lundi 19 décembre 2016

Androïde

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site scifi-movies.com

"Androïd" d'Aaron Lipstadt. 1982. U.S.A. 1h21. Produit par Roger Corman. Avec Klaus Kinski, Don Keith Opper, Kendra Kirchner, Rachel Talalay.

Sortie salles France: 23 Novembre 1983.

FILMOGRAPHIE: Aaron Lipstadt est un réalisateur et producteur de longs-métrages et séries T.V, né le 12 Novembre 1952. Production manager: 1980: Les Mercenaires de l'Espace. 1981: Samedi 14. 1981: Galaxie de la terreur (la). 1982: Mutants. 1982: Slumber Party Massacre. Réalisateur: 1982: Androide. 1984: City Limits


Auteur de uniques 2 longs-métrages, Aaron Lipstadt se fit connaître en 1982 avec Androide tourné en 4 semaines. Série B à budget minimaliste influencée du mythe de Frankenstein, sa thématique sur la vie artificielle est en l'occurrence transposée dans un contexte futuriste par le biais d'une éloge à la "femme". SynopsisMax, androïde fasciné par l'existence humaine, s'instruit avec une vidéo illustrant l'éducation sexuelle d'un couple. Au même moment, trois dangereux fugitifs lui demandent l'autorisation d'atterrir sur sa station dirigée par le Dr Daniel. Ce dernier ayant élaboré en catimini un humanoïde féminin, il prévoit insidieusement de supprimer Max au profit de sa nouvelle création. Mais l'arrivée brutale de ces fuyards va bouleverser notre duo quand ils vont s'apercevoir de la présence d'une femme parmi eux. Relativement passé inaperçu lors de sa discrète sortie en salles, Androïde constitue une série B bourrée de charme dans sa manière archaïque d'y narrer son intrigue à l'aide de moyens précaires où l'effet d'immersion demeure constamment payant. D'ailleurs, à l'époque, la célèbre revue Starfix vanta son potentiel qualitatif au sein de leur article estampillé "le choc du mois" ! Le budget dérisoire issue de l'écurie Corman peut évidemment prêter à sourire avec ses décors minimalistes particulièrement ringards quand bien même les trucages discrets mais parfois étonnants (la tête décapitée en vie fait franchement illusion !) parviennent pour autant à nous immerger dans le cadre fantaisiste de ce huis-clos stellaire. Mais l'autre réussite d'Androïde repose avant tout sur la présence prévenante de l'androïde Max que le jeune Don Keith Opper (Critters 1/2/3/4City Limits, Ghost in the machineendosse avec une sobre innocence face à son intérêt progressif aux valeurs de l'amour, de la tendresse et de la sexualité.


De par sa timide présence à l'humanisme naïf, cet acteur de seconde zone nous offre son meilleur rôle sous le profil d'un robot en éveil sentimental et sexuel car particulièrement sensible à la beauté corporelle de la femme. Fasciné par les jeux vidéos, la pop-music et le cinéma d'avant guerre (il imite certains illustres acteurs et se fascine pour Metropolis !), il est en émoi face à la rencontre d'une femme de chair et de sang car davantage conscient de ses capacités cérébrales à daigner sauvegarder sa nouvelle personnalité au grand dam de son maître dénué de clémence. L'intrusion fortuite de cette dernière l'incitera d'ailleurs à commettre, tel un homme gagné par la perfidie, l'illégalité la plus irréparable (exploser un vaisseau policier pour la préserver de la prison !) tout en s'opposant à son créateur délibéré à s'en débarrasser au profit d'un autre prototype de sexe féminin. En franc-tireur détournant les lois, Klaus Kinski incarne avec son charisme incorrigible un savant égocentrique dont la seule ambition est de procréer la vie artificielle afin d'y engendrer une race supérieure. Autour de leur confrontation houleuse et des stratégies d'évasion et meurtrières des terroristes (ils comptent au final se débarrasser des propriétaires après avoir profité de leur hospitalité), Androïde imprime une jolie efficacité sous l'impulsion d'une rythme sans faille et d'une (passionnante) caractérisation humaine en initiation amoureuse (les caresses et baisers que s'échangent tendrement Max et Maggie). Quand bien même  Aaron Lipstadt achève de nous surprendre lors d'un final assez étonnant pour la destinée de nos héros, notamment si je me réfère à Spoiler ! l'identité frauduleuse d'un des protagonistes fin du Spoiler.


Réalisé avec savoir-faire et réelle efficacité dans l'art d'y conter modestement un récit d'anticipation où l'humanisme des personnages prime, Androïde oppose le conte romantique sous l'évolution altruiste d'un androïde plus vrai que nature que Don Keith Opper porte du poids de ses épaules. Y émane au final un adorable classique franc-tireur à revoir fissa auprès de sa thématique de l'instinct meurtrier inné en chacun de nous.

*Bruno
18.01.23. 5èx
19.12.16. 
23.09.11. 238

vendredi 16 décembre 2016

THE KILLER INSIDE ME

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site eklecty-city.fr

de Michael Winterbottom. 2010. U.S.A/Suède/Canada/Angleterre. 1h49. Avec Casey Affleck, Kate Hudson, Jessica Alba, Ned Beatty, Tom Bower, Elias Koteas, Simon Baker, Bill Pullman

Sortie salles France: 11 Août 2010. U.S: 25 Juin 2010

FILMOGRAPHIEMichael Winterbottom, né le 29 mars 1961 à Blackburn dans le Lancashire, est un monteur, producteur, réalisateur et scénariste anglais. 1990 : Forget About Me
1992 : Under the Sun. 1995 : Butterfly Kiss. 1995 : Go Now. 1996 : Jude. 1997 : Bienvenue à Sarajevo. 1998 : I Want You. 1999 : Wonderland. 1999 : With or Without You. 2000 : Rédemption.
2002 : 24 Hour Party People. 2002 : In This World. 2003 : Code 46. 2004 : 9 Songs. 2005 : Tournage dans un jardin anglais. 2006 : The Road to Guantanamo. 2007 : Un cœur invaincu . 2008 : Un été italien. 2010 : La Stratégie du choc. 2010 : The Killer Inside Me. 2011 : The Trip. 2011 : Trishna
2011 : 60 Seconds of Solitude in Year Zero (un segment d'une minute du film collectif). 2012 : Everyday. 2013 : A Very Englishman. 2014 : L'affaire Jessica Fuller.


Avant-propos (Imdb):
"Lors de la projection de The Killer Inside Me au Festival de Sundance, plusieurs personnes sortirent de la salle, écœurées par la violence montrée, notamment la violence sur les femmes. Après la projection, le réalisateur Michael Winterbottom dut affronter les questions des spectateurs et justifier sa démarche. Il répondit que si le film choque, c'est à dessein et que son objectif est qu'il ne laisse pas indifférent."

