lundi 10 octobre 2016

DESIERTO. Prix FIPRESCI, Toronto 2015.

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Jonás Cuarón. 2015. Mexique. 1h32. Avec Gael García Bernal, Jeffrey Dean Morgan, Alondra Hidalgo, Diego Cataño, Marco Pérez,

Sortie salles France: 13 Avril 2016. Interdit - de 12 ans. Mexique: 15 Avril 2016.

FILMOGRAPHIE: Jonás Cuarón est un réalisateur et scénariste mexicain né en 1981 à Mexico. Il est le fils d'Alfonso Cuarón.
2007: Año uña. 2007: The Shock Doctrine (documentaire). 2013: Aningaaq (court métrage). 2015:
Desierto.


Survival cauchemardesque d'un réalisme percutant, Desierto est la seconde réalisation du mexicain Jonas Cuaron, fils du célèbre cinéaste Alfonso Cuaron (Les Fils de l'homme, Gravity). A partir d'un pitch linéaire (des migrants mexicains voulant rejoindre les Etats-Unis par le désert californien sont subitement coursés par un prédateur raciste), Jonas Cuaron exploite habilement son potentiel alarmiste sous l'impulsion d'une chasse à l'homme escarpée ! Optant comme unité de lieu la vaste scénographie d'un désert rocheux émaillé d'éléments hostiles (les sentiers des cactus, le nid des serpents, les immenses rochers blancs), le cinéaste magnifie son cadre solaire et crépusculaire (photo naturel à l'appui !) que les protagonistes à bout de souffle arpentent avec la peur au ventre !


En relançant efficacement l'action des règlements de compte par de multiples itinéraires que ces derniers improvisent par instinct de survie, Desierto laisse les mains moites à observer de manière aussi impuissante une dérive criminelle d'autant plus intolérable par ses actes xénophobes. D'un réalisme âpre quant au sentiment de déréliction que les survivants éprouvent inlassablement, Desiorto recourt à une violence tranchée lorsqu'un chasseur habité par la haine de l'étranger décide de les exterminer avec une ruse perfide. Et sur ce point, on peut compter sur le charisme impérieux de Jeffrey Dean Morgan (Sans retour, Extrême Préjudice) pour exprimer la posture virile d'un bourreau méprisant de lâcheté et de turpitude. Avec l'appui d'un berger allemand dressé pour tuer, le cinéaste compte notamment sur ce pilier secondaire pour perdurer la tension des poursuites par le biais d'estocades criminelles d'une grande violence ! Sans romancer la notion d'héroïsme, le cinéaste dresse notamment le portrait équivoque d'un migrant mexicain (Gael García Bernal impressionnant de vigueur viscérale dans son regard en émoi !) partagé entre un courage endurant mais aussi une lâcheté contestable (une condition pourtant indispensable à la survie !), Spoiler ! même si au final son instinct de préserver la vie d'autrui le rappellera à l'ordre ! Fin du Spoil.


“La lâcheté, cette condition que personne ne reconnaît ou n'accepte, pourtant indispensable à la survie.”
Pamphlet anti raciste, hymne à l'espoir de la liberté par l'entremise du courage de la survie, Desierto exploite le thème éculé de la chasse à l'homme avec une efficacité en roue libre. Tant par le brio de sa mise en scène ne cédant jamais à une vaine esbroufe que par la prestance humaine des seconds-rôles pleinement investis dans leur fonction de bêtes traquées. Excellent. 

