jeudi 8 février 2018

LE SANG DES HEROS

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site seriebox.com

"The Blood of Heroes" de David Webb Peoples. 1989. 1h30. Avec Rutger Hauer, Joan Chen, Vincent D'Onofrio, Delroy Lindo, Gandhi MacIntyre.

Sortie salles France: 20 Février 1991. U.S: 23 février 1990 

FILMOGRAPHIEDavid Webb Peoples est un scénariste, monteur, réalisateur et producteur américain né le 9 février 1940 à Middletown dans le Connecticut. 1969 : How We Stopped the War (Doc court). 1989 : Le Sang des héros.


Personne ne se souvient plus de l'âge d'or du 20è siècle, ni de sa technologie, ni de la guerre qui a suivi. Personne ne sait plus quand le Jeu a commencé, ni pourquoi les joueurs se servent d'un crane de chien. 

Film maudit s'il en est, de par son invisibilité depuis sa discrète sortie salles (mais aussi Vhs !) et sa réputation timorée auprès de quelques fans, Le Sang des Héros empreinte la sobre démarche de la série B ludique avec une vibrante sincérité. Car surfant sur le filon du genre post-apo initié par la saga Mad-Max, Le Sang des Héros relate avec une grande simplicité le périple d'une poignée de combattants participant à un jeu sportif ultra violent, pour ne pas dire résolument barbare ! A savoir, l'affrontement physique entre deux équipes se disputant le crâne d'un chien pour l'empaler sur un piquet. Tous les coups les plus couards et brutaux étant permis si bien qu'aucune règle n'est exigée afin de renverser l'adversaire ! Autant dire que la brutalité des corps à corps nous impressionne couramment avec un réalisme assez cinglant. Le récit linéaire s'articulant autour des agissements héroïques de Sallow (Rutger Hauer, toujours aussi inquiétant et laconique dans celui d'un guerrier individualiste) et de ses acolytes (dont la nouvelle recrue Kidda en quête d'affirmation combative !) délibérés à multiplier les défis afin d'accéder aux marches d'un plus haut podium.


Celui formé par une ligue tenue secrète qui plus est confinée au fond d'une immense crevasse. D'une grande modestie au niveau des décors (sa scénographie désertique puis enfin romano-victorienne dans le repère caverneux rappelant étroitement le Dôme de Mad-Max 3 !) et de la participation d'attachants seconds-couteaux (Rutger HauerVincent D'Onofrio en guerriers impassibles), le Sang des Héros tire-parti de son intensité formelle grâce au talent du réalisateur s'efforçant de crédibiliser un univers aride de fin du monde évoluant autour d'un enjeu sportif. Ces nouveaux combats de gladiateurs s'avérant la principale distraction du peuple et la préoccupation de ses participants afin de se prouver une nouvelle raison d'exister. Autrement dit, c'est dans la sueur et le sang que chaque joueur tentent de redorer un sens à leur vie désoeuvrée au gré d'un code d'honneur bâti sur une performance héroïque. Outre l'aspect spectaculaire de ses nombreux combats homériques perpétrés à mains nues et à l'arme blanche, on apprécie autant en background son climat d'isolement et de désespoir que les protagonistes extériorisent de façon sous-jacente lors de leur moment d'intimité (notamment les relations assez ternes entre couples en herbe) et de leur cheminement de survie.


Captivant et immersif de par sa scénographie décharnée prédominante (aussi limités soient les décors habilement suggérés) et empathique auprès de la caractérisation à la fois fragile et pugnace de ces héros de l'apocalypse, le Sang des Héros constitue un excellent spectacle épique et barbare que l'inconnu David Webb Peoples (il s'agit de son unique réalisation) retranscrit avec une franche sollicitude en dépit de l'aspect bricolé de sa réalisation. A découvrir impérativement auprès des fans de raretés post-nuke ! 

* Bruno

mercredi 7 février 2018

BIGFOOT ET LES HENDERSON.

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.fr

"Harry and the Hendersons" de William Dear. 1987. U.S.A. 1h51. Avec John Lithgow, Melinda Dillon, Don Ameche, David Suchet, Margaret Langrick.

Sortie salles France: 23 Décembre 1987. U.S: 5 Juin 1987

FILMOGRAPHIEWilliam Dear est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur canadien né le 30 novembre 1943 à Toronto (Canada).1975 : Nymph. 1976 : Northville Cemetery Massacre. 1981 : Elephant Parts (vidéo). 1981 : An Evening with Sir William Martin (vidéo). 1982 : Timerider. 1983 : Nick Danger in The Case of the Missing Yolk (vidéo). 1984 : Garry Shandling: Alone in Vegas (TV). 1985 : Doctor Duck's Super Secret All-Purpose Sauce. 1985 : Michael Nesmith in Television Parts (série TV). 1985 : Histoires fantastiques (série TV, épisode Papa, momie). 1987 : Bigfoot et les Henderson. 1991 : Espion junior. 1992 : Covington Cross (série TV). 1993 : The Hollywood Dog (série TV). 1993 : Journey to the Center of the Earth (TV). 1994 : Une équipe aux anges. 1997 : Beautés sauvages. 1999 : La Ferme aux ballons (TV). 2000 : Le Père Noël a disparu (TV). 2005 : School of Life (TV). 2006 : Evil Twins. 2008 : The Perfect Game. 2013 : "Angel et moi"


Sur leur chemin du retour d'une chasse aux lapins, la famille Henderson renverse avec leur véhicule le légendaire Bigfoot. Après réflexion, ils décident de le ramener dans leur bercail avant de se raviser et de le laisser en liberté. Mais bientôt, la rumeur d'une créature en fuite se propage dans leur bourgade. 


Comédie fantastique conçue pour les enfants auquel la génération 80 fut agréablement bercée, Bigfoot et les Henderson est un sympathique divertissement, aussi naïf et simpliste soit-il. Militant pour la cause animale et stigmatisant la chasse sous l'impulsion de citadins avides de la traque (d'autant plus qu'il s'agit d'une proie légendaire), l'intrigue prévisible festoie autour de l'amour et la solidarité familiales en y enseignant le respect de la faune et de la flore. Pour le point le plus qualitatif, on peut prôner l'incroyable qualité des trucages artisanaux confectionnés par Rick Barker afin de rendre le plus humain et réaliste possible une créature extravagante aux expressions (exagérément) attendrissantes. Ce dernier ayant été récompensé un an plus tard de l'Oscar du meilleur maquillage. Quant à la présence fortuite de John Lithgow dans un rôle à contre-emploi, il parvient aimablement à se prêter au jeu de la bonhomie dans celui d'un chasseur paternel (il l'enseigne à son fils dès le préambule) en voie de rédemption.


