mardi 10 novembre 2015

NO ESCAPE

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site allocine.fr

de John Erick Dowdle. 2015. U.S.A/Thaïlande. 1h43. Avec Pierce Brosnan, Owen Wilson, Lake Bell, Sterling Jerins, Spencer Garrett, John Goldney

Sortie salles France : 2 septembre 2015. U.S : 26 août 2015

FILMOGRAPHIE: John Erick Dowdle est un réalisateur américain né en Décmbre 1973.
1996 : Full Moon Rising. 2005 : The Dry Spell. 2007 : The Poughkeepsie Tapes. 2008 : En quarantaine (Quarantine). 2011 : Devil. 2014 : Catacombes (également coscénariste). 2015 : No Escape.


Si John Erick Dowdle a accumulé depuis le début de sa carrière les nanars opportunistes, force est de constater qu'avec No Escape le réalisateur modifie la donne pour nous imposer avec une maestria inespérée (à l'instar d'une 1ère poursuite en mode subjectif entre les ruelles Thaïlandaises !) un survival brut de décoffrage dans sa tension à couper au rasoir ! Issus de souche américaine, Jack et sa famille ont décidé de s'expatrier en Asie du Sud-est pour son cadre idyllique. Mais à la suite d'un coup d'état meurtrier, ils se retrouvent pris à parti avec une armée de rebelles assoiffés de sang à la vue de toute présence occidentale. C'est le début d'une épreuve de force que va endurer la famille Dwyer la peur au ventreThriller d'action à couper le souffle dans son lot de péripéties aussi délétères que bellicistes, rebondissements imprévisibles et planques de dernier ressort, No Escape nous plonge tête baissée dans le chaos d'une guérilla urbaine bâtie sur la déchéance barbare. Les séquences gratuites d'exécutions sommaires sur les victimes innocentes se multipliant devant le témoignage révulsé d'une famille en perdition. Cette vertigineuse descente aux enfers inscrite dans le désespoir de survie, le cinéaste nous la dépeint avec un réalisme documenté au point d'en oublier sa facture ludique de série B effrénée (à une accalmie près pour une retrouvaille amicale !).


Ce sentiment d'insécurité permanent régi au tour d'une ville en état de siège, cette peur de trépasser l'instant d'après pour nos survivants à court d'oxygène, sont transfigurés par le talent des interprètes insufflant une angoisse viscérale contagieuse auprès de notre témoignage. En particulier Owen Wilson utilisé ici à contre-emploi pour se tailler la carrure d'un paternel plein d'humanisme mais redoutablement vaillant dans ses prises de risques inconsidérées à daigner prémunir sa famille. Dans un second-rôle plus affirmé, Pierce Brosnan lui partage la vedette avec une spontanéité impavide dans sa fonction de mercenaire émérite à déjouer les traques criminelles de l'ennemi rebelle. Transis d'anxiété et d'empathie pour leur situation précaire, nous nous immergeons de plein fouet dans leur parcours du combattant avec une acuité émotionnelle rigoureuse. Sachant notamment que le cinéaste se délecte à leur structurer un cheminement aléatoire d'enjeux de survie où les poursuites endiablées ne cessent de les compromettre à l'issue de secours. Quand bien même les parents vont être amenés à transgresser leur morale pour abuser parfois de violence afin de sauver leur peau et celle de leurs filles (les comédiennes imposant une fragilité dépouillée). Face à cet amoncellement de situations alertes où la mort omniprésente tente à chaque fois de les agripper, nos nerfs sont sévèrement mis à rude épreuve sous l'impulsion de séquences d'action aussi épiques (voires même parfois dantesques !) que réalistes.


Spectacle haletant de survival escarpé et de guérilla urbaine d'un réalisme parfois éprouvant (notamment la dureté de certaines scènes de violence faisant écho à l'actualité du terrorisme islamiste), No escape puise d'autant plus sa puissance émotionnelle dans l'efficacité de sa réalisation et la caractérisation humaniste de ses personnages vibrant de désespoir et de vigueur de vaincre.  

Bruno Matéï 

    lundi 9 novembre 2015

    QUI L'A VUE MOURIR ?


    "Chi l'ha vista morire ?" d'Aldo Lado. 1972. Italie. 1h30. Avec George Lazenby, Anita Strindberg, Dominique Boeschero, Peter Chatel, Adolfo Celi.

