mardi 14 mars 2017

KIDS

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de Larry Clark. 1995. U.S.A. 1h31. Avec Leo Fitzpatrick, Sarah Henderson, Justin Pierce, Chloë Sevigny, Rosario Dawson, Harold Hunter, Harmony Korine, Yakira Peguero.

Sortie salles France: 28 Juillet 1995 

FILMOGRAPHIELarry Clark (né le 19 janvier 1943 à Tulsa dans l'Oklahoma) est un photographe, réalisateur et directeur de la photographie américain. 1995 : Kids. 1998 : Another Day in Paradise. 2001 : Bully. 2002 : Teenage Caveman (TV). 2002 : Ken Park. 2004 : Wassup Rockers
2006 : Destricted - segment Impaled. 2012 : Marfa Girl. 2015 : The Smell of Us.


Cri d'alarme contre le fléau du Sida qu'une jeunesse déboussolée contracte en toute inconscience, Kids fait l'effet d'un électro-choc dans sa radicalité à imprimer sur pellicule un docu-fiction criant de vérité autour du mal-être existentiel. Afin de se préserver des maladies vénériennes, le jeune Telly cumule les conquêtes sexuelles de très jeune âge. Mais une de ses récentes amies, Jenny, apprend par une praticienne qu'elle est séropositive. Désespérée, elle tente d'avertir son ancien amant alors que ce dernier s'adonne librement à la débauche parmi ses camarades adeptes de drogues et d'alcool. Pour son premier essai derrière la caméra, Larry Clark impose le respect par son brio à filmer sans concession les pérégrinations urbaines de jeunes banlieusards livrés à une déchéance à la fois physique et morale.


Agrémenté de dialogues TRES crus dictés par des comédiens amateurs (ou néophytes) au charisme naturel (Rosario Dawson, étonnante de spontanéité en allumeuse impudente, Chloë Sevigny, bouleversante de désarroi auprès de sa pathologie vénérienne, Leo Fitzpatrick, plus vrai que nature en érotomane aux tendances pédos quand bien même Justin Pierce lui partage la vedette avec une identité aussi perverse !), Kids nous fait pénétrer dans leur intime quotidienneté avec un malaise viscéral prégnant. Le spectateur étant contraint d'observer malgré lui leur inlassable conversation égrillarde entre 2/3 défonces de joints et parties de jambe en l'air. Quand bien même la 1ère victime du Sida accablée d'impuissance et de chagrin tentera en dernier ressort de retrouver son amant de passage afin de lui faire assumer sa lourde responsabilité. Si Kids foudroie autant émotionnellement parlant et nous laisse en état de choc sitôt le générique écoulé, c'est notamment grâce au parti-pris de son auteur à dépeindre de la façon la plus glauque et épidermique qui soit les agissements libidineux de ces ados sans vergogne (ils ne respectent jamais la gente féminine et se complaisent dans une raillerie putassière) tributaires de l'ivresse de la baise, de la défonce et des beuveries. Mais derrière les actions triviales de ses jeunes branleurs issus de quartiers défavorisés, on ne peut toutefois s'empêcher d'éprouver une profonde tristesse et empathie quant à leur condition pubère victime de démission parentale. Incultes et désireux de brûler leur vie au jour le jour sans se soucier des conséquences du lendemain, ces Kids issus de la génération 90 insuffle une vive émotion dans leur condition fragile juvénile, dans leur exubérance ignorante à s'adonner aux dérives avec un épanouissement suicidaire.


Glauque, malsain, sordide, dérangeant et psychologiquement éprouvant, Kids nous saisit à la gorge dans sa peinture nihiliste de brosser les portraits peu recommandables de jeunes délinquants incapables de se responsabiliser face au fléau du Sida (l'un d'entre eux évoquera d'ailleurs qu'il s'agit d'une rumeur infondée). Car autour de leurs excès toxicomanes et délinquants (passage à tabac communautaire sur un jeune quidam, maraude dans une épicerie), c'est avant tout un cri d'alarme contre la contagion de la maladie que Larry Clarke dénonce avec une lucidité documentée parfois à la limite du soutenable. De ce coup de maître d'une intensité dramatique sans retenue émane un témoignage inoubliable aussi essentiel qu'accablant si bien que la réalité eut rejoint la fiction lorsque Justin Pierce (Casper) se suicida par pendaison en 2000 et qu'Harold Hunter (Harold) mourut d'un arrêt cardiaque en 2006 après avoir inhalé de la Coke. 

A Justin et Harold...

P.S: A privilégier impérativement la VOST !

Bruno Dussart.
4èX



vendredi 10 mars 2017

DONNIE DARKO

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site lecinemaavecungranda

de Richard Kelly. 2001. U.S.A. 1h53. Avec Jake Gyllenhaal, Jena Malone, Drew Barrymore, Mary McDonnell, Katharine Ross, Patrick Swayze, Noah Wyle, Holmes Osborne, Maggie Gyllenhaal,
Daveigh Chase, James Duval.

Sortie salles France: 30 Janvier 2002. U.S: 26 Octobre 2001

FILMOGRAPHIEJames Richard Kelly plus souvent appelé Richard Kelly est né le 28 mars 1975 à Newport News (Virginie, États-Unis). Il est réalisateur et scénariste américain. 2001 : Donnie Darko. 2006 : Southland Tales. 2009 : The Box.


Le jour de la fin du monde
Film culte d'une génération, célébré avant tout pour l'ossature de son scénario aussi inracontable qu'abscons, Donnie Darko s'inspire du cinéma de Lynch pour nous égarer dans un univers métaphysique (et/ou spirituel) sensiblement envoûtant sous l'impulsion cérébrale de personnages énigmatiques et/ou ubuesques. Mais sans vouloir copier ou (involontairement) parodier son aîné, Richard Lynch possède son identité propre pour cristalliser une oeuvre insolite lestement étrange. Le spectateur constamment dérouté, voir parfois même agacé et ennuyé, ne pouvant s'empêcher d'observer l'errance morale du héros entraîné dans un dédale spatio-temporel sous l'aura d'un climat baroque à l'indicible mystère. Donnie est un ado instable et rebelle si bien qu'il consulte depuis quelques temps une psychothérapeute afin de canaliser ses angoisses et découvrir pour quels motifs il aperçoit lors de ses rêves et crises de somnambulisme un homme déguisé en lapin surnommé Franck. Avant que le réacteur d'un avion ne s'écrase dans sa chambre, Donnie est contraint de quitter son lit sous l'égide de son personnage irréel lui avertissant que la fin du monde aura lieu dans 28 jours. A partir de cet instant, sa vie semée de rencontres amicales et hostiles va basculer dans une seconde dimension afin de lui révéler son incroyable destinée impartie au sens du sacrifice. 


