mercredi 14 octobre 2015

CHAIR POUR FRANKENSTEIN

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site drnorth.wordpress.com

"Flesh for Frankenstein" / "Il mostro è in tavola... barone Frankenstein" de Paul Morrissey et Antonio Margheriti. Produit par Andy Warhol. 1973. Américano-Franco-Italien. 1h39. Avec Udo Kier, Monique Van Vooren, Joe Dallesandro, Carla Mancini, Nicoletta Elmi, Arno Juerging, Srdjan Zelenovic,Dalilla Di Lazarro, Marco Liofredi.

Sortie salles France: 9 Octobre 1974 (Strictement interdit aux - de 18 ans)

FILMOGRAPHIE: Paul Morrissey est un réalisateur, scénariste, directeur de photographie, producteur, monteur et acteur américain, né le 23 Février 1938 à New-York (Etats-Unis).1966: Chelsea Girls. 1967: I, a Man. 1968: San Diego Surf. 1968: The Loves of Ondine. 1968: Flesh. 1969: Lonesome Cowboys. 1970: Trash. 1971: I miss Sonia Henie. 1971: Women in Revolt. 1972: Heat. 1973: l'Amour. 1973: Chair pour Frankenstein. 1974: Du sang pour Dracula. 1978: Le Chien des Baskerville. 1981: Madame Wang's. 1982: Forty Deuce. 1985: The Armchair Hacker. 1985: Cocaïne. 1985: Le Neveu de Beethoven. 1988: Spike of Bensonhurst.


"Pour connaître la mort Otto, il faut baiser la vie dans la vésicule !"
Avec l'aide du producteur Andy Warhol (Flesh, Trash et Heat), Paul Morissey s'approprie en 1973 du mythe de Frankenstein à grand renfort de provocation putanesque. Le pitchAvec l'aide de son adjoint Otto, le baron Frankenstein souhaite créer le couple parfait afin de régir une nouvelle race grâce à des morceaux de corps humains recomposés par ses soins. Pendant qu'ils descendent au village pour choisir leur dernière victime, sa soeur nymphomane établit la rencontre de Nicholas, un métayer adepte de luxure. Tourné à l'époque en relief, cette réactualisation dévergondée (c'est peu de le dire !) revendique sa décadence parmi une surenchère organique (on peut même parler d'hymne à la chair tant Morissey insuffle une sensualité charnelle dans la plupart des séquences gores !) et un sens du mauvais goût pour les fantasmes du baron aux tendances nécrophiles. Ce dernier n'hésitant pas à copuler avec les organes d'une fille éventrée juste après avoir entamé les préliminaires (dégrafer les fils d'une immense cicatrice avant de lutiner l'estomac du sujet !). Un moment d'anthologie halluciné à inscrire dans les annales de la déviance somatique, le climat pervers extériorisant ironie caustique (le regard licencieux du majordome fasciné par l'orgasme en direct de son contremaître !) et poésie lascive sous l'impulsion romantico-élégiaque de Claudio Gizzi (l'une des plus graciles mélodies du cinéma Fantastique !).


Ainsi donc, tout dans Chair pour Frankenstein inspire fascination et répulsion parmi le portrait marginal d'une galerie de personnages refoulés (voirs impuissants) ou contrairement concupiscents. La mise en scène baroque érigée autour de somptueux décors gothiques (le laboratoire médical est sans doute le décorum le plus vaste et singulier que l'on ait vu dans la filmo des Frankenstein !) faisant voler en éclat l'archétype du mythe de manière vitriolée où sexe et organes s'extirpent des corps pour arborer leur beauté viscérale. Outre la subtilité d'un ton semi-parodique que Morissey exploite parmi la polissonnerie de personnages extravagants, Chair pour Frankenstein est transcendé du jeu spontanée d'acteurs en roue libre auquel leur charisme patibulaire se confond harmonieusement avec l'ambiance délurée. Tant auprès de la condescendance névrosée d'Udo Kier en Baron incestueux (il est l'époux de sa soeur !), de la beauté exsangue de Dalila Di Lazzaro en créature soumise, du regard vénéneux de Monique Van Vooren en baronne nymphomane, de la posture doucement rebelle de Joe Dallesandro en esclave lubrique, de la torpeur suspicieuse de Srdjan Zelenovi en créature asexuelle, que de la déficience d'Arno Juerging en assistant pervers. Enfin, à titre subsidiaire, on peut également souligner le jeu perfide des enfants de Frankenstein successivement endossés par Marco Liofredi et Nicoletta Elmi, témoins voyeuristes de cette décadence infernale avec l'ambition prétentieuse d'y arborer la relève !


La Chair et le Sang
Déviant, décadent, baroque, érotique, caustique, ultra sanglant, Chair pour Frankenstein est l'objet de scandale des obsessions impudiques, pied de nez libertaire au roman séculaire de Mary Shelley. Un chef-d'oeuvre de sexe et de mort, un hymne à la beauté organique que Paul Morissey illustre sans tabous parmi une dérision semi-parodique. Quant aux acteurs, cabotins ou sincères, ils taillent leur prestance avec une dimension emphatique extravertie, quand bien même la partition classique de Claudio Gizzi nous enivre l'ouïe de sa douceur somme toute mélancolique.  

La Chronique de son binôme, Du sang pour Dracula: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/12/du-sang-pour-dracula-blood-for-dracula.html

Bruno Matéï
14.10.15. 5èx
07.06.10. (411)

mardi 13 octobre 2015

Terre Brûlée

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site surtestripes.blogspot.com

"No Blade of Grass" de Cornel Wilde. 1971. U.S.A. 1h35. Avec Nigel Davenport, Jean Wallace, Lynne Frederick, John Hamill, Patrick Holt.

Sortie salles France: 12 Juin 1974 (Interdit aux - de 18 ans). U.S: 23 Octobre 1970

FILMOGRAPHIE: Cornel Wilde est un acteur et réalisateur américain, né le 13 Octobre 1912 à Prievidza (Autriche-Hongrie), décédé le 16 Octobre 1989 à Los Angeles. 
1956: Storm Fear. 1957: Le Virage du Diable. 1958: Tueurs de feux à Maracaibo. 1963: Lancelot, chevalier de la reine. 1966: La Proie Nue. 1967: Le Sable était rouge. 1970: Terre Brûlée. 1975: Les Requins.


