mardi 9 septembre 2014

LES TUEURS DE LA LUNE DE MIEL (The Honeymoon Killers)

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Leonard Kastle. 1969. U.S.A. 1h47. Avec Shirley Stoler, Tony Lo Bianco, Mary Jane Higby, Doris Roberts, Kip McArdle, Marilyns Chris.

Sortie salles U.S: 4 Février 1970

FILMOGRAPHIE:  Leonard Kastle est un réalisateur et scénariste américain, né le 11 Février 1929 à New-York, décédé le 18 Mai 2011 à New-York.
1969: Les Tueurs de la lune de miel.


Unique réalisation de Leonard Kastle, les Tueurs de la lune de miel relate l'histoire vraie des amants meurtriers Raymond Fernandez et Martha Beck avec un réalisme proche du reportage. L'utilisation de sa photo en noir et blanc renforçant l'aspect vérité de cette histoire d'amour fou corrompue par le vice et le crime. Surnommés les "Tueurs aux petites annonces", on leur attribue au final pas moins de 17 homicides perpétrés entre 1947 et 1949. Jeune infirmière célibataire, Martha Beck décide de rencontrer un homme par le biais d'une agence matrimoniale. Raymond Fernandez, gigolo soutirant l'argent des veuves et divorcées, s'empresse de lui répondre pour lui avouer son désir d'une entrevue. Entre eux naît une étrange liaison d'adultère, puisqu'avec la collaboration de Martha endossant la fausse identité de sa soeur, Raymond continue d'escroquer ses compagnes jusqu'à l'acte criminel. En matière de crudité et de malaise tangible, on peut avouer que Leonard Kastle dérange foutrement d'accorder avec rigueur le quotidien pathétique d'un duo d'amants habité par l'argent facile et la passion amoureuse dans une complicité de perversion. A travers leur relation dévorante et leur impudence à escroquer les femmes en peine, le cinéaste s'intéresse avant tout au profil sentimental de Martha, infirmière bedonnante au physique prosaïque rongée par la jalousie. Son sentiment de rancune envers les femmes fraîchement mariées que Raymond courtise sans répit se manifeste d'abord par des tentatives de suicide afin de lui tester sa fidélité. Mais son aversion pour ces célibataires amoureuses finit par la pousser à une dérive meurtrière parmi la complicité de Raymond.


Avec une volonté d'authentifier cet exceptionnel cas de serial-killers, Leonard Kastel accorde une grande attention à décrire leur quotidien véreux lorsqu'ils emménagent mutuellement parmi la nouvelle prétendante pour l'escroquer. Leur comportement sournois et cynique engendrant un véritable malaise qui ira crescendo lorsque Martha osera commettre l'irréparable parmi l'influence de Raymond terriblement perturbé d'avoir participé à son premier meurtre. Littéralement habités par leur prestance immorale, Shirley Stoler et Tony Lo Bianco se délectent à iconiser un couple d'amoureux aussi paumés dans leur condition sociale qu'orduriers dans leurs exactions criminelles. Spoiler !!! A l'instar de cette sexagénaire assommée à coups de marteau puis étouffée à l'aide d'un foulard ou encore par le biais de cette mère sommairement abattue d'une balle dans la tête pendant que sa fille tentait d'échapper aux assaillants. Fin du Spoiler. Avec son climat étouffant littéralement irrespirable, Les Tueurs de la lune de miel nous entraîne dans une dérive meurtrière d'autant plus intense et abrupte qu'on ne la voit pas arriver ! Spoiler !!! Pour terminer, cette love story imprégnée de débauche se clôt par un épilogue sardonique lorsque la trahison de l'un engendre un châtiment punitif chez l'autre. A préciser tout de même que cette conclusion romancée ne correspond pas à la réalité des faits, le réalisateur préférant ici insister sur le caractère obsessionnel de leur relation où la jalousie incontrôlable de Martha culminera à leur arrestation. A contrario, leur procès à la peine capitale débouchant sur l'exécution à la chaise électrique s'avère fidèle à la réalité ! Fin du Spoiler.


Poisseux, malsain et terriblement incommodant, Les Tueurs de la Lune de miel peut se targuer d'être l'un des portraits de serial-killer les plus glaçants du 7 art. Du fait de son réalisme scrupuleux et du jeu intense des comédiens époustouflants de cynisme, il peut rejoindre sans rougir la liste des mastodontes reconnus, Maniac, Henry et Schyzophrenia
Pour public averti !

Bruno Matéï
3èx

lundi 8 septembre 2014

Retour vers le futur / Back to the futur

                                                                                              Photo emprunté sur Google, appartenant au site esquire.com

de Robert Zemeckis. 1985. U.S.A. 1h56. Avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Lea Thompson, Crispin Glover, Thomas F. Wilson, James Tolkan.

Sortie salles France: 30 Octobre 1985. U.S: 3 Juillet 1985

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight.


Enorme succès commercial à travers le monde, la trilogie Retour vers le futur est le fruit de la collaboration entre Steven Spielberg (producteur) et Robert Zemeckis (réalisateur). Divertissement familial par excellence, il doit son potentiel amical grâce à un pitch des plus facétieux et à la complémentarité extravagante de deux héros débrouillards. Synopsis: A l'aide d'une voiture à voyager à travers le temps, Marty, jeune collégien, se retrouve projeté 30 ans en arrière après avoir tenté d'échapper à des terroristes. Délibéré à retourner dans le futur mais ayant modifié quelque peu son destin, il doit également essayer de rétablir un contact amoureux entre ses propres parents. Ainsi, en modernisant le concept du voyage temporel par le biais d'une voiture futuriste issue des années 80, Robert Zemeckis succède également à la nostalgie des années 50 lorsque notre héros se retrouve malencontreusement exposé au sein de cette période rétro. Mêlant teen movie et science-fiction, le cinéaste utilise les mécaniques de suspense, d'humour et d'action sous l'impulsion d'un scénario calibré multipliant rapports de force (George et Marty sévèrement mis à mal par les provocations récurrentes de Biff !) et vaudeville bâti sur le flirt. 


Puisque après avoir rencontré ses jeunes parents en 1955, et à cause d'un évènement accidentel ayant modifié un paradoxe temporel, notre jeune héros devra déjouer les avances amoureuses de sa propre mère ! Tout l'intérêt de l'intrigue se focalisant sur leurs rapports délicats quand bien même Marty tentera de convaincre son (futur) père de courtiser sa (future) mère lors d'un bal de promotion. Outre la complicité amicale irrésistible exercée par nos deux héros indissociables, mutuellement campés par Michael J. Fox, en collégien plein d'entrain, et Christopher Lloyd, en savant-fou utopiste, Retour vers le Futur tire-parti d'un scénario inventif exploitant intelligemment la caractérisation des protagonistes. A l'instar du père pathétique de Marty car souffre-douleur depuis son enfance d'un camarade de classe goguenard. Alors qu'au fil de son cheminement initiatique d'oser s'affirmer aux yeux des autres, Robert Zemeckis établit une réflexion sur le dépassement de soi. C'est à dire braver ses peurs pour préserver l'estime et la confiance et émuler la concurrence afin d'accéder à la réussite. Au-delà de son enjeu majeur (renouer le contact amoureux d'une cause parentale), le film cède place ensuite au suspense d'une course contre la montre que Marty et son comparse doivent finalement entreprendre pour un retour vers le futur sans dommage collatéral. 


