vendredi 12 avril 2019

Shining (version longue : 2h24)

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Stanley Kubrick. 1980. U.S.A/Angleterre. 2h00/2h24 (version longue). Avec Jack Nicholson, Shelley Duval, Danny Lloyd, Scatman Crothers, Barry Nelson, Philip Stone, Joe Turkel, Anne Jackson, Tony Burton, Lia Beldam, Billie Gibson.

Sortie salles France: 16 Octobre 1980. U.S: 23 Mai 1980

FILMOGRAPHIEStanley Kubrick est un réalisateur américain, né le 26 Juillet 1928 à New-York, décédé le 7 Mars 1999 à Londres. 1953: Fear and Desire. 1955: Le Baiser du Tueur. 1956: l'Ultime Razzia. 1957: Les Sentiers de la Gloire. 1960: Spartacus. 1962: Lolita. 1964: Dr Folamour. 1968: 2001, l'Odyssée de l'Espace. 1971: Orange Mécanique. 1975: Barry Lindon. 1980: Shining. 1987: Full Metal Jacket. 1999: Eyes Wide Shut.


La vague de terreur qui balaya l'Amérique est là !
En 1980, Stanley Kubrick entend donner sa définition de l'horreur avec Shining d'après le célèbre roman de Stephen King. Bien qu'infidèle au matériau d'origine, cet opéra vertigineux est entré au panthéon des oeuvres emblématiques de l'horreur contemporaine. Le pitch: Durant une saison hivernale, un écrivain séjourne en tant que gardien dans un hôtel parmi son épouse et son fils. Rapidement, son état mental semble perturbé par l'atmosphère diabolique émanant des couloirs de l'hôtel. Son fils, Danny, possédant le don du "Shining", est par ailleurs en proie à d'horrible visions lui présageant un horrible drame... Stanley Kubrick Stephen King Jack Nicholson ! Trois égéries du 7è art délibérés à formater un concerto de l'horreur dans l'antre d'un fastueux hôtel habité par le Mal. Car en affiliant la hantise, le surnaturel, la divination et le psycho-killer en vogue (nous sommes en 1980 !), le réalisateur réactualise un scénario tortueux illustrant la lente déliquescence d'un écrivain dans la démence. Si bien que tout est ici mis en oeuvre pour nous transfigurer un pur trip horrifique naviguant entre terreur flamboyante et malaise anxiogène sous l'emprise maladive de Jack Nicholson littéralement habité par sa force d'expression erratique. Ainsi, on reste ébahi par le brio de Stanley Kubrick exploitant en plan large les diverses chambres et corridors du luxueux hôtel habité par des spectres indiens (métaphore sur le génocide indien lorsque l'on apprend dès le prologue que la demeure fut construite sur un ancien cimetière indien). Et ce afin de nous embrigader comme les protagonistes dans un dédale de peur contrôlé par Jack Torrance en proie à une démence davantage addictive. De par sa maîtrise technique décuplant d'amples mouvements de caméra à la steadycam ou au travelling latéral afin de mieux nous imprégner de l'atmosphère ombrageuse des salles de l'hôtel, Stanley Kubrick instille de prime abord une peur diffuse avant les furieuses explosions de violence.


De manière assidue et posée, une inquiétude trouble et dérangée émane de l'esprit équivoque du père contrarié. Alors que son jeune fils, Danny, en prise avec ces visions télépathiques macabres (deux filles jumelles retrouvées ensanglantées dans un couloir ou encore un ascenseur déversant des flots de sang), commence à suspecter l'état pathologique de celui-ci. Dans une chronologie irréversible, la plongée dans la folie de Jack Torrance nous sera ouvertement dévoilée auprès du témoignage si démuni de son épouse (qu'endosse intensément Shelley Duval à travers son regard hagard au cime de la dépression !) ayant découvert sur le tard ses divagations manuscrites ("trop de travail et pas de plaisir font de Jack un triste sire", traduit dans la VF par : "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras"). Ainsi donc, l'humeur irascible de Jack ira crescendo au fil d'une montée des marches entreprise à reculons par Wendy nantie d'une batte afin de se protéger contre lui ! Quand bien même à l'extérieur, un cuisinier possédant également le don de "shining" partira en direction des routes enneigées afin de tenter de déjouer le carnage auguré. Dans le rôle de l'écrivain poussé à la folie psychotique, Jack Nicholson laisse libre court à une extravagance davantage sardonique (certaines séquences provoquant d'ailleurs une certaine hilarité ou un rire nerveux). Un monomane alcoolo malmené par les forces du Mal au point de l'influencer à y commettre le pire. Son regard gouailleur renforcé d'un rictus diablotin dégageant une posture iconique à inscrire dans les annales du plus fascinant tueur à la hache ! Sa course intrépide afin d'appréhender son épouse empotée et son fils retors nous valant des confrontations rageuses inscrites dans l'affres de la déraison. Autant dire que les séquences anthologiques se comptent par dizaine, notamment grâce à une direction d'acteurs hors-pair que Stanley Kubrick amorce à la perfection. Et rien que pour ces jeux d'acteurs, Shining demeure résolument incontournable !


L'Oeil du Labyrinthe 
Jalonné de séquences grandioses restées dans toutes les mémoires (l'ascenseur évacuant un océan de sang, l'étreinte avec la femme nue subitement putréfiée, la poursuite nocturne dans le jardin, la fameuse montée des marches, l'attaque à la hache dans la salle de bain), Shining se décline en symphonie de la clameur sous l'impulsion d'une partition classique de Berlioz accompagnée d'un concerto de cordes et percussions. Habité par la présence gouailleuse d'un Jack Nicholson plus fringant que jamais (en mode dégénéré), Shining s'instaure en opéra de peur autour d'une crise conjugale en proie au surnaturel le plus couard. Un ballet funèbre, trouble, malsain et dérangé, concocté parmi l'alchimie formelle de sons et lumières afin d'y brimer le spectateur sous l'impulsion décadente de spectres farceurs.


Note sur la version longue de 2h24:. Elle d'avère à mon sens plus étoffée, détaillée et crédible au niveau de la présentation des lieux et surtout de la caractérisation des personnages. Tant auprès du passé alcoolique de Jack et de ses mauvais traitements autrefois infligés sur son fils, de la profondeur de jeu de son épouse plus névralgique (si bien qu'elle même est à 2 doigts de chavirer dans la démence après avoir été témoin de la folie progressive de Jack) que de la pathologie du petit Dany interrogée par une thérapeute et psychologiquement plus fragile à travers son témoignage démuni à tenter d'avertir sa mère. Enfin, on s'attarde également un peu plus sur l'inquiétude et les démarches téléphoniques du cuisinier afro à tenter d'y rejoindre l'hôtel pour secourir ses occupants.

*Bruno
Dédicace à Ludovic Hilde
12.04.19. 10èx
17.05.12. 205 v

"Shining est un film optimiste. C'est une histoire de fantômes. Tout ce qu'il dit c'est qu'il y a une vie après la mort, c'est optimiste". Stanley Kubrick.
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La photo finale (source wikipedia)
La photo qui termine le film est semblable à la fin quelque peu mystérieuse et ambiguë de 2001. Elle a engendré plusieurs interprétations: la première serait que Jack Torrance, absorbé par l'hôtel, y deviendra un revenant de plus; le seconde serait que Jack a fréquenté l'hôtel hanté par les fantômes dans une vie antérieure, en 1921. Kubrick lui même n'a jamais donné une réponse définitive, préférant laisser les spectateurs décider d'eux mêmes.