    FILMOGRAPHIE: Aldo Lado est un réalisateur italien, né le 5 décembre 1934 à Fiume (Croatie).
    1971: Je suis Vivant (La corta notte delle bambole di vetro). 1972: Qui l'a vue mourir ? 1972: La Drôle d'affaire. 1973 : Sepolta viva. 1974 : La cugina. 1975: La Bête tue de sang Froid. 1976 : L'ultima volta. 1978 : Il prigioniero (TV). 1979 : L'humanoïde. 1979 : Il était un musicien – Monsieur Mascagni. 1981 : La désobéissance. 1982 : La pietra di Marco Polo (TV). 1983 : La città di Miriam (TV). 1986 : I figli dell'ispettore (TV). 1987 : Sahara Heat ou Scirocco. 1990 : Rito d'amore. 1991 : La stella del parco (TV). 1992 : Alibi perfetto. 1993 : Venerdì nero. 1994 : La chance.


    Surtout connu chez nous grâce au sulfureux la Bête tue de sang froid, déclinaison transalpine de la Dernière Maison sur la Gauche, Aldo Lado s'était auparavant prêté au giallo avec Je suis vivant et le film qui nous intéresse ici, Qui l'a vue mourir ? Inédit en salles en France et exhumé de l'oubli grâce au Dvd édité par Ecstasy of Films, le film relate les exactions d'un assassin d'enfants au sein de la ville portuaire de Venise. Après la découverte de sa fille noyée, Franco Serpieri tente de mener lui même l'enquête quand bien même son épouse réapparaît après leur séparation afin d'assister aux funérailles. Au fil d'indices répertoriés au compte goutte, les morts commencent à se multiplier. Giallo méconnu chez nous, Qui l'a vue mourir ? anticipe avec deux ans d'avance le chef-d'oeuvre de Nicolas RoegNe vous retournez pas. De par sa scénographie d'une capitale vénitienne étrangement similaire, de la mort de l'innocence et la tragédie familiale du père investigateur avide de résolution. 


    Ca commence fort avec un prologue particulièrement crapuleux lorsqu'un mystérieux rôdeur décide de s'en prendre à une gamine pour lui fracasser le crane à coups de pierre. Le cadre de l'action confiné autour d'une forêt enneigée renforçant une angoisse diffuse autour des va-et-vient ludiques d'une mère et de sa fille. Une séquence explicite assez choquante même si l'aspect concis de la mise à mort en désamorce un peu sa brutalité. C'est sans doute en partie pour cette raison que le film écopa d'une interdiction aux - de 18 ans dans certains pays. Une seconde séquence, cette fois-ci établie hors-champs, va également provoquer le malaise lors de la découverte macabre d'une autre victime infantile dans la berge de Venise. C'est à partir de cette nouvelle tragédie sordide que l'intrigue va pouvoir s'affranchir sous l'impulsion du père endeuillé avide de questionnement. Ce qui l'entraîne à fréquenter quelques notables déviants pour leurs penchants pédophiles, jeux SM et party pornos organisés en soirées privées. Si l'enquête policière que mène Franco Serpieri s'avère un brin langoureuse dans son cheminement routinier, l'ambiance inquiétante régie autour de la ville vaporeuse et le portrait imparti aux seconds rôles véreux distillent une aura malsaine assez étouffante. Quant aux meurtres stylisés et parfois angoissants, ils se succèdent efficacement en intermittence en dépit du caractère prévisible de l'un d'entre eux, alors que l'assassin fait preuve de photogénie délétère par son accoutrement sépulcrale semblable à la veuve noire.  


    Sans révolutionner le genre, Aldo Lado parvient à esthétiser un sympathique giallo assez vénéneux et malsain parmi l'appui musical d'Ennio Morricone (sa comptine imposant un leitmotiv aussi entêtant que fascinant). Si la direction d'acteurs perfectible (en particulier le personnage principal endossé par le moustachu George Lazenby) et la monotonie de l'intrigue auraient gagnés à faire preuve de plus d'entrain, l'audace sordide du scénario conféré autour de meurtres d'enfants distille une aura sulfureuse plutôt inédite pour le genre. A découvrir.

    Remerciement à The Ecstasy of Films
    Bruno Matéï
    2èx 


    vendredi 6 novembre 2015

    ELEPHANT MAN. Grand Prix, Avoriaz 80.