En traitant des thèmes du voyage temporel et de la spiritualité, des notions de peur et d'amour, du mal-être adolescent et de l'abnégation, Richard Lynch redouble d'ambition et de brio pour consolider une intrigue hermétique incroyablement originale si l'on parvient à déceler dès le 1er visionnage tous les tenants et aboutissants de la personnalité sinueuse de Donnie. Quand bien même ses témoignages amicaux auront un rapport commun avec ses actions personnelles vouées à un bouleversement de la fatalité. D'ailleurs, ceux qui craignent se triturer un peu trop les méninges sans en avoir saisi le dénouement, il vaudrait mieux se rabattre sur la version Director's Cut plus extensible de 20 minutes que Richard Lynch explique avec plus de fluidité quant aux indices et rebondissements savamment balisés. Au-delà de l'aspect fascinant de son histoire ramifiée (à l'instar d'un puzzle à reconstruire !) faisant appel aux théories sur l'existence et la prédestination, sa distribution disparate détonne (on y croise Drew Barrymore, Mary McDonnell, Katharine Ross, Patrick Swayze et Noah Wyle) de manière à renforcer le caractère déroutant de leurs agissements extravagants ou interlopes. Enfin, Jake Gyllenhaal (dans un âge juvénile !) endosse le rôle-titre avec un naturel (et parfois une fragilité) à la fois troubles et décomplexés dans sa posture schizo d'ado en résolution existentielle. Epaulé d'une jolie BO contemporaine, Donnie Darko se permet notamment en intermittence de composer de petits clips atmosphériques où l'émotion parfois dramatique finit par distiller une mélancolie palpable (le final est à ce titre d'une belle sensibilité !).


Une psychanalyse sur la schizophrénie ?
Ineffable et profondément trouble dans son climat de mystère indicible, Donnie Darko reste une oeuvre marquante, un ovni inclassable à savourer à tête reposée (restez attentifs aux moindres évènements qui irriguent votre écran !) malgré l'aspect sporadique d'un rythme à la fois languissant et plutôt dénué d'intensité. 

Eric Binford
2èx

jeudi 9 mars 2017

THEATRE DE SANG

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"Theatre of Blood" de Douglas Hickox. 1973. Angleterre. 1h44. Avec Vincent Price, Diana Rigg, Ian Hendry, Harry Andrews, Coral Browne, Robert Coote, Jack Hawkins, Michael Hordern, Arthur Lowe.

Sortie salles France: 16 Août 1973. U.S: 5 avril 1973

FILMOGRAPHIEDouglas Hickox est un réalisateur britannique, surtout connu comme réalisateur de films d'action, né le 10 janvier 1929 à Londres, ville où il est mort le 25 juillet 1988. 1959 : Behemoth the Sea Monster coréalisé avec Eugène Lourié. 1963 : It's All Over Town. 1964 : Just for You. 1969 : Les bicyclettes de Belsize. 1970 : Le Frère, la sœur et l'autre. 1972 : La Cible hurlante. 1973 : Théâtre de sang. 1975 : Brannigan. 1976 : Intervention Delta. 1979 : L'Ultime Attaque. 1983: The Hound of the Baskervilles (TV). 1984 : The Master of Ballantrae (TV). 1985 : Blackout


Clairement influencé par le succès de l'Abominable Dr Phibes, Douglas Hickox recrute le notoire Vincent Price et reprends les mêmes codes narratifs (vengeance diabolique perpétrée par un mort revenu d'outre-tombe, humour noir en roue libre par le biais de ses mises en scènes morbides, romance en berne avec sa fille prévenante) pour parfaire Théâtre de Sang. Satire au vitriol des critiques aussi bien intransigeantes que bien-pensantes, cette farce macabre compte prioritairement sur l'efficacité de ses scènes chocs à la fois redoutablement cruelles et singulières pour divertir un public complice. Car prenant pour anti-héros un personnage emphatique issu du milieu du théâtre, Théâtre de Sang se focalise sur la vengeance de Lionheart depuis que des journalistes auront préféré imputer un prestigieux trophée au profit d'un acteur concurrent.


Baignant dans un climat de douce folie où le baroque se dispute à l'excentricité, Théâtre de Sang s'édifie en jubilatoire jeu de massacres sous le pilier d'une intrigue simple mais habile (notamment la manière dont Lionheart est parvenue à s'extirper de la mort puis sa rencontre impromptue avec sa nouvelle troupe de théâtre). Un hommage persifleur aux pièces de Shakespeare et au cinéma d'épouvante hérité des grands classiques (l'Homme au masque de cire, le Fantôme de l'opéra à titres d'exemples). Dans un rôle à nouveau déclamatoire, Vincent Price jubile à se glisser dans la peau d'un acteur sardonique élaborant les pièges machiavéliques sous l'intonation de célèbres citations que Shakespeare lui aura inculqué à travers ses adaptations. Assez proche de son personnage de Phibes, Price évite néanmoins de le singer ou de le caricaturer si bien qu'il se permet ici plus d'extravagance dans ses moult déguisements avec une liberté de ton au naturel décomplexé (le personnage du coiffeur gay à la coiffure psychédélique ou celui du chef cuisto affublé de moustaches affinées). Au niveau des mises à mort inventives, on se surprend de leur cruauté tolérée (la séquence du gavage parmi la recette aux p'tits chiens donnent franchement la nausée) quand bien même certains effets gores ne manquent parfois pas d'audaces avec l'appui d'une violence tranchée (la première victime battue à mort). Enfin, en filigrane, on peut également énoncer une réflexion sur le rapport obsessionnel à la passion lorsqu'un homme épris de vengeance finit en désespoir de cause par sombrer dans une folie meurtrière finalement suicidaire.


Sans atteindre le niveau du chef-d'oeuvre L'Abominable Dr Phibes, Théâtre de Sang constitue autant un hommage décalé aux tragédies de Shakespeare et une diatribe contre les critiques pisse-froids qu'un savoureux divertissement sardonique aussi badin que débridé. A redécouvrir avec un plaisir sadique bonnard. 