Certaines personnes pourront penser que ce dernier plan est signe qu'en réalité, à la scène de la 1ère apparition du barman, nous avons quitté le réel et les hallucinations pour rentrer dans le vrai monde fantastique et surnaturel. L'image du film après analyse et avoir vu le dernier plan, change complètement, et on voit un Jack qui fait un pacte avec le diable dans le but d'avoir de l'alcool pour toujours. Il va devoir tuer son fils en particulier, qui dérange le délire de Jack, ou le monde du diable. Finalement, après avoir échoué, Jack se retrouve mort, mais le dernier plan sur la photo témoigne qu'il a réussi à rentrer dans la "soirée", dans ce monde; on notera son visage heureux. Stanley Kubrick quant à sa vision du film nous donne un indice: "Shining est un film optimiste. C'est une histoire de fantômes. Tout ce qu'il dit c'est qu'il y a une vie après la mort, c'est optimiste". Voilà qui veut tout dire.

jeudi 11 avril 2019

Terreur extra-terrestre

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Without Warning" de Greydon Clark. 1981. U.S.A. 1h23. Avec Jack Palance, Martin Landau, Tarah Nutter, Christopher S. Nelson, Cameron Mitchell, Neville Brand, Sue Ane Langdon, Ralph Meeker, Larry Storch, Lynn Theel.

Sortie salles France: 26 Novembre 1980. U.S: 26 Septembre 1980

FILMOGRAPHIEGreydon Clark est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né le 7 Février 1943 à Niles, dans le Michigan (Etats-Unis). 1976: Black Shampoo. 1976: The Bad Bunch. 1977: Satan's Cheerleaders. 1978: Riders. 1979: Brigade des Anges. 1980: The Return. 1980: Terreur Extra-Terrestre. 1983: Wacko. 1983: Joysticks. 1985: Final Justice. 1988: Uninvited. 1989: Dance Macabre. 1989: Skinheads. 1990: Massacre dans l'ascenseur. 1990: The Forbidden Dance. 1992: Mad Dog Coll. 1992: Russian Holyday. 1994: Dark Future. 1998: Stargames.


Sorti à l'orée des années 80, Terreur Extra-Terrestre connut un certain succès en salles puis en video sous l'étendard mythique d'Hollywood Video. Réalisé par Greydon Clark, cinéaste abonné aux bisseries low-cost, Terreur extra-terrestre constitue l'idéal de la série B "atmosphérique" tant et si bien qu'il s'agit de son oeuvre la plus notoire et réussie en dépit de ses faiblesses narratives, sa réalisation bricolée et ses jeunes acteurs timorés pour autant attachants. Pour l'anecdote, le rôle de la créature est attribué à Kevin Peter Hall, acteur mastard (2m20cms de hauteur !) qui endossera plus tard à deux reprises le costume du fameux Predator de John Mc Tiernan et de Stephen HopkinsLe pitchQuatre jeunes partent en camping dans une contrée reculée à proximité d'un lac. Alors que deux d'entre eux sont retrouvés morts dans une cabane abandonnée, Sandy et Greg trouvent refuge dans un bar la nuit tombée. Ils confient aux clients leur histoire improbable de méduses volantes suceuses de sang venues les agresser à l'orée du bois. Petit classique bisseux des années 80, Terreur Extra-Terrestre  est une bande horrifique inévitablement maladroite mais transcendée d'un irrésistible charme horrifique. Un pur plaisir coupable de samedi soir auquel s'affichent d'aimables vétérans du ciné de genre parmi lesquels Cameron Mitchell, Neville Brand, Martin Landeau et Jack Palance. Il faut bien avouer que le scénario à la fois prémâché et elliptique cumule clichés, facilités et quelques invraisemblances autour de réparties dérisoires que de jeunes acteurs expriment tant bien que mal avec une mine appréhensive.


En gros, un jeune couple doit faire face à l'hostilité d'un extra-terrestre braconnier projetant des créatures volantes vers ses proies. En prime, pour pimenter leur survie horrifique, ils seront pris à parti avec un ancien vétéran du Vietnam ayant perdu la boule au champ d'honneur (Martin Landau absolument délectable en demeuré erratique !). Qui plus est, avec l'aide d'un chasseur chevronné (incarné de manière tacitement perverse par Jack Palance), ces derniers tenteront d'éradiquer l'antagoniste stellaire affublé de mini soucoupes gluantes doués de vie animale. Ainsi donc, cette chasse à l'homme du 3è type bénéficie d'une réelle originalité de par la manière viscérale dont l'extra-terrestre opère ses exactions criminelles afin de venir à bout de ses victimes. Dans la mesure où l'on nous présente avec un saisissant réalisme morbide des sortes de méduses volantes particulièrement visqueuses car accoutrées de quatre pinces aux extrémités de leur corps discoïde, sans compter une moisson de petites dents implantées au noyau de leur organisme.  Projetées sur les visages des victimes par l'E.T famélique (d'un charisme bleuâtre exsangue !), les séquences chocs font preuve d'un goût raffiné pour le gore gluant sous l'impulsion d'un climat malsain magnétique. Ainsi, plaquées sur la surface corporelle de leur victime, ces sangsues d'un jaune fluorescent extraient de leur membrane quatre pattes acérées afin d'y pénétrer la chair juteuse en aspirant abondamment le sang.


Les modestes effets-spéciaux particulièrement crédibles faisant illusion auprès de leur aspect visqueux aussi glauque que dérangeant. Quand bien même la physionomie patibulaire de l'extraterrestre suscite un charisme étrangement rigide à travers sa posture longiligne spectrale. Enfin; l'ambiance nocturne crépusculaire à l'angoisse sous-jacente est savamment entretenue au confins d'un bois que nos vacanciers ainsi que le chasseur n'auront de cesse d'aller et venir afin de surveiller une cabane truffé de cadavres putréfiés. En précisant à nouveau que l'atmosphère anxiogène délicieusement palpable réussit la plupart du temps à créer un sentiment d'insécurité à travers leur spirale d'évènements macabres. Outre les sympathiques apparitions de Cameron Mitchell et de Neville Brand en 1er acte, l'interprétation hallucinée de Martin Landau épaulé de son acolyte (autrement autoritaire dans sa pugnacité déterminée) Jack Palance renchérissent l'aspect festif de cette bobine en herbe agréablement troussée (en dépit de ses carences narratives). Ainsi, on se délecte de la verve impayable de Martin Landau en sergent demeuré obnubilé par l'invasion des petits hommes verts ! Souvent drôle lors de ses divagations belliqueuses, il met en appui un savoureux numéro d'acteur cabotin en militaire retraité s'efforçant machinalement à fabuler, pourchasser et importuner son entourage.


Rencontre d'un certain type à éviter !
Bougrement sympathique dans sa matière ludique, voir franchement fascinant à travers son climat nocturne pénétrant, Terreur Extra-Terrestre se décline au final en objet atypique irrésistiblement attachant par sa facture débridée. Son score ombrageux émaillé d'une mélodie mélancolique, ses maquillages glauques et les aimables présences de nos comédiens vétérans (voir même juvéniles pour le duo infortuné) renforçant l'attrait spécialement bisseux de son ambiance horrifique symptomatique des années 80. Pour clore, une question subsidiaire m'effleure l'esprit ! John Mc Tiernan n'aurait-il pas été inspiré pour réaliser 7 ans plus tard Predator ?

*Bruno
11.04.19. 6èx
15.05.12. (327 vues)

mercredi 10 avril 2019

Black Swan

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site lyricis.fr

de Darren Aronofsky. 2010. U.S.A. 1h48. Avec Natalie Portman, Vincent Cassel, Barbara Hershey, Winona Ryder, Mila Kunis .