B-M

Le point de vue de Jean-Marc Micciche
Séance de rattrapage avec le magnifique survival Desierto. On se souviens déjà l'année dernière de The sea fog, les clandestins, où comment un sujet qui prêtait un traitement dramatique se laissait déborder par l'horreur de son sujet pour embrasser quelques chose de plus viscérale. Par son jusqu'au boutisme, The sea fog transcendait les clichés pour afficher une vrai démarche d'auteur dans le cinéma de genre. Et un an plus tard, à travers un sujet qui malheureusement schlingue le fait divers, Desertio nous montre qu'il n'y a rien de mieux qu'un sujet de B Movies pour nous parler avec horreur de notre époque. Le méchant du film du film incarné comme un ange de la mort (magnifique Jeffrey Dean Morgan) est le prisme révélateur de notre époque. Dans les années 80, on tapait sur le clochard, sur le voyou, sur les russes. Aujourd'hui, la source de haine et de peur est incarné par l'émigré, l'étranger, le clandestin. A travers son postulat aussi simple qu'évident (des clandestins se font charcler comme des merdes par un malade et son clébard), Desertio suit une logique narrative inébranlable. Bien sûr, cerise sur le gâteau, Desertio renvoie par sa simplicité et sa force brute à une pléthorique bande culte, de Duel en passant par Hitcher, Calme Blanc, Blue Steel auquel on peut aussi cité le moins connu Marathon Killer), un sens du cadre et de l'atmosphère (le plan d'ouverture est sublime) qui captive et réjouit, un décor qui incarne à merveille cette descente en enfer. Pas de pose 'festival' (comme Ma loute, The Assassin ou The Neon Demon), juste une ligne brute, qui nous rappelle que le cinéma sera toujours le meilleur sous cette forme. Alors on peut regretter que le score musical ne soit pas plus tranchant (un truc à la Tangerine dream), que le face à face final ne se pas nourrit pas un idée plus marquante. Mais honnêtement pour un premier film, Jonas Curaon frappe juste et fort pour marquer les esprits.

Récompenses: Prix FIPRESCI au Festival international du film de Toronto 2015 : sélection « Special Presentations »

vendredi 7 octobre 2016

En plein Cauchemar. Corbeau d'Or, Bruxelles 84.

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

"Nightmares" de Joseph Sargent. 1983. U.S.A. 1h39 (version non censurée). Avec Cristina Raines, Emilio Estevez, Moon Unit Zappa, Billy Jayne, James Tolkan, Lance Henriksen, Tony Plana.

Sortie salles France: 13 Juin 1984. U.S: 2 Septembre 1983.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Joseph Sargent (Giuseppe Danielle Sorgente) est un réalisateur, acteur et producteur américain, né le 22 juillet 1925 à Jersey City, New Jersey (États-Unis), mort le 22 décembre 2014 à Malibu (Californie). 1966: L'Espion au chapeau vert. 1970: Le Cerveau d'Acier. 1974: Les Pirates du Métro. 1975: La Nuit qui terrifia l'Amérique (télé-film). 1979: De l'or au bout de la piste. 1983: En plein Cauchemar. 1987: Les Dents de la Mer 4. 2008: Un coeur à l'écoute (télé-film).


Cinéaste prolifique détenteur de 70 films (ciné / TV) à son actif, Joseph Sargent profite du succès de Creepshow réalisé un an au préalable pour façonner un film à sketchs avec En plein Cauchemar. Série B horrifique particulièrement soignée par sa réalisation adroite, sa photo parfois stylisée (l'épisode 3) et la sobriété de seconds-couteaux particulièrement attachants (Emilio Estevez, Lance Henriksen, Richard Masur, Veronica Cartwright), En plein cauchemar aborde différents thèmes du cinéma horrifique et de la science-fiction de manière inégale comme le veut la tradition du film à sketchs. Le 1er segment, le plus court et le plus faible (mais jamais ennuyeux), empreinte la voie du slasher lorsqu'une mère de famille en manque de nicotine décide d'emprunter sa voiture pour se payer un paquet de cigarette au tabac le plus proche. Mais quelques heures au préalable, non loin de sa contrée, un flic fut retrouvé assassiné depuis l'évasion d'un demeuré. Un pitch éculé et prévisible que seuls son prologue particulièrement sauvage (du moins dans la version uncut puisque dans nos salles françaises il fut expurgé de toute violence graphique !) et sa chute sardonique parviennent gentiment à surprendre.