Série B post-apo occultée par la critique et peu diffusée à la TV, Terre Brûlée traitait déjà des thèmes de la pollution de l'environnement (les pesticides), du réchauffement climatique et de la famine trois ans avant que Richard Fleischer ne les transcendent dans l'éprouvant Soleil Vert. Illustrant les pérégrinations d'une famille anglaise sillonnant les campagnes avec l'appui d'un groupe de survivants depuis la pandémie d'un virus, Terre Brûlée joue la carte du divertissement d'action dystopique parmi l'efficacité de péripéties assez hargneuses. De par l'attitude meurtrière des pèlerins, Hells Angels et métayers ne comptant que sur leur propre autonomie afin de subsister, certains cédant même parfois à leurs bas-instincts (le viol en réunion des motards). Dès lors, tous les coups sont permis lorsque par exemple quelques propriétaires se laissent influencer par une justice expéditive afin de défendre leur ferme et préserver leur potager. 


Si la tournure conventionnelle des évènements dramatiques ne propose aucune surprise quant au cheminement périlleux de nos rescapés en quête de nourriture et d'asile, la caractérisation équivoque impartie à la famille Custance ne manque pas d'audace dans leur posture anti-manichéenne. En particulier le leader borgne, John, capable d'enfreindre les lois sans remord (tirer sur des militaires et des fermiers même si ces derniers sont affublés d'armes afin d'intimider l'étranger) avant de trahir le compromis de son frère (pour un enjeu de survie) et duper sa femme (son baiser échangé avec une jeune courtisane). On peut aussi relever la manière détachée à laquelle il recourt lorsque quelques secondes plus tard l'amant jaloux décide d'abattre sa concubine infidèle d'une balle dans le dos devant son témoignage ! D'autres déconvenues meurtrières vont renforcer le caractère hétérodoxe de ce personnage supposé héroïque (il organise autour de lui un véritable convoi humain pour se prémunir du danger et rejoindre le bercail de son frère) au fil de péripéties toujours plus bellicistes (la charge épique des Hells Angels), et parmi l'appui d'un anarchiste juvénile (l'amant jaloux précité !) beaucoup trop erratique dans son comportement criminel. Bref, ce climat d'hostilité permanent régi autour de leur posture amorale renforce le caractère nihiliste d'une situation de crise rendue ingérable par les autorités ! (même la loi Martial est en déroute !). 


En dépit de l'aspect archaïque d'une partition westernienne en décalage avec son contexte futuriste, et de sa mise en scène académique entrecoupée de flashforward inutiles (un procédé désamorçant l'effet de surprise et l'intensité des scènes-chocs à venir), Terre Brûlée ne manque pas de sincérité, de charme (aujourd'hui bisseux !) et de nervosité à dépeindre une écologie en extinction parmi le comportement sournois de l'espèce humaine en déliquescence morale. Il y émane une curiosité hybride aussi attachante qu'équivoque, traversée d'éclairs de violence primitive au sein d'un dépaysement rural agonisant. 

Bruno Matéï
3èx

lundi 12 octobre 2015

La Morsure / The Bite

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site swlove.ca

"Curse 2: The Bite" de Frederico Prosperi. 1989. Italie/U.S.A/Japon. 1h38. Avec Jill Schoelen, J. Eddie Peck, Jamie Farr, Savina Gersak, Marianne Muellerleile.

Sortie salles: 15 Février 1990

FILMOGRAPHIE
: Frederico Prosperi est un réalisateur, scénariste et producteur italien.
1989: La Morsure.


Petite série B sans prétention bien connue des rats des vidéos-clubs des années 80, La Morsure est une co-production italo-américano-japonaise, l'unique réalisation de Frederico Prosperi (à ne pas confondre avec Franco Prosperi, réalisateur de Les Bêtes Féroces attaquent). S'inspirant de la Mouche sorti 3 ans au préalable, ce film d'exploitation particulièrement maladroit dans sa réalisation, ses situations aussi foutraques qu'improbables et le développement stérile des personnages puise l'essentiel de son intérêt dans la qualité des FX confectionnés par l'artisan Screaming Mad George et par son accumulation (immodérée) de péripéties complètement hallucinées. Le maître des maquillages s'en donnant à coeur joie pour insister sur les détails crapoteux d'une métamorphose imbitable rongée par la nécrose. Linéaire, le scénario se focalise sur la lente dégradation physique (et parfois morale pour ses actes de violence incontrôlée) d'un jeune touriste depuis sa morsure à la main d'un reptile d'origine inconnue. 


Alors que le médecin part à sa recherche, faute de lui avoir inoculé le le mauvais antidote, sa compagne tente désespérément de le rejoindre depuis son arrestation policière. Une intrigue sommaire que le cinéaste illustre avec beaucoup de naïveté, de par l'attitude puérile des personnages (la VF proprement horripilante rajoutant dans le ridicule des situations), des incohérences parfois compromises par les ellipses et d'une gestion narrative malhabile (Frederico Prosperi ne sachant absolument pas structurer son histoire, aussi futile soit-elle !). Si l'improbabilité du concept peut prêter à rire (un serpent se met à germer dans le bras de la victime avant de proliférer de l'intérieur de son corps), la résultante émétique à l'écran nous provoque une fascination malsaine au fil d'une progression dramatique en crescendo. De par l'efficacité de l'imagerie crapoteuse ne lésinant pas sur les détails infectieux, le climat méphitique qui y règne préserve constamment notre attention, notamment par le biais intermittent de dérives gores à l'italienne. Et si la relation désoeuvrée des amants tombe à plat, faute d'une caractérisation dénuée d'intensité, on se prend néanmoins d'une futile compassion pour eux. En priorité pour la victime sévèrement martyrisée par sa condition reptilienne, d'autant plus contrainte de s'exiler depuis l'injustice de son emprise meurtrière et de l'impuissance de l'entourage.


Bourré de défauts, de maladresses, de dialogues et tronches à la fois affligeants et risibles, La Morsure s'extirpe pourtant miraculeusement de la médiocrité grâce à son climat fétide irrésistiblement fascinant, son charme bisseux et la facture tantôt homérique, tantôt cradingue des séquences-chocs et métamorphoses protéiformes. Un spectacle totalement débridé donc au goût de souffre palpable si bien que la génération 80 parviendra à nouveau à s'extasier auprès de ce concept aussi vrillé que jouissif. 

Dédicace à Cédric Pichard
*Bruno
17.02.23. 4èx

vendredi 9 octobre 2015

LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site ivid.it

"La Dama rossa uccide sette volte" de Emilio Miraglia. 1972. Allemagne de l'Ouest/Italie. 1h43. Avec Barbara Bouchet, Ugo Pagliai, Marina Malfatti, Marino Masè, Pia Giancaro, Sybil Danning.

Sortie salles Italie: 18 Août 1972

FILMOGRAPHIE: Emilio Miraglia est un réalisateur et scénariste italien, né en 1924 à Casarano. 
1972: La Dame rouge tua 7 fois. 1972: Tire Joe... et amen ! 1971: L'Appel de la Chair. 1969: Ce salaud d'inspecteur Sterling. 1968: Casse au Vatican. 1967: La Peur aux Tripes.