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

    "The Elephant Man" de David Lynch. 1980. Angleterre/U.S.A. 2h04. Avec John Hurt, Anthony Hopkins, Anne Bancroft, John Gielgud, Wendy Hiller, Freddie Jones.

    Sortie salles France: 8 Avril 1981. U.S: 10 Octobre 1980 (Interdit aux - de 13 ans)

    FILMOGRAPHIE: David Lynch est un réalisateur, photographe, musicien et peintre américain, né le 20 Janvier 1946 à Missoula, dans le Montana, U.S.A. 1976: Eraserhead. 1980: Elephant Man. 1984: Dune. 1986: Blue Velvet. 1990: Sailor et Lula. 1992: Twin Peaks. 1997: Lost Highway. 1999: Une Histoire Vraie. 2001: Mulholland Drive. 2006: Inland Empire. 2012: Meditation, Creativity, Peace (documentaire).


    "Jamais, non, jamais... rien ne meurt jamais. Le courant coule, le vent souffle, le nuage flotte, le coeur bat. Rien ne mourra".

    Grand Prix à Avoriaz en 1981, César du Meilleur Film Etranger en 1982, Elephant Man bouleversa les critiques et le public du monde entier de par la rigueur de son intensité dramatique conférée au portrait de Joseph Merrick. Un homme de 21 ans souffrant du syndrome de Protée (maladie génétique très rare) et ayant vécu une existence miséreuse avant d'être secouru par un service hospitalier Londonien. Monstre de foire atteint d'une grave difformité au point d'être comparé à un homme éléphant, John Merrick (David Lynch décida d'en modifier le prénom) est exhibé dans un cirque pour le compte d'un directeur alcoolique, vénal et brutal. Ayant tenté d'assister à l'une de ses représentations, le chirurgien Frederick Treves parvient à le libérer de sa prison après avoir allégué de l'examiner médicalement. Recueilli avec déférence dans un hôpital, John Merrick va réapprendre à vivre et découvrir le sens des mots amitié, amour, reconnaissance et noblesse par le biais de l'assistance médicale, des rencontres aristocrates et d'une comédienne de théâtre, Madge Kendal. 


    Maelstrom d'émotions bouleversantes autour des vicissitudes de John Merrick, Elephant Man relate avec une acuité et une pudeur vertigineuses son destin maudit sous l'impulsion de comédiens d'une sobriété humaine sans fioriture. L'émotion prude émanant de leur expression bouleversée face à la difformité corporelle du sujet avant de canaliser leurs émotions pour lui donner la réplique le plus naturellement. Ce qui donne lieu à des séquences intimistes d'une rare vigueur dramatique à travers les rapports de confiance et d'amitié établis entre les protagonistes et Merrick. Outre la posture pleine de dignité de Anthony Hopkins dans le rôle altruiste du chirurgien attentionné, Hannah Gordon (l'épouse de Treves) et Anne Bancroft (Madge Kendal) se partagent communément la réplique avec une tendre humilité, de manière à prouver à Merrick leur confiance et leur reconnaissance afin que ce dernier apprivoise un sentiment rassurant de sécurité. Mais si Elephant Man s'avère si rigoureux dans sa palette d'émotions aussi troubles que cruelles (notamment les humiliation et sévices qu'il endurera avec son ancien tortionnaire et la cupidité d'un ouvrier), il le doit surtout au portrait fragile imparti à John Merrick que John Hurt endosse avec une sensibilité pudibonde. Notamment auprès de la douceur de sa voix et la puissance de son regard noyé de sagesse, de mélancolie, d'angoisse et d'amour. Baignant dans une atmosphère d'étrangeté au sein d'une époque victorienne en ascension industrielle, le métrage est rehaussé de son noir et blanc épuré que Freddie Francis contraste avec onirisme baroque pour ses tableaux chimériques ou réalistes d'une société en mutation. L'apparence monstrueuse de l'homme éléphant insufflant également un climat insolite à l'ensemble du fait de sa difformité tuméfiée que la population rejette au premier abord, quand bien même les marginaux les plus dépravés s'y complaisent dans une ignorance putassière. 


