mardi 14 février 2017

MOONLIGHT

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Barry Jenkins. 2016. U.S.A. 1h50. Avec Mahershala Ali, Janelle Monáe, Naomie Harris, Trevante Rhodes, Ashton Sanders, Alex R. Hibbert, André Holland.

Sortie salles France: 1er Février 2017. U.S: 21 Octobre 2016

FILMOGRAPHIEBarry Jenkins, né le 19 novembre 1979 à Miami (Floride), est un réalisateur et scénariste américain. 2003: My Josephine. 2003: Little Brown Boy. 2008: Medicine for Melancholy
2009: A Young Couple. 2009: Tall Enough. 2011: Chlorophyl. 2016: Moonlight. 2017: Omniboat.
A Contract with God.


Dépourvu des clichés usuels au film de ghetto, un très beau portrait introspectif (et parfois sensitif) d'une quête identitaire infortunée. Chapeau bas pour la triple interprétation impartie au personnage principal et pour le réalisme de sa mise en scène épurée à la fois inventive, autonome et expérimentale.
B-D

Récompenses:
National Society of Film Critics 2016 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleure révélation féminine pour Janelle Monáe
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleur Film indépendant
Top 10 des films de l'année
5e cérémonie des Boston Online Film Critics Association Awards 2016 :
Meilleur film
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure distribution
19e cérémonie des British Independent Film Awards 2016 : Meilleur film indépendant international
26e cérémonie des Gotham Independent Film Awards 2016 :
Meilleur film
Audience Award
Special Jury Award de la meilleure distribution
88e cérémonie des National Board of Review Awards 2016 :
Meilleur réalisateur
Meilleure actrice dans un second rôle pour Naomie Harris
82e cérémonie des New York Film Critics Circle Awards 2016 :
Meilleur réalisateur
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure photographie
74e cérémonie des Golden Globes 2016 :
Meilleur film dramatique
National Society of Film Critics 2017 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleure révélation féminine pour Janelle Monáe
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleur Film indépendant
Top 10 des films de l'année
Alliance of Women Film Journalists 2017 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleur scénario adapté
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure distribution
Meilleure cinématographie pour James Laxton (en)
Meilleure rédaction pour Joi McMillon (en) et Nat Sanders (en)

lundi 13 février 2017

DR JERRY ET MR LOVE

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"The Nutty Professor" de Jerry Lewis. 1963. U.S.A. 1h45. Avec Jerry Lewis, Stella Stevens, Del Moore, Kathleen Freeman, Howard Morris, Elvia Allman, Buddy Lester.

Sortie salles France: 4 Septembre 1963. U.S: 4 Juin 1963

FILMOGRAPHIE: Joseph Levitch, dit Jerry Lewis, est un humoriste, acteur, producteur et réalisateur de cinéma américain, né le 16 mars 1926 à Newark dans l'État du New Jersey, aux États-Unis.1949 : How to Smuggle a Hernia Across the Border. 1960 : Le Dingue du Palace. 1961 : Le Tombeur de ces dames. 1961 : Le Zinzin d'Hollywood. 1963 : Docteur Jerry et Mister Love. 1964 : Jerry souffre-douleur. 1965 : Les Tontons farceurs. 1966 : Trois sur un sofa. 1967 : Jerry la grande gueule. 1969 : The Bold Ones: The New Doctors (série TV). 1970 : One More Time. 1970 : Ya ya mon général ! 1972 : The Day the Clown Cried. 1980 : Au boulot... Jerry ! 1983 : T'es fou Jerry.


Parodie fantastique détournant le mythe de Jekyll et Hyde, Dr Jerry et Mr Love est une comédie débridée que Jerry Lewis, acteur et réalisateur, transcende sur un rythme trépidant. De par sa multitude de gags souvent visuels et d'inspiration cartoonesque et l'abattage impayable de l'acteur vedette dans un double rôle antinomique. Par son physique outrancier volontairement stéréotypé, ses mimiques exubérantes et sa maladresse intarissable, Jerry Lewis se glisse dans la peau du professeur Julius Kelp avec une conviction désarmante de naturel, quand bien même il parvient aussi brillamment à se dédoubler dans le corps de Mr Love avec distinction et égoïsme arrogants. Quant à la croquignolette Stella Stevens, cette dernière lui partage la vedette avec une douce tendresse dans son regard azur pour son empathie partagée auprès du professeur.


Timide et introverti, Julius Kelp, professeur de chimie, décide d'expérimenter une formule qui pourrait lui offrir vigueur et beauté physique. Parvenant à accomplir son utopie, il arpente le soir les bars afin de se tailler sa nouvelle notoriété puis par la même occasion courtiser la jeune Stella Purdy. Réflexion sur l'hypocrisie de l'apparence et ses artifices extravagants, Dr Jerry et Mr Love se base sur l'argument de Robert Stevenson (le dédoublement physique de personnalité) pour en extraire une comédie couillue émaillée de situations irrésistibles. Tant pour les pitreries maladroites d'un professeur extrêmement complexé de son physique lambda que pour l'égocentrisme de Mr Love cumulant jeux de drague et intimidations avec la gente masculine avec une provocation machiste. Qui plus est, à travers cette fantaisie semée de trouvailles aléatoires (l'improvisation emphatique du directeur du lycée interprétant une pièce de Shakespeare face à l'influence de Mr Love), Jerry Lewis se permet en prime de provoquer l'émotion lors d'un final bouleversant militant pour l'acceptation de soi et la beauté interne.


Tour à tour désopilant et déjanté (la convocation de Julius chez le directeur, ses séances de muscu, le sketch de son enfance auprès d'une mère abusive, l'épreuve audible qu'il endure durant un cours après une soirée d'ébriété), Dr jerry et Mr Love n'a rien perdu de sa verve, de sa cocasserie et de son énergie pour provoquer le rire avant de nous attendrir vers une conclusion aussi dramatique que rédemptrice. Un classique étonnamment moderne et astucieux que Jerry Lewis, acteur, cinéaste et scénariste, coordonne avec une insoupçonnée ambition. 

B-D. 4èx

vendredi 10 février 2017

LA PUTAIN

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Whore" de Ken Russel. 1991. U.S.A/Angleterre. 1h24. Avec Theresa Russell, Frank Smith, Gail McMullen, Benjamin Mouton, Bob Prupas, Jack Nance.