Sortie salles France: 9 février 2011

FILMOGRAPHIE: Darren Aronofski est un réalisateur américain né le 12 février 1969 à Brooklyn (New York). Il travaille aussi en tant que scénariste et producteur. 1998 : π, 2000 : Requiem for a dream,  2006 : The Fountain, 2009 : The Wrestler, 2010 : Black Swan. 2018: Mother



Celui qui ne tend pas toujours à un plus haut degré de perfection ne connaît pas ce que c'est la perfection. La recherche de la perfection est la poursuite de la mort.    (Pierre Baillargeon)

Passé l'uppercut The Wrestler, douloureux reportage sur l'ultime résurgence d'un ancien catcheur notoire, Darren Aronofsky nous illustre avec Black Swan l'envers du décor de la danse sous l'impulsion névrosée d'une jeune ballerine refoulée, profondément ébranlée par sa quête de perfection et sa peur irrépressible de l'échec. Nina est une ballerine ambitieuse au potentiel incontestable pour sa tâche artistique exercée dans le New York city Ballet. Introvertie et timorée, elle vit recluse avec sa mère dans un modeste appartement loin des soirées branchées et sorties mondaines. Alors que la prochaine représentation du lac des cygnes aura bientôt lieu dans une salle à guichet complet, son directeur porte son choix sur celle-ci afin d'endosser le rôle principal du cygne blanc. Quand bien même sa rivale, Lilly, pourrait incarner celui du cygne noir. Davantage dubitative de ces capacités artistiques, Nina va lentement sombrer dans une schizophrénie paranoïde qui pourrait sérieusement remettre en cause sa réussite artistique. A la croisée des univers baroques du Locataire ou plutôt de Répulsion de Polanski, Darren Aronofsky nous immerge de plein fouet dans la perte identitaire d'une ballerine compromise par sa réussite sociale. A travers une ambiance anxiogène littéralement palpable où chaque situation de détresse morale demeure exacerbée d'une réalisation hyper maîtrisée, Black Swan retranscrit avec une sensibilité écorchée vive le destin tragique d'une danseuse étoile à la fois terrorisée à l'idée de parfaire sa profession et obsédée par l'emprise de la défaite.
                 

Ainsi donc, profondément déstabilisée par l'autorité tyrannique du directeur Thomas Leroy et repliée sur elle-même, à l'exception de sa vie commune avec sa mère aussi bien psycho-rigide que possessive, Nina va lentement perdre pied avec la réalité en pénétrant dans un dédale de visions infernales. Cette lente progression dans sa folie hallucinogène, nous la subissons de manière sensorielle avec autant d'empathie qu'un sentiment d'angoisse permanent, au point de se retrouver nous même en interne de sa psyché névralgique. La terreur obsessionnelle de Nina d'affronter et transcender ses propres défis se répercutant à travers des délires fantasques au point d'y développer une mutabilité corporelle à travers des démangeaisons épidermiques. Comme si elle craignait que sa réussite artistique escomptée ne la contraigne à se métamorphoser en démon ailé symbolisé du cygne noir. Car ce n'est qu'après avoir accompli LA performance dans ses délires hallucinatoires que Nina pourra enfin accéder à la perfection, faute de l'élitisme suprême que lui aura enseigné son professeur.  Mais à quel prix pourra t-elle se résoudre d'accéder à une telle perfection ? Dans un rôle fragile de ballerine susceptible en proie au désespoir le plus cruel (notamment auprès de l'intimidation de ses rivales), Natalie Portman transperce l'écran avec une force d'expression refoulée. De par son regard démuni invoquant la dépression et son corps peu à peu lacéré, l'actrice élève son statut de battante à un niveau émotionnel constamment éprouvant ! Tant et si bien que le spectateur hypnotisé par sa cruelle dérive morale plonge tête baissée dans les abîmes d'un cauchemar nécrosé. En directeur castrateur intolérant, Vincent Cassel lui partage la vedette avec une détestable austérité. De par ses sarcasmes à tendance lubrique que ses sournoiseries mercantiles afin d'élire la plus performante des danseuses.

                     
Danse macabre
Soutenu d'une partition classique à la fois inquiétante et gracieuse, Black Swan se décline en expérience sensorielle à travers l'art du ballet classique dédié à une élégance morbide (celle du suicide afin de parachever une certaine coutume du mélodrame). Par le truchement de cette  bouleversante introspection d'un ange déchu redoutant autant qu'elle escomptait sa victoire y émane une réflexion sur la perte identitaire et de l'innocence (au point d'y semer la démence), sur la sexualité refoulée (faute d'une mère possessive abusive) et la quête obsessionnelle de l'ambition artistique au point d'y corrompre son âme. Fable cauchemardesque disséquant de manière également viscérale les conséquences de la culpabilité et de la susceptibilité, faute des préjudices de la convoitise, de la rancune, de la jalousie, de la rivalité et la cupiditéBlack Swan dégage une fétide odeur de souffre derrière l'arrivisme de la célébrité. Du grand art.

*Bruno
10/04.19
06.02.11. (286 v)

mardi 9 avril 2019

Barbecue

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Éric Lavaine. 2014. France. 1h38. Avec Lambert Wilson, Franck Dubosc, Florence Foresti, Guillaume de Tonquédec, Lionel Abelanski, Jérôme Commandeur, Sophie Duez.

Sortie salles France: 30 Avril 2014

FILMOGRAPHIE: Éric Lavaine est un réalisateur et scénariste français, né le 15 septembre 1962 à Paris. 2006 : Poltergay. 2009 : Incognito. 2010 : Protéger et servir. 2011 : Bienvenue à bord. 2014 : Barbecue. 2016 : Retour chez ma mère. 2017 : L'Embarras du choix. 2019 : Chamboultout.


Comédie légère dénuée de prétention autour des thèmes de l'hypocrisie amoureuse et amicale, Barbecue n'a pas dérobé ses 1 600 584 entrées en dépit de son intrigue aussi futile qu'assez prévisible. En gros, à la suite de son infarctus à l'orée de ses 50 ans, Antoine décide de bouleverser son hygiène de vie drastique en s'autorisant tous les excès. Avec sa fidèle bande de copains, ils s'exilent en villégiatures à Vigan dans le Sud de la France. Mais son comportement plutôt outré et désinhibé finit par déranger la tranquillité de ses camarades. Entre scènes de ménage, ruptures conjugales, flâneries sur les terrasses, apéros avinés, grande bouffe (au restau et surtout à la villa) puis réconciliations, Barbecue milite pour l'insouciance existentielle du point de vue d'un quinquagénaire délibéré à profiter de l'instant présent après y avoir frôlé la mort.


Plein d'innocence et de simplicité, le récit pétillant insuffle un charme métronome à travers ses têtes d'affiche particulièrement fringantes que Lambert Wilson (quelle force tranquille et de sûreté !), Franck Dubosc et Florence Foresti prédominent avec une dynamique liberté d'expression. Outre ce trio gagnant, on peut également citer les compositions enjouées de Jérome Commander (même s'il manque parfois d'aplomb en célibataire inflexible), de l'attachante (et si rare) Sophie Duez et dans une moindre mesure la présence timorée de Lysiane Meis en épouse introvertie en mal de reconnaissance. Décomplexé sans céder à la complaisance et encore moins à la vulgarité, Eric Lavaine trouve la juste mesure pour amuser et séduire le spectateur à travers des situations aux réparties cocasses où les sourires priment plus que les éclats de rire (bien que Franck Dubosc parvient à 2/3 occasions à provoquer l'hilarité lors de ses crises de jalousie contre son ex qu'incarne le plus librement Foresti !). Et donc à travers l'intimité de ses retrouvailles amicales pleines de légèreté, de chamailleries, de désir de séduire et de douceur de vivre, Barbecue parvient à exister par lui même sans se livrer à une émotion programmée.


