mercredi 11 février 2015

SAMBA

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site inthemoodlemag.com

de Eric Toledano et Olivier Nakache. 2014. France. 2h00. Avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izïa Higelin, Youngar Fall, Isaka Sawadogo, Hélène Vincent.

Sortie salles France: 15 Octobre 2014

FILMOGRAPHIE: Olivier Nakache est un réalisateur, scénariste et acteur français, né à Suresnes le 14 Avril 1973. Il travaille souvent en coréalisation avec Eric Toledano. Il est le frère de l'actrice Géraldine Nakache.
Eric Tolédano est un réalisateur, scénariste, acteur et dialoguiste français né le 3 juillet 1971 à Paris. Il travaille régulièrement avec Olivier Nakache sur l'écriture et la réalisation de longs-métrages.
2005: Je préfère qu'on reste amis... 2006: Nos jours heureux. 2009: Tellement proches. 2011: Intouchables. 2014: Samba


Trois ans après le phénomène Intouchables, le duo Eric Toledano/Olivier Nakache renoue avec la comédie sociale sans se laisser influencer par la facilité de la déclinaison. Samba privilégiant les rapports amoureux entre un jeune sénégalais en situation irrégulière et une cadre dépressive en voie de convalescence. Cumulant les p'tits boulots et le travail au noir, Samba est contraint d'exercer l'illégalité, notamment en falsifiant de faux papiers, afin de tenter de se faire une place dans une France gagnée par le chômage et l'immigration de masse. Avec l'appui d'un comparse arabe également en situation illégale, il va tenter de conquérir le coeur d'Alice tout en essayant de se construire une vie sociale décente.


Si la nouvelle présence d'Omar Sy et le retour du duo gagnant Toledano/Nakache laissait craindre une resucée d'Intouchables, ces derniers sont loin de s'être laissés distraire par leur notoriété pour bâtir une nouvelle comédie dramatique axée sur la condition précaire des sans-papiers. Si l'aspect irrésistiblement comique de leur précédent succès avait su faire preuve de subtilité pour traiter également avec émotion poignante l'inattendue complicité entre un aristocrate paraplégique et un jeune délinquant, Samba change littéralement de registre pour s'orienter plutôt vers la romance et la cocasserie de situations intimistes inscrites dans le cadre d'un quotidien blafard. Bien que le rythme de la narration pâti parfois de légers signes d'essoufflement, la bonhomie attachante des personnages en quête d'insertion sociale et de fondation amoureuse, et la sincérité des cinéastes à ne pas les confiner dans le misérabilisme ou le sentimentalisme, réussissent à combiner une aventure humaine inscrite dans les instants de tendresse, d'amitié (Tahar Rahim prêtant sa confiance avec une spontanéité expansive dans celui de l'acolyte serviable !) et d'appréhension pour l'exclusion. Outre la posture naturelle d'un Omar Sy plein de doute et de précarité dans sa fonction clandestine d'immigré (un rôle à contre-emploi du boute-en-train d'Intouchables), Samba est également illuminé par la personnalité fragile de Charlotte Gainsbourg. Endossant la position timorée d'une cadre supérieure aujourd'hui reconvertie en bénévolat chez les sans-papiers, l'actrice dégage une sensualité prude dans la suavité de ses sentiments. A travers leur complicité fébrile sans cesse repoussée par l'hésitation, Samba transmet non sans fioriture leurs vicissitudes humaines parmi le réalisme de confrontations tantôt cocasses, tantôt dramatiques, à l'instar de son final poignant où perce une émotion douloureuse.


Retenue, réalisme et sincérité sont les maîtres mots du duo Toledano/Nakache d'avoir su illustrer avec légèreté la rédemption amoureuse d'un sénégalais sans papier avec une notable dépressive, tout en portant témoignage à la difficile insertion de ces immigrés souvent contraints de frauder pour se faire une maigre place dans l'hexagone. Outre la simplicité des séquences intimistes et d'autres plus enjouées (la soirée dansante improvisée sur un tube de reggae !), la participation harmonieuse des comédiens accordent sans outrance leur soutien au récit initiatique de Samba, notamment lors de petits instants de poésie !

