vendredi 8 avril 2016

LE MANOIR MAUDIT

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

"Metempsyco"de Antonio Boccaci. 1963. Italie. 1h28. Avec Annie Alberti, Marco Mariani, Adriano Micantoni, Flora Carosello

Sortie salles France: 12 Novembre 1963

FILMOGRAPHIE: Antonio Boccaci est un réalisateur, scénariste et acteur italien. 1963: Le Manoir Maudit.


Ne tournons pas autour du pot, l'unique réalisation d'Antonio Boccaci est un nanar transalpin d'un intérêt limité. Le Manoir Maudit se contentant avec le minimum syndical de distiller inquiétude latente et expectative autour d'une machination parasitée d'incohérences. Tout du moins, faute d'une narration prémâchée (montage déstructuré à l'appui) et du comportement équivoque et elliptique de protagonistes ne cessant de déambuler dans les recoins du château avec une appréhension risible. Pour tenter d'impressionner le spectateur et le rassurer du spectacle horrifique, Antonio Boccaci compte sur les apparitions spectrales d'une comtesse et les exactions sordides d'un monstre de foire confiné dans une crypte. Sous l'impulsion barbare de ce dernier, on peut d'ailleurs relever l'audace graphique d'une séquence d'agression particulièrement brutale.


Le docteur Darnell et sa fille Anna viennent s'installer dans le manoir d'un aristocrate hindou autrefois épris d'amour pour sa comtesse Irène. Cette dernière ayant subitement disparue depuis 20 ans, il se réconforte auprès de la nouvelle présence d'Anna ressemblant à s'y méprendre à son ancienne maîtresse. La nuit, hantée par ses cauchemars et son somnambulisme, Anna tente de découvrir l'horrible vérité sur Irène avec le soutien de son fantôme. Mais au sous-sol du manoir, un valet au visage difforme veille dans une salle de tortures avant de kidnapper ses hôtes. Ce pitch fourre tout, Antonio Boccaci l'exploite avec beaucoup de maladresses, tant par sa mise en scène dégingandée que la prestance involontairement grotesque des comédiens cabotins s'efforçant d'exprimer leur angoisse ou terreur face aux diverses menaces (le fantôme et le monstre), quand bien même la police veille parfois à proximité pour débusquer un éventuel coupable. Dépourvu de tout ressort à suspense, l'intrigue peine à préserver l'attention tant nos personnages ne cessent d'aller et venir dans les chambres et couloirs avec une apathie rébarbative. Et pour éviter de se morfondre vers la somnolence, on se raccroche comme on peut sur la beauté de sa photo monochrome et le gothisme de quelques décors poussiéreux pour se rassurer d'une intrigue improbable étirée en longueurs. Qui plus est, sa partition dissonante irrite parfois les tympans dans ses tonalités inopinément joviales alors qu'il aurait mieux valu préconiser une sombre mélodie entêtante comme savent si bien les parfaire nos maestros italiens.


Uniquement destiné aux inconditionnels de raretés au rabais, le Manoir Maudit constitue une curiosité obsolète à découvrir d'un oeil distrait si vous êtes aptes à redoubler d'indulgence. 
Nota: VO absente de l'édition Artus Films.

jeudi 7 avril 2016

INFECTES

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site scifi-movies.com

"Carriers" d'Àlex et David Pastor. 2009. U.S.A. 1h24. Avec Lou Taylor Pucci, Chris Pine, Piper Perabo, Emily VanCamp, Christopher Meloni, Kiernan Shipka.

Sortie salles France: 26 Mai 2010. U.S: 4 Septembre 2009.

FILMOGRAPHIE: Àlex Pastor, né le 13 mars 1981 à Barcelone, Catalogne, est un scénariste, réalisateur et producteur espagnol. David Pastor, né le 25 juillet 1978 à Barcelone, Catalogne, est un scénariste et réalisateur espagnol. Il est le frère d'Alex Pastor.
2009: Infectés (Carriers). 2013 : Les Derniers Jours (Los últimos días).


Premier long des frères Pastor, Infectés aborde le thème de la dystopie sous l'alibi d'un virus mortel extrêmement contagieux. Amorçant sa mise en scène à l'instar d'un Teen movie conventionnel, l'intrigue dévie rapidement de sa trajectoire lorsque que 2 jeunes couples en véhicule se refusent à prêter main forte à un automobiliste depuis l'infection de sa petite fille. Sillonnant les contrées désertiques du sud-ouest des Etats-Unis, ces derniers tentent de rejoindre une plage afin de s'isoler de présence humaine et se prémunir de la pandémie. Durant leur cheminement, ils vont côtoyer d'autres rescapés tous aussi désespérés et égoïstes à l'idée de survivre dans leur no man's land. 


Saturé d'une photographie ocre contrastant avec un climat solaire écrasant, Infectés distille une atmosphère putride toujours plus tangible au fil des pérégrinations urbaines de nos survivants en instance de survie. De par la découverte de macchabées décharnés ou de malades moribonds, et l'attitude davantage sournoise de nos comparses terrifiés à l'idée de rejoindre la liste des infectés. Le moindre contact tactile avec le sang du malade ou de leur respiration leur assurant la transmission d'une maladie incurable. Road Movie vitriolé dans son parti pris de démasquer l'esprit de lâcheté et d'individualisme de l'homme prêt à braver sa moralité au prix de sa survie, Infectés instaure un sentiment de désespoir en crescendo. Sous l'impulsion d'une dynamique de groupe, la fraternité familiale, l'esprit de camaraderie et les sentiments amoureux volent en éclat depuis qu'un virus mortel aura décidé de les éradiquer. Outre son pessimisme radical émanant de l'environnement de décrépitude, cette aura de déréliction se renforce de la caractérisation sournoise des protagonistes évoluant dans une déchéance immorale, faute d'un concours de circonstances miséreuses. Les réalisateurs ne nous épargnant rien de leurs agissements couards et exactions perfides à daigner sauver leur peau au mépris de la solidarité.   


Sous ses allures de série B mainstream survolant au premier abord le stéréotype de jeunes survivants faussement affables, Infectés s'extirpe de la conformité grâce à leur caractérisation fielleuse mise à nu au sein d'un cadre suffocant de dystopie. Dur et sans concession, l'intrigue improvisée insufflant une émotion aigre quant à la destinée précaire de ces anti-héros partagés entre une parcelle de remord et la rage de subsister. De ce maelström de corruption émane un constat aussi pessimiste que terrifiant sur la nature humaine. Et vous, que feriez-vous en pareille occasion ?

