mercredi 6 février 2019

Overlord

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Julius Avery. 2018. U.S.A. 1h50. Avec Iain De Caestecker, Mathilde Ollivier, Wyatt Russell, Pilou Asbæk, Bokeem Woodbine, Jacob Anderson.

Sortie salles France: 21 Novembre 2018 (Int - 16 ans). U.S: 9 Novembre 2018

FILMOGRAPHIE: Julius Avery est un réalisateur et scénariste américain. 2014: Son of a gun. 2018 Overlord. Prochainement: Flash Gordon.


Produit par J. J. Abrams et réalisé par le néophyte Julius Avery si bien qu'il s'agit de son second long (n'ayant pas pu découvrir plus tôt Son of a gun), Overlord est une pure déclaration d'amour au B movie horrifique comme il en pullulait lors des sacro-saintes années 80 ! Autant dire que pour ma part il s'agit tout simplement d'un miracle inespéré de la part d'une production aussi calibrée ! Imaginez donc dans une fulgurance visuelle magnifiquement crépusculaire une conjonction entre Inglorius Bastards et Evil-Dead et vous obtenez un cocktail vitriolé du Nazisploitation, à défaut du zombie movie suggéré à travers sa bande-annonce. Non pas que le trailer eut été fallacieux, mais de par la posture épileptique des créatures irascibles, fruits d'expériences scientifiques innommables (le labo de Frankenstein vaut d'ailleurs le détour visuel !), j'évoquerai plutôt le terme de "créature erratique" si bien que Julius Avery s'éloigne du mythe initial du zombie, notamment à travers leur refus de se nourrir de chair humaine. Qui plus est, à travers la photogénie inédite de ces créatures féroces univoquement vouées à détruire l'ennemi de la manière la plus primitive, on s'impressionne de la sobriété de leur gestuelle leur évitant ainsi le ridicule de pacotille auquel nombre de séries Z on pu sombrer chez nos voisins transalpins. En l'occurrence, et avec les moyens considérables, c'est tout l'inverse qui se produit si bien que l'on reste scotché par son design percutant, tant auprès des scènes d'action pétaradantes (quel défouloir décomplexé !) que des effets gores d'un numérique bluffant de persuasion.


Et donc, si Overlord s'avère aussi bien fun que jouissif au fil d'un cheminement toujours plus délétère, il le doit à son réalisme formel (à l'instar de son prologue anthologique, guérilla aérienne à la fois vertigineuse et cauchemardesque dans son furieux spectacle d'apocalypse !) et à son refus du comique de situation. Et ce même si l'aspect inévitablement débridé de moult séquences horrifiques nous provoquent un sourire de gosse émerveillé, de par l'effet de surprise intelligemment exploité que de la générosité du cinéaste d'une émouvante sincérité à éluder la gratuité ! Les scènes d'actions bellicistes ou gorasses servant l'intrigue de deux missions (dont l'une impromptue) qu'un groupe de soldats ricains tenteront de transcender lors d'une commune bravoure. Pour autant, Overlord a beau cumulé les situations éculées, freiner un chouilla l'action à mi-parcours (en s'attardant un peu trop sur la filature d'un soldat américain égaré à proximité du labo d'expérimentation), cumuler les réactions stupides de personnages stéréotypés tombant comme des mouches dans des pièges grossiers, on marche à fond dans l'héroïsme en herbe de ces missionnaires dénués de prétention. Ainsi donc, on s'étonne même d'y éprouver une certaine sympathie auprès des personnages les plus nobles ou pugnaces car faisant soit preuve de discernement (le jeune black redresseur de tort) ou d'appétence punitive (la jeune fille en initiation criminelle depuis la prise d'otage de son bambin, garçonnet étonnamment modéré à travers ses expressions innocentes).


Excellente bande-dessinée live que cette pochette surprise d'une facture visuelle à la fois magnétique et stylisée, et d'un réalisme débridé infiniment percutant, Overlord réussit l'incroyable alchimie de communier film de guerre et horreur hardgore dans un luxueux format de série B bisseuse digne des fleurons des années 80. Si bien que passé le générique de fin aussi inventif que classieux, on se laisserait facilement tenter à redécouvrir Ilsa, la louve des SS ou encore Le commando des Morts-vivants dans un domaine contrairement glauque et malsain. 

*Bruno

mardi 5 février 2019

Perdita Durango.

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Alex De La Iglesia. 1991. Mexique/Espagne. 2h10. Avec Rosie Perez, Javier Bardem, Harley Cross, Aimee Graham, James Gandolfini, Screamin' Jay Hawkins, Demián Bichir.

Sortie salles Espagne: 31 Octobre 1997

FILMOGRAPHIE: Álex de la Iglesia, de son vrai nom Alejandro de la Iglesia Mendoza, est un réalisateur, scénariste et producteur de film espagnol né le 4 Décembre 1965 à Bilbao (Espagne).
1992: Action mutante, 1996: Le Jour de la bête, 1997: Perdita Durango, 1999: Mort de rire, 2000: Mes Chers Voisins, 2002: 800 Balles, 2004: Le Crime Farpait, 2006: La Chambre du Fils (segment), 2008: Crimes à Oxford, 2010: Balada Triste. 2013: Les Sorcières de Zugarramurdi. 2014 : Messi. 2015 : Mi gran noche. 2017 : Pris au piège. 2017 : Perfectos desconocidos.


Road movie de tous les excès, Perdita Durango se veut le pendant vitriolé de Sailor et Lula si bien que Alex De La Iglesia reprend quelques personnages clefs du chef-d'oeuvre de Lynch sous l'impulsion du couple déjanté Rosie Perez, Javier Bardem. Et si ces derniers s'avèrent parfaitement crédibles en psychopathes vrillés prêchant pour la Santeria (religion originaire de Cuba), l'esprit décalé de leur périple provoque à mi-parcours un certain sentiment de lassitude selon mon jugement de valeur. Faute d'absence de rebondissements d'une intrigue finalement canonique et d'un flagrant manque de dérision (aussi ultra noir soit son humour cartoonesque infructueux) pour désamorcer une extrême violence parfois insupportable (du moins dans la version Uncut). Car sciemment trash, putassier et extrême dans une ambiance carnavalesque digne de Rio, Perdita Durango s'autorise à mon sens un peu trop d'insolence incorrecte pour provoquer et choquer de façon récurrente. A l'instar d'une abjecte séquence pédophile même si intégralement épargnée du hors-champs, ou d'une séquence de viol particulièrement malsaine et déstabilisante (on peut d'ailleurs prêter une petite allusion aux Chiens de Paille de Peckinpah de par la posture équivoque de la victime juvénile).


Pour en revenir au pitch, on nous illustre dans une facture formelle rutilante un couple de braqueurs mexicains décidés à prendre en otage 2 jeunes américains afin de les sacrifier à leur divinité, quand bien même la police et des trafiquants sont à leur trousse. Et pour pimenter leurs pérégrinations littéralement dévergondées, Romeo doit livrer une cargaison de foetus humains pour le compte du mafieux Santo. Comme le prouve cette mission baroque susnommée, Alex De La Iglesia n'y va pas avec le dos de la cuillère pour nous divertir et nous entraîner dans une initiation aux meurtres et au viol à renfort de sexe, de drogue et de violence nonsensique. Cocktail survitaminée de tequila frappée coupée à la sangria, Perdita Durango se veut donc ouvertement bête et méchant, ce qu'il parvient plutôt à mettre en exergue lors de sa première heure plutôt captivante et dégénérée. D'autant plus qu'il n'hésite pas par ailleurs à égratigner avec une louche d'onirisme macabre la religion catholique à travers le thème du sacrifice humain. Mais lorsque les deux couples (otages et antagonistes) se délitent peu à peu pour des enjeux de jalousie et de pouvoir, l'ennui s'y fait un peu ressentir, même si l'action quasi omniprésente perdure à vouloir nous ébranler lors de règlements de compte ultra sanglants qu'engendrent le duo passionnel. D'ailleurs, sont-ils réellement amoureux lors de leurs rapports intimes tant leurs expressions souvent impassibles, détachées, peinent à nous attendrir ? Si bien qu'ils nous provoquent même dégoût, malaise, colère à travers leurs insatiables turpitudes bâties sur une soif d'absolue liberté.