Dénué de longueur, notamment en raison de sa faible durée, Terreur à Topanga parvient quand même à maintenir notre attention grâce à l'efficacité de sa réalisation et à l'atmosphère nocturne instaurée en bourgade urbaine parmi une galerie de citadins interlopes. Il demeure donc finalement plaisant, un tantinet atmosphérique même et quelque peu efficace en faisant preuve d'une certaine indulgence. Le second chapitre, l'Evêque des Batailles, l'un des meilleurs du lot, constitue une satire de l'addiction aux jeux videos par le biais d'un ado névrotique accro à sa passion si bien qu'il est réputé comme le meilleur joueur de sa région. Délibéré à accéder au 13è niveau d'un jeu d'arcades malgré ses tentatives infructueuses, ce dernier décide de pénétrer illégalement dans sa boutique de jeux-videos afin de défier une ultime fois "l'évêque des batailles". Démarquage sarcastique de Tron en mode inversé (ici les entités informatiques s'extraient du jeu pour pénétrer dans notre réalité et brimer le héros), l'intrigue pétulante parvient à captiver sans modération grâce au portrait caustique imparti à l'ado rebelle et à l'enchaînement de péripéties et rebondissements qu'engendrent ses épreuves de force avec la machine ! Pour parachever, on peut également souligner l'efficacité des FX conçus en images de synthèse lorsqu'ils se jumellent à notre réalité !


Le 3è segment, déclinaison de Duel en mode sataniste, s'intéresse à l'étude caractérielle d'un prêtre en reniement catholique depuis la mort accidentelle d'un enfant. Sur le chemin de son départ, il est harcelé par le pick-up d'un conducteur sans visage s'efforçant de le poursuivre dans l'unique but de l'assassiner. En dépit de timides moments spectaculaires de poursuites automobiles, La Bénédiction peine à insuffler une quelconque tension par son rythme poussif et la caractérisation trop rapidement expédiée du personnage en perdition spirituelle. Et ce, en dépit de l'esthétisme envoûtant de sa photo sépia et de la prestance sentencieuse de Lance Henrikson. Le 4è sketch, le plus jouissif et atmosphérique, met en exergue la nuit de cauchemar d'un couple et de leur fille pris à parti avec les agissements sournois d'un rat particulièrement destructeur. Ce dernier n'hésitant pas à saccager les meubles domestiques avec une vélocité cinglante ! Nanti d'un climat d'angoisse palpable sous l'impulsion d'une bande-son dissonante très efficace, La Nuit du Rat insuffle angoisse et suspense avec l'habileté de la suggestion et d'une tension en crescendo. Si les trucages cheaps de sa conclusion prêtent à sourire quant à l'apparition disproportionnée du rat, l'efficience de sa réalisation, l'implication spontanée des comédiens et sa narration soigneusement structurée empruntant au final les codes du "conte" (avec naïveté !) parviennent à transcender l'improbable.


Perfectible et inégal si bien que 2 chapitres sur 4 méritent le détour, mais habilement réalisé, formellement soigné et toujours attachant comme le confirme sa distribution de seconde zone, En plein Cauchemar constitue une série B bonnard que les nostalgiques auront plaisir à recôtoyer. 

B-M. 5èx

jeudi 6 octobre 2016

S.O.S FANTOMES. Version Longue.

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Ghostbusters" de Paul Feig. 2016. U.S. Version Longue 2h13 (vs 1h56). Avec Kristen Wiig, Melissa McCarthy, Kate McKinnon, Leslie Jones, Chris Hemsworth, Neil Casey

Sortie salles France: 10 Août 2016. U.S: 15 Juillet 2016

FILMOGRAHIE: Paul Feig, né le 17 septembre 1962 à Royal Oak (Michigan (États-Unis), est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur américain.
1997 : Life Sold Separately. 2003 : I Am David. 2006 : Enfants non accompagnés. 2011 : Mes meilleures amies. 2013 : Les Flingueuses. 2015 : Spy. 2016 : S.O.S Fantômes. 2017 : Tango et Cash.

Déception, moi qui espérais tant le défendre (puisque vilipendé par la planète entière avant même sa sortie !).

mercredi 5 octobre 2016

La Gorgone

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site vicsmovieden.com

"The Gorgon" de Terence Fisher. 1964. Angleterre. 1h20. Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Richard Pasco, Barbara Shelley, Michael Goodliffe, Patrick Troughton, Jack Watson.