Echec commercial lors de sa sortie (il amasse 217 277 dollars de recettes contre un budget de 13 millions de dollars) d'autant plus discrédité par une partie de la critique, The Killer inside me est un thriller hermétique conçu pour diviser les opinions. Porté à bout de bras par la prestance magnétique de Casey Affleck en serial killer aussi placide qu'impassible, l'intrigue se focalise autour de son profil équivoque de shérif adjoint à la fois respecté puis peu à peu suspecté par son entourage amical et conjugal. Car Lou souffre de pulsions masochistes assez violentes lors de ses ébats sexuels au point d'influencer ses victimes soumises dans sa déchéance perverse. Particulièrement envers deux maîtresses qu'il chérit amoureusement avant de s'en débarrasser pour des motifs de racket exercés par des témoins véreux.


Avec son rythme laborieux non exempt de longueurs (auprès du grand public) et son climat austère à l'aura malsaine indicible, The Killer inside me rebute autant qu'il fascine, notamment grâce au soin scrupuleux de la mise en scène de Michael Winterbottom dressant un saisissant portrait clinique de serial-killer comme jamais au préalable. De par le cheminement tortueux de ce dernier à s'efforcer de taire les indices et suspicions contre lui, ses confidences ambiguës qu'il nous divulgue en monologue afin de traduire son profil meurtrier (à l'instar d'un passé pédophile, entre ses rapports déviants avec sa soeur et l'éventuelle culpabilité de son frère criminel), et son comportement follement serein, impavide lorsque des inspecteurs le désignent comme coupable idéal. Alternant l'investigation policière auprès de ses seconds-rôles autoritaires et les étreintes amoureuses et sexuelles au relent de masochisme, The Killer inside me se permet en prime, et de manière méphitique, de nous livrer une folle histoire d'amour au sens le plus brut. A l'instar du revirement de sa conclusion scabreuse étonnamment tragique, baroque et flamboyante si je peux me permettre de combiner ces termes !


Dérangeant et malsain par son climat poisseux éthéré et d'une violence rare pour les exactions criminelles d'un réalisme à la limite du soutenable, The Killer inside me laisse un goût d'autant plus amer dans la bouche qu'il se permet d'évoquer en annexe une romance masochiste à la tendresse aussi désespérée que crapuleuse. Comme en témoigne la psychologie fragile et (faussement) candide de Jessica Alba (honteusement conspuée aux Razzie Awards !) entremêlée dans les mailles de son monstre au grand coeur. Un thriller noir nébuleux, fétide et charnel, malade de l'intérieur. 

Pour public averti

B-M. 2èx

mercredi 14 décembre 2016

L'Age de Cristal / Logan's Run

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site scifi-movies.com

de Michael Anderson. 1976. U.S.A. 1h58. Avec Michael York, Jenny Agutter, Richard Jordan, Roscoe Lee Browne, Greg Lewis, Michelle Stacy, Farrah Fawcett, Michael Anderson Jr., Peter Ustinov.

Sortie salles France: 22 Décembre 1976

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Michael Anderson est un réalisateur britannique, né le 30 Janvier 1920 à Londres. 1949: Private Angelo. 1950: Waterfront. 1956: 1984. 1956: Le Tour du monde en 80 Jours. 1960: Les Jeunes Loups. 1961: La Lame Nue. 1965: Opération Crossbow. 1975: Doc Savage arrive. 1976: L'âge de cristal. 1977: Orca. 1979: Dominique. 1980: Chroniques Martiennes. 1989: Millenium. 2000: Pinocchio et Gepetto. 2008: Tenderloin.


Avant propos:
"Au 23è siècle, les survivants de la guerre, de la surpopulation, de la pollution vivent dans une grande cité sous dôme, isolé du monte extérieur oublié. Dans un univers écologique équilibré, l'humanité se consacre au plaisir libérée par les servo-mécanismes qui assurent ses besoins. Un seul problème: la vie finit à 30 ans, sauf si on renaît lors du rituel flamboyant du carrousel."

Le Pitch: Logan 5, limier chargé d'abattre les fugitifs est chargé d'une mission par l'ordinateur du dôme. Celle de se faire passer à son tour pour un fugitif afin de localiser le sanctuaire et le détruire, lieu d'abri de ces derniers. Avec l'aide de Jessica 6, il part explorer cette zone interdite mais son acolyte Francis 7 est à ses trousses. 


Cette trame à la fois originale et inquiétante augure un divertissement d'anticipation haletant, immersif, fascinant; non dénué de poésie, d'audace expérimentale (la salle des orgies) et d'intelligence pour sa réflexion humaniste sur la nécessité de vieillir et de se cultiver afin de ne pas s'apitoyer sur l'instinct grégaire, si bien que l'âge de Cristal n'a point à rougir de sa réputation de classique culte en dépit de son aspect (génialement) kitch et d'une seconde partie moins forte et captivante. L'intrigue se résumant à une course poursuite intense 1h10 durant lorsque Logan et Jessica décident de s'échapper de leur dôme en guise de survie afin de retrouver un havre de paix que symboliserait le légendaire sanctuaire. Si bien que nombre de fugitifs burnés auront tenté de le conquérir au péril de leur vie. Quand bien même durant le périple de nos héros apprenant à se connaître main dans la main ils aborderont d'autres personnages équivoques (hostiles ou pas) ayant survécu à l'apocalypse lors d'un second acte peu à peu plus calme et posé à travers son urbanisation végétative laissée à l'abandon. 


Formellement magnifique et inventif de par le soin de ses vastes décors appuyés d'FX crédibles pour l'époque (il repart d'ailleurs avec un Oscar pour ses meilleurs effets visuels), à l'instar de la séance de chirurgie esthétique où l'on découvre la néophyte Farrah Fawcett dans un rôle secondaire sciemment naïf mais empathique grâce à sa sincère prestance jamais surjouée, et de la procession du carrousel, mais aussi constamment dépaysant de par sa scénographie baroque particulièrement grandiose (photo criarde en sus pour mettre en exergue des costumes extravagants et armes futuristes), l'Age de Cristal  suscite une indéniable fascination à cristalliser sa dystopie (anti dictatoriale) sous l'impulsion du très attachant duo Michael York / Jenny Agutter arpentant toute l'intrigue avec un humanisme toujours plus saillant. La cause incombant aux valeurs de l'amour et de (la peur de) la mort que Logan découvre prioritairement, entre appréhension, audace et curiosité payante. Et si à mi-parcours (comptez tout de même 1h20 de  bonheur cinéphile) l'intrigue patine un peu faute d'un rythme contrairement languissant, la présence affable du vétéran Peter Ustinov peut également faire office d'atout attractif dans sa fonction de vieux papy sauveur du (nouveau) monde. A revoir sans modération sachant que ses thématiques productives sur l'ouverture d'esprit, la nécessité de se cultiver et de se libérer du carcan de l'autarcie afin d'arpenter d'autres états, d'autres mondes pour s'enrichir et vivre ensemble demeure plus qu'actuel. 