Bruno Matéï 



mardi 10 février 2015

HOUSEBOUND. Grand Prix, NIFF 2014, Prix du Public, FEFFS 2014.

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site addictedtohorrormovies.com

de Gerard Johnstone. 2014. Nouvelle-Zélande. 1h49. Avec Morgana O'Reilly, Rima Te Wiata, Glen-Paul Waru, Cameron Rhodes, Ross Harper, Ryan Lampp.

Sortie salles Nouvelle-Zélande: 4 Septembre 2014. U.S: 17 Octobre 2014

Récompenses: Grand Prix au NIFFF 2014 et du Prix du Public au FEFFS 2014,

FILMOGRAPHIE: Gerard Johnstone est un réalisateur et scénariste néo-zélandais,
2008/09: The jaquie brown diaries (Serie TV). 2014: Housebound 


Inédit en salles en France malgré son Grand Prix décerné au Niff et son Prix du Public attribué au Feffs, Housebound est une production néo-zélandaise détonante dans son télescopage de comédie pittoresque, thriller criminel et horreur gothique. Inscrit dans la débrouillardise cérébrale grâce à l'ossature d'une intrigue riche en rebondissements impromptus (si on fait fi de petites incohérences), Housebound fait office d'attraction foraine, notamment par l'énergie communicative que les protagonistes insufflent avec une dérision percutante. Après le braquage raté d'un distributeur de banque, la jeune délinquante Kylie est contrainte d'accepter la sentence du bracelet électronique pour retourner chez sa mère durant 8 mois de détention. Alors qu'elle surprends cette dernière déclarer à la radio que sa maison est hantée, Kylie va personnellement se rendre à l'évidence que d'étranges phénomènes inexpliqués intentent à la tranquillité familiale. 


Modeste entreprise érigée sous le moule de la série B, Housebound renoue avec l'éclat des premières oeuvres bricolées, de par sa sincérité indéniable pour le(s) genre(s) et ses trouvailles retorses privilégiant revirements en estocade plutôt que l'esbroufe racoleuse. Grâce à l'habileté de son scénario échevelé (même si sa première demi-heure marque certains signes d'essoufflement !) et la fougue héroïque de personnages aussi décalés que maladroits, le cheminement narratif ne cesse de nous surprendre par l'entremise du simulacre, du subterfuge, du retournement de situation et du faux coupable. Utilisant les codes éculés de la demeure hantée et ceux du thriller criminel (à savoir les exactions d'un éventuel serial-killer !), Housebound réussit à dépoussiérer les genres dans un esprit aussi pittoresque que dramatique (son final réussit même à provoquer une véritable émotion lorsque l'héroïne se retrouve confrontée à sa caricature par l'entremise de dessins !). Sans déflorer d'indices sur l'investigation surnaturelle impartie entre celle-ci et son agent de probation, le film exploite judicieusement le faux-semblant pour mieux nous surprendre dans une mosaïque de situations toujours plus cartoonesques (la dernière partie s'avérant effrénée par son lot de courses-poursuites meurtrières et chausse-trappes !). Soulignant en sous-texte social le rôle pédagogique des parents lorsqu'un mineur est confronté à la révolte de sa solitude, Gerard Johnstone utilise l'alibi du divertissement afin de mettre en exergue l'initiation à la tolérance et l'estime de soi lorsqu'une marginale en quête de vérité s'accorde sagacité et bravoure (parmi l'appui de sa mère !) afin d'éclaircir l'incompréhension.


Conjuguant avec brio, et dans une facture gothique, les éléments de comédie, d'horreur et de thriller, Housebound sait également maîtriser un suspense exponentiel par l'appui d'un montage vigoureux et la structure débridée d'une intrigue soumise à l'audace des protagonistes. Il en émane un divertissement décoiffant, véritable pochette-surprise d'une satire imposée à la discorde familiale et l'apprentissage de la confiance. 