Pour une première réalisation, Emilio Miraglia se tire honorablement de la routine pour façonner un séduisant Giallo à la lisière du Fantastique. Dans le sens où l'intrigue utilise l'alibi d'une légende séculaire (fresque métaphorique à l'appui !) auquel deux soeurs en discorde sont vouées à se sacrifier pour réitérer un rituel meurtrier tous les 100 ans. C'est à dire tuer 6 personnes pour un mobile de vengeance avant que la 7è (incarnant la soeur de la meurtrière) ne soit assassinée par sa propre frangine. C'est ce que nous illustre brillamment le prologue lorsqu'un père décide de démystifier à ses deux filles la raison d'un tableau funèbre. Ce dernier symbolisant une dame rouge affublée d'un poignard pour en menacer une autre vêtue de noir. Dans le château des Wildenbruck, Kitty et Evelyn se détestent depuis leur enfance. Lors d'une violente dispute, Kitty assomme accidentellement sa soeur qui finit par se noyer dans l'étang. Depuis, les proches de son entourage disparaissent un à un sous les exactions d'une étrange silhouette rouge. 


Par ses aspects gothiques d'un manoir vétuste renfermant une crypte au secret éhonté, La Dame rouge tua 7 fois renforce son caractère ésotérique par le biais d'une présence meurtrière redoutablement mesquine ! A l'instar de sa course dans la nuit et de ses rires hystériques qu'elle exclame après avoir fièrement violenté ses proies. Pourvue d'une chape rouge et d'une potentielle perruque brune, l'individu provoque inévitablement une fascination irréelle dans la fonction spectrale de ses apparitions éclairs où la sauvagerie des crimes inspire parfois une cruauté assez audacieuse. D'autant plus que de manière inventive Emilio Miraglia nous élabore des séquences chocs rugueuses dont seuls les italiens ont le secret (je pense particulièrement à l'une des victimes dont la tête sera à plusieurs reprises sévèrement fracassée contre une bordure de pierre !). Mais l'intérêt essentiel de l'oeuvre réside surtout dans l'habileté du scénario assez convaincant, rehaussé d'un point d'orgue aussi palpitant que détonnant ! Comme de coutume, les faux suspects et les indices en trompe l'oeil se télescopent autour d'un motif d'héritage, de malédiction et de superstition, quand bien même le suspense métronomique de l'enquête policière ne se laisse jamais rattraper par une quelconque défaillance.  


Scandé du magnifique score de Bruno Nicolai et illuminé par la beauté (parfois effrontée) des actrices italiennes, La Dame rouge tua 7 fois combine les codes du thriller transalpin parmi le climat gothique d'un conte irrationnel. Souvent occulté par les critiques (dans l'hexagone, il reste d'ailleurs inédit en Dvd et Blu-ray!), il s'avère pourtant à mon sens l'un des plus honorables représentants du genre. 

Bruno Matéï
2èx



jeudi 8 octobre 2015

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée et prostituée... / Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

(Nous, les enfants de la gare du Zoo) de Uli Edel. 1981. Allemagne. 2h09. Avec Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Jens Kuphal, Rainer Woelk, Jan Georg Effler, Christiane Reichelt, Daniela Jaeger.

Sortie salles France: 24 Juillet 1981 (Interdit aux - de 13 ans). Allemagne: 2 Avril 1981.

FILMOGRAPHIE: Uli Edel est un réalisateur, producteur et monteur allemand, né le 11 Avril 1947 à Neuenburg am Rhein (Allemagne). 1971: Der Kleine Soldat. 1976: Die Erzählungen Bjelkins (télé-film). 1977: Der Harte Handel (télé-film). 1978: Das Ding: (série TV). 1981: Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée. 1984: Eine Art von Zorn (télé-film). 1987: Waldhaus (série TV). 1989: Dernière sortie pour Brooklyn. 1993: Body. 1994: Confessions d'une rebelle (télé-film). 1995: Mike Tyson, l'histoire de sa vie (télé-film). 1996: Raspoutine (télé-film). 1999: La Ville des Légendes de l'Ouest (télé-film). 2000: Le Petit Vampire. 2001: Les Brumes d'Avalon (télé-film). 2002: King of Texas (télé-film). 2002: Jules César (télé-film). 2003: Evil Never Dies (télé-film). 2004: L'Anneau Sacré (télé-film). 2008: La Bande à Baader. 2010: Zeiten Andern Dich.


"D'la pisse et d'la merde, partout ! Y'a qu'à r'garder ! Qu'est ce que ça peut faire que d'loin tout est l'air neuf et de grand standing, avec des blouses vertes, des supermarchés ! 
Ce qui pue l'plus à l'intérieur, c'est les cages d'escalier. Les enfants, qu'est ce qu'ils peuvent faire quand ils jouent dehors et qu'ils ont envie d'pisser ! Le temps qu'l'ascenseur arrive au 11è ou au 12è, ils ont fait dans leur culotte et ils reçoivent une raclée. Autant l'faire dans la cage d'escalier. 
Et j'habite là depuis qu'j'ai 6 ans, avec ma mère, ma soeur et mes chats. Et j'en ai ras l'bol ! 
En ville, il y a des affiches partout. Le Sound, la discothèque la plus moderne d'Europe. C'est là qu'je veux aller..." 

Expérience jusqu'au-boutiste à l'intensité dramatique impitoyablement éprouvante, Moi, Christiane F. est un uppercut émotionnel difficilement soutenable lorsque l'on témoigne impuissant de la descente aux enfers d'une junkie dans le Berlin des années 70. L'épreuve de force intarissable d'une adolescente de 13 ans prise au piège de son addiction à l'héroïne, est donc contrainte de se prostituer afin de subvenir à ses besoins depuis le divorce parental. Cette déchéance humaine en déclin, ce désespoir sans échappatoire, le spectateur la contemple avec un malaise viscéral et sensitif proche de la nausée. De par son ambiance lourde, oppressante, glauque (score lancinant hypnotique à l'appui !) régie autour d'une gare berlinoise fréquentée par de jeunes SDF, et son réalisme documenté extrêmement dérangeant qu'une caméra voyeuriste ausculte sans tabou (les seringues pénétrant dans les veines avant une giclée de sang, les crises de manque et les crampes où sueur et vomi s'entremêlent pour y arroser les draps et tapisser les murs, les rapports sexuels forcés avec une clientèle dépravée !).