Red hot chilli peppers 
Soufflant le chaud et le froid à travers d'incroyables séquences débridées particulièrement intenses (les hallucinantes séances de Vaudou nous donnent le vertige de par leur réalisme aussi bien horrifique que magnétique !) alors que d'autres situations plus triviales tombent plutôt à plat, Perdita Durango me laisse dans une position médiane. Notamment faute d'absence d'empathie éprouvée pour le duo immoral alors que leur passion amoureuse peu frétillante nous laisse de marbre comme le démontre son dénouement tragique faussement poignant et désespéré. On peut d'ailleurs également pointer du doigt le second-rôle peu attractif du flic empoté traquant inlassablement le couple dans une posture ironique inopérante. Ainsi, il est donc dommage de nous avoir livré un road-movie aussi démanché car si Alex De La Iglesia avait fait preuve de dérision plus explicite et hilarante, et si les personnages peu recommandables avaient été quelque peu attachants (à l'instar de l'équipée sauvage du mythique The Devil's Reject !), on aurait sans doute pu présumer le chef-d'oeuvre du genre. Quoiqu'il en soit, à revoir d'un oeil curieux (et peut-être plus sardonique pour qui apprécie les expériences extrêmes rigides dénuées de toute morale).

*Bruno
2èx

Récompenses:
Mention spéciale, lors du Festival international du film fantastique de Bruxelles en 1998.
Meilleur film et meilleure actrice pour Rosie Perez, lors du Fantafestival en 1998.
Meilleur acteur pour Javier Bardem, lors des Fotogramas de Plata en 1998.
Prix Goya du meilleur maquillage et le la meilleure coiffure pour José Quetglás et Mercedes Guillot en 1998.

lundi 4 février 2019

Venus in furs

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

"Paroxismus" de Jess Franco. 1969. Angleterre/Allemagne/Italie. 1h26. Avec James Darren, Barbara McNair, Maria Rohm, Klaus Kinski,  Dennis Price, Margaret Lee.

Sortie salles Italie: 19 Août 1969. U.S: 9 Septembre 1970

FILMOGRAPHIE: Jess Franco (Jesus Franco Manera) est un réalisateur espagnol, né le 12 Mai 1930 à Madrid, décédé le 2 Avril 2013. 1962: L'Horrible Dr orlof.  1962: Le Sadique Baron Von Klaus. 1964: Les Maîtresses du Dr Jekyll. 1966: Le Diabolique Dr Zimmer. 1969: L'Amour dans les prisons des femmes. 1969: Justine ou les infortunes de la vertu. 1970: Les Nuits de Dracula. 1970: Le Trône de Feu. 1971: Vampyros Lesbos. 1972: Les Expériences Erotiques de Frankenstein. 1972: Dracula prisonnier de Frankenstein. 1972: La Fille de Dracula. 1973: Quartier des Femmes. 1973: Christina chez les Morts-Vivants. 1974: La Comtesse Noire. 1974: Eugénie de Sade. 1976: Jack l'Eventreur. 1980: Terreur Cannibale. 1980: Mondo Cannibale. 1981: Sadomania. 1981: Le Lac des Morts-Vivants (co-réal). 1982: L'Abîme des Morts-Vivants. 1982: La Chute de la maison Usher. 1988: Les Prédateurs de la Nuit. 2002: Killer Barbys.


"Autant la première fois j'étais passé à côté, autant aujourd'hui me suis pris une petite claque (ouatée) grâce à l'intarissable Franco honnêtement ambitieux à traiter le plus sincèrement cette proposition fantasmagorique." 

L'argumentUn musicien trouve par hasard le corps sans vie d’une belle jeune femme sur une plage. Celle-ci a été torturée puis assassinée par un groupe de sadiques... Inexplicablement, la défunte revient à la vie avec comme unique but de se venger de ceux qui l’ont fait périr dans d’atroces souffrances.

Pour faire bref (et laisser ensuite la parole à Virgile Dumez); Venus in Furs est une formidable surprise que l'éditeur Artus Film exhume de l'oubli (même si on peut déplorer une copie Dvd pas fameuse) alors qu'il s'agit selon moi (mais aussi des fans du cinéaste) de l'un des meilleurs films de Jess Franco dont j'ignorai l'existence. Et si le scénario demeure totalement classique et sans surprise, son intérêt découle de sa mise en scène expérimentale infiniment inspirée et soignée, de son parti-pris musical jazzy fréquemment exposé, et du jeu des acteurs communément dépouillés et plutôt bien dirigés par un Franco désireux de nous offrir une proposition fantasmagorique littéralement inusitée. Ainsi, cette étrange impression de rêve éveillé est d'autre part renforcée de ralentis réussis; de filtres verts, jaunes et rouges auprès d'une séquence psychédélique, de son atmosphère feutrée plutôt sensuelle, pour ne pas dire charnelle, et de la posture dubitative du héros qu'endosse James Darren (Au coeur du Temps) plongé dans une aventure romantique dénuée de sens, de repères, de temporalité. On sort donc de la projo à la fois séduit, envoûté, hanté par ce poème musical ne ressemblant à nul autre, tant et si bien que Venus in Furs dégage en prime un charme félin sous l'impulsion de l'ectoplasme Maria Rohm assez magnétique, voluptueuse, mutique pour mettre en exergue la femme dans sa représentation symboliquement charnelle rehaussée ici de mystère indicible pour y flirter avec le Fantastique éthéré. Du cinéma indépendant de premier choix à découvrir au plus vite du fait de son invisibilité. 
 
*Bruno


La critique de Virgile Dumez chroniquée chez le site avoir-alire.com:
Après avoir signé quelques gros succès pour le compte du producteur britannique Harry Alan Towers à la fin des années 60, le réalisateur espagnol Jesus Franco réussit à imposer un projet plus personnel, à savoir un scénario de son cru intitulé Black Angel. Cette histoire de fantôme vengeur trouve son inspiration dans une phrase entendue de la bouche du musicien de jazz Chet Baker qui disait qu’il voyait défiler toute sa vie devant ses yeux lorsqu’il entamait un solo de trompette. Dès lors, Jess Franco a l’idée de construire l’intégralité d’un long-métrage comme un morceau de jazz, telle une fuite en avant vers la fantasmagorie et la mort. Pour constituer la base de son script, il s’inspire à la fois de Boulevard du crépuscule et de Sueurs froides et laisse ensuite divaguer son esprit torturé.