*Bruno
22.12.22. vf
4èx

mardi 13 décembre 2016

FROZEN

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site halloweenlove.com

de Adam Green. 2010. U.S.A. 1h34. Avec Emma Bell, Shawn Ashmore, Kevin Zegers, Ed Ackerman, Rileah Vanderbilt, Kane Hodder, Adam Johnson, Chris York, Peder Melhuse, Adam Green.

Sortie DTV France: 13 Octobre 2011. Salles U.S: 5 Février 2010.

FILMOGRAPHIE: Adam Green est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 31 Mars 1975 à Holliston, Massachusetts, USA. 2006: Butcher: la légende de Victor Crowley. 2007: Spiral. 2007 Cheerleader Camp (TV Movie). 2000: Coffee & Donuts. 2010: Butcher II. 2010: Frozen. 2014: Digging Up the Marrow.


Survival intimiste brut de décoffrage, Frozen constitue une expérience extrême avec la peur du trépas. Car à partir d'un concept retors qu'une séquence clef des Bronzés font du ski avait déjà exploité sous une forme désopilante, Adam Green fait grimper le thermomètre anxiogène dans son huis-clos réfrigérant à la dramaturgie éprouvante. Coincés sur un télésiège à haute altitude et en pleine nuit, trois skieurs tentent de survivre sous une température à - 15° quand bien même des loups affamés rôdent sous leurs pieds. 


Ce pitch linéaire, quasi Hitchcockien dans sa démarche de suspense émoulu autour d'une unité de lieu émaillée de cruels rebondissements, s'avère remarquablement efficace si bien que Adam Green exploite le genre horrifique au 1er degré. Dans le sens où il imprime sur sa pellicule un réalisme rigoureux à tester les bravoures désespérées de trois victimes prises au piège au sein d'un environnement terriblement hostile. Ce sentiment d'inquiétude et d'insécurité permanentes, cette sensation d'abandon et d'isolement au sein d'une nature quasi feutrée (si on élude parfois le hurlement des loups et le sifflement du vent) nous sont parfaitement retranscrits sous l'impulsion de comédiens extravertis épatants d'intensité démunie. Leur longue épreuve de force contre la mort s'avérant auprès du spectateur une endurance aussi psychologique que viscérale, puisque immergés dans leur situation cauchemardesque à faible lueur d'espoir. La grande empathie que nous éprouvons pour eux émane de leur ressort fraternel, leurs moult tentatives à s'extirper de leur cage avec une bravoure suicidaire, quand bien même la neige, le vent et le froid glacial leur entaille la peau pour provoquer plaies et engelures.


Sous une forme (faussement) ludique de série B horrifique, Adam Green privilégie avec Frozen le drame psychologique pour mieux nous éprouver dans un concept de survie d'une rare intensité dramatique. Refusant la facilité de l'esbroufe et du gore ostentatoire, il préconise plutôt avec intelligence le hors-champs sonore pour exacerber les mises à mort les plus cruelles. A la fois redoutablement efficace et crédible dans ses rebondissements burnés que nos victimes affligées de fatigue et de doute invoquent en dernier ressort, Frozen nous laisse en état de choc psychique si bien que nous sortons de cette expérience humaine avec une amertume en berne. Un survival singulier d'une grande cruauté donc qui laisse des traces longtemps après visionnage. 

B-M. 2èx
13.12.16
06.03.11

dimanche 11 décembre 2016

WESTWORLD

Titre original : WestworldNote: 5/5
Origine : États-Unis
Créateurs : Lisa Joy, Jonathan Nolan
Réalisateurs : Jonathan Nolan, Richard J. Lewis, Neil Marshall, Vincenzo Natali, Jonny Campbell, Fred Toye, Stephen Williams, Michelle MacLaren.
Distribution : Evan Rachel Wood, Anthony Hopkins, Thandie Newton, Ed Harris, Jeffrey Wright, James Marsden, Ben Barnes, Clifton Collins Jr., Rodrigo Santoro, Angela Sarafyan…
Genre : Science-Fiction/Western/Aventure/Drame/Adaptation
Diffusion en France : OCS
Nombre d’épisodes : 10

Le Pitch :
Dans un futur proche, Westworld, un parc d’attractions unique au monde, propose à ses visiteurs une immersion totale dans l’univers de l’Ouest Américain, avec ses bandits, ses héros, ses jolies filles et ses promesses d’aventure. Un endroit peuplé d’androïdes plus vrais que nature, qui si ils sont capables d’agir comme de véritables humains, ne peuvent en aucun cas blesser ou tuer. Pourtant, un jour, une série d’incidents dus à ce qui pourrait n’être que de simples dysfonctionnements informatiques, se produit dans le parc. Les hôtes, comme ils sont appelés, agissent étrangement, s’écartant parfois des limites imposées par leur programme. Et ce n’est que le début…


LA CRITIQUE DE WESTWORLD – SAISON 1 :
C’est en 1973 que sort au cinéma Mondwest (Westworld en version originale). Un film écrit et réalisé par un certain Michael Crichton, qui se fera notamment remarquer 17 ans plus tard avec son roman Jurassic Park, dont l’adaptation par Steven Spielberg ne manquera d’inscrire son nom au panthéon de la littérature et du septième-art. Mondwest donc, qui raconte l’histoire d’un parc d’attractions recréant trois univers : le Western, la Rome antique et le Moyen-Age. Des mondes séparés les uns des autres, peuplés de robots capables d’imiter à la perfection les humains, au service de visiteurs encouragés à s’amuser en laissant libre court à tous leurs désirs. Des machines qui ne vont pas tarder à se soulever contre ceux qui jusqu’alors, les avaient toujours soumis à leur volonté parfois perfide et violente. Avec Westworld, HBO a donc souhaité revenir sur l’idée centrale de Mondwest. Un film qui a d’ailleurs initié une mouvance, notamment marquée par des œuvres phares comme Terminator et qui aujourd’hui, se voit totalement remanié. De l’œuvre originale, la série n’a retenu qu’un seul univers, à savoir le Western. Univers que le show a considérablement élargi. Géographiquement, mais pas seulement…
IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST 2.0
Le pilote de Westword est un authentique bijou. Jonathan Nolan (le frère de Christopher), showrunner de la série avec Lisa Joy, a d’ailleurs tenu à le réaliser. Histoire de donner le ton à ceux qui allaient prendre la suite. Nolan qui nous emmène dans le monde qu’il a façonné de toutes pièces. Visuellement, Westworld impose une excellence rarement vue sur un petit écran. On savait HBO désireux de faire de Westworld son nouveau blockbuster, afin de prendre le relais de Game Of Thrones, dont la conclusion s’annonce, mais force est de reconnaître que les moyens sont là. La photographie est splendide, les décors grandioses et les costumes itou. « Ce n’est pas de la TV, c’est HBO » affirme le slogan du network. Encore une fois, après Game Of Thrones ou encore Rome, c'est vrai. Facile de se laisser happer par l’ambiance, qui évoque tout un pan de l’histoire du cinéma américain. Les codes sont déjà là. Au premier et au second plan.
Puis voilà qu’on nous montre les coulisses. Les longs couloirs, les intérieurs et les architectures aseptisées. Bienvenue dans le futur. La technologie est poussée jusque dans ses derniers retranchements, là où les hôtes, ces robots plus vrais que vrais, sont fabriqués pour ensuite aller rejoindre leurs congénères au Far West où les attendent des humains assoiffés d’aventure, de violence et de sexe. La rupture entre les coulisses et la scène est franche. Régulièrement, dans le seul premier épisode, le récit fait des allers-retours et nous expose les principaux tenants d’un postulat redoutablement prometteur.
Ceux qui ont vu le film peuvent alors déceler de petits détails qui montrent qu’un brutal changement ne va pas tarder alors que ceux qui n’en ont jamais entendu parler, se doutent aussi que ce Disney World pour adultes, sans souris et canards géants, ne pourra pas éternellement capitaliser sur les bas instincts de ses visiteurs sans qu’un jour, tout explose ou du moins soit remis en compte. Et puis HBO oblige, les images sont parfois crues. Le sang des androïdes, identique au notre, jaillit sur les notes familières d’un piano qui joue à sa sauce des standards du rock. Dans un respect total du genre qu’il entend s’approprier, le show opère en sous-main une déconstruction impressionnante d’un cahier des charges qu’on prend pour acquis tout en sachant qu’au fond il n’en est rien. Après une telle introduction, une seul question se pose : les neuf autres épisodes vont-il soutenir ce rythme et faire honneur à ce chef-d’œuvre ? La réponse est oui.