Sortie salles France: 17 Juin 1992

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton.
1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Plutôt mal aimé par le public et la critique, aussi parce que les thèmes avaient été beaucoup mieux abordés dans l'électrisant Les Jours et les Nuits de China Blue, La Putain fait office de vilain petit canard au sein de la carrière impudente de Ken Russel. Série B glauque et sordide où le pittoresque de certaines situations scabreuses se mêle à d'autres dérives d'un mauvais goût assumé, la Putain doit beaucoup de son dynamisme en la présence de son actrice vedette, Teresa Russel. L'actrice se dévoilant à nu dans la peau introspective d'une catin en quête de rédemption derrière sa condition soumise. Spontanée, désinvolte et désinhibée, elle magnétise l'écran par son bagout trivial et sa posture ultra aguicheuse à séduire les mâles dominants n'ayant aucune déférence pour la Femme. Filmé à la manière d'un documentaire si je me réfère aux monologues récursifs que notre féministe nous pérore face caméra, la Putain délivre sur l'écran insalubre ses états d'âme avec une liberté de ton qui impose le respect. Ken Russel s'autorisant de compiler moult expériences sexuelles/confrontation machistes assez crues, parfois déviantes et violentes sur un ton décalé déroutant. Par son aspect reportage inscrit dans une facture à la fois baroque et débridée émane une expérience maso assez fascinante en dépit de la vacuité d'une narration redondante tournant autour de la quotidienneté sordide d'une putain mise à mal avec sa gente masculine. En guise d'amuse gueule et afin d'appuyer le caractère saugrenu de l'ensemble, on peut notamment s'amuser des aimables caméos d'Antonio Fargas ("Huggy les bons tuyaux" de la série Starsky et Hutch) en philanthrope à la p'tite semaine et de la star du X Ginger Lynn lors d'une brève séquence morbide !


Insolent, hors norme et licencieux, La Putain est à découvrir comme une attachante curiosité dans son parti-pris personnel et provocateur d'ausculter l'introspection d'une catin pleinement lucide de sa condition avilissante. A préconiser toutefois chez l'auditoire d'un public averti. 
B-D. 3èx

MANCHESTER BY THE SEA


de Kenneth Lonergan. 2016. U.S.A. 2h17. Avec Casey Affleck, Kyle Chandler, Michelle Williams, Lucas Hedges, Gretchen Mol, C.J. Wilson, Ben O’Brien…

Sortie salles France: 14 décembre 2016. États-Unis : 18 novembre 2016

FILMOGRAPHIE: Kenneth Lonergan, né le 16 octobre 1962 à New York, est un dramaturge, scénariste et réalisateur américain. 2000 : Tu peux compter sur moi (You can count on me)
2011 : Margaret. 2016 : Manchester by the Sea.


Le Pitch :
Lee Chandler, un homme à tout faire, doit se rendre à Manchester, la ville dans laquelle il a passé la majorité de son existence, suite au décès de son frère. Désigné comme tuteur de son neveu Patrick, un adolescent de 16 ans, il se retrouve confronté à des responsabilités qui font ressurgir les fantômes d’un passé auquel il a toujours cherché à échapper…

LA CRITIQUE DE MANCHESTER BY THE SEA:
Scénariste du Gangs Of New York de Martin Scorsese et de Mafia Blues, d’Harold Ramis, Kenneth Lonergan a fait ses débuts derrière la caméra en 2000 avec Tu peux compter sur moi, un drame avec Laura Linney et Mark Ruffalo, qu’il a également écrit. 11 ans plus tard, il livrait son second long-métrage, Margaret (dont il fut d’ailleurs dépossédé). Deux films qui ne laissaient pas vraiment deviner que le réalisateur avait en lui quelque chose d’aussi profond que Manchester By The Sea


CASEY AFFLECK DANS LA TOURMENTE
Alors que son frère, Ben, a semble-t-il toujours recherché le maximum d’exposition, en s’imposant comme une star dans le sens le plus classique du terme, via ses choix cinématographiques ou sa propension, peut-être involontaire, à attirer les flashs des photographes, Casey Affleck a évolué au rythme de films plus confidentiels. Gerry, Lonesome Jim, L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Gone Baby Gone, Les Amants du Texas ou encore Les Brasiers de la Colère étant de purs drames inscrits dans une tradition noble du septième-art américain , qui ont offert au comédien de multiples occasions de prouver son talent et sa capacité à incarner des personnages en souffrance et ô combien torturés. Avec Manchester By The Sea, Casey Affleck récidive mais réussit l’exploit de ne pas faire dans la redite facile. Son rôle est au centre de la dynamique du long-métrage de Lonergan. Il est quasiment de tous les plans et cristallise toute l’attention. Le scénario, qui s’articule autour du deuil et de la difficulté de continuer à vivre après une tragédie, à contre-courant, toujours, compte sur l’acteur pour donner du corps aux thématiques, qu’il sublime avec un naturel confondant et une aisance qui force en permanence l’admiration. Avec une économie dont il est plutôt familier, Affleck nous gratifie d’une performance incroyable, intense, toute en retenue, face à laquelle il est de bon ton de tomber en admiration. Lee, son personnage, se faisant le réceptacle d’une peine insondable mais aussi d’une résilience inouïe mais jamais propice à des débordements qui auraient pu déboucher sur un certain cabotinage.
Dirigé à la perfection, Casey Affleck donne le La aux autres acteurs qui pourtant, ne lui servent pas la soupe. Dans cette tragédie moderne baignée dans la grisaille d’un hiver américain sur la côte Est, tout le monde a son rôle à jouer et personne n’est mis au rencard. Même Michelle Williams, qui contrairement à ce que l’affiche et la promo du film veulent nous faire croire, ne tient pas l’un des premiers rôles, mais parvient à incarner l’une des nombreuses facettes de cette histoire aussi triste que belle car portée par un souffle discret mais puissant propice à l’introspection. En face d’Affleck, tour à tour, l’excellent Kyle Chandler, le solide C.J. Wilson et le jeune surdoué Lucas Hedges, entretiennent une émotion et une rythmique qui font du film ce qu’il est, à savoir une partition complexe et évidente à la fois.


MÉLANCOLIE GLACIALE
Authentique mélodrame américain, Manchester By The Sea évite habilement tous les pièges inhérents au genre et vient tutoyer les grands classiques. Très littéraire, dans le sens où ses images semblent parfois tout droit sorties d’un roman du genre de ceux qu’ont pu écrire Jim Harrison et Stephen King (avec Dolores Claiborne par exemple) ou tous ceux qui ont tenté de capturer l’essence des sentiments humains sans avoir recours aux lieux communs. Habitée par une poésie pénétrante, la prose de Kenneth Lonergan sait laisser la place aux silences, qui permettent d’ailleurs à son objectif d’exploiter le paysage, dont les contours ou encore les remous de l’océan offrent un écho à la tragédie qui se joue entre les membres de cette famille dysfonctionnelle. La mélancolie qui habite le long-métrage est ainsi d’un pudeur absolue. Elle naît de cette précision incroyable, qui caractérise à la fois la réalisation, le scénario et le jeu des acteurs et participe à cette faculté saisissante qu’a l’histoire de nous immerger pour captiver sans nous prendre en otage d’une émotion pourtant dévastatrice. Le choix de la musique est en cela important vu qu’il traduit une volonté de rester dans un registre classique, sans s’interdire de véritables envolées lyriques. Le montage est au diapason, vu qu’il construit le background des personnages sans effets superflus, là encore avec un naturel appréciable. La fluidité est totale et donne à Manchester By The Sea l’occasion de nous proposer des séquences ahurissantes, à l’image de ce flash-back entrecoupé de retours au présent, enveloppé par les nappes de l’Adagio d’Albinoni.