Bruno Dussart
2èx

mercredi 8 mars 2017

Maniac

                                                              Photo emprunté sur Google, appartenant au site videodrome666.tumblr.com

de William Lustig. 1980. U.S.A. 1h28. Avec Joe Spinell, Caroline Munro, Abigail Clayton, Kelly Piper, Rita Montone, Tom Savini, Hyla Marrow, James Brexster, James Brewster, Tracie Evans, Sharon Mitchell.

Sortie salles en France le 09 mars 1982 / U.S: 26 Décembre 1980.

FILMOGRAPHIE: William Lustig est un réalisateur américain né le 1er février 1955 dans Le Bronx à New York. Il est le neveu du boxeur Jake La Motta.
1980: Maniac. 1983: Vigilante. 1988: Maniac Cop. 1990: Maniac Cop 2. 1993: Maniac Cop 3.
1997: Uncle Sam.


Gestation d'un mythe contemporain.
Au lendemain de Noël 1980 et cinq mois avant le 1er volet de la saga Vendredi 13 sort sur les écrans Maniac réalisé par le novice William Lustig. Un pavé dans la marre, une expérience déviante faisant office d'électro-choc au sein du paysage ludique du psycho-killer. Genre familièrement intitulé "slasher" et démocratisé deux ans au préalable par John Carpenter avec l'immuable Baby-sitter murder (ça c'était pour le clin d'oeil car rebaptisé depuis sa sortie par le titre celte Halloween). Frank Zito est un solitaire vivant reclus dans son appartement en compagnie de mannequins de vitrine. Leur visage sanguinolent est entaché de perruques qu'il s'applique à clouer sur leur crane. Ces chevelures sont à l'origine de véritables scalps qu'il perpétue sur des proies féminines durant ses errances nocturnes. Frank rodant dans la ville de New-York pour punir toutes les femmes qu'il aborde incidemment.


Scènes de crimes
Sans concession, le préambule rentre dans le vif du sujet pour illustrer sous une photo granuleuse blafarde un double meurtre crapuleux (strangulation et égorgement). Sous l'intempérie d'un ciel nuageux, un couple d'amants se prélasse sur une plage déserte. Sans rémission, une présence hostile à la respiration pondéreuse s'avance vers eux pour les assassiner avec une rare sauvagerie ! L'ambiance mortifère qui s'y dégage s'infiltre déjà à travers la pellicule maculée de sang ! Mais tout ceci n'était qu'une réminiscence ! Un cauchemar à nouveau fantasmé par le tueur au sein de l'intimité de sa chambre. C'est ensuite vers une cité urbaine malfamée qu'il déambule pour trouver refuge dans une chambre de motel en compagnie d'une jeune prostituée. Furtivement, elle finira étranglée et scalpée ! La brutalité graphique de cette longue séquence éprouvante foudroie par son réalisme âpre en insistant notamment sur les visages horrifiés des protagonistes (plans serrés à l'appui !). Un sentiment suffocant renforcé de la physionomie spectrale du tueur ruisselant de perles de sueur car s'acharnant de ses mains béantes sur le cou de la victime pour l'étouffer ! Ce premier homicide au climat de folie tangible dérange à point tel qu'aucun cinéaste n'était allé aussi loin pour le retranscrire aussi explicitement. Un autre exemple illustre bien le parti-pris à la fois ostentatoire et radical de Lustig avec la poursuite dans le métro au cours duquel notre tueur coursera sans répit une infirmière avant de la trucider. Un morceau d'anthologie au climat de claustration singulier si bien qu'il provoque le marasme, autant pour la victime effarouchée s'efforçant de retenir son souffle dans une cabine de toilette, que pour le spectateur voyeur tétanisé par la perméabilité de sa terreur épidermique !


Un tueur dans la ville
Sans perdre de vue ses pérégrinations nocturnes, Lustig continuera de se focaliser sur ses monstrueuses exactions perpétrées dans une mégalopole new-yorkaise tangiblement hostile, car d'autant plus asservie par l'emprise du tueur qu'il semble en être le taulier des lieux. Lustig cultivant avec souci documentaire le sentiment d'insécurité omniprésent régi au sein d'un dédale urbain en déliquescence morbide. Dans une ambiance opaque irrésistiblement magnétique, il dessine en parallèle l'introspection pathologique du criminel en sondant notamment ses pensées licencieuses sous l'impulsion de monologues patauds. Le spectateur observant attentivement ses tourments et ses cauchemars nocturnes résultants d'une profonde solitude et d'un trauma infantile en mettant en évidence sa culpabilité mélancolique de n'avoir pu combler sa mère abusive. De ses névroses et de sa déréliction émanent un refoulement sexuel, une profonde misogynie envers les femmes qui empiètent son chemin. Sa rancoeur et sa haine de sa mère autrefois punitive le contraignant à se transformer en ogre vindicatif contre la gente féminine, et ce en dépit de sa brève liaison amiteuse avec une photographe de mode (endossée par la prêtresse Caroline Munroe) qu'il s'efforce vainement de nouer.


Dans la tête du tueur
Si Maniac fascine et dérange de façon aussi épidermique, c'est également grâce à la prestance hallucinée de Joe Spinell littéralement habité par ses démons internes. Une présence viscérale sidérante de naturel que renforce en prime son physique adipeux et vérolé, sa chevelure croulante et son regard noir habité par la psychose. Qui plus est, ses longs râles plaintifs ne cessent d'hanter la pellicule durant son cheminement autodestructeur noyé de sang mais aussi de larmes. Car malgré tout, et par intermittence, on se surprend à lui tolérer une certaine empathie lors de moments intimes d'une quotidienneté ennuyeuse où ce dernier se parle à lui même pour regretter la disparition de sa mégère autrefois catin. Par le truchement de son passé de maltraitance infantile (il porte des stigmates de sévices corporels sur le corps et on apprend qu'il fut souvent confiné au fond d'un placard en guise de châtiment), Joe Spinell nous insuffle de la compassion dans sa fonction de victime sacrifiée.

