vendredi 30 novembre 2012

BLOW OUT

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site myscreens.fr

de Brian De Palma. 1981. U.S.A. 1h48. Avec John Travolta, Nancy Allen, John Lithgow, Dennis Franz, Peter Boyden, Curt May.

Sortie salles France: 17 Février 1982. U.S: 24 Juillet 1981

FILMOGRAPHIEBrian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


Un an après son chef-d'oeuvre sulfureux Pulsions, Brian De Palma enchaîne avec un second thriller,  une méticuleuse investigation afin de démanteler un attentat politique au coeur d'une Amérique paranoïaque ! Au moment de ces expérimentations dans un parc régional, un preneur de son se retrouve témoin d'un meurtre fardé en accident. Suite à l'éclatement du pneu d'une voiture, un gouverneur et sa passagère sont projetés au fond d'une rivière. Après avoir sauvé in extremis la jeune fille, Jack tente de dévoiler au grand jour le meurtre du gouverneur à l'aide de sa bande-son mais aussi le film qu'un photographe est parvenu à enregistrer le soir même de la tragédie. Afin d'étouffer l'affaire au plus vite, un dangereux maniaque complice de cette conjuration s'entreprend de récupérer la bobine et supprimer les témoins gênants. Hommage au 7è art dans ce rapport inhérent que l'image et le son entretiennent communément afin d'épurer la chimère cinématographique, Blow Out est un jeu de manipulation roublard où le simulacre dévoile peu à peu ses failles par l'entremise d'un technicien de cinéma. Avec la complicité attachante de John Travolta (étonnant de sobriété dans un rôle à contre-emploi !) et de l'aguicheuse Nancy Allen (irrésistible de naïveté candide dans sa fonction antinomique d'escort girl !), Brian De Palma nous élabore une enquête passionnante où la mise en scène virtuose tient une fois de plus du prodige (utilisation harmonieuse du split screen, du travelling circulaire et de la louma).


A travers la reconstitution d'une scène de crime entreprise par un preneur de son obnubilé à rétablir la vérité, Brian De Palma nous manifeste son amour pour le cinéma sous toutes ses variantes. Si bien qu'ici, même les navets horrifiques mâtinés d'érotisme ont droit à la reconnaissance face à l'expressivité d'un hurlement salvateur ! Une fois de plus, le réalisateur utilise avec masochisme la dextérité d'un scénario charpenté où les apparences trompeuses vont être dévoilées sous l'allégeance d'un cinéaste soucieux de conviction réaliste. Puisqu'en sous-intrigue, la quête du fameux cri escompté dès le prélude est finalement dégoté par le héros à travers l'agonie de sa compagne sacrifiée ! Et on peut dire qu'en terme de point d'orgue nihiliste, l'inoubliable dénouement de Blow-Out s'avère sacrément couillu pour laisser le spectateur dans un pessimisme élégiaque. Ce qui justifie d'ailleurs son relatif échec commercial lors de sa sortie en salles (13 747 234 dollars de recettes pour un budget de 18 millions) et la faillite qui s'ensuit pour sa société de production. Qu'importe la défaite, De Palma nous a transcendé avec une maestria infaillible une course contre la montre fertile en péripéties délétères que nos héros ont parcouru pour contrecarrer l'antagoniste, et ce afin de sauvegarder la preuve irréfutable d'un complot politique.


Un cri dans la nuit
Scandé de la partition raffinée de Pino Donaggio, Blow-out réexploite le mode opératoire du suspense et de l'enquête policière avec une roublardise jubilatoire. Dominé par un casting sans fard, cet hommage au cinéma "perfectible" transcende l'outil artistique au gré d'une énigme irrésolue. De par l'audace de sa conclusion bouleversante, Blow out prouve avec dérision cruelle (l'utilisation d'un vrai cri au profit d'une oeuvre de commande) qu'au cinéma rien n'est gagné d'avance, surtout lorsqu'un cinéaste s'efforce d'y cultiver sa patte personnelle. Quitte à l'arrivée d'essuyer un cuisant échec commercial... 