SAISIR L’INSAISISSABLE
Manchester By The Sea n’a rien d’un film facile. Pour ce qu’il raconte tout d’abord, certaines scènes étant particulièrement difficiles bien qu’au fond, on ne nous montre que l’essentiel sans tomber dans une complaisance un peu crasse, mais aussi pour la façon dont il a de dérouler son récit. En s’attachant à de petits détails, sans rien oublier, en laissant la place à des multiples respirations… Et c’est précisément ainsi qu’il sait au final sonner juste. Tout s’imbrique à la perfection. Y compris quand l’espoir d’un sursaut de vie intervient dans la morne routine de cet homme brisé. Car ici l’espoir est ténu et son arrivée subtile. Rien n’est évident. Ni la noirceur ni la lumière. C’est aussi pour cela que Manchester By The Sea tient du classique instantané : il sait saisir l’insaisissable sans avoir l’air de le faire. Car il touche à une certaine universalité…

En Bref…
Drame américain inscrit dans une noble tradition, Manchester By The Sea émeut autant qu’il impressionne par sa justesse et par sa pudeur. Une poésie folle se dégage de ces images où la froidure d’un hiver impitoyable fait écho à la détresse d’un homme et des siens confrontés aux tourments d’une vie impitoyable. Que ce soit au niveau du fond ou de la forme, Kenneth Lonergan a réussi. Son troisième long-métrage confine au sublime.

@ Gilles Rolland. Note: 4,5/5
En savoir plus sur http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-manchester-by-the-sea/#t0BhoXEcq6TukDTl.99

Mon p'tit mot:
A l'instar de l'humanisme sensitif (mais dépouillé) du cinéma de James Gray et Cassavetes, un drame fragile sur le poids insurmontable de la culpabilité et du deuil infantile. Peut-être/sans doute le meilleur rôle de Casey Affleck !
B-D

Récompenses:
2016 : Festival du film de Hollywood : Prix du meilleur scénario pour Manchester by the Sea1
Boston Online Film Critics Association Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea
National Board of Review Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea
New York Film Critics Circle Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea

mercredi 8 février 2017

TU NE TUERAS POINT

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Hacksaw Ridge" de Mel Gibson. 2016. U.S.A. 2h19. Avec Andrew Garfield, Vince Vaughn, Sam Worthington, Teresa Palmer, Hugo Weaving, Luke Bracey, Rachel Griffiths, Nathaniel Buzolic.

Sortie salles France: 9 Novembre 2016. U.S: 4 Novembre 2016

FILMOGRAPHIE: Mel Gibson est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 3 Janvier 1956 à Peekskill (Etats-Unis).
1993: l'Homme sans visage. 1995: Braveheart. 2004: La Passion du Christ. 2006: Apocalypto. 2016: Tu ne tueras point.


Abordant pour la première fois de sa carrière le film de guerre, Mel Gibson rivalise de prouesses techniques pour authentifier l'assaut de la 77è division d'infanterie impliquée dans la bataille d'Okinawa. Sans toutefois rivaliser avec l'exploit cinématographique de SpielbergIl faut sauver le soldat Ryan lors de son anthologique débarquement de Normandie, Tu ne tueras point laisse tout de même les mains moites pour la rigueur de son intensité épique impartie aux carnages de masse. Les soldats ricains avançant tête baissée sur l'ennemi japonais avec la même démesure primitive que leurs rivaux ! Explosions de corps déchiquetés ou criblés de balles, jambes arrachées, corps calcinés par les lances-flammes, cadavres en décomposition dévorés par les rats, le théâtre de sang invoqué sous nos yeux fait froid dans le dos pour dénoncer avec un réalisme rigoureux les horreurs d'une guerre sans règles ni limite. Spectacle de folie furieuse donc à la dramaturgie escarpée, Mel Gibson parvient toutefois à éluder la complaisance pour ses scènes immersives d'affronts sanglants filmées caméra à l'épaule si bien qu'on se laisse admirablement berner par le réalisme de ces trucages, à 2/3 imperfections numérisées.


Si la première heure prend son temps à caractériser le profil d'un adventiste délibéré à devenir auxiliaire médical plutôt qu'utiliser le fusil pour sacrifier l'ennemi, c'est pour mieux nous préparer à la crédibilité de son héroïsme surréaliste par le biais de cet objecteur de conscience à la foi inébranlable ! Inscrit dans la légende des héros de guerre notoires, Desmond Doss fait office de figure messianique aux yeux de ses camarades décontenancés par sa vaillance surhumaine alors qu'au préalable il était la risée de ces derniers pour sa lâcheté à refuser l'emploi de la violence au front. Car aussi insensé que cela puisse paraître, et c'est bien là l'intérêt atypique de l'intrigue, Desmond Doss n'est pas un personnage de fiction inventé par Mel Gibson mais bel et bien une figure emblématique de la seconde guerre mondiale ayant servi sa nation avec une bravoure aussi digne que suicidaire. Car ayant évacué plus de 75 blessés de son infanterie lors de la guerre du pacifique, Desmond Doss est devenu un exemple aux yeux de l'Amérique par son parcours singulier d'avoir préservé des vies sans jamais se laisser gagner par une riposte physique. Par le biais de ses séquences à suspense empruntant le schéma du survival, Tu ne tueras point distille peu à peu une atmosphère insolite sous l'impulsion d'une idéologie religieuse littéralement rédemptrice. Les acolytes de Desmond éprouvant une telle admiration devant lui qu'ils se laisseront guider par la spiritualité de ses prières avant d'entamer le dernier assaut au combat. Le message du film manifestant également une réflexion sur la confiance, l'estime de soi et le fatum lorsque l'on est investi d'une conviction personnelle incorrigible nous empêchant de nous laisser guider par la peur.


A feu, à sang et à la sagesse
Fait divers d'exception autour d'un personnage christique habité par un courage singulier de par ses convictions religieuses, Tu ne tueras point illustre avec un réalisme trouble un hymne à la constance et à l'héroïsme au sein d'un contexte belliqueux régi par la folie humaine. L'ironie caustique émanant de ce personnage pacifiste autrefois raillé et conspué par ses pairs mais depuis reconnu comme héros proverbial grâce à son éthique mystique. Un spectacle grandiose et foudroyant qui aide à réfléchir sur notre sens existentiel. 

B-D

La critique de Charlène Jean:

Tu ne tueras point est un réel bijou cinématographique, un film de guerre comme il en existe que très peu. Avec à sa tête Desmond T.Doss, un homme qui ne souhaite, utiliser aucunes armes sur le terrain, puisque après tout, même s'il reste volontaire pour faire la guerre (mais en tant qu'infirmier) car il est préférable de sauver les gens plutôt que de les tuer. Il faut savoir que c'est une histoire vraie et que la volonté première de Desmond T Doss est de respecter un principe biblique: tu ne tueras point, et surtout de montrer aux gens, que c'est possible.
À l'époque il réveillera la colère de l'armée américaine, car bon il faut le dire la mentalité était la suivante: <>. Alors imaginez, un homme, croyant (car même à l'époque, les convictions religieuses, étaient très peu respectées.>>, qui ne souhaite pas toucher à une arme quelle qu'elle soit et qui assure qu'il est possible de faire la guerre sans armes, et bien celui ci aura le droit à un conseil de discipline, pouvant aller même jusqu'à l'emprisonnement. C'est ce qu'on appel un objecteur de conscience <>. En ayant finalement eu gain de cause avec un acte de loi (en tout cas dans le film c'est démontré ainsi), il pourra finalement assister les soldats sur le terrain, il interviendra donc, comme infirmier et sera un des rares soldat à décrocher la medal of honor lors de la seconde guerre mondiale après avoir sauvé à lui seul et sans violence, un nombre impressionnant de personnes.