Bruno Matéï


lundi 9 février 2015

HONEYMOON

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site rhinoshorror.com

de Leigh Janiak. 2014. U.S.A. 1h27. Avec Rose Leslie, Harry Treadaway, Ben Huber, Hanna Brown

Sortie US uniquement en Vod: 12 Septembre 2014

FILMOGRAPHIE:  Leigh Janiak est un réalisateur et scénariste américain.
2014: Honeymoon


Première réalisation de Leigh Janiak après sa sélection officielle à Gérardmer 2015, Honeymoon relate la lune de miel d'un couple d'amoureux dans un chalet champêtre. En plein milieu de la nuit, Paul surprend sa compagne Bea égarée dans la forêt. Prétextant une crise de somnambulisme, le couple tente d'oublier cet étrange incident. Mais au fil des jours, Paul commence à suspecter l'humeur versatile de son épouse, notamment ses pertes de mémoire inexpliquées. 


Production indépendante au budget minimaliste et constitué essentiellement de deux acteurs (si on épargne le 1er quart-d'heure !), Leigh Janiak emprunte la voie du huis-clos à partir d'un concept horrifique subtilement amené et à l'intersection de la science-fiction (les flashs de lumières aveuglantes que Paul observe de la fenêtre de sa chambre en cours de nuit !). Accordant toute son importance à la caractérisation humaine des deux protagonistes, Honeymoon puise sa force dans la remise en question du couple d'amoureux pris à parti avec une situation improbable et ne cessant de se contredire pour la quête de vérité. S'attardant dans un premier temps à surligner leur rapport affectueux dans des moments intimistes de tendresse et de vivacité, nous nous éprenons inévitablement de compassion avant que leur déchéance morale ne viennent nous tourmenter par leur discorde quotidienne toujours plus fébrile. Autour des ces rapports houleux, un climat anxiogène se fait toujours plus pesant lorsque Paul va rapidement déceler que le comportement farouche de son épouse risque de nuire à son état mental (notamment sa défaillance cognitive). Grâce au jeu naturel des comédiens alternant la fraîcheur de leur complicité et la contraction de la méfiance, l'intrigue suggère une inquiétude toujours plus tangible au fil de péripéties de plus en plus pessimistes. Tout l'intérêt résidant dans son suspense progressif et le climat oppressant d'observer méticuleusement leur déchéance morale face à une énigme inexpliquée. En prime, par le biais du refus du happy-end et un désir jusqu'au-boutiste de confronter ces amants au seuil de la folie, le point d'orgue, cauchemardesque et viscéral (une séquence malsaine pourrait d'ailleurs évoquer aux fans du genre un moment anthologique d'X-tro, sans compter son image finale !) risquera d'en dérouter plus un. 


En dépit d'un final irrésolu laissé en suspens (une manière autrement audacieuse d'entretenir le mystère !) et risquant de diviser une partie du public, Honeymoon s'avère suffisamment captivant, anxiogène et cauchemardesque par l'esthétisme de sa nature en demi-teinte (sérénité et opacité de la flore se confondent pour perdre nos repères !), et surtout par sa subtile mise en scène préconisant l'intensité d'un jeu d'acteurs inscrits dans la fougue des sentiments et l'emprise paranoïaque. Une découverte intéressante, honnête échantillon d'un Fantastique éthéré. 

Remerciement à Jacques Coupienne
Bruno Matéï


vendredi 6 février 2015

LE MANOIR DE LA TERREUR (The Blancheville Monster - Horror Castle - Horror - Demoniac)

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorpedia.com

d'Alberto De Martino. 1963. Italie/Espagne. 1h27. Avec Gérard Tichy, Leo Anchoriz, Ombretta Colli, Helga Liné, Iran Eory, Vanni Materassi, Francisco Moran.