* Bruno
30.11.12. 4èx



jeudi 29 novembre 2012

LE JOUR D'APRES (The Day After)

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site encyclocine.com

de Nicholas Meyer. 1983. U.S.A. 2h06. Avec Jason Robards, JoBeth Williams, Steve Guttenberg, John Cullum, John Lithgow, Bibi Besch, Lori Lethin, Amy Madigan.

Diffusion TV U.S: 20 Novembre 1983. Sortie salles France: 25 Janvier 1984

FILMOGRAPHIENicholas Meyer est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 24 Décembre 1945 à New-York.
1979: C'était demain. 1982: Star Trek 2. 1983: Le Jour d'Après. 1985: Volunteers. 1988: Les Imposteurs. 1991: Company Business. Star Trek 6. 1999: Vendetta.


Phénomène télévisuel lors de sa diffusion américaine à tel point qu'il créa un vent de panique chez plusieurs spectateurs (un standard téléphonique était à disposition le jour même de sa projection !), Le Jour d'Après engendra un tel impact émotionnel que notre pays hexagonal s'est empressé de l'exploiter en salles. Oeuvre de fiction post-apo illustrant les conséquences catastrophistes d'une troisième guerre mondiale assujettie au péril nucléaire, le Jour d'Après décrit avec un réalisme abrupt la survie d'une centaine de survivants touchés par la radioactivité. Établi en trois parties, la narration s'attache de prime abord à nous décrire la quotidienneté de diverses familles peu à peu enclins à l'inquiétude lorsque les infos télévisées annoncent un conflit politique de grande envergure entre l'URSS, l'Allemagne de l'Est et les Etats-Unis. La caractérisation des personnages nous est illustrée de manière traditionnelle dans leurs principes de valeurs morales liés à l'harmonie familiale. Au fil des informations alarmistes retransmises à la télé et à la radio, l'anxiété et l'appréhension des citadins commencent à prendre une ampleur incontrôlée lorsque certains d'eux décident d'investir les centres commerciaux afin de remplir leur cadis. Alors que toute une famille se réfugie au fond d'une cave pour se prémunir d'une potentielle attaque, certains pèlerins situés à des kilomètres de leur foyer tentent de rejoindre leurs proches le plus furtivement qu'ils peuvent.


C'est au moment où les missiles américains sont envoyés vers l'URSS qu'une riposte fatale va plonger les Etats-unis dans un holocauste nucléaire d'une envergure apocalyptique. Les effets spéciaux perfectibles alternant le cheap et le réalisme (épaulé de stock-shots issus des films Un Tueur dans la foule et Meteor) réussissent néanmoins à provoquer une terreur insondable. C'est d'abord l'explosion de missiles atomiques esquissant l'icône du fameux champignon qui nous est asséné de plein fouet face au témoignage d'une population horrifiée. Brasiers industriels, destructions massives de cités urbaines décharnées nous sont ensuite représentées avec une vigueur visuelle proprement cauchemardesque. Pour une production télévisuelle, Nicholas Meyer frappe fort dans sa détermination à secouer le public sans esbroufe mais avec un effort de persuasion dont l'impact se révèle inévitablement éprouvant. Cette seconde partie, aussi concise qu'elle soit, réussit avec efficience implacable à provoquer une stupeur et une terreur proprement viscérales !


La dernière partie, la plus sobre, poignante et jusqu'au boutiste nous illustre les conséquences du désastre atomique à travers le destin d'une poignée de survivants et de quelques familles désunies que le réalisateur pris soin de nous familiariser un peu plus tôt. Avec des moyens considérables et l'entremise de centaines de figurants, le réalisateur décrit "l'après apocalypse" par le truchement d'images saisissante de désolation. Amas de cendres sur les champs calcinés, forêt clairsemée dénuée de végétation, arbres dépouillés de frondaison, cadavres d'animaux, charniers de cadavres en décomposition ou momifiées. L'odeur du choléras et de la mort distillant dans l'air une atmosphère feutrée tandis que des pillards et terroristes sans abri tentent d'imposer la loi du plus fort. Cette dernière partie très impressionnante dans sa vision dantesque de fin d'un monde nous immerge au sein d'une Amérique agonisante où chaque survivant erre sans lueur d'espoir à la manière de zombies condamnés.