Desmond T.Doss est né le 7 février 1919 à Lychburg en Virginie et décèdera le 23 mars 2006 à Piedmont en Alabama, des suites de complications respiratoires. À son retour du champ de batailles, on lui diagnostiquera une tuberculose.
" Hacksaw ridge " est un message d'amour Mel Gibson, croyant de surcroît pour un homme qui a sauvé à l'aide de sa foi et de sa volonté, des gens des DEUX CAMPS différents, car la vie est précieuse, et il n'y a pas d'adversité.
Le film , relate finalement la vie de Desmond, son enfance, son mariage, sa préparation , sa foi, la guerre, la perte. Une interprétation biographique, réussie et émouvante. Il faut dire aussi, que Mel Gibson est un as du cinéma <<la passion du christ, apocalypto, braveheart, l'homme sans visage>> je parle essentiellement de sa carrière en tant que réalisateur, car il me faudrait au moins 100 pages pour parler du reste, acteur, scénariste...
Au niveau du casting d'exception Andrew Garfield dans le rôle de Desmond T doss (deux sœurs pour un roi, THÉ AMAZING SPIDER MAN...) je n'aurais pas imaginé quelqu'un d'autre dans ce rôle, il est exceptionnel, et sacrément émouvant, je l'adore, il est doux, gentil et plein de sagesse, on dirait que tout est naturel, et qu'il ne joue même pas, il est sincère et naturel et j'adore les gens simples.
Vince Vaughn dans le rôle du sergent Howell, il est excellent et donne un côté drôle aux situations douteuses et inquiétantes, il faut dire qu'il est régulièrement associé à des films humoristiques et surtout avec son acolyte Owen Wilson, dans la comédie américaine. Bizarrement une des scènes principales me fait penser au film de guerre full métal Jacket.
Teresa Palmer dans le rôle de Dorothy Schutte "la femme de Desmond" , que l'on voit essentiellement dans la première partie du film, elle est superbe.
Et Hugo Weaving dans le rôle de Tom Doss, le père de Desmond, qui aura un rôle émouvant, dans l'homme qui a peur de perdre ses deux fils, dans une guerre inutile pour lui et créée par l'état, une sorte de manipulation, comme il a pu perdre des amis durant la première guerre mondiale et infecté par les souvenirs de la guerre, qui entraîneront chez lui une addiction à l'alcool et de la violence, qui décousent de son mal être. Cependant dans le film il aura un rôle te!s important, qui permettra à son fils, d'aller jusqu'au bout de son choix, nous pouvons retrouver monsieur Weaving dans Matrix, le seigneur des anneaux...

Anecdotes:
Mel Gibson a toujours travaillé avec son acolyte James Horner (compositeur de musique pour plusieurs films), celui ci décèdera dans un tragique accident, ce sera donc en deuxième choix, John Debney qui sera choisit (bande son de la passion du christ),mais celle ci ne fonctionnera pas, Mel Gibson choisira donc Rupert Gregson Williams, qui devra composer en quelques semaines seulement, la bande son de tu ne tueras point, et c'est une vraie réussite, je l'écoute d'ailleurs en boucle sur mon Deezer ( la bande son est en service, sous le nom américain du film ) mes chansons préférées sont: rescues continues et hacksaw ridge. Un compositeur prometteur.
Le film parle de la guerre d'Okinawa. Nous pouvons donc voir plusieurs armes différentes.
Le film n'a pas remporté énormément d'oscars, suite à un fond de conflits, suite à des propos désobligeants de Mel Gibson, qui le suive malheureusement toujours. Il remporta tout de même :
- l'oscar du meilleur mixage
- l'oscar du meilleur montage
- mel gibson sera tout de même sacré meilleur réalisateur et Andrew Garfield meilleur acteur.

À l'heure actuelle il est pour moi le meilleur film de guerres car le message est positif. Je regrette juste un peu la fin, car elle paraît négative, alors que certains passages documentaristes nous prouve le contraire (vous pouvez me demander en privé, je ne veux pas spoiler)
Mention spéciale pour les plans filmés sur le terrain, les cartouches d'armes à feu, sont en gros plan, ce qui donne un effet vraiment sympa.

Le film comporte tout de même certaines scènes choquantes.

mardi 7 février 2017

ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND. Oscar du meilleur scénario original, Charlie Kaufman et Michel Gondry

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

de Michel Gondry. 2004. U.S.A. 1h48. Avec Jim Carrey, Kate Winslet, Kirsten Dunst, Mark Ruffalo, Elijah Wood, Tom Wilkinson

Sortie salles France: 6 Octobre 2004. U.S: 19 Mars 2004

FILMOGRAPHIEMichel Gondry est un réalisateur français, né le 8 mai 1963 à Versailles (Yvelines). 2001 : Human Nature. 2004 : Eternal Sunshine of the Spotless Mind. 2006 : La Science des rêves. 2006 : Dave Chappelle's Block Party. 2007 : Soyez sympas, rembobinez. 2010 : L'Épine dans le cœur. 2011 : The Green Hornet. 2012 : The We and the I. 2013 : L'Écume des jours. 2014 : Conversation animée avec Noam Chomsky. 2015 : Microbe et Gasoil.


Une part en moi me dit que j'ai connu cette vie sentimentale. Entre bonheur, mort et renaissance. 

Second film américain du français Michel Gondry, Eternal sunshine of the spootless Mind est une bouleversante étude de moeurs sur la complexité de l'amour et l'intensité cognitive, sur le refoulement des sentiments et l'égoïsme commun qu'un couple en étreinte va endurer dans leurs caractères bien distincts. A travers un procédé scientifique improbable (supprimer nos propres souvenirs d'un amant que l'on a autrefois chéri afin de s'épargner toute souffrance morale), Michel Gondry ausculte avec une imagination débridée les mécanismes de la passion et de l'angoisse de souffrir si on se laisse gagner par le pessimisme, l'incommunicabilité et la routine du quotidien bâtie sur la médiocrité. C'est par le procédé d'effacement des souvenirs du cerveau de Joel que le couple finira par prendre conscience de leur rapport orgueilleux car rongés par la désillusion de n'avoir su préserver leurs sentiments communs. Joel revivant chaque souvenir avec autant de souffrance que d'exaltation tout en s'exprimant à sa propre conscience afin de s'interroger sur les facteurs de son échec amoureux. Mais finalement délibéré à préserver ses plus beaux souvenirs, ce dernier s'efforce en dernier ressort à prémunir les moments de joie les plus radieux afin de graver en mémoire la personnalité extravagante de sa dulcinée habitée par le désir.