Une fois le tournage achevé, le producteur Harry Alan Towers semble avoir mis son grain de sel dans la version anglaise qui fait aujourd’hui autorité et que nous avons visionné. Ainsi, le titre Venus in Furs est ajouté alors que le film n’a absolument aucun rapport avec l’œuvre de Masoch. Mais surtout, le montage final intègre de nombreuses expérimentations visuelles psychédéliques qui n’étaient apparemment pas incluses dans la version initiale du cinéaste. Ainsi, les ralentis, accélérations, déformations optiques et autres filtres de couleurs semblent avoir été intégrés par le producteur histoire de rendre le métrage plus proche d’une esthétique alors à la mode. Mais pour une fois, cela n’entre aucunement en contradiction avec l’œuvre elle-même et, bien au contraire, cela renforce l’aspect expérimental d’un film entièrement construit au montage.


Cette reconstruction a posteriori explique sans aucun doute les incongruités géographiques où les paysages brésiliens succèdent aux plans tournés en Turquie sans que l’on ait l’impression de changer de continent. En réalité, les passages sur le carnaval de Rio ne sont ni plus ni moins que des stock-shots qui n’apportent pas grand chose à l’affaire si ce n’est une couleur exotique. Pourtant, ce qui serait un défaut rédhibitoire dans un autre film s’avère ici un atout puisque le cinéaste joue sans cesse avec notre perception de la réalité. Brouillant tous les repères géographiques et temporels du spectateur, Jess Franco livre une œuvre hallucinée où le fantasme se mêle sans cesse au réel sans que l’on sache vraiment où l’on se trouve. Cette structure audacieuse – en free jazz en quelque sorte – suppose un abandon total du spectateur au médium cinéma. Porté par des images souvent originales, Venus in furs peut donc être vu comme un film expérimental qui s’approche des recherches formelles d’un Godard, par exemple.


Le métrage ne serait pas aussi réussi sans l’excellente partition de Manfred Mann et Mike Hugg qui alterne les moments jazzy avec des morceaux plus pop psychédélique. Souvent sans dialogue, le film bénéficie également d’une interprétation de bonne qualité. Maria Rohm est belle à se damner en fantôme vengeur, James Darren joue le trouble avec conviction, tandis que Klaus Kinski, même peu présent à l’écran, impose sa stature au moindre regard. Sans doute trop peu commercial, Venus in furs fut un cuisant échec au box-office, à tel point qu’il n’est jamais sorti dans les salles françaises. Une injustice qui commence à être réparée aujourd’hui grâce à l’action d’Alain Petit et de l’éditeur Artus qui tentent d’imposer le métrage comme une œuvre culte. Nous les soutenons largement dans cette entreprise de réhabilitation puisqu’il s’agit sans aucun doute de l’un des meilleurs Jess Franco, avec la version espagnole du Miroir obscène, intitulée Al otro lado del espejo.
Virgile Dumez.

vendredi 1 février 2019

Frères Ennemis

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de David Oelhoffen. 2018. France. 1h51. Avec Matthias Schoenaerts, Reda Kateb, Adel Bencherif, Fianso, Sabrina Ouazani, Gwendolyn Gourvenec.

Sortie salles France: 3 Octobre 2018

FILMOGRAPHIEDavid Oelhoffen est un réalisateur et scénariste français, né en 1968 à Ferrol (Espagne). 2007 : Nos retrouvailles. 2014 : Loin des hommes. 2018 : Frères ennemis.


Polar noir tendu nappé de désespoir existentiel, Frères Ennemis demeure un solide polar grâce à la confrontation sinueuse Matthias Schoenaerts / Reda Kateb (communément partagés par leurs sentiments de contrariété et constante appréhension), grâce à son ultra réalisme urbain (parfois filmé caméra à l'épaule) et grâce à son intensité dramatique plutôt impressionnante lorsque David Oelhoffen met en exergue une violence âpre au service de l'histoire et des personnages écorchés vifs si j'ose dire. Car loin de s'apitoyer sur les clichés de la banlieue et du misérabilisme sociétal, Frères Ennemis gagne en substantialité pour le portrait de ces trafiquants de drogue (aux trognes plus vraies que nature !) pris au piège de leur corruption vénale. David Oelhoffen se refusant toute fioriture et partition musicale pour dépeindre leur condition humaine subtilement poignante passé le deuil inéquitable et leur soif de justice expéditive inévitablement à double tranchant. On peut d'ailleurs prêter une certaine allusion au Parrain de Coppola ou à Nos Funérailles de Ferrara à travers leur fraternité amicale, le sens de l'honneur familiale ainsi que les sentiments de trahison découlant des protagonistes les plus insidieux.


Si on regrette le manque de surprises de l'intrigue (suite à un règlement de compte sanglant, un trafiquant tente de retrouver le coupable à l'aide de son ancien ami d'enfance aujourd'hui capitaine des stups), l'intérêt du drame psychologique s'esquisse dans le constat sans espoir d'une jeunesse marginale livrée à la loi de la survie dans un univers sans vergogne où finalement seul prime l'individualité. Remarquable de sobriété auprès d'un casting irréprochable, tant auprès de leur charisme patibulaire que de leur force d'expression souvent animale ou commotionnée, Frères Ennemis se perd malgré tout un peu en fin de parcours. Tant et si bien que l'évolution de l'intrigue dramatique pâtit d'un manque d'intensité émotionnelle auprès de la confrontation Marco (le trafiquant) / Driss (le flic) mutuellement tourmentés par les conséquences de leurs actions vénéneuses. Pour autant, et grâce à l'impressionnante maîtrise de la mise en scène au coeur du sujet et au plus près des personnages démunis en proie aux remords et à la douleur morale, on reste captivé à connaître la résolution du dénouement que l'on devine inévitablement fataliste.


A découvrir avec intérêt donc car même si Frères Ennemis s'avère perfectible (notamment auprès de son émotion empathique moins percutante que prévu lors du point d'orgue abrupt), on s'impatiente de découvrir la prochaine réalisation de David Oelhoffen. Ce dernier dégageant une personnalité passionnante de par son attention, pour ne pas dire sa compassion, pour les délinquants prisonniers de leurs actions criminelles et faiblesses morales à céder au chantage du dilemme en lieu et place de survie. Tragique constat donc imparti à cette marginalité galvaudée majoritairement sans espoir de rédemption. 

*Bruno

jeudi 31 janvier 2019

Conan le destructeur

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Conan the Destroyer" de Richard Fleischer. 1984. U.S.A. 1h42. Arnold Schwarzenegger, Grace Jones, Wilt Chamberlain, Mako, Tracey Walter, Sarah Douglas.

Sortie salles France: 29 Août 1984. U.S: 29 Juin 1984

FILMOGRAPHIE: Richard Fleischer est un réalisateur américain né le 8 décembre 1916 à Brooklyn,  et décédé le 25 Mars 2006 de causes naturelles. 1952: l'Enigme du Chicago Express, 1954: 20 000 lieux sous les mers, 1955: les Inconnus dans la ville, 1958: les Vikings, 1962: Barabbas, 1966: le Voyage Fantastique, 1967: l'Extravagant Dr Dolittle, 1968: l'Etrangleur de Boston, 1970: Tora, tora, tora, 1971: l'Etrangleur de Rillington Place, 1972: Terreur Aveugle, les Flics ne dorment pas la nuit, 1973: Soleil Vert, 1974: Mr Majestyk, Du sang dans la Poussière, 1975: Mandingo, 1979: Ashanti, 1983: Amityville 3D, 1984: Conan le destructeur, 1985: Kalidor, la légende du talisman, 1989: Call from Space.