Cri d'alarme contre la menace du péril atomique si une troisième guerre mondiale devait un jour aboutir, le Jour d'Après demeure une impitoyable charge contre la politique de nos gouvernements en divergence insoluble. La verdeur de ces images morbides compromises à l'impact foudroyant du cataclysme nucléaire laissant en mémoire l'achèvement d'un génocide en décrépitude. Terrifiant jusqu'au malaise nauséeux, en espérant ne jamais connaître pareille génocide !

Note subsidiaire: On estime à plus de 100 millions le nombre d'Américains à avoir regardé ce téléfilm depuis sa première diffusion.

29.11.12. 4èx
Bruno Matéï


mercredi 28 novembre 2012

L' Autre / The Other. Prix du Meilleur Réalisateur à Catalogne, 1972

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinepesadelo.blogspot.com

de Robert Mulligan. 1972. U.S.A. 1h40. Avec Uta Hagen, Diana Muldaur, Chris Udvanoky, Martin Udvanoky, Norma Connolly, Victor French, Loretta Leversee, Lou Frizzell.

Sortie salles U.S: 23 Mai 1972. France: 20 Décembre 1972

FILMOGRAPHIE: Robert Mulligan est un réalisateur américain, né le 23 Août 1925 à New-York, décédé le 20 Décembre 2008 à Lyme, Connecticut. 1957: Prisonnier de la peur. 1960: Les pièges de Broadway. 1961: Le Rendez-vous de Septembre. 1961: Le Roi des Imposteurs. 1962: l'Homme de Bornéo. 1962: Du Silence et des Ombres. 1963: Une Certaine Rencontre. 1964: Le Sillage de la Violence. 1965: Daisy Clover. 1967: Escalier Interdit. 1969: l'Homme Sauvage. 1971: Un Eté 42. 1971: The Pursuit of Happiness. 1972: l'Autre. 1974: Nickel Ride. 1978: Les Chaines du sang. 1978: Même heure l'année prochaine. 1982: Kiss me Goodbye. 1988: Le Secret de Clara. 1991: Un Eté en Louisiane.

Avertissement ! IL EST PREFERABLE D'AVOIR VU LE FILM AVANT DE LIRE CE QUI VA SUIVRE !


Pierre angulaire du fantastique éthéré autant qu'oeuvre maudite du fait de sa rareté éhontée, l'Autre est une descente aux enfers vertigineuse dans la psyché d'une innocence schizophrène. D'après le roman de Tom Tryon, l'argument fantastique alloué à la fragilité infantile fait intervenir de manière sensitive et psychologique les thèmes du dédoublement de personnalité, de la hantise et de la possession à l'aide d'une intensité dramatique terriblement éprouvante.


Car véritable drame familial auquel une dynastie est confrontée à une série de morts tragiques sous une nature solaire étrangement sereine, l'Autre illustre l'introspection délicate d'un garçon candide, perturbé par la mort de son père et de son frère jumeau. Terrifié à l'idée de mourir et apeuré par sa solitude, Niles s'imagine dans son esprit torturé que son binôme Holand est toujours en vie afin de se rassurer. Mais l'esprit machiavélique de son frère, mort dans une circonstance accidentelle, réussit à provoquer chez lui un dédoublement de personnalité afin de le contraindre à perpétrer des incidents meurtriers. Ainsi, ce scénario sombre et tortueux rehausse l'intrigue diaphane parmi le rapport étroit entretenu entre l'enfant et sa grand-mère. En effet, afin de rendre moins douloureuse l'épreuve du deuil, l'aïeule lui aura inculqué un jeu d'identification et de concentration auquel Niles doit tenter de s'infiltrer de manière sensorielle à travers l'esprit d'un être humain ou d'un animal. C'est donc par l'illusion de ce jeu de simulacre que Niles perd peu à peu pied avec la réalité en matérialisant l'apparence corporelle d'Holand.