Pétri de bons sentiments et de gags gentiment loufoques, Bigfoot et les Henderson devrait ravir les enfants assurément fascinés par une attachante créature terriblement expressive ! Et ce en dépit d'une moisson de situations aussi bien mièvres que convenues que le spectateur adulte risquerait aujourd'hui de bouder faute du manque de personnalité de son auteur (un habitué des prods familiales consensuelles).    

* Bruno

Récompenses:
1987 : Genesis Award du meilleur film de comédie
1988 : Oscar du meilleur maquillage pour Rick Baker

mardi 6 février 2018

LES CHEVALIERS DU DEMON

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviecovers.com

"The Hellfire Club" de Monty Berman et Robert S. Baker. 1961. Angleterre. 1h35. Avec Keith Michell, Adrienne Corri, Peter Cushing, Peter Arne.

Sortie salles France: Janvier 1962. Angleterre: Février 1961

FILMOGRAPHIERobert S. Baker est un producteur, réalisateur et directeur photo britannique né le 17 octobre 1916 et mort le 30 septembre 2009. 1949 : Melody Club co-réalisé avec Monty Berman. 1950 : Blackout. 1952 : 13 East Street. 1953 : The Steel Key. 1956 : L'ennemi invisible. 1959 : Jack l'Éventeur co-réalisé avec Monty Berman. 1960 : The Siege of Sidney Street co-réalisé avec Monty Berman. 1961 : Les Chevaliers du démon co-réalisé avec Monty Berman. 1961 : Le Secret de Monte Cristo co-réalisé avec Monty Berman. Monty Berman est un producteur, réalisateur et directeur photo britannique né le 26 mars 1905 et mort le 14 juin 2006. 1959 : Jack l'Éventeur coréalisé avec Robert S. Baker. 1961 : Les Chevaliers du démon (The Hellfire Club) coréalisé avec Robert S. Baker. 1961: Le Secret de Monte Cristo.


18è siècle. Lassée des incartades lubriques de son mari abusif, propriétaire d'un bordel où se pratiquent entre autre de faux rites sataniques, Lady Netherden et son fils prennent la fuite un soir à la suite d'une violente rixe avec lui. Le lendemain, accompagné de ses sbires, Lord Netherden parvient à rattraper ces derniers lors d'une course-poursuite meurtrière. 15 ans plus tard, rescapé et éduqué par une troupe de funambules, Jason Caldwell compte se venger auprès de son père mais aussi de son cousin délateur, l'odieux Thomas de Netherden lui ayant dérobé l'héritage. 


Longtemps resté invisible chez nous depuis sa sortie ciné (je doute également d'une éventuelle édition Vhs !) et vanté dans la revue l'Ecran Fantastique à l'orée des années 80 lors d'une rétrospective des réalisateurs Monty Berman / Robert S. Baker (signataires des chefs-d'oeuvre Jack l'Eventreur et l'Impasse aux Violences, excusez du peu !), les Chevaliers du Démon rend dignement hommage au film de cape et d'épée avec une ferveur galvanisante. Les auteurs parvenant à instaurer un rythme affolant au gré de péripéties et rebondissements jamais redondants; et ce grâce à l'efficacité d'une intrigue charpentée (la vengeance de longue haleine de Jason Caldwell auprès de son cousin) et à la fougue des comédiens se prêtant au jeu des confrontations épiques (tant à cheval ou à l'épée qu'à mains nues) avec une spontanéité décomplexée. Berman et Baker saupoudrant leur cheminement narratif d'humour, de fantaisie et de douce romance (notamment auprès de cette paysanne candide timidement amoureuse de Jason) afin de combler le spectateur participant aux stratagèmes d'un héros véloce résigné à redorer son honneur. A ce titre, les scènes d'action toujours inventives se renouvellent sans cesse sans jamais subir de fâcheuse impression de déjà vu. Et si on peut admettre le caractère prévisible de sa seconde partie (le jugement, l'emprisonnement, l'évasion et les règlements de compte en pagaille), les Chevaliers du Démon ne cède pour autant jamais à la lassitude. Notamment de par l'intensité de son montage consciencieux à chorégraphier les corps à corps tributaires d'une intrigue bien ficelée (le héros alternant poursuites et ripostes face à un traître sans vergogne usant de sa souveraineté). Outre l'extrême sympathie que dégage les acteurs de seconde zone dans leur posture noble, altruiste ou héroïque (en dépit de notre héros trépidant, je songe autant à la troupe solidaire des funambules), on peut également souligner la participation subsidiaire de Peter Cushing dans celui de l'avocat matois intervenant habilement lors de 3 points du récit.


Extrêmement rare et oublié de tous en dépit de sa noble réputation, Les Chevaliers du Démon  
constitue à mon sens l'un des fleurons du film d'aventures des sixties si bien qu'il suscite un charme irrésistible grâce à la générosité d'artisans du Bis résolument amoureux de leurs cinémas de quartier. A découvrir fissa si vous souhaitez opérer un bon dans le temps afin de retrouver intact votre âme d'enfant ! 

* Bruno

lundi 5 février 2018

LA DISPARITION

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinefamilia.net

"Dying Room Only" de Philip Leacock. 1973. U.S.A. 1h14. Avec Cloris Leachman,  Ross Martin,  Ned Beatty, Dana Elcar, Louise Latham, Dabney Coleman.

Diffusion TV US: 18 Septembre 1973

FILMOGRAPHIE: Philip Leacock né le 8 octobre 1917 à Londres, et mort le 14 juillet 1990 est un réalisateur anglais de cinéma et de télévision.1940 : The Story of Wool. 1948 : Riders of the New Forest. 1951 : Out of True. 1952 : The Braves Don't Cry. 1953 : Les Kidnappers. 1953 : Appointment in London. 1955 : Escapade. 1956 : Le Jardinier espagnol. 1957 : High Tide at Noon. 1958 : Innocent Sinners. 1959 : The Rabbit Trap. 1959 : Take a Giant Step. 1960 : Let No Man Write My Epitaph. 1961 : Hand in Hand. 1962 : Reach for Glory. 1962 : Lutte sans merci. 1962 : L'Homme qui aimait la guerre. 1963 : Tamahine. 1970 : L'Homme qui sortait du bagne. 1973: La Disparition. 1980: Angel City (TV). 1980: La Malédiction du Pharaon. 1982: The Wild Women of Chastity Gulch.