L'intolérance de la différence qu'on se résigne à ne plus accepter, c'est ce que subissent Joel et Clémentine dans leur amertume anxiogène et leur manque de confiance à consolider leur amour commun s'évaporant un peu plus chaque jour. En les plaçant notamment face à eux mêmes pour leurs erreurs d'appréciation et de jugement, pour leurs rancunes et leur susceptibilité de s'être laissés gagner par des conflits d'autorité puérils, Joel et Clémentine font face à leur responsabilité morale lors d'une mise en abyme. Mais l'amour fulgurant est intemporel, une rencontre abordée au coin d'une rue ne s'explique pas, elle se laisse guider par les vibrations émotionnelles comme nous le démontrent malicieusement Joel et Clémentine dans leur posture infantile (notamment en s'inventant de nouveaux souvenirs durant l'époque de leur enfance). Grâce à leur instinct sentimental, aucun lavage de cerveau, aucune machine à effacer les réminiscences ne pourront consumer les ressorts de la tendresse chez ses deux coeurs expansifs. La mise en scène de Gondry constamment inventive utilise l'image tel un album souvenirs aussi intenses que scintillants dans la scénographie baroque d'un onirisme candide, quand bien même deux êtres s'étaient rencontrés aux abords d'une plage pour tenter de se courtiser dans un troublant espace, entre joie et allégresse, colère et trahison, et avant de tenter de s'accorder une ultime chance pour une nouvelle acceptation d'eux mêmes ! Incandescents à l'écran dans leurs expressions mélancoliques et dépressives, dans l'exaltation de leurs sentiments et leur fougue de l'épanouissement, Jim Carrey et Kate Winslet immortalisent les amants infortunés avec une puissance émotionnelle d'une fragilité palpable. Parce qu'ils incarnent également le reflet de nous mêmes, à savoir les failles de chacun de nous pétri de névroses et de contradictions à s'affirmer dignement mais à douter des autres, ou pire, à se rejeter la faute dans son refus d'amour propre (la quête désespérée, quasi insurmontable de sonder une paix intérieure comme le clamera Clémentine !).


Que le sort de l'irréprochable vestale est heureux !
Le monde oubliant, par le monde oublié;
Éclat éternel de l'esprit immaculé !
Chaque prière exaucée, et chaque souhait décliné
De ce maesltrom d'émotions aussi lyriques que candides émanent l'un des plus beaux et singuliers poèmes sur l'amour passion et sa fragilité qui en émane, leçon d'apprentissage et de tolérance pour la fiabilité du couple contrarié par la peur d'échouer, le manque de confiance en soi, la hantise de la trahison et celle de redouter un deuil sentimental.   

A Stéphanie...

B-D. 3èx
07/02/2016
01/02/2010

Récompenses:
2005 : Oscar du meilleur scénario original pour Charlie Kaufman et Michel Gondry
2005 : BAFTA Awards :
Meilleur montage pour Valdís Óskarsdóttir
Meilleur scénario original pour Charlie Kaufman et Michel Gondry

vendredi 3 février 2017

HAINE

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Le credo de la violence" de Dominique Goult. 1980. France. 1h30. Avec Klaus Kinski, Maria Schneider, Patrice Melennec, Evelyne Bouix, Katia Tchenko, Paulette Frantz

Sortie salles France: 9 Janvier 1980 (Interdit aux - de 18 ans)

FILMOGRAPHIE: Dominique Goult est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur français né en 1947. 1980: Haine. 1978: Lèvres gloutonnes. 1978: Partouzes perverses. 1977: Les queutardes. 1977: Les monteuses.


Sorti discrètement en salles à l'aube des années 80 puis exploité en catimini en Vhs, Haine est l'unique réalisation non pornographique du français Dominique Goult. Curiosité oubliée de tous en dépit d'une poignée de videophiles irréductibles, Haine relate la traque sauvage d'un motard par des chasseurs racistes et décérébrés. La veille, le cadavre de la petite fille du maire fut retrouvée sur le fossé d'un chemin rural, fauchée par un motard. On nous dévoilera d'ailleurs en fin de parcours le véritable visage du fameux coupable sans se surprendre de sa révélation attendue. Avec son rythme languissant digne d'une production Jean Rollin, Haine risque de laisser sur le bitume une bonne partie du public si bien que Dominique Goult peine à insuffler de l'intensité lors d'un cheminement aussi routinier que rébarbatif si on exclu sa dernière demi-heure plus haletante lors des confrontations musclées entre les paysans et l'étranger.


Monté avec les pieds et maladroitement réalisé, comme le souligne notamment sa structure narrative anarchique tentant de distiller un faux suspense quant à la culpabilité du meurtrier de la fillette, Haine tire malgré tout parti de ses défauts techniques pour faire naître une ambiance insolite assez palpable (si on reste pleinement concentré sur l'évolution du récit). Prenant pour thèmes l'auto-défense, le fascisme et le lynchage communautaire, Haine peut prêter une certaine allusion à La Traque de Serge Leroy pour la caricature impartie à ses assassins du Dimanche que rien ne soupçonnait à extérioriser une violence aussi bestiale qu'aveugle. En prime, au sein de son environnement rural épargné d'urbanisation, la réalisateur adopte le parti-pris auteurisant de façonner un climat glauque futilement captivant quand bien même ses éclairs de violence d'un réalisme assez cru précipitent le road movie vers le western rural lors d'une dernière partie rigoureusement dramatique. La victime incessamment coursée éprouvant elle aussi un sentiment rancunier d'auto-justice qui l'incitera à employer une arme afin de sauver sa peau ! Klaus Kinski se glissant dans la peau du motard à combinaison blanche avec une personnalité équivoque, tant pour ses rapports amicaux et sentimentaux partagés avec deux paysannes que de son comportement un peu trop amiteux (et tactile) auprès de la fillette du pompiste. Fascinant également de constater la complicité communautaire de tout un village (ou presque !) à tolérer lynchage aussi fourbe en prenant comme alibi la mort accidentelle d'une fillette alors qu'aucun témoin oculaire n'eut pu constater la présence de l'étranger sur les lieux !


Curiosité franchouillarde dénonçant maladroitement la haine du fascisme chez des métayers réactionnaires, Haine inspire une drôle d'impression d'amertume et de douce fascination dans sa forme brouillonne de survival compromis au vigilante movie. Un OVNI nébuleux à privilégier chez les cinéphiles les plus indulgents ou aguerris. 

B-M. 2èx

jeudi 2 février 2017

PREMIER CONTACT

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Arrival" de Denis Villeneuve. 2016. 1h56. U.S.A. Avec Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker, Michael Stuhlbarg, Tzi Ma, Mark O'Brien

Sortie salles France: 7 Décembre 2016. U.S: 11 Novembre 2016

FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières. 1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: An Enemy. 2013: Prisoners. 2015: Sicario. 2016: Premier Contact. 2017: Blade Runner 2049.