Si Conan le Destructeur est incapable d'approcher l'ampleur épique du mastodonte imputrescible Conan le barbare, il demeure néanmoins une sympathique bande-dessinée menée tambour battant dans son lot de fraternité amicale, trahisons, sanglantes bastonnades et fracas des armes en règle (assez bien chorégraphiés). Et ce en dépit d'une intrigue prévisible dénuée d'intensité que le spectateur anticipe facilement avec un sourire naïf. A l'instar de la posture volontairement inculte de la princesse enfant que celle-ci gouverne maladroitement durant toute la mission. Surfant sur la vague d'Indiana Jones (la même année sort le second opus de Spielberg) si bien que Conan et ses acolytes sont en quête d'une corne maudite, Conan le destructeur privilégie l'humour gentiment bonnard, probablement afin de rameuter un public ado plus indulgent quant au contenu low-cost de l'entreprise dirigée avec modeste efficacité par le notable Richard Fleischer (que l'on a connu largement plus inspiré parmi sa pléthore de classiques notoires). On apprécie d'ailleurs durant ce périple archéologique la beauté sauvage de ses décors aussi bien naturels qu'ornementaux (notamment en interne du château de glace), le soin de ses effets-spéciaux (l'oiseau invisible, la créature finale plutôt charismatique en démon cornu) et surtout l'apparition surprise de la chanteuse Grace Jones, très impliquée en guerrière farouche d'un charisme félin résolument primitif. Oubliable certes mais point déplaisant.

Le point fort du film: l'impressionnante présence de Grace Jones.

*Bruno
4èx

Box-Office France:  1 285 821 entrées

Ci-joint la chronique de Conan le Barbare: http://brunomatei.blogspot.fr/…/conan-le-barbare-conan-barb…

mercredi 30 janvier 2019

A la poursuite du diamant vert

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Romancing the Stone" de Robert Zemeckis. 1984. U.S.A. 1h46. Avec Michael Douglas, Kathleen Turner, Danny DeVito, Zack Norman, Alfonso Arau, Manuel Ojeda.

Sortie salles France: 4 Juillet 1984. U.S: 30 Mars 1984

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight. 2015: The Walk. 2016 : Alliés. 2018 : Bienvenue à Marwen.


Alors que cette même année sort sur les écrans l'illustre Indiana Jones et le temple maudit, Robert Zemeckis, cinéaste néophyte à l'aube d'une notoriété, nous offre sa version low-cost avec A la poursuite du Diamant vert. Ce qui ne l'empêcha pas non plus de remporter un gros succès international si bien qu'il cumule chez nous plus de 3 157 966 entrées, se classant ainsi 9è au Box-Office ! Film d'aventures modernes impeccablement mené sous l'impulsion de l'attachant duo Michael Douglas / Kathleen Turner (bon dieu, quelle sublime beauté plantureuse !) en ascension romantico-héroïque, A la poursuite du diamant vert est un pur régal aussi bien formel qu'émotionnel. Robert Zemeckis exploitant avec inventivité (et intempéries impromptues) le cadre forestier de l’État de Veracruz à travers une intrigue simpliste, prétexte à course à l'émeraude savamment compromise par l'hostilité de deux clans mafieux. Au-delà de l'aspect fun des moult séquences d'action plutôt réalistes et se renouvelant sans fard grâce à la fringance du couple d'aventuriers en herbe, A la poursuite du diamant vert dégage une vigueur romantique pétrie d'humanité auprès du superbe portrait d'une écrivaine utopiste à la fois naïve, candide et fragile.


Si bien que celle-ci avide de rêve, d'évasion et surtout de romance espère timidement approcher un jour le prince charmant qu'elle fantasme depuis la nuit des temps à travers ses propres romans d'aventures. Décontracté et preux avec une juste sobriété (lui évitant ainsi la caricature d'un Indy désargenté) et motivé par la cupidité dans son instinct d'aventurier solitaire en quête de gloire, Michael Douglas lui partage la vedette avec un chouilla d'ambiguïté quant à ses véritables mobiles à privilégier la fortune ou les sentiments. Truffé de cocasserie à travers des personnages faussement patibulaires (Danny DeVito en tête en maraudeur empoté), l'intrigue sait provoquer sans une once d'outrance les vicissitudes de nos héros en insistant notamment sur l'aspect décomplexé de ses situations gentiment périlleuses et délétères. Et ce tout en insistant constamment sur ce délicieux parfum d'exotisme romantique, à l'instar de la plage d'accalmie instillée dans la carcasse de l'avion ou encore de la danse improvisée que Jack sollicite à Joan lors d'une soirée estivale. Autant dire que ce genre d'émotions galvanisantes s'avère aujourd'hui quasi disparu, faute de l'absence d'intégrité de nos cinéastes actuels privilégiant l'action numérique dans un festival de surenchère indigeste.


Bref, à travers la sacro-sainte époque des années 80, A la poursuite du diamant vert fleure bon l'aventure lyrique sous l'autorité de Robert Zemeckis possédant ce sens inné du divertissement dépaysant. Celui-ci tablant avant tout sur la tendre humanité de ses héros romantiques et sur l'humour d'une aventure familiale où l'action trépidante émane de situations particulièrement censées car plutôt réalistes. N'ayant pas pris une once de ride (on tient donc là la preuve de l'authentique classique !), ce fleuron du genre n'a point à rougir de son homologue Indiana Jones, principalement à travers la simplicité de son charme innocent. 

*Bruno
3èx 

Récompenses:
Los Angeles Film Critics Association Awards 1984 : meilleure actrice pour Kathleen Turner (également pour Les Jours et les nuits de China Blue)
Golden Globes 1985 : meilleur film musical ou comédie, meilleure actrice dans un film musical ou une comédie pour Kathleen Turner
Golden Reel Awards 1985 : meilleur montage sonore

mardi 29 janvier 2019

L'Ecureuil Rouge. Prix spécial du Jury et de la Critique, Fantastic'Arts 94.

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"La ardilla roja" de Julio Medem. 1993. Espagne. 1h54. Avec Emma Suárez, Nancho Novo, María Barranco, Karra Elejalde, Carmelo Gómez.

Sortie salles France: 16 Février 1994. Espagne: 21 Avril 1993

FILMOGRAPHIEJulio Medem est un réalisateur et scénariste espagnol né à Saint-Sébastien le 21 octobre 1958. 1992 : Vacas. 1993 : L'Écureuil rouge. 1996 : Tierra. 1998 : Les Amants du cercle polaire. 2000 : Lucia et le Sexe. 2003 : La pelota vasca, la piel contra la piedra (documentaire). 2007 : Chaotique Ana. 2010 : Habitación en Roma. 2015 : Ma ma.


Synopsis: Au moment de tenter de se suicider à la suite d'une rupture sentimentale, Jota assiste à l'accident de moto d'une jeune fille sur la plage. Souffrante d'amnésie, celui-ci en profite pour se faire passer pour son petit ami. Au fil des jours, et grâce à leur désir et curiosité de se connaître mutuellement, ils décident de partir en camping le temps de quelques semaines de villégiature. C'est dans ce lieu solaire et paisible qu'ils sympathisent auprès d'un couple et de leurs enfants. Mais aussi énigmatique que rassurante, la jeune inconnue attise toujours plus la curiosité auprès de son l'entourage.