LES ANDROÏDES COW-BOY RÊVENT-ILS DE CHEVAUX ÉLECTRIQUES ?
Dans sa globalité, la première saison de Westworld parvient à se poser les bonnes questions. Celles qui découlent d’un vrai désir d’aller au plus profond de thématiques chères au cinéma d’anticipation, qu’on retrouve aussi bien dans la littérature, et ce dès Mary Shelley, que dans des films comme Robocop ou comme Terminator 2. Ce que certains ont fait avec talent, à savoir extrapoler le discours de Mondwest au fil de longs-métrages ambitieux, Westworld le prolonge. La série s’inscrit dans une tradition noble, qui utilise le fantastique pour aborder des sujets métaphysiques universels. Le tout en prenant soin de ne pas non plus se regarder le nombril trop longtemps et de proposer une suite de péripéties dignes des plus grands westerns, afin de nourrir un suspense qui ne tourne pas le dos au côté très premier degré du genre. En cela, beaucoup des figures mythiques du western sont là. Le héros valeureux, la jeune fille, le bad guy… Le truc, c’est qu’ici, tout est destiné à voler en éclats et à retourner l’esprit des spectateurs qui accepteront de suivre les personnages dans leurs quêtes lourdes de sens pour au final, lors du dernier épisode, apprendre des vérités en forme de philosophies percutantes. Inutile de trop en dire ici. Le mieux est encore de vivre l’expérience par soi-même. Un peu comme pour LostLeftovers et toutes ces œuvres télévisuelles qui n’ont pas peur de ne pas prendre leur public à revers et de faire appel à sa capacité d’analyse. La différence étant que pour Westworld, les réponses arrivent plutôt vite. L’épisode 10, le dernier de ce premier acte répond à la majorité des interrogations posées, tout en ouvrant la voie à de nouvelles péripéties. Il change la donne. Redistribue les cartes. Avec une maestria qui, encore une fois, force le respect.
Truffé de références, le scénario fait autant appel à la culture populaire qu’à des éléments plus pointus. Il oppose l’humain à la machine la plus perfectionnée, pour souligner les déviances et les contradictions qui nous caractérisent. Le grand manitou incarné par Anthony Hopkins est celui qui tire les ficelles, et dont la démarche permet d’offrir un autre éclairage au mythe de Prométhée et à la notion au centre de toutes les religions. Un Dieu auto-proclamé, cousin éloigné du Docteur Frankenstein et du Docteur Jekyll.
Jonathan Nolan et Lisa Joy y vont franchement. Chaque chapitre offre son lot de questions et de rebondissements. D’un côté Westworld prend son temps, mais de l’autre, il avance, jonglant entre les protagonistes sans en laisser un seul sur le bas côté. Que la concurrence zombifiée en prenne de la graine. Bien sûr, on peut souligner ici ou là ce qui ressemble à des incohérences. Il est légitime de relever des choses étranges qui ne collent pas. Jusqu’au dernier épisode, qui assemble toutes les pièces du puzzle. Même celles qui ne semblaient pas appartenir à ce tableau. Sans forcer le passage. Avec poésie et naturel.

LA HORDE SAUVAGE
Histoire de faire les choses correctement, les showrunners ont réuni un casting de premier ordre. Du jamais vu pour une série. D’habitude, les acteurs se dévoilent à nous et deviennent ensuite des stars. Comme avec Game Of Thrones. Pas dans Westworld. Ici, c’est à un authentique défilé que nous convie la série. Anthony Hopkins n’avait pas tourné pour la TV depuis longtemps. Ce n’est pas une surprise, il est à nouveau magistral. Il joue sur des nuances que nous lui connaissons bien mais arrive à nous surprendre et à nous captiver. Entre malice et ce petit quelque chose qui annonce l’indicible. James Marsden lui aussi livre une performance assez incroyable. Cliché sur pattes destiné à souffrir pour le plaisir des visiteurs, le Teddy qu’il campe dénote presque à lui tout seul de la volonté du show de déconstruire des repères tout en jouant avec. Ed Harris est d’une intensité parfaite en homme en noir impénétrable. Son charisme fait des merveilles, tout comme celui de Jeffrey Wright, comédien de premier ordre si il en est. Il faut aussi saluer l’incroyable Thandie Newton, qui trouve l'un de ses meilleurs rôles. Un rôle qui ne cesse d’évoluer. Sous nos yeux, l’actrice se métamorphose, doute, séduit, rentre dans le lard… Impressionnant.
Enfin, Evan Rachel Wood, sorte d’Ève du nouveau Nouveau monde dont la souffrance cristallise les pulsions meurtrières d’une humanité en quête d’évasion, s’avère tout bonnement incroyable. D’une beauté à couper le souffle, elle prend de plus en plus d’importance, profitant de cette évolution pour nous gratifier d’un jeu complexe, tout en retenue. En découle un mélange de puissance et de fragilité, prouvant que non seulement l’actrice a tout compris à la partition qu’elle doit sublimer (ce qu’elle fait) mais aussi que les producteurs ne pouvaient pas trouver mieux que cette comédienne pour y placer les enjeux et la moelle substantielle de leur créature polymorphe.