Uli Edel ne recule donc devant rien pour relater sans concession le quotidien miséreux de Christiane et ses comparses déambulant, tels des zombies nécrosés, dans un quartier malfamé pour y tapiner afin de se procurer leur offrande. L'ultra réalisme alloué à leur cheminement urbain s'avère si tangible qu'on jurerait qu'acteurs méconnus et figurants marginaux se soient prêtés au jeu de la défonce pour se shooter volontairement face caméra ! Devant l'acuité d'une fascination aussi malsaine, aucun long-métrage n'était parvenu à un tel degré d'authenticité, à l'instar de la déliquescence physique des comédiens retranscrite en temps réel ! Si le jeu assez amateur des seconds-rôles juvéniles et les dialogues triviaux font preuve de facilité, le sentiment d'improvisation éprouvé se prête plutôt bien au climat de sinistrose auquel ils appartiennent, quand bien même une photo blafarde nous martèle l'esprit par sa facture opaque. Le cinéaste s'attardant perpétuellement à mettre en exergue leur contrariété psychique liée à l'accoutumance incontrôlée du produit (d'où ce parti-pris du montage elliptique !). Si Moi Christiane F. s'avère si implacablement immersif et criant de vérité dans la déchéance morale des toxicos, il le doit beaucoup au talent épidermique de Natja Brunckhorst. L'actrice se fondant dans la peau d'une infortunée avec un sentiment de désespoir collapsé et parmi l'apitoiement du regard affligé d'impuissance et de solitude !


Cri d'alarme contre une jeunesse déboussolée avide d'expérience nouvelle, épreuve de survie impartie à l'emprise de la came, Moi Christiane F... remémore dans une ambiance funéraire suffocante le témoignage le plus glauque, le plus sordide et éprouvant jamais traité sur le fléau. Outre son portrait vérité imparti à son héroïne mondialement célébrée par le best-seller des journalistes Kai Hermann et Horst Rieck, Moi, Christiane F... laisse le spectateur dans un état de choc mutique sitôt le générique écoulé. Pour publics avertis mais à prescrire dans tous les collèges, lycées et universités ! 

A mon frère de coeur Pascal, décédé en Décembre 93, et à tous ceux qui n'ont eu la chance de s'en sortir...

* Bruno
(4èx)


J'ai clôturé hier soir le livre et j'ai l'impression d'avoir perdu ma meilleure amie (j'ai toujours eu dans ma vie une attirance affectueuse pour les fréquentations torturées, marginales, décalées).

Comme le film, je n'ai rien vu/lu de plus fort sur les thèmes de la Toxicomanie, de la déchéance et du suicide. Et à travers sa jeunesse galvaudée, souillée par son entourage, par la came et par la SOCIETE, on se rend bien compte qu'un toxicomane est totalement tributaire de sa condition pathologique, livré à lui même et qu'il n'a donc rien à faire en détention.

Totalement immergé durant 2 semaines à l'intérieur de l'esprit de Christiane (comptez une quinzaine d'heures de lecture approximatives), j'ai comme la troublante impression d'avoir fréquenter/connu mon binôme (ayant vécu le même passé qu'elle à peu de choses près, les mêmes rapports faussement amicaux avec l'entourage véreux, la même déliquescence corporelle, l'impuissance morale) à travers ses confidences et états d'âme souvent intimes, sa rage de survie autant que son désespoir à s'efforcer d'extérioriser le démon en elle. Son parcours du combattant pouvant se comparer au mythe de Sisyphe.

Inévitablement bouleversant, cruel et d'une dureté aussi âpre qu'impitoyable, le cheminement existentiel (souvent insoutenable) de Christiane est notamment doublé d'une douloureuse et impossible histoire d'amour (sa passion indéfectible pour Djev) se clôturant sur l'insupportable interrogation de la rédemption.

Un témoignage édifiant, immersif, viscéral, sensitif (puisque d'une sensibilité écorchée vive), que l'on devrait enseigner à chaque collégien et lycéen. Christiane se fondant dans notre corps, dans notre coeur et notre esprit avec intelligence, audace, franchise et surtout une vérité humaine mises à nu. Inoubliable.

21/04/18.

Biographie: Qu'est-il arrivé à Christiane F ?: http://brunomatei.blogspot.com/2011/03/quest-til-arrive-christiane-f.html


Natja Brunckhorst

Natja Brunckhorst, inoubliable interprète de "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..."

À 14 ans, elle est remarquée par le réalisateur Uli Edel qui la choisit pour le rôle de Christiane Felscherinow. Le tournage dure d'août à novembre 1980. Son interprétation y fut saluée tant par la critique que par le public.

Le tapage médiatique autour de sa personne, à la suite du grand succès du film, la prend par surprise. Pour échapper à la pression, elle se rend en Angleterre, où elle poursuit ses études jusqu'en 1986. Elle séjourne ensuite à Paris.

En 1987, Natja Brunckhorst retourne en Allemagne, où elle suit des études d'actrice à la Schauspielschule Bochum. Elle en sort diplômée en 1991. Pendant ce temps, elle tourne d'autres films, relativement inconnus (comme Enfants de pierre ou Babylone). Sa carrière s'interrompt vers 1993/94, alors qu'elle se bat contre un cancer, dont elle guérit.

En 1998, elle écrit pour la première fois un scénario, celui de la série télévisée Einsatz Hamburg Süd. Elle poursuit pendant 26 épisodes. En 2000, Natja Brunckhort apparaît aux côtés de Franka Potente et Benno Fürmann dans le film La Princesse et le Guerrier. Depuis 2002, elle est également apparue dans 105 épisodes de la série Dr. Sommerfeld - Neues vom Bülowbogen.

Natja Brunckhorst vit à Munich avec sa fille Emma, née en 1991 d'une relation avec l'acteur Dominic Raacke qui dura de 1988 à 1993.

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L'avis de Mathias Chaput:
Ouch !
"Moi Christiane F." est un film très dur, presque atroce !
Plongée radicale et sans compromis dans le quotidien de toxicos, dans un Berlin gangrèné par la misère et la délinquance, vision très réaliste d'un contexte social en plein délitement, le métrage prend bien aux tripes !
Au début pour nous mettre directement dans l'atmosphère, le cinéma où va Christiane projette "Night of the living dead" de Romero !
Référence glauque et ambiance morbide qui seront inhérentes tout le long !
ça vomit partout, même des giclées intenses sur les murs, ça se pique dans les chiottes et la prostitution y est montrée ultra crûment !
rien ne nous est épargné, ni les urophiles, ni les scatophiles ou les sadomasochistes, Edel prend le parti de ne rien cacher !
On a l'impression que Christiane est atteinte du mythe de Sisyphe, à chaque fois qu'elle monte la pente, quelque chose la fait de nouveau dégringoler et basculer en arrière !
Nombre de fois elle essaiera de stopper l'héroïne pour replonger régulièrement !
Edel ne lésine pas sur les effets chocs et le film multiplie les gros plans de seringues plantées dans le bras (donc attention aux personnes sensibles ! personnellement il m'est souvent arrivé de tourner le regard sur certains moments que je jugeais profondément insupportables et indisposants !)...
La bienséance en prend un coup mais n'empêche pas le film d'être de qualité !
Interprétation soignée, réalisme abrupt, décors parfaitement appropriés et dynamisme dans la réalisation, "Moi Christiane F." tient bien en haleine et s'avère passionnant !
Un témoignage du désoeuvrement d'une certaine jeunesse, indispensable pour comprendre les mécanismes de la toxicomanie et les motivations "qui font que ..."
Inoubliable !
Note : 8.5/10

mercredi 7 octobre 2015

VICE-VERSA

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cadependdesjours.com

"Inside Out" de Pete Docter et Ronnie del Carmen. 2015. 1h34. Avec les voix de Amy Poehler, Lewis Black, Mindy Kaling, Bill Hader, Phyllis Smithn Kaitlyn Dias.