Ovni hispanique honteusement méconnu et oublié en dépit de ses pléthoriques récompenses tant méritées, l'Ecureuil Rouge constitue une oeuvre inclassable de par la forte personnalité du réalisateur Julio Medem résolument inspiré à dépeindre un jeu de pouvoir et de séduction entre les sexes opposés. Ce dernier manipulant l'oeil et l'esprit du spectateur avec la diabolique maîtrise des genres (comédie, romance, mystère, fantastique, érotisme s'entrechoquent), eu égard du ressort fantasmatique de l'intrigue sinueuse abordant les thèmes de l'amour passionnel, du mensonge et de la trahison parmi la singularité d'un surréalisme éthéré. Tant et si bien que le spectateur tente d'y démêler le vrai du faux avec une fascination quasi masochiste, et ce même si on finit par saisir le sens de cette trouble liaison nantie de sentiments équivoques. Sorte de jeu de pouvoir entre le machisme d'un prétendant affabulateur délibéré à conquérir une nouvelle partenaire beaucoup plus retorse qu'elle n'y parait.


D'ailleurs, à ce vénéneux jeu de séduction et de quête identitaire, on peut compter sur la force d'expression sémillante de Emma Suárez crevant l'écran à chacune de ses apparitions, aussi bien faussement innocentes qu'effrontées. Le film dégageant en permanence une érotisme sulfureux tantôt suggéré, tantôt explicite, notamment auprès de ses répliques salaces volontiers provocatrices. Il faut aussi avouer que les postures décalées ou excentriques des personnages (majeurs et secondaires) nous donnent le vertige à travers leur personnalité quelque peu bipolaire si j'ose dire. Notamment auprès de sa seconde partie un peu plus inquiétante, voire même haletante lors d'une course-poursuite sentimentale à récupérer la perle rare. Tant auprès des adultes plutôt accueillants et ironiquement naïfs, mais pour autant un brin suspicieux quant aux véritables profils du couple étranger, que des enfants fureteurs plutôt fascinés par la beauté suave de Lisa. D'ailleurs, à travers une gestuelle provocatrice exercée par un ado en émoi lubrique, Julio Medem ose dépeindre une brève séquence pédo plutôt couillue mais jamais triviale ou putassière lorsque Elisa tente sèchement de le recadrer face à son père médusé ! Mais la grande force de l'Ecureuil Rouge réside avant tout à travers l'intensité de son ambiance indicible étrangement magnétique et vaporeuse. L'"onirisme" le plus imperméable semblant planer sur les épaules de nos protagonistes désorientés à l'instar d'un songe dépourvu de raison.


Psychose des sentiments
Histoire d'amour fébrile imprimée par le talent atypique d'un franc-tireur hétérodoxe, l'Ecureuil Rouge traite des rapports conflictuels hommes/femmes au sein d'un perpétuel jeu d'autorité à la fois badin et sarcastique. Baignant dans une atmosphère hypnotique de surréalisme baroque et de sensualité torride, l'Ecureuil Rouge parvient avec un rare brio formaliste à éveiller nos sens pour nous immerger dans un conte romantique où les névroses du couple ne cessent de nous donner le tournis dans leur désir irrépressible d'approcher la perle rare en y façonnant le simulacre. Dès lors, la soif d'aimer et d'être aimé n'aura jamais paru aussi originale qu'à travers cette perle rare truffée d'humour et de fantasmes obscurs quant à l'inné désir de possession. Du grand art. 

*Bruno
2èx

Anecdote wikipedia: Stanley Kubrick, fasciné par L'Écureuil rouge, recommanda Julio Medem à Steven Spielberg. Celui-ci proposa Le Masque de Zorro au réalisateur basque, lequel préféra continuer ses projets en Espagne

Récompenses:
Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes 1993 : Prix de la jeunesse
Prix Goya : meilleure musique originale pour Alberto Iglesias, et nominations pour les actrices Emma Suárez et María Barranco
Prix Sant Jordi : meilleur film espagnol, et meilleure actrice pour Emma Suárez
Prix Ondas : meilleur film espagnol
Fantastic'Arts 1994 : Prix spécial du jury et Prix de la Critique

vendredi 25 janvier 2019

Le Bossu de la Morgue / El Jorobado de la Morgue

Photo empruntée sur Google, appartenant au site scifi-movies.com

de Javier Aguirre. 1973. Espagne. 1h22. Avec Jacinto Molina (Paul Naschy), Rosanna Yanni, Victor Alcazar, Maria Elena Arpon, Maria Perschy, Alberto Dalbés.

Sortie salles France: 22 Janvier 1975. Espagne: 13 Juillet 1973

FILMOGRAPHIE SELECTIVEJavier Aguirre Fernandez est un réalisateur, écrivain, compositeur, directeur de photographie, producteur, scénariste espagnol, né le 13 Juin 1935. 1965: Los oficios de Candido. 1967: Los Chicos con las chicas. 1968: Los Dué tocan el piano. 1969: Una vez al ano ser hippies ne Dano Lievre. Soltera y madre en la vida. 1970: De profesion, sus labores. El Astronauta. Pierna Creciente, falda Menguante. 1972: Soltero y padre en la vida. 1973: Le Bossu de la Morgue. Volveré une nacer. 1974: El Insolito embarazo de los Martinez. Le Grand Amour du Comte Dracula. Vida Intima de séducteur de l'ONU cinico. 1977: Acto de posesion. 1981: Rocky Carambole. 1987: La Députée. 1988: El Amor si tiene cura. 1991: Voz. 2002: Zéro / Infinito. 2003: Variaciones 1 / 113. 2006: Médée. Dispersion de la Luz.


Film phare du cinéma ibérique des Seventies réalisé par un cinéaste prolifique, Le Bossu de la Morgue est un ovni rare et précieux pour les amateurs de bisserie déviante au mauvais goût assumé. Ainsi, la légende évoque qu'un véritable cadavre eut été utilisé lors d'une séquence morbide où notre bossu Gotho décapite au couteau un vieillard dans une chambre d'hôpital (personnellement, je n'y crois pas une seconde même si l'effet répulsif s'avère assez réaliste). D'autre part, pour rapporter d'autres anecdotes (cette fois-ci fiables !), une vraie morgue fut utilisé avec l'accord du directeur de l'établissement, quand bien même les rats utilisés dans le film sont de véritables rongeurs sacrifiés pour l'occasion, c'est à dire brûlés vifs dans une totale négligence ! Un parti-pris aussi éhonté qu'impardonnable évidemment. Quant au pitch halluciné, il est à inscrire dans les annales du grotesque le plus impayable ! Jugez en ! Gotho est un bossu déficient exerçant pour l'entretien d'une morgue. Amoureux d'une jeune amie d'enfance, ce vagabond solitaire lui ramène des fleurs depuis qu'elle est hospitalisée pour une grave pathologie. Malheureusement, la fille décède mais Gotho, fou de chagrin, décide d'enlever son cadavre pour s'occulter sous les catacombes d'une abbaye. Avec l'aide d'un chirurgien sans vergogne qui lui promet de rendre la vie à sa défunte, le bossu devra profaner divers cadavres, assassiner des innocents puis ravir des jeunes femmes pour ainsi pouvoir créer un être artificiel !  