Les Meilleurs Amis. 
Davantage tendre, plaisant et emprunt de douce folie autour d'une cantique au détachement existentiel et d'une réflexion sur la complexité des sentiments Homme / Femme, Barbecue parvient le plus modestement à s'affirmer à travers l'évolution d'acolytes hétéroclites liés par les valeurs de l'amour et de la camaraderie. Interprété parmi l'entrain d'une chaleur humaine communément expansive; Barbecue ne s'embarrasse nullement d'artifice pour nous façonner une jolie comédie solaire magnifiquement photographiée à travers son panorama provincial du Languedoc-Roussillon.

Remerciements à Mathieu Le Berre et Christophe Lemaire ^^

*Bruno

lundi 8 avril 2019

Spasms

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Horreur.net

de William Fruet. 1983. Canada. 1h30. Avec Oliver Reed, Kerrie Keane, Peter Fonda, Al Waxman, Miguel Fernandes, Marilyn Lightstone, Angus MacInnes

Sortie salles Canada: 28 Octobre 1983

FILMOGRAPHIE: William Fruet est un réalisateur, producteur et scénariste canadien, né en 1933 à Lethbridge (Canada). 1972: Wedding in White. 1976: Week-end Sauvage. 1979: One of our Own (télé-film). Search and Destroy. 1980: Funeral Home. 1982: Trapped. 1983: Spasms. 1984: Bedroom Eyes. 1986: Brothers by choice. Killer Party. 1987: Blue Monkey. 2000: Dear America; A line in the Sand (télé-film).


Si on a connu William Fruet beaucoup plus inspiré avec l'inoubliable Week-end sauvage, Spasms n'en demeure pas moins une sympathique série B agréablement troussée, et ce en dépit d'un cheminement narratif aussi classique que sans surprise (une traque urbaine contre un animal dégénéré). En gros, après avoir miraculeusement échappé à la morsure d'un serpent, et pour tenter de comprendre son nouveau don de télépathie, Jason Kincaid parvient à le capturer grâce à ses sbires. Il sollicite ensuite l'aide d'un médecin pour étudier l'animal et tenter de comprendre sa situation de survie. Mais la bête s'échappe du laboratoire où elle fut stockée, quand bien même un révérend milliardaire envoie l'un de ses adjoints pour tenter de la capturer. Pur produit d'exploitation réunissant avec bonheur les vétérans Oliver Reed / Peter Fonda (accompagnés de la charmante Kerrie Keane), Spasms parvient efficacement à fasciner lorsque William Fruet s'efforce de rendre terrifiante sa créature reptilienne de taille disproportionnée. Faute de son budget low-cost, ce dernier suggère très habilement sa présence grâce à l'ultra dynamisme du montage, sa bande-son criarde et l'emploi d'une caméra subjective afin de parfaire les déplacements véloces. Ainsi donc, avec une économie de moyens, William Fruet  parvient véritablement à donner chair à ce reptile sans y divulguer son apparence dantesque en dépit des 5 ultimes minutes.


Et on marche à fond, sa présence hors-champ parvenant véritablement à nous distiller une angoisse palpable, voire également une terreur assez cinglante auprès de l'incroyable brutalité de ses exactions (les victimes étant ballottées puis éjectées tous azimuts). Et donc émaillé (de manière métronome) de séquences-chocs souvent impressionnantes (on retiendra surtout le carnage dans le labo et l'attaque nocturne dans la maison où sont réfugiées 3 femmes), on est d'autant plus surpris d'observer à un moment propice de l'action sanglante les maquillages de Dick Smith lorsqu'une victime observe sa peau enfler progressivement au contact du venin. Une séquence choc plutôt fun qui parvient là encore à fasciner par le biais d'un réalisme débridé. Alors oui, on peut titiller sur le caractère capillotracté du scénario (pourquoi Jason a t'il des dons de télépathe après avoir été mordu et pourquoi lui seul est immunisé contre son venin ?) mais pour autant Spasms transpire la série B bonnard que l'on aime grignoter un samedi soir. Notamment grâce au charisme (vintage) des comédiens plutôt spontanés dans leur rôle de traqueurs, et ce en dépit de certains seconds-rôles caricaturaux (voir parfois même de la posture outrée d'Oliver Reed lors de sa chasse finale avec l'animal).


A revoir, surtout auprès de la génération 80 ayant été bercée par sa location Vhs.

*Bruno
3èx

vendredi 5 avril 2019

Suspiria (2018)

                                                                        Photo empruntée sur Facebook

de Luca Guadagnino. 2018. U.S.A/Italie. 2h32. Avec Dakota Johnson, Tilda Swinton, Mia Goth, Chloë Grace Moretz, Angela Winkler, Ingrid Caven, Elena Fokina, Sylvie Testud.

Sortie salles France: 14 Novembre 2018. Italie: 1er Septembre 2018

FILMOGRAPHIELuca Guadagnino est un réalisateur scénariste et producteur italien, né le 10 août 1971 à Palerme en Sicile. 1999 : The Protagonists. 2001 : Sconvolto così. 2003 : Mundo civilizado (documentaire). 2004 : Cuoco contadino (documentaire). 2005 : Melissa P. 2009 : Amore. 2015 : A Bigger Splash. 2017 : Call Me by Your Name. 2018 : Suspiria. 2018 : Rio (postproduction). ? : Call Me by Your Name 2. ? : Blood on the Tracks.


Vilipendé par les fans indéfectibles du mastodonte cabalistique d'Argento (personnellement il s'agit du film de ma vie !) avant même sa sortie inévitablement controversée, Suspiria nouvelle mouture fait l'effet d'une bombe déroutante sitôt le générique écoulé. Dans la mesure où Luca Guadagnino  nous cueille par la main 2h30 durant dans les entrailles d'un Enfer ésotérique avec un réalisme diaphane incroyablement perturbant. Ainsi, se démarquant de son modèle avec une ambition disproportionnée (ses détracteurs lui évoqueront une disgracieuse prétention), Lucas Guadgnino se réapproprie du matériau initial en y imprimant sa personnalité auteurisante. Et ce afin d'élever le genre horrifique à un niveau de grâce inouïe tout en y réfutant brillamment le copié-collé standardisé (rien que pour ça respect pour son audace et son intelligence hors-norme). Tant auprès du langage des corps contorsionnés lors de ballets baroques sensoriels que de son atmosphère feutrée à la fois sensiblement angoissante et malsaine que le spectateur redoute avec une irrévocable fascination contradictoire. Comme si lui même se retrouvait impuissant à la merci des 3 mères d'une vérité humaine délétère, de par leur regard fétide et leurs pouvoirs perfides. Il faut d'ailleurs remonter au chef-d'oeuvre indétrônable Rosemary's Baby (voir aussi à Lord of Salem) pour y retrouver une aussi flagrante expressivité à travers l'identité sournoise de sorcières décaties faussement avenantes !


Et donc à travers un cheminement narratif nébuleux où y évoluent des personnages équivoques, pour ne pas dire sibyllins (je m'y suis d'ailleurs perdu lors de son dernier quart d'heure abscons pour les diverses mutabilités identitaires), Suspiria parvient à l'aide de sa vénéneuse atmosphère anxiogène à magnétiser l'attention du spectateur dans une forme alchimique et viscérale parfois proche du malaise. Tant auprès de l'atrocité de meurtres graphiques d'une souffrance insupportable (la mise à mort liminaire d'une des danseuses et le sabbat orgasmique faisant office d'anthologies à marquer d'une pierre noire) que de l'aspect cérébral pour la caractérisation démunie des danseuses à la merci des sorcières impérieuses. Et donc, on a beau se perdre dans la confusion de son intrigue sinueuse faisant notamment intervenir les fantômes du nazisme (le Dr Jozef Klemperer hanté par la disparition de son épouse anciennement déportée) et le terrorisme de la bande à Baader durant leur prise d'otages vers la fin des seventies, on reste scotché à l'écran de par son esthétisme grisonnant (tant auprès de l'enceinte nécrosée de l'école que des extérieurs urbains) où tout semble livré à la merci d'un Mal austère. En background, on peut d'ailleurs y déduire à travers les connivences de cette caste féministe à la fois autonome et cynique une certaine métaphore sur l'émancipation féminine durant la période frondeuse des années 70.