07.04.16. 3èx
16.03.11

mercredi 6 avril 2016

THE TROLL HUNTER

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

d'André Øvredal. 2010. Norvège. 1h43. Avec Otto Jespersen, Glenn Erland Tosterud, Johanna Mørck, Tomas Alf Larsen, Hans Morten Hansen.

Sortie salles France: 27 Juillet 2011. Norvège: 29 Octobre 2010

FILMOGRAPHIE: André Øvredal est un scénariste, producteur et réalisateur norvégien né en 1973. 2000: Future Murder. 2004: Bushmann. 2010: The Troll Hunter.


Récoltant plus de 4 160 000 $ de recettes à travers le monde (pour un budget de 3.5 millions), The Troll Hunter fut principalement un succès commercial dans son pays natal alors que le public français le découvrit pour la première fois durant la sélection du Festival de Gérardmer en 2011. S'il repartit bredouille dans l'hexagone, la Norvège lui décerna lors des prix Amanda, le Prix du Public et des Meilleurs effets visuels, quand bien même le Festival de Neuchâtel lui attribua le Prix H.R. Giger Narcisse du Meilleur film, le Méliès d'argent du meilleur film fantastique européen ainsi que le Prix du Public. Adoptant le principe du documenteur, plus familièrement nommé aujourd'hui Found Footage, The Troll Hunter tente avec le plus grand sérieux de nous convaincre de l'existence de Trolls à travers l'Europe du Nord, et plus précisément à l'ouest de la péninsule scandinave. Préparant un reportage sur la chasse à l'ours, trois étudiants norvégiens s'épanchent sur la réputation notoire du braconnier Hans. Durant une chasse nocturne, ses derniers le suivent pour devenir témoin d'une incroyable révélation ! Un gigantesque troll affublé de trois têtes les pourchassent sans relâchent à travers bois, quand bien même Hans s'efforce de l'éradiquer à l'aide d'un projecteur incandescent. Un principe routinier afin de putréfier le monstre. C'est le début d'une longue investigation que vont vaillamment pratiquer nos héros à travers les montagnes et forêts enneigées. 


Avec son parti-pris d'authentifier une légende de notre enfance sous le principe d'une caméra amateur, André Øvredal redouble d'ambition et d'inventivité à mettre en image une trépidante chasse aux Trolls. Regorgeant de situations aussi farfelues que débridées lorsque nos journalistes en herbe assistent impuissants à l'investigation ardue du braconnier, The Troll Hunter renouvelle l'action en exploitant les cadres naturels de sa contrée sauvage (les repères tentaculaires des montagnes et forêts) et en multipliant les confrontations animales parmi la diversité de trolls protéiformes. Hyper documenté comme le soulignent les interviews de divers scientifiques participant sobrement au jeu de questions/réponses, l'intrigue s'évertue à crédibiliser son contexte improbable avec souci du détail scientifique (pour quelle raison épidermique tel troll sera putréfié alors qu'un autre éclatera sous les éclats de lumière ?). Notamment du point de vue autoritaire de Hans, chasseur aguerri connaissant les combines pour se prémunir d'une attaque en masquant l'odeur de sa transpiration par des excréments de Troll. Quand bien même il n'omet pas d'enseigner à ses cameramans que le "catholique" reste la proie humaine la plus identifiable chez l'intuition du monstre (le christianisme ayant diabolisé la croyance du Troll jusqu'au 19è siècle, ceci explique cela !). Provoquant les éclats de rire nerveux comme en témoigne la séquence où ce dernier affublé d'une armure guerrière tente d'approcher un spécimen pour lui pratiquer une prise de sang (seringue géante à l'appui !), The Troll Hunter relance l'action parmi ses missions suicidaires. Peu avare à mettre en exergue les apparitions dantesques des créatures hybrides, André Øvredal s'appuie également sur la performance d'effets spéciaux numériques sidérant de réalisme. A l'instar de son final épique culminant avec l'apparition disproportionnée du Jotnar atteint par la rage !


Aventure aussi hilarante que jubilatoire dans son lot d'actions exubérantes et de situations folingues que nos héros déjouent vaillamment caméra à l'épaule, The Troll Hunter tire parti de son efficacité par son dosage de cocasseries extériorisées par la sobriété de comédiens subtilement ironiques. Farce impayable instituée en mode documenteur, cet immense défouloir s'avère beaucoup plus réjouissant, inventif et percutant que n'importe quel opus de Jurassic Park !  

mardi 5 avril 2016

PERE NOEL ORIGINES

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site imdb.com

"Rare Exports: A Christmas Tale" de Jalmari Helander. 2010. Finlande-France-Norvège-Suède. 1h22. Avec Per Christian Ellefsen, Peeter Jakobi, Tommi Korpela, Jorma Tommila, Onni Tommila.

Sortie salles France: 14 Décembre 2011. Norvège: 3 Décembre 2010.

FILMOGRAPHIEJalmari Helander est un réalisateur et un scénariste finlandais né le 21 juillet 1976. 2010: Père Noël Origines. 2014: Big Game (également coscénariste).


Comédie fantastique finlando-franco-norvégio-suédoise, Pere Noel Origines fit sensation dans les festivals où il fut projeté, à l'instar du public de Gérardmer qui lui accorda un accueil des plus enthousiastes malgré son absence de récompense. Inspiré à l'origine par deux courts-métrages que Jalmari Helander réalisa en 2003 et 2005, Pere Noel Origines tire parti de son efficacité et de sa truculence grâce à l'originalité d'un scénario hétérodoxe. Digne d'une production Amblin des années 80, l'intrigue met en valeur un héros en culotte courte de manière aléatoire si bien que le jeune acteur endossé par Onni Tommila parvient remarquablement à s'initier au redresseur de tort avec un humanisme aussi attendri que stoïque, eu égard des rapports conflictuels compromis avec son père. Alors que des chercheurs américains auraient découvert l'origine du véritable père-noël fossilisé depuis des siècles au coeur de la montagne Korvatunturi, une troupe de villageois s'inquiètent du massacre de rennes perpétrés près de la station archéologique. Le jeune Pietari et son père découvrent ensuite un mystérieux individu grièvement blessé dans un piège à loup. A moitié nu et mutique, ce dernier épouse un comportement aussi placide qu'inopinément violent.