Sur fond d'hommage au Rock and Roll des années 50 (Marty s'improvisera d'ailleurs avant-coureur dans sa prestation musicale littéralement effrontée !) et d'un tube des eighties resté dans les mémoires (The Power Of Love incarné par Huey Lewis and The News), Retour vers le Futur confond ces deux décennies de par l'alibi du paradoxe temporel. Outre l'efficacité indéniable d'un script retors accumulant péripéties et gags verbaux, il doit autant de sa fantaisie et de sa fraîcheur à l'autorité amicale de ces personnages remarquablement dessinés. Un classique immuable d'une fraîcheur, d'une fringance et d'une cocasserie immodérées admirablement conçu pour chatoyer toute la famille. 
3èx



    vendredi 5 septembre 2014

    LA CHUTE DE LA MAISON USHER (House of Usher)

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

    de Roger Corman. 1960. U.S.A. 1h19. Avec Vincent Price, Mark Damon, Myrna Fahey, Harry Ellerbe, Mike Jordan, Eleanor LeFaber.

    Sortie salles France: 11 Mars 1964. U.S: 22 Juin 1960

    FILMOGRAPHIE: Roger Corman est un cinéaste américain, né le 5 avril 1926 à Détroit, Michigan
    1955: Day the World Ended. 1956: It's Conquered the World. 1957: Rock all Night. 1957: l'Attaque des Crabes Géants. 1957: Not of this Earth. 1957: Vicking Women. 1957: The Undead. 1958: War of the Satellites. 1958: She-Gods of Shark Reef. 1958: Swamp Women. 1958: Teenage Caveman. 1958: Mitraillette Kelly. 1959: Un Baquet de Sang. 1960: La Petite Boutique des Horreurs. 1960: La Chute de la Maison Usher. 1961: Ski Troop Attack. 1961: La Chambre des Tortures. 1961: Atlas. 1962: The Intruder. 1962: l'Enterré Vivant. 1962: l'Empire de la Terreur. 1962: La Tour de Londres. 1963: Le Corbeau. 1963: La Malédiction d'Arkham. 1963: l'Horrible cas du Dr X. 1963: l'Halluciné. 1964: LeMasque de la Mort Rouge. 1964: l'Invasion Secrète. 1965: Le Tombe de Ligeia. 1965: Not of this Earth. 1966: Les Anges Sauvages. 1967: l'Affaire Al Capone. 1967: The Trip. 1970: Bloody Mama. 1971: Gas-s-s-s. 1971: Le Baron Rouge. 1990: La Résurrection de Frankenstein.


    Première des huit adaptations d'un récit d'Edgar Poe, La Chute de la Maison Usher baigne dans le gothisme flamboyant sous la houlette du maître de la série B, Roger Corman. Particulièrement inspiré, le cinéaste fignolant une intrigue funèbre des plus subtile d'où plane la folie et l'aura surnaturelle ! Le spectateur ne sachant jamais si les évènements décrits sont le fruit de l'obsession d'un aristocrate souffrant d'hypersensibilité ou celui du pouvoir surnaturel de fantômes voués à perdurer le mal sur sa lignée. A l'entrée de la demeure des Usher, Frédéric est froidement accueilli par un majordome. Il persiste à vouloir s'introduire dans la maison pour retrouver sa fiancée Madeline afin de la demander en mariage. Mais le frère de cette dernière, Roderick Usher, s'oppose fermement à sa requête prétextant qu'elle est alitée. Philip décide alors de séjourner parmi eux afin de tenter de convaincre sa compagne de fuir les environs. 


    Série B à petit budget particulièrement soignée dans l'esthétisme gothique de sa nature environnante et d'une demeure vétuste en état de délabrement, La Chute de la maison Usher est d'abord un plaisir des yeux pour tous les amateurs d'atmosphère funèbre. Dominé par la présence du notable Vincent Price, le film renforce son impact envoûtant lorsque ce dernier endosse la posture hautaine d'un châtelain hanté par la mort, la maladie et peut-être la folie. Jouant habilement avec la suggestion de répliques ciselés pour expliquer sa besogne de rester cloîtré en huis-clos, l'acteur se prend un malin plaisir à convaincre son entourage que sa demeure vitale est habitée par d'obscurs descendants. Anciennement assassins, voleur, escroc, faussaire, catin, contrebandier ou demeuré, la lignée Usher est inscrite dans la marginalité la plus sordide. Persuadé que lui et sa soeur sont condamnés à la malédiction d'un deuil sans repos, il se résigne à attendre le bon moment pour opter le sacrifice afin de rejoindre ses ancêtres inhumés sous la crypte même de la maison. Rationnel, Philip se convainc néanmoins que sa fiancée Madeline n'est qu'une victime influençable, l'objet de manipulation exercé par un frère préférant la solitude de la mort plutôt que celle de la vie. Ultra sensible au moindre bruit, aux odeurs et au contact du touché, Roderick se lamente à survivre dans la mélancolie ! Jouant sans cesse sur la nature surnaturelle de ses allégations et sur l'emprise diabolique que semble exercer la maison, Roger Corman insuffle un climat d'étrangeté palpable au sein de cette demeure archaïque prête à s'écrouler par son âge avancé ! Pour autant, le cinéaste n'oublie pas dans sa dernière demi-heure d'accélérer le rythme d'une course contre la mort lorsque Philip tente de sauver Madeline d'une mort certaine, le suspense tendu s'avérant réellement immersif !


    Délicieusement envoûtant dans son esthétisme gothico-flamboyant et bénéficiant d'un scénario passionnant laissant libre court à l'imagination du spectateur, La Chute de la maison Usher est un magnifique exemple de fantastique éthéré où la suggestion prime pour embarquer le spectateur dans un poème diaphane, à la lisière de la vie et de la mort.

    Bruno Matéï
    2èx

    La critique du Masque de la mort rouge: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/10/le-masque-de-la-mort-rouge-masque-of.html
    La critique de La Tombe de Liegia: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/la-tombe-de-liegia-tomb-of-ligeia.html


    jeudi 4 septembre 2014

    SURVIVANCE (Just Before Dawn). Grand Prix du film d'angoisse au Rex de Paris.

