplémentaire !


Correctement interprété et réalisé, The Black Panther fait office de curiosité méconnue qu'on aurait tort de se priver tant le film captive à décrire de manière brutale le parcours indécis d'un tueur capricieux dans sa condition d'utopiste empoté. 

Un grand merci au Ciné-club de l'Antre
Bruno Matéï

Bio: Donald Neilson (né Donald Nappey le 1er août 1936 - 18 décembre 2011), connu sous le surnom de panthère noire, est un meurtrier et un voleur à main armée britannique qui a tué quatre personnes dans les années 1970. Il effectua plus de 400 vols entre 1967 et 1974. Après avoir tué trois employés des postes lors de vols à main armée entre 1971 et 1974, il tua une coiffeuse, Lesley Whittle, au début de 1975, ce que les journaux britanniques soulignèrent. Neilson fut arrêté à la fin de 1975 et condamné à la prison à perpétuité en 1976, où il demeura jusqu'à sa mort 35 ans plus tard.

vendredi 6 juin 2014

ATTAQUE A MAINS NUES (Firecracker / Naked Fist)

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant Dailygrindhouse.com

de Cirio H. Santiago. 1981. U.S.A/Philippines. 1h22. Avec Jillian Kesner, Tony Ferrer, Vic Diaz, Rey Malonzo, Darby Hinton.

Sortie salles: 30 Septembre 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Cirio H. Santiago est un réalisateur et producteur philippins, né le 18 Janvier 1936 à Manila, Philippines, décédé le 26 Septembre 2008, Makati City, Philippines.
1957: Pusakal. 1958: Water Lily. 1973: Savages ! 1976: Trois panthères au combat. 1978: Vampire Hookers. 1978: Le Samouraï Noir. 1981: Attaque à mains nues. 1983: Stryker. 1983: Caged Fury. 1984: Mission finale. 1985: Les Guerriers du Futur. 1987: Apocalypse Warriors. 1987: Killer Instinct. 1988: The Sisterhood. 1988: The Expendables. 1997: Vulcan. 2003: When Eagles Strike. 2005: Bloofist 2050 (télé-film).


"J'aurais du faire un remake de ce film au lieu de faire KILL BILL". Quentin Tarantino.

Film d'action bisseux, estampillé "nanar" que les vidéophiles des années 80 ont bien connu sous la bannière de Sunset Video, Attaque à mains nues est une production américano-philippine réalisée par un briscard en la matière, Cirio H. Santiago  (Stryker, Mission Finale, Caged Fury, les Guerriers du Futur et Killer Insinct, c'était lui !). Le scénario est à lui tout seul une plaisanterie éculée que l'on approuve encore lorsqu'il est réalisé avec autant de maladresses, de faux raccords et de drôlerie involontaire. Tout n'est donc ici prétexte qu'à de furieux règlements de compte entre une guerre de narcotrafiquants face au témoignage d'une experte en karaté particulièrement sexy !
Depuis la disparition de sa soeur partie en reportage, Susan Carter rejoint les Philippines pour tenter de la retrouver. Sur place, son enquête l'oriente auprès du directeur d'un night-club également régisseur de combats clandestins. Monitrice et ceinture noire en karaté, elle décide de participer aux épreuves sans savoir qu'il s'agit d'un réseau mafieux impliqué dans un trafic de drogue. Alors qu'une mystérieuse escorte s'empare de leur marchandise au moment d'une livraison, Susan va devoir user de bravoure pour combattre à mains nues l'ennemi dont le redoutable Chuck Donner !  


Titre français encore mieux approprié que celui de son modèle (même si la blonde utilise également le bâton pour se faire entendre !), Attaque à mains nues est un énième film de drive-in décomplexé multipliant avec générosité séquences de bastons, poursuites et gunfights. Parfois même émaillé de séquences gores (empalements au sabre, tête tranchée à la circulaire, yeux crevés au bâton) et érotiques (dont une scène intime de coït particulièrement stylisée !), cette série B possède tous les atouts pour ne jamais ennuyer le spectateur, embarqué de bon gré dans une aventure dépaysante ! A titre de bravoure immanquable, imaginez une donzelle charismatique se faire courser par deux bandits dans un hangar qui n'auront de cesse de s'agripper à ses vêtements pour la dévêtir en bout de course ! Ne reste plus alors pour Susan que de les combattre farouchement en petite culotte sans jamais être indisposée de son anatomie ! Des séquences jouissives et improbables de cet acabit, Attaque à mains nues en regorge d'autres et décuple son capital sympathique avec l'entremise amicale de comédiens inexpressifs rivalisant de sérieux et de grimaces pour jouer les durs à cuire ! Afin de renouveler l'intrigue, Cirio H. Santiago n'hésite pas non plus à insérer certains rebondissements, à l'instar de l'infiltration d'une taupe impliquée chez les sbires d'Erik Stone. Toujours plus incohérent (notamment le comportement équivoque de certains protagonistes) dans son cheminement hasardeux de luttes des clans, d'espionnage policier et d'investigation de témoin disparu, le film s'avère néanmoins efficace dans la vigueur de son rythme tirant inévitablement vers la bande dessinée où les arts-martiaux règnent en maître ! Si on est à l'opposé des bastonnades ultra speed d'un The Raid, la chorégraphie des combats s'avère tout de même pro si j'ose dire et on se prend plaisir à suivre la fluidité des coups assénés à l'adversaire sans subir de mal de crâne comme il est de coutume de nos jours !


