mardi 13 janvier 2015

L'ECHINE DU DIABLE (El espinazo del diablo). Prix du Jury, de la Critique Internationale et du Jury jeunes, Gérardmer 2002.

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site bronxscine.wordpress.com

de Guillermo Del Toro. 2001. Mexique/Espagne. 1h46. Avec Eduardo Noriega, Marisa Paredes, Federico Luppi, Fernando Tielve, Inigo Garcés.

Sortie salles Espagne: 20 Avril 2001. France: 8 Mai 2002

FILMOGRAPHIE: Guillermo Del Toro est un réalisateur, scénariste, romancier et producteur américain, né le 9 Octobre 1964 à Guadalajara (Jalisco, Mexique).
1993: Cronos. 1997: Mimic. 2001: l'Echine du Diable. 2002: Blade 2. 2004: Hellboy. 2006: Le Labyrinthe de Pan. 2008: Hellboy 2. 2013: Pacific Rim.


"N'oublions pas que nous sommes tous, et avant tout, des êtres déviants et marginaux. On est toujours l'étranger de l'autre." Guillermo Del Toro.

Pour son 3è long-métrage, et bien avant Le Labyrinthe de Pan, Guillermo Del Toro avait déjà abordé le thème douloureux de l'innocence bafouée par la guerre d'Espagne des années 30. Multi récompensé dans divers festivals, L'Echine du Diable emprunte le genre fantastique pour mettre en exergue un drame psychologique d'une rare dureté dans le traitement infligé aux personnages car sévèrement contrariés par une situation sociale en déclin et d'être ensuite molestés par un facho aussi cupide que fourbe. Sur ce point, on peut saluer la prestance insidieuse du bellâtre Eduardo Noriega endossant de manière viscérale un criminel sans vergogne habité par le Mal. Métaphore du fascisme, Del Toro restitue à travers cet antagoniste l'esprit dictateur de la guerre d'Espagne, celle de la période Franquiste, et le châtiment intenté aux enfants orphelins où les fantômes du passé patientent leur revanche. Alors que Carlos vient de perdre son père, il est envoyé par son tuteur dans l'orphelinat de la directrice Carmen et du docteur Casares. Sur place, il doit faire face aux provocations railleuses de certains camarades et de l'attitude castratrice de Jacinto, un trentenaire exploitant la faiblesse des autres par son aimable apparence. Rapidement, Carlos est désorienté par les visions récurrentes d'un fantôme infantile. Durant son intégration, il va tenter de percer le mystère qui entoure la disparition du jeune Santi avant que la direction ne décide de quitter les lieux, faute d'une guerre civile incontrôlable.


Sous couvert d'argument surnaturel, Guillermo Del Toro aborde la barbarie de la guerre Franquiste avec une belle singularité dans le cadre ensoleillé d'un orphelinat réduit au confinement. Baignant dans une poésie macabre stylisée pour les apparitions spirituelles de Santi, le film privilégie le suspense lattent autour du sort tragique autrefois intenté à ce bambin martyr. Et de transcender la caractérisation fragile des autres enfants avec une dimension désespérée car apeurés des exactions immorales de Jacinto. Du point de vue des adultes, Del Toro dessine également le portrait torturé d'un couple de sexagénaires discrédités par l'adultère et l'appât du gain, Spoiler ! Carmen s'autorisant au cours de certaines nuits les avances sexuelles de Jacinto. Rongée par le remord de son infidélité, leur relation va finalement éclater au grand jour lorsque son compagnon Casarès décide de quitter les lieux avec les enfants en daignant emporter un trésor de la cause républicaine. Fin du Spoiler. C'est à partir de ce départ précipité que l'intrigue va décupler son intensité dramatique dans les stratégies meurtrières intentées au couple de fuyards, à une jeune gouvernante et aux orphelins. Récit initiatique où les enfants sont confrontés à la dérive criminelle d'un être démoniaque (et non à celui du fantôme revanchard !), ils sont contraints de s'unifier et rétorquer par la légitime violence pour retrouver leur indépendance. Eprouvant par sa violence réaliste car souvent exercée avec une lâcheté intolérable, l'Echine du Diable met donc en relief le désespoir de survivants de la guerre contraints de vivre avec leurs démons intérieurs et de se rebeller contre l'ennemi, alors qu'un enfant martyr veille à concrétiser sa revanche.


Les fantômes du passé
Grave, difficile, cruel et éprouvant mais plein de sensibilité pour la dimension déchue de ces protagonistes en perdition, l'Echine du Diable exploite l'argument fantastique avec l'intelligence d'une situation historique de triste mémoire (le spectre d'une guerre) tout en portant humble témoignage à la maltraitance infantile. Un chef-d'oeuvre d'onirisme singulier dont il est difficile d'évacuer sa rigueur émotive.   

La critique du Labyrinthe de Pan (le): http://brunomatei.blogspot.fr/2013/08/le-labyrinthe-de-pan-el-laberinto-del.html

Bruno Matéï
2èx

Récompenses:
Festival du film fantastique d'Amsterdam 2002 : Grand Prix d'argent du meilleur film fantastique européen pour Guillermo del Toro
Festival international du film fantastique de Gérardmer 2002 : Prix du jury, Prix de la critique internationale et Prix du jury jeunes de la région Lorraine
MTV Movie Awards Latin America 2002 : meilleur mexicain travaillant à l'étranger pour Guillermo del Toro (également nommé pour Blade 2)
Young Artist Awards 2002 : meilleur jeune acteur dans un film international pour Fernando Tielve

lundi 12 janvier 2015

ORCA

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemotions.com

de Michael Anderson. 1977. U.S.A. 1h32. Avec Richard Harris, Charlotte Rampling, Will Sampson, Bo Derek, Keenan Wynn, Robert Carradine.

Sortie U.S: 22 Juillet 1977. France: 21 Décembre 1977

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Michael Anderson est un réalisateur britannique, né le 30 Janvier 1920 à Londres.
1949: Private Angelo. 1950: Waterfront. 1956: 1984. 1956: Le Tour du monde en 80 Jours. 1960: Les Jeunes Loups. 1961: La Lame Nue. 1965: Opération Crossbow. 1975: Doc Savage arrive. 1976: L'âge de cristal. 1977: Orca. 1979: Dominique. 1980: Chroniques Martiennes. 1989: Millenium. 2000: Pinocchio et Gepetto. 2008: Tenderloin.