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site identi.li

    de Jeff Lieberman. 1981. U.S.A. 1h37. Avec Gregg Henry, Deborah Benson, George Kennedy, Chris Lemmon, Jamie Rose, Ralph Seymour, Katie Powell, John Hunsaker.

    RécompensesGrand Prix du film d'Angoisse au Festival du Rex à Paris, en 1981.
    Prix d'interprétation Féminine pour Deborah Benson.

    FILMOGRAPHIEJeff Lieberman est un réalisateur et scénariste américain né en 1947 à Brooklyn, New-York. 1972: The Ringer. 1976: Le Rayon Bleu, La Nuit des Vers Géants. 1980: Dr Franken (TV). 1981:Survivance. 1988: Meurtres en VHS. 1994: But... Seriously (TV). 1995: Sonny Liston: The Mystérious Lie and Death of a Champion (TV).2004: Au Service de Satan.

                                        

    Un parangon du survival horrifique d'une surprenante dramaturgie affligée.
    Honnête artisan franc-tireur, Jeff Lieberman séduit les amateurs d'horreur en 1976 en réalisant simultanément deux séries B débridées plutôt bien troussées, La Nuit des Vers Géants et Le Rayon Bleu. Mais en 1981, il revigore le survival forestier avec Survivance, récompensé à juste titre du Grand Prix du film d'Angoisse et du Prix d'interprétation féminine pour Deborah Benson au festival du Rex à Paris. Rien que son générique d'ouverture, résolument crépusculaire, envoûte les sens du spectateur sous l'impulsion d'une partition ombrageuse terriblement évocatrice. Cinq amis partent en week-end pratiquer du camping sauvage dans une forêt reculée alors qu'un meurtre vient d'être commis à proximité d'une église désaffectée. Un témoin de la scène les averti qu'un démon accoutré d'une machette rode aux alentours. Croyant avoir affaire à un ivrogne demeuré, le groupe poursuit sa route s'enfonçant dans la contrée montagneuse.

                                     

    Dans la mouvance de Délivrance et de Vendredi 13Survivance est une autre référence d'efficacité horrifique (Tarantino le qualifie d'ailleurs de culte !), de par la fascination qu'insuffle son ambiance anxiogène diffuse. Ainsi, dans un premier temps, le spectateur est happé par son prologue meurtrier lorsque deux comparses éméchés vont être confrontés à une situation fortuite. Confinés dans une église désaffectée, l'un d'eux croit entrevoir du plafond ébréché la silhouette d'un étrange individu. Surpris par cette présence plutôt hostile, le témoin s'empresse de sortir de l'oratoire pour tenter de le démasquer, quand bien même son compagnon resté en interne finira assassiné à coup de machette entre les jambes ! Cette séquence brutale s'avère d'autant plutôt crue dans la manière viscérale dont Lieberman filme la mise à mort et la stupeur de la victime moribonde au gré d'un habile montage préconisant habilement le hors-champ. Et Dieu sait si la séquence extrême fait froid dans le dos par le biais du plan serré !  Fatalement, l'intrigue se focalise ensuite sur la randonnée pédestre des 5 vacanciers partis camper au fin fond de la forêt. Outre l'interprétation convaincante des protagonistes juvéniles, les évènements qui leur seront imposés s'avèrent d'autant moins convenus dans leur posture perplexe, entre sentiments d'interrogation et d'appréhension. En prime, la partition funéraire concoctée par Brad Fiedel  (sifflement entêtant à l'appui faisant écho dans la nuit !) exacerbe à merveille son climat d'insécurité au sein d'un décor forestier truffé de charisme. Car si on élude la photogénie cauchemardesque de l'inégalable Délivrance, rarement un environnement naturel n'aura paru aussi ensorcelant au sein de sa végétation délétère comme habitée par une entité maudite !

                                   

    Autour du cheminement funèbre des protagonistes, Jeff Lieberman façonne donc une tension oppressante avant l'agression de meurtres rigoureusement cruels (Spoiler ! l'homme à bout de souffle dévalant du pont à cordes, le couple polisson soudainement pris à parti avec le tueur dans la nécropole Fin du Spoiler). Chaque situation hostile étant savamment orchestrée d'éléments latents de suspense et d'angoisse plutôt que l'attrait ostentatoire d'effets gores spectaculaires. Et pour parachever dans l'effet de surprise sardonique, un rebondissement impondérable ébranlera également nos survivants et les inciter à redoubler de vigilance face à la fatalité du trépas ! Ce qui nous converge au point d'orgue radical, concocté autour d'une traque nocturne qu'un couple en légitime défense tentera de braver. D'ailleurs, en célébrant la cause féminine, on peut saluer la prestance stoïque de Deborah Benson (ovationnée de son prix d'interprétation au Rex !) d'une sobriété assez inédite pour le genre car à contre-emploi de la potiche écervelée ! Hormis ses sentiments de peur et d'intuition formidablement perceptibles, cette héroïne burnée diffuse au fil de son initiation de survie un instinct primal afin de pouvoir rivaliser avec l'animosité du tueur. En second plan, les amateurs pourront reconnaître le jeune acteur  Gregg Henry (rendu célèbre par la série TV les Héritiers ou encore par le suspense Hitchcockien,  Body Double). Sa prestance avenante en serait presque aussi convaincante si sa partenaire virile ne lui déroba la vedette. Spoiler !!! Enfin, le portrait de famille octroyé à nos tueurs azimutés rappelle indubitablement les rednecks rétrogrades de La Colline a des YeuxDélivrance ou encore Massacre à la Tronçonneuse, notamment à travers leur morphologie mongolienne  disproportionnée.  Fin du Spoiler.

                                        

    Quelques décennies plus tard et une flopée d'épigones imberbes (Détour Mortel et consorts),  Survivance  préserve son acuité anxiogène grâce en priorité à la photogénie d'une ambiance forestière incroyablement prégnante (rôle à part entière !). La qualité inhabituelle de son casting juvénile, son score funèbre incroyablement magnétique et les séquences brutales qui empiètent l'intrigue générant une angoisse diffuse plutôt que la facilité du gore outre mesure. Et pour une fois qu'une héroïne pugnace vole la vedette à tout son entourage, rare pour ne pas la mettre en valeur ! De loin, le meilleur film de Jeff Lieberman, en tous cas le plus atmosphérique, blafard et fascinant. Et puis le combat final singulier car achevé à main nue reste dans toutes les mémoires ! Une séquence dégénérée à la fois couillue, désespérée et terriblement intense ! 

    Note: A sa sortie dans certaines salles (notamment celle dont j'ai pu assister au cinéma Cantin de Lens), le film était interdit au moins de 13 ans, alors qu'en vidéo il fut proscrit aux moins de 18 ans tel qu'il était initialement prévu ! En prime, la version éditée sous le label Hollywood Vidéo est également trompeuse dans le sens où elle n'était pas rigoureusement intégrale !