Une oeuvre atypique et magnifique, notamment parmi l'épure de sa mise en scène façonnée à la manière d'un reportage. Un conte existentiel sur l'arme du langage. Un second visionnage s'impose impérativement pour en saisir toutes ses richesses thématiques.

mercredi 1 février 2017

Quelques Minutes après minuit

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

"A Monster Calls" de Juan Antonio Bayona. 2016. Espagne/Angleterre/U.S.A/Canada. 1h48. Avec Lewis MacDougall, Sigourney Weaver, Felicity Jones, Toby Kebbell, Ben Moor, James Melville, Oliver Steer, Dominic Boyle

Sortie salles France: 4 Janvier 2017. U.S: 23 Décembre 2016

FILMOGRAPHIE:  Juan Antonio Bayona est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1975 à Barcelone. 2004: Sonorama (video). 2004: 10 anos con Camela (video). 2005: Lo echamos a suertes (video). 2007: l'Orphelinat. 2012: The Impossible. 2016: Quelques minutes après minuit.


Révélé par l'Orphelinat et The Impossible, Juan Antonio Bayona nous assène un nouvel uppercut émotionnel avec Quelques minutes après minuit. Un drame aussi fragile que douloureux sur le deuil maternel qu'un jeune garçon doit s'efforcer d'accepter en dépit de son immaturité. Utilisant intelligemment le conte fantastique comme métaphore sur une initiation au courage et à la vérité que l'on garde au fond de soi, Juan Antonio Bayona transfigure par la même occasion une véritable déclaration d'amour aux monstres comme le souligne le déclic émotionnel que le héros éprouve à la vision de la mort injuste de Kong sur l'empire State Building. Passionné par l'art et les dessins, Conor fuit la réalité pour oublier le cauchemar qu'est entrain d'éprouver sa maman moribonde. Il s'imagine alors que l'arbre de son jardin nanti de vie pourrait éventuellement sauver cette dernière gravement malade d'un cancer.


Si son climat onirico-baroque peut dérouter de prime abord une partie du public (à l'instar du magnifique Labyrinthe de Pan !), le ton inquiétant et la manière personnelle dont Juan Antonio Bayona structure son intrigue préconise les rapports intimistes et équivoques échangés entre l'arbre et le jeune héros. C'est donc l'histoire d'une longue thérapie que nous conte de manière originale l'auteur du point de vue d'un adolescent torturé en phase d'affirmation car sur le point de se libérer de sa prison mentale. Sans jamais tirer sur la corde sensible quant aux évènements douloureux traités avec une détonante pudeur; Quelques minutes après minuit distille une intensité dramatique davantage rigoureuse à l'approche inévitable du deuil familial. Instaurant au compte goutte un climat dépressif néanmoins jamais démonstratif, nous sommes d'autant plus ébranlés par la violence psychologique du contexte familial si bien que le jeune héros réduit à la solitude et humilié par des camarades de classe semble toujours plus démuni d'accepter une circonstance morbide aussi intolérable. Le jeune Lewis MacDougall endossant brillamment ce rôle juvénile d'ado à la fois timoré et précaire tout en nous extériorisant derrière ses contradictions sa rage et sa révolte afin d'y tolérer le fardeau insurmontable du deuil.


Bouleversant à plus d'un titre sans jamais se laisser attendrir par la sinistrose, Quelques minutes après minuit déconcerte par son aspect austère en abordant un Fantastique noble et adulte sous couvert d'une féerie horrifique rédemptrice. Epousant un point de vue fructueux quant au pouvoir de l'imaginaire exorcisant nos angoisses, en particulier celui des monstres plus tolérants et humains que le commun des mortels, Quelques minutes après minuit imprime une leçon de vie auprès de la fragilité de l'adolescence confrontée à l'injustice de la mort. Il y émane une oeuvre précieuse à la fois dure et cruelle, magnifique et délicate de par ses thèmes sobrement autopsiés si bien que l'on en sort aussi éprouvé qu'hanté. On peut d'ailleurs sans rougir le hisser à la dénomination du chef-d'oeuvre absolu. 

*Bruno Matéï
14.03.22. 2èx

mardi 31 janvier 2017

CRONOS

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmaffinity.com

de Guillermo Del Toro. 1993. Mexique. 1h35. Avec Federico Luppi, Ron Perlman, Claudio Brook, Margarita Isabel, Tamara Shanath, Daniel Giménez Cacho.

Sortie salle Mexique: 3 Décembre 1993. France (uniquement en Dvd): 18 Août 2001.

FILMOGRAPHIE: Guillermo Del Toro est un réalisateur, scénariste, romancier et producteur américain, né le 9 Octobre 1964 à Guadalajara (Jalisco, Mexique).
1993: Cronos. 1997: Mimic. 2001: l'Echine du Diable. 2002: Blade 2. 2004: Hellboy. 2006: Le Labyrinthe de Pan. 2008: Hellboy 2. 2013: Pacific Rim. 2015: Crimson Peak.


Quelle bien étrange curiosité que ce Cronos, premier long du maître Guillermo Del Toro réalisé en à peine 45 jours. Fascinant à plus d'un titre car détournant les codes avec originalité et inspiration, le récit se focalise sur la découverte d'une curieuse relique qu'un antiquaire vient d'acquérir du fond de son magasin. Appartenant autrefois à un alchimiste, cet objet de couleur or formant un scarabée possède la faculté de rendre la vie éternelle à celui qui se laisserait perforer par son dard. Dès lors, sous le témoignage curieux de sa petite fille, le grand-père sombre dans une addiction incontrôlée au moment même où un magnat à l'agonie s'efforce de se procurer le talisman par le biais de son brutal neveu. Eclairé d'une photo opaque au sein de décors domestiques assez glauques, Cronos emprunte le mythe du vampirisme de manière à la fois baroque et singulière si bien que le film ne ressemble à rien de connu.


Dominé par la prestance charismatique du grand Federico Luppi parfaitement à l'aise dans sa fonction véreuse de zombie en régénération, Cronos renoue avec la noblesse d'un fantastique pur et dur car façonnant un univers surnaturel irrésistiblement envoûtant, de par son réalisme nocturne. Outre le fait de croire facilement à ce que l'on nous raconte, la force du récit réside notamment dans l'art et la manière iconoclaste de le conter sans les artifices usuels du genre et sous l'impulsion d'une poésie macabre inattendue ! Je songe aux rapports intimes que s'échangent respectueusement la petite fille et son grand-père, communément complices d'une découverte improbable impartie à la vie éternelle. Métaphore sur l'addiction et la peur de la vieillesse entraînant inexorablement la mort; Cronos est également une forme de catharsis afin d'accepter l'hérédité du trépas comme le souligne au terme la résolution morale du héros refusant de se laisser berner par sa seconde peau. Semé de clins d'oeil aux classiques du fantastique moderne (on songe inévitablement à Hellraiser pour la boite de Pandore et son initiation à une douleur finalement apaisante), sa structure narrative détonne et déroute dans son refus de se plier aux conventions du genre. Notre anti-héros sévèrement malmené par un tortionnaire étant contraint de subir divers sévices corporels avant de mourir et de pouvoir renaître de prime abord dans un piteux état grâce au scarabée d'or. Ce dernier n'ayant pas comme motivation éculée (à une rare exception !) de se procurer du sang frais pour subvenir à ses besoins nutritionnels ! Il en émane une drôle d'ambiance débridée à la limite de la cocasserie lors des confrontations musclées avec le neveu décervelé (formidable Ron Perlman !).