Jouant sur l'attente d'un suspense anxiogène quant au comportement équivoque de cet étrange vieillard, Pere Noël Origines distille de prime abord un mystère sous-jacent si bien que l'ambiance insidieusement horrifique laisse suggérer un danger létal. Cette première partie subtilement fallacieuse amorce ensuite un virage fortuit pour laisser place à une série d'incidents et de revirements toujours plus réjouissants, de par son lot d'idées débridées mettant en valeur le père-Noel de manière aussi couillue que salace ! On peut d'ailleurs prêter une certaine allusion à la pédophilie lorsque l'inconnu sclérosé adopte une attention ambiguë face à la présence juvénile de Pietari, Spoil ! et lorsque ces complices entièrement nus s'efforcent de courser dans la neige une cargaison de marmots suspendus à un hélico afin de les châtier de leur turbulence parentale Fin du Spoil. A travers l'existence chimérique du fameux Santa claus, Pere-Noël Origines offre donc un savoureux pied de nez à la légende avec une dérision gentiment sarcastique. Outre l'aspect trépidant d'un cheminement narratif imprévisible, le charisme saillant des père-noël fouettards et la caractérisation fraternelle des villageois sont rehaussés de la posture brusquement martiale du jeune Pietari s'improvisant en meneur avec une conviction inébranlable !


Animé d'un humour espiègle subtilement inventif au sein d'une narration exubérante, Pere Noël Origines repose autant sur la cohésion attachante des protagonistes jouant les redresseurs de tort avec une volonté capitaliste plaisamment gouailleuse. Ovni féerique où le conte de noël est diablement détourné au profit d'un climat vénéneux, Pere-Noël Origines fait preuve d'une insolence rafraîchissante pour élever le divertissement fantastique au stade adulte. 

Récompense: Prix de la meilleure réalisation, 9e Festival du film d’horreur de Wales, mars 2010.

lundi 4 avril 2016

LE FILS DE SAUL. Grand Prix Cannes 2015. Oscar du Meilleur film Etranger, 2015.

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Saul fia" de László Nemes. 2015. Hongrie. 1h47. Avec Géza Röhrig, Levente Molnár, Urs Rechn, Todd Charmont, Sándor Zsótér, Uwe Lauer, Björn Freiberg

Sortie salles France: 4 novembre 2015. Hongrie: 11 juin 2015

FILMOGRAPHIELászló Nemes, né à Budapest (Hongrie) le 18 février 1977, est un réalisateur et scénariste hongrois. 2015: Le Fils de Saul.


Malgré ses longueurs récurrentes et un climat austère pesant, un très beau film sur la dignité du deuil infantile durant l'holocauste nazi.

Récompenses: Festival de Cannes 2015 : Grand prix
Prix FIPRESCI
Prix François Chalais
Prix Vulcain de l'artiste technicien de la CST pour l'ingénieur du son Tamás Zányi
Boston Online Film Critics Association Awards 2015 : Meilleur film en langue étrangère
New York Film Critics Circle Awards 2015 : Meilleur premier film
National Board of Review Awards 2015 : Meilleur film en langue étrangère
Golden Globes 2016 : Meilleur film en langue étrangère
Oscars 2016 : Meilleur film en langue étrangère

vendredi 1 avril 2016

LA FORET D'EMERAUDE

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"The Emerald Forest" de John Boorman. 1985. U.S.A. 1h54. Avec Powers Boothe, Charley Boorman, Ruy Polanah, Meg Foster, Dira Paes, Eduardo Conde, William Rodriguez

Sortie salles France: 26 juin 1985. U.S: 3 juillet 1985.

FILMOGRAPHIE: John Boorman est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né le 18 Janvier 1933 à Shepperton (Royaume-Uni).
1965: Sauve qui peut. 1967: Le Point de non-retour. 1968: Duel dans le pacifique. 1970: Leo the last. 1972: Délivrance. 1974: Zardoz. 1977: L'Exorciste 2. 1981: Excalibur. 1985: La Forêt d'Emeraude. 1987: Hope and Glory. 1990: Tout pour réussir. 1995: Rangoon. 1998: Le Général. 2001: Le Tailleur de Panama. 2003: In my Country. 2006: The Tiger's Tail.


"La forêt amazonienne disparaît au rythme de 2500 hectares par jour. 4 millions d'indiens y vivaient. Il n'en reste que 120 000. Quelques tribus n'ont eu aucun contact extérieur. Il savent encore ce que nous avons oublié." Paragraphe du générique de fin.

Gros succès commercial en France ayant réuni plus de 2,6 millions de spectateurs à sa sortie en 1985, La Forêt d'Emeraude pâti aujourd'hui d'une certaine indifférence chez nous programmateurs audiovisuels en dépit de sa notable réputation. Oeuvre écolo dénonçant la déforestation auprès de magnats sans vergogne, aventure humaine aussi exaltante que furieusement sauvage, la Forêt d'Emeraude s'inspire d'une histoire vraie lorsqu'un père de famille, ingénieur de chantier pour la fondation d'un barrage, s'efforça durant plus de 10 ans à retrouver son fils enlevé par une ethnie indienne. Choc des cultures entre la civilisation moderne et celle archaïque d'une tribu indigène, John Boorman nous dépeint scrupuleusement les us et coutumes des "Invisibles" avant que l'homme moderne ne vienne piétiner leur terre pour les chasser dans un motif pécuniaire. Par ces rapports de force déloyaux émane un saisissant contraste entre les chantiers en construction et le bout de terrain forestier que les "Invisibles" désespèrent à préserver malgré leur foi en une mère nature philanthrope.