Sortie Salles Italie: 6 Juin 1963. Espagne: 18 Mai 1964.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Alberto De Martino est un réalisateur et scénariste italien, né le 12 Juin 1929 à Rome.
1962: Les 7 Gladiateurs. 1963: Persée l'Invincible. 1963: Le Manoir de la Terreur. 1964: Le Triomphe d'Hercule. 1964: Les 7 Invincibles. 1966: Django tire le premier. 1967: Opération frère Cadet. 1968: Rome contre Chicago. 1969: Perversion. 1972: Le Nouveau Bosse de la Mafia. 1974: L'Antéchrist. 1977: Holocaust 2000


Inédit en salles en France mais sorti en Vhs au début des années 80 sous le titre Demoniac, Le Manoir de la terreur est ce que l'on peut citer une "perle gothique" du cinéma transalpin que l'éditeur Artus Films nous fait l'honneur d'exhumer via une édition Dvd de qualité. Prévenons tout de suite les amateurs néophytes de ne pas confondre avec le sympathique nanar Le Manoir de la Terreur réalisé en 1981 par Andréa Bianchi, puisqu'en l'occurrence il s'agit d'une oeuvre préalablement tournée en 1963 sous l'égide du vénérable Alberto De Martino (l'Antéchrist, Holocaust 2000). Accompagné de son ami, Emily part rendre visite à son frère auquel il est devenu propriétaire d'un château depuis la mort accidentelle de son père lors d'un incendie. Sur place, outre l'accueil froid de son confrère, elle établit la rencontre suspicieuse du majordome, de la gouvernante et du nouveau praticien. Un soir, des hurlements se font écho dans la nuit ! Son père serait finalement en vie secrètement caché dans l'enceinte du château, quand bien même Emilie va se retrouver confrontée au sacrifice pour le compte d'une prédiction ! 


Véritable bijou du Bis Gothique injustement méconnu et déconsidéré à son époque, Le Manoir de la Terreur fait la part belle à l'univers d'Edgar Allan Poe par son atmosphère lugubre ensorcelante régie autour de monuments historiques, et pour certains thèmes judicieux exploités au cinéma de cette époque (je pense particulièrement à Roger Corman pour La Chute de la Maison Usher et à L'Enterré Vivant). Transfiguré par un superbe noir et blanc contrastant avec l'architecture du manoir situé à proximité d'une abbaye en ruine et d'une chapelle, la nature environnante est également à l'appel pour nous enivrer dans sa facture étrangement poétique (à l'instar de cette forêt décharnée ou des songes obsédants fantasmés par Emilie !). Avec une volonté de styliser le cadre gothique, Alberto De Martino y compose parfois des tableaux d'un onirisme enchanteur (Emilie, hypnotisée par le monstre, traverse durant la nuit, telle un fantôme vêtu de blanc, une allée du château pour rejoindre l'abbaye et y contempler sa tombe !). Outre l'intensité de son climat ombrageux auquel le film baigne avec volupté, Le Manoir de la Terreur est rehaussé d'une intrigue criminelle machiavélique brouillant les pistes à souhait pour mieux nous égarer dans un dédale de faux coupables et simulacres. Alberto De Martino se délectant à nous manipuler dans la caractérisation insidieuse de protagonistes cachottiers tout en utilisant les ressorts dramatiques de victimes tourmentées et molestées. Alors que durant sa dernière partie davantage oppressante, les rôles vont subitement s'inverser pour enfin lever le voile sur le véritable traître et percer le mystère entourant la prophétie des Blackford. 


Sobrement interprété par des comédiens au charisme aristocratique jusqu'aux moindres seconds-rôles (je ne suis pas prêt d'oublier la posture rigide et le regard reptilien de la gouvernante endossée par Helga Liné) et réalisé avec brio dans l'esthétisme gothique d'un noir et blanc immaculé, Le Manoir de la Terreur se permet surtout de fignoler un suspense retors autour d'une conspiration habilement détournée ! Un des plus beaux trésors de la bannière Artus Films et sans nul doute un des meilleurs films de son auteur. 