Comparé à tort comme un ersatz trivial des Dents de la Mer dès sa sortie, Orca n'a pourtant pas la prétention d'émuler le modèle de Spielberg, tant au niveau de son budget beaucoup plus modeste, de l'émotion empathique qu'il procure auprès du monstre marin que de l'intrigue focalisée sur la fonction vindicative entre un homme et un orque. Dans la lignée de Moby Dick, Orca relate l'implacable vengeance d'un épaulard auprès d'un capitaine ayant tué accidentellement une femelle lors d'une chasse en mer. Appâté par le gain d'une juteuse récompense, Nolan s'était mis en tête de capturer l'animal pour l'offrir dans un centre de loisir et ainsi pouvoir hypothéquer son bateau. Seulement, la traque se solde par un grave incident lorsque la femelle décide de se suicider en s'accrochant au moteur du bateau. Après avoir réussi à embarquer à bord l'animal grièvement blessé, un foetus s'en extrait de son estomac ! Témoin de l'horrible scène, le mâle décide d'entamer une vendetta criminelle auprès du capitaine et de ses sbires.


En dénonçant la cruauté de la chasse et le châtiment exercé auprès des orques lorsqu'ils sont envoyés dans des aquariums pour contenter la clientèle de parcs d'attraction, Michael Anderson prend inévitablement parti pour la cause animale et n'hésite pas à nous ébranler lorsqu'une femelle orque à l'agonie nous dévoile en dernier ressort la vision d'effroi de son bébé mort-né ! Soutenue par la sublime partition élégiaque d'Ennio Morricone et renforcé des hurlements stridents (comparables à ceux des humains) des épaulards en détresse, la première partie provoque une émotion accablée face à leur condition de souffre-douleur de l'homme, quand bien même un orque venait de sauver de la mort un biologiste lors d'une plongée sous-marine. La séquence illustrant ensuite le deuil communautaire du mâle emportant sa défunte sur les flots s'avère le moment le plus bouleversant dans sa poésie mélancolique et crépusculaire où la nature semble également pleurer leur triste fardeau. La seconde partie laisse place au revirement agressif de l'animal lorsqu'il décide d'affronter les membres de l'équipage du capitaine Nolan installés à proximité d'un hameau balnéaire. Hormis le caractère prévisible de ses situations belliqueuses et de la traque qui s'ensuit, Orca réussit avec efficacité à réguler l'intérêt de sa vendetta, notamment parmi la prise de conscience du capitaine Nolan, endossé avec autorité par le vétéran Richard Harris. Totalement impressionné par l'arrogance meurtrière de l'animal et hanté par le remord, car ayant préalablement vécu la même situation de deuil parental (sa femme et son fils ont été sacrifiés lors d'un accident de voiture par la faute d'un chauffard !), Nolan reconnait soudainement en lui ses prétentions d'orgueil, d'hypocrisie, de lâcheté et de cupidité qu'une biologiste militante (Charlotte Rampling, pourvu de son habituel charme vénéneux !) va également rappeler à la tolérance. La dernière partie, haletante et spectaculaire, nous dévoile enfin la traque impitoyable impartie entre nos deux adversaires, sachant que l'orque, seul mammifère au monde capable de tuer par vengeance, s'avère redoutablement finaud et opiniâtre dans sa soif de justice. Malgré son mea-culpa, l'homme s'avère donc ici contraint de combattre l'animal à armes égales et dans un ultime baroud d'honneur !


Si on aurait préféré à ce que l'intrigue soit plus intense et captivante dans les enjeux de survie et de rébellion et que la réalisation aurait mérité à être un peu plus solide, Orca réussit pourtant à provoquer l'émotion lors de cette traque improbable où, pour le coup, l'animal peut enfin parfaire sa revanche sur l'homme. Un beau film d'aventures, humble et dénué de prétention, émaillé de séquences spectaculaires parfois impressionnantes, et soutenu du score lancinant de Morricone

Dédicace à Gwendoline Lefaucheur
Bruno Matéï
3èx

    vendredi 9 janvier 2015

    LA BALANCE. César du Meilleur Film, 1983.

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site purepeople.com

    de Bob Swaim. 1982. France. 1h42. Avec Nathalie Baye, Philippe Léotard, Richard Berry, Christophe Malavoy, Jean-Paul Comart, Bernard Freyd, Maurice Ronet.

    Sortie salles France: 10 Novembre 1982

    FILMOGRAPHIE: Bob Swaim (Robert Frank Swaim Jr.) est un réalisateur et scénariste français, né le 2 Novembre 1943 à Evanston, Illinois, U.S.A. 1971: L'autoportrait d'un pornographe. 1972: Vive les Jacques. 1977: La Nuit de Saint-Germain des Prés. 1982: La Balance. 1986: Escort Girl. 1988: Mascarade. 1992: L'Atlantide. 1994: Parfum de meurtre (télé-film). 1995: Femme de passions (télé-film). 1998: Le Défi. 2004: Nos amis les flics. 2006: Lumières Noires.


    Pour faire face à la croissance d'une nouvelle criminalité, "sauvage" et plus violente, la police judiciaire crée les Brigades Territoriales, seules unités de la police intégrées dans le tissu urbain de la pègre. Chaque groupe a son propre réseau d'informateurs sans lequel il ne peut pas travailler. L'informateur ou l'indic est appelé par le milieu "la Balance". 

    Gros succès commercial de l'époque, La Balance fut également le grand gagnant des Césars si bien qu'il remporta en 1983 trois récompenses, Meilleur Film, Meilleur Acteur pour Philippe Léotard et Meilleure actrice pour Nathalie Baye. Polar d'action rondement calibré, tant au niveau de son efficace narration dressant le portrait sans concession d'une police insidieuse auprès de ses indics que de l'interprétation solide des stars montantes du cinéma français (Leotard/Baye/Berry), La Balance  s'alloue également d'une mise en scène nerveuse de par sa facture américanisée ! A l'instar de la sanglante fusillade urbaine perpétrée en plein carrefour embouteillé. Natif des U.S.A., on sent bien que Bob Swain daigne dépoussiérer le cinéma français à travers sa réalisation vigoureuse alternant poursuites en voiture (ou à pied) dans les bas-fonds parisiens, règlements de compte sanglants, trafics de drogue et passage à tabac de malfrats à la petite semaine.