En revoyant aujourd'hui Le Bossu de la Morgue, on se surprend toujours de l'incroyable alchimie qui s'y dégage. Entre le nanar involontairement risible (Paul Naschy en séducteur déficient est irrésistible de cabotinage !) et la série B/Z d'exploitation engagée dans l'outrance putassière et le délire dégingandé, cette farce morbide doit son salut à un scénario anarchique proprement halluciné ! Car en brassant les thèmes de l'immortalité, de la monstruosité humaine et de la nécrophilie pour l'enjeu de l'amour (on peut d'ailleurs songer par moments au célèbre Blue Holocaust de Joe d'Amato !), ce bordel outrageant se vautre dans le grand guignol, le mauvais goût et l'horreur gothique avec une surprenante décontraction. Ainsi donc, influencé par le mythe de Frankenstein et Notre Dame de parisJavier Aguirre nous rajeunit un bijou d'horreur glauque avec cette touche ibérique si singulière pour l'illustration ostentatoire de cadavres putréfiés, catacombes décaties, nécropole nocturne, chambre des tortures et auberge mal fréquentée piquetés de scènes gores incroyablement putrides pour l'époque (si bien qu'elles continuent encore aujourd'hui de nous fasciner !). Or, il fallait donc oser confier le premier rôle à un bossu rétrograde perpétrant d'horribles méfaits pour l'amour d'une défunte depuis qu'un médecin mégalo lui aura garanti sa résurrection. Dès lors, on ne sait plus s'il faut s'apitoyer sur son sort ou à contrario le condamner à travers ses exactions sanguinaires d'autant plus sadiques !


Et lorsque Gotho est naturellement courtisé par une jolie blonde éprise d'empathie, on se dit que la vraisemblance s'avère constamment au point mort dans cette production incongrue affiliant romance déchue et horreur crapoteuse. Et ce jusqu'à y introduire un monstre visqueux friand de chair humaine mais confiné dans un cachot, fruit des expériences diaboliques du médecin licencieux. A ce titre, le point d'orgue hilarant est digne de figurer dans les anthologies du craignos monsters ! Mais le charme probant du Bossu de la morgue provient également de l'interprétation surjouée de Paul Naschy  (considérée ici comme l'un de ses rôles majeurs ! Ah bon ?) ! Car en forçant le trait sur son amertume et sa tristesse élégiaque d'avoir perdu sa compagne d'enfance, l'acteur épouse pour autant un penchant autrement malsain lorsqu'il est contraint d'assassiner des médecins railleurs de son infirmité ou lorsqu'il doit ravir d'innocentes victimes pour l'offrande d'un glouton hybride toujours plus carnassier ! Enfin, et pour parachever, l'ambiance gothico-morbide s'avère franchement perméable si bien que Javier Aguirre dépeint avec une attention formelle monuments de pierre en ruine renfermant dans les sous-sols éclairés de bougies un labo décrépi au sein d'un petit village autrichien nappé de brouillard. Quand bien même notre bossu tapi dans l'ombre déambule la nuit afin de cibler sa nouvelle proie ou encore un peu plus tard profaner un cadavre putréfié !


A travers ses scènes gores incroyablement couillues (du moins dans sa version intégrale), son ambiance putride insensée et parfois même épeurante (les apparitions moribondes des 2 victimes vitriolées m'impressionnent à chaque visionnage), ses acteurs cabotins, ses incohérences narratives intarissables et sa mélodie métronome, Le Bossu de la Morgue fait mouche pour s'imposer en perle de l'horreur ibérique réfractaire au politiquement correct ! Car baignant dans un perpétuel racolage putassier (ah, ces deux nymphettes se fouettant le torse en guise de masochisme !), Le bossu... s'achemine sans complexe vers le nanar hybride afin de combler les fétichistes d'ovni aussi bien sulfureux que décadent !

Remerciement à Artus Films

*Bruno
25/01/19. 3èx
01.02.12. 332 v

mercredi 23 janvier 2019

Climax. Prix du Meilleur Film, Catalogne 2018.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Gaspard Noé. 2018. France. 1h37. Avec Sofia Boutella, Romain Guillermic, Souheila Yacoub, Kiddy Smile, Claude-Emmanuelle Gajan-Maull, Giselle Palmer.

Sortie salles France: 19 Septembre 2018 (Interdit - 16 ans).

FILMOGRAPHIEGaspar Noé est un scénariste, producteur et réalisateur italo-argentin, né le 27 décembre 1963 à Buenos Aires en Argentine. 1998 : Seul contre tous. 2002 : Irréversible. 2010 : Enter the Void. 2015 : Love. 2018 : Climax.


Avertissement ! Ames vulnérables et émotives, n'absorbez aucune substance psychotrope ni boissons alcoolisées avant la séance maximaliste, si bien que même à jeun la gueule de bois est de rigueur passé le générique de fin !

"Tous les esprit fonctionnent entre démence et imbécilité, et chacun dans les 24h, frôlent ces extrêmes." Expérience psychédélique hallucinée faisant office de bad trip irréversible, Climax est la nouvelle oeuvre provocatrice du franc-tireur Gaspard Noé rarement à court d'idées vrillées et de concept saugrenu. A l'instar du pitch d'une simplicité enfantine: un groupe de danseurs professionnels se réunissent un soir de beuverie. Or, durant la soirée (prioritairement) techno, quelqu'un a versé une substance psychotrope dans la Sangria. Depuis, chaque danseur sombre dans une démence incontrôlée. Pur ovni dépressif monstrueux et décadent, à mi-chemin entre Eraserhead, Possession (Noé réinterprète d'ailleurs la fameuse anthologie de transe erratique iconisée par Isabelle Adjani !), la Montagne Sacrée et bien d'autres raretés aussi marginales qu'underground, Climax nous plonge dans un maelstrom d'images agressives où les corps extatiques laissent libre court à une expression gestuelle aussi bien picturale que fantasmatique. Constamment sensitif sous l'emprise du LSD que chaque danseur déglutit contre son gré, Climax nous immerge dangereusement dans un univers surréaliste incessamment incommodant.


Si bien que le spectateur hypnotisé par les chorégraphies salaces et démoniales perd rapidement pied avec la réalité quotidienne éclairée de néons flashy, et ce en ayant la désagréable impression d'y égarer sa propre identité ! Autant dire que le pulsatile Climax n'a jamais aussi bien décrit à travers sa caméra contemplative les effets corporels et cérébraux du LSD depuis la fameuse Montagne Sacrée de Jodorowsky ! Techniquement virtuose auprès d'une caméra reptilienne adepte des plans séquences ou tarabiscotés, Climax s'accapare donc de nos sens avec une délétère maîtrise formelle. Quand bien même nous nous identifions facilement aux personnages juvéniles méconnus du public si bien que les comédiens s'avèrent pour la plupart amateurs lorsque Gaspard Noé les recruta durant ses 15 jours de tournage. Et donc à travers son manifeste contre les dangers du LSD, notamment prétexte à moult clips expérimentaux matérialisés par des esprits intoxiqués, Climax donne finalement chair à un univers à la fois spirituel et métaphysique où plane un mal-être existentiel plutôt actuel. De par les angoisses et affres insurmontables de chacun des protagonistes déambulant tels des fantômes errants pour ensuite céder à des pulsions contrairement sauvages, Climax suggère avec audace les effets potentiellement fructueux (pour ne pas dire extraordinaires) de la mort après avoir franchi le seuil de l'au-delà pour y déceler l'absolue vérité !


"Mourir est une expérience extraordinaire"
Expérience traumatique avec notre moi conscient enivré par les effets pervers de l'alcool et de la drogue, Climax nous ensorcelle l'âme, le coeur et la chair avec une alchimie aussi bien délétère que dévastatrice. Eu égard de sa puissance visuelle hyper tangible, l'expérience bipolaire est à déconseiller aux esprits vulnérables, notamment à travers sa chétive romance que fait naître sa poignante conclusion lorsque Noé filme la beauté des corps épuisés de larmes et de souffrances. Une claque émotionnelle donc infiniment atypique et cauchemardesque si bien que nos nerfs sont subtilement mis à rude épreuve lorsque Gaspard Noé parvient littéralement à nous posséder à travers cette vision métaphysique de corps lubriques en soif d'amour impalpable. 