Remerciement à Artus Films
Bruno Matéï


jeudi 5 février 2015

LE CHAT A 9 QUEUES (Il gatto a nove code)

                                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site pariscine.com

de Dario Argento. 1971. France/Allemagne/Italie. 1h51. Avec Karl Malden, James Franciscus, Cinzia de Carolis, Catherine Spaak, Pier Paolo Capponi, Horst Frank, Rada Rassimov.

Sortie salles France: 11 Août 1971. Italie: 11 Février 1971

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


"Un chat à neuf queues est un instrument de torture - un fouet - composé d'un manche de bois de 30 à 40 cm de long auquel sont fixées neuf cordes ou lanières de cuir d'une longueur qui varie de 40 à 60 cm dont chaque extrémité mobile se termine par un nœud."

Deuxième volet de sa trilogie animalière, le Chat à 9 queues possède une facture américaine imposée par son distributeur de même nationalité depuis l'énorme succès de l'Oiseau au plumage de Cristal, Argento étant chargé de recruter deux acteurs dont ses choix se porteront sur Karl Malden et James Franciscus. Mais ce n'est pas tout, alors que le cinéaste souhaitait à l'origine l'actrice italienne Tina Aumont pour endosser un des premiers rôles, son producteur réfute sa proposition pour lui imposer l'illustre Catherine Spaak. C'est aussi en raison de ces discordes qu'Argento ne porte pas trop dans son coeur le Chat à 9 QueuesAprès la découverte d'un gardien assassiné dans un institut de recherche génétique, un aveugle et un journaliste décident de s'associer pour enquêter sur cet homicide ainsi que le mystérieux vol d'un dossier concernant des chromosomes exclusifs. Alors que d'autres meurtres compliquent leur investigation, de potentiels suspects et l'indice d'une médaille commencent à porter leur fruit. 


Si on peut facilement admettre que Le Chat à 9 Queues s'avère en effet le plus faible de la trilogie, l'intrigue (inaboutie) s'avère suffisamment ombrageuse, parfois tendue (le dernier tiers multipliant rebondissements alertes dans une progression du suspense maîtrisée !), émaillé de meurtres stylisés (les strangulations sont très impressionnantes dans leur crudité assumée !) ou spectaculaires (l'éviction d'une victime sur les rails d'un train, la chute d'une autre dans le couloir câblé d'un ascenseur) et parfaitement interprétée (Malden et Franciscus se complètent à merveille dans leur fonction d'investigateurs scrupuleux) pour emporter l'adhésion. Et cela en dépit de conventions du genre policier, d'un humour potache dispensable et d'un rythme parfois défaillant, principalement sa première partie un peu trop conformiste (à l'instar de cette poursuite urbaine inutile perpétrée contre une patrouille de policiers). Au-delà de l'originalité de son énigme (le concept scientifique du gêne Y double permettant de démasquer plus facilement les assassins violents !) évoluant autour des tabous homosexuels et incestueux et multipliant potentiels coupables et fausses pistes, on retiendra surtout du Chat à 9 queues ces 45 dernières minutes savamment palpitantes dans ses péripéties accordées et son suspense infaillible. A l'instar de cette visite nocturne empruntée dans le caveau d'un cimetière, ou lors de la traque du tueur imposée sur les toits d'un immeuble ! Des séquences angoissantes, violentes et réalistes dont le clou de la cruauté culmine avec le kidnapping d'une fillette molestée devant nos yeux ! 


En dépit de ses défauts précités (notamment ce rythme sporadique d'une enquête en dent de scie) et du manque de motivation de la réalisation (même si l'on reconnait en intermittence la patte du maestro), le Chat à 9 queues s'avère néanmoins attachant, atmosphérique et davantage captivant, comme le souligne le sublime score de Morricone avec candeur mélancolique. 