INTELLIGENCE (PAS SI) ARTIFICIELLE
Inutile de préciser (mais on le fait quand même) que Westword brille avant tout par son ambition. Par sa maîtrise aussi et tant pis si quelques redondances viennent parfois ralentir la rythmique car au fond, elles confèrent au récit une véritable clarté. C’est ainsi qu’on entrevoit aussi le souhait des showrunners de ne pas laisser les spectateurs sur leur faim. Un public qui pourra continuer à élaborer des théories mais qui, à la fin, aura toutes les réponses aux questions posées. La prise de risque est réelle. Dans les thématiques abordées et dans cette série de choix constituant l’ADN d’un spectacle grandiose mais pas tapageur. Lyrique mais pas prétentieux. Épique mais intime. Tragique et viscéral.
En Bref…
Avec Westworld, HBO a frappé un grand coup. D’un film de science-fiction culte, Jonathan Nolan et Lisa Joy ont tiré une fresque complexe car tentaculaire, à la portée spectaculaire et au discours universel et philosophique. Visuellement somptueuse, cette première saison ne déçoit jamais et fascine en permanence. C’est beau, passionnant et le pire (ou le meilleur) c’est que si on en croit l’ultime scène, c’est loin d’être fini… Westworld n’a pas dévoilé tous ses secrets.

@ Gilles Rolland
En savoir plus sur http://www.onrembobine.fr/series-tv/critique-serie-westworld-saison-1/#AbI0hGazw0EoQuPi.99


                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site www.cinemovies.fr

de Michael Chrichton. 1973. U.S.A. 1h29. Avec Yul Brynner, Richard Benjamin, James Brolin, Norman Bartold, Alan Oppenheimer, Victoria Shaw, Dick Van Patten, Linda Gaye Scott, Steve Franken.

Sortie salles France: 27 Février 1974. U.S: 21 Novembre 1973

FILMOGRAPHIE (source Wikipedia)Michael Chrichton est un écrivain, scénariste, producteur et réalisateur américain, né le 23 Octobre 1942, décédé le 4 Novembre 2008 à Los Angeles.
1972: Pursuit (télé-film inédit en France). 1973: Mondwest. 1978: Morts Suspectes. 1979: La Grande Attaque du Train d'or. 1981: Looker. 1984: Runaway, l'évadé du futur. 1989: Preuve à l'appui (Physical Evidence).
.
.
Premier long-métrage du célèbre écrivain Michael CrichtonMondwest est le précurseur de bon nombre de blockbusters ricains dont Génération ProteusTerminator, Hardware, Robocop et Blade Runner en seront les dignes représentants. Récit d'anticipation dénonçant les dérives du progrès technologique, ce western d'anticipation décuple son caractère inquiétant en la présence hiératique de l'illustre Yul BrynnerEn villégiaturedeux notables découvrent l'incroyable attraction de Delos, un univers fantasmatique scindé en trois époques. Le monde médiéval, le Far-West et l'empire Romain sont reconstitués sous l'effigie d'une scénographie criante de vérité avec l'appui d'experts scientifiques pour façonner des humanoïdes plus vrais que nature. Alors que tout semblait réuni pour combler le dépaysement de nos touristes rupins, les robots figurants adoptent subitement un comportement vindicatif échappant au contrôle de leurs créateurs !
.
.
Qui n'a pas fantasmé séjourner dans une époque vétuste de notre patrimoine historique pour explorer la quotidienneté d'un univers aussi exotique qu'obsolète ! Mondwest constitue l'utopie cinégénique de nos désirs ludiques les plus saugrenus. Ainsi, pour divertir l'homme avide de sensations nouvelles et d'expériences exaltantes, Michael Chrichton conçoit un parc d'attraction révolutionnaire lorsque des vacanciers fortunés vont pouvoir côtoyer et cohabiter parmi la présence singulière de robots d'apparence humaine. Dans des décors criant de vérité pour parfaire son univers antique et travestir nombre de péripéties homériques afin de contenter le touriste avide d'action et rebondissements (bagarres de saloon, évasion de prison, duels au pistolet et luxure avec tapineuses), Mondwest se savoure comme une friandise acidulée au fil d'un cheminement cauchemardesque. Par conséquent, nos deux protagonistes machistes ont pu concrétiser leur rêve de gosse en endossant les rôles de cowboys insolents sombrant dans la marginalité criminelle depuis la provocation d'un antagoniste toujours plus arrogant. C'est dans la peau de cet androïde opiniâtre que Yul Brynner crève l'écran dans sa posture aussi monolithique que frigide, car déterminé à persécuter ses adversaires et annihiler toute présence humaine planquée dans les recoins de Delos.
.
.
Au préalable, le réalisateur met en avant le caractère ludique d'une telle situation lorsque nos touristes peuvent à loisir concrétiser leurs fantasmes les plus récréatifs. Sous la provocation hostile d'humanoïdes conçus pour émoustiller nos héros capricieux, Crichton dépeint la peur instinctive de l'homme lorsqu'il est opposé à une situation de danger létal. Ces robots plus vrais que nature engendrant la confusion chez nos protagonistes désorientés par ce semblant de vie au sein d'une topographie historique bluffante de vérité ! Sous l'impulsion de leur orgueil, nos deux héros convaincus de leur prépondérance vont finalement se laisser influencer par leurs instincts les plus primaires en se fondant dans la peau de criminels mégalos d'autant plus avides de liberté. C'est à ce moment propice que les robots préalablement asservis par notre autorité décident de perpétrer leurs exactions depuis la défaillance inexpliquée de leur technologie. Alors que tout semblait édénique afin de combler les attentes extravagantes de nos estivants, nos androïdes détraqués se lancent alors dans une impitoyable chasse à l'homme. Et ce, jusqu'à ce qu'un Terminator azimuté redouble de subterfuge et d'autonomie afin d'éradiquer le dernier survivant.

.
Un monde où rien ne peut aller de tarvers
Terriblement dépaysant et jouissif mais aussi malsain, Mondwest constitue une bande-dessinée vitriolée truffée de péripéties haletantes si bien que le spectateur complice peut laisser libre court à son imaginaire baroudeur. Par l'entremise du cinéma d'anticipation, ce western baroque présage en sous-texte les dangers de nos technologies innovantes sous influence d'une société de consommation privilégiant la classe bourgeoise. Transcendé par la prestance magnétique de Yul Brynner, Mondwest provoque un enthousiasme caustique quant au portrait pessimiste d'un futur discrédité par la révolution d'une technologique faillible. Autrement dit, la perfection n'est pas pour demain...