Observant de prime abord avec souci documentaire leur condition de vie harmonieuse parmi le témoignage du père recueilli au sein leur foyer depuis une rixe contre les Féroces (un peuple amazonien autrement hostile), Boorman déclare sa flamme à la faune, la flore et à l'indien qui y réside dans un florilège d'images dantesques sublimant sa nature paradisiaque. Faisant preuve d'une réflexion mystique quant aux pouvoirs occultes d'une ethnie pacifique, La Forêt d'Emeraude prend la tournure d'un conte existentiel sous l'autorité de dame nature prête à perpétrer sa revanche contre la cupidité de notre civilisation moderne. Par le biais d'une poignante histoire d'amour entre un père et son fils, la narration finit par amorcer une tournure plus dramatique et violente lorsque le paternel, conscient de sa culpabilité vénale, finit par prendre conscience que son rejeton ne pourra jamais s'adapter à sa société de consommation fondée sur le goût du lucre, la perversion du profit et l'exploitation humaine (celle des ouvriers mais aussi la traite des blanches que les "féroces" négocieront au profit d'armes vendus par la pègre).


Périple initiatique d'un duo parental plongé dans une société primitive antimatérialiste où la nature se porte garante à préserver leur civilisation bâtie sur la tolérance, le respect d'autrui et l'amour patriarcal, La Forêt d'Emeraude nous laisse un goût d'amertume lorsque John Boorman nous dévisage de notre corruption vénale et de notre irrespect pour l'environnement. Magnifique.

jeudi 31 mars 2016

La Maison de la Terreur / La Casa con la scala nel buio / Blade in the Dark

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com  

de Lamberto Bava. 1983. Italie. 1h48 (version intégrale) - 1h36 (France). Avec Andrea Occhipinti, Anny Papa, Fabiola Toledo, Michele Soavi, Valeria Cavalli, Stanko Molnar.

Sortie salles France: 23 décembre 1987. Italie: 11 mai 1983

FILMOGRAPHIE: Lamberto Bava est un réalisateur et scénariste italien, né le 3 avril 1944 à Rome.
1980: Baiser Macabre. 1983: La Maison de la Terreur. 1984: Apocalypse dans l'océan rouge. 1984: Blastfighter. 1985: Demons. 1985: Midnight Horror. 1986: Demons 2. 1991: Body Puzzle. 2006: Ghost Son.


Largement inspiré par Ténèbres d'Argento et un peu moins de Blow Up (pour la résolution de l'assassin à travers une pellicule), Lamberto Bava nous offre avec la Maison de la Terreur un sympathique ersatz du Giallo à défaut de nous passionner vers une ultime demi-heure un tantinet poussive par moments. Hormis ce léger handicap, le cinéaste parvient à instaurer un suspense soutenu au sein de son thriller typiquement transalpin, ponctué comme le veut la tradition de meurtres sanglants assez réussis pour nous impressionner en mode viscéral. Le PitchMusicien pour le cinéma, Bruno loue une résidence afin de parfaire sa dernière composition en toute tranquillité. Alors qu'une jeune voisine vient lui rendre visite pour l'accoster, cette dernière est assassinée par un mystérieux rôdeur. Inquiet par sa disparition, Bruno ne tarde pas à suspecter qu'un meurtre vient d'être commis dans sa villa. Par le biais du huis-clos domestique auquel l'ombre du tueur plane à chaque recoin, Lamberto Bava nous confectionne donc un psycho-killer anxiogène futilement atmosphérique. 


Par l'entremise d'un leitmotiv musical (parfois rébarbatif avouons-le) et d'une scénographie domestique aimablement stylisée, le cinéaste s'efforce de singer le cinéma d'Argento si bien que certains plans dans les poursuites et exactions (la position des victimes, l'aménagement du jardin de la villa) semblent avoir été calqués sur Ténèbres (notamment la tenue vestimentaire des voluptueuses actrices lascives). Sans compter ses éclairages oniriques chargés de teintes limpides et bleu-ciel afin d'agrémenter son design domestique. Pourtant, ce sentiment largement référentiel est pallié par la sincérité de Lamberto Bava soucieux d'y façonner un psycho-killer étrangement inquiétant au sein d'un dédale mortuaire. Le cinéaste transfigurant avec application permanente chaque recoin de la demeure à l'instar d'un théâtre macabre batifolant avec la mort. Qui plus est, il parvient avec assez de créativité à styliser deux meurtres dans la manière d'assassiner suivi de l'art de l'agonie morbide. Sans déflorer la résolution de l'intrigue également inspirée d'un grand classique du genre, Bava finalise sa conclusion avec une certaine habileté afin de justifier la pathologie traumatique du tueur en corrélation avec le cinéma de genre.


Hormis un jeu d'acteurs perfectible quelque peu attachant dans leur modeste sincérité et les références saillantes empruntées à Ténèbres (esthétisme limpide à l'appui au sein d'une villa harmonieuse), La Maison de la Terreur dilue un mystère latent gentiment magnétique autour de fulgurances criminelles à la fascination morbide. S'efforçant de rendre une copie de travail formellement ciselée, Lamberto Bava s'extirpe miraculeusement de la médiocrité grâce à son aimable ambition d'émuler son maître, et ce en dépit de quelques baisses de rythme (et d'intérêt) lors de sa dernière partie rehaussée d'un final crédible. 

Dédicace à Céline Trinci.

*Bruno
23/03/23. 3èx.

mercredi 30 mars 2016

Démons 2

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de Lamberto Bava. 1986. Italie. 1h31. Avec David Edwin Knight, Nancy Brilli, Coralina Cataldi-Tassoni, Bobby Rhodes, Asia Argento.

Sortie salles France: 27 Mars 1987

FILMOGRAPHIE: Lamberto Bava est un réalisateur et scénariste italien, né le 3 avril 1944 à Rome.
1980: Baiser Macabre. 1983: La Maison de la Terreur. 1984: Apocalypse dans l'océan rouge. 1984: Blastfighter. 1985: Demons. 1985: Midnight Horror. 1986: Demons 2. 1991: Body Puzzle. 2006: Ghost Son.


Un an après le succès de Démons, Lamberto Bava rempile pour une suite aussi lucrative mais façonnée avec cette même sincérité et générosité dans son alliage d'action et de gore typiquement transalpins. Exploitant à nouveau l'unité de lieu par le biais d'un vaste immeuble, l'intrigue se focalise en premier acte sur la réception mouvementée d'un anniversaire d'étudiante. Alors qu'à la TV est diffusée une série B d'horreur captivante, eu égard de la fascination des spectateurs, un démon s'extirpe de la lucarne pour y agresser la locataire de la fiesta. Brièvement possédée par le Mal, elle transmet sa contagion auprès de ses camarades. C'est le début d'une épreuve de survie que quelques rescapés vont tenter de surpasser depuis leur condition d'embrigadement. Car privés d'électricité et incapables de s'extirper de leur appartement, ils vont user de bravoure et d'adresse pour se prémunir contres les affronts démoniaques.