Vous l'aurez compris, pour tout amateur de nanar jouissif et fun en diable, Attaque à mains nues est un incontournable du genre encore plus savoureux aujourd'hui qu'à sa sortie, du fait du charme suranné qui en émane. Pour parachever, on peut aussi louer le punch de son score au tempo aussi cadencé que répétitif ainsi que la beauté animale qui se détache de Jillian Kesner, une karatéka bondissante aussi inexpressive qu'intègre dans sa fonction de justicière redresseuse de tort !

Un grand merci au Chat qui fume pour cette inestimable pépite ! 
Bruno Matéï



jeudi 5 juin 2014

CHEAP THRILLS. Grand Prix du PIFF, 2013

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site aucoeurdelhorreur.com
de E.L. Katz. 2013. U.S.A. 1h25. Avec Pat Healy, Ethan Embry, David Koechner, Sara Paxton, Amanda Fuller, Brighton Sharbino.

Sortie salles U.S: 24 Mars 2014

FILMOGRAPHIE: E.L. Katz est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 7 Janvier 1981 à New-York.
2013: Cheap Thrills. 2014: ABCs of Death 2.


... c'est incroyable à quel point la cupidité, l'envie, la prétention, la grossièreté, l'avidité et, en général, tout cet ensemble d'attributs qui forment la condition humaine, transparaissent sur un visage, dans une démarche, dans un regard. Ernesto Sabato.

Craig et Vince sont deux amis d'enfance ayant de sérieux soucis financiers. Alors qu'un soir ils se retrouvent par hasard dans un bar, ils rencontrent un couple richissime qui leur propose de participer à des paris d'argent. Ce qui commençait comme une distraction bon enfant va rapidement se transformer en jeu de massacre impitoyable. 


Comédie au vitriol d'une férocité dérangeante, Cheap Thrills est à deux doigts d'effleurer le registre dramatique tant les situations de défi que se relèvent nos protagonistes ne prêtent vraiment pas à rire. Avec ces personnages antipathiques, tantôt losers, tantôt nantis, E.L. Katz distille un malaise tangible toujours plus inconfortable lorsque deux acolytes sans le sou sont prêts à aller jusqu'au bout de l'interdit pour s'accaparer d'un juteux butin. Pendant cette rivalité, un couple fortuné observe la grossière attraction avec un cynisme presque impassible ! (reflet de leur lassitude à se vautrer depuis longtemps dans leur confort). Satire sociale dénonçant les effets pervers du pouvoir et de l'argent, que ce soit au niveau du nanti (régisseur d'un jeu grotesque pour évacuer son ennui), que du côté des paumés (dindons de la farce confrontés aux gageures toujours plus audacieuses), E.L. Katz n'y va pas avec le dos de la cuillère pour montrer à quel point le citoyen fauché est capable de transcender les barrières de la tolérance. Si certaines situations de défi toujours plus absurdes pourraient paraître un peu fortes de café, nos deux énergumènes usent de courage et se retrouvent impliqués dans une réaction en chaîne toujours plus fructueuse afin de se disputer la mise. L'ambiance malsaine que le couple aisé a insidieusement mis en place en guise d'anniversaire (celui de célébrer sa femme !), l'emprise de drogue et d'alcool qui y coule librement, l'audace risquée des bravades et l'épreuve de force que les participants doivent se mesurer finissent par nous convaincre de leur détermination. Dès lors, l'amitié qu'ils se partageaient depuis leur enfance va se dissoudre et voler en éclat jusqu'au point de non retour. Outre la modestie de sa mise en scène exploitant avec efficacité l'intérieur du huis-clos, on peut mériter la conviction des comédiens communément impliqués dans les sentiments de vice, de provocation et d'individualisme. 


Les uns font semblant de se ruiner ; c'est pour émouvoir la compassion des gens simples. Les autres font semblant de s'enrichir ; c'est pour surexciter les instincts d'envie et de cupidité des masses.
Farce caustique d'une ironie profondément dérangeante, Cheap Thrills retrace la descente aux enfers de deux comparses perdants peu à peu le contrôle de leurs actes et leur probité afin d'accéder à la prospérité. Il en émane un délire de comptoir rase-bitume d'une effroyable noirceur pour fustiger l'influence de l'argent et son insidieuse corruption. 

Bruno Matéï  

mercredi 4 juin 2014

TOAD ROAD

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Jason Banker. 2012. U.S.A. 1h16. Avec Sara Anne Jones, James Davidson, Whitleigh Higuera, Jamie Siebold.

Récompenses: Meilleur long métrage, au Festival de Lausanne métro Film and Music, 2012
Prix ​​du meilleur réalisateur et Prix du Meilleur Acteur au Festival Fantasia, 2012

FILMOGRAPHIE: Jason Banker est un réalisateur, producteur et scénariste américain.
2012: My name is Faith (Documentaire). 2012: Toad Road. 2013: Squatter (Documentaire - post-production). 


Objet expérimental et métaphysique, Toad Road nous décrit sous une forme documentée la quotidienneté de jeunes adolescents livrés à leur défonce d'alcool et de drogues hallucinogènes telles que acides et LSD. Si je me réfère à la véritable définition de "Found Footage" (littéralement "enregistrement trouvé"), terme désignant la récupération de pellicules impressionnées dans le but d'enregistrer un autre film, Toad Road se rapproche plus du docu-fiction (le réalisateur avait déjà tâté du documentaire !), sachant qu'en prime, aucun acteur ne porte traditionnellement la caméra à l'épaule pour témoigner en direct des vicissitudes de ses compagnons. Incarné avec conviction par des comédiens non professionnels, la mise en scène studieuse de Jason Banker recherche à tous pris le réalisme du direct lorsque les protagonistes semblent véritablement épris d'ivresse ou d'étourdissement lors des prises d'alcool et de drogue. Sans parler des exhibitions explicites ou de l'épreuve des coups de poing que Slacker acceptera en guise d'expiation ! 