    Soutenu de la partition de John Morris et de l'illustre thème de Samuel Barber dont l'épilogue déchirant distille une flegme mélancolie, Elephant Man transfigure avec une acuité prude le douloureux destin d'un monstre humain inscrit dans la candeur des sentiments et la noblesse de l'amour. Car à travers ce plaidoyer (symbolique) pour le droit à la différence, David Lynch en extrait une leçon d'humanité, un poème baroque sur la beauté interne des infortunés sous le pilier d'une mise en scène virtuose. De ce vortex d'émotions capiteuses y découlent un des mélodrames les plus déchirants de l'histoire du cinéma que tous cinéphiles se doivent d'avoir vu. 

    Bruno Matéï
    3èx

    Grand Prix du Festival international du film fantastique d'Avoriaz, 1981.
    César du meilleur film étranger 1982
    British Academy Film Award du meilleur film
    British Academy Film Award du meilleur acteur pour John Hurt
    British Academy Film Award des meilleurs décors

    jeudi 5 novembre 2015

    LA SORCIERE SANGLANTE

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site subscene.com

    "I Lunghi capelli della morte" de Antonio Margheriti. 1964. Italie. 1h40. Avec Barbara Steele, George Ardisson, Halina Zalewska, Umberto Raho, Laura Nucci.

    Sortie salles France: 5 Août 1970. Italie: 30 Décembre 1964

    FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi. 1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


    Tourné au milieu de La Vierge de Nuremberg et Danse Macabre, La Sorcière Sanglante clôt magistralement la trilogie gothique du maître italien sous l'impulsion de la reine des ténèbres, Barbara Steele. Accusée à tort de sorcellerie après la découverte du corps du comte Franz, Adèle est condamnée à périr sur le bûcher sous les yeux de sa petite fille Elisabeth. Mais au moment de son châtiment, elle jure de se venger auprès des responsables. Au même moment, sa soeur aînée Helen tente de la sauver en convainquant le comte Humboldt de son innocence. Contraint de se laisser séduire par ce dernier afin d'épargner sa soeur, Helen assiste néanmoins impuissante à sa mort. De crainte d'être accusé d'adultère, Humbolt décide de se débarrasser d'Helen en la jetant du haut d'un pont. Quelques années plus tard, Elisabeth est forcée d'épouser le fils du comte Humboldt, Kurt. Alors que ce dernier avoue à son père qu'il est véritable responsable de la mort de son frère, le sosie d'Helen apparaît sous les traits de Mary Karnstein. 


    Ce pitch ombrageux transcendé par une reconstitution médiévale du XVIè siècle, Antonio Margheriti l'illustre avec ambition formelle et science diffuse du suspense lorsque le responsable de cette tragédie familiale se retrouve confronté à une machiavélique conjuration. "Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film" dixit Alfred Hitchcock ! Et on peut dire que Margheriti respecte à la lettre la tagline du maître tant le personnage cupide et fallacieux de Kurt (sobrement endossé par George Ardisson) excelle de cynisme et sournoiserie à daigner éradiquer chaque témoin gênant. Amant infidèle pour le compte de la troublante Mary, Kurt va néanmoins se compromettre à des évènements irrationnels depuis son nouveau stratagème d'empoisonner son épouse. L'intérêt de l'intrigue émanant de sa paranoïa en chute libre et d'y démêler les tenants et aboutissants d'une éventuelle machination auquel les personnages d'Elisabeth et de Mary semblent tirer les ficelles. Margheriti inversant les rôles de tortionnaire/victime parmi le témoignage fébrile de notre témoin transi d'émoi. Avec ses décors de manoir lugubre, crypte décatie et cachettes souterraines, La Sorcière Sanglante insuffle une atmosphère d'étrangeté prépondérante autour des allées et venues de nos protagonistes en prise avec des entités diaboliques, quand bien même la peste y ravage les villageois apeurés de superstition.


    De par la texture contrastée de sa photo monochrome, la solidité de l'intrigue, la facture stylisée des décors gothiques et l'apparence magnétique de Barbara Steele, la Sorcière Sanglante renoue avec la flamboyance de l'épouvante transalpine dans un souci esthétique morbide. Sans toutefois égaler Danse Macabre réalisé la même année, ce bijou d'angoisse et de suspense diffus fait preuve d'un pouvoir de séduction ténébreux dès l'exposition de son prologue inscrit dans la cruauté.  

    Pour les intéressés, les 2 autres volets sont chroniqués ci-dessous:
    La Vierge de Nuremberg: http://brunomatei.blogspot.fr/…/la-vierge-de-nuremberg-la-v…
    Danse Macabre: http://brunomatei.blogspot.fr/…/danse-macabre-danza-macabra…

    Bruno Matéï
    3èx


    mercredi 4 novembre 2015

    LA MOUCHE. Prix Spécial du Jury, Avoriaz 87.