                          
Une expérience de cinéma extrême, un choc visuel halluciné, une épreuve immorale en compagnie intime d'un comparse incurable !  
Par son ambiance mortifère à couper au rasoir émanant d'une virée urbaine criminelle, Maniac semble paradoxalement encore plus trouble, fascinant et immersif qu'à l'époque de sa sortie ! Une descente aux enfers jusqu'au-boutiste qui aligne sans modération des scènes gores graphiques d'un réalisme cinglant (respect Mr Savini !), quand bien même sa bande-son stridente aux percussions électros (Jay Chattaway à son apogée!) décuple son sentiment endémique d'insécurité. Eprouvant, angoissant, dérangeant mais éminemment fascinant, Maniac cultive en prime un réalisme parfois surréaliste (à l'instar de son final apocalyptique des plus perturbants !) auprès du psyché torturé du tueur tentant désespérément de fonder un semblant d'harmonie autour de mannequins en berne 

Note: En France, le film, interdit au moins de 18 ans, dû attendre deux ans pour pouvoir accéder à nos salles, faute des démêlés intransigeants d'une censure Giscardienne. Il fut en outre interdit en Australie et en Allemagne de l'est.

Bruno Matéï
08.03.17. 5èx
27.02.11. (472 vues)

mardi 7 mars 2017

I AM NOT A SERIAL-KILLER

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemaclubfr.fr

de Billy O'Brien. 2016. Irlande/Angleterre. 1h43. Avec Christopher Lloyd, Max Records, Laura Fraser, Tim Russell, Christina Baldwin, Karl Geary

Sortie Dtv France: 7 Mars 2017. salles Irlande: 9 Décembre 2016

FILMOGRAPHIE: Billy O'Brien est un réalisateur irlandais.
2005: Isolation. 2016: I am not a serial-Killer.


Révélé par le formidable Isolation (Grand Prix, Gérardmer 2006), l'irlandais Billy O'Brien nous revient 11 ans plus tard avec une nouvelle oeuvre indépendante traitant modestement du thème du serial-killer avec ultra réalisme et originalité. Tant et si bien qu'il risque de déconcerter une partie du public peu habitué à son climat d'étrangeté indicible culminant avec un final des plus extravagants (certains n'hésiteront sans doute pas à taxer sa conclusion de ridicule). Employé à ses heures perdues dans une morgue par l'entremise de sa mère, le lycéen John Wayne Cleaver voue une passion pour les serial-killers. Néanmoins fragile et névrosé, il suit un psychologue depuis qu'il est persuadé d'être un dangereux sociopathe. Un jour, il est témoin d'une agression meurtrière perpétrée par l'un de ses voisins, un septuagénaire gravement malade du coeur. Réalisé en 16 mm afin de renforcer le caractère granuleux de sa photo, I am not a serial-killer épouse un réalisme glauque à la limite du reportage (façon Deranged, Henry ou Maniac) afin de transfigurer ce curieux pitch dans une texture cinégénique n'ayant rien à envier aux prods des années 70.


Au niveau de sa forme documentée, nous parvenons agréablement à nous immerger dans l'action sous le pilier d'une atmosphère feutrée assez envoûtante, et ce en dépit d'une rythme langoureux qui risquerait d'en décourager plus d'un. Quand bien même certaines longueurs viennent un peu ternir son suspense latent imparti autour des pérégrinations du jeune héros épiant obsessionnellement son voisin du 3è âge. Néanmoins, grâce aux prestances très convaincantes de Max Records (impressionnant par l'intensité de son regard pervers ou apeuré, et attachant dans son désir d'équilibre moral en quête d'absolution) et de Christopher Lloyd (étonnant en faire-valoir taiseux traînant la patte dans une posture sclérosée), I am not a serial-killer parvient à maintenir l'attention en dépit du peu de surprises que nous réserve l'intrigue (exit son twist final). Emaillé d'éléments potentiellement surnaturels, l'intrigue sème le doute et la confusion durant le cheminement initiatique de John Wayne surveillant son voisin depuis que ce dernier s'adonne au crime gratuit en arrachant le coeur de ses victimes. Le réalisateur s'attardant majoritairement à autopsier le profil psychologique de cet adolescent morbide avec l'appui d'un psychologue et de sa mère prévenante en inquiétude, quand bien même en parallèle spoil ! une romance assez poignante viendra pointer le bout de son nez au moment le plus inopportun fin du Spoil.


Mon voisin le tueur
En dépit d'un rythme atone et d'un cheminement investigateur quelque peu redondant, I am not a serial-killer surprend et déroute par sa facture ultra réaliste de brosser sans fioriture les portraits de deux antagonistes s'opposant avec une distinction caractérielle assez ambiguë. Une découverte intéressante que cette expérience à la fois insolite et magnétique, à réserver toutefois à un public contemplatif. 

Eric Binford

lundi 6 mars 2017

EXTREMITIES

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site imdb.com

de Robert M. Young. 1986. U.S.A. 1h29. Avec Farrah Fawcett, James Russo, Alfre Woodard, Diana Scarwid, Sandy Martin

Sortie salles France: 11 Mars 1987. U.S: 22 août 1986.

FILMOGRAPHIE: Robert Milton Young, plus connu sous le nom de Robert M. Young, est un scénariste et réalisateur américain, né le 22 novembre 1924 à New York. 1956 : Secrets of the Reef.
1960 : World Wide '60. 1967 : At the Winter Sea Ice Camp: Part 4. 1969 : J.T. 1970 : The Eskimo: Fight for Life. 1973 : Children of the Fields. 1977 : Short Eyes. 1977 : Alambrista! 1978 : NBC Special Treat. 1979 : Rich Kids. 1980 : One-Trick Pony. 1982 : The Ballad of Gregorio Cortez. 1982 : American Playhouse. 1986 : Saving Grace. 1986 : Extremities. 1987 : We Are the Children. 1988 : Nicky et Gino. 1989 : Triumph of the Spirit. 1991 : Talent for the Game. 1993 : Children of Fate: Life and Death in a Sicilian Family. 1993 : Roosters. 1995 : Solomon & Sheba. 1995 : Slave of Dreams. 1996 : Caught. 1997 et 1998 : Une sacrée vie. 2001 : Expédition panda en Chine. 2004 : Below the Belt. 2004-2009 : Battlestar Galactica. 2011 : The Maze coréalisé avec David Grubin.