Cette dynamique de groupe sujette aux expériences les plus extatiques s'avère d'autant plus crédible dans leur état second et complicité de camaraderie qu'ils finissent pas nous immerger dans leur intimité de débauche. La première partie nous illustre donc leur virée dans les bois ou leur isolement au domicile afin de consommer régulièrement nombre de drogues synthétiques. Parmi eux, la nouvelle du groupe, Sara, se rapproche du leader, Slacker, et finit par entamer une liaison futilement amoureuse. Désireuse de goûter elle aussi au plaisir des drogues, elle finit par s'en accoutumer puis propose à son compagnon de franchir les portes de l'enfer. Cette épreuve est en faite inspirée d'une légende urbaine désignant le passage de 7 portails dans la contrée forestière de Toad avant de culminer en enfer. C'est à ce moment qu'intervient la seconde partie du récit focalisée sur l'escapade du couple parti en forêt pour consommer des acides, quand bien même Sara tentera d'influencer vainement son compagnon à expérimenter les 7 portails. C'est la qu'un drame inexpliqué va sévèrement fustiger l'inconscience de Slacker ! 
Ovni aussi réaliste que désincarné, Toad Road tente de plonger le spectateur dans une expérience psychédélique particulièrement diaphane, celle de confronter l'existence au repos de l'enfer. Hymne à la mort ou au repos éternel si j'ose dire, selon l'interprétation personnelle du spectateur, Toad Road s'avère d'autant plus obscur et hermétique qu'il bénéficie d'une aura toute particulière, sachant que l'héroïne principale est décédée dans les mêmes circonstances que ce que l'oeuvre laisse sous-entendre. Connaissant de prime abord son triste sort, on découvre alors le film sous un aspect spirituel d'autant plus immersif que le fantôme de Sara semble inscrire la pellicule. Ce sentiment de solitude et de néant que l'héroïne nous déclare en voix-off s'avère d'autant plus dérangeant qu'elle semble véritablement éprise d'une attirance et d'un apaisement pour l'absence de l'existence ! 


Avec son score envoûté et sa photo naturaliste chargée de couleurs vives pour sensibiliser l'écologie, Toad Road attise la nonchalance, provoque la perplexité face au mystère irrésolu et nous interpelle sur l'intérêt de notre existence sans repère. Austère, fragile et inquiétant, ce bad-trip porte finalement en témoignage le deuil précipité d'une jeune fille de 24 ans, Sara Anne Jones, disparue le 4 Septembre 2012. Un drame survenu quelques semaines à peine avant la première du film...

A Sara...
Bruno Matéï


Sara Anne Jones est née en Février 1988 à Baltimore, Maryland, États-Unis. Elle était une actrice connue pour son rôle dans Toad Road. Elle est décédée le 4 Septembre 2012 à New York, USA.


mardi 3 juin 2014

LES AMANTS D'OUTRE-TOMBE (Amanti d'Oltretomba / Nightmare Castle)

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site esbilla.wordpress.com

de Mario Caiano. 1965. Italie. 1h44. Avec Barbara Steele, Paul Muller, Helga Line, Laurence Clift, John Mc Douglas, Rik Battaglia,

FILMOGRAPHIE: Mario Caiano est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur italien, né le 13 Février 1933 à Rome.
1962: Ulysse contre Hercule. 1963: Le Signe de Zorro. 1963: La Griffe du Coyote. 1963: Goliath et l'Hercule noir. 1964: Maciste, gladiateur de Sparte. 1964: La Fureur des Gladiateurs. 1964: Mon colt fait la loi. 1965: Les Amants d'Outre-Tombe. 1965: Erik le Viking. 1965: Un Cercueil pour le Shérif. 1966: Ombre pour le Liban. 1967: La Vengeance de Ringo. 1967: Adios Hombre. 1967: L'assalto al centro nucleare. 1968: Un Train pour Durango. 1968: Son nom crie vengeance. 1969: Komm, suber Tod. 1970: Ombre roventi. 1972: L'Occhio nel labirinto. 1973: Les Contes de Viterbury. 1973: Shangaï Joe. 1975: A tutte le auto della polizia. 1976: Terror Commando. 1977: Fraulein SS. 1977: La Malavita attacca. La Polizia risponde. 1977: Assaut sur la ville. 1980: Ombre. 1988: Nosferatu à Venise. 1999: Tre addii (télé-film). 1999: Mai con i quadri (télé-film). 1999: La vita in briciole. 1999: L'amore oltre la vita (télé-film). 2001: Per amore per vendetta. 2002: Io ti salvero. 