Dérangeant, morbide et terrifiant dans un contexte occulte d'un réalisme hypnotique; beau, sensible et majestueux à travers l'acuité d'une émotion élégiaque que les protagonistes féminines retransmettent avec une force d'expression dépressive (pour ne pas dire suicidaire pour certaines d'entres elles), Suspiria version 2018 demeure un objet horrifique insaisissable de par son pouvoir de fascination aussi éthéré qu'imperturbable. Le spectateur contemplatif (les yeux capiteux de stupeur déconcertée) assistant impuissant à un spectacle de cauchemar aussi bien pervers que barbare. Et de s'y laisser emporter dans un maelstrom d'émotions brutes où les explosions de violence nous laissent un goût amer de fascination véreuse, d'injustice, voir aussi d'incompréhension. Expérience de cinéma à la fois dégingandée et contrairement maîtrisée (la mise en scène hallucinée est une véritable leçon expérimentale à faire rougir le Climax de Noe), Suspiria fait office de pierre angulaire au sein du remake novateur. Une date au demeurant dont les multiples visionnages n'auront de cesse de nous surprendre en nous dévoilant assurément un regard neuf sur certaines questions restées en suspens au 1er abord. En tout état de cause, que l'on adore ou que l'on rejette en bloc l'objet funeste, Suspiria ne laisse indifférent, tant et si bien qu'il s'apprivoise et s'adopte au second et troisième visionnage sous l'impulsion mélodieuse du magnifique score de Thom Yorke.

*Bruno

                                            Ci-joint en exclusivité, la chronique de Jorik V

 A ceux qui pensent que les remakes de films d’horreur sont condamnés à être broyés dans le moule hollywoodien et aseptisés à l’extrême dans un but mercantile en seront pour leur argent avec ce « Suspiria ». Luca Guadagnino réussit à apposer sa patte et sa vision au film culte de Dario Argento faisant de ce « Suspiria » nouvelle génération un sommet d’épouvante et d’horreur en tous points qui ne ressemble à rien de connu et c’est tant mieux. Dans le genre horrifique, on se souvient à la limite du remake de « Massacre à la tronçonneuse » de Marcus Nispel qui parvenait à faire entendre sa propre voie dans une version gore et sans concession d’excellente mémoire. Mais ici, c’est tout autre chose. On est dans un film d’auteur pur jus auxquelles les visions de terreur et l’ambiance malsaine donnent une patte encore plus singulière à une bobine hors du temps. Et on ne peut que saluer le cinéaste qui passe en un an du chef-d’œuvre romantique et éthéré « Call me by your name », chronique sentimentale gay et intello inoubliable, à ce film fantastique où seule la trame et l’histoire générale du film culte de Dario Argento sont reprises mais fondues dans une vision totalement neuve et impressionnante par sa radicalité. Alors peut-être que cette version peut sembler chargée pour les fans de l’original qui était plus un simple film d’horreur, un giallo comme on disait à l’époque, ayant acquis sont statut culte davantage pour ses qualités formelles et ses exubérances esthétiques. Ici, Guadagnino emmène le spectateur dans une histoire qui convoque la Seconde Guerre Mondiale, la bande à Baader, le féminisme actuel et même l’ascétisme Amish ! C’est parfois un peu trop fort en symbolisme et « Suspiria » 2018 pourrait être désigné par certains comme un film prétentieux à tous niveaux. On choisira plutôt de scanner cette relecture comme un proposition de cinéma inédite, audacieuse et passionnante dont on ne réussira pas toujours à déceler les signes et ponts dressés lors de la première vision. Tout comme certaines clés de l’intrigue resteront opaques, notamment dans le dénouement et le but réel des incantations des sorcières. C’est donc parfois frustrant mais totalement addictif à tel point qu’on a envie de vite revoir le film pour en saisir certaines nuances. Mais ce mystère qui entoure l’intrigue et dont une partie restera en suspens est finalement en totale adéquation avec les fondamentaux du fantastique et les velléités du cinéaste qui a conçu cette mosaïque comme un labyrinthe mental obsédant mais tout sauf limpide et confortable. Le seul réel reproche que l’on pourra apporter au film est sa durée hors de toute logique pour un film de ce genre (plus de deux heures et demie !) et que, par ricochet, sa première demi-heure patine. C’est effectivement long à démarrer et on se dit qu’on est parti pour une projection pénible, mais il ne faut justement pas lâcher au regard de ce qui nous attend après et du film dans sa globalité. Loin de tous les sursauts de bas étage en cours dans la plupart des films d’horreur et d’épouvante actuels généralement bas de gamme, Guadagnino préfère instaurer une atmosphère délétère, malsaine et putride qui nous colle aux basques dès les premières images. Nous faire sursauter, il n’en a cure. Il préfère nous mettre mal à l’aise et nous offrir sporadiquement des visions d’horreur totalement délirantes. La première, où on voit le corps de cette danseuse en fuite malmené jusqu’à l’écœurement accroche l’œil durablement et nous remue les tripes. Quant à l’orgie horrifique et sanglante finale, si elle aurait pu sombrer dans le grand-guignol et le risible, elle nous scotche à notre siège grâce à cette ambiance répugnante et tous ces personnages fous à lier. C’est un choc, certainement l’une des séquences les plus folles au cinéma cette année. Encore pire, car plus dingue et surréaliste que la seconde partie de « Climax ». Guadagnino y va même un peu fort (il a du mal à contrôler les effusions de sang et certains délires de caméra) mais les visions d’épouvante qu’il nous inflige durant quinze minutes glacent d’effroi à tel point qu’on est content lorsque ça se termine. Un peu l’opposé de la sublime séquence de danse précédente qui range « Black Swan » au rayon crèche et nous hypnotise complètement. D’ailleurs ici la danse est un vecteur puissant de l’intrigue, parfaitement intégré à l’image. En plus de ses plans très travaillés et d’une mise en scène pleine de tours de passe-passe, le cinéaste transalpin réussit un monument de terreur, unique en son genre, qui divisera certainement. Mais « Suspiria » ne laissera personne indifférent par son fond très dense et les visions inédites qu’il propose. Les sorcières n’auront jamais autant fait peur ! Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.



La chronique du site "Avoir-alire": 
Une relecture passionnante et oppressante du chef d’oeuvre d’Argento qui distille une angoisse permanente avec ses corps malmenés et son atmosphère malsaine. Un véritable tour de force.

Notre avis : Dire que l’on redoutait le projet, c’est un euphémisme. Pourquoi donc oser s’en prendre au chef d’oeuvre magnétique de Dario Argento ? En intégrant le surnaturel au giallo dont il se rendit maître après Mario Bava, Argento transcendait son style avec une œuvre hypnotique et effrayante dont l’esthétique reste incomparable.
Son film, comme chacun s’en doute, a marqué et inspiré de nombreux cinéastes. Luca Guadagnino est de ceux-là, lui qui fut tout d’abord frappé par l’affiche à l’âge de 10 ans. Quand il découvre enfin le film à l’adolescence, c’est une révélation autant qu’un choc esthétique, et déjà il se rêve en réalisateur qui proposerait sa propre version de l’oeuvre d’Argento et de Daria Nicolodi, scénariste, avec le maître, de l’original. Alors quand, il y a plus de 10 ans, il se met à penser le projet avec son producteur, c’est un rêve d’enfant qui se réalise. 
En revanche, pour tous les cinéphiles et surtout les admirateurs du cinéaste Argento, c’est un peu le cauchemar. Déjà parce que le film n’a nul besoin d’être refait ou modernisé, c’est une bulle de cauchemar intemporelle dont l’esthétique si particulière fascine encore. Et puis, l’idée d’une version emmenée par le réalisateur du pourtant célébré Call me by your name ou encore A Bigger splash (déjà la relecture d’un classique de Jacques Deray, La Piscine, et déjà écrit par David Kajganich, scénariste sur ce nouveau Suspiria) avait de quoi largement inquiéter.