    Dédicace à Guillaume Matthieu.
    16.08.11. 6
    Bruno Matéï.


    L'avis de Mathias Chaput:

    Il existe des films qui bonifient le genre auquel ils s’apparentent par leur force, leur charisme et l’aura qu’il dégage irrémédiablement, on peut dire aisément que « Survivance » se range dans cette catégorie, en liaison avec le slasher, mais en y imputant une telle vision immersive, une telle grâce et un tel talent dans l’insolite que le spectateur s’imprègne instantanément dans le métrage et ce, dès les premières secondes…

    Tout est configuré pour exercer une fascination, en partie due à la beauté des paysages et à la sensation d’étouffement lors des séquences nocturnes, le sentiment de « piège » irradie aussi bien les protagonistes du film que le spectateur, pris en tenailles dans un long cauchemar stressant et délicieux en même temps…

    L’aspect de géméléité consanguine rajoute un degré dans l’horreur et amplifie le malaise provoqué, exactement comme dans des films comme « La colline a des yeux », « Tourist trap » ou plus récemment « Wolf creek », les références sont nombreuses mais « Survivance » se démarque en sortant du lot pour imposer sa patte, son style savoureux inhérent aux chefs d’œuvre du survival américain, sa filiation directe est bel et bien le « Délivrance » de John Boorman

    La neutralité des personnages principaux fait que l’on n’a pas envie de les voir se faire zigouiller, à contrario de la saga des « Vendredi13 » avec ses jeunes débiles et peu attrayants, ici on suit le déroulement de l’histoire sans parti pris grâce à une mise en scène intelligente de la part de Lieberman, qui évite les raccourcis et la facilité, souvent employée dans les slashers de cette époque…

    Son film se rapproche plus de films comme « Unhinged » ou même de « Psychose » que des succédanés horrifiques qui florissaient à la pelle dans le cinéma américain des eighties, plombés par la vénalité et la réalisation faite à la va-vite…

    Non seulement « Survivance » est une grande réussite mais, outre le fait de passer un bon moment, il arrive à revigorer le genre du slasher en étant INSOLITE, c’est exactement le terme qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai achevé le visionnage…

    Sous couvert d’un style, « Survivance » le réinvente totalement, effaçant les codes pour les récréer lui-même, sans besoin de quiconque…

    Imparable et ayant bâti le renouveau d’un cinéma balbutiant et victime d’embolies stylistiques dès sa naissance, « Survivance » est un film qu’il faut voir impérativement, tout vient de ce film magistral qui redonna ses lettres de noblesse au slasher…

    Note : 10/10

    mardi 2 septembre 2014

    SALVADOR


                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site web-libre.org

    d'Oliver Stone. 1986. U.S.A. 2h01. Avec James Woods, James Belushi, John Savage, Elpedia Carrillo, Cindy Gibb.

    Sortie salles France: 21 Mai 1986 U.S: 23 Avril 1986

    FILMOGRAPHIE: Oliver Stone (William Oliver Stone) est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 15 septembre 1946 à New-York.
    1974: La Reine du Mal, 1981: La Main du Cauchemar, 1986: Salvador, Platoon, 1987: Wall Street, 1988: Talk Radio, 1989: Né un 4 Juillet, 1991: Les Doors, 1991: JFK, 1993: Entre ciel et Terre, 1994: Tueurs Nés, 1995: Nixon, 1997: U-turn, 1999: l'Enfer du Dimanche, 2003: Comandante (Doc), 2003: Persona non grata, 2004: Looking for Fidel (télé-film), 2004: Alexandre, 2006: World Trade Center, 2008: W.: l'Impossible Président, 2009: Soul of the Border, 2010: Wall Street: l'argent ne dort jamais. 2014: Savage.

                                   

    5 ans après la Main du Cauchemar, Oliver Stone change de registre pour porter à l'écran Salvador, un 3è long-métrage faisant office de fresque documentée car évoquant la situation chaotique d'une guerre civile au début des années 80. Alors que les américains tentent d'apaiser le conflit entre les guerilleros et la dictature militaire, le journaliste Richard Boyle décide de se rendre au Salvador pour y relancer sa carrière en photographiant les massacres de la population.


    Film coup de poing d'un réalisme rigoureux, notamment tous les affrontements belliqueux filmés en interne de la caméra portée, Salvador retransmet avec une rare intensité une situation de crise dans les bas-fonds de l'Amérique centrale. En s'inspirant de la vie du véritable reporter Richard Boyle, le film se porte également en témoignage pour décrire la profession à risque du journalisme lorsque ce dernier est prêt à s'infiltrer au sein des combats pour rapporter le cliché le plus incisif. A travers l'ambition lucrative de Richard Boyle, un alcoolo fauché bonimenteur mais loquace et plein d'audaces, c'est son évolution humaniste qui nous ait dépeint lorsqu'il observe avec impuissance les exactions barbares pratiquées sur les femmes et les enfants, sans compter viols et crimes perpétrés sur des témoins étrangers. Outre l'illustration crue de cette guerre aussi injuste que barbare, c'est également une romance poignante qu'Oliver Stone retransmet avec l'empathie de notre reporter épris d'amour pour une jeune salvadorienne. Son intégrité à vouloir la protéger l'amènera finalement à tenter de l'expatrier aux Etats-Unis en encourant des risques inconsidérés. Avec une efficacité imparable dans la conduite du récit et les rebondissements dramatiques qui interfèrent (notamment l'assassinat terroriste de l'archevêque Oscar Romero), Oliver Stone entremêle récit d'aventures, romance et drame politique en dénonçant le rôle insidieux du gouvernement américain et celui de la CIA pour sa participation criminelle avec les militaires. Si Salvador s'avère toujours aussi passionnant, révoltant et bouleversant, il le doit notamment à l'interprétation furibonde de James Woods. Habité par la fougue de dénoncer les horreurs d'une guerre ignorée des médias, l'acteur exprime une frénésie viscérale dans son comportement suicidaire eu égard de sa condition déchue de reporter.


    Parfois éprouvant dans son imagerie sordide de charnier et victimes sacrifiées, Salvador invoque l'aspect reportage d'une guerre civile opiniâtre parmi l'héroïsme suicidaire de reporters en mal de notoriété. D'une grande intensité dramatique, ce réquisitoire engendre également la désillusion d'une romance impossible auquel James Woods apporte tout son talent avec une spontanéïté bouleversante.

    Bruno Matéï


    lundi 1 septembre 2014

    Les Ruines (The Ruins).