Sortie salles France: 17 Juin 2015. U.S: 19 Juin 2015

FILMOGRAPHIE: Pete Docter est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 9 Octobre 1968 à Bloomington (Minnesota).
1988: Winter. 1989: Palm Springs. 1990: Next Door. 2001: Monsters and Cie. 2002: La Nouvelle voiture de Bob. 2009: Là-haut. 2915: Vice Versa.
Ronnie del Carmen est un dessinateur de bande dessinée et animateur américano-philippin, né le 31 Décembre 1959 aux Philippines.
1995-1996: Freakazoïd ! (2 épisodes). 2009: Doug en mission spéciale. 2015: Vice Versa.


Véritable odyssée humaine en interne du cerveau d'une fillette de 12 ans où chacune de ses émotions est symbolisée par des personnages fantasques, Vice Versa est un enchantement visuel de tous les instants, un hymne à l'optimisme du point de vue rebelle d'une adolescente en perdition. Car depuis que Joie et Tristesse ont été exclues par inadvertance de son quartier cérébral, Dégoût, Colère et Peur insufflent communément l'impression de la morosité afin d'inciter Riley à fuguer depuis que ses parents ont emménagé à San Francisco. Livrée à la solitude, le désespoir (notamment son échec sportif au Hockey) et la désillusion depuis l'absence de ces anciens camarades de classe, elle tente de rejoindre sa ville natale après avoir osé frauder ses parents.


Initiation à la sagesse et à la probité pour le parcours introspectif d'une fillette gagnée par ses sentiments pessimistes de peur, d'isolement et de tristesse, Vice Versa prouve avec une invention poétique fulgurante à quel point la fragilité de nos émotions influe sur notre comportement pour chambouler notre destin journalier. Totalement immersif, de par les stratégies épiques que les émotions de Riley tentent de véhiculer afin de l'accéder à l'optimisme, Vice Versa double l'aventure du point de vue interne de Joie et de tristesse, quand bien même Riley est illustrée sous l'angle externe parmi sa dépression du dépit. Par son cheminement psychologique en désarroi d'une nouvelle existence blafarde (l'état inconnu de San Francisco), Riley va notamment apprendre à mesurer la tristesse d'un point de vue autrement optimiste (passons par la souffrance pour accéder au bonheur !) lorsque la culpabilité lui permettra d'affronter ses remords avec soulagement. A travers cette passionnante réflexion sur la gestion de nos émotions afin de matérialiser la persévérance, la confiance en soi et le bonheur, Vice Versa s'édifie en puzzle psychanalytique par le biais d'une trépidante course contre la montre pour déjouer le défaitisme. On peut également souligner le bénéfice salvateur des rêves et de nos souvenirs, nos instants fructueux du passé permettant au cerveau d'y préserver les instants du bonheur afin d'y consolider un moral plus coriace.


L'Aventure Intérieure
Immodérément inventif parmi sa flamboyance d'un onirisme expérimental et immersif en diable au point de bouleverser nos émotions parmi la fragilité d'une adolescente en phase d'apprentissage, Vice Versa est également transcendé par la bonhomie altruiste de ses émotions contradictoires que Joie, Tristesse, Dégoût, Colère et Peur matérialisent ici avec tempérament en émoi. Un chef d'oeuvre d'émotions contradictoires, une aventure humaine pleine de lyrisme où la drôlerie irrésistible se télescope avec une poésie bouleversante. 

Bruno Matéï

mardi 6 octobre 2015

COOTIES

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site thebergerie.net

de Jonathan Milott et Cary Murnion. 2014. U.S.A. 1h28. Avec Elijah Wood, Rainn Wilson, Alison Pill, Jack McBrayer, Leigh Whannell, Nasim Pedrad, Ian Brennan.

Sortie salles U.S: 18 Septembre 2015

FILMOGRAPHIE: Jonathan Milott et Cary Murnion sont deux réalisateurs américains. 
2014: Cooties


Précédé d'une réputation prometteuse grâce à l'ébauche de son trailer festif, Cooties emprunte la thématique de l'enfant-tueur sous le concept d'une comédie horrifique malencontreusement poussive ! De par son humour lourdingue gesticulé par des adultes héroïques trop orgueilleux et les épreuves de survie qu'ils doivent vaillamment endurer dont seuls le 1er acte plutôt prometteur (générique stylisé de mauvais goût à l'appui !) et son final homérique parviennent à éveiller un enthousiasme timoré. Car il faut avouer qu'au centre de l'intrigue, l'ennui s'y distille calmement lorsque nos survivants tentent par exemple de dénicher une issue de secours dans les conduits de l'établissement scolaire assiégé par des zombies en culotte courte ! La cause incombant à un virus infiltré dans les nuggets de poulets qu'une ado a incidemment ingéré à la cantine. 


La raison de ce ratage filmique émane indubitablement d'une réalisation maladroite façonnée par un duo de cinéastes en herbe puisqu'il s'agit de leur premier essai. Deux auteurs désinhibés dans leurs intentions louables de transgresser la morale du politiquement incorrect pour assassiner devant l'écran (en mode "gore pour rire") nos mioches et d'y dénoncer leur impudence comportementale ! Ces derniers n'hésitant pas arborer leur insolence triviale lorsqu'il s'agit de brocarder une écolière physiquement vérolée (la 1ère victime du virus) quand bien même le garnement le plus burné se vante fièrement de mater des photos X sur son smartphone auprès de l'autorité de son professeur (Elijah Wood endossant son rôle pédagogique avec une modestie sensiblement attachante). Si le thème sanitaire des méfaits de la Junk Found et son réquisitoire sur la démission parentale restent d'actualité en notre époque de crise, l'intrigue éculée se morfond ensuite uniquement sur l'enjeu stratégique des professeurs en sursis de survie. Des séquences de panique mollement emballées par son manque d'intensité débridée, alternant rebondissements horrifiques et gags de pacotille sous l'avarice de péripéties faiblement spectaculaires (si on épargne l'impact graphique de deux, trois bastons et agressions croquignolettes). On peut tout de même accorder un certain crédit au caractère spontané de nos insurgés éducateurs mais leurs réparties sensées provoquer l'hilarité, et leur comportement volontairement étourdi, finissent par ternir leur cohésion amiable, sans compter la pirouette annexe impartie à l'idylle du trio d'amants dont on éprouve aucune empathie. 