Plaisir innocent du samedi soir comme le fut brillamment son congénère, Démons 2 exploite le filon d'un succès mérité en surenchérissant dans l'action et le gore festifs. Multipliant les situations de claustration au sein d'un ascenseur, d'un club de muscu et de 2/3 appartements, l'intrigue alterne les allers/retour sur la condition recluse de survivants scindés en groupe. De par la vigueur des affrontements sanglants aussi improbables que délirants s'ajoute la qualité artisanale d'effets spéciaux souvent spectaculaires (le clin d'oeil ironique alloué à Videodrome ou encore le ghoulie s'extirpant de l'estomac d'un marmot). Emaillé de séquences oniriques stylisées (l'apparition nocturne des démons aux yeux fluorescents), Démons 2 fait notamment preuve d'inventivité dans leur aspect grand-guignolesque, à l'instar du chien et du bambin en phase de mutation. Bordélique à plus d'un titre, les séquences horrifiques se succèdent sans répit dans une ambiance de folie expansive si bien que survivants et démons se combattent avec la même insolence primitive. Nombre de séquences parfois grotesques sombrant dans l'hilarité improvisée, tant par le cabotinage outré des comédiens que certaines stratégies d'attaque amorcées en véhicule. Ce climat d'hystérie collective se traduit aussi par la physionomie spumescente des monstres vociférant insatiablement leur soif d'exactions !  


Si l'effet de surprise est aujourd'hui rompu et que le scénario élémentaire repose uniquement sur l'esbroufe (en dehors de son équivoque conclusion), Demons 2 renoue généreusement avec l'esprit ludique du survival en huis-clos, la touche surréaliste en sus. Lamberto Bava s'efforçant de renouveler l'action des pugilats sanglants en exploitant habilement l'éclectisme des décors. Une bisserie d'exploitation au charme encore plus factuel qu'à sa glorieuse époque. 

La Chronique de Demons: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/05/demons-demoni.html

*Bruno
04.01.24. Vistfr

mardi 29 mars 2016

COCOON. Oscar 87 du meilleur acteur pour Don Ameche.

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site movieposter.com 

de Ron Howard. 1985. U.S.1. 1h56. Avec Don Ameche, Wilford Brimley, Hume Cronyn, Brian Dennehy, Jack Gilford, Steve Guttenberg, Maureen Stapleton, Jessica Tandy

Sortie salles France: 27 Novembre 1985. U.S: 21 Juin 1985

FILMOGRAPHIE: Ron Howard est un réalisateur et acteur américain, né le 1er Mars 1954 à Duncan, Oklahoma.
1977: Lâchez les bolides. 1982: Les Croque-morts en folie. 1984: Splash. 1985: Cocoon. 1985: Gung Ho. 1988: Willow. 1989: Portrait craché d'une famille modèle. 1990: Backdraft. 1992: Horizons Lointains. 1994: Le Journal. 1995: Apollo 13. 1996: La Rançon. 1999: En direct sur Ed TV. 2000: Le Grinch. 2001: Un Homme d'Exception. 2003: Les Disparus. 2005: De l'ombre à la lumière. 2006: Da Vinci Code. 2008: Frost/Nixon. 2009: Anges et Démons. 2011: Le Dilemme. 2013: Rush. 2014: Au coeur de l'Océan. 2016: Inferno.


Enorme succès commercial à sa sortie en salles si bien qu'une suite fut rapidement mise en chantier 3 ans plus tard, Cocoon s'inspire clairement du cinéma de Spielberg par son esprit féerique à exploiter une intervention extra-terrestre avec une sobre simplicité. Dénué de prétention mais s'appuyant sur la facilité des bons sentiments, Ron Howard aborde les thèmes de la vieillesse et de l'acceptation du deuil parmi l'efficacité d'un pitch pittoresque. Dans une maison de retraite, un trio d'acolytes sclérosés parvient à rajeunir après avoir pataugé dans la piscine d'une propriété privée. Seulement, l'endroit est également le refuge d'un groupe extra-terrestre venu y déposer des cocons après que ces derniers eurent été soutirés de l'océan. Leur stratagème est donc de récupérer leurs comparses pour les rapatrier dans leur lointaine galaxie après des siècles d'hibernation.


Comédie fantastique à l'esprit de légèreté et de fraîcheur, Cocoon cultive une indéniable sympathie en la présence pétulante de couples du 3è âge en instance de renaissance puis celle attendrissante d'E.T candides (FX adroits à l'appui pour consolider leur apparence incandescente). Les comédiens septuagénaires s'en donnant à coeur joie dans leur dynamique de groupe à concerter les virées nocturnes avec une appétence de liberté qui incitera les autres pensionnaires à se jeter dans la piscine de jouvence. Au-delà de la fougue extravertie de ces vétérans du 3è âge, l'acteur Steve Guttenberg prête son talent de distrait empoté avec beaucoup de naturel, quand bien même sa partenaire féminine campée par la délicieuse Tahnee Welch (fille de Raquel Welch s'il vous plait !) insuffle un charme concupiscent dans une fonction gentiment fallacieuse. Réflexions sur le sens de la vieillesse et l'injustice de la mort, Ron Howard les abordent avec humour, émotion poignante et poésie sous l'impulsion d'une idéologie spirituelle. Nos retraités ayant finalement opté pour une vie éternelle, on peut y voir une métaphore sur l'acceptation du deuil du point de vue de la famille endeuillée par la disparition de l'être aimée. Malgré l'évidente naïveté de son traitement et le côté superficiel de la réalisation, Ron Howard s'extirpe de ses lacunes grâce à la complicité fougueuse des comédiens et l'originalité du sujet compromettant la survie d'E.T et de vieillards parmi l'esprit rédempteur de la fraternité.