Par conséquent, la dimension psychologique impartie à l'inconscience du gamin perturbé est d'autant plus douloureuse à supporter qu'elle touche à sa propre candeur. Cette étude de caractère d'un enfant traumatisé par le deuil et angoissé par la mort étant illustrée de manière aussi prude que profondément macabre. Le climat lourd et dépressif des contrariétés de la grand-mère et des tourments de Niles soulignant une atmosphère davantage feutrée au fil d'une série d'incidents meurtriers que l'enfant provoquera sous l'allégeance de son double. En prime, le climat anxiogène qui émaille toute l'intrigue est notamment accentué par l'attitude esseulée d'une veuve maternelle emplie de mélancolie. Incapable de supporter le deuil de deux êtres chers, cette maman introvertie mais débordante d'amour pour sa dernière progéniture se replie dans un mutisme incurable après avoir découvert avec désarroi la pathologie schizophrène de Niles. Quand bien même son point d'orgue traumatique culmine vers une découverte macabre proprement innommable auquel personne n'en sortira indemne, si bien que la dernière image glaçante nous achève par son nihilisme diabolique. On essaie alors en désespoir de cause d'élucider de notre mémoire deux questions restées en suspens ! Niles était-il réellement possédé/hanté par l'esprit indocile de son frère, ou n'était-ce que le fruit de son imagination perturbée du "jeu" spirituel d'Ada et de l'injustice de la mort ?


Clef de voûte du fantastique moderne vouée à nous éprouver sans anesthésie, de par son scénario délétère et son intensité dramatique malsaine en crescendo, L'Autre est littéralement rehaussé des interprétations magnétiques de Chris et Martin Udvarnoky. Car possédés par leur prestance bicéphale, les deux comédiens parviennent autant à provoquer l'effroi tangible qu'une empathie désespérée à travers leur jeu naturel d'une prestance aussi angélique que démoniale. Traumatisant et inoxydable.

*Bruno
28.11.12

Récompense: Prix du Meilleur Réalisateur au Festival de Catalogne en 1972

L'avis de Mathias Chaput: http://horrordetox.blogspot.fr/2012/11/the-other-de-robert-mulligan-1972.html
Très peu prolixe dans le cinéma d'outre Atlantique, Robert Mulligan signe avec "The Other" un véritable chef d'oeuvre du cinéma fantastique contemporain...
Un scénario d'une originalité totale, sans redondances ni esbroufes...
Aucun effet gore n'est à déplorer dans le métrage !
Un climat malsain s'intègre parfaitement prenant le contre-pied de l'environnement et de l'innocence des protagonistes qui y végètent, en l'occurrence de simples et frêles pré adolescents qui ne demandent qu'à vivre et aimer la vie !
L'astuce de Mulligan consiste à faire virer crescendo son intrigue avec une révélation imparable et glaçante au bout d'une heure de projection !
Puis il fait tout partir en live pendant la dernière demie heure !
Dans la lignée de "Psychose" réalisé douze ans avant, voire même un petit côté "Carnival of souls" mais se démarquant par une mise en scène affûtée aux limites de l'onirisme, matinée de la plus grande schizophrénie pour le personnage principal !
"The other" est un film culotté et carrément révolutionnaire qui fera date dans le genre !
Avec des séquences sorties de nulle part, notamment cette virée dans une fête foraine avec les "monstres", ou ce plan aérien où Nels s'imagine être un corbeau survolant le village !
Mulligan ne recule devant aucun stratagème pour augmenter la terreur chez le spectateur, jusqu'à un final apocalyptique à la fois immoral et sans "happy end" !
Très bien joué et excellemment mis en scène, "The other" est à marquer d'une pierre blanche, film rare et précieux, il se doit d'être vu par tout cinéphile fantasticophile !
Note : 10/10 (pour l'originalité du scénario et l'intelligence du traitement de ce dernier)

                                        

mardi 27 novembre 2012

LES REVOLTES DE L'ILE DU DIABLE (Kongen av Bastøy). Amanda 2011 du Meilleur Film Norvégien

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Marius Holst. 2010. Norvège/Pologne/Suède/France. 1h55. Avec Benjamin Hesltad, Trond Nilssen, Stellan Skarsgard, Kristoffer Joner, Trond Nilssen.