Et pourtant, le cinéaste, visiblement passionné par son sujet, réussit finalement à se détacher de l’oeuvre originale avec une vision radicale. Il déplace l’intrigue, initialement située à Fribourg, dans le Berlin de 1977, soit l’année de sortie du Suspiria d’Argento. De fait, il ouvre cette histoire qui se déroulait en vase clos aux remous politiques d’une ville coupée en deux, sous le coup de la guerre froide et des attentats politiques de la bande à Baader .
L’intrigue, découpée en 6 actes, suit toujours une jeune américaine venue pour intégrer une compagnie de danse, qui se révèle être un repère de sorcières et dont la fameuse Helena Markos, qui donne son nom à la troupe, serait la « Mère Supérieure ».
Dakota Johnson, surtout connue pour la série des Cinquante nuances… mais qui a déjà travaillé avec Guadagnino (A bigger splash), trouve ici un rôle physique qui enfin lui donne l’occasion d’exprimer une palette de jeu plus intéressante. Tour à tour timide, apeurée puis volontaire et déterminée, son personnage n’est plus la silhouette qu’esquissait Jessica Harper (que l’on retrouve ici) mais un pilier pour le film et surtout le spectateur. Passée par un entraînement intensif à la danse contemporaine pendant de longs mois, elle livre une performance impressionnante, entre la danse et la possession démoniaque, deux facettes que le film explore.
Après un prologue qui instille l’atmosphère de sourde angoisse du long-métrage (amenée à exploser sur sa fin) et emmené par l’excellente Chloë Grace Moretz et le psychiatre qui sert de fil rouge à l’histoire autant qu’à incarner la rationalité du spectateur (interprété par… oh et puis non, découvrez-le vous-même), Suspiria entame une lente et progressive descente aux enfers.

Si le contexte politique, amorcé par les plans en extérieur sur le mur et développé par les nombreux reportages radio ou télévisés, reste plutôt théorique dans sa mise en scène, il a le mérite d’expliciter, à l’échelle historique, l’aliénation des corps et des esprits que subissent les gens de l’époque et ainsi, en miroir, celle des femmes qui viennent chercher dans la danse ou chez ces sorcières un pouvoir de libération total. Ce n’est sans doute pas un hasard si le réalisateur situe l’académie face au mur, souvent le film joue de cette frontière imposée à traverser, par le parcours du psychiatre surtout. Frontière que l’on retrouve à l’intérieur de l’académie, entre le visible et l’invisible, les locaux accessibles et les cachettes secrètes qui se dérobent. 
La danse, si elle n’était qu’un décor dans l’original, est ici au coeur du film. Les ballets sont puissants, chorégraphiés avec précision par Damien Jalet, chorégraphe franco-belge, et développent la thématique visuelle de l’antagonisme entre puissance de vie et puissance de mort. À l’image de l’audition de Susie, en montage alterné avec une autre danseuse, ailleurs dans le bâtiment, spectaculaire et repoussante à la fois. Des liens surnaturels qui unissent les mouvements, avec d’un côté le pur spectacle de l’expression du corps et de l’autre l’effroi que celui-ci peut susciter lorsque l’on pousse la logique des mouvements extrêmes jusqu’au bout (lorsque l’on sait que Dakota Johnson elle-même a terminé aux urgences pendant le tournage d’une scène de danse où elle projette violemment son torse en arrière, on se dit que la séquence vaut aussi comme commentaire des violences que l’on s’inflige pour la beauté d’une performance artistique.) 
Au dessus de tout cela, comme une ombre projetée sur les personnages avant qu’il soit évident qu’elle-même subit un pouvoir supérieur, il y a Madame Blanc, glaciale et tranchante mais aussi maternelle et qui suscite l’admiration de ses danseuses. Elle est la puissance hypnotique du film. Silhouette à la fois gracile, sèche et glaciale, Tilda Swinton ressemble à Pina Bausch. Le cinéaste s’est bien sûr inspiré de la célèbre chorégraphe allemande, mais aussi de Sasha Waltz, autre chorégraphe allemande que le scénariste David Kajganich suit et interroge longuement pour réussir à écrire ce personnage. 
Si Madame Blanc paraît vampire à se nourrir des émotions suscitées par les danses de ses élèves, elle les libère aussi et surtout de la pesanteur – littéralement – d’un monde extérieur fait par et pour les hommes.

Et l’horreur dans tout ça ? Suspiria ne joue pas la carte de la frayeur. Il distille le malaise et l’angoisse le long d’un film qui se veut descendant des drames chocs de Fassbinder. C’est dans des inserts, des contrechamps ou des images brèves distillées dans un cauchemar que l’atmosphère s’épaissit, et ne rassure jamais. 
Le film s’éloigne donc du style de son modèle, mais privilégie lui aussi son atmosphère. Hors de question de tenter de reproduire la photographie de Luciano Tovoli, qui à l’aide du Technicolor composait son image avec les couleurs primaires. Ici, Sayombhu Mukdeeprom, déjà à l’oeuvre sur Call me by your name et responsable de la très belle photographie d’Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul, choisit avec son réalisateur les couleurs du Berlin gris et froid des années 70. Relevé de quelques verts pâles et marrons terreux, l’ensemble évoque en effet certains films de Fassbinder dont ils se sont inspirés, mais aussi des peintures de Balthus.
Le rouge quant à lui survient par petites touches, autant d’indices visuels qui annoncent le final, notamment dans la séquence du ballet avec ces cordelettes rouges nouées sur le corps des actrices qui évoquent évidemment la pratique du bondage, à nouveau cette opposition visuelle entre corps empêché et corps délivré.
La musique de Thom Yorke, leader du groupe Radiohead dont c’est la première bande originale, vient nimber le tout d’une mélancolie étonnante, avec ses chansons magnifiques au piano sur lesquelles se pose sa voix hantée, et contribue à distiller l’angoisse par ses nappes de synthé tantôt indus, tantôt aériens. 
Guadagnino explore l’ambiguïté humaine, son côté sombre, mis en scène dans cette micro société de femmes qui voudrait échapper à un monde violemment patriarcal. Des femmes, il célèbre aussi la puissance mais, comme toute puissance, il montre l’envers ténébreux, destructeur.
S’il ménage quelques séquences de body-horror éprouvantes, le film évite pendant une bonne partie la surenchère. Il culmine cependant dans un final rouge qui serait le versant grand-guignol de Climax, signe du jusqu’au boutisme d’un cinéaste qui n’a pas peur de sombrer en cours de route (et réussit à passer en force !). Un rituel païen que l’on peut voir comme une reprise (ou correction) d’une séquence similaire de Mother of tears d’Argento, la pitoyable conclusion de sa trilogie des Trois Mères entamée donc par Suspiria et poursuivie par le beau Inferno.