Une comédie triviale faussement trash et burnée, à contre-courant des outrances de Tromaville.
En résulte une série B de comptoir aux airs de déjà vu, une déception inconsolable malgré l'ambition louable des auteurs à daigner déroger les lois de la révérence par une violence cartoonesque trop hésitante et l'originalité d'un point de départ dénué d'audaces et de surprises (ou alors très peu !) .  

Bruno Matéï


lundi 5 octobre 2015

MEN IN BLACK 3

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"MIB 3" de Barry Sonnenfeld. 2012. U.S.A. 1h46. Avec Will Smith, Tommy Lee Jones, Josh Brolin, Jemaine Clement, Emma Thompson, Michael Stuhlbarg, Alice Eve, Nicole Scherzinger.

Sortie salles France: 23 Mai 2012. U.S: 25 Mai 2012

FILMOGRAPHIE: Barry Sonnenfeld est un réalisateur américain, acteur, producteur et directeur de la photographie, né le 1er Avril 1953 à New-York. 1991: La Famille Addams. 1993: Les Valeurs de la famille Addams. 1993: Le Concierge du Bradbury. 1995: Get Shorty. 1997: Men in Black. 1999: Wild Wild West. 2002: Big trouble. 2002: Men in Black 2. 2006: Camping Car (RV). 2012: Men in Black 3. 2016: Nine Lives.


Après un second volet clairement redondant (même si à la revoyure la sympathie du produit peut prêter à distraire avec clémence), Barry Sonnenfeld renoue avec la fougue du premier volet grâce à son concept narratif imparti autour du voyage spatio-temporel. Une idée judicieuse permettant également de revigorer la série par le biais d'une scénographie vintage faisant référence à l'évènement historique d'Apollo 11 (les premiers pas de l'homme sur la lune !) et du personnage de l'agent K que notre briscard Tommy Lee Jones endosse avec sa traditionnelle mine renfrognée. Et justement, grâce à l'astuce de son pitch temporel, nous allons ici comprendre les tenants psychologiques de son caractère acariâtre grâce à la mission que son co-équipier, l'agent J, va entreprendre vaillamment pour lui sauver la vie. Evadé de sa prison implantée sur la lune, Boris l'animal se jure d'éradiquer l'agent K, l'auteur de son emprisonnement d'il y a 40 ans et de l'amputation de son bras lorsqu'ils s'étaient tous deux confrontés sur le terrain de Cap Canaveral le 16 Juillet 1969. Avec l'aide d'une technique temporelle permettant de retourner dans le passé, l'agent J s'efforce de retourner sur les lieux de l'altercation afin d'empêcher Boris d'assassiner son partenaire. 


Ce scénario palpitant misant sur l'expectative d'une confrontation redoutée et culminant vers un point d'orgue viscéralement vertigineux, Barry Sonnenfeld l'exploite avec l'efficacité d'une action aussi homérique qu'inventive (le prologue démarrant sur les chapeaux de roue redoublant de subterfuges débridés !) et l'alternative allouée au duo d'exécutants que Josh Brolin remplace avec un naturel décontracté afin d'y afficher la jeunesse de l'agent K. En prime, pour redorer une note insolite à leur cohésion, ils sont épaulés d'un extraterrestre arcadien doué de prescience qui leur permettra aussi de protéger la terre par le biais de l'Arcnet. Un objet technologique servant de boucle de protection afin de déjouer toute invasion sur notre planète. Amusant, parfois drôle et souvent spectaculaire, Men in Black 3 parvient donc à séduire par ces nouveaux enjeux de survie (le sort alloué à l'agent K et à celui de la Terre) en délocalisant l'époque futuriste des années 2000 vers le cadre autrement rétro des sixties. Si la galerie éclectique de quelques humains extraterrestres continuent de provoquer la cocasserie face à leur impertinence insidieuse, la physionomie charismatique du "méchant" de l'intrigue se distingue du lot tant l'acteur Jemaine Clement jubile à exprimer une mégalomanie arrogante inscrit dans le machiavélisme. Pour parachever, et de manière inopinée, Barry Sonnenfeld clôt son chapitre avec l'émotion d'une situation tragique en compromis avec le passé de l'agent J. Une manière empathique de mettre en exergue la cohésion altruiste qui unie les deux agents en dépit de l'apparence bourrue (mais justifiée) de l'Agent K. 


Assez fun, cocasse et trépidant, Men in Black 3 doit principalement sa réussite à l'ossature d'un scénario retors où l'époque référentielle des années 60 sert de pilier émotif afin de lever un voile sur la jeunesse torturée de l'agent K que Josh Brolin et Tommy Lee Jones incarnent communément avec un tempérament aussi persuasif. 

La chronique du 1er volet: http://brunomatei.blogspot.fr/2015/09/men-in-black.html

Bruno Matéï
2èx

vendredi 2 octobre 2015

PINK FLOYD THE WALL

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

d'Alan Parker. 1982. Angleterre. 1h39. Avec Bob Geldof, Christine Hargreaves, James Laurenson, Eleanor David, Kevin McKeon, Bob Hoskins, David Bingham, Jenny Wright.

Sortie salles France: 14 Juillet 1982. U.S: 13 Août 1982

FILMOGRAPHIE: Alan Parker (Alan William Parker) est un réalisateur, compositeur, scénariste et producteur britannique, né le 14 Février 1944 à Islington, Londres.
1975: The Evacuees (télé-film). 1976: Bugsy Malone. 1978: Midnight Express. 1980: Fame. 1982: Shoot the Moon. 1982: Pink Floyd The Wall. 1984: Birdy. 1987: Angel Heart. 1988: Mississippi Burning. 1990: Bienvenue au Paradis. 1991: Les Commitments. 1994: Aux bons soins du Dr Kellogg. 1996: Evita. 1999: Les Cendres d'Angela. 2003: La Vie de David Gale.


Chef-d'oeuvre du film musical qui mit en transe toute la génération 80 (que ce soit auprès des spectateurs lambdas, des millions de fans pour l'album référentiel de Roger Waters, des fumeurs de joint et des toxicos), Pink Floyd the Wall est l'objet filmique de tous les fantasmes, de toutes les exubérances. Une plongée vertigineuse dans l'âme d'un artiste moribond, un florilège de métaphores constituées autour de la question de libéralisme où sa puissance visuelle se télescope harmonieusement parmi une rythmique musicale tantôt tempétueuse, tantôt mélancolique.