10.04.12
Bruno Matéï

vendredi 9 décembre 2016

Ginger Snaps: Resurrection / Ginger Snaps 2: Unleashed

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site dpstream.net

de Brett Sullivan. 2004. Canada. 1h34. Avec Emily Perkins, Tatiana Maslany, Eric Johnson, Janet Kidder, Brendan Fletcher, Katharine Isabelle,

Sortie salles Canada: 30 Janvier 2004

FILMOGRAPHIE: Brett Sullivan est un réalisateur et scénariste canadien.
2004: Ginger Snaps: resurrection. 2007: The Chair. 2015: A Christmas Horror Story.

Si John Fawcett, réalisateur du 1er opus, céda sa place au néophyte Brett Sullivan, ce dernier n'a rien à lui envier si bien que Ginger Snaps: resurrection s'avère à mon sens encore plus réussi que son modèle (j'en suis au 4è visionnage pour m'en convaincre) derrière ses paraboles sur la toxicomanie et la crainte de devenir femme. Une gageure inespérée qui mérite d'être surlignée tant cette séquelle façonnée sans prétention nous immerge de plein fouet dans un authentique cauchemar à la fois irrespirable, dark en diable, dépressif, glauque, fascinatoire au possible, profondément dérangeant par son climat malsain olfactif. Le Pitch: Brigitte, soeur de Ginger, est internée dans un centre psychiatrique après ses allégations improbables autour de l'agression d'un ami par un loup-garou. Accro à l'Aconit, un poison mortel qui devrait l'empêcher de devenir à son tour loup-garou, elle s'efforce de retarder sa métamorphose avec l'aide d'une jeune ado, Ghost. Ensemble, elles décident de s'enfuir de l'hôpital pour se confiner dans la maison de la grand-mère de cette dernière. Un pitch classique mais très efficace que Brett Sullivan  parvient à rendre passionnant de par la caractérisation fragile des deux ados marginales dont le corps médical n'a que peu d'intérêt à leur condition névrosée. Le foyer potentiellement sécurisant étant en prime corrompu par un trafic de drogue qu'un des jeunes infirmiers érotomanes organise sous le mode du racket. Saturé d'une magnifique photo monochrome aux teintes infiniment ébènes et érubescentes pour ces séquences de violence particulièrement sauvages, et de la contribution musicale d'une bande-son dissonante aux accents stridents, Ginger Snaps 2 extériorise un climat crépusculaire ensorcelant au fil des pérégrinations de nos rebelles pourchassées par un loup criant de férocité !


Très impressionnantes, ces apparitions cinglantes, qui plus est, souvent intelligemment suggérés (afin de mieux faire travailler notre imaginaire) fascinent et terrifient par le biais d'FX mécaniques particulièrement réalistes bien que lestement discrets. Le réalisateur ne lésinant pas sur la brutalité escarpée de ses exactions meurtrières aussi cruelles que sanglantes. Mais la force du film réside également dans la cohésion amicale que se partagent Brigitte et Ghost puisque livrées à elles mêmes au sein d'un contexte occulte hérité des contes de fée. Ces dernières étant contraintes de se planquer dans les endroits les plus blafards (conduits et sous-sols hospitaliers, cave, chambre, grenier d'une demeure mortifère) en guise de survie, quand bien même l'infirmier sans vergogne pourrait être à nouveau sollicité à leur livrer de l'Aconit afin de déjouer la malédiction de Brigitte. Dominé par la prestance photogénique d'Emily Perkins, l'actrice porte le film sur ses épaules dans sa posture de toxico renfrognée en proie à la peur (métaphorique) de l'éveil sexuel dans son corps chrysalide. Quand bien même la petite Tatiana Maslany (révélée dans la série TV Orphan Black) lui partage la vedette avec l'ambiguïté d'un tempérament schizo en demi-teinte. Outre ses nombreuses courses-poursuites à la fois haletantes et angoissantes au sein d'un hôpital puis d'un huis-clos littéralement opaque (la demeure vétuste auquel un tragique incendie causa la mort de la grand-mère de Ghost), Ginger Snaps 2 gagne en intensité durant l'évolution morale de Brigitte en affrontant courageusement son pire rival. Dans la mesure où le réalisateur illustre scrupuleusement sa lente progression vers la lycanthropie avec une densité humaine dépressive, notamment du fait de ses crises de manque à l'Aconit (plante herbacée conçue à la base pour empoisonner les loups) et de sa volonté d'affronter le danger en guise de dignité, de bravoure, de baroud d'honneur.


Darkness.
Atmosphérique au possible, malaisant et capiteux de par sa vénéneuse ambiance mortifère soucieuse du détail formel, cafardeux et poisseux sous éclairage d'un esthétisme nocturne étonnamment onirique, Ginger Snaps 2 tire-parti de son réalisme et de sa vigueur émotionnelle grâce au portrait instable imparti aux deux ados en perdition morale. Le réalisateur s'efforçant en prime de nous ébranler en fin de parcours quant à la véritable identité d'un témoin capital et d'achever sa conclusion vers un nihilisme à l'ironie glaçante. A découvrir d'urgence.

B-M. 
15.07.23. 4èx
 
                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de John Fawcett. 2000. U.S.A. 1h48. Avec Emily Perkins, Katharine Isabelle, Kris Lemche, Mimi Rogers, Jesse Moss, Danielle Hampton

Sortie salles Canada: 11 Mai 2001. Inédit en salles en France.

FILMOGRAPHIEJohn Fawcett est un réalisateur américain, né le 5 Mars 1968 à Edmonton, Alberta, Canada. 1997: The Boys Club. 2000: Ginger Snaps. 2001: Lucky Girl (télé-film). 2005: The Dark. 2008: The quality of life. 2006: Issue Fatale.


Inédit en salles en France et directement sorti en Dvd en catiminie, Ginger Snaps aborde le thème de la lycanthropie avec une rare intelligence pour son traitement des personnages. Celui de deux soeurs inséparables partagées entre un goût pour le morbide (elles se mettent en scène pour exprimer diverses tentatives de suicide) et un désir de séduction au prémices de leur puberté. Sauvagement agressée en pleine nuit par un loup-garou à proximité d'un parc, Ginger change peu à peu de comportement face à l'impuissance de sa soeur cadette. Communément soudées par les liens de la fratrie, Brigitte tente de trouver une solution pour enrayer le mal qui ronge Ginger. Si sur le papier, le scénario sans surprises laisse craindre une resucée convenue du film de loup-garou, John Fawcett en décortique une métaphore sur la crise adolescente et le passage à l'âge adulte d'un point de vue féminin. Un parti-pris rarement abordé chez la thématique lycanthrope permettant au récit de renouveler les clichés même si on peut prêter une certaine allusion au personnage infortuné de Carrie de De Palma (notamment lorsque Ginger observe pour la première fois ses menstruations depuis sa transformation corporelle).