    Ainsi donc, en dénonçant les méthodes perfides de la police s'évertuant à faire chanter un indic pour atteindre un plus gros bonnet mafieux, et n'hésitant pas à employer la violence ou falsifier une preuve pour exécuter froidement un malfrat, la Balance s'épanche autant sur la relation singulière d'un macro au grand coeur avec une jeune prostituée. Outre la lâcheté des flicards prêts à faire assassiner un indic pour mieux alpaguer leur cible, le réalisateur s'attarde donc à nous attacher sur la romance impossible entre Dédé et Nicole, couple de paumés pervertis par leur condition marginale mais éperdument amoureux l'un pour l'autre. La grande force du film résidant notamment dans leur complicité humaine fragile, désoeuvrée et torturée lorsqu'ils sont contraints de collaborer avec l'insigne pour dénoncer un complice ou lorsqu'ils doivent endurer séances d'interrogatoire et harcèlement moral. Outre la prestance solide du duo Philippe Leotard (macro besogneux à la gueule de chien battu !), Nathalie Baye (catin enjouée au caractère bien trempé !), les seconds rôles (Richard Berry, Christophe Malavoy, Jean-Paul Comart, Bernard Freyd) ne sont pas en reste pour insuffler spontanément une cohésion solidaire à enrayer un dangereux mafieux (Maurice Ronet taillé dans l'élégance et le sang-froid en caïd renommée !) et son comparse (Tchéky Karyo épris de lâcheté en salop sans vergogne !).


    Passionnant à travers son cheminement narratif en suspens, transgressif auprès de la caractérisation d'une Brigade Territoriale à la morale douteuse, et réaliste de par sa violence parfois brutale et pour la peinture urbaine d'un Paris insalubre, La Balance insuffle surtout une empathie ambiguë pour les amants en perdition en concertation avec des flics mesquins. Et si la chanson du générique liminaire s'avère aujourd'hui inévitablement obsolète, ne vous méprenez pas, La Balance demeure l'un des polars les plus excitants des années 80 ! 

    * Bruno
    3èx

    Récompenses: César du Meilleur Film
    César de la Meilleure Actrice, Nathalie Baye
    César du Meilleur Acteur, Philippe Léotard


      jeudi 8 janvier 2015

      REC. Prix du Public, Prix du Jury, Gérardmer 2008

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

      de Paco Plaza et Jaume Balaguero. 2007. Espagne. 1h15. Avec Manuela Velasco, Pablo Rosso, Ferran Terraza, Jorge Serrano, Javier Botet, Martha Carbonell.

      Sortie salles France: 23 Avril 2008. Espagne: 23 Novembre 2007.

      FILMOGRAPHIE: Paco Plaza est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1973 à Valence (Espagne). 2002: Les Enfants d'Abraham. 2004: L'Enfer des Loups. 2006: Scary Stories. 2007: REC. 2008: REC 2. 2012: REC 3 Genesis. Jaume Balaguero est un réalisateur et scénariste espagnol, né le 2 Novembre 1968 à Lérida (Espagne). 1999: La Secte sans Nom. 2002: Darkness. 2005: Fragile. 2006: Scary Stories (A louer). 2007: REC. 2008: REC 2. 2011: Malveillance. 2014: REC Apocalypse.


      Premier volet d'une quadrilogie très inégale, Rec impressionna sans ambages le public lors de sa sortie, à l'instar de ces prix remportés à Gérardmer et à Catalogne. Car misant beaucoup sur l'effet de surprise des nombreuses agressions erratiques, le film s'édifie en train-fantôme cartoonesque lorsque les survivants d'un immeuble tentent de se protéger contre la menace virale d'individus atteints de cannibalisme. Partant du concept en vogue du Found Footage, Rec emprunte la voie du huis-clos pour insuffler sentiment de claustration et poussée d'adrénaline dans l'enceinte de cet appartement barricadé par les forces de l'ordre.


      La faute incombant au chien d'un propriétaire ramené chez le vétérinaire après avoir contracté une éventuelle rage. Terriblement contagieux, la police décide donc de placer en quarantaine tous les locataires de l'immeuble au moment même où une équipe de pompiers y étaient dépêchés après la plainte d'un résidant. Enfin, un duo de journalistes qui étaient venus réaliser un reportage au siège même des sapeurs-pompiers se retrouve pris au piège parmi eux. A l'aide d'une caméra portée à l'épaule, ils décident de filmer leur condition de survie afin de divulguer aux médias et à la population la situation alarmiste d'une contagion inexpliquée. Ultra réaliste, les deux réalisateurs comptent donc sur le principe du docu-vérité et la persuasion des comédiens en roue libre pour foutre les pétoches et rendre plausible une histoire d'infectés, juste avant de culminer vers un dénouement inopinément sataniste. A cet égard, son point d'orgue filmé en vision infra-rouge réussit à provoquer un sentiment de peur inusité en jouant habilement sur la pénombre d'une pièce ornée de reliques et documents religieux, et ce avant de nous dévoiler l'apparence famélique d'un terrifiant individu. Pourvu d'un humour noir sous-jacent mais aussi d'un ton décalé dans les mouvements de panique, de par les hystéries et paranoïas collectives, les réactions imprévisibles des contaminés furibonds et leurs altercations sanguinaires, Rec exploite à peu de choses près la même recette que son binôme Evil-dead pour divertir le spectateur embarqué dans une délirante montagne russe.


      Très efficace car aussi réaliste que ludique à travers son apanage de péripéties horrifiques et jump-scares impromptus (2 demeurent fulgurants au point de réellement bondir de son siège !), Rec exploite assez habilement son concept de Found Footage autour d'un huis-clos de tous les dangers. L'idée finaude de compromettre thématique virale et possession sataniste apportant également un peu de sang neuf au genre éculé. Mais aussi fun et trépidant qu'il soit, Rec attise finalement plus la réjouissance que la terreur escomptée (si on épargne certains moments chocs impactant et la teneur inquiétante de son dénouement infiniment effrayant à marquer d'une pierre blanche). 