Perle méconnue et introuvable que l'éditeur Artus Film a enfin exhumé de sa torpeur, Les Amants d'Outre-tombe est un poème gothico-funèbre dont les italiens ont le secret. Interdit au moins de 18 ans lors de sa sortie, on est surpris durant son prélude de retrouver une violence sadique plutôt osée pour l'époque et auquel Lucio Fulci aurait pu emprunter cette influence pour l'Au-dela ! Je songe aux diverses tortures qui étaient invoquées sur le peintre Schweick par des villageois assoiffés de vengeance et de bestialité ! Chez le cinéaste Mario Caiano, un médecin pratiquant d'étranges expériences décide de se venger de l'infidélité de sa femme en torturant au fer rouge et à l'acide les amants enchaînés ! Dépité d'avoir été trahi pour sa succession d'héritage, il décide de contacter l'unique bénéficiaire, la soeur de la défunte, Jenny. Avec l'aide de sa servante, il complote une machination afin de pouvoir s'emparer du patrimoine. 


Baignant dans un noir et blanc aussi ténébreux que raffiné, à l'instar de la présence iconique de Barbara Steele dans un rôle binaire, Les Amants d'Outre-tombe est une machine à suspense dans laquelle une poignée d'antagonistes vont devoir s'opposer pour l'appât d'un gain et la quête de vérité. En jouant sur l'aspect perfide d'un duo d'amants sans vergogne (la liaison extra-conjugale du docteur Arrowsmith avec sa majordome), Mario Caiano compte sur leurs diverses stratégies afin de distiller une tension sur le sort de la pauvre Jenny. Délibérés à la rendre folle à l'aide d'une drogue hallucinogène, cette dernière réussit néanmoins à entrer en contact avec l'au-delà par l'entremise des amants autrefois sacrifiés ! Epaulée d'un médecin intègre toujours plus méfiant envers les mesquineries d'Arrowsmith, Jenny pourra notamment compter sur son soutien afin de ne pas sombrer dans la folie. En empruntant les thèmes du vampirisme, du savant fou et des spectres vengeurs réduits à l'état de cadavres putrescents, Mario Caiano les synthétisent avec une vraie efficacité pour enrichir une intrigue captivante non exempte de rebondissements, et cela juste avant l'irruption des forces de l'au-delà ! L'empathie que l'on éprouve pour l'affable médecin et Jenny (Barbara Steele véhicule des tourments instables dans sa fonction de victime droguée !) s'opposent à l'aversion que l'on ressent pour le docteur Arrowsmith (Paul Muller se surpasse à imposer une attitude étriquée dans son caractère égotiste) et son insidieuse gouvernante (Helga Line séduit par sa sombre beauté mais nous trahi de sa cupidité et sa soif d'éternelle jeunesse !). 


Les amants diaboliques vs les amants d'outre-tombe
Avec son climat gothique irrésistiblement oppressant et l'influence vénale d'antagonistes capricieux, Les Amants d'Outre-Tombe allie une horreur audacieuse pour sa cruauté sanglante et un suspense des plus haletants pour le sort réservé à une Barbara Steele fébrile.  

Clin d'oeil à Artus Films ! 
Bruno Matéï
3èx



lundi 2 juin 2014

The Human Centipede 2 (Full Sequence)

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Tom Six. 2011. U.S.A. 1h31. Avec Laurence R. Harvey, Ashlynn Yennie, Maddi black, Dominic Borrelli, Dan Burman, Kandace Caine, Daniel Jude Gennis, Georgia Goodrick, Lucas Hansen, Bill Hutchens.

Sortie U.S: 22 Septembre 2011. Pays Bas: 20 Juin 2012

FILMOGRAPHIE: Tom Six est un réalisateur néerlandais, né le 29 Juin 1973 à Alkmaar.
2004: Gay. 2007: Honeyz. 2008: I Love Dries. 2009: The Human Centipede (First Sequence). 2011: The Human Centipede 2 (Full Sequence). 2014: The Human Centipede 3 (Final Sequence). 2014: The Onania Club.


Deux ans après l'inattendu succès de The Human Centipede, film-culte adoubé par son pitch aussi couillu que vrillé, Tom Six utilise cette fois-ci le contre-pied de son modèle afin de rivaliser de surenchère dans le mauvais goût et le gore vomitif. Le pitchSurveillant de parking, Martin évacue l'ennui en matant son film fétiche: The Human Centipede. Epris d'obsession pour la pratique morbide de former un mille-pattes avec des humains soudés de la bouche à l'anus les uns aux autres, il décide de défier les travaux du Dr Heitzer en reproduisant l'expérience avec 12 personnes ! Après l'effet de surprise invoqué par son 1er volet, Tom Six continue d'exploiter son concept avec un goût prononcé pour le gore, là où son modèle privilégiait la suggestion et la force de caractère du personnage principal. Tourné en noir et blanc afin de renforcer son atmosphère malsaine et poisseuse (bien qu'aujourd'hui il existe une version colorisée), mais aussi pour contourner dame censure, The Human Centipede 2 est une fois de plus servi par la prestance d'une "gueule" aussi charismatique, Laurence R. Harvey ! Incarnant un personnage mutique à déficience mentale, cet acteur en herbe compte sur l'apparence de son physique particulier afin de véhiculer une hostilité sournoise. Dans la mesure où malgré son regard globuleux plein de vice, l'acteur laisse également transparaître une timidité de par sa personnalité refoulée et sa petite taille rondouillarde. Accoutré d'un slip trop large et d'une blouse blanche, il perpétue ses méfaits meurtriers avec autant de jubilation que d'angoisse contrariée pour la réalisation de son chef-d'oeuvre ! C'est à dire concevoir le plus grand appareil digestif au monde ! (ah ah !). 