Modeste série B réalisée avec simplicité, Extremities tire parti de son efficacité grâce à l'interprétation viscérale de Farrah Fawcett (nominée aux Golden Globes !) délivrant ses émotions à nu sans effet de manche, et à son concept inopiné d'un jeu de soumission auquel les rôles vont subitement interférer. A la suite d'une agression avec un motard à visage couvert, Marjorie porte plainte au commissariat sans pouvoir porter l'affaire au tribunal, manque de preuve et de l'identité du présumé coupable. Quelques jours plus tard, ce même agresseur décide de rendre visite à son domicile après lui avoir dérobé ses papiers d'identité. Mais au moment de sa nouvelle tentative de viol, Marjorie finit par se défendre et séquestre son ravisseur en attendant l'arrivée de ses 2 amies colocataires. 


Alternant le drame et le suspense parmi la juste mesure d'interprètes communément convaincants (notamment James Russo jonglant non sans charisme le jeu insidieux du bourreau et de la victime avec cynisme arrogant !), Extremities maintient la tension durant son cheminement vindicatif si bien que la victime profondément traumatisée de deux agressions devra hésiter d'épargner ou d'assassiner son bourreau sous l'influence de ses acolytes. C'est donc une épreuve psychologique que Robert Young nous relate efficacement au sein d'un huis-clos aussi étouffant que malsain et parmi le témoignage démuni d'un trio féminin en questionnement moral. Nanti d'un climat anxiogène perpétuel, tant pour sa 1ère partie assez éprouvante lorsque la victime encaisse humiliations et sévices avec un réalisme dérangeant, que de la seconde quant au sort éventuellement morbide du présumé condamné, Extremities parvient à provoquer l'émotion chez nos témoins féminins en constante remise en question d'une telle extrémité. Abordant les réflexions sur le laxisme du système judiciaire (les agresseurs sexuels trop rapidement lâchés dans la nature après y avoir purgé leur peine et leur libre arbitre de continuer à menacer leurs victimes) et l'auto-justice, Robert Young nous interpelle sur notre instinct primitif et rebelle lorsque nous avions la possibilité de séquestrer notre agresseur et juger de son sort après un traumatisme moral.


Simple, efficace et intense, Extremities aborde la tentative de viol avec l'intelligence d'un contexte retors auquel victime et témoins devront mesurer leur indulgence pour tolérer ou non l'auto-justice au risque d'y perdre leur âme. Pour parachever, rien que pour la prestance éprouvante de Farrah Fawcett (franchement poignante en condition soumise dans son visage marqué de larmes), le film mérite que l'on s'y attarde. 

Bruno Matéï
3èx

vendredi 3 mars 2017

L'AUBERGE ESPAGNOLE

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Cédric Klapisch. 2002. France. 2h02. Avec Romain Duris, Judith Godrèche, Audrey Tautou, Cécile de France, Kelly Reilly, Cristina Brondo, Federico D'Anna, Barnaby Metschurat, Christian Pagh.

Sortie salles France: 19 Juin 2002

FILMOGRAPHIE: Cédric Klapisch est un réalisateur, scénariste et producteur français, né le 4 Septembre 1961 à Neuilly-sur-Seine (France).
1989: Maasaïïtis. 1991: Riens du tout. 1994: Le Péril Jeune. 1996: Chacun cherche son chat. 1996: Un air de famille. 1999: Peut-être. 2001: L'Auberge Espagnole. 2002: Ni pour ni contre. 2005: Les Poupées Russes. 2008: Paris. 2011: Ma part du Gâteau. 2013: Casse-tête chinois. 2017: Ce qui nous lie.


Révélé en 1994 avec le cultissime Le Péril JeuneCédric Klapisch n'en finit pas de dépeindre les tranches de vie d'une jeunesse insouciante au sein de L'Auberge Espagnole. Vaudeville truffé de tendresse, de fraîcheur, de drôlerie et de romance, Cédric Klaplisch nous déclare sa flamme à la vie, à l'amour, au jeunisme, aux voyages, à l'amitié, à la différence, à l'indépendance et à l'émancipation (n'écouter que soi pour accomplir son destin !), au désordre et à la fête à travers le regard apprenti de Xavier. Un jeune étudiant de 25 ans délibéré à s'installer un an en Espagne afin de décrocher plus tard une embauche chez le ministère des Finances, et ce en dépit de la réticence de sa petite amie. Sur place, il établit la rencontre de jeunes étudiants d'origine étrangère se partageant le loyer d'un appartement. Après une transaction, il accepte de vivre en colocation.


Dans une mise en scène aussi inventive qu'inspirée (voire parfois même expérimentale), Cédric Klaplisch s'y connait pour nous familiariser avec une troupe d'étudiants avides de nouvelles rencontres et de désir d'épanouissement à un âge aussi instable qu'inexpérimenté si bien que les infidélités sont facilement influentes lorsque vous vous retrouvez en terre inconnue à l'abri des témoins familiers. D'un réalisme plus vrai que nature, tant auprès de la visite touristique de Barcelone que d'une galerie de personnages au caractère bien trempé, l'Auberge Espagnole insuffle une palette d'émotions exaltantes oscillant le comique de situation et la douce tendresse sous le pilier de l'amitié et de la tolérance (en particulier l'homosexualité). Illuminé par la présence de comédiens épatants de peps mais aussi confondants de naturel (Romain Duris, Judith Godrèche, Audrey Tautou, Cécile de France, Kelly Reilly magnétisent l'écran sans jamais se complaire dans le stéréotype !), les seconds-rôles méconnus (Cristina Brondo, Federico D'Anna, Barnaby Metschurat et Christian Pagh) ne sont pas en reste pour nous séduire et nous dépayser. Avec la subtilité d'un humour verbal, d'une expression faciale et d'instants de cocasserie émanant d'une quotidienneté gaillarde (beuverie du samedi soir, infidélité avec une femme mariée, maîtresse planquée sous le lit, scènes de jalousie, conflits de culture), Klaplisch nous narre leurs vicissitudes au coeur d'une capitale chaleureuse réputée pour son sens de la fête.


Mené sur un rythme soutenu au fil d'une intrigue rocambolesque impromptue, l'Auberge Espagnole se déguste comme une coupe de champagne en la charmante compagnie d'une génération d'acteurs époustouflants de spontanéité dans leur humanisme à la fois fragile et badin (l'américain et son bagout vexant). Constamment drôle, tendre, pétillant, émouvant, et parfois même sensuel et érotique (la sublime Judith Godrèche irradie l'écran en introvertie coquine, sans compter les yeux clairs de la suave Kelly Reilly !), cette bouffée d'air frais se permet en sous-texte de scander un manifeste pour une Europe cosmopolite quand bien même les nostalgiques des vacances estivales se remémoreront leurs plus beaux souvenirs juvéniles. Bref, un moment de bonheur en apesanteur, un anti-dépresseur à consommer sans modération !