      *Bruno
      29.04.23. 3èx

      Récompenses: Prix du Jury, Prix du jeune public, Prix du Public à Gerardmer, 2008
      Prix du Meilleur Film Fantasporto
      Prix du Public, Prix de la critique, Prix du Meilleur Réalisateur, Prix de la Meilleure Actrice (Manuela Velasco) au Festival du film de Catalogne, 2007

        mercredi 7 janvier 2015

        New-York ne répond plus / The Ultimate Warrior


        de Robert Clouse. 1975. U.S.A. 1h35. Avec Yul Brynner, Max von Sydow, Joanna Miles, William Smith, Richard Kelton, Stephen McHattie, Darrell Zwerling, Lane Bradbury, Nate Esformes, Mel Novak...

        Sortie en salles en France le 7 Janvier 1976 (Int - 18 ans)

        FILMOGRAPHIE: Robert Clouse est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 6 mars 1928, décédé le 4 Février 1997 à Ashland (Oregon). 1970: La Loi du talion. Dreams of Glass. 1973: Opération Dragon. 1974: La Ceinture Noire. Les 7 Aiguilles d'or. 1975: New-york ne répond plus. 1977: The Pack. De la neige sur les Tulipes. 1978: Le Jeu de la Mort. 1979: The London Connection. 1980: The Kids who Knew to Much (télé-film). 1980: Le Chinois. 1981: Force 5. 1982: Les Rats Attaquent. 1985: Gymakata, le Parcours de la mort. 1990: China O'Brien. 1991: China O'Brien 2. 1992: Ironheart.


        Spécialiste du cinéma d'action, Robert Clouse réalise en 1975 un western d'anticipation réunissant à l'écran deux illustres briscards du cinéma de papa: Max Von Sydow et Yul Brynner. Précurseur de Mad-Max 2New-York ne réponds plus dépeint à l'aide de moyens modestes la survie de deux clans rivaux pour la sauvegarde d'une semence végétale après une terrible catastrophe écolo. Le Pitch Au milieu de cet affrontement, Carson, mystérieux solitaire surgi de nulle part décide de s'interposer pour faire front à leur situation désespérée après une transaction avec le "baron".  Ce leader pacifique s'avérant également le fermier d'un potager de légumes qu'un agronome a miraculeusement réussi à semer. Ces graines reproductives, véritables espoirs pour le futur de l'humanité, deviennent dès lors la mission de sauvegarde de Carson, qui, avec l'aide de la fille du Baron, doit se réfugier dans les tunnels de Manhattan pour rejoindre une île fertile. Mais l'impitoyable "rouquin" et ses sbires sont plus que jamais déterminés à s'emparer des précieuses graines ! Au travers de ce scénario alarmiste évoquant le problème de dénutrition (préalablement décriée dans le chef-d'oeuve écolo Soleil Vert), la régression humaine dans un semblant de société et les erreurs de jugement lors d'une hiérarchie instable (la bévue du Baron a accuser le faux coupable d'un vol de tomate et la conséquence tragique qui s'ensuit !), Robert Clouse privilégie la bande dessinée ludique sous couvert d'affrontements belliqueux entre bandes rivales. Juste avant que n'intervienne l'ultime guerrier (qu'incarne avec virilité imperturbable Yul Brynner !),  solitaire venu prêter main forte au groupe pacifiste dirigé par le "Baron" (qu'endosse studieusement Max Von Sydow en leader placide et circonspect !).


        A travers l'iconisation de cet étranger venu secourir la survie d'un groupe pacifiste, on peut suggérer que Georges Miller s'en est sans doute inspiré pour porter à l'écran Mad-Max 2Mel Gibson symbolisant également ce héros individuel engagé dans la mission périlleuse d'expatrier un groupe de survivants vers une nouvelle contrée pour les sauver de la barbarie de punks motorisés. A l'instar également de John Carpenter avec New-York 1997, le cinéaste réussit à transcender sa modestie budgétaire pour mettre en relief le climat de désolation urbaine d'immeubles saccagés et de terrains vagues en décrépitude plus vrais que nature. D'un réalisme étonnamment brutal pour l'illustration primitive des règlements de compte et coups bas, le film déploie souvent une âpre sauvagerie (sans une once d'humour à l'horizon !) dans les nombreux duels fréquemment perpétrés au couteau (Yul Brynner s'avérant sacrément musclé et véloce pour décourager ses ennemis !), lapidations, défenestrations et lynchages en communauté, ou encore dans la mort hors-champs d'un nouveau-né réduit à l'abandon. Pour preuve, et à juste titre, le film écopa d'une interdiction au moins de 18 ans lors de sa sortie en salles ! Outre sa première heure rondement menée multipliant affrontements physiques, stratagèmes de survie, traîtrise et échappatoire pour s'approprier la denrée nutritive, je ne manquerai pas de souligner (avec nostalgie !) sa dernière partie confinée dans les sous-sol d'un métro désaffecté ! Une longue poursuite aussi haletante que sanglante (la fameuse séquence du tranchage de main à la hache s'avère assez intense de par sa situation désespérée de survie, quand bien même un rival est violemment empalé d'un crochet dorsal !) lorsque Carlson et la fille du baron tentent de se faire la mâle pour rejoindre l'île en s'opposant aux rixes meurtrières des assaillants du "rouquin" !


        Réalisé avec savoir-faire auprès de sa mise en scène nerveuse et d'une narration limpide constamment efficace, New-York ne répond plus s'édifie en classique old school des seventies, post-nuke avant-coureur de l'illustre trilogie, Mad-Max. Traitant du sens du sacrifice, du devoir et du courage afin de cristalliser un monde meilleur, cette solide série B aussi dure que très sombre (à privilégier d'ailleurs la VO plus contractée et réaliste) sait également rendre atmosphérique son urbanisation décharnée où la violence incisive qui en émane est exploitée pour dénoncer la dérive primitive de survivants réduits à la famine, à la solitude et à la déréliction dans leur cocon exigu. Mené avec aplomb par deux vétérans (oh combien) charismatiques et rehaussé d'un score aux accents westerniens, cette BD dystopique demeure toujours aussi attractive, glaciale, barbare et trépidante. 

        Anecdote: à sa sortie aux USA, les scènes de combat à l'arme blanche ont tellement impressionné certains spectateurs de l'époque que durant quelques mois, les ventes de couteaux avaient augmenté de 2% le temps de l'exploitation du film en salles !

        *Bruno Matéï
        02.06.22. 5èx
        07.01.15. 
        05.02.10.


        mardi 6 janvier 2015

        BOYHOOD. Ours d'Argent du Meilleur Réalisateur, Berlin 2013.