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

    "The Fly" de David Cronenberg. 1986. U.S.A. 1h35. Avec Jeff Goldblum, Geena Davis, John Getz, Joy Boushel, Leslie Carlson, George Chuvalo.

    Sortie salles France: 21 Janvier 1987. U.S: 15 Août 1986

    FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada). 1969: Stereo. 1970: Crimes of the Future. 1975: Frissons. 1977: Rage,1979: Fast Company. 1979: Chromosome 3. 1981: Scanners. 1982: Videodrome. 1983: Dead Zone. 1986: La Mouche. 1988: Faux-semblants. 1991: Le Festin nu. 1993: M. Butterfly. 1996: Crash. 1999: eXistenz. 2002: Spider. 2005 : A History of Violence. 2007: Les Promesses de l'ombre. 2011: A Dangerous Method. 2012: Cosmopolis. 2014:Maps to the Stars.


    Déclinaison du classique de Kurt Neumann réalisé en 1958, La Mouche version 86 transcende la définition du terme "remake" dans le sens où Cronenberg réinterprète avec une rare intelligence l'histoire de l'écrivain George Langelaan à la manière d'un drame psychologique d'une intensité bouleversante. Métaphore sur le cancer illustrée de manière horrifique, La Mouche dépeint la dégénérescence irréversible d'un physicien à l'origine d'une invention révolutionnaire, la téléportation. Après avoir réussi l'expérience avec un babouin, Seth Brundle décide de se porter volontaire pour se téléporter d'une machine à une autre. Mais durant l'épreuve, une mouche s'est incidemment introduite dans la machine si bien que l'ordinateur décide de les fusionner. Pourvu d'une force surhumaine et d'une énergie pétulante, Seth Brundle finit par se dégrader physiquement pour se métamorphoser peu à peu en insecte humain. 


    Ce concept original aussi débridé que cauchemardesque, David Cronenberg le traite avec un sérieux imperturbable, là ou n'importe quel tâcheron se serait facilement vautré dans la gaudriole de série Z. Une trame improbable, voire même ridicule, que le cinéaste parvient haut la main à rationaliser par le biais d'une mise en scène maîtrisée, le souci du détail de l'étude scientifique et le brio de comédiens taillés sur mesure. Entièrement alloué à la dimension humaine des personnages, l'intrigue nous plonge avec force et détails (FX renversants à l'appui !) dans le désarroi d'un scientifique émérite sur le point de révolutionner nos moyens de transport avant de voir ses travaux bafoués par la cause d'un insecte. Par le biais d'une réflexion sur les progrès inquiétants de la recherche scientifique, David Cronenberg en extrait une magnifique tragédie humaine sur la déroute d'un physicien sombrant peu à peu dans le désespoir et la folie depuis que son corps et son mental sont amenés à adopter les réflexes d'une mouche. Epaulé du score fragile de Howard Shore et des maquillages saisissants de Chris Wallas, le film cultive un réalisme scrupuleux quant à la métamorphose du héros succombant également dans une éthique dénuée de politique comme le souligne l'existence frigide des insectes. En prime de nous ébranler la vue avec les visions cauchemardesques de la victime atteinte d'une difformité toujours plus décharnée, Cronenberg nous émeut par l'entremise d'une douloureuse histoire d'amour que le héros entretient avec une journaliste philanthrope. Impuissante face à sa déchéance corporelle et psychologique, son témoignage donne lieu à des séquences toujours plus poignantes lorsque le duo s'efforce vainement de trouver une solution de dernier ressort face à une situation aberrante où la malchance aura décidé d'en châtier le responsable. 


    Sommet d'émotion et d'angoisse dépressive que Jeff Goldblum et Geena Davis transcende avec un humanisme aussi fébrile que bouleversant, la Mouche exploite l'alibi de l'argument horrifique pour en extraire un drame psychologique d'une émotion viscérale. Notamment parce que le thème de la maladie incurable nous concerne tous lorsque la mutation du cancer s'efforce de nous anéantir avec une partialité intolérable. De cette nouvelle chair hybride, Cronenberg en extirpe un chef-d'oeuvre aussi fragile qu'intelligent pour sa réactualisation d'une célèbre nouvelle. Ou lorsque l'élève dépasse le maître. 