Bruno Matéï
3èx

Ci-dessous, les chroniques des 2 autres volets:
Oiseau au Plumage de Cristal (l'): http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/loiseau-au-plumage-de-cristal-luccello.html

mercredi 4 février 2015

L'HOMME QUI RETRECIT (The Incredible Shrinking Man)

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmsduparadoxe.com

de Jack Arnold. 1957. U.S.A. 1h21. Avec Grant Williams, Randy Stuart, April Kent, Paul Langton, Raymond Bailey, William Schallert.

Sortie salles France: 17 Mai 1957. U.S: Avril 1957

Récompenses: Prix Hugo du meilleur film en 1958.

FILMOGRAPHIE: Jack Arnold est un réalisateur américain, né le 14 Octobre 1916, décédé le 17 Mars 1992.
1950: With These Hands. 1953: Le Crime de la semaine. 1953: Filles dans la nuit. 1953: Le Météore de la nuit. 1954: l'Etrange Créature du lac noir. 1955: La Revanche de la créature. 1955: Tornade sur la ville. 1955: Tarantula. 1955: Crépuscule Sanglant. 1956: Faux Monnayeurs. 1957: l'Homme qui Rétrécit. 1957: Le Salaire du Diable. 1958: Le Monstre des abîmes. 1958: Madame et son pilote. 1959: Une Balle signé X. 1960: La Souris qui rugissait. 1961: l'Américaine et l'amour. 1964: Pleins phares. 1969: Hello Down There. 1975: The Swiss Conspiracy.


Grand classique de la science-fiction au pouvoir de fascination prégnant, à l'instar du Voyage Fantastique de Richard Fleischer, L'Homme qui Rétrécit relate les vicissitudes de Scott Carey, un homme subitement atteint de miniaturisation après avoir été incidemment aspergé d'un pesticide et après être passé sous un nuage radioactif en mer. Ayant effectué divers examens pour se rassurer, les médecins impuissants n'ont aucun recours pour le soigner. Confiné dans une maison miniature que son épouse a aménagé à l'intérieur de leur foyer, Scott finit par rencontrer l'hostilité du chat, faute de son rétrécissement régressif, et se retrouve coincé dans la cave après leur altercation. Destiné à survivre dans ce gigantesque endroit caverneux, il va tenter par tous les moyens de regagner l'issue de secours pour alerter son épouse, et en dépit de sa dégénérescence physique. 


Film d'aventures fertile en rebondissements et redoutablement efficace dans sa succession de revirements cauchemardesques, (l'inondation dans la cave, l'escalade des escaliers, le piège à rat, puis les affrontements périlleux entrepris avec un chat ou une araignée rendus géants sous les yeux du héros), L'Homme qui rétrécit redouble d'intensité et de réalisme face à son concept délirant de miniaturisation humaine. A l'aide d'effets spéciaux simplistes mais souvent adroits et parfois très impressionnants, le film réussit à alterner l'amusement et l'inquiétude exponentielle lorsque le héros, toujours plus petit, est contraint de survivre dans un nouvel environnement qu'il ne reconnait plus. Notamment lorsqu'il est confronté à cette loi du plus fort lorsque la taille de l'ennemi, disproportionnée, profite de sa prétention physique pour mieux écraser le plus faible ! Jouissif en diable par son action trépidante et ses trucages délirants de maquettes grandioses, mais également pessimiste et abrupt dans le cheminement désespéré du héros toujours plus infime, l'Homme qui Rétrécit amène une réflexion spirituelle sur notre place dans l'univers lorsqu'un nouveau monde s'ouvre à nous. Par le courage, la persévérance et le dépassement de soi d'affronter des épreuves de survie, notre héros finit pas accepter son destin dans sa condition infinitésimale, avec comme éthique existentielle que l'incroyablement petit et l'incroyablement grand sont étroitement liés au cercle de l'infini.  