Très peu diffusé à la TV alors qu'il impressionna toute une génération de spectateurs, mais aujourd'hui occulté, La Disparition demeure un thriller à suspense tiré d'un scénario du célèbre  Richard Matheson. En voyage, un couple fait une bref escale dans un motel situé en plein désert. Après avoir essuyé la mauvaise humeur du taulier et de son comparse au moment de solliciter leur commande, la femme se dirige vers les toilettes. En y ressortant quelques minutes après, elle constate que son mari à disparu face à l'indifférence de ces derniers. Sans se hisser auprès des meilleures réussites du genre (on est en droit de lui préférer son excellent remake beaucoup plus haletant et musclé: Breakdown avec Kurt Russel), la Disparition est un bon suspense hitchcockien à la lisière du genre horrifique. De par son climat d'inquiétude tangible qu'un score dissonant vient rehausser, tant auprès de la glauque scénographie du motel que des extérieurs nocturnes plutôt photogéniques. Le réalisateur prenant soin de diluer une ambiance cauchemardesque captivante autour de l'inquiétude grandissante d'une héroïne constamment mises à mal par des machistes peu recommandables. Epaulé d'une solide distribution (Ross Martin en tête) et de seconds-couteaux charismatiques (Ned Beatty - Délivrance -, Louise Latham), La Disparition parvient à convaincre à partir d'une idée de départ visiblement saugrenue (à la limite de l'absurde oserai-je dire d'une certaine manière) si bien que le récit efficacement dirigé et émaillé de péripéties et rebondissements en dernier acte insuffle une intensité progressive auprès de la survie de l'héroïne jouant les investigatrices avec autant d'audace que de fragilité démunie.


A découvrir

* Bruno

samedi 3 février 2018

LE SENS DE LA FETE

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Éric Toledano et Olivier Nakache. 2017. France. 1h57. Avec Jean-Pierre Bacri, Jean-Paul Rouve,
Gilles Lellouche, Eye Haïdara, Vincent Macaigne, Alban Ivanov, Suzanne Clément.

Sortie salles France: 4 Octobre 2017

FILMOGRAPHIEÉric Toledano est un réalisateur, scénariste et dialoguiste français né le 3 juillet 1971 à Paris. Il travaille en binôme avec Olivier Nakache à la fois pour l'écriture et la réalisation.  Olivier Nakache est un réalisateur, scénariste et dialoguiste français né le 15 avril 1973 à Suresnes. Il travaille souvent en coréalisation avec Éric Toledano. Il est le frère de l'actrice et réalisatrice Géraldine Nakache. 2005 : Je préfère qu'on reste amis... 2006 : Nos jours heureux. 2009 : Tellement proches. 2011: Intouchables. 2014 : Samba. 2017 : Le Sens de la fête.


Par les réalisateurs de la comédie phénomène Intouchables et du non moins sympathique Samba, Le Sens de la fête est une savoureuse comédie chorale portée par le talent émérite du trop rare Jean-Pierre Bacri en organisateur de mariage semi-retraité. Ce dernier monopolisant l'écran parmi la juste mesure de son caractère bougon toutefois rattrapé par son instinct de tendresse à reconsidérer ses acolytes. Gros succès en salles si bien qu'il a engrangé 3 014 904 entrées et qu'il s'alloue aujourd'hui de 9 nominations aux Césars, Le Sens de la Fête relate la journée de noce d'un couple de jeunes bourgeois autour de l'aménagement d'un château. Des préparatifs des organisateurs et des serveurs jusqu'à la soirée festive autour du traditionnel buffet, Max s'efforce de régenter son équipe avec une autorité un peu trop laxiste. Car outre les maladresses de certains de ses équipiers et du caractère bien trempé d'une adjointe novice au franc-parler grossier, Max doit en prime tenter de résoudre ses problèmes de coeur entre deux maîtresses.


Comédie pittoresque menée tambour battant (à 1 ou 2 instants d'accalmie) dans son lot de quiproquos et péripéties domestiques inscrites dans la légèreté sous l'impulsion d'un personnel tantôt empoté, tantôt inexpérimenté, le Sens de la fête provoque un sourire aux lèvres constant entre 2/3 éclats de rire nerveux (mention particulière à Jean-Paul Rooves dans celui du photographe tire-au-flanc !). Se raillant très gentiment (et sans aucune vulgarité) de la haute bourgeoisie par le biais d'un jeune marié méprisant et dédaigneux et de convives sclérosés dépassés par leur époque, le Sens de la Fête élabore louablement un cheminement narratif assez imprévisible. De par l'inventivité des situations pleines d'humour et de fantaisies, et du bagout des personnages superbement dessinés dans leur chaleur humaine et leur entrain à festoyer autour d'une communauté hautaine. Le récit assez pétillant et vigoureux se permettant en prime lors de sa dernière partie, et de manière aléatoire, à relancer les dociles festivités en improvisant une fin de soirée aussi bien onirique que féerique. Et ce sans faire preuve de surenchère ou de fioriture si bien que les auteurs privilégient une harmonie émotionnelle cosmopolite autour de la culture indonésienne. Cette séquence de danse incandescente (candélabres à l'appui) s'avérant un moment de magie touché par la grâce de sentiments d'allégresse.


Feu d'artifice musical fringant (funk et disco en sus !) baignant dans un humour communicatif, dans la tendresse, l'amitié et la romance en dépit des caractères opposés de chaque personnage, Le Sens de la Fête milite pour l'improvisation et l'aventure des rencontres afin d'accéder une cérémonie de mariage vers le bonheur. Et pour aviver cette leçon de fête et de tolérance, on peut compter sur le tempérament plein de vie des comédiens mutuellement très à l'aise à se tailler une carrure humaine vibrante de naïveté, de solidarité et de désir de sentiments.  

* Bruno

vendredi 2 février 2018

MISTER BABADOOK. Prix du jury, prix du jury jeune, prix du public et prix de la critique, Gerardmer 2014

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"The Babadook" de Jennifer Kent. 2014. Australie/Canada. 1h33. Avec Essie Davis, Noah Wiseman, Daniel Henshall, Hayley McElhinney.