                                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site nightlightcinema.com

        de Richard Linklater. 2002/2014. U.S.A. 2h46. Avec Ellar Coltrane, Patricia Arquette, Ethan Hawke, Lorelei Linklater, Zoe Graham, Tamara Jolaine, Nick Krause.

        Sortie salles France: 23 Juillet 2014. U.S: 11 Juillet 2014.

        FILMOGRAPHIE: Richard Linklater est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 30 Juillet 1960 à Houston, Texas. 1985: Woodshock (court-métrage). 1988: It's Impossible to learn to plow by reading books. 1991: Slacker. 1993: Génération Rebelle. 1995: Before Sunrise. 1996: SubUrbia. 1998: Le Gang des Newton. 2001: Waking Life. 2001: Tape. 2003: Rock Academy. 2004: Before Sunset. 2005: Bad News Bears. 2005: Fast Food Nation. 2006: A Scanner Darkly. 2008: Inning by inning: a portrait of a coach (doc). 2009: Me and Orson Welles. 2012: Bernie. 2013: Before Midnight. 2014: Boyhood. 2015: That's What I'm Taljing About.


        Chronique familiale centrée sur le cheminement initiatique d'un enfant de 6 ans jusqu'à l'âge de sa majorité, Boyhood présente la particularité d'avoir été tourné durant plus de 12 ans afin de coller au plus près de la transformation physique des personnages. Pas de recours au maquillage donc ou de substituer l'acteur par un sosie pour divulguer leur nouvelle morphologie de maturité, mais simplement miser sur la présence naturelle de comédiens physiquement marqués par l'avancement de l'âge. Cet aspect inédit et couillu d'avoir osé suivre durant 12 longues années leur croissance physique engendre un parfum d'authenticité assez troublant dans la peinture de cette famille frappée par les aléas de l'existence.


        Le réalisateur comptant notamment sur le jeu naturel de ces comédiens confondants d'aplomb ou de spontanéité dans leur condition humaine en constante mutation. Particulièrement le jeune Ellar Coltrane se fondant dans la peau d'un adolescent discret avec retenue et sagesse de son caractère flegme. Par son tempérament docile et tolérant s'y dégage une sobre émotion d'une intensité parfois accrue dans le reflet de ses sentiments. Fresque fleuve étalée sur une durée de 2h46, Boyhood transfigure l'intimisme d'une famille désunie avec un sens de vérité proche du reportage. On peut peut-être même évoquer une certaine allusion au cinéma de John Cassavetes dans certains sujets traités et la manière prude dont Richard Linklater filme les sentiments des personnages parmi la véracité de leur fragilité humaine. En abordant les thèmes universels de la famille, de l'amour, de la réussite professionnelle, de la puberté, de la maturité, de l'éducation parentale, puis ceux, plus graves, du divorce, de l'alcoolisme et la violence au sein du couple, Boyhood se condense en hymne à la vie du point de vue d'un adolescent en éveil de raisonnement. Le spectateur observant méticuleusement les points essentiels de son évolution à travers le témoignage de la responsabilité parentale, des camarades de classe, des premiers flirts de l'amour puis la déception qui s'ensuit avant de renouer avec l'optimisme d'une nouvelle rencontre. La manière habile et scrupuleuse dont la mise en scène fait preuve pour véhiculer l'émotion est entièrement adaptée à la caractérisation autonome des personnages confrontés au désordre de l'existence (la désillusion amoureuse, la discorde parentale, la crainte de l'échec, la peur de la solitude) mais épris d'une inévitable ambition à braver les difficultés sociales et humaines. C'est à dire celles de concrétiser leur carrière professionnelle, affirmer l'estime de soi et continuer de cueillir les nouvelles rencontres.


        Sans aucun artifice dans son souci avisé de filmer la vie dans sa plus sobre intimité, Boyhood évite tout écueil de complaisance ou de pathos pour faire naître l'émotion. Outre la virtuosité de la mise en scène documentée, le cinéaste misant sur la candeur des ces comédiens habités par la fougue existentielle et la passion des sentiments, sans fioriture et encore moins d'emphase. 

        Bruno Matéï

        Récompenses:
        Festival international du film de Berlin 2014 :
        Ours d'argent du meilleur réalisateur pour Richard Linklater
        Reader Jury of the Berliner Morgenpost
        Prize of the Guild of German Art House Cinemas
        Festival international du film de Melbourne 2014 : People's Choice Award du meilleur film (1re place)
        Festival international du film de Saint-Sébastien 2014 : Grand prix de la FIPRESCI7
        Festival international du film de San Francisco 2014 : Founder’s Directing Award pour Richard Linklater
        Festival international du film de Seattle 2014 :
        Golden Space Needle du meilleur film
        Meilleur réalisateur pour Richard Linklater
        Meilleure actrice pour Patricia Arquette
        South by Southwest 2014 :
        Louis Black Lone Star Award
        Special Jury Recognition
        American Film Institute Awards 2014 : top 10 des meilleurs films de l'année
        Boston Society of Film Critics Awards 2014 :
        Meilleur film
        Meilleur réalisateur pour Richard Linklater
        Meilleure distribution
        Meilleur scénario pour Richard Linklater (ex-æquo avec Alejandro González Iñárritu pour Birdman)
        Meilleur montage pour Sandra Adair
        British Independent Film Awards 2014 : meilleur film indépendant international
        Chicago Film Critics Association Awards 2014 :
        Meilleur film
        Meilleur réalisateur pour Richard Linklater
        Meilleure actrice pour Patricia Arquette
        Gotham Awards 2014 : Audience Award
        Los Angeles Film Critics Association Awards 2014 :
        Meilleur film
        Meilleur réalisateur pour Richard Linklater
        Meilleure actrice pour Patricia Arquette
        Meilleur montage pour Sandra Adair
        National Board of Review Awards 2014 : top 2014 des meilleurs films
        New York Film Critics Circle Awards 2014 :
        Meilleur film
        Meilleur réalisateur pour Richard Linklater
        Meilleure actrice dans un second rôle pour Patricia Arquette
        Washington D.C. Area Film Critics Association Awards 2014 :
        Meilleur film
        Meilleur réalisateur pour Richard Linklater
        Meilleure actrice dans un second rôle pour Patricia Arquette
        Meilleur espoir pour Ellar Coltrane
        National Society of Film Critics Awards 2015 :
        Meilleur réalisateur pour Richard Linklater (1re place)
        Meilleure actrice dans un second rôle pour Patricia Arquette (1re place)
        Meilleur film (2e place)

        lundi 5 janvier 2015

        DRACULA, PERE ET FILS

                                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site team-hush.org

        d'Edouard Molinaro. 1976. France. 1h35. Avec Bernard Menez, Christopher Lee, Marie-Hélène Breillat, Catherine Breillat, Bernard Alane, Jean-Claude Dauphin.