Eric Binford
3èx 

Box-Office: 2 966 271 entrées en salles en France et 4 852 366 en Europe.

mercredi 1 mars 2017

TROLL

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site charlesband-empire.blogspot.fr

de John Carl Buechler. 1986. U.S.A. 1h22. Avec Noah Hathaway, Michael Moriarty, Shelley Hack, Jenny Beck , Sonny Bono

Sortie salles U.S: 17 Janvier 1986

FILMOGRAPHIE: John Carl Buechler (né à Belleville, Illinois) est un réalisateur, maquilleur et technicien d'effets spéciaux américain. 1984 : Ragewar. 1986 : Troll. 1988 : Cellar Dweller. 1988 : Vendredi 13, 7. 1991 : Ghoulies III. 1998 : Les Proies : La Résurrection. 2002 : Curse of the Forty-Niner. 2003 : Deep Freeze. 2003 : A Light in the Forest. 2004 : Grandpa's Place. 2006 : The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde. 2011 : Dark Star Hollow


Production au rabais commanditée par nos illustres Albert et Charles Band, Troll porte la signature de John Carl Buechler, spécialiste de séries Z souvent exploitées en DTV. Conjuguant la Fantasy avec un soupçon d'horreur (comme le souligne la délirante séquence qui voit un homme transformé en monstre pendant que son visage se tuméfie tel une baudruche !), le cinéaste nous concocte une série B aussi maladroite qu'attachante dans sa succession d'incidents domestiques instaurés chez les locataires d'un immeuble. Pour cause, après des siècles d'emprisonnement, un troll et ses sbires ont décidé de prendre leur revanche sur l'homme pour tenter de reconquérir notre monde. Mais au sein de l'immeuble, une fée déguisée en sexagénaire va tenter de s'interposer afin de protéger les résidents. Particulièrement la famille Potter dont leur fille cadette est soumise à l'emprise de Torok, leader des trolls prenant malin plaisir à prendre possession de son corps (la jeune actrice Jenny Beck gesticulant et grimaçant auprès de ses parents avec une outrance à la limite du supportable !). Par l'entremise d'un pitch aussi grotesque qu'original, John Carl Buechler nous concocte un ovni improbable comparable à peu de chose près à une production Amblin au vitriol.


Si le récit linéaire s'avère sans surprise et plutôt redondant (jeu de cache-cache et de brimades entre Trolls et humains au sein d'une ambiance à la fois bigarrée et festive), le caractère aussi attachant que gogo des personnages amiteux, le dépaysement végétatif implanté dans l'immeuble en mutation et la galerie de monstres ricaneurs multipliant méfaits diaboliques auprès des humains rendent l'aventure gentiment déjantée. Si bien qu'il se dégage parfois de ses confrontations grotesques une certaine forme de poésie à travers le design des créatures de Fantasy confectionnées à l'ancienne par des FX perfectibles mais bourrés de charme. Truffé d'incohérences et de situations involontairement ridicules (certains seconds-rôles en font des tonnes dans leur posture erratique comme je l'ai déjà susmentionné !) dans un montage approximatif, Troll parvient encore à nous divertir sous l'autorité d'aimables seconds-couteaux (on y croise Noah Hathaway/L'Histoire sans Fin, Shelley Hack/la série Drôles de dames-Le Beau-Père, Michael Morriarty/Epouvante sur New-York) se prêtant à l'aventure avec une bonhomie dénuée de prétention. On peut d'ailleurs en dire autant du responsable de cette mascarade impayable si bien que John Carl Buechler semble éprouver un plaisir intègre à graver sur pellicule un B movie uniquement conçu sur la douce fantaisie d'une féerie horrifique.


Harry Potter and co.
A redécouvrir avec mansuétude et nostalgie d'une époque révolue où l'artisanal était capable d'enfanter ce genre de production hybride teintée d'audaces saugrenues.

Eric Binford

mardi 28 février 2017

QUE DIOS NOS PERDONE. Prix du meilleur scénario, San Sebastien, 2016.

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site cartelera.elperiodico.com

de Rodrigo Sorogoyen. 2016. Espagne. 2h06. Avec Antonio de la Torre, Roberto Álamo, Javier Pereira, Luis Zahera, José Luis García Pérez, Alfonso Bassave.

Sortie salles Espagne: 28 Octobre 2016

FILMOGRAPHIERodrigo Sorogoyen est un réalisateur espagnol né le 16 septembre 1981 à Madrid. 2008 : 8 citas. 2013 : Stockholm. 2016 : Que Dios nos perdone.


Thriller ibérique à couper au couteau dans sa science d'un suspense émoulu émaillé de cruels rebondissements, Que dios nos perdone (que Dieu nous pardonne) nous prend aux tripes avec une vigueur hautement dérangeante. De par le portrait conféré à un maniaque sexuel s'en prenant uniquement aux retraitées septuagénaires, et les profils instables de deux flics aussi désorientés que démunis par leur déveine infatigable. Baignant dans un climat fétide à la fois pervers et vénéneux, Que dios nos pedonne parvient à se démarquer de la production courante grâce à son refus de concession si bien que son cheminement narratif a de quoi dérouter lorsque le réalisateur s'attache en parallèle de l'enquête à dépeindre les contrariétés de deux flics discrédités par leur profession mais aussi leur relation conjugale. L'un taiseux, introverti, sexuellement refoulé, s'efforçant avec une extrême maladresse d'entamer une romance avec sa voisine de palier, l'autre, dangereusement irascible et trapu, tentant fébrilement de canaliser sa violence interne. Autour de ces profils psychologiques de prime abord peu sympathiques et amicaux, le réalisateur va néanmoins parvenir à les rendre attachants au fil de leurs problèmes familiaux et d'une enquête venimeuse d'une audace narrative inouïe quant à leur destinée incertaine.