Dédicace à Dany Dumont

*Bruno

Récompenses: Festival international du film fantastique de Neuchâtel 2018 : Prix H. R. Giger Narcisse du meilleur film et Méliès d'argent du meilleur long métrage européen.
Festival international du film de Catalogne 2018 : Prix du meilleur film.

mardi 22 janvier 2019

Les Veuves

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Widows" de Steve McQueen. 2018. 2h09. Avec Viola Davis, Michelle Rodríguez, Elizabeth Debicki, Cynthia Erivo, Colin Farrell, Brian Tyree He.

Sortie salles France: 28 Novembre 2018. U.S: 16 Novembre 2018

FILMOGRAPHIE: Steve Rodney McQueen est un artiste et réalisateur anglais, né le 9 Octobre 1969 à Londres. 2008: Hunger. 2011: Shame. 2013: Twelve years a slave. 2018: Les Veuves.


Hunger / Shame / Twelve years a slave, Steve Mc Queen enchaîne les réussite tel un métronome, si bien que Les Veuves confirme à nouveau qu'il peut-être à la fois un cinéaste aussi engagé que talentueux en s'essayant ici pour la première fois au cinéma de genre. Car si on lui reprocha le classicisme de sa mise en scène avec l'éprouvant Twelve years a slave, les Veuves s'avère autrement inventif et stylé de par sa réalisation alambiquée exploitant moult cadrages en y imprimant sa personnalité avisée. Film de braquage à l'ancienne si j'ose dire, de par son refus du spectaculaire (en dépit de son immersif prologue homérique et de l'ultime braquage éminemment intense et haletant),  Steve Mc Queen prend son temps pour planter son univers et ses personnages marginaux sous l'impulsion d'une orchestration musicale prégnante où pointe parfois une émotion chétive. Tant et si bien qu'au-delà de ses quelques éclairs de violence étonnamment brutaux, il y cultive avec tendresse un magnifique portrait de femme désabusée qu'incarne avec retenue émotionnelle la bouleversante  Viola Davis transie de sentiments torturés. Une femme déchue profondément esseulée depuis son inconsolable deuil après avoir entamé une relation aussi passionnelle qu'équivoque quant à l'éventuelle culpabilité de l'époux en concertation vénale. 


Car au-delà de l'aspect ludique du genre policier soigneusement conté et illustré parmi la force de caractère de femmes en requête de dignité, les Veuves se voue donc à l'engagement féministe à travers l'humanité aussi bien fragile que fébrile de ces anti-héroïnes bravant l'interdit en pur désespoir de cause. Ainsi, si le pitch d'apparence orthodoxe présage un honorable divertissement (des veuves de braqueurs sont contraintes de céder elles mêmes au braquage afin de payer les dettes de leurs défunts maris), Steve Mc Queen pimente l'intrigue de rebondissements finauds difficilement prévisibles, et ce jusqu'à sa bouleversante conclusion. Notamment en y faisant intervenir au-delà de la caste féminine la corruption auprès d'un notable en candidature pour devenir maire que Colin Farrell développe avec cupidité immorale. Notamment eu égard de sa cruelle condescendance auprès de son paternel (incarné avec densité morale par le vétéran Robert Duvall en septuagénaire dépassé par l'exubérance politique de son rejeton). C'est donc avant tout un superbe témoignage de femmes révoltées que nous conte scrupuleusement Steve Mc Queen dans leur désir désespéré de reprendre leur destin en main en dépit de stratagèmes criminels d'une audace limite suicidaire.


Solide film policier transcendé par le portrait de ces femmes criminelles livrées à leur condition soumise, Les Veuves demeure une bouleversante odyssée féministe aussi crépusculaire que rédemptrice. A ne pas rater. 

*Bruno

Box Office France: 399 604 entrées

lundi 21 janvier 2019

Trio de Terreur / Qui gagne perd, qui perd gagne

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Pinterest.com

"Twice-told Tales" de  Sidney Salkow. 1963. Angleterre. 2h00. Avec Vincent Price, Sebastian Cabot, Brett Halsey, Beverly Garland, Richard Denning, Mari Blanchard.

Sortie salles France: ?. U.S: 30 Octobre 1963

FILMOGRAPHIE: Sidney Salkow est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 16 juin 1909 à New York (État de New York), mort le 18 octobre 2000 à Valley Village (Californie). 1938 : Tempête sur le Bengale. 1939 : She Married a Cop. 1941 : Tillie the Toiler. 1943 : La Cité sans hommes. 1947 : Millie's Daughter. 1952 : Une fille à bagarres. 1952 : Le Faucon d'or. 1952 : Le Trappeur des grands lacs. 1953 : Le Roi pirate. 1954 : Sitting Bull. 1963 : Trio de terreur. 1964: Je suis une légende. 1965 : Le Massacre des sioux. 1965 : The Murder Game.


Trio de Terreur (ou Qui gagne perd, qui perd gagne) est composé de 3 sketchs d'après les écrits de  Nathaniel Hawthorne. Outre la qualité indiscutable de son casting, on retrouve dans chacune des histoires le gentleman Vincent Price dans un triple rôle véreux à la mesure de son talent. Quant au réalisateur plutôt méconnu du public, il est toutefois réputé d'avoir signé Je suis une légende, la meilleure adaptation ciné d'après Matheson réalisée 1 an après la sortie de Trio de Terreur.

L'Expérience du docteur Heidegger
Veuf éploré jamais remis de la mort de son épouse, Carl Heidegger parvient à accomplir l'impossible: ressusciter cette dernière grâce à une eau de jouvence découverte dans la crypte. 
Sympathique segment assez efficace et plutôt bien structuré à travers les rebondissements du second acte, l'Expérience du Dr Heidegger traite des thèmes du jeunisme, de l'amour et de l'amitié sous couvert de vendetta et d'adultère. Son cheminement dramatique parvenant à instiller une certaine empathie auprès du Dr Heidegger sévèrement mis à mal à travers sa destinée aussi funeste que galvaudée. Magnifiquement éclairé d'une photo flamboyante (il en est de même pour les 2 autres opus !), Vincent Price / Sebastian Cabot se fondent dans le décor gothique de manière solennelle si bien qu'ils se disputent leur amitié pour la muse Mari Blanchard ballottée par un fourbe compromis.


La Fille de Rappaccini
Romance saillante à travers l'impossible liaison amoureuse de 2 amants infortunés, la Fille de Rappaccini dépeint le calvaire de Béatrice contrainte de rester cloîtrer chez elle depuis les expériences immorales de son père anéanti par son divorce. Un beau jour, un inconnu fait la cour à Béatrice et en tombe amoureux. Original à travers son idée incongru (empoisonner le corps d'une personne pour se prémunir de tout contact humain), intense et d'une dramaturgie sans concession (le final n'y va pas par quatre chemin), La Fille de Rappaccini s'avère aussi beau qu'élégiaque. Tant auprès de son vaste jardin de fleurs vénéneuses que de la condition soumise de Béatrice asservie par un père aussi fourbe qu'égoïste. Au-delà du jeu toujours aussi impliqué de Vincent Price en paternel à mi-chemin de la démence, le récit gagne en intensité dramatique grâce à la remarquable performance de Joyce Taylor, sosie d'Ava Green si j'ose dire d'une beauté aussi épineuse qu'ensorcelante. Rien que pour elle, le récit particulièrement captivant vaut assurément le détour, d'autant plus qu'il s'agit selon mon jugement de valeur du meilleur épisode de la trilogie.