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site firstshowing.net

    de Carter Smith. 2008. Allemagne/Australie/U.S.A. 1h33 (version intégrale inédite en France). Avec
    Jonathan Tucker, Jena Malone, Shawn Ashmore, Laura Ramsey, Joe Anderson.

    Sortie salles France: 11 Juin 2008. U.S: 4 Avril 2008

    FILMOGRAPHIE: Carter Smith est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 6 Septembre 1971. 2008: Les Ruines. 2014: Jamie Marks is dead.


    Premier long-métrage de Carter Smith, Les Ruines reprend le concept du survival en milieu hostile lorsqu'une poignée de jeunes touristes ont décidé de rejoindre le frère d'un de leurs amis parti en archéologie sur un temple Maya. Modeste série B édifiée autour d'un huis-clos singulier, Les Ruines exploite bien son décor restreint d'une pyramide lorsque des vacanciers s'y sont réfugiés après avoir été placé en quarantaine par la population locale. Car craignant une contamination irréversible, des villageois indiens les auront forcé à s'exiler jusqu'au sommet de la pyramide. La raison de cet embrigadement forcé provient de la végétation qui harponne tout le temple, une plante carnivore capable de s'infiltrer sous la peau des victimes afin de les contraindre à se mutiler. Entièrement alloué à l'enjeu de survie, les Ruines réussit habilement à provoquer inquiétude et effroi autour de protagonistes sévèrement molestés par une menace particulièrement insidieuse. A l'instar du son que la végétation réussit à imiter pour mieux les tromper et les vouer à l'échec ! Sous un climat solaire irrespirable, le film insuffle un sentiment de claustration palpable autour de la détresse de ces victimes confrontées à une épreuve de force toujours plus ardue. 


    De par les divers incidents qu'ils vont devoir produire par inadvertance (la descente du puits pour récupérer un portable leur portera de lourds préjudices !) et par la dangerosité de cette végétation particulièrement finaude lorsqu'elle s'accapare de leur corps. Totalement livrés à l'abandon, épuisés et assoiffés mais solidaires entre eux, ils vont devoir user de bravoure et constance pour éviter le pire, c'est à dire la mutilation corporelle en désespoir de cause. Ainsi, en jouant sur le caractère révulsif des situations horrifiques, Carter Smith redouble d'efficacité à élaborer des séquences d'anthologies éprouvantes de par l'ultra réalisme du gore acéré. Tant auprès de l'idée improbable de charcuter les jambes d'un estropié à l'aide d'un simple couteau ou d'entailler diverses plaies d'une camarade pour y extraire les brindilles rampantes ! Jusqu'au-boutiste, le cinéaste n'y va donc pas avec le dos de la cuillère pour répugner le spectateur à renfort d'une horreur viscérale franchement éprouvante mais dépendante au déroulement du récit. Un réalisme d'autant plus exacerbé par la dimension humaine des personnages toujours plus brimés par l'hostilité végétale au point de se réserver en dernier ressort l'affliction du suicide !


    Réalisé en toute modestie et incarné par des acteurs en herbe dont on éprouve une réelle empathie, Les Ruines puise sa force émotionnelle dans l'impact horrifique de ces scènes gores, dans la menace originale d'une végétation aride et la radicalité d'un contexte de survie poussé au paroxysme de la folie. Pour les fans purs et durs, il s'agit d'une perle d'efficacité régie sous un soleil écrasant dont certaines images viscérales restent gravées bien au-delà de la projection ! L'une des meilleures séries B des années 2000 d'un vérisme horrifique implacable. 

    Bruno 
    2èx

    vendredi 29 août 2014

    La Mariée Sanglante / La Novia Ensangrentada

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

    de Vicente Aranda. 1972. Espagne. 1h42 (version intégrale). Avec Simon Andreu, Maribel Martin, Alexandra Bastedo, Dean Selmier, Angel Lombarte.

    Sortie salles : 12 Février 1975

    FILMOGRAPHIE: Vicente Aranda est un réalisateur et scénariste espagnol, né le 9 Novembre 1926 à Barcelone. 1969: Les Cruelles. 1972: La Mariée Sanglante. 1984: A coups de crosse. 1986: Tiemp de silencio. 1987: El Lute, marche ou crève. 1991: Amants. 1993: Intruso. 1994: La Passion turca. 1995: Lumière et Compagnie. 1996: Libertarias. 1998: La mirada del otro. 1999: Celos. 2001: Juana la Loca. 2003: Carmen. 2006: Tirant le Blanc. 2007: Lolita's Club.


    Trésor ibérique exhumé de l'oubli par l'éditeur Artus Films, La Mariée Sanglante s'inspire d'un roman de Cheridan Le Fanu pour traiter du vampirisme, entre singularité et audace. On est d'abord frappé par la beauté de ces images oniriques sublimant une nature paisible et les monuments de pierre, quand bien même l'apparence soyeuse des héroïnes se charge d'une aura érotico-sensuelle. Les couleurs du mauve, du vert et du blanc se complétant à merveille pour styliser leur présence quasi surnaturelle. En parallèle, et avec défiance pour l'époque, le cinéaste saupoudre par intermittence des moments horrifiques parfois très sanglants (le rituel d'un arrachage de coeur durant un songe de Susan) dont la poésie morbide nous rappelle les excès esthétiques d'Argento à son apogée. Ainsi, en abordant les thèmes du sadomasochisme, de la phallocratie, du saphisme et du féminisme, Vicente Aranda construit un récit de prime abord abscons et tortueux pour mieux nous égarer face aux persécutions qu'une jeune mariée témoigne durant ses nuits de cauchemar. Car à peine emménagée dans le manoir de son époux, châtelain plus âgé qu'elle n'hésitant pas à lui infliger des jeux sexuels particulièrement cruels, Susan est hantée par l'emprise d'une mystérieuse Carmilla ! Régulièrement, durant ses sommeils, elle se voit contrainte d'assassiner son époux à l'aide d'un poignard affûté. Un peu plus tard, elle apprendra d'ailleurs qu'une ancêtre de son mari avait sauvagement tué son conjoint dans la même tradition. 