Récompense: Amanda 2011 du Meilleur Film Norvégien

Sortie salles France: 23 Novembre 2011. Norvège: 17 Décembre 2010

FILMOGRAPHIE: Marius Holst est un réalisateur, producteur et scénariste norvégien, né en 1965 à Oslo.
1990: Besokstid. 1994: Croix de bois, croix de fer. 1996: Lukten av mann. 1997: 1996: Pust pa meg !
2001: Oyenstikker. 2003: Tito ar dod. 2006: Kjoter (télé-film). 2007: Blodsband. 2010: Les Révoltés de l'île du diable.


Inspiré d'une histoire vraie, Les Révoltés de l'île du Diable retrace les conditions de vie drastiques d'une poignée de délinquants au sein d'un centre de redressement norvégien. Les évènements se déroulent sous un hiver réfrigérant de 1915. Le centre situé à Bastoy est implanté sur une île sous le commandement d'un directeur insidieux et d'un surveillant sadique. Mais l'arrivée d'une forte tête va peu à peu perturber leur hiérarchie et finalement déclencher une insurrection de grande ampleur.
Photo limpide contrastant avec son climat hivernal rigoureux, Les Révoltés de l'île du Diable est un puissant témoignage sur l'endurance de survie autant qu'un réquisitoire contre le despotisme d'une hiérarchie disciplinaire. Le sentiment d'isolement éprouvé au sein de cette île maudite laisse planer une solitude blafarde parmi le séminaire de jeunes désoeuvrés livrés aux pires corvées. Soumis à l'esclavage d'une discipline de fer et desservis par une alimentation précaire, les adolescents les plus arrogants sont notamment livrés à divers sévices corporels et humiliations par l'impassibilité d'un surveillant licencieux. Pour les plus opiniâtres d'entres eux avides d'évasion, l'isolement du cachot ou les travaux forcés pratiqués à proximité d'une forêt pluvieuse sont les punitions exemplaires afin de les dissuader d'une prochaine tentative.


Auscultant les conditions de vie tyranniques que vont subir ces jeunes délinquants durant plusieurs années d'emprisonnement, Marius Holst nous décrit avec un réalisme blafard cette descente aux enfers particulièrement abrupte. Majoritairement interprété par des comédiens débutants criants de vérité, la densité humaine qui émane de ses souffres douleurs nous émeut d'une manière terriblement empathique, d'autant plus qu'un ultime baroud d'honneur va laisser place à une rébellion belliqueuse. C'est en priorité vers la caractérisation de deux adolescents de prime abord contradictoires dans leur personnalité distinct qu'il s'attache à nous décrire leur calvaire mais aussi leur sens de camaraderie avec une affliction rude. En outre, à travers le discours moralisateur du directeur de prison (superbement incarné par un Stellan Skarsgârd castrateur), le réalisateur évoque sa lâcheté et son hypocrisie à oser tolérer un abus sexuel sur mineur sous couvert de bonne conscience. Vibrant témoignage de bravoure, de vaillance et d'honneur, ce portrait d'une adolescence souillée se révèle d'autant plus implacable par son impact effrayant qu'il est réellement inspiré d'évènements réels (comme le témoigne son générique de fin faisant défiler quelques photos d'archives où de vrais prisonniers juvéniles exerçaient des travaux de plantation !).


Elégie d'une fraternité inconsolable entre deux héros déchus, pamphlet contre le totalitarisme et témoignage édifiant sur la cruauté tolérée à de jeunes délinquants, Les Révoltés de l'île du Diable est une épreuve de survie d'une acuité émotionnelle cafardeuse. Son inévitable point d'orgue dramatique alloué au surpassement de soi et à la dignité humaine laisse en mémoire une conclusion amère sur l'intransigeance d'une société impitoyable.

Note subsidiaire: Le centre de détention de Bastøy, créé en 1900, est resté dans une discipline très stricte jusqu'en 1953, puis il est transformé en prison en 1970. Cette prison est maintenant un lieu d'expérimentation pour devenir la « première prison écologique au monde ».

27.11.12
Bruno Matéï 

lundi 26 novembre 2012

L'Etrange Créature du Lac noir (The Creature from the Black Lagoon)

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Jack Arnold. 1954. U.S.A. 1h19. Avec Richard Carlson, Julie Adams, Richard Denning, Antonio Moreno, Nestor Paiva, Whit Bissell, Sydney Mason, Bernie Gozier.