Chef-d'oeuvre écolo fustigeant les dangers de la radioactivité et celle de la pollution, plaidoirie pour le droit à la différence, réflexion métaphysique sur notre poste dans l'univers, l'Homme qui Rétrécit épouse autant la carte du divertissement roublard à travers ces morceaux d'anthologie aussi réalistes qu'intenses, et auprès de la dimension humaine du héros livré à une solitude finalement optimiste (perdurer au-delà du néant par l'infiniment petit !). 

Bruno Matéï
3èx

mardi 3 février 2015

Baron Blood / Baron Vampire /Gli orrori del castello di Norimberga

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Wikipedia

de Mario Bava. 1972. Italie/Allemagne de l'Ouest. 1h38 (Italie) / 1h30 (U.S.A.). Avec Joseph Cotten, Elke Sommer, Massimo Girotti, Rada Rassimov, Antonio Cantafora, Umberto Raho, Luciano Pigozzi.

Sortie salles Italie: 25 Février 1972

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non crédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt et Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


Un an après son chef-d'oeuvre la Baie Sanglante, Mario Bava retourne au gothique avec Baron Blood  inspiré de l'Homme au masque de cire et du Fantôme de l'Opéra. Tourné en 5 semaines dans la région d'Autriche, l'intrigue relance les exploits criminels du sinistre Baron Otto Van Kleist depuis qu'un couple osa invoquer des incantations dans son manoir historique par le biais d'un parchemin. Autrefois réputé pour avoir agi comme un tortionnaire sadique auprès des villageois, sa dernière victime, une sorcière, promis de s'y venger avant de périr sur le bûcher. Accueilli par son oncle dans un château prochainement mis aux enchères, Peter Kleist et sa nouvelle compagne Eva Arnold sont les nouveaux témoins des exactions du baron avant d'élaborer une stratégie de défense parmi l'entremise d'une médium. Ce drôle de scénario brassant également certains éléments du Masque du Démon et de la Chambre des Tortures  pâti un peu de situations conventionnelles auprès de la visite guidée des protagonistes et ces poursuites exercées entre le tueur et la victime. 


Non exempt d'incohérence (comment le baron peut-il changer à sa guise d'apparence physique ? N'était-il pas condamné à souffrir sous son visage difforme ?), Mario Bava parvient pourtant à maintenir un suspense sur l'identité du fantôme tout en continuant de fignoler à merveille l'ambiance crépusculaire d'un manoir gothique saturé d'éclairages surréalistes. Passé maître dans l'art d'y transcender une scénographie macabro-sensuelle, le cinéaste montre une fois de plus l'étendue de son talent dans un souci esthétique prégnant. En prime, il est amusant de contempler le faciès vérolé du fameux baron ressemblant à s'y méprendre à une tarte à pizza auprès de sa physionomie génialement putrescente rongée par les siècles de l'âge ! Soutenu d'un score rétro de Stelvio Cipriani typiquement latin, Baron Blood réussit donc à fasciner dans une certaine mesure et à entretenir l'intérêt à travers ce climat funèbre parfois endeuillé de morts brutales car émanant d'instruments de torture (le cercueil garni de pointes acérées faisant son petit effet de répulsion). Et si l'intrigue piétine un tantinet par quelques sautes de rythme vite pardonnables, la bonhomie attachante des personnages, le cheminement délirant du dénouement et surtout l'icone morbide du personnage du Baron permettent de nous distraire dans une facture Bis inhabituelle de la part du maître transalpin car d'un modernisme visuel et expressif aussi audacieux que singulier. 


Indubitablement attachant, ludique et fascinant, tout du moins pour l'amateur éclairé, Baron Blood  dégage un délicieux parfum vintage auprès de son icone torturée et de son architecture alambiquée  quant au château autrichien faisant office de rôle à part entière, car filmé sous toutes les coutures avec un art consommé de l'inventivité baroque. Sans compter sa nature et ce village fantasmatiques (splendide poursuite nocturne nappée de brume) où plane par ailleurs l'entité d'une sorcière crevant l'écran par sa présence transie. A réhabiliter.  

*Bruno
10.02.24. 4èx