Sortie salles France: 30 Juillet 2014. Australie: 22 Mai 2014

FILMOGRAPHIE: Jennifer Kent est une réalisatrice, scénariste, productrice et actrice américain. 2014: Mister Babadook. 2018: The Nightingale


Multi récompensé à Gérardmer (il repart avec 4 trophées) mais aussi ovationné au festival de Catalogne, de New-york et du Kansas City, Mister Babadook n'a pas volé ses prix tant sa génitrice, Jennifer Kent, est parvenu avec une rare intelligence à réactualiser l'horreur adulte sous le pivot d'un modèle de suggestion. A mi-chemin entre Répulsions et Shining, Mister Babadook possède à mon sens deux niveaux de lecture. Car derrière ce conte horrifique aux accents expressionnistes fortement influencés par le Cabinet du Dr Caligari (à ce titre l'incroyable travail sur la lumière et les couleurs désaturées s'avère remarquable de ciselure au sein de décors domestiques faussement rassurants), Jennifer Kent nous transcende un drame psychologique à la fois intense, terrifiant, dérangeant et cruel. Et ce à travers une métaphore sur l'épineuse acceptation du deuil de l'être aimé d'un point de vue aussi bien maternel qu'infantile. Nos deux héros surmenés car sévèrement molestés par un croquemitaine (irrationnel) faisant face à leur propre frayeur depuis leur fragilité de s'être confrontés au deuil inéquitable (le mari est décédé lors d'un accident de voiture au moment où celle-ci était acheminée à l'hôpital pour accoucher de leur fils).


Fort d'un climat anxiogène brillamment ossaturé autour de la psychose d'une veuve en proie à la schizophrénie, Mister Babadook provoque un malaise cérébral tangible à travers des visions horrifiques terriblement impressionnantes. La réalisatrice retardant au possible les apparitions du monstre par le principe de plans concis subtilement suggérés. Un parti-pris perfide afin de titiller notre fascination motivée par la curiosité de l'inconnu. Et pour accentuer ses effets dévastateurs d'une peur oppressante au sein d'une atmosphère d'insécurité davantage malsaine, on peut compter sur le hors-champ sonore strident et sur le jeu transi d'émoi d'Essie Davis résolument habitée par son rôle de mégère erratique depuis sa difficulté à extraire la bête qui sommeille en elle (toute l'intrigue n'étant qu'un combat interne contre elle-même à surpasser sa grave dépression). Alternant quelques moments de tendresse auprès de son rejeton avec des flambées de violence incontrôlées, Essie Davis nous suscite une frayeur primitive de par son intensité expressive jamais outrée. Quant à la performance de Noah Wiseman au visage étonnamment laiteux, il se fond dans le petit corps d'un enfant hyper actif avec une impudence bluffante de spontanéité afin de tenir tête à sa mère, et pour un si jeune âge.


Le cancer de l'affres du noir.
Modèle de mise en scène et de suggestion rappelant à l'ordre nos terreurs nocturnes issues de notre enfance (le fameux monstre du placard), Mister Babadook déstabilise en diable et incise nos nerfs avec un souci formaliste aussi bien consciencieux que géométrique. Fort de la complémentarité de comédiens criants de vérité démunie et d'une nouvelle icone monstrueuse qu'ils combattent pour autant avec pugnacité, Mister Babadook conjugue terreur et malaise avec une intensité vertigineuse en roue libre. Tant et si bien que le public le plus sensible aspire au fil des violents évènements une issue de secours à ce drame (du deuil) familial accablé par la solitude et le chagrin mais engagé à annihiler le démon tapi en chacun de nous. 

Dédicace à Guylian Pinchard

* Bruno

Récompenses: Prix du jury, prix du jury jeune, prix du public et prix de la critique au Festival international du film fantastique de Gérardmer 2014.
Festival international du film de Catalogne 2014 : meilleure actrice pour Essie Davis
Kansas City Film Critics Circle Awards 2014 : meilleur film de science-fiction, d'horreur ou fantastique.
New York Film Critics Circle Awards 2014 : meilleur premier film pour Jennifer Kent

jeudi 1 février 2018

DORIAN GRAY

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.fr

d'Oliver Parker. 2009. Grande-Bretagne. 1h52. Avec Ben Barnes, Colin Firth, Rebecca Hall, Rachel Hurd-Wood, Emilia Fox, Ben Chaplin.

Sortie France uniquement en BR et DVD: 1er Septembre 2010. Angleterre: 9 Septembre 2009

FILMOGRAPHIEOliver Parker est un réalisateur anglais né le 6 septembre 1960 à Londres. 1995: Othello. 1999 : Un mari idéal. 2002 : L'Importance d'être Constant. 2003 : The Private Life of Samuel Pepys (téléfilm). 2006 : Fade to Black. 2007 : I Really Hate My Job. 2007 : St Trinian's : Pensionnat pour jeunes filles rebelles. 2009 : Le Portrait de Dorian Gray. 2009 : St. Trinian's 2 : The Legend of Fritton's Gold. 2011 : Johnny English, le retour.


"Une vieillesse sans expérience ni réflexion est une enfance prolongée. On traverse l'enfance, la jeunesse, l'âge viril et la vieillesse pour redevenir enfant. La jeunesse est la saison de l'action, la vieillesse celle de la réflexion."

Réactualisation moderne du chef-d'oeuvre d'Albert Lewin, Dorian Gray demeure une splendide surprise honteusement passée par la case Dtv sur notre territoire. Visuellement fulgurant à travers une architecture gothique aussi bien stylisée qu'épurée, et littéralement hanté par la présence du troublant Ben Barnes distillant un charme sensuel subtilement perfide (de par son teint opalin étrangement séducteur et son regard ébène faussement innocent), Dorian Gray envoûte notre sens curieux sous le pivot d'un climat horrifique inhabituellement malsain. Tant et si bien qu'une odeur de souffre ne cesse de nous titiller les narines au fil des agissements lubriques d'un Dom Juam hédoniste subordonné à ses pulsions fantasques. Car influencé par le Lord Henry Wotton à céder à la tentation de la luxure et à celle de la drogue, Dorian plonge peu à peu dans une débauche avilissante depuis un compromis avec le diable. Et ce par la faute de son portrait dessiné par son comparse Basil Hallward si bien que la fresque étrangement expressive vieillira depuis à sa place en échange de beauté éternelle.


Tragédie romanesque d'un réalisme étonnamment méphitique et ponctué d'éclairs de violence parfois crus, Dorian Gray fascine irrémédiablement grâce à la puissance métaphorique de son intrigue viciée. Le réalisateur ambitieux et avisé auprès de sa mise en scène formelle établissant un parallèle entre la corruption de la débauche et l'orgueil de la beauté corporelle auprès d'un jeune bourgeois épris de curiosité et de rencontres distinguées mais incapable de se défaire d'une émancipation transgressive. Au-delà de ces thèmes passionnants tournant autour de l'influence du vice et de son accoutumance, de l'injustice de la vieillesse (et donc de la mort) et de l'apparence (parfois si) trompeuse de la beauté physique avide de jouvence, Dorian Gray nous immerge d'autant mieux dans la psyché du monstre angélique de par son intensité psychologique. Ce dernier, aussi bien infortuné que maudit, prenant enfin conscience en second acte, et au fil de décennies de dépravation et de désillusion, de sa déliquescence morale qu'il tentera vainement d'expier au moment d'une rencontre amoureuse. 