Moi Vampire, chronique de la douleur. 
Série B horrifique particulièrement efficace et fascinante par son schéma narratif hétérodoxe hérité du cinéma d'auteur, Cronos possède de sérieux atouts pour embarquer le spectateur dans une bien étrange histoire de vampirisme face au témoignage d'une innocence beaucoup plus lucide et téméraire qu'elle n'y parait. Un conte macabre étonnamment baroque et imprévisible, parfois même assez viscéral dans la caractérisation sclérosée du mort-vivant en quête de rédemption. 

B-D. 3èx

Récompenses: Festival de Cannes 1993 : Prix Mercedes-Benz
Guadalajara Mexican Film Festival 1993 : prix DICINE
Festival international du film de Catalogne 1993 : meilleur acteur pour Federico Luppi, meilleur scénario pour Guillermo del Toro
Festival international du nouveau cinéma latino-américain de La Havane 1993 : meilleure affiche, meilleur premier film pour Guillermo del Toro
Premio Ariel 1993 : Ariel d'or pour Guillermo del Toro, meilleur acteur dans un rôle mineur pour Daniel Giménez Cacho, meilleure direction pour Guillermo del Toro, meilleur premier film pour Guillermo del Toro, meilleure histoire originale pour Guillermo del Toro, meilleure direction artistique pour Tolita Figueroa, meilleur scénario pour Guillermo del Toro, meilleurs effets spéciaux pour Laurencio Cordero
Festival international du film fantastique de Bruxelles 1994 : Corbeau d'argent
Fantasporto 1994 : meilleur film, prix du public et meilleur acteur pour Federico Luppi
Saturn Awards 1995 : meilleure sortie vidéo
Premios ACE 1995 : meilleur premier film pour Guillermo del Toro
Fantafestival 1995 : meilleur réalisateur pour Guillermo del Toro

lundi 30 janvier 2017

LA COURSE A L'ECHALOTTE

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Claude Zidi. 1975. France. 1h40. Avec Pierre Richard, Jane Birkin, Michel Aumont, Marc Doelsnitz, Amadeus August, Henri Déus, Luis Rego, Catherine Allégret, André Bézu

Sortie salles France: 8 Octobre 1975

FILMOGRAPHIE: Claude Zidi est réalisateur et scénariste français né le 25 juillet 1934 à Paris.
1971 : Les Bidasses en folie. 1972 : Les Fous du stade. 1973 : Le Grand Bazar. 1974 : La moutarde me monte au nez. 1974 : Les Bidasses s'en vont en guerre. 1975 : La Course à l'échalote. 1976 : L'Aile ou la Cuisse. 1977 : L'Animal. 1978 : La Zizanie. 1979 : Bête mais discipliné. 1980 : Les Sous-doués. 1980 : Inspecteur la Bavure. 1982 : Les Sous-doués en vacances. 1983 : Banzaï. 1984 : Les Ripoux. 1985 : Les Rois du gag. 1987 : Association de malfaiteurs. 1988 : Deux. 1989 : Ripoux contre ripoux. 1991 : La Totale ! 1993 : Profil bas. 1997 : Arlette. 1999 : Astérix et Obélix contre César. 2001 : La Boîte. 2003 : Ripoux 3. 2011 : Les Ripoux anonymes, série coréalisée avec son fils Julien Zidi.


Si un an au préalable, Claude Zidi nous avait drôlement séduit avec la Moutarde me monte au nez que le couple fringant Pierre Richard / Jane Birkin avait su dynamiser avec une étonnante alchimie, la Course à l'échalotte fait bien pâle figure si bien qu'en l'occurrence la mécanique du rire tourne à vide. Faute à un scénario aussi superficiel que mal ficelé, à des gags poussifs rarement efficaces (si on épargne deux, trois moments timidement amusants) et au duo en berne Richard / Birkin se démenant comme ils peuvent à nous enthousiasmer de leur divergence conjugale. Leur périple investigateur à débusquer une mallette étant l'élément déclencheur qui pourrait leur permettre de se réconcilier. Directeur de banque le temps d'une semaine, Pierre Vidal tente de reconquérir sa muse lassée de leur routine. Au même moment, de dangereux malfrats dérobent une importante mallette secrètement gardée dans un coffre. Pierre se lance alors à leurs trousses parmi la présence inopinée de sa compagne. 


A travers ce récit semé de péripéties assez mouvementées, les aventures rocambolesques de Pierre Vidal s'avèrent inutilement redondantes dans ce jeu du chat et de la souris avec des malfrats issus du café-théâtre. Exploitant de manière maladroite dans une ambiance de carnaval la diversité des décors que Pierre et sa compagne arpentent au fil de leurs vicissitudes (train, salle de music-hall, maison abandonnée, bateau), Claude Zidi peine à provoquer le rire si bien que les quiproquos et incidents en chaîne se suivent sans l'intensité d'une bonne humeur expansive. En héros malgré eux, Pierre Richard et Jane Birkin s'avérant notamment peu à l'aise dans leur fonction annexe d'amants en instance de séparation. Tout l'inverse donc de ce qu'ils nous décrivaient dans le génialement rocambolesque La Moutarde me monte au nez, ce qui est fort dommage surtout venant de la part du maître Claude Zidi !

B-D

vendredi 27 janvier 2017

APOCALYPTO

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site ecranlarge.com

de Mel Gibson. 2006. U.S.A. 2h18. Avec Rudy Youngblood, Raoul Trujillo, Dalia Hernández, Jonathan Brewer, Morris Birdyellowhead, Carlos Emilio Baez, Ramirez Amilcar

Sortie salles France: 10 Janvier 2007. U.S: 8 Décembre 2006

FILMOGRAPHIE: Mel Gibson est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 3 Janvier 1956 à Peekskill (Etats-Unis).
1993: l'Homme sans visage. 1995: Braveheart. 2004: La Passion du Christ. 2006: Apocalypto. 2016: Tu ne tueras point.


Télérama : « Nouvelle boucherie signée Mel Gibson, chez les Mayas. Attention navet.

Expérience de cinéma d'aventures d'un souffle nouveau, Apocalypto réinvente le genre avec une vigueur viscérale vertigineuse ! Odyssée guerrière relatant l'initiation héroïque du néophyte Patte de Jaguar, Apocalypto nous immerge de plein fouet au coeur de la jungle mésoaméricaine au moment même où une tribu Maya s'obstine à kidnapper sa famille pour les offrir en sacrifice à une divinité. Tourné dans les décors naturels du Catemaco et du Mexique, Mel Gibson, producteur, scénariste et réalisateur, s'est donné les moyens pour authentifier son cadre historique comme le souligne notamment le recrutement de centaines de figurants (Mexicains, Améridiens, natifs de Los Tuxtlas et de Vera Cruz) lors des séquences les plus baroques (les fameux sacrifices sur l'autel du temple). Sans compter le soin imparti aux peintures de guerre, armes blanches, coiffures, vêtements tissés à la main par des professionnels ! (voir Making-Of du Blu-ray sorti chez nous). Visuellement splendide, de par l'éclairage naturel de sa photo magnifiant une végétation aussi vaste qu'impénétrable et ses immenses chutes d'eau en vue panoramique, Apocalypto transfigure avec brio singulier une descente aux enfers verts comme si nous y étions !