Avec tact et une sobre tendresse pour dresser les portraits fragiles de deux ados rebelles, Ginger Snaps adopte une tournure documentée afin de mettre en exergue une tragédie horrifique bâtie sur l'étude de caractère. En portant un regard scrupuleux sur le malaise adolescent et l'angoisse de la mort du point de vue de deux soeurs marginales, cette série B aux allures de télé-film témoigne d'une surprenante vigueur psychologique pour la descente aux enfers d'ados en crise identitaire. Tant pour la victime en proie à des pulsions sanguinaires et sexuelles incontrôlées que du témoignage de sa soeur complice, bouleversée à l'idée d'endurer sa lente mutation et s'efforçant de trouver un antidote. Formidablement incarné par deux actrices juvéniles épatantes de tempérament dans leur complicité affectée et véreuse (notamment leur collaboration meurtrière), Emily Perkins et Katharine Isabelle portent le film à bout de bras avec un naturel expansif. Outre le réalisme du contexte horrifique aussi improbable, on est également surpris de la véracité des crimes perpétrés avec brutalité par une créature indomptable ! Les effets spéciaux artisanaux s'avérant par ailleurs convaincants pour donner chair au loup-garou quand bien même les effets gores insistent à décrire l'agonie haletante des victimes sans un chouia de complaisance.


Délibéré à transcender l'objet de série B sous couvert d'une passionnante étude de caractères, John Fawcett en extrait un documentaire sur l'émoi adolescent sous l'impulsion de deux comédiennes en roue libre. On peut donc aujourd'hui considérer sans réserve Ginger Snaps comme un classique moderne à conserver auprès de La Nuit du Loup-garouHurlements et le Loup-garou de Londres

B-M. 3èx

RécompensesPrix spécial du jury, lors du Festival international du film de Toronto en 2000.
Prix du meilleur film, meilleure actrice pour Emily Perkins et meilleurs effets spéciaux, lors de la Semaine du cinéma fantastique de Málaga en 2001.
Prix du meilleur film sorti en DVD, par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur en 2002.

Prix du meilleur film, lors des International Horror Guild Awards en 2002.

jeudi 8 décembre 2016

APPEL D'URGENCE


"Miracle Mile" de Steve De Jarnatt. 1987. U.S.A. 1h27. Avec Anthony Edwards, Mare Winningham, John Agar, Lou Hancock, Mykelti Williamson, Kelly Jo Minter, Kurt Fuller, Denise Crosby.

Sortie salles France: 31 Janvier 1990.  U.S: 19 Mai 1989.

FILMOGRAPHIE: Steve De Jarnatt est un réalisateur et scénariste américain.
1983: Strange Brow. 1987: Cherry 2000. 1988: Appel d'Urgence


Perle rare honteusement oubliée si bien qu'elle reste toujours inédite sous support numérique (du moins dans l'hexagone), Miracle Mile constitue un morceau de suspense vertigineux. De par l'originalité de son concept filmé en temps réel (dans une cabine téléphonique, un homme reçoit l'appel d'un inconnu affolé lui prédisant une guerre nucléaire dans un temps restreint d'1h10 !) et la montée en puissance d'une tension sensorielle que le héros nous insuffle au fil de ses pérégrinations de survie. Ce dernier tentant de retrouver à l'autre bout de la ville son nouvel amour afin de passer ses derniers instants avec elle puis tenter de quitter Los Angeles en hélicoptère parmi quelques passagers. Mais encore faut-il trouver le pilote pour les mener jusqu'à l'aéroport afin de s'exiler en avion ?


Véritable périple de tous les dangers au fil de rencontres impromptues avec des quidams parfois individualistes car si apeurés d'une éventuelle apocalypse, Appel d'Urgence hypnotise notre attention à l'instar d'une expérience crépusculaire prise sur le vif (la lueur de l'aube s'affichant progressivement au rythme d'une temporalité exiguë !). Les évènements accidentels et la romance désespérée que notre héros tente en dernier ressort de retrouver s'enchaînant sous l'aura d'un climat anxiogène rapidement influencé par la folie. Outre l'intensité alarmiste de sa situation inédite, l'intrigue joue notamment sur le scepticisme d'une telle déclaration préalablement clamée par un militaire dont on ignore s'il est saint d'esprit. Remarquablement mené par son action impromptue émaillée de quelques séquences chocs étonnamment cruelles (Spoiler ! le sort des deux flics et celui du couple afro, son final arborant sans concession une horreur sociale fin du spoiler), Appel d'Urgence nous immerge dans une situation parano au gré des comportements erratiques de protagonistes gagnés par l'amplitude d'une rumeur. Et ce jusqu'au final terrifiant illustrant avec un réalisme rigoureux de saisissantes images de panique urbaine clamée par une une foule aliénée. Sur ce point, le méconnu Steve De Jarnatt (réalisateur de séries TV et de son premier film, Cherry 2000) nous laisse sur le carreau lors de son point d'orgue anthologique si bien qu'il parvient à nous retranscrire sans fard un semblant de fin du monde en déliquescence morale !


Expérience sensorielle sévèrement pessimiste quant à l'issue tragique de sa conclusion (non exempte de romantisme onirique pour son image finale), Appel d'Urgence cultive astucieusement un suspense à couper au rasoir sous le moule d'une série B redoublant d'efficacité au fil d'une dramaturgie escarpée. Sur le thème de l'apocalypse nucléaire et de ses conséquences irréversibles, c'est à mon sens le film plus viscéralement terrifiant (et haletant !) que j'ai pu voir avec le fameux Jour d'Après de Nicolas Meyer, quand bien même le score envoûtant de Tangerine dream n'est pas étranger à l'impact émotionnel de cette course (vaine) contre la montre. 

B-M. 2èx

Récompense: Prix des meilleurs effets-spéciaux au festival international du film de Catalogne.

08.12.16
04.03.11 (266 v)

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site encyclocine.com

de Nicholas Meyer. 1983. U.S.A. 2h06. Avec Jason Robards, JoBeth Williams, Steve Guttenberg, John Cullum, John Lithgow, Bibi Besch, Lori Lethin, Amy Madigan.

Diffusion TV U.S: 20 Novembre 1983. Sortie salles France: 25 Janvier 1984

FILMOGRAPHIENicholas Meyer est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 24 Décembre 1945 à New-York.
1979: C'était demain. 1982: Star Trek 2. 1983: Le Jour d'Après. 1985: Volunteers. 1988: Les Imposteurs. 1991: Company Business. Star Trek 6. 1999: Vendetta.