A  la fois étonnamment trouble, séduisant, malsain et fétide, Dorian Gray parvient haut la main à réactualiser le roman d'Oscar Wilde avec un art consommé aussi bien couillu qu'ambitieux.  Renforcé d'une solide distribution et surtout du jeu étrangement vénéneux de Ben Barnes, Dorian Gray y exalte de saisissantes images scabreuses alternant le macabre et l'érotisme sulfureux sous couvert d'une réflexion sur la maturité de la vieillesse (la surprenante séquence des convives sclérosés stupéfiés du retour d'un Dorian rajeuni nous bluffe d'émotion dérangée !). A découvrir absolument si bien qu'il s'agit à mon sens du meilleur épigone du parangon inégalé d'Albert Lewin

* Bruno
01.02.18
11.10.10

mercredi 31 janvier 2018

FAUTE D'AMOUR. Prix du Jury, Cannes 2017

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemaclock.com

"Нелюбовь / Loveless" d'Andreï Zviaguintsev. 2017. Russie/France/Allemagne/Belgique. 2h07. Avec Mariana Spivak, Alexeï Rozin, Matveï Novikov, Marina Vasilieva.

Sortie salles France: 20 Septembre 2017. Russie: 1er Juin 2017

FILMOGRAPHIEAndreï Petrovitch Zviaguintsev (en russe : Андрей Петрович Звягинцев) est un cinéaste russe né le 6 février 1964 à Novossibirsk. 2003 : Le Retour. 2007 : Le Bannissement. 2012 : Elena. 2014 : Léviathan. 2017 : Faute d'amour.


Production germano-russo-franco-belge récompensée du Prix du Jury à Cannes, Faute d'amour retrace avec un vérisme implacable la quotidienneté monocorde d'un couple en instance de divorce. Ayant déjà indépendamment prémédité leur nouvelle liaison conjugale auprès d'un nouveau partenaire, ils en oublient de se soucier de leur enfant, Aliocha, 12 ans, parti en fugue après avoir subrepticement entendu une conversation blessante sur son sort. Chacun de leur côté, ils s'efforcent d'épauler la police ainsi qu'une brigade afin de retrouver le plus rapidement leur enfant en vie. Introspection morale d'une cellule familiale en crise dénuée depuis trop longtemps de compassion et de dialogues, Faute d'Amour laisse en état de choc sitôt son générique glaçant écoulé. Autant dire qu'il est impossible de sortir indemne de cette épreuve psychologique du point de vue de parents (limite irresponsables) se vautrant dans une médiocrité morale. 


Totalement immergé dans une ambiance de sinistrose davantage anxiogène au fil de recherches infructueuses et de crises conjugales triviales, Andreï Zviaguintsev s'alloue d'une mise en scène solide, jamais voyeuriste ou complaisante, pour nous décrire avec une froideur parfois insupportable l'étude comportementale d'un couple individualiste préalablement élevé dans des conditions aussi guindées. A l'instar de la mère esseulée de Genia, virago haineuse envers sa propre progéniture pour des raisons orgueilleuses et punitives. Constat d'échec d'une société quasi mutique repliée sur elle même et peu enclin à se soucier de son prochain (à l'instar de la nouvelle jeune compagne de Boris littéralement ingrate, égocentrique et capricieuse), Faute d'Amour nous terrifie de malaise par le biais de joutes verbales d'une cruauté insensée lorsque le couple se reporte mutuellement la faute parentale à chacune de leur houleuse retrouvaille. Autant dire que leurs discordes primaires aussi immatures que vulgaires nous désarment d'impuissance et de désarroi face à leur incapacité d'établir une communication censée et d'y éprouver la noblesse des sentiments. Et ce en dépit de leur angoisse dépressive à redouter une issue dramatique auprès de leur bambin.


Très dur, cruel, voir même malsain d'y dénoncer aussi ouvertement et sans concession une démission parentale en perte des valeurs (notamment depuis leur ascendance elle-même réfractaire à l'enseignement, l'amour et au respect d'autrui), Faute d'amour révèle de la manière la plus brute les conséquences désastreuses, immensément tragiques des parents du divorce lorsque l'enfant doit faire face à l'ignorance. A réserver toutefois à un public adulte et préparé pour la remise en cause de son climat dérangeant jusqu'au-boutiste confinant au traumatisme.  

* Bruno

Récompenses: Prix du Jury au Festival de Cannes, 2017
Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma 2018 : Meilleur film étranger

mardi 30 janvier 2018

ONLY THE BRAVE

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Joseph Kosinski. 2017. U.S.A. 2h15. Avec Josh Brolin, Miles Teller, James Badge Dale, Alex Russell, Jeff Bridges, Andie MacDowell, Taylor Kitsch, Jennifer Connelly, Scott Haze, Ben Hardy, Thad Luckinbill, Geoff Stults.

Sortie salles France: Prochainement. U.S: 20 Octobre 2017

FILMOGRAPHIEJoseph Kosinski est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 3 mai 1974. 2010 : Tron : L'Héritage. 2013 : Oblivion. 2017 : Only the Brave.


Inspiré d'une histoire vraie survenue à Yarnell, Only the Brave relate la quotidienneté professionnelle (puis familiale, mais j'y reviendrai plus bas) des pompiers d'élite combattant les feux de forêt en Arizona. Epaulé d'une distribution prestigieuse comme de coutume dans le schéma (liminaire) du genre catastrophe (Josh Brolin, l'étoile montante Miles Teller, Alex Russell, Jeff Bridges, Andie MacDowell et toujours l'aussi radieuse Jennifer Connelly), Only the Brave constitue l'anti-blockbuster par excellence. Autant donc avertir fissa le grand public féru d'action et de sensations fortes si bien qu'Only the Brave minimise les morceaux de bravoure ostentatoires si on fait fi de son final à la fois dantesque et cauchemardesque. En dépit de l'impression de déjà vu impartie à la caractérisation de personnages en discorde conjugale, Only the Brave puise sa force grâce à sa dimension humaine aussi attachante que poignante.


Le réalisateur s'attardant scrupuleusement à nous familiariser auprès de deux couples (l'un, jeune père toxico en voie de convalescence, l'autre, Eric Marsh, leader des pompiers respecté de tous), notamment afin de mieux nous immerger dans leur choix cornélien (principalement ce dernier très attentionné à parfaire son équipe tout en s'efforçant de préserver l'amour de son épouse délaissée, faute de ses absences répétées). En alternance, et pour rendre dignement hommage à ces soldats du feu prenant parfois des risques inconsidérés (voir aussi malencontreux), le réalisateur nous fait partager leurs missions à haut risque sous la mainmise du leader très à cheval sur la hiérarchie organisée, le sens de la camaraderie et la valeur de la solidarité. Quant au final littéralement bouleversant et assez inattendu si on ignore le dénouement des faits historiques, le réalisateur nous terrasse d'émotions avec une intensité dramatique difficilement gérable. Les protagonistes frappés par la foudre de l'infortune (et leur famille aussi démunie de douleurs et de fragilité) ne s'apitoyant par sur une sensiblerie factice grâce au jeu sans fard des comédiens lestement dirigés.