    Quelques jours plus tard, aux abords d'une plage, le mari de Susan fait la rencontre d'une étrange inconnue ensevelie sous le sable. Souffrante d'amnésie, il décide de l'accueillir chez elle afin de lui prêter main forte. Rapidement, une étrange relation d'affection et de cohésion naît entre les deux femmes, quand bien même Susan est de plus en plus persuadée qu'il s'agit bien de la Carmilla de ses rêves ! Ce bref résumé jouant incessamment avec les notions de rêve et de réalité témoigne d'un intense pouvoir de fascination chez le spectateur embarqué Spoilerdans une liaison vampirique où deux lesbiennes vont s'unir amoureusement pour extérioriser leur haine auprès des hommes. Fin du Spoiler. En particulier ceux témoignant d'un goût masochiste pour la cruauté perverse que le mari de Susan et sa descendance ont acquis dans la tradition. Si la première moitié du récit nous laisse dans la confusion à savoir si Susan souffre véritablement d'hallucinations, Spoiler ! la seconde partie lève le voile sur l'identité de Carmilla et ses motivations avec l'entremise de sa nouvelle proie asservie par une morsure de vampire Fin du SpoilerOr, la manière originale dont Vicent Aranda structure son intrigue est d'autant plus déconcertante qu'il distille un climat d'étrangeté ensorcelant parmi l'érotisme candide de ces deux misandres. Quand au final en demi-teinte déployant une violence sanglante radicale, il laisse place à un rebondissement cynique quand à découvrir qui emportera la victoire entre les deux sexes.


    Cauchemar éveillé faisant office de romance macabre parmi la beauté épurée de ses actrices, la Mariée Sanglante sous-tend une plaidoirie pour l'émancipation féminine lorsque le machisme primaire de l'homme laisse transparaître un goût douteux pour la violence perverse. Erotique et sensuel, trouble et vertigineux, baroque et parfois ultra sanglant (avec en sus une séquence anthologique toujours aussi bluffante), il empreinte le mythe du vampire avec autant d'esthétisme pictural que d'originalité scabreuse. L'une des pièces fondatrices du cinéma fantastique espagnol en somme.

    Bruno 
    23.04.23. 3èx

    jeudi 28 août 2014

    THE ROVER

                                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

    de David Michôd. 2014. Australie. 1h42. Avec Guy Pearce, Robert Pattinson, Scoot McNairy, Susan Prior, Anthony Hayes, David Field, Jamie Fallon.

    Sortie salles France: 4 Juin 2014. U.S: 20 Juin 2014

    FILMOGRAPHIE: David Michôd est un réalisateur australien.
    2010: Animal Kingdom. 2014: The Rover.


    Après s'être fait révélé par Animal Kingdom, un premier film déjà bien maîtrisé, le cinéaste australien David Michôd nous revient 4 ans plus tard avec un western post-apo sortant des sentiers battus. The Rover s'improvisant en odyssée funèbre que deux anti-héros vont parcourir à travers les étendues désertiques de l'Australie. Alors qu'il vient de se faire dérober sa voiture par un trio de malfrats, Eric n'a comme unique ambition de récupérer son bien, quand bien même au fil de son périple il rencontre l'un des frères du gang, Reynolds, grièvement blessé. Senti trahi, ce dernier décide de faire équipe avec l'inconnu pour l'aider à récupérer son véhicule et mettre la main sur son frangin. Oeuvre atypique baignant dans un climat de désolation cafardeux, The Rover nous plonge au sein d'un univers dystopique 10 ans après l'écroulement de l'Australie. C'est ce que nous annonce le générique d'ouverture sans savoir précisément ce qui a pu engendrer une situation économique aussi déplorable. Car dans cette contrée solaire en décrépitude, une poignée de survivants tentent encore de s'y faire une place quand bien même l'armée perpétue quelques missions afin de dénicher les malfrats les plus dangereux.


    Outre son climat morose particulièrement palpable et la dissonance de sa partition inquiétante, The Rover frappe d'emblée par l'attitude ambiguë des protagonistes. Le cinéaste nous caractérisant des marginaux le plus souvent sans vergogne car livrés à leur indépendance et déshumanisés de leur existence miséreuse où l'engrenage de la violence leur portera de lourdes conséquences. A l'instar de notre anti-héros principal décrit comme un solitaire inflexible à l'agressivité incontrôlée car sévèrement marqué par un passé tragique. Son seul point d'attache, sa voiture qu'un trio a malencontreusement volé après l'embardée de leur camion. On est d'autant plus interloqué par l'immoralité d'Eric à assassiner froidement certains innocents pour la quête dérisoire d'un véhicule à essence. Spoiler !!! Néanmoins, son bien matériel nous révélera au final un secret d'ordre affectif qu'il s'était résigné à récupérer afin de respecter une tâche. Fin du SpoilerAvec l'intervention de Reynolds, un jeune adulte influent quelque peu déficient, Eric va réapprendre à le considérer, à lui trouver un regain d'empathie au fil de leurs confidences et de leur relation compromises par les ripostes ennemies. Contraints de s'entraider au sein de ce no man's land primitif, Eric improvise la figure paternelle pour soutenir la fragilité de Reynolds mais se dirigent d'un pas hésitant vers une destinée tragique par leur raisonnement vindicatif. Avec son scénario déroutant multipliant les situations impromptues d'altercations sanglantes envers rivaux sans vocation, The Rover sème la paranoïa et la désillusion jusqu'à l'apogée d'une confrontation dérisoire Spoiler !!! (la culpabilité d'Eric laissant transparaître en désespoir de cause une larme de remord !) Fin du Spoiler.


    A History of Violence
    Avec la prestance intense d'un duo d'acteurs burinés (en démarche de fantôme errant, Guy Pearce hypnotise l'écran d'un regard frigide, quand bien même Robert Pattinson, quasi méconnaissable, époustouffle dans sa fragilité de gamin désorienté), The Rover inflige la sinistrose d'une dystopie avec une dimension atmosphérique prégnante. Par le biais d'un schéma narratif complètement aléatoire, il ne cesse de dérouter et de surprendre pour mettre en exergue la responsabilité de la violence engendrant un règlement de compte irascible où l'innocence paiera une fois de plus le lourd tribut.    

    Bruno Matéï

      mercredi 27 août 2014

      LES VAMPIRES DU DR DRACULA (La marca del Hombre-lobo)

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

      de Enrique Lopez Eguiluz. 1968. Espagne. 1h34. Avec Paul Naschy, Manuel Manzaneque, Dyanik Zurakowska, Aurora de Alba, Julian Ugarte, José Nieto.

      Sortie salles Espagne: 29 Juillet 1968

      FILMOGRAPHIE: Enrique Lopez Eguiluz est un réalisateur espagnol, né en 1930 à Madrid, décédé le 9 Mai 1997.
      1965: Pascualin. 1965: La Pandilla. 1966: En Andalucía nació el amor. 1966: Chantaje a un asesino.
      1968: Agonizando en el crimen. 1968: Les Vampires du Dr Dracula. 1970: El Santo contre les tueurs de la Mafia.