Sortie salles Angleterre: 18 Octobre 1964

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville. 1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein, 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll, 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All. 1964 : La Gorgone. 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974: Frankenstein et le monstre de l'enfer.


Après avoir revisité auprès de la Hammer diverses icônes du cinéma d'horreur classique (le loup-garou, le monstre de Frankenstein, Dracula et Dr Jekyll), Terence Fisher aborde la mythologie grecque avec La Gorgone. Peu exploité au cinéma, surtout dans le domaine de l'épouvante, le réalisateur perdure son talent de conteur à travers le portrait fulgurant d'une antagoniste féminine ayant la faculté de pétrifier ses proies à la vue de son simple regard. Avec maîtrise formelle et brio technique, Terence Fisher cultive des séquences d'angoisse et de terreur remarquablement efficaces quant aux apparitions furtives de la Gorgone souvent inscrits dans la suggestion. A l'instar du reflet de son visage aperçu dans l'eau qu'un des protagonistes observe contre son gré !


Le Pitch: A la suite de la mort de son père et de son frère, Paul Heitz se rend au domicile familial afin de tenter de percer le mystère qui entourent leurs décès. Retrouvé pétrifié à son domicile un soir de pleine lune, son paternel est préalablement parvenu à lui écrire une lettre pour l'avertir du danger. Séduit par l'assistante du docteur Namaroff, Paul s'attire la jalousie de ce dernier au point que Carla Hoffman est contrainte de feindre leur relation sentimentale. Avec l'aide du professeur Karl Meister, Paul tente de démasquer l'identité de la gorgone surnommée "la mégère" quand bien même des soupçons se portent sur Carla. Alliant horreur et romance avec l'efficacité d'une intrigue à suspense davantage oppressante, la Gorgone nourrit son intensité dramatique dans la caractérisation contrariée de ces personnages. Paul Heitz (Richard Pasco, épatant de ténacité caractérielle !) se disputant les contradictions avec son acolyte Karl Meister (Christopher Lee dans un ton impérieux !) et l'énigmatique Dr Namaroff (Peter Cushing dans un jeu suspicieux de la réserve !) afin de préserver l'innocence de sa nouvelle maîtresse. Quant à la victime soumise à la malédiction antique, Terence Fisher prend soin de la dépeindre avec fragilité de par ses sentiments d'aigreur de repousser contre son gré l'amour de Paul. Car craignant de manière intuitive d'être à l'origine de ses homicides depuis ses récurrentes amnésies, elle tente en désespoir de cause de protéger son entourage en s'exilant vers une lointaine contrée. Dans ce rôle ambivalent, la sublime Barbara Shelley excelle à se fondre dans la peau d'une victime anxieuse avec une élégance étonnamment rassurante.


Baignant dans un climat onirique ensorcelant par le biais d'une nature crépusculaire à la lisière de la féerie (le jardin d'Eden du pavillon de Heitz), La Gorgone insuffle un suspense horrifique lattent sous l'impulsion d'investigateurs pugnaces s'efforçant de démystifier la plus sournoise des menaces. Si la créature féminine s'avère aussi magnétique que repoussante à chacune de ses terrifiantes apparitions, Terence Fisher aura pris soin d'y transfigurer son apparence machiavélique avec l'appui d'un sens retors du cadrage (tant auprès du plan serré ou large). Un splendide poème gothico-macabre au pouvoir vénéneux de séduction d'où s'y précise une tragédie sentimentale. 

B-M. 3èx

mardi 4 octobre 2016

FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L'ENFER

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site vostfr.club

"Frankenstein and the Monster from Hell" de Terence Fisher. 1974. Angleterre. 1h34. Avec Peter Cushing, David Prowse, Shane Briant, Madeline Smith, John Stratton, Michael Ward, Elsie Wagstaff

Sortie salles France: Avril 1974. Angleterre: 2 Mai 1974

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville.
1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein, 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll, 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974: Frankenstein et le monstre de l'enfer.