La maison aux 7 pignons
Après 17 ans d'absence, Gerald Pyncheon revient dans la maison de son enfance en compagnie de son épouse. Accueilli par sa soeur, il lui déclare qu'il est bel et bien déterminé à trouver la cachette de l'ancien propriétaire de la demeure décédé dans d'étranges circonstances. Jouant avec les codes de la demeure hantée (Amityville s'en est d'ailleurs peut-être inspiré à travers une idée horrifique démonstrative), la Maison aux 7 pignons compte sur l'art et la manière de conter son histoire (un chouilla complexe et nébuleuse) avant d'amorcer un rythme nerveux lors de son final spectaculaire. Là encore, la distribution prédomine car elle s'avère toujours aussi spontanée; notamment auprès du jeu névralgique de Beverly Garland naviguant entre ses sentiments d'intuitions, de prémonitions et de visions surnaturelles. Dommage que l'ensemble soigneusement réalisé manque d'une certaine densité et d'originalité au niveau de l'intrigue car il s'agit probablement du sketch le plus ambitieux. En tout état de cause, la Maison aux 7 pignons nous laisse pour autant sur un sentiment plutôt positif à défaut d'avoir pu nous combler comme le souligne souvent l'ultime récit du genre omnibus.

*Bruno

vendredi 18 janvier 2019

Le Cirque des Horreurs

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Circus of Horrors" de Sidney Hayers. 1960. Angleterre. Avec Anton Diffring, Erika Remberg, Yvonne Monlaur, Donald Pleasence, Jane Hylton, Kenneth Griffith.

Sortie salles France: 1er Mars 1961. U.S: 31 Août 1960

FILMOGRAPHIESidney Hayers est un réalisateur, monteur, producteur et scénariste britannique, né le 24 août 1921 à Édimbourg (Écosse, Royaume-Uni), et mort le 8 février 2000 à Altea (Espagne). 1958 : Violent Moment. 1959 : The White Trap. 1960 : Le Cirque des horreurs. 1960 : The Malpas Mystery. 1961 : Echo of Barbara. 1961 : Les Gangsters. 1962 : Brûle, sorcière, brûle ! 1963 : This Is My Street. 1965 : Three Hats for Lisa. 1966 : The Trap. 1966 : Finders Keepers. 1969 : L'étoile du sud. 1970 : Mister Jerico (TV). 1971 : The Firechasers. 1971 : Revenge. 1971 : Assault. 1972 : All Coppers Are...1974 : Cet emmerdeur de Charly. 1974 : Mortelle rencontre. 1975 : Diagnostic : Meurtre. 1975 : King Arthur, the Young Warlord. 1976 : One Away. 1979 : The Seekers (TV). 1980 : Conquest of the Earth (TV). 1980 : Condominium (TV). 1982 : Le Trésor d'Al Capone (Terror at Alcatraz) (TV).


Production américano-brittish (le financement est en parti crédité par Samuel Z. Arkoff), le Cirque des Horreurs est un film d'épouvante d'une perversité étonnante pour l'époque à travers une intrigue aussi vrillée que capillotractée. Ainsi, après le succès flamboyant des Hammer-Film, le réalisateur   Sidney hayers semble habité d'une idéologie outrancière afin d'y détailler une certaine violence sanguine (même si en de rares occasions) et un érotisme soft assez effronté du point de vue du tueur mégalo multipliant les conquêtes féminines. Après avoir défiguré accidentellement une de ses patientes, le Docteur Rossiter est contraint de racheter un cirque français pour poursuivre ses travaux de chirurgie esthétique. Avec l'appui de ses acolytes Angela et Martin, ce médecin affublé d'une nouvelle identité s'emploie à recruter des marginaux désargentés pour sa nouvelle entreprise afin de mieux les compromettre au chantage et ainsi préserver son identité. Mais lorsque l'un d'eux décide de quitter le cirque, Schueler et ses comparses n'hésitent pas à provoquer un accident meurtrier. Or, un inspecteur, un journaliste et une ancienne victime vont bientôt rejoindre le chapiteau pour tenter de le démasquer. De prime abord, le scénario du Cirque des Horreurs a de quoi rebuter de par son aspect décousu n'hésitant pas à employer quelques grosses ficelles (Schueler accidentellement défiguré au moment où sa patiente vitriolée est sur le point de le dénoncer, les prochaines victimes se souciant peu de leur propre sort en dépit de la réputation infortunée du cirque, et enfin le nombre surélevé de marginaux défigurés même si l'action s'y déroule après la guerre !).


En prime, l'idée atypique pour Schueler d'y perpétrer ses travaux de chirurgie plastique dans l'antre d'un cirque puis de provoquer de façon récurrente la mort de ses employées envieuses fascine autant qu'il laisse perplexe quant au souci de vraisemblance de celles-ci aveuglées par la notoriété dirions nous afin de les excuser de leur faute de discernement. Pour autant, cette série B cynique baignant dans une perpétuelle perversité sournoise sous l'impulsion de l'acteur Anton Diffring (les Prédateurs de la nuit, Borsalino and Co, les Diablesses, Quand les aigles attaquent) réussit largement à atteindre son but. C'est à dire divertir, amuser et captiver à travers un spectacle forain aussi bien malsain et sardonique que flamboyant et vertigineux (certains numéros d'acrobatie nous donnant le vertige). Il faut avouer que sa splendide photo "technicolor" ajoute un charme saillant auprès de sa scénographie festive peu abordée dans le genre horrifique. Mais c'est surtout parmi sa galerie peu recommandable de personnages envieux, opportunistes, couards, maîtres chanteurs ou mégalos que le Cirque des Horreurs tire son épingle du jeu à travers un diabolique jeu de massacre où la quête du pouvoir inflige des stratégies criminelles éhontées. Et ce si même si l'incident aléatoire est parfois de mise ! Foutraque, fou, débridé, le Cirque des Horreurs est notamment rehaussé de l'interprétation notoire d'Anton Diffring dans un rôle génialement machiavélique. A l'instar d'une des meilleures séquences du film lorsque Schueler hésitera avec une subtile ambiguïté à sauver la vie du propriétaire du cirque sauvagement agressé par un ours. Sa posture de séducteur machiste aux yeux de saphir perçant, sa soif de popularité, son désir d'asservir la gente féminine ainsi que son flegme autoritaire illustrant de façon raffinée un corrupteur à la fois burné et dérangé. On peut aussi relever en préambule l'interprétation légitime du regretté Donald Pleasance endossant modestement le patron fauché très porté sur l'alcool mais nanti d'une intégrité paternelle pour sa fille défigurée.


Sous le plus grand chapiteau maudit !
En dépit de son intrigue peu subtile mais pour autant assez jouissive auprès de sa facture à la fois grand-guignolesque et décomplexée, Le Cirque des Horreurs demeure un cas unique dans le paysage horrifique des Sixties. De par son parti-pris provocateur à dépeindre des personnages licencieux souvent dénués de vergogne et son florilèges de rebondissements impeccablement rythmés, le Cirque des Horreurs divertit fertilement sous l'impulsion d'un solide casting en concertation pernicieuse. 

*Bruno
18.01.19. 3èx
01.05.12. 160 v