Suspiria est donc une « reprise », pour employer le mot de Tilda Swinton, absolument passionnante qui n’a pas longtemps à souffrir d’une comparaison avec l’original. Un travail incarné qui, s’il s’éloigne de son modèle, sait lui rendre hommage en reprenant et actualisant quelques séquences. On ne criera pas non plus au chef-d’oeuvre, l’ensemble est un peu trop long et le rythme parfois lambine, mais on peut le célébrer comme étant une véritable réussite, même un tour de force compte tenu de tous les risques évoqués plus haut.

jeudi 4 avril 2019

Le Cirque de la Peur

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Circus of Fear / Pyscho-Circus" de John Llewellyn Moxey. 1966. Allemagne/Angleterre. 1h31. Avec Christopher Lee, Leo Genn, Anthony Newlands, Heinz Drache, Eddi Arent, Klaus Kinski

Sortie salles U.S: Mai 1967. Angleterre: Novembre 1967

FILMOGRAPHIE: John Llewellyn Moxey est un réalisateur de cinéma et de télévision britannique, né le 26 février 1925 en Argentine.1960 : La Cité des morts. 1960 : Coronation Street. 1961 : Foxhole in Cairo. 1961 : Chapeau melon et bottes de cuir . 1962 : Le Saint  TV. 1965 : Strangler's Web. 1966 : Mission impossible TV. 1966 : Le Cirque de la peur . 1967 : Mannix, TV. 1968 à 1980 : Hawaï police d'État, TV. 1969-1970 : Les Règles du jeu. 1971 : The Night Stalker. 1972 : Kung Fu, TV. 1973 à 1977 : Police Story, TV. 1973 : Shaft (en), TV. 1976 : Drôles de dames TV. 1979 : The Solitary Man. 1980: Magnum, TV. 1981 : Hôpital sous surveillance. 1983 : Les deux font la paire, TV. 1984 à 1989: Deux flics à Miami (Miami Vice), TV. 1984 : Arabesque (Murder, She Wrote), TV. 1988 : La Vengeance de l'héritière, TV.


Inédit en salles en France et exhumé de l'oubli par l'éditeur Le Chat qui Fume dans une superbe copie HD, Le Cirque de la peur constitue une sympathique curiosité en dépit de son titre fallacieux suggérant une série B horrifique sans doute influencée par une autre production british, le Cirque des horreurs tourné 6 ans au préalable. Surtout si je me réfère à son affiche référentielle calquée sur celui-ci ! Le pitch: A la suite d'un braquage meurtrier, l'Inspecteur Elliott tente de retrouver les coupables des billets volés au sein d'un cirque, quand bien même 2 cadavres sont rapidement dépêchés sur les lieux. Série B d'exploitation à la réalisation aussi classique que (soigneusement) bricolée, le Cirque de la peur joue efficacement avec les codes du film policier, et à moindre échelle avec ceux du thriller à travers une intrigue criminelle inutilement décousue, pour ne pas dire capillotractée.


Le récit pour autant jamais ennuyeux s'articulant autour de l'investigation assidue de l'inspecteur Elliott avide d'y démasquer le criminel, quand bien même le cinéaste John Moxey s'attache à mettre en parallèle une sous-intrigue familiale afin de mieux maintenir en éveil le spectateur. Emprunt de facilités et de grosses ficelles (notamment auprès de la résolution trop expéditive du coupable lors d'une conclusion exubérante), le Cirque de la Peur ne s'embarrasse pas trop de vraisemblance à travers sa galerie de personnages couards ou maîtres chanteurs plus ou moins complices du braquage. Pour autant; l'attrait fantaisiste de son cheminement dramatique binaire (non emprunt parfois de traits d'humour gratuits mais plutôt cocasses pour les brimades entre 2 clowns) et la conviction des comédiens anglais (principalement Christopher Lee sobrement convaincant dans un rôle bicéphale alors que l'inquiétant Klaus Kinski s'avère résolument discret en figurant vénal !) nous laissent finalement une agréable impression de divertissement sans prétention même si rapidement oubliable passé le générique de fin.


A découvrir avec curiosité, à condition toutefois d'être résolument averti du contenu trompeur de l'écrin forain aux antipodes du genre horrifique.

*Bruno

mercredi 3 avril 2019

Glass

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de M. Night Shyamalan. 2019. U.S.A. 2h09. Avec Samuel L. Jackson, James McAvoy, Bruce Willis, Anya Taylor-Joy, Sarah Paulson, Spencer Treat Clark.

Sortie salles France: 16 Janvier 2019 (Int - 12 ans)

FILMOGRAPHIE: M. Night Shyamalan est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, d'origine indienne, né le 6 Août 1970 à Pondichéry. 1992: Praying with Angers. 1998: Eveil à la vie. 1999: Sixième Sens. 2000: Incassable. 2002: Signs. 2004: Le Village. 2006: La Jeune fille de l'eau. 2008: Phenomènes. 2010: Le Dernier maître de l'air. 2013: After Earth. 2015: The Visit. 2017: Split. 2019: Glass.


                             Une chronique exclusive de EricDebarnot reprise sur le site Senscritique.

The house that M. Night lost
Il y a clairement deux manières de regarder "Glass", et le plaisir qu'on en tirera variera du tout au tout. La première est en passionné de culture de super-héros et de blockbusters parfaitement exécutés : dans ce cas, passée une première demi-heure impeccable qui fait l'unanimité, on s'ennuiera vite devant des dialogues interminables, des facilités scénaristiques un peu indignes du riche passé de Shyamalan, et une certaine lourdeur dans la démonstration de ses théories sur la vraie nature du super-héros américain (obsession infantile allant jusqu'à la maladie mentale ou bien réalité soigneusement dissimulée derrière une culture faussement régressive, la question posée par "Incassable" est ici creusée "jusqu'à l'os" !). Sans parler d'un double twist final certes efficace, mais qui fait quand même "effet de signature", signalant le vrai retour aux affaires du créateur du "Sixième Sens". On sortira du film frustrés et un peu déçus... Sauf qu'on n'aura pas vu le film que notre ami M. Night a voulu faire, celui pour lequel il a hypothéqué sa maison, c'est à dire un vrai film d'auteur - appellation facilement dévoyée et enfin parfaitement appropriée avec "Glass".


Car peu importe si Shyamalan, féru de culture populaire et horrifié - comme toute personne à peu près sensée et ayant dépassé l'adolescence - par les imbécilités décérébrées des maisons Marvel et DC, s'est attelé à proposer une alternative adulte à leurs "univers" : on peut très bien vivre sans ça. Par contre, deux heures dix minutes d'émotion brûlante, de mélancolie asphyxiante, de pure poésie populaire, mises en scène, non, plutôt orchestrées avec une intelligence et un brio inégalés dans le cinéma commercial (une fois encore, on peut parler de la continuation, en plus ambitieux, du meilleur travail d'un Steven Spielberg...), ça ne se refuse pas. Comme dans chacun de ses films, les moins bons comme les meilleurs, Shyamalan filme ici l'humanité dans sa souffrance quotidienne, le long d'un véritable chemin de croix : enfances massacrées, aspirations et talents méprisés et qui deviennent d'insupportables fardeaux, identités annihilées par des systèmes politiques totalitaires, maladie puis vieillesse détruisant le corps et bientôt l'esprit, impossibilité de dépasser la tragédie individuelle. Il nous raconte ce que nous sommes, comment nous vivons, avec une sensibilité aiguë, une empathie flamboyante, mais il filme aussi la sublime déchirure de l'Amour - plutôt filial, maternel ou fraternel que sexuel... (mais ce n'est que le début d'une longue carrière, non ? A quand un vrai, un pur mélodrame à la Douglas Sirk, Night ?). Il porte ses acteurs à l'excellence absolue, avec une sorte d'évidence terrassante : James McAvoy est ici bouleversant, dépassant la pure virtuosité de l'incarnation de ses multiples personnalités, pour devenir une sorte de représentation totale de l'humanité déchirée, de l'enfant à "la bête".