Dernier chapitre de la saga des Frankenstein estampillé HammerFrankenstein et le Monstre de l'Enfer constitue le dernier chef-d'oeuvre de la firme sous l'égide du maître du genre, Terence Fisher. A partir d'un pitch que l'on connait par coeur, le réalisateur réussit l'exploit de transcender ses conventions sous l'impulsion d'une mise en scène inspirée et la prestance spontanée des comédiens pleinement investis dans leur fonction démiurge. Ces deux qualités essentielles permettant à l'intrigue de se réinventer avec une puissance visuelle prégnante ! Directeur d'un asile psychiatrique sous une fausse identité, Victor Frankenstein perdure ses exploits de ressusciter un mort avec l'aide d'un médecin marginal récemment inculpé pour sorcellerie. Victor n'ayant plus la faculté d'utiliser ses mains, c'est à Simon qu'incombe donc la tâche de redorer la vie du monstre avec l'appui d'une pensionnaire mutique. Baignant dans une atmosphère malsaine méphitique au sein d'un établissement psychiatrique peuplé d'aliénés et d'employés charlatans, Frankenstein et le monstre de l'Enfer captive incessamment par son sujet mystique auquel deux praticiens se concertent à nouveau afin de concurrencer Dieu !


Inquiétant par son climat d'insécurité aussi anxiogène qu'étouffant, le film imprime une dimension cauchemardesque en la présence renfrognée d'une créature insolite chez la saga car conforme à un homme-singe. Franchement impressionnant par sa musculature corpulente et la noirceur de son vaste regard chargé de haine et de mélancolie, David Prowse se fond dans le corps martyr avec une vigueur aussi terrifiante que poignante. Outre le réalisme imparti à sa caractérisation hybride de cobaye en apprentissage (comme le veut la tradition), les rapports tendus qu'entretiennent Simon et Victor font preuve d'un passionnant jeu d'autorité depuis l'orgueil immoral de ce dernier ne songeant qu'à son ego. Peter Cushing explosant une fois de plus l'écran de sa présence émaciée avec une autorité perfide déloyale. En assistant érudit beaucoup plus indulgent que son mentor, Shane Briant lui partage la vedette avec sobriété dans sa remise en question moraliste. Dans un second-rôle beaucoup plus modeste, Madeline Smith se prête au jeu introverti sous l'apparence timorée d'une servante traumatisée par un passé familial. Terence Fisher prenant soin avec habileté de développer la part sombre de cette dernière en nous dévoilant les motifs de sa pathologie mentale ainsi que l'identité du responsable. Tous ces protagonistes magnifiquement éclairés sous une lumière sépia servant l'intrigue avec une rigueur dramatique en crescendo. On peut d'ailleurs souligner le caractère barbare du dernier acte d'une rare violence auquel son climat de folie contagieuse semble avoir déteint sur la psychologie du baron !


A l'aube d'une fin de carrière déclinante, l'illustre firme Hammer compte une ultime fois sur leur architecte Terence Fisher pour imprimer sur pellicule un chef-d'oeuvre d'épouvante gothique inopinément fétide et névrotique (l'atmosphère dépressive suintant des corridors de l'établissement), sardonique et sans illusion quant à l'avenir infructueuse du baron Frankenstein.  

B-M. 3èx

lundi 3 octobre 2016

ELLE

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Paul Verhoeven. 2016. France. 2h10. Avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny,
Charles Berling, Virginie Efira, Judith Magre, Christian Berkel, Jonas Bloquet, Alice Isaaz.

Sortie salles France: 25 Mai 2016

FILMOGRAPHIE: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam.
1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book. 2016: Elle.