L'ambiance glauque et irrespirable est également habilement entretenue pour faire naître l'anxiété. Tant auprès du domicile de Martin co-existant en compagnie d'une mère castratrice, où du hangar rubigineux, refuge de ses innommables expériences. Qui plus est, Tom Six y accentue une ambiance d'autant plus insolite parmi l'intervention de personnages sans vergogne (la mère suicidaire de Martin, le médecin barbu aux penchants pervers, le voisin tatoué adepte de musique hardcore). Mais le clou du malaise est indéniablement causé par les exactions de Martin afin de parfaire son mille-pattes humain ! Et comme le tueur n'est pas un éminent chirurgien, il s'y emploi à l'arrache et sans anesthésie (les bouches des victimes étant simplement agrafées et non cousues sur le postérieur du voisin !). Sans doute pour combler l'attente des fans de gore qui eurent été déçus par le premier volet, Tom Six rivalise donc de trash et de mauvais goût pour illustrer un florilège de séquences chocs plutôt émétiques ! A l'instar de ce cassage de dents perpétré au marteau ou des tranchages de tête commis au couteau ! Bien que parfois insoutenable et franchement écoeurant (l'orgie de déjection fécale !), le réalisateur réussit à faire passer la pilule de l'innommable (le bébé écrasé sous la pédale d'accélérateur par une mère en panique !) à grand renforts de dérision macabre (rictus nerveux et gémissements de joie du tueur à l'appui !).


Une farce vitriolée au goût de vomi et d'excréments
Volontairement outrancier jusqu'à overdose, The Human Centipede 2 exploite son filon avec la facilité de l'effet-choc. Indéniablement moins percutant et surprenant que son modèle, il n'en demeure pas moins atmosphérique, expérimental, fun, déglingué et délirant à travers sa déviance morbide, quand bien même Laurence Harvey marque de sa petite empreinte une posture génialement gouailleuse !  

Pour Public averti

Bruno 
2èx





jeudi 29 mai 2014

LE SOUFFLE DU DEMON (Dust Devil)

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Richard Stanley. 1992. Afrique du Sud. 1h29. Avec Robert John Burke, Chelsea Field, Zakes Mokae, John Matshikiza, Rufus Swart, William Hootkins.

Sortie salles France: 17 Mars 1993

FILMOGRAPHIE: Richard Stanley est un réalisateur et scénariste sud-africain né à Fishhook le 22 Novembre 1966.
1990: Hardware. 1992: Le Souffle du Démon. 1996: l'Ile du Dr Moreau (remplacé par John Frankenheimer). 2011: The Theatre Bizarre (segment: The Mother of Toads).


Introduction: Je ne vois pas pourquoi les gens attendent d'une oeuvre d'art qu'elle veuille dire quelque chose alors qu'ils acceptent que leur vie à eux ne rime à rien. David Lynch 

Il était une fois, à l'époque de la lumière rouge et du vent désertique, un homme comme nous. Jusqu'au jour où, par malheur, des ailes lui poussèrent. Et il s'envola comme un oiseau. 

A l'instar de son monologue introductif, on ne peut mieux définir le terme culte à une oeuvre aussi atypique que Le Souffle du Démon ! Déjà responsable de l'étonnant Hardware, un ovni post-apo au rabais inspiré de Terminator et à la photogénie crépusculaire déjà bien prégnante, le second film du sud-africain Richard Stanley se rapproche cette fois de l'onirisme cher à la Forteresse Noire de Michael Mann. Par son climat irréel chargé ici de couleurs ocres et sa partition musicale envoûtante, par l'expérience sensitive que procure les images et par la nonchalance des personnages combattant difficilement les forces du Mal. Dans une petite contrée sud-africaine, un mystérieux tueur sévit en s'en prenant aux victimes damnées. Jusqu'au jour où il fraye sur son chemin une jeune femme en rupture sentimentale. Tandis qu'un homme s'est lancé à sa trace pour essayer de l'anéantir, les deux amants vont échanger une étrange relation. 


Poétique, décousu, mystérieux, impénétrable, Le Souffle du Démon est conçu à la manière d'un rêve métaphysique dont le spectateur, perdu de ses repères, se sent irrésistiblement attiré. Par l'entremise de cette icône du Mal surgie de l'autre côté du miroir, Richard Stalney nous invite à une expérience spirituelle dénuée de logique. Au sein de ses plaines désertiques ou en amont de ce petit village enseveli par le sable, un démon à visage humain tente de s'approprier de la nature pour y laisser son empreinte par don surnaturel. Voué à tuer sans répit des quidams véreux afin de pouvoir transmuter et perdurer son itinéraire routier, Dust Devil (c'est ainsi qu'il se prénomme !) semble lui même la victime de son propre fardeau. Celui de se nourrir du mal des autres afin de pouvoir continuer de survivre au sein de notre au-delà terrestre ! Parmi ses ambitions diaboliques, une femme va devenir le fruit de son subterfuge avant qu'elle ne comprenne ses réelles motivations par l'entraide d'un chasseur de démon. A l'instar du bricolé Hardware, Richard Stanley renoue avec les mêmes failles pour son budget modeste et ses maladresses techniques, desservies ici par un montage sporadique partant dans tous les sens (du moins pour cette version cut d'1h24 !). Mais l'ambition du réalisateur bourrée de bonnes intentions et la sincérité de sa démarche de nous livrer un authentique film fantastique 1er degré honore finalement l'entreprise puisqu'il nous cristallise un trip ésotérique pour cette virée diabolique en compagnie d'un cowboy reptilien ! 