En prime, pour corser l'affaire criminelle, le contexte social d'une récession et la visite populaire du pape Benoit XVI vont influencer la hiérarchie policière à taire les détails sordides de ces homicides au mépris de l'investigation décousue. Avec le parti-pris d'un réalisme sordide éludant toutefois toute forme de complaisance, Que dios nos perdone hypnotise et suscite le malaise face aux exactions crapoteuses d'un serial-killer retors dont nous finirons par connaître les tenants et aboutissants auprès de sa pathologie mentale. Et si le réalisateur parvient intelligemment à écarter la violence graphique, une séquence effroyable nous ébranle malgré tout sous le pilier du hors-champs, de par sa situation scabreuse qu'une personne âgée endure face aux coups répétés de son agresseur. Superbement filmé dans la démographie urbaine d'un Madrid jalonné de touristes, les poursuites qui empiètent l'intrigue sont savamment chorégraphiées au rythme d'un bande son percutante, telle un battement de coeur entêtant ! Servi par une distribution méconnue (du moins dans l'hexagone), le film renforce son authenticité par leur présence aussi affirmée que naturelle et par le truchement d'une caméra mobile employant parfois le cadre subjectif.


Thriller méphitique d'une belle maturité dans son refus du conformisme et du manichéisme, Que dios nos perdonne tire parti de sa vigueur et de son aura de fascination sous l'impulsion d'une galerie de personnages torturés combattant leurs propres démons depuis un passé galvaudé. Native d'Espagne, cette nouvelle référence aussi ludique qu'auteurisante est à ne rater sous aucun prétexte. 

Remerciement à Pascal Frezzato.
Bruno Dussart

Récompenses: Prix du meilleur scénario au Festival international du film de Saint-Sébastien 2016
Goya du meilleur acteur pour Roberto Álamo

lundi 27 février 2017

MA VIE DE COURGETTE. César du Meilleur film d'animation, 2017.

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site www.cineman.ch

de Claude Barras. 2016. France/Suisse. 1h06. Avec Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud, Michel Vuillermoz, Raul Ribera, Estelle Hennard, Elliot Sanchez.

Sortie salles France: 16 Octobre 2016.

FILMOGRAPHIE: Claude Barras, né en 1973, est un réalisateur de film d'animation suisse.


Les enfants du désordre
Entièrement réalisé en stop motion avec prouesse infaillible et souci du détail, Ma vie de courgette dépeint sobrement la nouvelle quotidienneté d'icar dit "Courgette" dans un orphelinat après avoir incidemment tué sa mère alcoolique. En dépit de l'intimidation de la tête de turc Simon, Courgette finit par se lier d'amitié avec ses nouveaux camarades jusqu'au jour où se présente une nouvelle locataire, Camille. Production franco-suisse auréolée d'une pluie de récompenses, Ma Vie de courgette fait parti de ses rares métrages où la magie du cinéma s'opère avec une grâce épurée si bien que l'on sort de la projo littéralement sonné ! Car à titre personnel, j'ai eu beaucoup de difficulté à m'extraire du générique de fin, de par sa conclusion sensiblement amère où s'opposent à la fois avantage et injustice, et la vigueur musicale de la chanson de Sophie Hunger reprenant avec ténuité un tube mélancolique de Noir Désir ! D'une simplicité extrême, l'intrigue parvient à captiver et faire naître une émotion à fleur de peau dans sa faculté à saisir, via le délicat outil d'une fiction animée, les tourments intrinsèques d'enfants précaires réduits à l'abandon et l'isolement depuis la démission parentale. Entièrement dédié à leur candeur humaine en quête de rédemption, Ma Vie de courgette bouleverse nos sentiments sans nous prévenir car sans se fourvoyer dans l'émotion programmée du pathos et de la sinistrose. Claude Barras traitant notamment des thèmes de la drogue, de l'alcool, de la pédophilie et de la violence conjugale et infantile à travers la suggestion d'un ton réaliste parfois dur quant aux conséquences psychologiques de ces orphelins profondément perturbés par leur condition sacrifiée.


Le vent nous portera
Bourré d'humanisme et d'instants d'émotion pure, l'étonnante réussite de Ma vie de courgette émane donc de sa grande simplicité, de sa modestie, de son refus du misérabilisme et surtout de son immense attention à capter les émotions des personnages (enfants mais aussi adultes) avec une extrême pudeur. De par leur comportement à la fois candide et si fragile s'y extrait des moments intimistes poignants, voirs autrement bouleversants quant au déchirant final somme toute optimiste si j'ose dire. Plein de poésie mais aussi d'humour, ce témoignage douloureux sur l'enfance galvaudée se permet notamment de transcender un hymne à l'amitié et à la fraternité afin d'oublier la désillusion d'un amour parental en berne. Pour ma part, et sans me laisser gagner par la dithyrambe, il s'agit du métrage d'animation le plus juste et émouvant que j'ai pu voir depuis Mary et Max et le Tombeau des Lucioles

Dédicace à Alain Kaehr.
Bruno Dussart

Récompenses: Cristal du long métrage, Prix du public au Festival international du film d'animation d'Annecy, 2016.
Festival du film francophone d'Angoulême 2016 : Valois de diamant.
Festival international du film de Saint-Sébastien 2016 : Meilleur film européen.
Festival international du film francophone de Namur 2016 : Bayard d’Or de la meilleure photographie pour David Toutevoix.
Prix du cinéma européen du meilleur film d'animation 2016
Prix Lumières 2017 :
Meilleur film d'animation
Meilleur scénario pour Céline Sciamma
César 2017 :
Meilleur film d'animation
Meilleure adaptation

jeudi 23 février 2017

DARK CITY

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site dcmain.deviantart.com

d'Alex Proyas. 1998. U.S.A/Australie. 1h52 (Director's Cut). Avec Rufus Sewell, William Hurt, Kiefer Sutherland, Jennifer Connelly, Richard O'Brien, Ian Richardson, Bruce Spence.

Sortie salles France: 20 Mai 1998. U.S: 27 Février 1998

FILMOGRAPHIE: Alex Proyas est un réalisateur, producteur et scénariste australien, né le 23 Septembre 1963 en Egypte. 1994: The Crow. 1998: Dark City. 2002: Garage Days. 2004: I, Robot. 2009: Prédictions. 2012: Paradise Lost. 2016 : Gods of Egypt.