10 ans après Black Book, Paul Verhoeven nous revient avec Elle, un thriller singulier à contre courant des codes traditionnels du genre, d'après le roman Oh... de Philippe Djian. Production franco-allemande entièrement tournée avec des acteurs français (selon Verhoeven, il était impossible de localiser l'action à Boston à cause de son sujet jugé trop sulfureux), Elle relate la quotidienneté intime et professionnelle d'une divorcée esseulée après avoir été violée par un mystérieux inconnu. Lors d'une seconde agression, une étrange relation amiteuse va se nouer entre eux. Thriller d'une perversité vénéneuse où se télescope en annexe le drame psychologique, Elle constitue un magnifique portrait de femme torturée aux antipodes des conventions. Car subversif et anticonformiste, le cinéaste milite pour les ambiances licencieuses au travers d'une protagoniste austère en proie à ses fantasmes (la séquence de masturbation et son voyeurisme qui en émane par la fenêtre de sa chambre !) et ses pulsions sadomasochistes (les rapports de soumission/domination avec son agresseur).


Sublimé par la présence diaphane d'Isabelle Hupert, cette dernière parvient à extérioriser une aura malsaine sous l'impulsion d'une personnalité équivoque au sang froid mâtiné de déviance. Profondément marquée par un épisode tragique de son enfance, Michele se glisse aujourd'hui dans la peau d'une directrice autonome au franc-parler parfois vexant ou offensant selon ses humeurs versatiles. Entrepreneuse d'une société de jeu-video, sa forte personnalité lui attire quelques jalousies et rancunes de la part de certains adjoints professionnels. Sournoise lorsqu'elle complote une relation d'adultère avec un ex mari, elle se révèle donc instable pour renouer une vie conjugale équilibrée. Epaulé de personnages secondaires au caractère bien trempé, l'intrigue insuffle parfois un ton fantaisiste décalé lors de leurs postures extravagantes ou désinvoltes que caractérisent l'entourage familial et amical. Ces jeux d'acteurs décomplexés dépeints sans romantisme avivant subtilement le côté dérangeant d'une intrigue déroutante bâtie sur les rapports conflictuels que s'échangent couples et amants. Car sans jamais juger ses personnages, et sous couvert d'une diatribe contre l'intégrisme (le passé traumatique de l'héroïne élevée sous l'autorité d'un père bigot), Verhoven en structure un suspense diffus au fil d'un cheminement tortueux (l'ambivalence psychologique de Michele) sur le fil du rasoir.


D'une perversité vénéneuse indicible par son climat malsain sous-jacent ou contrairement explicite, Elle redore les composantes du thriller avec une provocation iconoclaste. De par l'étude caractérielle de personnages anti manichéens et du portrait lubrique imparti à une femme d'affaire où perce finalement une fragilité humaine (comme le constate son final rédempteur aussi beau que poignant !). Traitant sans fard ni tabou des thèmes de la névrose sexuelle et de l'intégrisme, Elle constitue un grand thriller cérébral n'hésitant pas à dévoiler la face cachée de nos fantasmes les plus intimes. 

B-M

Le mot de Jean-Marc Micciche:

Cycle film d'auteur avec ouf enfin un bon film et on dit merci Paulo. Donc disons les choses clairement pour bien situer le dernier opus du filmeur fou aussi bien dans le contexte actuel et dans sa filmo. Si on place Elle dans le contexte du cinéma français et sur celui du film d'auteur, ben c'est clairement ce qu'on voit de mieux à l'heure actuel. A l'inverse si on le place dans son immense filmo (on compte pas Tricked), faut reconnaître que le film n'a pas forcément les épaules pour se mesurer aussi bien sur le terrain du film sulfureux et dérangeant que sur le plan stylistique. Attention je dis pas que le film n'a aucun style mais on sent deux principaux manques. La première c'est bien la place qu'occupait ses deux chef op de prestige à savoir Jost Vacano et Jan De Bont qui réussissait même avec des films intimistes à avoir un style percutant (et parfois il faut bien le dire, certains passages de Elle pourront paraître anodin sur le plan formel). De l'autre la patte d'un vrai scriptwritter qui parviendrait à transfigurer un sujet soyons honnête un thriller de cul du samedi soir sur M6 en quelque chose de plus perver crade. Donc oui Elle pourra sembler comme trop sage et avec le recul on peut comprendre comment le public bourgeois de Cannes et les critiques Dandy des Cahiers ont pu être tenter d'élever le réal Paul Verhoeven à un statut proche horreur de Michael Haneke. Fort heureusement, le film reste du Verhoeven pur souche car il réussit à pervertir l'aspect bourgeois du récit en quelque chose de plus subtil de plus sournois. Et ça passe aussi bien par le jeu en nuance de Huppert, par des choix de montage déconcertant, des dérapages ironiques croustillants. En attendant son probable succès aux oscars et aux césars (et pourquoi pas opportunisme culturel oblige une nomination comme président aux festivals de Cannes, rigolez pas, ils l'ont fait pour George Miller), Elle est donc à sa façon une belle réussite, à relativiser bien évidement, mais concrète. Donc dans mon Top 20 en toute éventualité.