Conte féerique sur la fidélité de l'amour et l'acceptation de la mort, Cocoon repose sur la sincérité de Ron Howard à s'influencer modestement du cinéma de Spielberg. Hormis l'aspect un peu mièvre du climat onirique et de sa caractérisation humaine pleine d'optimisme, ce spectacle familial tire parti de son attrait grâce à l'efficacité du concept fantasmatique (la cure de rajeunissement chez des retraités en fin de vie) où les comédiens laissent libre court à une insolence galvanisante. 

Récompenses: 1986 : Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour Don Ameche
1986 : Oscar des meilleurs effets visuels pour Industrial Light & Magic
1986 : Saturn Award du meilleur réalisateur pour Ron Howard

29.03.16 (4èx)
07.06.02

lundi 28 mars 2016

LA LEGENDE DE BEOWULF

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Beowulf" de Robert Zemeckis. 2007. U.S.A. 1h55. Avec Ray Winstone, Anthony Hopkins, Angelina Jolie, John Malkovich, Robin Wright, Brendan Gleeson, Crispin Glover, Alison Lohman

Sortie salles France: 21 Novembre 2007. U.S: 16 Novembre 2007

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois).
1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight. 2015: The Walk.


Entièrement réalisé en performance capture que Zemeckis avait déjà utilisé pour Le Pole Express, la Légende de Beowulf retrace le parcours fallacieux d'un illustre guerrier compromis par sa cupidité et son désir de notoriété. C'est après avoir vaillamment combattu le monstre Grendel que la mère de ce dernier se résigne à lui soumettre un pacte en guise de vengeance. Attisé par la place du trône que le roi Hroogar lui avait déjà promis s'il rapportait la tête du monstre, Beowulf accepte d'enfanter un fils à la mère de Grendel et de lui céder une licorne d'or afin d'acquérir la gloire. Spectacle d'héroic-Fantasy regorgeant de bravoures homériques très impressionnantes (les interventions erratiques du monstre, le combat épique avec le dragon), la Légende de Beowluf traduit une belle vigueur dans la fluidité des combats aériens et des pugilats sanglants. Effrayant à plus d'un titre, de par son apparence putrescente et ses exactions impitoyables, Grendel parvient pourtant à nous susciter une certaine compassion par sa condition de victime malgré lui avec l'appui d'une mère chérissant.


Mais au-delà du ressort trépidant des affrontements bellicistes chorégraphiés avec inventivité, le spectacle moyenâgeux puise notamment sa densité dans la caractérisation humaine de ses personnages. L'intrigue vénéneuse se focalisant sur les actes et les conséquences morales de Beowulf depuis sa rencontre avec une créature divine. Guerrier aguerri reconnu pour son courage et sa force physique, ce dernier n'hésite pas à duper son entourage sur les circonstances de ses exploits héroïques. Sans jamais céder à la surenchère gratuite (l'action étant au service d'un fil narratif privilégiant la passation de pouvoir entre souverains liés au secret), Zemeckis amorce une ampleur à la dimension humaine quant au cheminement de perdition de Beowulf. Notamment lorsque sa remise en question éveillera chez lui culpabilité et désir de rédemption quelques décennies après ses triomphes. Héros torturé d'avoir lâchement trompé les siens au prix de la célébrité et de la cupidité, Beowulf nous insuffle une inévitable empathie depuis sa conscience meurtrie d'avoir osé tolérer un pacte avec le diable. C'est sous l'apparence trompeuse d'une déesse plantureuse que notre héros céda même si celle-ci profita de ces pouvoirs occultes pour mieux l'assouvir. Esthétiquement envoûtant et richement détaillé pour retranscrire avec réalisme et onirisme une scénographie médiévale inscrite dans le bruit et la fureur, la Légende de Beowulf alterne l'action spectaculaire et l'émotion poignante, notamment avec le soutien moral du second-rôle féminin, Wealtheow. Une épouse mélancolique lucide de ses échecs conjugaux depuis les trahisons communes de Hroogar et Beowulf auprès de leurs pairs.


A travers la simplicité d'un scénario efficacement structuré, la Légende de Beowulf insuffle une belle densité humaine pour le profil insidieux d'une légende héroïque fascinée par le pouvoir. Sous couvert d'un film d'aventures haletant et violent, c'est donc un divertissement anticonformiste que nous propose Zemeckis en taillant la carrure d'un héros faillible conscient de ses faiblesses humaines.  

vendredi 25 mars 2016

SWEENEY TODD: Le Diabolique Barbier de Fleet Street

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street" de Tim Burton. 2007. U.S.A/Angleterre. 1h56. Avec Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Alan Rickman, Edward Sanders, Jamie Campbell Bower, Timothy Spall, Jayne Wisener

Sortie salles France: 23 janvier 2008. U.S: 21 Décembre 2007

FILMOGRAPHIE: Timothy William Burton, dit Tim Burton, est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 25 Août 1958 à Burbank en Californie. 1985: Pee-Wee Big Adventure. 1988: Beetlejuice. 1989: Batman. 1990: Edward aux mains d'argent. 1992: Batman, le Défi. 1994: Ed Wood. 1996: Mars Attacks ! 1999: Sleepy Hollow. 2001: La Planète des Singes. 2003: Big Fish. 2005: Charlie et la Chocolaterie. 2005: Les Noces Funèbres. 2007: Sweeney Todd. 2010: Alice au pays des Merveilles. 2012: Dark Shadows. 2012: Frankenweenie. 2014: Big Eyes. 2016 : Miss Peregrine's Home for Peculiar Children.


D'après un roman écrit en 1846 par Malcolm Rymer et Thomas Peckett, Sweeney Todd serait inspiré des exactions d'un véritable serial-killer. Un barbier ayant sévi à Paris au 14è siècle parmi la complicité d'un pâtissier résidant en face de son échoppe. Ce dernier cuisinant des pâtés en croûte à partir des cadavres de son acolyte. Adapté ensuite au cinéma, en télé-film, en radiophonie et en pièce de théâtre de 1847 à 2006, Sweeney Todd réapparaît en 2007 sous la forme d'une comédie musicale horrifique sous la houlette de Tim Burton. A la vision d'un spectacle aussi iconoclaste et hardcore financé par Hollywood, on se demande comment le réalisateur ait pu convaincre ses producteurs. Le réalisateur ne lésinant pas sur les gerbes de sang pour ces égorgements en série d'un réalisme tranché. Prenant pour thèmes la vengeance, la romance et la folie, Sweeney Todd retrace le sombre destin d'un barbier londonien emprisonné durant 15 ans pour un motif dérisoire. Faute d'un juge véreux féru d'amour pour sa maîtresse, Benjamin Barker fut condamné aux travaux forcés. Avec la complicité d'une pâtissière spécialiste de tourtes à la viande, ce dernier se résigne à changer d'identité afin de parfaire sa terrible vengeance auprès du juge Turpin et ainsi retrouver sa femme emprisonnée chez cet imposteur.