Echec commercial inéquitable toutefois contrebalancé par les avis plutôt élogieux de la presse spécialisée, Dark City oeuvre dans la cour des grands dans sa cristallisation d'univers singulier aux influences de film noir, d'expressionnisme allemand et d'anticipation métaphysique. Une nuit, un homme se réveille dans une baignoire incapable de se remémorer son identité. Dans sa chambre, le corps d'une femme est retrouvée assassinée. La police et d'étranges hommes vêtus de noir le traquent sans relâchent car présumé coupable d'être un dangereux tueur en série. A partir de cette trame policière somme toute classique, Alex Proyas, génial auteur du requiem The Crow, redouble à nouveau d'ambition pour nous déconnecter de notre réalité à travers les thème spirituels de la mémoire et du souvenir. Sans déflorer les tenants et aboutissants d'une intrigue de prime abord hermétique (le parfum de l'âme est le souvenir !), Dark City est construit à l'instar d'un puzzle que notre héros investigateur va tenter de remodeler en arpentant les lieux nocturnes d'une ville en léthargie contrôlée par des hommes en noir.


Fasciné par la nuit (comme il nous l'avait préalablement démontré avec The Crow) et la nature de la conscience, Alex Proyas nous évoque avec souci formel un poème spirituel sur la création divine et l'origine existentielle lorsque les citadins d'une métropole deviennent cobayes afin de percer le mystère (impénétrable) de nos âmes. Parmi ces thèmes aussi éthérés qu'obscurs (notamment la nature du Mal à travers les exactions d'un tueur en série), le cinéaste en extrait au final un hymne à la vie, à l'amour et à la clarté quant à l'issue rédemptrice d'une confrontation musclée avec des étrangers fascistes. Le secret de notre humanisme résidant non pas dans l'âme mais dans le coeur. Toujours plus rigoureusement fascinant, Dark City nous communique le désir d'en apprendre sur nous même (notre quête identitaire si parfois difficile à élucider) si bien qu'il parvient à réveiller en nous des questions philosophiques sur la réalité de notre quotidienneté. Dans le sens mystique où nos pensées intrinsèques seraient aptes à produire et matérialiser un monde psychotique ou contrairement optimiste selon notre point de vue torturé ou serein. Autrement dit, la réalité de nos actes réside dans les pensées qui les produisent. A moins qu'un savant fou ou un créateur en tirerait les ficelles en modifiant à sa guise les intrigues de notre destin durant notre sommeil. Outre la densité d'un scénario passionnant jalonné de rebondissements dignes d'un épisode de La 4è Dimension, Dark City tire parti d'un esthétisme crépusculaire littéralement ensorcelant. Alex Proyas soignant méticuleusement le cadre d'une infrastructure urbaine à la fois gothique et expressionniste au sein d'une cité en (constante) mutation inspirée des années 40.


Nous sommes les créateurs de notre monde.
Aux décors stylisés se combinent harmonieusement les présences délétères d'antagonistes étonnamment iconiques sans compter quelques idées astucieuses (l'harmonisation télépathique des étrangers) empruntées aux références telles Métropolis, Nosferatu, Blade Runner et même Scanners ! Ajoutez à cela une distribution aussi solide qu'impliquée (Rufus Sewell, William Hurt, Kiefer Sutherland et la suave Jennifer Connelly se partagent la vedette avec une autorité contrariée) et vous obtenez un diamant noir schizo habité par une entité démiurge.

La Chronique de The Crow: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/02/the-crow.html

Bruno Matéï.
3èx

Récompenses:
Festival du film fantastique d'Amsterdam 1998 : prix du meilleur film
Saturn Award du meilleur film de science-fiction 1999
Prix Bram Stoker 1999 : meilleur scénario
Festival international du film fantastique de Bruxelles : prix du public

mercredi 22 février 2017

MUTATIONS

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site elabismodelcine.blogspot.fr

"Slugs, muerte viscosa" de Juan Piquer Simon. 1988. Espagne. 1h32. Avec Michael Garfield, Kim Terry, Philip MacHale, Alicia Moro, Santiago Álvarez.

Sortie salles U.S: 5 Février 1988

FILMOGRAPHIEJuan Piquer Simón est un réalisateur et scénariste espagnol né le 16 Février 1935 à Valence (Espagne), décédé le 8 janvier 2011. 1964 : España violenta : Scénariste et réalisateur
1965 : Vida y paz  : Scénariste et réalisateur. 1976 : Le Continent fantastique. 1979 : Supersonic Man 1980 : Au-delà de la terreur. 1981 : Le Mystère de l'île aux monstres. 1982 : Los diablos del mar. 1982 : Le Sadique à la tronçonneuse. 1983 : L'Éclosion des monstres ou Visitor. 1984 : Guerra sucia. 1988 : Mutations. 1990 : Magie noire. 1990 : L'Abîme. 1999: la ciudad de oro.


Série B horrifique réalisée par le modeste artisan ibérique Juan Piquer Simon, Mutations constitue un hommage aux films de monstres et insectes mutants qui fleurissaient dans les années 50. Dans une petite bourgade ricaine, les citadins sont envahis par des limaces mutantes et carnivores à la suite de déchets toxiques déversés dans les égouts. Dépêché sur les lieux, un inspecteur sanitaire va tenter d'enrayer la menace. Bien que son schéma narratif ultra prévisible et éculé ne cesse d'exploiter les clichés aux classiques du genres, Mutations dégage une ambiance à la fois pittoresque et inquiétante sous l'impulsion de protagonistes peu expressifs et dénués de charisme. Inévitablement naïfs et crétins, ces personnages insufflent toutefois une bonhomie attachante dans leur persuasion sincère de nous faire croire à l'improbable. Car aussi incongrues soit ses attaques de masse de mollusques invertébrés, Juan Piquer Simon croit suffisamment en son sujet pour nous divertir avec une certaine habileté, notamment grâce à l'efficacité de séquences chocs franchement impressionnantes. Tant et si bien que le cinéaste ne lésine pas non plus sur la complaisance gore par le truchement de zooms grossiers que n'aurait pas renié Fulci ou D'Amato ! Les FX en latex percutants et réalistes nous suscitant un dégoût viscéral lorsque les victimes impuissantes sont sauvagement agressées par ses loches visqueuses. En dépit de certaines situations ridicules si je me réfère au cabotinage de certains seconds-rôles à tenter de s'extirper de la mort, Mutations amuse et effraie grâce à son rythme soutenu, comme le confirme aussi son final homérique empruntant au genre catastrophe.


Une série B bonnard donc tout à fait ludique par son sens de dérision sarcastique et viscéralement répugnante quant aux exactions meurtrières des limaces noires rampant sur leur victimes avec un appétit inopinément vorace ! 

Eric Binford.
3èx