        Sortie salles France: 15 Septembre 1976

        FILMOGRAPHIE: Edouard Molinaro est un réalisateur et scénariste français, né le 13 Mai 1928 à Bordeaux, en Gironde, décédé le 7 Décembre 2013 à Paris.
        1958: Le Dos au mur. 1959: Des Femmes disparaissent. 1959: Un Temoin dans la ville. 1960: Une Fille pour l'été. 1961: La Mort de Belle. 1962: Les Ennemis. 1962: Les 7 Pêchers capitaux. 1962: Arsène Lupin contre Arsène Lupin. 1964: Une Ravissante Idiote. 1964: La Chasse à l'Homme. 1965: Quand passent les faisans. 1967: Peau d'Espion. 1967: Oscar. 1969: Hibernatus. 1969: Mon Oncle Benjamin. 1970: La Liberté en Croupe. 1971: Les Aveux les plus doux. 1972: La Mandarine. 1973: Le Gang des Otages. 1973: L'Emmerdeur. 1974: L'Ironie du sort. 1975: Le Téléphone Rose. 1976: Dracula, père et fils. 1977: L'Homme pressé. 1978: La Cage aux Folles. 1979: Cause toujours... tu m'intéresses ! 1980: Les Séducteurs. 1980: La Cage aux Folles 2. 1982: Pour 100 briques t'as plus rien... 1984: Just the way you are. 1985: Palace. 1985: L'Amour en douce. 1988: A gauche en sortant de l'ascenseur. 1992: Le Souper. 1996: Beaumarchais, l'insolent. 1996: Dirty Slapping (court-métrage).


        Comédie pittoresque tournée vers la fin des années 70, Dracula, père et fils exploitait le filon en vogue de la parodie parmi l'association improbable d'un duo de comédiens antinomiques. C'est d'ailleurs ce que nous suggère l'intrigue puisque, après avoir fui la Roumanie communiste pour s'expatrier en France, Dracula, père et fils, se retrouvent en rivalité afin de courtiser une jolie pubard ! Dans sa condition précaire d'être mi-vampire, mi-humain et avant de pouvoir s'émanciper de sa déveine, Ferdinand essaie de ressembler à son père mais se retrouve travailleur immigré dans une province touchée par le chômage. De son côté, après s'être exilé en Grande-Bretagne, et fort de sa stature aristocrate, Dracula est rapidement enrôlé pour accepter le rôle d'un vampire dans une production horrifique. Si Ferdinand s'acharne infructueusement à se nourrir de sang frais en essayant de mordre à maintes reprises de quelconques victimes, Dracula est tombé sous le charme de Nicole abordée sur le plateau du tournage. Tout aussi amoureux, son fils va tout mettre en oeuvre pour la sauvegarder de la morsure immortelle de son père !


        Il fallait oser, faire réunir à l'écran le légendaire Christopher Lee et le boute-en-train Bernard Menez sous l'égide du réalisateur de l'Emmerdeur et de la Cage aux Folles ! Vaudeville horrifique centré autour des vicissitudes de Dracula et de son fils, car communément épris de rivalité filiale, Dracula, Père et Fils peine à insuffler une quelconque drôlerie dans son lot de gags visuels ou verbaux aussi obsolètes que lourdingues. Epaulé d'un Christopher Lee manifestement gêné d'avoir eu à participer à telle pantalonnade, la comédie prête plus à engendrer le timide sourire dans son lot de situations farfelues incrédules. Néanmoins, en faisant preuve d'indulgence et d'un soupçon de nostalgie, l'aventure peut tout de même s'avérer sympathique parmi la complicité improbable de nos deux comédiens. Si son analyse sur le paraître (notamment celle de Ferdinand dans sa condition de faux vampire !), le chômage et la situation des immigrés au milieu des années 70 fait preuve de lucidité à opposer l'inégalité des classes sociales et le besoin d'affirmation (le cheminement évolutif de Ferdinand), le scénario peine malgré tout à captiver par son manque de drôlerie et la mollesse d'une réalisation peu inspirée.


        Inévitable nanar franchouillard à l'humour bon enfant, Dracula, père et fils peut engendrer la sympathie dans ces facéties archaïques à répétition et dans l'effet de curiosité imparti au duo insolent, Christopher Lee/Bernard Menez.

        Bruno Matéï
        2èx

        vendredi 2 janvier 2015

        Peur Bleue (Silver Bullet)

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

        de Daniel Attias. 1985. U.S.A. 1h35. Avec Gary Busey, Everett McGill, Corey Haim, Megan Follows, Robin Groves, Leon Russom.

        Sortie salles France: 15 Janvier 1986. U.S: 11 Octobre 1985

        FILMOGRAPHIE: Daniel Attias est un réalisateur et producteur américain, né le 4 Décembre 1951 à Los Angeles. 1985: Peur Bleue.


        Adaptation ratée d'un roman de Stephen King, Peur Bleue trouva néanmoins son public (adolescent) à l'époque de sa sortie ciné et Vhs au point que certains aficionados lui vouent aujourd'hui un statut de petit classique bisseux. Le pitchAlors qu'un loup-garou sévit dans une bourgade bucolique du Maine, le jeune paraplégique Marty finit par soupçonner le révérend du coin d'être à l'origine de cette vague de meurtres. Avec l'aide de son oncle et de sa soeur, ils vont tenter d'appréhender le monstre en façonnant une balle d'argent. Avec un scénario aussi superficiel, une réalisation des plus passables, ces dialogues puérils et ces situations tantôt improbables (Marty hurlant de l'intérieur d'une grange pour se faire entendre d'un tracteur assourdissant situé de l'extérieur!), tantôt grotesques (la chasse nocturne au loup-garou dans la forêt prête à l'hilarité de par le comportement ignare de rednecks justiciers), Peur Bleue  attise la médiocrité par sa facture de produit de commande uniquement vendu sur la notoriété de Stephen King.