Phénomène télévisuel lors de sa diffusion américaine à tel point qu'il créa un vent de panique chez plusieurs spectateurs (un standard téléphonique était à disposition le jour même de sa projection !), Le Jour d'Après a engendré un tel impact émotionnel que notre pays hexagonal s'est empressé de l'exploiter en salles de cinéma. Oeuvre de fiction post-apo illustrant les conséquences catastrophistes d'une troisième guerre mondiale assujettie au péril nucléaire, le Jour d'Après décrit avec un réalisme abrupt la survie d'une centaine de survivants touchés par la radioactivité. Établi en trois parties, la narration s'attache de prime abord à nous décrire la quotidienneté de diverses familles peu à peu enclins à l'inquiétude lorsque les infos télévisées annoncent un conflit politique de grande envergure entre l'URSS, l'Allemagne de l'Est et les Etats-Unis. La caractérisation des personnages nous est illustrée de manière traditionnelle dans leur principes de valeurs morales liés à l'harmonie familiale. Au fil des informations alarmistes retransmises à la télé et à la radio, l'anxiété et l'appréhension des citadins commencent à prendre une ampleur incontrôlée quand certains d'entre eux décident d'investir les centres commerciaux afin de remplir leur cadis. Alors que toute une famille se réfugie au fond d'une cave pour se prémunir d'une potentielle attaque, certains pèlerins situés à des kilomètres de leur foyer tentent de rejoindre leurs proches le plus furtivement qu'ils peuvent.


C'est au moment où les missiles américains sont envoyés vers l'URSS qu'une riposte fatale va plonger les Etats-unis dans un holocauste nucléaire d'une envergure apocalyptique. Les effets spéciaux perfectibles alternant le cheap et le réalisme (épaulé de stock-shots issus des films Un Tueur dans la foule et Meteor) réussissent néanmoins à provoquer une terreur insondable. C'est d'abord l'explosion de missiles atomiques ébauchant l'icône du fameux champignon qui nous est asséné de plein fouet devant le témoignage d'une population horrifiée. Brasiers industriels, destructions massives de cités urbaines décharnées nous sont ensuite représentées avec une vigueur visuelle proprement cauchemardesque. Pour une production télévisuelle, Nicholas Meyer frappe fort dans sa détermination à secouer le public sans esbroufe mais avec un effort de persuasion dont l'impact se révèle inévitablement éprouvant. Cette seconde partie, aussi concise qu'elle soit, réussit avec une efficience implacable à provoquer une stupeur et une terreur proprement viscérales !


La dernière partie, la plus prolixe, poignante et jusqu'au boutiste nous illustre les conséquences du désastre atomique à travers le destin d'une poignée de survivants et de ces quelques familles désunies que le réalisateur avait pris soin de nous familiariser. Avec des moyens considérables et l'entremise de centaines de figurants, le réalisateur décrit "l'après apocalypse" par l'entremise d'images saisissante de désolation. Amas de cendres sur les champs calcinés, forêt clairsemée dénuée de végétation, arbres dépouillés de feuillage, cadavres d'animaux, charniers de cadavres en décomposition ou momifiées. L'odeur du choléras et de la mort distillent dans l'air une atmosphère feutrée tandis que des pillards et terroristes sans abri tentent d'imposer la loi du plus fort. Cette dernière partie très impressionnante dans sa vision dantesque de fin d'un monde nous immerge au sein d'une Amérique agonisante où chaque survivant erre sans lueur d'espoir à la manière de zombies condamnés.


Cri d'alarme contre la menace du péril atomique si une troisième guerre mondiale devait un jour aboutir, le Jour d'Après est une impitoyable charge contre la politique de nos gouvernements en divergence insoluble. La verdeur de ces images morbides compromises à l'impact foudroyant du cataclysme nucléaire laissent en mémoire l'achèvement d'un génocide en décrépitude. Terrifiant jusqu'au malaise nauséeux, en espérant ne jamais connaître pareille infortune !

Note subsidiaire: On estime à plus de 100 millions le nombre d'Américains à avoir regardé ce téléfilm depuis sa première diffusion.

29.11.12. 4èx

B-M


                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site t411.me

de Lynne Littman. 1983. U.S.A. 1h34. Avec Jane Alexander, William Devane, Rossie Harris, Roxana Zal, Lukas Haas, Philip Anglim, Lilia Skala.

FILMOGRAPHIELynne Littman est une réalisatrice, scénariste et productrice, née le 26 Juin 1941 à New-York, USA.
1973: In the Matter of kenneth. 1980: Once a Daughter. 1983: Le Dernier Testament. 1999: Freak City (télé-film). 1999: Having our say: the delanys sister's 100 years (télé-film).


Sorti la même année que Le Jour d'Après, Le dernier Testament prend le contre-pied du trauma post-apo de Nicholas Meyer pour décrire les effets collatéraux d'une bombe nucléaire sur la population civile. Car ici, point de catastrophe spectaculaire et de visions morbides de victimes décharnées sous les effets radioactifs, Lynne Littman optant la sobriété afin de mettre en valeur le caractère humain de sa tragédie. Dans une petite banlieue de San Francisco, les habitants sont soudainement avertis d'un message télévisuel leur indiquant que des engins nucléaires viennent d'exploser sur leur territoire. Une mère de famille, dont l'époux vient de s'absenter, tente de préserver ses enfants quand bien même le nombre de victimes commence à progresser.


Inédit en Dvd, Le Dernier Testament est une modeste production aussi méconnue que l'identité de sa réalisatrice mais qui s'avère pourtant digne d'intérêt dans sa puissance dramatique. En privilégiant à tous prix la force de suggestion réfutant l'esbroufe, Lynne Littman dénonce les effets dévastateurs de la bombe nucléaire avec une pudeur émotive qui force le respect. Car ici point de pathos pour nous bouleverser d'une situation aussi catastrophiste (bien que cette bourgade de San Francisco n'ait jamais été directement touchée par une explosion !) mais une retenue à imposer un sentiment de désespoir inscrit dans la constance et la décence. Ce qui intéresse surtout l'auteur, c'est le cheminement courageux d'une mère de famille pour préserver la vie de ses trois enfants avec son refus de s'y morfondre quand ses proches sont voués à l'inévitable. A travers son destin galvaudé, la réalisatrice brosse un superbe portrait maternel où accablement et lutte pour l'espoir ne cessent de s'entrechoquer. Car rendue garante depuis l'absence professionnelle de son mari, Carol va tenter de relever tous les défis moraux pour survivre après les effets secondaires de la radiation. En jouant la carte de l'intimisme, Lynne Littman nous fait également pénétrer dans la loyauté de cette famille parmi la responsabilité infantile car y accordant une belle place pour leur solidarité. Qui plus est, ce qu'il y a d'inévitablement bouleversant et implacable dans cette tragédie, c'est d'observer de manière impuissante le calvaire psychologique d'une mère toujours plus accablée par la mort de sa progéniture Et de compter sur le souvenir, la foi (après l'avoir dénigré !), la filiation, le soutien, et surtout la fermeté afin de tolérer pareil fardeau.


Bouleversant et remarquablement interprété (Jane Alexander force l'admiration dans son épreuve de force interminable !); Le Dernier Testament est un réquisitoire contre l'holocauste nucléaire inscrit dans la pudeur et la dignité humaine. Une oeuvre modeste mais fragile qu'il faut impérativement redécouvrir pour juger de son intensité émotionnelle et sa simplicité narrative allant droit à l'essentiel. 

B-M

3èx