Un méga trip visuel et auditif d'une puissance évocatrice dans son violent réquisitoire contre le fascisme des sociétés modernes, les sempiternels génocides des guerres d'états, le système scolaire et son éducation arbitraire, le conservatisme de nos juridictions, et à moindre échelle l'adultère provoquant chez la victime une déception morale en perdition. Conçu comme un gigantesque video-clip expérimental étalé sur une durée d'1h40, Alan Parker retrace avec onirisme, stylisme et lyrisme baroque (à l'instar des plages d'animation aussi fulgurantes qu'ensorcelantes !) le destin torturé de Pink, artiste rock notoire plongé dans une solitude aliénante. Reclus dans sa demeure tamisée, il se remémore avec hantise toute son enfance, de son trauma de la seconde guerre auquel son père s'y sacrifia, de sa relation avec sa mère poule, de sa solitude éprouvée à l'école, de son mariage raté et de son refuge vers la drogue. Au fil de ses souvenirs peu glorieux, il se rapproche un peu plus de la folie après avoir construit un mur mental l'empêchant de communiquer avec le monde extérieur. Alors que les fans hystériques s'impatientent à le retrouver sur scène, Pink se fond dans l'esprit schizophrène d'un dictateur tyrannique afin de châtier sa starification injustifiée et avant d'exploser les briques de son rempart.


Maelström d'imagerie musicale en roue libre, opéra-rock habité par la sédition libertaire d'un mélomane progressiste, Pink Floyd the Wall prêche pour l'assainissement de nos sociétés contemporaines sous la direction d'un cinéaste alchimiste adepte de poésie picturale. Sommet d'émotions viscérales et sensitives, ce cri d'alarme et de désespoir contre le carcan de nos magistratures politico-juridiques se porte en sacro-saint pour son appel à l'insurrection. Un témoignage essentiel, une validité musicale inoxydable traitée à la cadence infernale des tubes de Roger Waters, ténor légendaire de son double album fondateur. 

Bruno Matéï
4èx

mercredi 30 septembre 2015

Unhinged

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site vhscollector.com  

de Don Gronquist. 1982. U.S.A. 1h22. Avec Laurel Munson, Janet Penner, Sara Ansley, Virginia Settle, John Morrison, Barbara Lusch.

Sortie salles U.S: 15 Octobre 1982

FILMOGRAPHIE: Don Gronquist est un réalisateur, scénariste et producteur américain.
1982: Unhinged. 1995: The Devil's Keep.


Listé dans la rubrique prohibitive "Video Nasties" à l'aube des années 80, Unhinged s'est inévitablement traîné une réputation de série B horrifique cradingue alors que certains amateurs de l'époque l'ont sans doute dénigré, faute du caractère timoré des séquences les plus sanglantes. Car hormis un final particulièrement choquant et malsain quant à la révélation de l'assassin et le meurtre sauvage qu'il ritualise vulgairement, Unhinged évite de se complaire dans une violence racoleuse en privilégiant l'atmosphère d'inquiétude régie autour d'une bâtisse funèbre. Le pitchAprès leur accident de voiture sur la route d'une campagne isolée, trois jeunes filles se retrouvent hébergées dans la demeure vétuste d'une mère et de sa fille. Mais la nuit, d'étranges respirations importunent leur sommeil quand bien même la disparition de l'une d'entre elles va attiser leur inquiétude. Avec son budget étriqué, sa réalisation aussi maladroite qu'intentionnée et ses comédiens amateurs au jeu théâtral mais pleins de bonnes intentions, Unhinged ne s'affiche pas sous ses meilleures auspices pour frissonner de plaisir. 


Surfant sur la vague du slasher initié par Halloween et Massacre à la TronçonneuseDon Gronquist privilégie néanmoins une ambiance Hitchcockienne (même si mon allusion au maître peut prêter à sourire !) au sein d'un huis-clos archaïque, à l'instar de l'attitude castratrice d'une mégère imposant sa dictature auprès de sa fille esseulée. Le réalisateur accordant beaucoup de crédit à leurs rapports de discorde avant de s'attarder sur la relation amicale que partagera l'une des convives avec cette dernière. Pendant ce temps, et avant de les blâmer à l'arme blanche, un mystérieux assassin rode autour de la bâtisse en les épiant par la fenêtre ! Avec son rythme languissant et son suspense menu rehaussé d'un climat anxiogène tantôt fascinant, tantôt capiteux, Unhinged exploite la thématique du dysfonctionnement familial au sein d'une intrigue nébuleuse lorsqu'on nous dévoile les aboutissants d'une révélation traumatique plutôt tirée par les cheveux. Toutefois, grâce à l'inspiration (malhabile) de la réalisation surfant sur le climat fétide de Massacre à la Tronçonneuse (l'entrepôt des macchabées) et le ressort psychologique de Psychose (la schizophrénie de l'assassin), ce point d'orgue cauchemardesque provoque chez le spectateur un sentiment tangible de malaise rehaussé de l'impact graphique d'un meurtre cradingue Spoiler ! ne laissant aucune échappatoire à l'héroïne ! Fin du Spoiler.


Produit d'exploitation au rabais de par sa réalisation bricolée et le jeu limité des comédiens plaisamment bonnards, Unhinged parvient constamment à cristalliser une ambiance lourde tantôt oppressante, tantôt envoûtante autour d'un obscur huis-clos au climat d'insécurité fantasque. Sa dissonance musicale rehaussant l'aspect ombrageux d'un climat gothique aussi feutré que malsain. Pâtissant d'un rythme monocorde pour autant jamais ennuyeux, cette attachante curiosité au charme désuet est à réserver en priorité aux nostalgiques aguerris du genre. Finalement très sympa pour qui raffole des purs films d'ambiance crépusculaire.

P.S: Pour les intéressés, le métrage est disponible en Dvd en France sous l'effigie Uncut Movies !

*Eric Binford
26.01.22. 4èx



mardi 29 septembre 2015

THE SUICIDE THEORY

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Dru Brown. 2014. Australie. 1h38. Avec Steve Mouzakis, Leon Cain, Joss McWilliam, Matthew Scully, Todd Levi, Nicholas G. Cooper, Warwick Comber.

Sortie salles U.S: 10 Juillet 2015

FILMOGRAPHIE: Dru Brown est un réalisateur, scénariste et producteur australien.
2012: Sleeper. 2014: The Suicide Theory.


Seconde réalisation d'un jeune cinéaste australien, The Suicide Theory s'érige en petite oeuvre indépendante créant la surprise par son concept surréaliste (sauvé du ridicule par l'intelligence narrative et psychologique) et l'émotion qui en émane dans les contrariétés des protagonistes en quête de rédemption. Depuis ses tentatives ratées de suicide, Percival engage un tueur afin de mettre un terme à son existence esseulée. Après multiples essais inexplicablement infructueux, son assassin aguerri se prend de compassion pour lui au moment même où leur destinée va adopter une tournure inopinément bouleversante. Nanti d'un climat mélancolique palpable (notamment pour l'ambiance musicale du bar de nuit que notre duo fréquente en intermittence), de par le cheminement existentiel de deux personnages que tout oppose de prime abord, The Suicide Theory aborde les thèmes de l'autodestruction et de la destinée avec une surprenante pudeur.