Sortie salles France: 13 Avril 1955. U.S: 5 Mars 1954

FILMOGRAPHIE: Jack Arnold est un réalisateur américain, né le 14 Octobre 1916, décédé le 17 Mars 1992. 1950: With These Hands. 1953: Le Crime de la semaine. 1953: Filles dans la nuit. 1953: Le Météore de la nuit. 1954: l'Etrange Créature du lac noir. 1955: La Revanche de la créature. 1955: Tornade sur la ville. 1955: Tarantula. 1955: Crépuscule Sanglant. 1956: Faux Monnayeurs. 1957: l'Homme qui Rétrécit. 1957: Le Salaire du Diable. 1958: Le Monstre des abîmes. 1958: Madame et son pilote. 1959: Une Balle signé X. 1960: La Souris qui rugissait. 1961: l'Américaine et l'amour. 1964: Pleins phares. 1969: Hello Down There. 1975: The Swiss Conspiracy.


Classique du monster movie des années 50 , l'Etrange Créature du lac noir marqua notamment une génération de cinéphile quand il fut autrefois projeté à la télévision dans le cadre de l'émission d'Eddie Mitchel, la Dernière Séance. Tous les spectateurs s'étaient alors empressés d'acheter une paire de lunette vendue avec le magazine Télé 7 Jours afin de pouvoir bénéficier de l'effet 3D escompté. Ce 19 Octobre 1982 fut donc une première en France pour l'exploitation du relief sur petit écran. Mais en dépit de son succès d'audience inévitable, l'expérience n'a pu être renouvelée, faute de l'inefficacité visuelle des lunettes assujetties aux filtres bleues et rouges. Dans la mouvance de King KongJack Arnold nous concocte un film d'aventures riche en péripéties lorsqu'une créature amphibie sème la terreur auprès de scientifiques partis en expédition amazonienne. En effet, après avoir découvert une main fossilisée, des chercheurs décident d'embarquer à bord d'un bateau pour rejoindre le lagon noir. C'est dans cette mystérieuse lagune qu'ils vont devoir se mesurer à l'hostilité d'un monstre aquatique ! 


Suspense lattent, exotisme et frissons ludiques sont les ingrédients inhérents d'un succès si mondialement célébré à travers le monde que deux autres suites furent rapidement mises en chantier. Bien entendu, si l'aspect effrayant de la créature peut aujourd'hui prêter à sourire, son pouvoir de fascination qu'il véhicule à travers son apparence mi-humaine, mi-amphibie, ainsi que la qualité des effets-spéciaux confectionnées à l'aide d'un costume en mousse de caoutchouc, n'ont rien perdu de sa poésie formelle. A l'instar de King-Kong, Jack Arnold accorde notamment une certaine empathie pour l'amertume esseulée du monstre, subitement épris d'affection pour Kay Lawrence, la jeune femme du Dr Reed. En outre, à travers le profil arrogant d'un rival mégalo (le Dr Mark Williams), il met en exergue l'avidité de l'homme délibéré à capturer une espèce inconnue pour son ego et sa quête métaphysique sur l'origine de l'univers. Il confronte par ailleurs l'intrusion désinvolte de chercheurs notables au sein d'un environnement sauvage où la nature était en parfaite harmonie.  Au fil des nombreuses estocades improvisées par la créature toujours plus coriace, la vigueur de la mise en scène s'impartie d'un rythme davantage haletant lorsque nos héros bloqués en interne de la lagune seront contraints de se défaire d'un barrage pour retrouver la liberté.


De par sa jolie photo monochrome, la dextérité d'une réalisation efficace, le talent de ses interprètes et surtout le magnétisme inquiétant du monstre amphibien, l'Etrange créature du Lac noir perdure son pouvoir attractif avec un charme naïf irrépressible. 