        Et pourtant, aussi imbitable que cela puisse paraître, le film réussit quelque peu à séduire à travers l'émotion naïve qu'il procure. De par l'attitude malhabile des personnages se fondant dans la peau d'enquêteurs héroïques à la petite semaine et du cadre solaire d'une bourgade bucolique où chaque citadin se côtoient en aimable harmonie (pour un peu, on se croirait dans un Spielberg ou dans Stand by me pour la stature innocente impartie aux ados rebelles !). Assez bien mené auprès de son rythme de croisière alternant investigation criminelle, braconnage nocturne, poursuites haletantes et agressions sanglantes, Peur Bleue s'attribue aussi d'un zest de gore pour ses séquences-chocs les plus violentes, quand bien même les métamorphoses minimalistes du loup-garou réussissent gentiment à impressionner parmi le latex artisanal des effets-spéciaux. Mais si l'indéniable sympathie sauve finalement du naufrage cette aventure sans surprises, elle le doit prioritairement à la caractérisation de héros à la fois bonnards et amiteux, telle l'assistance taquine de l'oncle obtus auprès de Marty, jeune paraplégique que Corey Haim  endosse avec une innocence naturelle à travers ses rapports amicaux et les conflits tendus entretenus avec sa soeur et son oncle. Ce dernier s'avérant attachant dans sa fonction de secouriste de dernier ressort que Gary Busey incarne avec une bonhomie parfois grotesque (la maladresse de ses répliques le réduisant au beauf tête à claque !).


        Epaulé du monologue d'une narratrice suave dissertant sur l'amour filial sous l'impulsion d'une mélodie attendrie, Peur Bleue caractérise assez bien la définition de "plaisir innocent" ou de "nanar assumé" de par sa fonction empotée d'entreprise au rabais tentant maladroitement de divertir avec sincérité. Ce sera d'ailleurs l'unique réalisation de Daniel Attias préférant s'écarter du format cinéma pour rejoindre le petit écran des séries télévisées. A réserver donc aux nostalgiques de l'époque, ce B movie (inoffensif) n'ayant pas trop égaré son attribut ludique. 

        Bruno Matéï
        25.11.21. 4èx


        jeudi 1 janvier 2015

        JASON ET LES ARGONAUTES (Jason and the Argonauts)

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Moviecovers.com

        de Don Chaffey. 1963. U.S.A/Angleterre 1h44. Avec Todd Armstrong, Nancy Kovack, Gary Raymond, Laurence Naismith, Nigel Green, Niall MacGinnis.

        Sortie salles France: 9 Octobre 1963. U.S: 19 Juin 1963

        FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Don Chaffey est un réalisateur britannique, né le 5 Août 1917 à Hastings, décédé le 13 Novembre 1990 à L'île Kawau (Nouvelle-Zélande).
        1963: Jason et les Argonautes. 1966: Un million d'années avant J.C. 1967: Les Reine des Vikings. 1968: Du sable et des diamants. 1977: Peter et Elliott le dragon. 1978: La Magie de Lassie. 1979: C.H.O.M.P.S.


        Chef-d'oeuvre du film d'aventures mythologiques, Jason et les argonautes s'avère inévitablement le meilleur représentant du genre auquel le regretté Ray Harryhausen apporta son talent artisanal avec une maîtrise sans failles. Afin de récupérer le trône de son père mort il y a 20 ans, Jason doit parcourir la Colchide pour parvenir à la toison d'or. Gouverné en l'occurrence par le souverain Pélias, ce dernier vient de lui proposer avec l'accord des dieux cette périlleuse mission afin de sauver de la misère son peuple. Mais la délégation s'avère une ruse pour s'emparer de la toison avec la complicité de son fils que Jason a accepter d'affecter parmi son équipage. Epaulé d'une armée d'argonautes stoïques, ils embarquent à bord d'un voilier pour entreprendre un périple de longue haleine. 


        Spectacle haut en couleurs dans sa succession quasi ininterrompue de morceaux de bravoure surréalistes, Jason et les Argonautes est un éblouissement visuel auquel le maître du stop motion prête son immense contribution pour transfigurer d'incroyables créatures issues de la mythologie grecque. Que ce soit la résurrection de Thalos, géant de bronze rubigineux, le harcèlement de deux harpies auprès d'un vieil aveugle affamé, l'armature d'un dieu marin afin de faciliter l'accès du bateau pris entre deux roches, l'attaque d'un hydre à 7 têtes, ou enfin, l'affrontement belliqueux d'une armée de squelettes (auquel Sam Raimi rendit humblement hommage dans l'inégal Evil-Dead 3), cette armada de monstres décuple l'intensité attractive parmi l'autorité sagace d'argonautes en quête de trésor ! Le sentiment d'émerveillement qu'insufflent ses morceaux de poésie, la manière habile dont elles s'enchaînent dans une structure narrative captivante rendent également honneur à la complicité altruiste de nos héros. Des combattants où la force d'esprit et de courage vont s'unifier afin de déjouer subterfuges de traîtres mégalos et dieux goguenards, mais surtout débattre l'hostilité impromptue de créatures pernicieuses.


        Epaulé du score épique de Bernard Herman insufflant une belle harmonie dans la vigueur des combats, et de l'aplomb de comédiens portés sur l'esprit d'équipe et de bravoure, Jason et les Argonautes perdure son pouvoir de fascination par la vélocité de sa mise en scène faisant honneur au bestiaire de Ray Harryhausen  ! 

        Bruno Matéï
        4èx


        mardi 30 décembre 2014

        A HISTORY OF VIOLENCE

                                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site ign.com

        de David Cronenberg. 2005. Allemagne/U.S.A. 1h36. Avec Viggo Mortensen, Maria Bello, Ashton Holmes, Ed Harris, William Hurt, Heidi Hayes.

        Sortie salles France: 2 Novembre 2005. U.S: 30 décembre 2005

        FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada).
        1969 : Stereo, 1970 : Crimes of the Future, 1975 : Frissons, 1977 : Rage,1979 : Fast Company, 1979 : Chromosome 3, 1981 : Scanners, 1982 : Videodrome, 1983 : Dead Zone, 1986 : La Mouche, 1988 : Faux-semblants,1991 : Le Festin nu, 1993 : M. Butterfly, 1996 : Crash, 1999 : eXistenZ, 2002 : Spider, 2005 : A History of Violence, 2007 : Les Promesses de l'ombre, 2011 : A Dangerous Method. 2012: Cosmopolis. 2014: Maps to the Stars.