      Fer de lance de l'âge d'or du fantastique ibérique, Les Vampires du Dr Dracula inaugure notamment la première apparition du personnage de Waldemar Daninski endossé par Paul Naschy. Ancien catcheur et culturiste, cet acteur en pleine ascension se fera une spécialité à réinterpréter à l'écran son monstre favori, le loup-garou, durant une série de 12 films ! Inédit en salles en France mais aujourd'hui exhumé de l'oubli par l'éditeur Artus Films, Les Vampires du Dr Dracula est une aberration de tous les instants. Rien que le scénario improbable est à lui seul une plaisanterie au confins de la parodie. Frappé par la malédiction d'une morsure de loup-garou, le comte Waldemar Daninski sème la mort autour de lui mais se résigne à ne plus commettre d'exactions dès qu'il retrouve son apparence humaine. Pour cela, il fait appel à un ami et sa fiancée afin de le forcer à l'embrigader au fond d'une crypte. En dernier ressort, ils font tout de même appel à un illustre docteur et sa compagne pour tenter de le guérir de sa lycanthropie. Mais rien ne se déroulera comme prévu !


      Egalement attaché au poste de scénariste, Paul Naschy s'est sans doute inspiré d'un de ses films cultes de la Universal des années 30, j'ai nommé Frankenstein rencontre le loup-garou. Car à partir d'un pitch aussi rocambolesque que grotesque, il fait ici intervenir deux icônes de l'épouvante vintage, le loup-garou et le vampire, pour les voir finalement s'affronter lors d'un mémorable baroud d'honneur. Si dans la première partie, Waldemar Daninski joue le rôle d'un monstre assoiffé de sang et de violence, une pirouette scénaristique va l'amener à reconsidérer sa condition erratique de lycanthrope pour s'opposer à un ennemi particulièrement mesquin, un vampire hautain résigné à lui soutirer sa fiancée ! Bourré d'incohérences dans la réaction des personnages auquel les comédiens en font des tonnes pour provoquer émoi et élans de bravoure, Les Vampires du Dr Dracula entremêle des sous-intrigues saugrenues pour voir s'affronter à l'écran non pas un, mais deux loups-garous, quand bien même un couple de vampires y est invité pour semer leur contamination auprès des proches de Waldemar ! Ridicule et hilarant, à l'instar des dialogues ineptes que nos comédiens récitent avec le plus grand sérieux, le film réussit toutefois à nous apprivoiser par sa sincérité à nous offrir un spectacle aussi ludique que flamboyant ! Sur ce point, les Vampires du Dr Dracula s'avère une indéniable réussite esthétique n'ayant rien à envier aux travaux baroques de Mario Bava dans ces éclairages polychromes de toute beauté. Que ce soit l'architecture de l'intérieur du château, sa crypte poussiéreuse parfois chargée de néons rouges ou l'illustration nocturne d'une forêt azur, son gothisme raffiné et la rutilance de sa photographie engendrent souvent un onirisme éclatant !


      Une aberration filmique faisant office de miracle !
      Imbécile en diable et proprement aberrant dans son scénario fourre-tout, Les Vampires du Dr Dracula pallie ses nombreuses failles par une sincérité évidente, un amour immodéré à tailler un récit d'épouvante où se bousculent les monstres de notre enfance. La naïveté des comédiens gesticulant à tout va des comportements outrés et surtout l'onirisme insolite qui se détache de certaines séquences (la danse du vampire en amont d'une passerelle brumeuse pour attiser sa compagne) renforcent l'euphorie que nous procure généreusement ce nanar festif ! 

      Remerciement à Artus Films.
      Bruno Matéï

      mardi 26 août 2014

      Simetierre / Pet Sematary. Prix du Public, Avoriaz 1990.

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site team-hush.org

      de Mary Lambert. 1989. U.S.A. 1h43. Avec Dale Midkiff, Denise Crosby, Fred Gwynne, Miko Hughes, Brad Greenquist, Blaze Berdahl.

      Sortie salles France: 17 Janvier 1990. U.S: 21 Avril 1989

      FILMOGRAPHIE: Mary Lambert est une réalisatrice américaine, née le 13 Octobre 1951 à Helena, Arkansas (Etats-Unis). 1977: Rapid Eye Movements. 1987: Siesta. 1989: Bobby Brown his Prerogative (dtv). 1989: Simetierre. 1991: Grand Isle. 1992: Simetiere 2. 1994: Dragstrip Girl (télé-film). 1996: Le Visage du Mal (télé-film). 1997: Le Prix du Désir (télé-film). 1999: Clubland. 2000: In Between. 2000: Cercle Fermé. 2001: Strange Frequency (télé-film). 2001: Les Sorcières de Halloween 2 (télé-film). 2005: Urban Legend 3: Bloody Mary. 2008: The Attic. 2011: Mega Python vs. Gatoroid.


      Poème mortifère sur l'injustice et la peur de la mort, Simetierre aborde le genre horrifique avec une intelligence rare afin de décrire la descente aux enfers d'une famille incapable d'accepter l'idée de trépasser. D'après un célèbre roman de Stephen King, Simetierre tire parti d'une idée fort originale pour renouveler le mythe du zombie et engendrer une réflexion sur la souffrance aussi physique que morale. Louis Creed, Rachel et leurs deux enfants emménagent dans leur nouvelle demeure bucolique située à proximité d'une route dangereuse, des camions circulant à grande vitesse. Chaudement accueilli par leur voisin de pallier, ce dernier propose rapidement au père de famille de lui faire visiter un cimetière pour animaux, quand bien même à quelques mètres de là une autre nécropole d'origine indienne possède la faculté de ressusciter les morts ! Il aura fallu qu'un évènement tragique intente à la vie du chat de la famille Creed pour que Louis se laisse tenter par l'expérience de  la résurrection !  Baignant dans un climat funèbre perpétuellement palpable, glacial et lancinant,  Simetierre aborde le sujet de la mort sans inhibition, à l'instar de la cruelle malédiction qui s'abattra sur la famille Creed. Confrontés à une succession de deuils improvisés, ceux-ci sont caractérisés comme des citoyens égoïstes, apeurés et capricieux lorsque le fardeau de la mort les mesurent à leur douleur intrinsèque.


      C'est d'abord leur fille possessive Ellie qui voue une obsession morbide pour la survie de son chat, terrifiée à l'idée qu'un jour il puisse lui être soutiré par la faucheuse. Pendant ce temps, Louis, éminent médecin, est déjà fragilisé par la mort d'un de ses patients, quand bien même ce dernier lui revient sous l'apparence d'un zombie pour l'avertir de ne pas franchir la zone du cimetière indien. Quand à sa femme Rachel, elle reste perturbée par un épisode de son enfance lorsqu'elle devait surveiller l'état dégénératif de sa soeur souffrante du cancer. Hantée par son apparence émaciée et sa lente agonie, elle espérait finalement qu'elle meurt dans les plus brefs délais afin d'apaiser sa souffrance d'assister à son épouvantable déchéance physique. Spoiler !!! Après la mort inopinée de leur chat, il aura fallu que le fils cadet des Creed meurt accidentellement, écrasé sous les roues d'un camion, pour que le paternel se résigne à braver la loi du repos éternel, et donc de le ressusciter ! Fin du Spoiler. Le problème est que lorsque le défunt revient à la vie, c'est pour importuner les vivants de sa triste condition d'estropié hanté par l'imprécation. A travers cet argument fantastique particulièrement fascinant car posant notamment la question spirituelle de l'existence de la vie au-delà de la mort, Simetierre met à l'épreuve le courage d'une famille accablée par le deuil mais ayant la possibilité d'en violer le fondement afin pactiser avec le surnaturel !