Le réalisateur prenant soin de brosser leur portrait avec une sensibilité exponentielle, sachant que d'étonnantes révélations sur leur passé tragique nous seront dévoilées au fil de leur aparté psychologique. L'émotion fragile véhiculée par le brio du réalisateur et des deux acteurs nous prenant par surprise au gré d'une tournure d'évènements lourds de conséquences tragiques. Si la première partie du récit amorce une structure prévisible pour les exactions meurtrières du tueur à gages contraint de répéter les homicides sur sa victime increvable (éclairs de violence brutaux à l'appui !), la suite de leurs vicissitudes se focalise sur l'apprentissage de la compassion, l'écoute de l'autre et le respect d'autrui du point de vue de l'assassin en révélation identitaire. Son cheminement partagé entre son impuissance criminelle d'assister le suicidé, son appétence de vengeance et sa nouvelle stature héroïque lui ouvrant la voie de la raison existentielle parmi l'appui d'une destinée acquise d'avance. A travers ce thème métaphysique, le cinéaste tend à nous interroger sur le sens de notre fatalité par le biais des rencontres impromptues, de nos agissements personnels et des drames du quotidien n'ayant rien du fruit du hasard. C'est ce que nous illustre la seconde partie, notamment après nous avoir signalé l'intolérance de l'homophobie et la dépendance à la violence que les ignorants expriment par des pulsions de haine. A travers ce récit d'amitié en ascension compromis par l'inimitié rancunière, Dru Brown poursuit une autre réflexion sur le mal-être suicidaire où pardon, rédemption et culpabilité en seront les vecteurs psychologiques afin de décanter deux tragédies inconsolables.


"Vous avez beaucoup de chance d'être en vie"
Intrigant et captivant pour la tournure singulière des évènements (le scénario faisant preuve d'une structure baroque !), violemment brutal mais rattrapé par une émotion (à fleur de peau) au fil des états d'âme du duo maudit, The Suicide Theory déconcerte l'habitude du spectateur pris entre les mailles d'un drame psychologique inopinément bouleversant. Par le biais du suicide potentiellement salvateur et des conséquences de nos faiblesses (la rancoeur, l'inattention), il en émane un douloureux poème sur la sollicitation du pardon, la repentance criminelle et la logique de notre destinée où le hasard n'a pas lieu d'être. Un choc émotionnel nous prenant par stupeur d'une accablante confrontation entre coupable et victime ! (et inversement !).  

Dédicace à Jen Winter
Bruno Matéï

lundi 28 septembre 2015

MEN IN BLACK

                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Barry Sonnenfeld. 1997. U.S.A. 1h38. Avec Tommy Lee Jones, Will Smith, Linda Fiorentino, Vincent D'Onofrio, Rip Torn, Tony Shalhoub, Tim Blaney, David Cross.

Sortie salles France: 6 Août 1997. U.S: 2 Juillet 1997

FILMOGRAPHIE: Barry Sonnenfeld est un réalisateur américain, acteur, producteur et directeur de la photographie, né le 1er Avril 1953 à New-York. 1991: La Famille Addams. 1993: Les Valeurs de la famille Addams. 1993: Le Concierge du Bradbury. 1995: Get Shorty. 1997: Men in Black. 1999: Wild Wild West. 2002: Big trouble. 2002: Men in Black 2. 2006: Camping Car (RV). 2012: Men in Black 3. 2016: Nine Lives.


Succès planétaire pour ce premier volet d'une illustre franchise, Men in Black est l'adaptation ciné du comics homonyme créé par Lowell Cunningham en 1990. A partir d'un pitch délirant détournant avec dérision la présence d'extra-terrestres au sein de notre société, Men in Black joue la carte de la comédie familiale sous l'autorité de deux agents en noir, experts en filature et traque d'une menace interplanétaire. En cool attitude, Tommy Lee Jones et Will Smith endossant le duo amical avec verve impayable (leur interrogatoire musclé imparti aux commerçants extraterrestres !) et héroïsme stoïque eu égard des gadgets ultra innovants (notamment l'outil permettant d'effacer la mémoire des témoins oculaires) que le doyen Agent K inculque à son équipier en herbe sur le champs de l'action.


Outre le caractère saugrenu de l'intrigue (une créature hostile débarque sur terre pour s'accaparer d'une galaxie préservée par le prince arquilien) et la stature distinguée de nos sympathiques agents secrets, le film tire parti de sa fantaisie grâce à l'univers excentrique décrit avec détails. Epaulé d'effets spéciaux en CGI souvent réussis, Barry Sonnenfield nous ouvre les portes du MIB, une agence ultra secrète surveillant les présences martiennes à travers les galaxies tout en tolérant depuis les années 50 leur arrivée hospitalière pour des milliers d'entre eux. D'une réjouissance sans modération pour les gags inventifs se chevauchant parfois avec l'action de poursuites homériques (le prologue sur les chapeaux de roue, l'échappée automobile au dessus du tunnel), Men in Black met également en appui le portrait insidieux d'une galerie d'E.T à la physionomie fallacieuse. Par le biais de leur investigation et de leur traque à appréhender un dangereux alien, nos agents étant contraints d'interroger (voir débusquer certains d'entre eux) ces E.T à forme humaine. On peut notamment louer la présence du fameux "méchant" de l'histoire, une créature arthropode (un cafard géant nous dévoilera le point d'orgue !) ayant dérobé l'enveloppe humaine d'un fermier après l'avoir tué, mais en l'occurrence dépourvu d'une posture dégingandée dans sa condition corporelle putrescente. Ce zombie extraterrestre provoquant (à l'instar d'un antagoniste du film Hidden !) des accès de violence erratiques lorsqu'il accoure dans les rues new-yorkaises pour se procurer du précieux pendentif !


Grâce à la complicité impayable de notre duo en roue libre, à l'univers excentrique formellement fascinant et à l'inventivité des gags et d'une action échevelée, Men in Black exploite son argument d'anticipation avec une dérision irrésistible. Mené sans répit donc, notamment grâce à l'efficacité d'une réalisation vigoureuse, cet excellent divertissement parvient surtout à réguler l'intérêt par les rencontres impromptues d'E.T de tous horizons que nos agents côtoient avec un flegme amusé. 

La chronique du 3è opus: http://brunomatei.blogspot.fr/2015/10/men-in-black-3.html


Bruno Matéï
4èx