    La Chronique de la Mouche 2 (la): http://brunomatei.blogspot.fr/2014/04/la-mouche-2-fly-2.html

    Bruno Matéï
    5èx

    Récompenses:
    Oscar du Meilleur Maquillage pour Chris Walas et Stephan Dupuis en 1987.
    Prix du meilleur film d'horreur, meilleur acteur (Jeff Goldblum) et meilleurs maquillages lors des Saturn Awards, 1987.
    Prix spécial du jury au Festival International du film fantastique d'Avoriaz, 1987

    mardi 3 novembre 2015

    BATMAN LE DEFI

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

    "Batman Returns" de Tim Burton. 1992. U.S.A. 2h06. Avec Michael Keaton, Michelle Pfeiffer, Danny DeVito, Christopher Walken, Michael Gough, Michael Murphy, Cristi Conaway, Andrew Bryniarski.

    Sortie salles France: 15 Juillet 1992. U.S: 19 Juin 1992

    FILMOGRAPHIE: Timothy William Burton, dit Tim Burton, est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 25 Août 1958 à Burbank en Californie.
    1985: Pee-Wee Big Adventure. 1988: Beetlejuice. 1989: Batman. 1990: Edward aux mains d'argent. 1992: Batman, le Défi. 1994: Ed Wood. 1996: Mars Attacks ! 1999: Sleepy Hollow. 2001: La Planète des Singes. 2003: Big Fish. 2005: Charlie et la Chocolaterie. 2005: Les Noces Funèbres. 2008: Sweeney Todd. 2010: Alice au pays des Merveilles. 2012: Dark Shadows. 2012: Frankenweenie. 2014: Big Eyes. 2016 : Miss Peregrine's Home for Peculiar Children.


    Véritable déclaration d'amour aux monstres, carnaval grotesque de deux infortunés gagnés par la vengeance, Batman le Défi fait office de vilain petit canard dans son ambition décalée de proposer un divertissement adulte prioritairement caustique. Alors que Tim Burton refusa dans un premier temps de réaliser une suite à Batman, les producteurs parviennent à le contredire en lui laissant la totale liberté de supprimer le personnage de Robin et d'y poursuivre à sa guise son entreprise. Ce qui donne lieu à une fantaisie flamboyante constamment inventive dans son lot de coups d'état, poursuites, règlements de compte et subterfuges que les ennemis de Batman et funambules imposteurs emploient avec une exubérance mal élevée. D'une fulgurance formelle ensorcelante, Tim Burton transcende l'univers gothique du comics par le biais de décors tantôt féeriques (climat enneigé des festivités de noël à l'appui !) tantôt baroques (sculptures grandioses parfois influencées par l'expressionnisme allemand !), quand bien même les antagonistes schizophrènes volent la vedette à l'homme chauve-souris, témoin empathique de leur condition névrosée. 


    Deux monstres opprimés noyés par leur chagrin et leurs pulsions de haine depuis leur profonde solitude d'avoir été lâchement sacrifiés. Soit par la démission de parents intolérants, soit par la prétention cupide d'un patron sans vergogne. Derrière leur masque se cache donc une aigreur inconsolable que Tim Burton transfigure avec malingre émotion sous l'impulsion de comédiens en roue libre ! Outre la prestance infaillible de Christopher Walken en magnat mégalo particulièrement sournois, Batman le défi tire parti de sa fascination grâce à l'alliance des deux antagonistes au passé torturé. Quasi méconnaissable, Danny DeVito endossant le personnage du Pingouin avec l'ambition sardonique de martyriser la population de Gotham avant d'y manoeuvrer Batman. Avec son rictus grimaçant et son regard fielleux héritier de sa peine morale, l'acteur se surpasse à exprimer des sentiments de rébellion facilement influencés par l'immoralité d'une vendetta escarpée. Reflet de sa solitude, sa soif d'amour et sa douleur insurmontable d'avoir été considéré depuis son enfance comme un rebut de la société. Pleine de sensualité et de provocations lubriques, Michelle Pfeiffer lui partage la vedette avec une même rancoeur erratique depuis la condescendance criminelle de son patron, quand bien même ce dernier est impliqué dans les travaux d'une centrale électrique émanant des déchet toxiques. Avec autant de charisme dans son expressivité impérieuse, l'actrice se fond dans sa combinaison de latex avec autant d'intensité que de fragilité humaine depuis son identité introvertie de se soumettre à la peur de l'autorité. 