      Vivre pour mourir
      Regorgeant de séquences impressionnantes d'une rude intensité émotionnelle (la dégénérescence corporelle de Zelda, la tragédie accidentelle du petit Gage et ses houleuses funérailles, sa vengeance implacable auprès de sa propre famille), Simetierre transplante le drame psychologique dans le cadre d'une horreur éprouvante jamais racoleuse. Il y émane une descente aux enfers implacable de par sa cruauté requise et son ironie macabre, notamment auprès de la mort insupportable d'un bambin, de sa nouvelle condition de victime récalcitrante et de l'exutoire du sacrifice qui s'ensuit ! La mort, omniprésente, n'étant à la fois qu'un rappel spirituel, une fatalité, une catharsis afin d'abréger à jamais les souffrances du défunt. 

      * Bruno
      4èx

      Récompense: Prix du Public au Festival d'Avoriaz, 1990


      lundi 25 août 2014

      Soudain... Les Monstres / The Food of the Gods. Licorne d'Or au Rex de Paris.

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site todoelterrordelmundo.blogspot.com

      de Bert I. Gordon. 1977. U.S.A. 1h28. Avec Marjoe Gortner, Pamela Franklin, Ralph Meeker, Jon Cypher, Ida Lupino, John McLiam.

      Sortie salles France: 18 Mai 1977. U.S: 18 Juin 1976

      FILMOGRAPHIE: Bert I. Gordon est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 24 Septembre 1922 à Kenosha, Winsconsin, Etats-Unis). 1955: King Dinosaur. 1957: Beginning of the end. 1957: The Cyclops. 1957: The Amazing Colossol Man. 1958: Attack of the Puppet People. 1958: War of the Colossal Beast. 1958: Earth vs. the Spider. 1960: The Boys and the Pirates. 1960: Tormented. 1962: L'Epée Enchantée. 1965: Village of the Giants. 1966: Picture Mommy Dead. 1970: How to succeed with sex. 1972: Necromancy. 1973: Le Détraqué. 1976: Soudain... Les Monstres. 1977: L'Empire des Fourmis Géantes. 1981: Burned at the Stake. 1982: Let's do it ! 1985: The Big Bet. 1990: Satan's Princess.


      Spécialiste du thème du gigantisme, Bert I. Gordon réalise avec Soudain... Les Monstres son film le plus notoire, à l'instar de sa Licorne d'Or remise par le festival du Rex de Paris. Une prestigieuse récompense plutôt surfaite car il faut bien avouer que cette bisserie d'exploitation regorge de clichés et de personnages caricaturaux déversant des dialogues parfois grotesques bien que l'on éprouve pourtant beaucoup de sympathie pour eux. Qui plus est, l'aspect cheap de certains effets-spéciaux (les guêpes géantes confectionnées en plastique, le coq en latex) témoigne d'un visuel ridicule quand bien même la simplicité de son scénario le réduit finalement au huis-clos inspiré de la Nuit des Morts-vivants ! Mais alors qu'est ce qui a bien pu passer par la tête des membres du jury parisien pour prôner une série B aussi dégingandée alors qu'une génération de cinéphiles continuent de l'applaudir ? C'est d'abord le concept du pitch délirant qui attise notre amusement car voir débouler devant nos yeux des animaux atteints de gigantisme après avoir ingurgité un produit toxique s'avère aussi enthousiasmant qu'incroyablement fascinant. Oui mais alors comment peut-on croire à pareille situation improbable si les effets-spéciaux archaïques s'avèrent fauchés ? En faisant intervenir en second acte de véritables animaux, en l'occurrence notre rongeur quadrupède, le Rat ! Et de nous faire croire de sa taille disproportionnée par des procédés techniques assez efficaces. Et à ce niveau surréaliste, le divertissement fonctionne à plein régime ! 


      Et si à certains moments, on perçoit bien les maquettes d'une voiture, d'une maison ou d'une caravane afin de camoufler leur taille anormale, à d'autres situations, le réalisateur exploite des trucages autrement astucieux lorsqu'il combine dans le même cadre personnage et animal en situation d'affrontements ou de défense ! Ce réalisme parfois saisissant atteindra d'ailleurs son apogée lors de l'ultime assaut quand nos protagonistes sont réunis sur le toit d'une maison engloutie d'eau, quand bien même les rats tente de s'agripper aux murs afin d'éviter la noyade ! Si l'aspect sommaire de l'intrigue (un groupe de survivants se réunissent dans une ferme pour se protéger du danger et tenter de trouver des solutions de survie) et certaines situations incohérentes font un peu tâche (notamment certains rapports de discorde entre eux), le réalisateur parvient néanmoins à insuffler efficacité et vigueur, tout du moins durant une bonne motié de métrage. De par ces attaques récurrentes du rat contre l'homme faisant intervenir moult péripéties - surtout lorsque nos survivants sont séparés en groupe - alors qu'un leader courageux redouble de ruse pour essayer de les combattre (notamment le projet de faire exploser un barrage). En prime, le caractère sanglant des agressions ajoute une certaine intensité cruelle lorsque les victimes tentent vainement de se débattre contre l'animal !


      Ainsi, sous couvert d'un argument écolo militant contre les dangers de la pollution, Soudain... les Monstres exploite une série B maladroite émaillée d'incohérences dans les réactions ubuesques des personnages, mais redoutablement fun, fascinante surtout et ludique dès que le rongeur entre en scène. D'autre part, il se dégage une réelle empathie auprès de la complicité amicale de nos protagonistes en proie à l'improbable, voire aussi à travers leur rapport de divergence rehaussé de l'amabilité de seconds couteaux bien connus des amateurs (Marjoe Gortner et Pamela Franklin pour ne citer que les plus illustres !). Enfin, et en me répétant sciemment, ce divertissement typiquement bisseux tire évidemment  parti de son attraction et de sa puissance fascinatoire en la présence du rat comparable ici à une taille de sanglier afin d'y provoquer l'effroi. Et à ce niveau d'intensité formelle, cette formidable série B est à marquer d'une pierre blanche d'autant plus renforcée aujourd'hui de son aspect rétro bougrement sympathique.  

      *Bruno
      5èx

      RécompenseLicorne d'Or au Festival international du film Fantastique de Paris en 1977