samedi 1 octobre 2016

BRAQUEURS

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Julien Leclercq. 2016. 1h20. France. Avec Sami Bouajila, Guillaume Gouix, Youssef Hajdi, Kaaris, Redouane Behache, Kahina Carina, David Saracino.

Sortie salles France: 4 Mai 2016

FILMOGRAPHIE: Julien Leclercq est un réalisateur et  producteur français, né le 7 août 1979 à Somain, dans le nord de la France. 2004 : Transit. 2007 : Chrysalis. 2011 : L'Assaut. 2013 : Gibraltar. 2016 : Braqueurs. 2018 : Prost.


Sortie en catimini dans nos salles si je ne m'abuse, Braqueurs est une putain de série B d'action burnée comme on en voit peu dans le paysage français !

A partir d'une intrigue simple mais solide, Braqueurs nous immerge de plein fouet dans l'univers vénal de braqueurs émérites avec une efficacité incisive depuis l'entrée en scène de dealers belliqueux délibérés à les extorquer ! Tant par l'hyper réalisme des scènes d'actions ultra tendues et spectaculaires (à titre de comparaison, Heat a de quoi rougir pour l'ampleur épique de ces braquages et gunfights sanglants) que par la prestance charismatique d'une poignée de seconds couteaux totalement impliqués dans leur bravoure suicidaire où perce une contrariété en chute libre !


Froid, hargneux, violent (mais jamais complaisant), rapide, haletant, implacable, oppressant, car d'une intensité exponentielle à couper au rasoir, Braqueurs nous cloue au siège parmi le brio d'une mise en scène géométrique, comme le souligne la fluidité du montage et son sens du découpage ! (notamment un travail rigoureux sur le son !). Impliqués tête baissée dans une dérive criminelle escarpée, Braqueurs laisse les mains moites avec un réalisme blafard si bien que nous nous prenons d'empathie pour ces anti-héros solidaires fustigés par leurs conséquences immorales ! (les décisions aussi avisées qu'expéditives du leader du groupe).


Rappel du Synopsis (source allo ciné):
Yanis, Eric, Nasser et Frank forment l’équipe de braqueurs la plus efficace de toute la région Parisienne. Entre chaque coup, chacun gère comme il peut sa vie familiale, entre paranoïa, isolement et inquiétude des proches. Par appât du gain, Amine, le petit frère de Yanis, va commettre une erreur... Une erreur qui va les obliger à travailler pour des caïds de cité. Cette fois, il ne s'agit plus de braquer un fourgon blindé, mais un go-fast transportant plusieurs kilos d'héroïne. Mais la situation s’envenime, opposant rapidement braqueurs et dealers…

B-M


Le p'tit mot de Jean-Marc Miciche:
Séance découverte avec le bonnard Braqueurs, une chouette série B d'une heure 20. Carré, superbement bien joué, une mise en scène au plus proche de ses personnages, un récit ramassé qui va à l'essentiel, des seconds rôles attachants, quelques scènes d'actions bien senties....le meilleur film de son réal. Après certains reprocheront sans doute au film ses faux airs de Heat, référence obligatoire, mais le réal parvient à s'extirper de cet influence pour imprimer son propre univers. Franchement c'est de la série B que j'aime.