Sans révolutionner le genre mais en faisant preuve d'une certaine intelligence à privilégier la caractérisation humaine des protagonistes (certes un peu clichés mais pour autant sincères) plutôt que l'esbroufe formelle, Only the Brave demeure une jolie surprise efficacement menée et interprétée. Avec au bout de l'horizon décharnée un bouleversant hommage aux sacrifiés de Yarnell (la moitié de leur ville ayant été détruite par un incendie de colline qu'ils combattaient en cette triste date du 30 Juin 2013). 

* Bruno

lundi 29 janvier 2018

THREE BILLBOARDS: LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE. Meilleur film, Golden Globes 2018 :

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr 

"Three Billboards Outside Ebbing, Missouri" de Martin McDonagh. 2017. U.S.A. 1h55. Avec Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell, John Hawkes, Peter Dinklage, Lucas Hedges, Abbie Cornish.

Sortie salles France: 17 Janvier 2018. U.S: 10 Novembre 2017

FILMOGRAPHIEMartin McDonagh est un dramaturge et réalisateur britannique, né le 26 mars 1970 à Camberwell (Londres). 2008: Bons baisers de Bruges. 2012: Sept psychopathes. 2017:  Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance


"La colère ne fait qu'engendrer une plus grande colère."
Précédé d'une réputation élogieuse auprès de la critique et affublé de plusieurs récompenses; Three Billboards empreinte la démarche du film policier sous le pilier d'un drame humain à la personnalité marginale. Car baignant dans une atmosphère en demi-teinte de fausse tranquillité (la bourgade d'une Amérique profonde), l'intrigue au sujet grave (une enquête infructueuse auprès d'un viol irrésolu) conjugue loufoquerie (avec même un ou deux éclats de rire nerveux !) et dramaturgie parmi la saisissante audace du politiquement incorrect. De par la posture trop expéditive d'un adjoint de police tire-au-flanc et irascible, et d'une mère de famille aussi grossière et contestataire que provocatrice et vindicative. Indépendamment, tous deux finiront par se confronter à leur propre morale à céder à nouveau à leurs pulsions punitives ou au contraire à contenir leur haine pour panser les plaies de leur passé galvaudé. Le réalisateur prenant soin de ne jamais juger les actions de ses derniers (on dirait de grands enfants s'efforçant malgré eux de survivre parmi leur douleur intime) si bien que le dénouement admirable de sobriété risque de déconcerter certains spectateurs escomptant le happy-end standard.


7 mois se sont écoulés depuis le viol de sa fille disparue dans des circonstances sordides. Afin de provoquer la police à poursuivre leurs recherches et de ranimer le souvenir de la population, Mildre Hayes installe 3 panneaux publicitaires à proximité des lieux du drame. Atteint d'un cancer, le shérif Bill Willoughby s'efforce de calmer les ardeurs de cette dernière. Passionnant, surprenant et poignant, de par l'ossature d'une intrigue à la fois fragile et douloureuse émaillée de rebondissements impondérables, Three Billboards... est avant tout l'étude scrupuleuse d'une variété de personnages forts en gueule mais à la vibrante humanité. Le réalisateur prenant soin de s'écarter de la caricature, notamment grâce à l'intensité des comédiens totalement impliqués dans leur jeu fébrile à provoquer une énigme dénuée d'indices. C'est d'ailleurs la ligne directrice du récit dramatique que de laisser s'exprimer ses protagonistes aussi bien contrariés que torturés car hantés par leur faiblesse caractérielle, par la douleur de leur échec et par la perte de l'être aimé, faute d'un passé familial conflictuel. De par les relations tendues entre flics (réputés pour céder au racisme et aux châtiments) et citadins incivilisés émanent également en background un constat sociétal amer de ne plus croire à l'espoir et à la confiance en la justice.


Magnifiquement mis en scène parmi l'inhabituelle synergie du drame et de la cocasserie, Three Billboards... est également transcendé du jeu autoritaire d'une poignée de comédiens se disputant la mise avec un humanisme désespéré tacite (je privilégie notamment la performance de Sam Rockwell en flicard en quête de rédemption plutôt que la présence iconique de l'immense Frances McDormand en mère marginalisée). Au-delà du plaisir partagé face à ses situations décalées, à sa dramaturgie fragile et à son réseau de rebondissements qu'on ne voit jamais venir, Three Billboards... laisse en mémoire une réflexion sur la réconciliation avec soi même (toute l'intrigue est une initiation à l'amour, au calme et à la sagesse pour accéder à la maturité et mieux panser nos plaies internes) afin de renoncer à une haine contagieuse au sein d'un monde cruel gangrené par l'iniquité. Le terme accrocheur "chef-d'oeuvre" vendu sur l'affiche n'était donc pas usurpé...

* Bruno

Récompenses: Mostra de Venise 2017: prix Orsella pour le meilleur scénario
Festival international du film de Toronto 2017 : prix du public
Festival international du film de La Roche-sur-Yon 2017 : prix du public
Golden Globes 2018 : meilleur film dramatique, meilleure actrice dans un film dramatique pour Frances McDormand, meilleur acteur dans un second rôle pour Sam Rockwell, meilleur scénario

vendredi 26 janvier 2018

A LA LIMITE DU CAUCHEMAR. Saturn Award du meilleur film à petit budget.

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site iconsoffright.com

"Night Warning / Butcher, Baker, Nightmare Maker" de William Asher. 1982. U.S.A. 1h35. Avec Susan Tyrrell, Bo Svenson, Jimmy McNichol, Bill Paxton, Marcia Lewis, Julia Duffy, Steve Eastin.

Inédit en salles en France. U.S: Février 1982.

FILMOGRAPHIE PARTIELLEWilliam Asher est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 8 août 1921 à New York (États-Unis), et mort le 16 juillet 2012 à Palm Desert. 1957 : The Shadow on the Window. 1957 : The 27th Day. 1960 : No Place Like Home. 1963 : Beach Party. 1963 : Mickey and the Contessa (TV)1964 : Muscle Beach Party. 1964 : Bikini Beach. 1965 : Beach Blanket Bingo. 1965 : How to Stuff a Wild Bikini. 1982 : À la limite du cauchemar (Night Warning). 1985 : Charley's Aunt (TV). 1985 : Movers & Shakers. 1985 : I Dream of Jeannie: 15 Years Later. (TV). 1990 : Return to Green Acres (TV).


