vendredi 2 novembre 2018

L'enfant du Diable

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"The Changeling" de Peter Medak. 1980. U.S.A. 1h47. Avec George C. Scott, Trish Van Devere, Melvyn Douglas, Jean Marsh, John Colicos, Barry Morse, Madeleine Thorton-Sherwood, Helen Burns, Frances Hyland.

Sortie en salle en France le 29 Octobre 1980. U.S.A: 28 Mars 1980.

FILMOGRAPHIEPeter Medak est un réalisateur et producteur hongrois né le 23 Décembre 1937 à Budapest (Hongrie). 1968: Negative, 1972: A day in the death of Joe Egg, 1973: Ghost in the noonday sun, 1978: The Odd job, 1980: l'Enfant du diable, 1981: la Grande Zorro, 1986: The Men's club, 1990: la Voix humaine, 1993: Romeo is bleeding, 1994: Pontiac moon, 1998: la Mutante 2.


Quelques mois après la sortie du grand succès public Amityville, la maison du diable, les producteurs Garth H. Drabinsky et Joel B. Michaels proposent pour 7,6 millions de dollars le nouveau projet d'un film de maison hantée. C'est à Peter Medak qu'incombe la tâche, metteur en scène canadien ayant déjà fait ses preuves avec les séries T.V Amicalement VotreCosmos 1999 ainsi que quelques longs-métrages parmi lesquels Negative et A day in the death of Joe Egg. Tiré d'un scénario de Russel Hunter auquel le récit serait fondé sur des évènements réels, l'Enfant du diable  (titre français d'apparence racoleur mais finalement moins fallacieux qu'il n'y parait !) puise sa substantialité et son intensité grâce à un alibi narratif en concertation avec les ambiances lourdes d'une angoisse diffuse. Et ce au mépris de l'artillerie de la surenchère trop habituelle chez nos producteurs margoulins. John Russel vient de perdre sa femme et sa fille lors d'un tragique accident de voiture. Lourdement éprouvé et après 4 mois de deuil, il quitte son foyer pour s'installer dans l'état de Washington et poursuivre un poste d'enseignant mélomane. Réfugié dans une vaste demeure en louage, il est rapidement témoin de phénomènes inexpliqués. Après un prélude d'une sobre intensité lors d'une tragédie accidentelle percutant de plein fouet une mère et sa fille face au témoignage impuissant du père, Peter Medak  nous fait pénétrer ensuite dans l'environnement gothique d'une vaste demeure où chaque pièce aphone semble hantée d'une présence occulte. Une ambiance inquiétante délectable émaillée de  moments de tension d'un réalisme aussi ensorcelant que perturbant si bien que le spectateur renoue avec sa peur du noir et de l'inconnu à proximité des chambres les plus poussiéreuses. Peter Medak exploitant agilement (mais de manière placide) sa caméra parfois subjective pour mieux nous confondre au vénéneux sentiment d'insécurité.


Outre le plaisir contradictoire de frissonner avec malaise en étant totalement impliqué dans la situation inexpliquée, le récit charpenté, scrupuleusement conté, privilégie ensuite diverses énigmes à résolver du point de vue démystificateur de John Russel. Croire à l'improbable, l'art de narrer sans effet de manche une ignoble stratégie infanticide où la psychologie des personnages les plus dignes se taillent une carrure d'investigateurs afin de démanteler le coupable jamais condamné ! Telle est la puissance de suggestion lorsque le metteur en scène s'efforce de nous convaincre d'une présence surnaturelle confinée le plus souvent dans un grenier orné de vieux souvenirs. La sobriété des comédiens à l'humanisme prévenant extériorisant notamment une inévitable compassion face à l'épouvantable tragédie qui s'esquisse devant eux ! Ainsi donc, au fil de ce climat anxiogène littéralement tangible mais vaporeux, sa trajectoire s'enrichit d'une passionnante investigation criminelle à la dramaturgie aussi poignante que révoltante. Peter Medak exploitant sans pathos un contexte crapuleux si bien que l'intrigue s'efforcera d'élucider au compte goutte les tenants et aboutissants d'un crime infantile toléré par une sommité handiphobe. Dans la peau du veuf accablé assorti d'une noble pudeur dans son refus de s'y morfondre, l'immense George C. Scott dilue une empathie dépouillée auprès de sa détermination studieuse à daigner coûte que coûte rétablir l'ultime vérité. Spoil ! Dans la mesure où elle compromet la culpabilité "équivoque" d'un notable notoire quasi intouchable. Sa lourde tâche de délivrer l'âme d'un enfant martyr s'avérant d'autant plus fébrile et épineuse qu'il devra s'opposer aux forces occultes avec une bravoure précaire.  Fin du Spoil. Irradiant l'écran parmi son imposante présence, l'acteur porte l'intrigue sur ses épaules en exprimant une force d'expression naviguant entre désagrément et désarroi, incompréhension et soif de découverte, et ce afin d'accéder à la rédemption (tant auprès de sa condition endeuillée que de la victime estropiée éplorant le secours). 


De par son florilège de séquences impressionnantes Spoil ! (la séance de spiritisme, la découverte du grenier et du puits, la noyade dans la baignoire, les coups de marteau tambourinant les cloisons, la balle ricochant dans l'escalier, l'apparition de la chaise du haut de l'escalier, le final explosif) fin du SpoilL'Enfant du Diable prône avec une noble maturité le Fantastique le plus épuré, à l'instar de ses congénères La Maison du Diable, les Innocents, Ne vous retournez pas, Trauma ou encore  l'inoubliable Le Cercle Infernal. La fragilité de l'intrigue générant un poids dramatique davantage rigoureux (lever le voile sur une innocente disparition), le charisme robuste du vétéran George C. Scott en veuf désireux de prêter main forte à l'inconnu, la douceur bienveillante de Trish Van Devere  (autrement favorable pour soutenir son partenaire contrarié), et surtout l'atmosphère d'angoisse irriguant les murs de l'immense bâtisse achèvent d'accéder l'Enfant du diable au panthéon du chef-d'oeuvre maudit aussi lancinant que tragique. 

Récompenses: Prix du Meilleur acteur (George Scott) au Fantafestival 1982.
Prix génie du meilleur film, Genie Awards de la Meilleure photographie, Meilleur son, Meilleure direction artistique, Meilleur acteur étranger (George Scott), Meilleure actrice étrangère (Trish Van Devere), Meilleur scénario et Meilleur son en 1980

* Bruno
02.11.18. 5èx
07.04.11. 4 (611 v)

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