*Bruno
26.11.12

vendredi 23 novembre 2012

TROIS NOISETTES POUR CENDRILLON (Tri orísky pro Popelku)

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site niagara.sk

de Vaclav Vorlicek. 1973. Tchécoslovaquie/RDA. 1h22. Avec Libuse Safrankova, Pavel Travnicek, Carola Braunbock, Rolf Hoppe, Karin Lesch, Dana Hlavacova, Jan Libicek, Vitezslav Jandak, Jaroslav Drbohlav, Vladimir Mensik.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE (wikipedia): Vaclav Vorlicek est un réalisateur tchèque, né le 3 Juin 1930 à Prague.
Il joue un rôle important dans le succès de l'industrie cinématographique tchèque dans les domaines de conte de fées et la comédie. Après une formation à la Faculté du film de l'académie tchèque des arts musicaux entre 1951 et 1956, il a travaillé pour les Studios Barrandov comme réalisateur et scénariste. Surtout dans les années 1980, il produit de nombreux films pour enfants. Vorlíček à travaillé ensemble avec le scénariste et écrivain Milos Macourek pendant de nombreuses années.1973: Trois Noisettes pour Cendrillon


Enième adaptation du conte de Charles Perrault mais aussi des Frères Grimm, Trois Noisettes pour Cendrillon est la version tchèque d'un spécialiste de films pour enfants. Classique télévisuel des soirées d'hiver en Europe Centrale, cette fantaisie féerique reprend l'histoire de Cendrillon sous une forme plus espiègle par l'impertinence de sa propre égérie.

Fille de ferme, Cendrillon est la bonne à tout faire sous l'allégeance d'une mégère opiniâtre et de sa soeur railleuse. Un jour, en se promenant dans les bois avec son cheval blanc, elle fait la rencontre d'un prince escorté de deux de fidèles comparses. Après avoir entamé un jeu de brimade, le couple se sépare mais se retrouve un peu plus tard lors d'une chasse à l'épervier. Grâce au pouvoir magique de trois noisettes que l'un de ses amis lui aura offert, Cendrillon va pouvoir se vêtir en robe de princesse afin d'assister à la soirée d'un bal organisé. Sous l'autorité de son père souverain, le prince est contraint de choisir la femme de sa vie parmi l'assemblée des invitées. 


Au sein de vaste étendues enneigées d'une nature pastel, Trois Noisettes pour Cendrillon est d'abord un enchantement visuel par l'aura gracile d'une forêt florissante. Avec le charme et la volupté d'une jeune fille assujettie à la méchanceté de sa belle-mère et de sa soeur, ce conte idyllique nous retrace son destin singulier par la grâce d'une légende métaphorique sur l'alchimie amoureuse. Romance enchanteresse, comédie pittoresque et fantaisie féerique allouée aux prestiges de certains animaux (pigeons, hibou et cheval blanc) sont les ingrédients usuels d'une oeuvre modeste principalement focalisée sur le charme de ses interprètes. La beauté candide de cette nouvelle Cendrillon inspire immédiatement l'attachement auprès du public tant son aisance naturelle réussit à nous véhiculer une gentille impertinence en dépit de sa condition d'esclave. Tandis que la naïveté d'un prince indécis et la méchanceté d'une mégère dédaigneuse vont être au centre d'une requête pour un enjeu sentimental. C'est finalement la découverte d'une chaussure égarée qui permettra aux deux amants de s'unifier après avoir déjouer l'affabulation d'une mégère risible. Ce destin inespéré octroyé à deux amants amoureux nous illustre donc avec lyrisme l'exaltation du sacre du mariage, en dépit de la distinction de leur souche sociale.


Pittoresque, frivole et enchanteur, Trois Noisettes pour Cendrillon renoue avec le charme et la fraîcheur de sa légende inoxydable. Avec le tempérament fougueux de ses interprètes complices, sa comptine musicale entêtante et son esthétisme naturel originaire d'Europe Centrale, cette rareté introuvable saura convaincre sans peine tous les amoureux de contes et légendes enfouis depuis notre tendre enfance. Un cadeau de noël inestimable car devenu une relique au pays français, malgré une communauté de fans indéfectibles. 

Un grand merci à l'Univers Fantastique de la Science-Fiction
23.11.12
Bruno Matéï

                                          

jeudi 22 novembre 2012

Killer Joe

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de William Friedkin. 2012. U.S.A. 1h42. Avec Matthew McConaughey, Emile Hirsch, Thomas Haden Church, Gina Gershon, Juno Temple, Marc Macaulay.