Méconnu et très peu diffusé à la télé quand bien même une poignée de vidéophiles des années 80 eurent l'occasion de le louer chez leur video du coin, A la limite du cauchemar n'eut même pas l'opportunité d'une exploitation salles sur notre territoire. D'ailleurs, n'ayant personnellement jamais eu l'occasion d'y jeter un oeil curieux en dépit de sa disponibilité auprès de mon video, il m'aura fallu attendre plus de 35 ans pour tomber incidemment sur une version HD (généreusement postée chez un blog spécifique) et d'y céder après avoir reluqué quelques opinions fougueuses auprès d'un forum. Série B horrifique réalisée par William Asher, spécialiste en séries TV et télé-films, A la limite du cauchemar (titrage français peut-être discutable bien que l'on puisse prêter une vraie allusion au conte horrifique si je me réfère à sa dernière partie d'un onirisme crépusculaire fortuit) nous plonge dans la folie paroxystique d'une tante sexuellement frustrée à la suite d'une adultère en déclin. Ayant perdu ses parents lors d'un tragique accident de voiture, le jeune Billy est recueilli par sa tante protectrice Cheryl Roberts. 14 ans plus tard, à l'aube de sa maturité, celui-ci entame une romance avec une jeune fille dans l'enceinte de son université. Terriblement jalouse et craignant qu'il ne soit soutiré de son cocon familial, Cheryl tente coûte que coûte de préserver son neveu, et ce jusqu'à commettre l'irréparable.


Psycho-killer teigneux, symptomatique des années 80 de par son ambiance envoûtante bougrement soignée (score ombrageux à l'appui), A la limite du Cauchemar constitue à mes yeux une surprenante série B horrifique grâce à l'efficacité de son script, certes assez convenu et émaillé de facilités et chemins de traverse, mais bougrement immersif pour tous les fantasticophiles puristes sensibles aux climats tangibles. Car au-delà de la naïveté de quelques situations, du jeu cabotin de certains personnages outranciers (la voisine fureteuse, l'inspecteur Carlson davantage ridicule à daigner accuser Billy d'un crime d'auto-défense) et d'incohérences un peu grossières (Billy ne parvenant jamais à se rendre compte que le lait ingurgité est frelaté), A la limite du Cauchemar nous entraîne dans une lente descente aux enfers sous l'impulsion erratique d'une célibataire incestueuse avide de reconnaissance. Baignant dans un climat malsain assez feutré et sépulcral (notamment ce qui s'y tapie dans la cave !), l'intrigue tourne autour des agissements toujours plus psychotiques de la tante sombrant peu à peu dans une démence meurtrière incontrôlée. Quand bien même son neveu Billy (jouant par la même occasion aux investigateurs à reconsidérer la potentielle légitime défense du crime) tente de la raisonner de son tempérament castrateur avec une fragile persuasion. Captivant et inquiétant, le récit davantage menaçant et délétère converge au déchaînement de violence lors d'un dernier acte riche en estocades meurtrières (ça tranche et plante à tout va parmi la disparité d'armes blanches) et twists itératifs (aussi bien surprenants que légèrement déroutants !).


Saisissant (même si la forme aurait gagné à être mieux maîtrisée, notamment au niveau de la direction d'acteurs) et envoûtant grâce à la faculté du réalisateur à distiller une ambiance horrifique prédominante (et ce dès sa 1ère partie d'autant plus cinglante !) tout en y brossant un étonnant portrait de serial killeuse que Susan Tyrrell endosse avec un charisme outré pour autant impressionnant, A la limite du cauchemar est à découvrir fissa du fait de son extrême rareté et surtout de son savoir-faire à transfigurer le psycho-killer en conte macabre renouant avec nos réminiscences infantiles.  

P.S: Un grand merci à Contrebandevhs

* Bruno

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant à Vhsdb

mercredi 24 janvier 2018

Les Entrailles de l'Enfer

             Photo empruntée sur Google, appartenant au site cult-trash-in-french-dvd-composite.blogspot.fr

"The Beast Within" de Philippe Mora. 1982. U.S.A. 1h38. Avec Ronny Cox, Bibi Besch, Paul Clemens, R. G. Armstrong, L.Q. Jones.

Inédit en salles en France. U.S: 12 Février 1982

FILMOGRAPHIEPhilippe Mora (né à Paris en 1949) est un réalisateur australien d'origine française. 1969 – Trouble in Molopolis. 1973 – Swastika (doc). 1975 – T'as pas 100 balles ? (doc). 1976 – Mad Dog Morgan. 1982 – Les Entrailles de l'enfer. 1983 – The Return of Captain Invincible. 1984 – A Breed Apart. 1985 – Hurlements 2. 1986 – Death of a Soldier. 1987 – Hurlements 3. 1989 – Communion. 1994 – Art Deco Detective. 1996 – Precious Find. 1997 – Pterodactyl Woman from Beverly Hills. 1997 – Snide and Prejudice. 1997 – Back in Business. 1998 – Joseph's Gift. 1999 – According to Occam's Razor. 1999 – Mercenary II: Thick & Thin. 2001 – Burning Down the House. 2009 – The Times They Ain't a Changin'. 2009 – The Gertrude Stein Mystery or Some Like It Art. 2011 – German Sons. 2012 – Continuity.


Réalisé par l'inénarrable Philippe Mora (Hurlements 2 et 3, The Return of Captain Invincible, excusez du peu !), les Entrailles de l'Enfer fit les beaux jours des vidéophiles à l'orée des années 80. Plaisir innocent du samedi soir, l'intrigue abracadabrantesque (inspirée d'un roman d'Edward Levy et réactualisé par le scénariste Tom Holland) vaut à elle seule le détour. Jugez en ! Violée par un monstre 17 ans plus tôt lors d'une panne de voiture sur une route campagnarde,  Caroline MacCleary s'inquiète aujourd'hui de l'état dépressif de son fils Michael victime de terrifiants cauchemars nocturnes. Pour preuve, ce dernier semble possédé par l'esprit de Billy Connors sauvagement assassiné 17 ans au préalable dans de mystérieuses circonstances. Alors que ses parents et la police locale tentent d'éclaircir leur sombre passé auprès de l'éventuelle existence d'un monstre-insecte (une cigale humaine plus précisément), les victimes s'allongent. Baignant dans un plaisant climat horrifique gentiment malsain au fil des exactions meurtrières du tueur affamé de chair humaine (et de sexe !), les Entrailles de l'enfer exploite maladroitement la thématique du monstre au sein d'un contexte contemporain.