Emaillé de mélodies musicales éclectiques chantonnées avec emphase par la troupe des comédiens, Sweeney Todd ne cesse d'opposer la comédie et l'horreur pure dans un brassage d'émotions austères. Scandé d'un apparat gothique, tant par l'esthétisme funèbre des décors expressionnistes, des costumes, de sa photo désaturée et d'une reconstitution criante de vérité, Sweeney Todd enivre la vue sous l'impulsion du duo maudit, Todd / Mrs. Lovett. Johnny Depp endossant avec une froideur hiératique un barbier mélancolique transi de rancoeur incurable depuis son inéquitable culpabilité. Outre sa prestance magnétique taillée dans une carrure funeste, Helena Bonham Carter lui partage la vedette avec une sensualité trouble en complice secrètement amoureuse. Par l'intensité de son regard vénéneux, celle-ci parvient à émuler le jeu délétère de son équipier masculin par le biais d'une sournoiserie subtilement sous-jacente. Si l'intrigue dramatique occulte toute notion de suspense et de vigueur quant à la vengeance méthodique du tueur, Sweeney Todd parvient tout de même à séduire et effrayer grâce à son ambiance hybride quasi indicible. Tant par le stylisme de sa violence barbare que sa galerie d'antagonistes peu recommandables. Nous sommes d'autant plus déconcertés du réalisme du climat opaque (voir parfois même dépressif) que la tournure cruelle des évènements ne laisse place à aucune illusion. La folie morale du barbier étant retranscrite sans aucun romantisme comme le soulignera radicalement l'issue nihiliste de l'épilogue. 


Tour à tour baroque et sardonique et d'un romantisme à la cruauté tragique, Sweeney Todd constitue un spectacle horrifique atypique pour l'attrait exaltant des numéros musicaux et la sauvagerie d'un ultra-gore à couper au rasoir. Réfutant le spectacle agréablement ludique, Tim Burton nous façonne avec brio technique un ovni ineffable, à l'instar de ses références au cinéma muet et de la modernité de l'horreur graphique. Par son climat onirico-macabre aussi méphitique qu'envoûtant, il est préférable d'avertir le spectateur de la teneur malsaine de son aura vitriolée. 

jeudi 24 mars 2016

STAR WARS, EPISODE VII: LE REVEIL DE LA FORCE

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdsreleasedates.com

"Star Wars Episode VII: The Force Awakens" de J. J. Abrams. 2015. U.S.A. 2h18. Avec Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Adam Driver, Harrison Ford, Carrie Fisher, Mark Hamill, Peter Mayhew et Joonas Suotamo, Domhnall Gleeson

Sortie salles France: 16 décembre 2015. U.S: 18 Décembre 2015

FILMOGRAPHIE: J.J Abrams est un réalisateur, producteur, compositeur, acteur et scénariste américain pour le cinéma et la télévision, né le 27 Juin 1966 à New-york. Il est en outre le créateur des séries TV, Lost, Alias, Felicity, Fringe, Undercovers, Alcatraz et Obb Jobs.
2006: Mission Impossible 3. 2009: Star Trek. 2011: Super 8. 2013: Star Trek into the darkness. 2015: Star Wars, le réveil de la force.


                                     Comme on dit si bien: l'avatar ne vaudra jamais l'original.

Emaillé de séquences d'action à couper le souffle et de la rencontre franchement poignante du duo séculaire Harrison FordCarrie Fisher, un sympathique divertissement aux intentions sincères évidentes (réconcilier l'ancienne et la nouvelle génération du public) mais dénué d'âme, de fureur et de passion, d'intensité dramatique et de chaleur humaine (ou si peu, à l'instar de son climat austère !), faute d'un scénario scolaire aux enjeux vides d'intérêt (2h07 pour entrevoir l'apparition escomptée de Luke Skywalker !).

P.S: Mention spéciale pour la révélation Daisy Ridley tout à fait convaincante dans son rôle juvénile d'insurgée en initiation héroïque.


mercredi 23 mars 2016

EDWARD AUX MAINS D'ARGENT. Oscar du Meilleur Maquillage, 1991.

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site chuckyg.com

"Edward Scissorhands" de Tim Burton. 1990. U.S.A. 1h45. Avec Johnny Depp, Winona Ryder, Dianne Wiest, Anthony Michael Hall, Alan Arkin, Kathy Baker, Robert Oliveri, Vincent Price.

Sortie salles France: 10 Avril 1991. U.S: 14 Décembre 1990

FILMOGRAPHIE: Timothy William Burton, dit Tim Burton, est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 25 Août 1958 à Burbank en Californie. 1985: Pee-Wee Big Adventure. 1988: Beetlejuice. 1989: Batman. 1990: Edward aux mains d'argent. 1992: Batman, le Défi. 1994: Ed Wood. 1996: Mars Attacks ! 1999: Sleepy Hollow. 2001: La Planète des Singes. 2003: Big Fish. 2005: Charlie et la Chocolaterie. 2005: Les Noces Funèbres. 2008: Sweeney Todd. 2010: Alice au pays des Merveilles. 2012: Dark Shadows. 2012: Frankenweenie. 2014: Big Eyes. 2016 : Miss Peregrine's Home for Peculiar Children.


Après nous avoir surpris avec Beetlejuice et Batman, Tim Burton transcende son talent de conteur baroque à travers Edward aux mains d'argent, merveille d'émotions d'une fulgurance féerique. L'intrigue retraçant avec beaucoup de fantaisies puis une gravité exponentielle les vicissitudes d'une créature humaine affublée de cisailles en guise des mains. Autrefois créé par un inventeur de génie, ce dernier mourut avant même de lui substituer de véritables poignes. Après avoir visitée l'antre de son château, une commerciale en esthétique décide de l'adopter au sein de sa famille depuis son isolement. Rapidement, les voisins du quartier affluent afin de faire connaissance avec l'étrange phénomène. Abordant avec acuité les thèmes de l'intolérance, du préjugé, du racisme et du fanatisme religieux, Edward aux mains d'argent milite pour le droit à la différence sous l'impulsion d'une impossible romance. Car si Edward fascine irrémédiablement son entourage par ses talents artistiques de sculpteur en horticulture et en coiffure; la jalousie, la rancoeur et la couardise de seconds rôles vont l'entraîner vers le lynchage communautaire. 