On sait, depuis la magistrale dénonciation des mensonges bushiens qu'était "le Village", que le cinéma de Shyamalan est également un commentaire politique sur son époque : le final de "Glass" - et son fameux double twist - est avant tout une déclaration de guerre aux mensonges de ceux qui nous gouvernent, qui prétendent savoir mieux que nous ce qui est "bon pour nous", et une célébration - un tantinet idéaliste, oserais-je dire "capraesque" ? - du pouvoir de la Connaissance, de la Vérité lorsqu'elles réussissent à émerger, et à réunir d'abord trois personnes aussi dissemblables que les personnages que Shyamalan a repris de "Incassable" et "Split", et ensuite, peut-être, l'humanité entière. Dans son habituelle vision "new age", souvent raillée mais indéniablement sincère, Shyamalan nous affirme croire encore à notre évolution, tant spirituelle que physique, nous permettant de dépasser enfin cette solitude originelle qui est la malédiction de ses héros.


Ce dialogue jamais vraiment résolu entre une maîtrise formelle à nouveau exceptionnelle du médium cinéma et un excès dérangeant - et, c'est vrai, assez naïf - d'ambition thématique, fait du cinéma de Shyamalan une extraordinaire aberration. "Glass" ne peut que diviser le public entre sceptiques n'y trouvant pas leur compte et adeptes sortant de là profondément bouleversés et stimulés. Il a donc tout d'un film condamné à l'échec commercial malgré sa puissance et à cause de sa singularité, et on a bien peur que Shyamalan ne perde sa maison. Il ne perdra pas notre amour.

8/10 [Critique écrite en 2019]

mardi 2 avril 2019

Bumblebee

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Travis Knight. 2018. U.S.A. 1h54. Avec Hailee Steinfeld, John Cena, Jorge Lendeborg Jr., Pamela Adlon, Jason Drucker, Stephen Schneider, Glynn Turman

Sortie salles France: 26 Décembre 2018

FILMOGRAPHIETravis Knight est né en 1973 à Hillsboro dans l'Oregon aux États-Unis. Il est un artiste animateur, producteur, réalisateur et ancien rappeur. Il est le fils du magnat d'affaire Philip Knight. 2016 : Kubo et l'Armure magique (Kubo and the Two Strings). 2018 : Bumblebee.


Spin-off de la célèbre saga Transformers, Bumblebee accomplit en 1h54 d'entertainment familial tout ce que Michael Bay n'eut pu entreprendre au profit de ses budgets standing. Car jouant la carte de l'humour, de l'émotion puis enfin de l'action (quel feu d'artifice final aux FX numériques irréprochables !) à travers l'humanisme candide d'une jeune fille en berne (l'actrice Hailee Steinfeld porte le film sur ses épaules de par son regard luminescent), Bumblebee renoue avec l'esprit féerique des productions Amblin. Notamment en y localisant l'action de sa bourgade solaire au coeur des années 80. Et c'est avec un coeur gros comme ça que son concepteur, Travis Knight, s'entreprend de rendre hommage à travers l'ascension héroïco-amicale d'une jeune fille (à l'orée de sa maturité !) partagée entre ses sentiments pour un robot sauveur de l'humanité et son compagnon afro secrètement amoureux d'elle.


Alors oui, le film a beau flirter avec les bons sentiments au travers de séquences intimistes d'une si attachante simplicité, on marche à fond auprès de leur complicité affectueuse inscrite dans l'amitié, la tendresse, la confiance et la pédagogie communicative (les phases d'éducation avec Bee et ses maladresses infantiles nous remémorant un certain E.T, voir également Short Circuit). Truffé de tubes pop-rock entêtants prioritairement natifs d'Angleterre (on y croise The Smiths, The Cure, Simple Minds, Tears for Fears) Bumblebee fait d'autant plus vibrer nos esgourdes avec une acuité émotionnelle épanouissante. Et si inévitablement, le pitch fantaisiste s'avère naïf pour y regorger de clichés et illustrer certains personnages caricaturaux (surtout les "méchants militaires"), Travis Knight parvient efficacement à exploiter les codes sous l'impulsion humaine de nos 3 héros d'une solidarité résolument expressive. Tant auprès des rapports timorés entre Charlie et son compagnon Memo en éveil amoureux que du robot Bee en voix de maturité et de rébellion au gré des intimidations bellicistes incarnées par deux de ses plus couards rivaux.


"Don't You"
Clins d'oeil émouvants à E.T, Short Circuit et tous ces dérivés intègres pétries de tendresse, d'attention et de générosité aussi bien féeriques qu'explosives, Bumblebee renoue avec l'émoi des premières émotions vécues par un ado à travers le prisme du grand écran. Et l'adulte qui l'accompagne de renouer par cette occasion familiale avec son âme d'enfant en y contemplant (la tête étoilée !) les tribulations galvanisantes de Charlie et Bee. Couple aussi hybride que singulier rattaché par les notions d'humanisme, d'espoir, de catharsis et d'initiation héroïque lorsqu'il s'agit d'y sauver la terre d'une menace humanoïde outre-mesurée ! Un fabuleux spectacle inscrit dans la modeste simplicité, le coeur (palpitant) sur la main ! 

*Bruno

jeudi 28 mars 2019

Highwaymen : La Poursuite infernale

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Robert Harmon. 2004. U.S.A/Canada. 1h20. Avec Jim Caviezel, Rhona Mitra, Frankie Faison, Colm Feore, Gordon Currie, Andrea Roth, Noam Jenkins.

Sortie salles France: 4 Août 2004. U.S: 13 Février 2004

FILMOGRAPHIE: Robert Harmon est un réalisateur américain. 1986: Hitcher. 1993: Cavale sans issue. 1996: Gotti (télé-film). 2000: The Grossing. 2002: Astronauts (télé-film). 2002: Le Peuple des Ténèbres. 2004: Highwaymen. 2004: Ike: opération overlord (télé-film). 2005: Stone Cold (télé-film). 2006: Jesse Stone: Night Passage (télé-film). 2006: Jesse STone: Death in paradise (télé-film). 2007: Jesse Stone: Sea Change (télé-film). 2009: Jesse Stone: Thin Ice (télé-film). 2010: Jesse Stone: sans remords (télé-film). 2010: Une lueur d'espoir (télé-film). 2012: Jesse Stone: Benefit of the Doubt (télé-film).


Vengeance bicéphale.
Synopsis: à la suite de la mort de sa femme, James s'efforce d'y traquer le responsable, un serial-killer routier lui même féru de vengeance depuis leur antécédente confrontation musclée.
Par le réalisateur du mythique Hitcher, Highwaymen emprunte clairement la démarche de la série B du samedi soir à travers son lot de cascades et poursuites en règle qu'un conducteur estropié renchérit sur sa route en guise de vengeance et d'orgueil sadique. Et si l'impressionnante 1ère demi-heure fait mouche dans son enchaînement d'explosion et tôles froissées aussi bien meurtrières qu'inédites (et ce même si le montage pâtit d'autorité), la suite s'avère beaucoup moins passionnante lorsqu'on y lève le voile sur la caractérisation limite grotesque du serial-killer (sorte de robocop paraplégique, ancien assureur gagné par la psychopathie).


Quand bien même le couple incarné par Jim Caviezel  (son rôle le plus fade de sa carrière) / Rhona Mitra peine à convaincre dans leur concertation héroïque conjointement lié au traumatisme routier. On est d'ailleurs surpris de la facilité à laquelle cette dernière se laisse influencer pour accompagner le veuf revanchard sur son périple routier. Pour autant, si l'ensemble bonnard se suit sans ennui et amuse la galerie sous l'impulsion de son intrigue capillotractée effleurant régulièrement le grotesque (la dernière image s'avère même hilarante à force d'outrance prétentieuse, surtout venant de la part d'un flic !) et abordant les clichés (notamment lorsque Caviezel se fait bêtement appréhender par le tueur à plusieurs reprises ou lorsqu'il amorce une course-poursuite urbaine avec le chef de la police de manière irresponsable ! Sacrée contradiction de se comporter à l'instar de son antagoniste !), Highwaymen s'oublie fissa sitôt le générique écoulé.

*Bruno
2èx