Sortie salles France: 2 Septembre 2012. U.S: 27 Juillet 2012

FILMOGRAPHIEWilliam Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés à la cérémonie des Oscars d'Hollywood. 1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe.


Depuis Traqué et Bug, William Friedkin semble retrouver son insolence et sa verve subversive pour nous replonger avec masochisme dans l'univers insondable d'antagonistes névrosés. Et son p'tit dernier, Killer Joe, ne déroge pas à la règle. Il enfonce même le clou dans la putasserie crapuleuse pour mieux parfaire une intrigue criminelle au vitriol. Le pitch: Une famille de péquenots décide de se débarrasser de l'ex mégère maternelle afin de toucher la prime d'assurance vie qu'ils se partageront entre eux. Pour ce faire, il demandent l'aide de Joe, un flic tellement véreux qu'il accomplit parfois de sales besognes meurtrières en guise de gain. Mais rien ne se déroulera comme prévu...


Farce macabre fustigeant une famille de pieds nickelés sous l'allégeance d'un flicard psychopathe, Killer Joe constitue un chemin de croix que l'on ne voit pas venir de prime abord par son classicisme éprouvé. Illustrant avec une dérision caustique une galerie de personnages tous plus méprisables, lâches et ridicules, William Friedkin nous entraîne dans une drôle de sarabande autour d'une conjuration sordide. Un amant flâneur, un fiston dealer de drogue à la petite semaine, une belle mère infidèle et une soeur rétrograde caractérisent la famille dysfonctionnelle dans toute son ignominie pour le compte de leur cupidité. Ainsi, avec l'entraide d'un flic malhonnête, flegmatique et adroit, William Friedkin se prend un malin plaisir à nous décrire cet antagoniste d'une façon ordinaire de prime abord. Jusqu'au moment où cet individu zélé décide de courtiser la soeur potiche en guise de caution si bien que la famille fauchée ne peut se résoudre à lui payer d'avance la somme de 25 000 dollars. S'ensuit une séquence de drague aménagée sous l'influence tranquille de Joe totalement fasciné par la beauté pastel de la jeune vierge étourdie. L'étrange malaise sous-jacent entretenu lors du strip nous est pourtant décrite d'une manière presque sereine à travers les échanges fascinés de regards timorés. Mais la prestance hermétique de Joe semble nous suggérer que cet homme sans scrupule est capable de se complaire dans la perversité, d'autant plus que la jeune fille s'avère ramolli du ciboulot.


Faisons place ensuite aux déconvenues avec une bande de dealers revanchards. Chris, démuni du moindre gain, semble sombrer dans une impasse et envisage peut-être de faire marche arrière pour le sort inévitable de sa mère. C'est à ce moment irréversible que les revirements saugrenus vont fulminer au sein de la famille lorsqu'un subterfuge dérisoire remettra tout en question. Cette dernière partie intempestive culmine sa déchéance morale vers un bain de sang grotesque à la folie paroxystique contagieuse. Les séquences de violence et d'humiliations atteignant ici des sommets d'intensité dramatique insupportables. D'autant plus que l'ambiance nauséeuse est décuplée par un réalisme poisseux découlant des exactions castratrices d'un Joe étrangement peinard. Et on peut dire qu'à ce niveau, l'interprétation incisive de Matthew McConaughey atteint des sommets de perversité tacite/ explicite tant le comédien insuffle à son personnage désaxé une aura hermétique glaciale. 


Les Charognards
Caustique, étrangement déstabilisant et nihiliste de par sa description déshumanisée d'une famille de nigauds couards, Killer Joe est un bad trip venimeux. Un film noir tentaculaire compromis à la provocation d'un Friedkin plus indocile que jamais dans son état d'esprit forcené. Le climat hermétique trouble et sournois nous entraînant dans une descente aux enfers, un jeu de massacre où la bassesse humaine atteint des sommets de cynisme. 

*Bruno Matéï
25.04.22
22.11.12

RécompenseSouris d'or à la Mostra de Venise, 2011