Variation moderne de Frankenstein pour l'innocence du monstre féru de maladresses à différencier les valeurs du bien et du mal en l'absence parentale, et pour sa condition criminelle, Edward aux mains d'argent traduit en seconde partie un goût pour la romance pure sous le pilier d'un onirisme enchanteur. Les flocons de neiges et les sculptures de glaces ornementales faisant office de symbole d'espoir pour la correspondance des amants maudits. Emaillé d'instants irrésistibles de cocasserie pour l'acclimatation malhabile d'Edward au sein d'une société conformiste fondée sur le paraître (les caprices et les idées préconçues des voisines ont également leur part de responsabilité pour la déchéance colérique de ce dernier), l'intrigue finit par céder à une dramaturgie toujours plus inquiétante lorsque la fille des Boggs finit par lui éprouver des sentiments en dépit de la jalousie de son compagnon. Winona Ryder endossant avec pudeur du regard en émoi une fille touchée par la grâce amoureuse dans sa fragile élégance. Oscillant la maladresse et le talent pictural dans sa posture excentrique de monstre infantile, Johnny Depp livre sans doute l'un de ses rôles les plus prégnants tant il parvient par l'appui du mimétisme et du regard candide à provoquer une intense émotion au fil de son insertion sociale. Ce dernier se confrontant à un concours de circonstances infortunées depuis son influence manipulable et son handicap tactile.  


Joyaux noir aussi baroque que cruel pour la situation galvaudée du monstre, conte de noël d'un onirisme enchanteur pour la romance singulière du couple, Edward aux mains d'Argent célèbre les notions de candeur et de pureté avec une émotion toujours plus rigoureuse. Soutenu par l'élégie évocatrice de Danny Elfman, ce manifeste pour le droit à la différence oppose brillamment le blanc et le noir lorsque l'amour se retrouve bafoué par l'intolérance, l'ignorance et la jalousie. Un chef-d'oeuvre d'une grande fragilité humaine.  

Dédicace à Audrey Dupuis

mardi 22 mars 2016

L'ANNEE DU DRAGON

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cityonfire.com

"Year of the Dragon" de Michael Cimino. 1985. U.S.A. 2h14. Avec Mickey Rourke, John Lone, Ariane Koizumi, Leonard Termo, Victor Wong, Dennis Dun, Raymond J. Barry
                         
Sortie salles France: 13 novembre 1985. U.S: 16 août 1985

FILMOGRAPHIE: Michael Cimino est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 février 1939 à New-York.
1974: Le Canardeur. 1978: Voyage au bout de l'enfer. 1980: La Porte du Paradis. 1985: L'Année du Dragon. 1987: Le Sicilien. 1990: La Maison des Otages. 1996: The Sunchaser. 2007: Chacun son cinéma - segment No Translation Needed.


Grand polar des années 80 qui redora le blason de Michael Cimino après le four financier de la Porte du Paradis, l'Année du Dragon lui est l'occasion de tailler une carrure antipathique à un héros réactionnaire. Souhaitant à tous prix alpaguer un baron de la drogue au sein du quartier de Chinatown, Stanley White nous est décrit comme un capitaine ingrat inscrit dans l'individualisme. Un chien fou aux méthodes expéditives qui entraînera des dommages collatéraux auprès de son entourage, quand bien même son rôle d'époux infidèle le réduit au goujat incorrigible. C'est d'ailleurs durant ce désordre conjugal qu'il extériorise sa colère sur le terrain avant de se réconforter maladroitement dans les bras d'une séduisante journaliste.


Dans une subtile structure narrative et à la manière d'un opéra aux accents musicaux lyriques, Michael Cimino dépeint la situation chaotique d'une cité urbaine lorsque les trafics et exactions de triades sont savamment planifiées. Au sein de cette pègre intouchable commanditée par le magnat Joey Tai, Stanley White s'est juré de nettoyer les quartiers de cette vermine en provoquant orgueilleusement son ennemi juré. Prenant grand soin d'ausculter le profil torturé d'un flic sur la dérive, Michael Cimino accorde beaucoup de crédit à nous familiariser avec ses quotidiennetés conjugales afin de renforcer l'intensité des enjeux et de nous avertir sur sa responsabilité morale des conséquences criminelles qu'il subira. Par son égoïsme à ne pouvoir se remettre en question ("J'aimerai devenir un type sympa mais je sais pas comment faire !" s'exclamera-t'il dans la conclusion), sa prétention et son arrogance à provoquer la mafia, émanent une série d'affrontements punitifs dont White et Tai en seront les principaux garants. Dans sa fonction irritable de flic rageur, Mickey Rourke explose une fois de plus l'écran pour endosser la carrure pugnace d'un justicier aux confins de la folie. Sa constance d'éradiquer à tous prix les trafiquants donnant lieu à des pugilats sanglants que Cimino coordonne avec virtuosité. Une violence âpre insufflant par ailleurs une intensité dramatique rigoureuse quant au sacrifice des innocents ! Par son rythme haletant mais aussi ses plages d'accalmie prônant la caractérisation fébrile et tourmentée des protagonistes, l'Année du Dragon amorce son terrain sous le pivot d'une dimension humaine désespérée.


Chemin de croix d'un jeune loup suicidaire dans sa soif de justice et de vengeance, l'Année du dragon transfigure avec brio imperturbable le portrait peu recommandable d'un représentant de l'ordre sur le fil du rasoir. Par le biais de sa déchéance morale, sa responsabilité assumée et son courage burné, Michael Cimino y dénonce l'impossible déracinement du terrorisme mafieux implanté sur un territoire étranger. D'un réalisme opaque dans sa facture aussi épique que poignante, ce chef-d'oeuvre du polar séduit également par son éclatante modernité (à l'instar de l'énergie rageuse de ses séquences d'action).