Entre western, fantastique et romance, Richard Stanley joue la carte de l'expérimental et de la métaphysique afin de nous plonger dans un rêve abscons irrésistiblement palpable. Par la beauté de ces images surnaturelles régies autour d'un désert solaire, par le charisme magnétique du démon à visage humain (on songe parfois au regard azur terriblement inquiétant de Rutger Hauer découvert dans Hitcher !) et par l'alchimie qui émane de son ambiance impénétrable, le Souffle du Démon est une expérience de cinéma, le chemin de croix d'un incube en quête de renaissance et d'amour ! 

Bruno Matéï
3èx

mercredi 28 mai 2014

CREATURES CELESTES (Heavenly Creatures). Grand Prix Gérardmer, 1995

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Peter Jackson. 1994. Allemagne/nouvelle-Zélande. 1h38. Avec Kate Winslet, Melanie Lynskey, Sarah Peirse, Diana Kent, Clive Merrison, Simon O'Connor, Jed Brophy.

Récompenses: Lion d'Argent à la Mostra de Venise, 1994
Grand Prix à Gérardmer, 1995.

Sortie salles France: 3 Juillet 1996. U.S: 16 Novembre 1994

FILMOGRAPHIE: Sir Peter Robert Jackson est un réalisateur, producteur et scénarise néo-zélandais, né le 31 Octobre 1961 à Pukerua Bay, North Island (Nouvelle-Zélande).
1987: Bad Taste. 1989: Les Feebles. 1992: Braindead. 1994: Créatures Célestes. 1995: Forgotten Silver. 1996: Fantômes contre fantômes. 2001: Le Seigneur des Anneaux. 2002: Les Deux Tours. 2003: Le Retour du Roi. 2005: King-Kong. 2009: Lovely Bones. 2012: Le Hobbit: un voyage inattendu. 2013: Le Hobbit: la Désolation de Smaug. 2014: Le Hobbit: Histoire d'un aller et retour.


En 1953-54, Pauline Yvonne Parker relata dans son journal son amitié avec Juliet Marion Hulme. Ceci est leur histoire vraie fidèlement reprise dans le journal de Pauline.

Auréolé du Lion d'Or à Venise et du Grand Prix à Gérardmer, Créatures Célestes fait presque figure d'ovni tant Peter Jackson déconcerte à allier lyrisme, poésie et tendresse sous couvert d'une tragédie baroque intentée au crime passionnel. L'action se situe en 1953 et prend pour cadre la charmante contrée bucolique de Christchurch, dans l'île sud Néo-zélandaise. Insolentes, anticonformistes et espiègles, Juliet et Pauline unissent leur point commun en se partageant une belle amitié durant leur étude scolaire. Au fil de leur intense relation et de leur passion vouée à l'opéra, les deux filles se réfugient dans des univers enchanteurs afin de s'évader de leur quotidienneté. Voyant d'un très mauvais oeil cette relation amicale trop possessive, les parents des deux adolescentes décident de les séparer. 


Totalement inspiré par ce fait-divers sordide que sa femme lui avait sollicité de porter à l'écran, Peter Jackson nous reconstitue ici une histoire d'amour atypique dans son caractère aussi obsessionnel que crapuleux. La mise en scène inventive suggérant les univers tantôt féeriques (château et jardins édéniques), tantôt baroques (les ténors d'opéra prenant vie sous la forme de patte à modeler !) que Juliet et Pauline matérialisent à travers leur imagination. Si de prime abord, il s'agit d'une liaison amicale inscrite dans l'utopie et la passion, l'amour saphique va finalement s'y installer, quand bien même l'autorité parentale y décidera d'y mettre un terme. Au passage, Peter Jackson en profite donc pour dénoncer l'homophobie à travers les personnages puritains du père de Juliet et du psychiatre de Pauline, car y voyant d'un oeil suspect une orientation sexuelle trop inaccoutumée. Dominés par les prestances transies d'émoi de Kate Winslet, Melanie Lynskey, les deux comédiennes insufflent avec enthousiasme fiévreux un tempérament aussi erratique et névrosé qu'attendrissant dans leur élan amoureux. Durant leur cheminement instable causé en partie par l'intolérance parentale, ces "inséparables" extériorisent une fragilité humaine inscrite dans la crise adolescente, le désarroi puis la folie. Car rapidement, une aura malsaine se dégage de leur profil psychologique parce que trop éprises d'une liaison possessive où la moindre idée de rupture leur provoque un marasme insurmontable ! C'est ce qui entraînera Pauline à la préméditation criminelle et qui incitera Juliet a y collaborer afin de retrouver un semblant d'illusion impartie à l'évasion et l'épanouissement. Ce drame inéluctable qui se profile à l'horizon, Peter Jackson le filme à la manière d'un suspense Hitchcockien terriblement oppressant dans l'expectative du meurtre à accomplir. Cru et sanglant, cet acte morbide perpétré par ces adolescentes névrosées bouleverse et épouvante dans leur acte suicidaire, sachant que l'issue sera inévitablement fatale pour leur défaite. 


Imprégné de lyrisme et de tendresse où les visions baroques se mêlent à l'onirisme enchanteur, Créatures Célestes dérange durablement par son odeur de souffre car il nous oppose à une descente aux enfers vertigineuse où l'amour passionnel converge au sacrifice morbide. Il en émane une oeuvre profondément cruelle et désespérée dans sa description pathologique d'une puissante amitié et d'un amour impossible ! 