    La Monstrueuse Parade
    Plaidoyer pour le droit à la différence à travers les portraits désenchantés de freaks psychotiques, Batman le défi s'iconise en poème d'amour tragique pour l'impossible reconnaissance de ces laissés pour compte. Un chef-d'oeuvre absolu du fantastique baroque que Tim Burton parvient en toute autonomie à détourner du produit standard sous le pilier d'un esthétisme crépusculaire pétulant ! Un conte de Noël frelaté d'une tristesse sous-jacente prépondérante... 

    Bruno 
    3èx 


    lundi 2 novembre 2015

    OEIL POUR OEIL. Prix de la Meilleure Actrice (Camille Keaton), Catalogne 78.

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site thefastpictureshow.com 

    "I spit on your grave/Day of the Woman". de Meir Zarchi. 1978. U.S.A. 1h41. Avec Camille Keaton, Eron Tabor, Richard Pace, Anthony Nichols, Gunter Kleemann, Alexis Magnotti.

    Sortie salles U.S: 22 Novembre 1978

    FILMOGRAPHIE: Meir Zarchi est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né en 1937.
    1978: Oeil pour Oeil. 1985: Don't Mess with My Sister ! Prochainement: I spit on your grave: déjà vu.


    Surfant sur les objets de scandale la Dernière maison sur la Gauche et Crime à froid, Meir Zarchi réalise 6 ans après celui de Craven un "Rape and Revenge" typiquement ancré dans son époque. Dans le sens où ce dernier préconise l'ultra réalisme hérité du documentaire ainsi qu'une violence tranchée particulièrement crue pour rapprocher son argument horrifique au plus près de la vérité. Sur ce point, la première partie s'attardant avec minutie sur le calvaire de la victime humiliée, torturée et violentée, s'avère bluffante de réalisme poisseux parfois difficilement supportable. De par la répétition intermittente des sévices qu'elle endure de manière ardue et l'intensité de ses hurlements qu'elle supplie en guise d'épuisement et de souffrance. Baignant dans une superbe photographie contrastant avec la végétation d'un lac forestier, Oeil pour Oeil nous illustre donc le viol puis la vengeance de la victime, sans concession ni accompagnement musical. 


    Epargné de fioriture et de complaisance, le réalisateur prend son temps à relater avec force et détails son calvaire sous l'impulsion de Camille Keaton. Récompensé d'un prix d'interprétation à Catalogne au moment de la sortie du film, la comédienne irradie l'écran par sa présence flegmatique, son regard détaché et sa posture ambiguë à adopter des risques inconsidérés pour piéger ses agresseurs. Ce comportement irresponsable, limite suicidaire, (jeter son revolver à proximité d'un des agresseurs pour s'entacher inopinément de le séduire, charmer en tenue d'Eve sans défense un autre assaillant affublé d'un poignard !) insuffle au film un climat étrangement trouble à la croisée de l'irrationnel. Grâce à l'autonomie de cette mise en scène documentée, Oeil pour Oeil s'extirpe miraculeusement de la redite pour offrir ses lettres de noblesse à un genre d'exploitation trop souvent réduit à la gratuité du racolage. Car même si la partie revenge s'avère moins percutante, la présence magnétique de l'actrice, son sang froid aguerri et ses motivations criminelles équivoques nous entraîne en temps réel vers un cheminement punitif déroutant. Si le rôle secondaire de l'attardé endossé par Richard Pace s'avère un peu stéréotypé, il parvient néanmoins à nous convaincre grâce à la spontanéité de ses expressions, quand bien même les autres têtes d'affiches ne manquent pas d'aplomb et de naturel (principalement le meneur du groupe incarné par Eron Tabor) pour afficher leurs bas instincts dépravés.


    D'une rare sauvagerie et cruauté quant au chemin de croix de la femme violentée, Oeil pour Oeil exploite son sous-genre avec l'habileté consciencieuse de l'auteur à authentifier un cas de viol sous l'impulsion d'une mante religieuse envoûtée par Camille Keaton. Une perle du genre n'ayant rien perdu de son aura vénéneuse !  

    Bruno Matéï
    3èx

    Récompense: Prix de la meilleure actrice pour Camille Keaton lors du Festival international du film de Catalogne en 1978.