Armé de clichés, de situations téléphonées et d'invraisemblances autour d'un montage parfois elliptique, Philippe Mora s'efforce pour autant de soigner la forme (en cinémascope) grâce à son amour du genre grand-guignolesque. Car aussi ubuesque soit son intrigue et ses situations gogos (à peine inspirées d'un certain Vendredi 13 - comptez 1 meurtre tous les quarts-d'heure -), les Entrailles de l'Enfer ne provoque jamais l'ennui, tant et si bien qu'il amuse la galerie avec une douce efficacité.  Et ce grâce notamment au jeu cabotin d'une escouade de seconds-couteaux bien connus des amateurs (Ronny Cox, Bibi Besch, R. G. Armstrong, L.Q. Jones, Katherine Moffat, Don Gordon) s'investissant dans leur rôle (investigateur ou interlope) avec un sérieux imperturbable ! Qui plus est, dans celui du tueur névrosé transi d'émoi et de démence, Paul Clemens s'alloue d'un physique assez particulier pour exprimer une terreur viscérale constamment outrancière, et ce pour le plaisir des amateurs de ciné Bis où tout est permis. A ce sujet festif, sa dernière partie complètement hallucinée, débridée et explosive se permet également de mettre en exergue une métamorphose disproportionnée à base de prothèses et de latex que Tom Burman plagie afin de concurrencer le célèbre Hurlements de Joe Dante. Le monstre ressemblant à s'y m'éprendre à un lycanthrope plutôt qu'à une cigale mutante.


Amusant, inquiétant, étonnamment malsain et parfois même hilarant (son final dantesque vaut son pesant de cacahuètes lorsque nos protagonistes armés sèment la pagaille autour du monstre et vice-versa !) sous le pilier d'une intrigue cintrée, les Entrailles de l'Enfer exploite le "saturday night horror movie" avec un certain savoir-faire visuel et technique (fx artisanaux à l'appui) en dépit de l'évidente maladresse de sa réalisation plutôt paresseuse à s'apitoyer sur les redondances. Mais grâce à son climat fétide gentiment atmosphérique, à ses effets gores parfois croquignolets (dont un arrachage de tête à main nue !) et à la force (faussement) tranquille des comédiens de seconde zone, ce nanar estampillé "80" fleure bon le divertissement impudent si bien qu'il se permet aujourd'hui d'aviver la cocasserie des situations les plus folingues. 

* Bruno

mardi 23 janvier 2018

JUNGLE

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site dpstream.net

de Greg McLean. 2017. Australie/Colombie. 1h55. Avec Daniel Radcliffe, Alex Russell, Thomas Kretschmann, Joel Jackson, Jasmin Kassim, Jacek Koman

France : 10 janvier 2018 (uniquement en DVD)

FILMOGRAPHIE: Greg McLean est un réalisateur, scénariste et producteur australien.
2005: Wolf Creek. 2007: Solitaire. 2014: Wolf Creek 2. 2016 : The Darkness. 2016 : The Belko Experiment. 2017: Jungle.


Récit d'aventures à la fois épique et cauchemardesque du point de vue d'un survivant embourbé malgré lui dans la jungle bolivienne, Jungle rend dignement hommage au véritable Yosseph "Yossi" Ghinsberg. Un aventurier israélien influencé par le périple d'un certain Karl Ruchprecter (ruffian énigmatique comme le souligne son générique manuscrit) à dénicher l'une des rares tribus indiennes vivant en autarcie. Accompagné de deux de ses camarades réticents de prime abord à accepter l'invitation, Yossi finit par être livré à lui même à la suite du naufrage de son radeau. Greg McLean, réalisateur du traumatisant et désormais classique Wolf Creek, nous assène un nouvel uppercut à travers Jungle. De par sa faculté aguerrie à nous immerger de plein fouet dans une nature hostile avec un réalisme rigoureux (pour ne pas dire perturbant, notamment lors de sa dernière partie draconienne). Certaines séquences terriblement intenses et suffocantes (celles du radeau) faisant office d'anthologie dans la manière terriblement alerte de nous participer à l'action et d'y saisir l'effroi des protagonistes se dépêtrant de la mort avec un énergie surhumaine.


Mais au-delà de ces séquences liminaires proprement vertigineuses et à couper le souffle (on peut aussi largement citer un peu plus tard l'éprouvante séquence des sables mouvants), Jungle n'est pas une de ces séries B standards soumises à l'esbroufe métronomique pour contenter le grand public. Oubliez donc son titre et son affiche somme toute triviaux et laissez vous guider par l'épreuve de force (aussi bien physique que morale !) de l'aventurier en herbe Yossi Ghinsberg en pleine initiation de survie ! Son parcours du combattant à déjouer intempéries, faune sauvage, pièges et dangers de l'enfer vert nous laissant sur les rotules, quand bien même son générique final faisant intervenir les vrais témoins de l'expédition nous provoque une poignante humilité, (Spoil ! notamment auprès de la carrière professionnelle de Yossi Ghinsberg fin du Spoil). Au-delà du jeu très convaincant de chacun des comédiens (particulièrement Alex Russell en "grande gueule" beaucoup plus droit et intègre qu'il n'y parait !), Daniel Radcliffe (on ne présente plus la saga Harry Potter qui le fit tant connaître) vole la vedette à ses congénères avec une étonnante maturité. Ce dernier parvenant à nous faire croire à sa résilience (surnaturelle ?!) par l'acuité de son jeu viscéral d'une vibrante humanité. De par sa métamorphose corporelle (son enveloppe filiforme/décharnée se prête parfaitement à sa condition précaire !) et l'intensité de son regard désespéré au confins de la démence (habile utilisation de visions hallucinogènes en sus même si on y devine rapidement sa facticité).


Survival inébranlable bâti autour d'une aventure humaine à la fois intense, épique, éprouvante et fascinante (notamment au travers de la beauté de sa nature sauvage), et ce sans se livrer à l'impression de déjà vu (Greg McLean s'efforçant de décrire ce périple authentique avec une efficacité, un réalisme et une intelligence à hauteur d'homme), Jungle transcende la série B ludique sous l'impulsion d'un survivant emblématique (que campe brillamment Radcliffe). Dtv honteusement occulté dans nos salles, Jungle est découvrir toutes affaires cessantes si bien que vous n'êtes pas prêts d'oublier l'endurance titanesque du vrai héros de chair et de sang: Yossi Ghinsberg (notamment à travers sa bouleversante histoire d'amitié !). 

* Bruno