Bruno Matéï
3èx




    mardi 27 mai 2014

    LES SEIGNEURS (The Wanderers)

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemotions.com

    de Philip Kaufman. 1979. U.S.A. 1h56. Avec Ken Wahl, John Friedrich, Karen Allen, Toni Kalem, Alan Rosenberg, Jim Youngs, Tony Ganios.

    Sortie salles France: 12 Mars 1980. U.S: 4 Juillet 1979

    FILMOGRAPHIE: Philip Kaufman est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 23 Octobre 1936 à Chicago, Illinois (Etats-Unis).
    1965: Goldstein. 1967: Fearless Frank. 1972: La Légende de Jesse James. 1974: The White Dawn. 1978: L'Invasion des Profanateurs. 1979: Les Seigneurs. 1983: L'Etoffe des Héros. 1988: L'Insoutenable Légèreté de l'être. 1990: Henry et June. 1993: Soleil Levant. 2000: Quills, la plume et le sang. 2004: Instincts Meurtriers. 2012: Hemingway and Gellhorn (télé-film).


    On les appelle "les Seigneurs", leur rythme c'est la musique, les filles sont leur faiblesse, leur point fort, c'est leur force au combat.  
    Leurs ennemis sont les Baldies, les Bombers, les Wongs et les Ducky Boys. Indéniablement des troupes puissantes. 
    Mais "Les Seigneurs" sont les plus forts.  

    Film culte de plusieurs générations alors qu'aujourd'hui il est injustement occulté, les Seigneurs rend hommage au "film de bandes" avec une générosité et une tendresse sans égales. Hymne à l'insouciance d'une jeunesse avide d'aventures, de liberté et de fantaisies, Les Seigneurs se porte en témoignage d'une époque révolue, celle des années 60 baignant dans le Rock 'n' Roll et la Pop, la Soul et la vague yéyé, quand bien même toute la nation américaine pleure l'assassinat du président Kennedy en ce 22 Novembre 1963. L'action prend pour cadre le quartier du Bronx à travers la quotidienneté d'adolescents revanchards, en particulier ceux appartenant à la bande des Wanderers. De jeunes italiens issus de classe ouvrière passant leur temps à provoquer d'autres clans d'ethnie étrangère tout en courtisant les jeunes filles du samedi soir ! Alors qu'ils viennent d'avoir un accrochage avec les Bombers, Richie Gennaro et ses acolytes leur promettent un prochain lieu de rencontre sur un stade de foot. Au même moment, après une rixe avec les Baldies (la bande des cranes rasés dirigé par "Terreur" !), ils sont secourus in extremis par un nouveau venu plutôt mastard, Perry LaGuardia. Enfin, Richie doit aussi faire face à la jalousie de sa compagne depuis qu'il s'est laissé attendrir par le charme d'une ravissante inconnue lors d'une partie de boum-doudoune (peloter incidemment les seins de citadines !).


    Lorsque l'on redécouvre Les Seigneurs pour un énième visionnage, on est immédiatement frappé par la fraîcheur amicale qui se détache des personnages. Non seulement celle des Wanderers mais aussi celle des Baldies et des Bombers pour leur cohésion et leur zèle impartis à la bravoure ! Car outre le fait de rendre un vibrant hommage à l'époque iconique des sixties, Philip Kaufman porte notamment un témoignage au sens de la camaraderie et de la fraternité durant le passage de l'adolescence non exempte de malaise identitaire (la reconversion de Turkey chez les Baldies, la désillusion de Joey au sein du cocon familial en perdition). Ce moment puéril d'idéologie décomplexée où seuls compte les distractions de beuveries, de dragues improvisées, de parties de strip-poker et de bagarres de rues afin de se prouver que l'on garde le monopole de l'élite aux yeux des autres. Tous ces ados naïfs issus du prolétariat, le cinéaste nous les caractérisent avec une tendresse immodérée dans leur fragilité humaine impartie à une quête existentielle (Joey espère quitter la région pour fuir les maltraitances de son paternel !). Qui plus est, et à certaines reprises, le réalisateur adopte la rupture de ton pour insister sur le caractère sombre de situations de rixe (à l'instar du sort tragique réservé à Turkey !) lorsque les plus démunis d'entre eux sombrent dans une délinquance amorale. Je pense à la bande belliqueuse des Ducky Boys issus des ghettos les plus défavorisés et dénués de tout contact avec l'étranger (alors que bizarrement, ils se raccrochent à la religion pour communier dans une église et accepter l'hostie !). A travers le parcours contradictoire des Wanderers, Les Seigneurs consacre notamment toute une partie de notre propre jeunesse avec une intensité émotionnelle proprement bouleversante. A titre d'exemple, il suffit de se remémorer l'épisode des adieux échangés entre Perry, Joey et Richie pour se rendre compte de l'énorme empathie qu'on leur attribue dans leur divergence morale à se consacrer à un avenir meilleur. A travers ce départ précipité, Philip Kaufman brosse donc leur nouvelle initiation à la responsabilité après s'être opposé à une baston collective d'une rare férocité (la séquence confinée dans un stade de foot fait office d'anthologie épique par sa violence acerbe et le nombre de figurants déployés !) quand bien même Richie est sur le point de se marier en regrettant amèrement son ancienne idylle d'un soir !