D'une violence inévitablement primitive comme l'a déjà privilégié Gibson avec ces précédents travaux, l'intrigue cumule les séquences chocs et/ou éprouvantes à un rythme épuisant. Chaque exaction sanglante découlant des actes et rituels barbares d'une communauté sans vergogne quand bien même un rescapé en remise en question avec sa peur usera de riposte pour tenter d'échapper à la mort ! Apocalypto traitant par ailleurs des thèmes de l'esclavagisme, du fanatisme et de la manipulation religieuse par le biais de cette tribu mégalo (toujours cette loi du plus fort !) alors que de nouveaux explorateurs étrangers envisageraient à leur tour de coloniser cette terre inconnue. Métaphore sur les génocides (l'immense charnier de cadavres que traverse le héros en cours de fuite) et l'impérialisme si je me réfère à sa conclusion en demi-teinte, Apocalypto provoque une lourde empathie pour ces innommables souffrance infligées sur des tribus démunies (notamment ces viols pratiqués sur les femmes lorsqu'elles ne sont pas vendues, les octogénaires livrées à l'exode, les enfants sacrifiés ou laissés à l'agonie d'une maladie contagieuse) quand bien même en seconde partie Gibson embraye sur le mode du survival afin d'offrir un sens à la destinée de notre héros chrysalide ! L'action des enjeux de survie se dispersant dans de multiples directions si bien que l'on reste rivé à son siège à savoir quelle prochaine épreuve d'endurance notre héros pourrait à nouveau exceller dans son "parcours du combattant" !


Exploitant à merveille son environnement naturel que l'homme et la faune braconnent en interne d'un climat tropical subitement fluctuant, Apocalypto (=je révèle) agite nos sens pour nous redonner goût à un cinéma autre, viscéral, sensoriel, immersif, sous l'impulsion d'acteurs méconnus criants de naturel. Bref, du cinéma épique brut de décoffrage comme on en voit rarement dans le paysage du divertissement imberbe, à réserver néanmoins à un public adulte. 

B-M

jeudi 26 janvier 2017

ARLINGTON ROAD

                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinema.jeuxactu.com

de Mark Pellington. 1999. U.S.A. 1h57. Avec Jeff Bridges, Tim Robbins, Joan Cusack, Hope Davis, Robert Gossett, Mason Gamble.

Sortie salles France: 21 Avril 1999. U.S: 9 Juillet 1999

FILMOGRAPHIE: Mark Pellington est un réalisateur, producteur et acteur américain né le 17 mars 1962 à Baltimore, Maryland (États-Unis). 1991 : Words in Your Face (TV). 1992 : U2: Achtung Baby (vidéo). 1992 : Punch and Judy Get Divorced (TV). 1995 : United States of Poetry (feuilleton TV)
1997 : Going All the Way. 1997 : Destination Anywhere (vidéo). 1998 : Pearl Jam: Single Video Theory (vidéo). 1999 : Arlington Road. 2002 : La Prophétie des ombres. 2003 : Day by Day: A Director's Journey Part II (vidéo). 2003 : Day by Day: A Director's Journey Part I (vidéo). 2007 : U2 3D (vidéo) retraçant en 3D la tournée 2006-2007 de U2 Vertigo Tour. 2008 : Henry Poole. 2014 : Final Masquerade - Linkin Park : (vidéo). 2015 : Human Race - Three Days Grace : (vidéo). 2017 : The Last Word.


Thriller parano à couper le souffle dans sa structure affûté d'un suspense à couper au rasoir, Arlington Road aborde le thème du terrorisme interne avec un machiavélisme proprement couillu si bien que l'audace subversive Spoil ! de son épouvantable conclusion fait froid dans le dos ! (quitte à frustrer une bonne partie du public pour le hanter à jamais !) Fin du Spoil.  Après avoir sauvé la vie d'un enfant grièvement blessé sur la chaussée, Michael Faraday, professeur d'histoire spécialiste du terrorisme, apprend qu'il s'agit de Brady Lang, le fils d'un de ses voisins. En guise de remerciement, la famille Lang convie Michael et sa petite amie à un souper familial. Mais au fil de leurs échanges amicaux, Michael finit par suspecter l'identité de cet aimable voisin après y avoir établi des recherches sur son obscur passé. Amateurs de thriller alerte mené sur un rythme sans faille, Arlington Road fait office de mastodonde du genre tant le méconnu Mark Pellington s'ingénie à peaufiner une tension sous-jacente autour de l'investigation ardue d'un professeur d'histoires en conflit avec sa paranoïa. Ce dernier étant peu à peu convaincu que son voisin est un dangereux terroriste avant de douter de ses convictions puis finalement se rétracter. 


Et ce jusqu'à ce que le réalisateur nous charpente un suspense exponentiel littéralement éprouvant quant à l'élan de son héroïsme suicidaire lors d'une dernière partie aussi apocalyptique que cauchemardesque ! En dénonçant les méthodes faillibles du FBI pour remonter sommairement la source d'un présumé coupable, Arlington Road jette un pavé dans la marre quant à leur incompétence d'enrayer le terrorisme et d'y suspecter une mauvaise cible. Sans traiter du thème religieux indissociable au fondement du terrorisme, l'intrigue met plutôt en exergue le profil d'un citadin américain avide de vengeance contre la culpabilité de ses exécutifs d'avoir chassé son paternel de ses terres autrefois métayer. D'une rigueur psychologique habilement fouillée quant aux profils antinomiques de deux pères de famille s'affrontant mutuellement avec flegme avant de laisser éclater leur haine, Arlington Road est notamment transcendé par le jeu halluciné d'un Jeff Bridges habité par l'inquiétude, l'angoisse et la terreur tangibles ! Outre ses facultés d'investigateur plutôt adroites et son ascension émotive à présager le pire, il faut le voir circuler fissa en plein centre urbain pour retrouver son fils et déjouer l'attentat d'une ampleur inconsidérée ! En terroriste aguerri que rien ne laissait supposer, Tim Robbins lui partage sobrement la vedette dans une posture fourbe et vénéneuse si bien que sans vergogne à oser sacrifier un bambin pour parfaire son projet insurrectionnel. 


Hommage aux victimes des attentats et en particulier aux enfants lâchement sacrifiés, Arlington Road exploite son thème (tristement actuel) sous le pilier d'un thriller acéré (on peut parler de modèle du genre pour le sens ciselé de son efficacité). Dominé par la prestance autoritaire d'un Jeff Bridges tétanisant d'intensité dans sa terreur viscérale, l'intrigue semée de rebondissements et péripéties (son final épique paroxystique !) nous prend aux tripes de la première (Spoil ! le prologue cinglant nous ébranle déjà quant à l'imagerie sanglante d'un enfant accidenté ! Fin du Spoil) à la dernière minute (Spoil ! le dernier plan, glaçant, épargnant tout espoir de happy-end ! fin du Spoil). Un chef-d'oeuvre du genre, sans doute irréalisable de nos jours car d'un nihilisme aussi radical qu'effronté n'hésitant pas en prime d'y dénoncer l'incompétence et la manipulation d'une Amérique insécuritaire, à redécouvrir d'urgence ! 

B-D