        Jeu de massacre segmenté en trois actes, History of Violence relate l'odyssée meurtrière d'un paisible restaurateur américain, un père de famille sans histoire mais dont le passé criminel va ressurgir depuis l'intrusion fortuite de tueurs professionnels au sein de son foyer. Après avoir échappé à la mort et sauvé la clientèle de son restaurant braqué, Tom Stall devient du jour au lendemain un héros aux yeux des médias et de sa population. Mais alors qu'il pensait avoir mis un terme avec son ancienne identité, un trio de mafieux a décidé de prendre leur revanche et de le rappeler à la raison de sa culpabilité. 


        Réflexion sur l'influence et l'endoctrinement de la violence (voir les répercussions qu'elle peut engendrer chez l'épouse et le fils de Tom Stall !), sur la rancoeur convergeant à la rébellion et les conséquences de la légitime violence, David Cronenberg provoque un malaise trouble dans le cadre rassurant d'un quotidien bafoué par la paranoïa du danger. Sa mise en scène scrupuleuse prenant soin de dessiner le portrait d'une famille en crise depuis les conséquences traumatisantes d'une violence explosive au sein de leur intimité. Avec réalisme dérangeant, Cronenberg dresse le constat de la corruption de la violence, notamment du point de vue de la mutation morale d'une mère et de son fils, témoins malgré eux de règlements de compte inexpliqués et adoptant peu à peu par cette occasion une position hostile dans leurs pulsions de révolte. Jusqu'au moment où Tom Stall décide de lever le voile sur son ancienne identité afin d'apaiser leurs tensions, voir même expurger cette rancoeur grandissante par l'acte sexuel (la coucherie avec son épouse improvisée dans les escaliers). Dès lors, difficile de se débarrasser de ses anciens démons, de ses instincts criminels lorsqu'ils reviennent titiller vos anciennes habitudes pour réveiller le monstre tapi en vous. Avec une trouble ambiguïté dans sa psychologie insidieuse et sa posture rassurante de (anti) héros, Viggo Mortensen s'avère d'une sobriété ambivalente pour sa fonction d'aimable père de famille se fondant l'instant d'après dans celui d'un exterminateur méthodique. L'aura malsaine qui émane de ses exactions de défense, la manière explicite dont Cronenberg provoque le malaise dans l'imagerie sanglante assénée aux victimes moribondes, renforcent le caractère éthéré d'une atmosphère d'étrangeté au sein de la banalité du quotidien. 


        Poisseux dans son ultra-violence parfois organique mais rehaussé d'un climat diaphane encore plus déstabilisant, A History of Violence aborde avec lucidité les effets pervers de la violence (notamment les conséquences de l'entourage) par le principe d'une légitime défense. Juste avant de nous dévoiler le visage hideux (mais fascinant !) d'un ange exterminateur tributaire de son ancienne déchéance et de nous laisser méditer sur son équivoque rédemption...

        Bruno Matéï
        2èx

        lundi 29 décembre 2014

        KISS OF THE DAMNED

                                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

        de Xan Cassavetes. 2012. U.S.A. 1h37. Avec Joséphine de La Baume, Milo Ventimiglia, Roxane Mesquida, Anna Mouglalis, Michael Rapaport, Riley Keough.

        Inédit en salles en France. U.S: 3 Mai 2013

        FILMOGRAPHIE: Xan Cassavetes (Alexandra Cassavetes) est une réalisatrice, scénariste et actrice américaine, née le 21 Septembre 1965 à Los Angeles, Californie.
        2000: Dust. 2004: Z Channel: A Magnificent Obsession (Doc). 2012: Kiss of the Damned. 



        Inédit en salles dans nos contrées, en dehors de sa projection hors compétition à Gérardmer, Kiss of the Damned définie l'exercice de style indépendant pour cette première oeuvre particulièrement stylisée. Que ce soit au niveau de sa photographie saturée de couleurs criardes, des décors d'architecture au sein d'une demeure baroque ou des paysages naturels à l'onirisme crépusculaire, la mise en scène s'efforce à soigner ses prises de vue alambiquées parmi le score éclectique d'une BO entraînante. En illustrant la thématique du vampire moderne infiltré dans le cadre de notre quotidienneté, Xan Cassavetes ne souhaite aucunement renouveler le genre avec son intrigue linéaire éludée de surprise, mais plutôt d'expérimenter une ambiance poético-baroque autour du cheminement idyllique d'un couple de vampires, Djuna et Paolo.


        Résidant dans un vaste pavillon bucolique, ils sont toutefois perturbés par l'intrusion inopinée de la soeur de Djuna, une jeune marginale plutôt jalouse et sans vergogne dans ses virées urbaines meurtrières. Car depuis son arrivée précipitée, de nombreux incidents vont ébranler la tranquillité des deux amants. Outre le caractère superficiel de sa narration, Kiss of the Damned tire parti d'une certaine originalité à illustrer le comportement diplomatique de vampires bon chic bon genre réfutant le sacrifice humain. Car se nourrissant exclusivement du sang des animaux, leur nouvelle déontologie est de préserver cette doctrine réglementée depuis un siècle par leur matriarche. Sauf qu'un élément perturbateur n'a jamais daigné respecter cette consigne pour son libre arbitre ! Convaincant dans la peinture intimiste de ces personnages, Kiss of the Damned se focalise surtout à nous dépeindre l'ascension extatique du jeune couple, Djuna / Paolo, et d'insister sur le caractère fantasmatique de leur relation. Traversé d'éclairs de violence gore que n'aurait pas renié Argento, sa poésie sensuelle en est parfois contrebalancée avec la fureur rebelle d'une vampire férue de sang humain.


        Correctement interprété par des comédiens méconnus, si on écarte certains illustres seconds rôles, et soigneusement mis en scène dans son stylisme aussi baroque que charnel (érotisme torride à l'appui !), Kiss of the Damned relève du fantasme parmi l'étreinte immortelle du couple avenant. En dépit de la futilité de son intrigue, il en émane une sympathique curiosité au capital séducteur fascinant et auquel l'intégrité de sa réalisatrice ne peut être remise en doute.

        Bruno Matéï