    Une commémoration de l'adolescence
    Scandé par les tubes rock des sixties (on y croise Smokey Robinson, The Champs, The Volumes, Chantays, The Surfaris, The Four Seasons, Contours, Isley Brothers, Dion, Lee Dorsey, The Angels, Shirelles, Ben E. Kingk, rien que çà !!!), Les Seigneurs constitue un chef-d'oeuvre du "film de bandes" aussi galvanisant que ces illustres homologues, la Fureur de Vivre, les Rues de Feu et Les Guerriers de la Nuit. Un moment de cinéma nostalgique bourré d'énergie, de musiques et d'émotions, auquel la prestance terriblement attachante des comédiens renforce l'identification du spectateur ! A découvrir impérativement au moins une fois dans sa vie !  

    La critique des Guerriers de la Nuit (les): http://brunomatei.blogspot.fr/2013/04/les-guerriers-de-la-nuit-warriors.html
    La critique des Rues de Feu (les): http://brunomatei.blogspot.com/2011/11/les-rues-de-feu.html

    Dédicace à Christophe Krust Masson
    Bruno Matéï
    6è visionnage

    lundi 26 mai 2014

    LES SEVICES DE DRACULA (Twins of Evil)

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviecovers.com

    de John Hough. 1971. Angleterre. 1h27. Avec Peter Cushing, Kathleen Byron, Mary Collinson, David Warbeck, Damien Thomas.

    Sortie salles U.S: 8 Août 1972. Royaume-Uni: 3 Octobre 1971

    FILMOGRAPHIE: John Hough est un réalisateur anglais, né le 21 Novembre 1941 à Londres.
    1969: Wolfshead : The Legend of Robin Hood. 1970: Eyewitness. 1971: Les Sévices de Dracula. 1972: l'île au Trésor. 1973: La Maison des Damnés. 1974: Larry le dingue, Mary la garce. 1975: La Montagne Ensorcelée. 1978: Les Visiteurs d'un Autre Monde. 1978: La Cible Etoilée. 1980: Les Yeux de la Forêt. 1981: Incubus. 1982: Le Triomphe d'un Homme nommé Cheval. 1986: Biggles. 1988: Hurlements 4. 1988: American Gothic. 1989: Le Cavalier Masqué (télé-film). 1990: A Ghost in Monte Carlo (Télé-film). 1992: Duel of Hearts (télé-film). 1998: Something to Believe In. 2002: Bad Karma.


    Dernier volet de la trilogie Karnstein, Les Sévices de Dracula est réalisé au moment même où la Hammer est en perte de vitesse. Quoi de plus profitable donc que de surenchérir dans la violence et l'érotisme en recrutant deux pin-up issues du mag Playboy ! Dit comme cela, le film pourrait paraître réduit à l'objet de vulgarité, mais c'est sans compter sur la sensualité de ses jeunes actrices et le talent honorable d'un faiseur de série B pour redorer une oeuvre somme toute modeste. Tandis que Gustav Weil dirige de main de fer une confrérie de chasseurs de sorcières et impose sa terreur dans le village en immolant des filles innocentes, l'arrivée de ses nièces jumelles attire l'attention du comte Karnstein. Ce dernier menant une vie dissolue dans son luxueux château et se livrant à d'étranges rites sataniques afin d'implorer la résurrection de Mircalla Karnstein. 


    Efficacement réalisé par un John Hough débutant mais déjà prometteur, Les Sévices de Dracula doit son caractère ludique grâce au dynamisme de son récit multipliant péripéties et rebondissements. En opposant le fanatisme religieux avec le vampirisme, John Hough rivalise de cruauté pour dénoncer les actes gratuits d'un groupuscule fondamentaliste et les caprices d'un comte omnipotent avide de chair et de sang ! Une manière habile d'ironiser également sur les exactions grotesques de son inquisiteur, persuadé qu'il condamne sur le bûcher d'authentique sorcières, alors qu'un vrai vampire aristocrate impose ses sévices sanglants sur le cou des jeunes villageoises ! Mais l'intérêt majeur du film provient inévitablement de la présence oh combien lascive des soeurs jumelles, successivement incarnées par Mary et Madeleine Collinson. Sans jamais verser dans la trivialité, les comédiennes novices réussissent à imposer une présence ensorcelante dans leur beauté juvénile, quand bien même le cinéaste les filment avec une ténuité suggérée (décolleté voluptueux, nuisettes transparentes à l'appui !). Pour autant, ces anciennes égéries de Playboy parviennent à insuffler un jeu convaincant dans leur relation antinomique basée sur la pudeur et l'effronterie (Maria est timide et introvertie alors que Frieda est attisée à courtiser le mâle dominant !). En jouant sur une certaine notion de suspense quand au sort réservé à la seconde soeur (la première étant malencontreusement tombée sous le coup de la damnation vampirique !), John Hough exacerbe sa dernière partie et converge à une course poursuite sanglante entre la confrérie de Gustav Weil et le baron Karnstein ! Pour clore, on ne peut occulter la présence toujours aussi charismatique du gentleman de l'horreur, Peter Cushing, faisant preuve ici d'une personnalité antipathique pour mettre en évidence l'autorité opiniâtre d'un intégriste aveuglé par sa foi, mais d'en payer ensuite le lourd tribut !


    Si les Sévices de Dracula ne réserve pas vraiment de surprises et fait parfois preuve d'incohérences (qu'en est-il de la présence de la comtesse Mircalla Karnstein entraperçue en préambule, par qui a été mordu la première victime ?), l'efficacité vigoureuse de sa réalisation, son soin formel et surtout le charme envoûtant des soeurs Collinson réussissent humblement à honorer la firme anglaise !

    Dédicace à Eugène Rocton
    Bruno Matéï
    3èx